Faide
La faide (en allemand fehde, en italien faida, en anglais feud) était, dans les sociétés germaniques (Francs, Burgondes, Lombards, etc.), un système de vengeance privée opposant deux familles ennemies, deux clans, deux tribus, etc. Si ce système disparaît d'Europe au cours du Moyen Âge, il se rapproche par bien des traits de la « vendetta » connue jusqu'à l’époque actuelle dans les îles méditerranéennes (Corse, Sardaigne, Sicile), dans le sud de l'Italie (Mezzogiorno), dans les Balkans (notamment en Albanie et au Kosovo), ainsi qu'en Turquie (surtout en Anatolie, au Kurdistan et dans la région de Trébizonde).
Étymologie
Le mot français faide vient du Vieux haut-allemand fehida (Proto-germanique : *faihitha), signifiant « ennemi » (Feind en allemand, foe en anglais).
Fondement et place dans le droit coutumier
Extrêmement codifié après la promulgation des Capitulations de Mayence (1235), le recours à la faide était souvent le résultat d'un verdict rendu par les juges locaux et leurs assesseurs dans les assemblées publiques (ces assemblées portaient en général le nom latin de mallus publicus).
Cette faide avait donc une dimension fortement collective. Si, par exemple, un homme libre avait offensé la famille d'un autre et qu'il en était jugé coupable par les tribunaux, la famille lésée possédait un droit de faide sur la première. Concrètement, un meurtre pouvait en entraîner un autre (pas forcément celui du meurtrier lui-même : tout membre de son groupe familial pouvait être visé). Il pouvait en être de même pour un délit comme l'incendie ou le vol. La faide représente donc une sorte de privatisation de la justice et du châtiment : dans ce système, ce n'est pas la puissance publique qui punit les crimes et les délits, mais ce sont les individus et les groupes lésés qui se font justice eux-mêmes. Le rôle de la puissance publique se limite à légitimer le recours à la violence de la part du groupe lésé contre le groupe reconnu coupable d'agression.
Cette pratique disparut peu à peu sous l'influence du droit romain, puis grâce à l'action des Carolingiens : la violence légitime, sous leur direction, devint peu à peu le monopole de la puissance publique. Les Mérovingiens comme les Carolingiens développèrent aussi des systèmes de compensation (le Wergeld) : le recours à la faide pouvait être remplacé par le versement d'une somme d'argent, dont le montant était fixé par la loi. La Loi salique témoigne de cet effort de rationalisation et de pacification dans l'usage de la faide.
Époque contemporaine
Il y avait encore au début du XXIe siècle des faides dans le sud de l'Italie, notamment à Ercolano dans la province de Naples. Une faide entre la famille Birra et la famille Ascione, débutée au début des années 1990, faisait encore 18 morts au cours des années 2007 et 2008[1]. Actuellement, une faide se déroule depuis 1978 dans la région de Foggia dans les Pouilles : la Faida del Gargano. Opposant deux familles d'éleveurs originaires de Monte Sant'Angelo, les Libergolis (et leurs alliés) et les Alfieri-Primosa (et leurs alliés), la faide a causé la mort d'au moins 35 personnes. À l'origine de cette faide, du vol de bétail[2]. En Sardaigne, une faide débutée dans les années 1950 en Barbagia (une région rurale et traditionnelle qui est aussi la plus criminogène de l'île) a causé la mort d'une centaine de personnes dans la province de Nuoro, principalement à Orune et dans les villages environnants[3].
Notes et références
- (it) « Ercolano, la faida dei 18 caduti », La Repubblica, 18 septembre 2008.
- (it) Article de La Gazzetta del Mezzogiorno.
- (it) Pinna Alberto, « Mezzo secolo e più di cento morti : la faida (senza ragioni) di Orune », Corriere della Sera, 6 février 2007 (version archivée).