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Le Quart Livre

Le Quart Livre est un roman Ă©crit par François Rabelais et publiĂ© dans sa version dĂ©finitive en 1552. Cette suite des aventures de Pantagruel germe dans un contexte dĂ©licat pour l’écrivain, mis en difficultĂ© par les thĂ©ologiens de la Sorbonne aprĂšs la publication du Tiers Livre. Il parvient cependant Ă  obtenir la protection du cardinal Odet de Coligny et l'ouvrage connaĂźt un succĂšs rapide malgrĂ© une nouvelle tentative de censure. Les prologues tĂ©moignent de ce contexte polĂ©mique.

Le Quart Livre
Image illustrative de l’article Le Quart Livre

Auteur François Rabelais
Pays Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Genre Roman
Date de parution 1552
Chronologie

Écrit avec la verve comique dont François Rabelais est coutumier, le roman consiste en un rĂ©cit de voyage en mer oĂč les protagonistes rencontrent des crĂ©atures et des lieux invraisemblables qui entrent en rĂ©sonance avec les prĂ©occupations humanistes de l'auteur. À la suite de leur dĂ©cision prise Ă  la fin du Tiers Livre, Pantagruel, Panurge et leurs compagnons embarquent sur la ThalamĂšge vers l'oracle de la Dive Bouteille qu'ils atteindront dans Le CinquiĂšme Livre.

Le roman reprend des caractĂ©ristiques du rĂ©cit de voyage, en lien avec la curiositĂ© pour les nouvelles contrĂ©es explorĂ©es dans le cadre des grandes dĂ©couvertes. Il en dĂ©tourne cependant l'esprit par son tour satirique et les Ă©lĂ©ments merveilleux. L'itinĂ©raire s'inspire de la mythologie grecque et en particulier de la quĂȘte de la toison d'or.

L'architecture du roman est diversement interprĂ©tĂ©e : une juxtaposition d'Ă©pisodes indĂ©pendants sans cohĂ©sion d'ensemble, un rĂ©cit structurĂ© par des constances thĂ©matiques (les sacrements, la tempĂȘte, les monstres) ou au contraire un texte fortement structurĂ© dont le centre serait le combat contre le PhysetĂšre.

La narration comporte une forte dimension allĂ©gorique, notamment par l'Ă©numĂ©ration des lieux. Elle est cependant obscurcie par le mĂ©lange des registres et est tournĂ©e en dĂ©rision par le narrateur lui-mĂȘme. En revanche, la satire incarne plus ouvertement les convictions humanistes de François Rabelais, qui attaque la vĂ©nalitĂ© de la justice et surtout reprend les critiques Ă©vangĂ©listes contre les abus de la papautĂ©.

Le style du Quart Livre cultive le goĂ»t de l'Ă©rudition joyeuse. Les calembours, les proverbes, les apophtegmes, les listes et les onomatopĂ©es relĂšvent ainsi Ă  la fois d'un jeu linguistique et d'une rĂ©flexion sur les mots. La fin du roman, en particulier l'Ă©pisode des paroles gelĂ©es, montre bien la place que le langage occupe dans la trame narrative, l'interprĂ©tation des signes Ă©tant au cƓur de ce passage.

Comme dans les autres romans rabelaisiens, la dimension comique du Quart Livre est marquée par une certaine ambivalence : des éléments farcesques volontiers cruels sont contrebalancés par les idéaux humanistes. Cette ambivalence se retrouve dans la représentation des monstres, qui construisent la dimension burlesque et merveilleuse du récit tout en étant riches d'implications symboliques, ou encore dans les thÚmes obscÚnes qui participent à la charge satirique du roman tout en renvoyant à sa dimension carnavalesque et aux idéaux évangéliques.

François Rabelais emprunte Ă  de nombreuses sources antiques et contemporaines pour construire son roman, comme Lucien de Samosate ou Teofilo Folengo. Le recours Ă  Hippocrate tĂ©moigne de son intĂ©rĂȘt pour la mĂ©decine tandis que les emprunts Ă  diffĂ©rents genres dramatiques donnent un aspect thĂ©Ăątral Ă  plusieurs scĂšnes.

GenĂšse

Contexte biographique

Chapelle Saint-Genest de Metz
Chapelle mitoyenne Ă  la maison de Rabelais Ă  Metz.

Les dĂ©placements et les activitĂ©s de Rabelais entre la publication du Tiers Livre en 1546 et la version finale du Quart Livre en 1552 sont mal connus[1]. La condamnation du Tiers Livre par les autoritĂ©s de la Sorbonne le pousse Ă  s'exiler Ă  Metz, qui est alors une ville libre d'Empire, oĂč il accomplit peut-ĂȘtre une mission diplomatique pour le compte des Du Bellay[2]. Il y Ă©crit sans doute au moins une partie du Quart Livre de 1548, comme le laissent penser des allusions aux derniĂšres sessions du concile de Trente[3]. François Ier, favorable Ă  Rabelais, meurt le . Il est possible que Rabelais accompagne son protecteur le cardinal Jean du Bellay lors de son voyage vers Rome, oĂč ce dernier arrive le , ou qu'il le rejoigne plus tard, aprĂšs avoir dĂ©posĂ© le manuscrit inachevĂ© de son dernier roman Ă  Lyon entre l'Ă©tĂ© 1547 et le dĂ©but de 1548[4]. En 1549 paraĂźt la Sciomachie, oĂč l'Ă©crivain cĂ©lĂšbre l'implication du cardinal au service de la couronne[5]. Les circonstances de la publication sont plus favorables en 1552, Rabelais assistant Ă  l’impression de son livre et bĂ©nĂ©ficiant de l'appui direct d'Odet de ChĂątillon et de Henri II[6].

Du Quart Livre de 1548 Ă  celui de 1552

La premiĂšre version du Quart Livre, parue en 1548, ne comporte que onze chapitres. Trois Ă©ditions ont Ă©tĂ© conservĂ©es : deux parues Ă  Lyon sans nom d'Ă©diteurs mais vraisemblablement sorties des ateliers de Pierre de Tours, l'une avec la mention de ce dernier mais sans date[MH 1]. Il dĂ©tonne par son caractĂšre inachevĂ© et se termine au milieu d'une phase complĂ©tĂ©e par une formule d'avocat : « Vray est que quia plus n'en dict[7]. » Plusieurs hypothĂšses tentent d'expliquer cette parution manifestement hĂątive : un vol de manuscrit, que dĂ©mentent la prĂ©sence d'un prologue et le privilĂšge royal de 1550 ; des raisons Ă©conomiques supposĂ©es par les difficultĂ©s financiĂšres de l’écrivain ou une volontĂ© de rĂ©pondre Ă  l'actualitĂ© politique immĂ©diate, comme le refus de Charles Quint d'admettre Henri II au sein de l'ordre de la Toison d'or[MH 2]. Les Ă©ditions sorties des presses de Pierre de Tours n'ayant pas les caractĂ©ristiques orthographiques de l'Ă©crivain, il est plausible que celui-ci confia le manuscrit Ă  un Ă©diteur parisien, qui le publia dans une Ă©dition perdue, reprise ensuite par Pierre de Tours, qui imposa les usages de son atelier[8].

La version définitive sort le chez Michel Fezandat, accompagnée d'un court texte, la « Briefve declaration », une forme de lexique dont l'attribution à Rabelais a été un temps débattue. La vente du roman est suspendue deux semaines par le Parlement en raison de la censure de la faculté de théologie. Celle-ci ne réussit néanmoins pas à entraver le succÚs rapide de l'ouvrage, comme le montrent les rééditions et les contrefaçons avérées dÚs cette année-là[9].

Résumé analytique

Des prologues sur la défensive

Portrait d'Odet Coligny
Le cardinal Odet de Coligny, formĂ© par Nicolas Berauld, un admirateur d’Érasme comme Rabelais, a entre 28 et 30 ans lorsqu'il accorde sa protection Ă  l'humaniste tourangeau, alors ĂągĂ© d'une cinquantaine d'annĂ©es[10].

L'Ă©dition de 1552 commence par une Ă©pĂźtre au cardinal Odet de Coligny, grĂące auquel elle a obtenu le privilĂšge de 1550[MH 3]. Reprenant en partie la prĂ©face de 1548[MH 3], Rabelais explique que ses mythologies pantagruĂ©liques servent avant tout Ă  rĂ©jouir ses lecteurs ; de mĂȘme, allĂ©guant l'autoritĂ© d'Hippocrate, il ajoute que le mĂ©decin ne doit pas hĂ©siter Ă  se dĂ©guiser et Ă  afficher une mine plaisante pour le bien du malade[MH 4]. Il se plaint des accusations d'hĂ©rĂ©sie portĂ©es par certains « Canibales, misantropes, agelastes »[MH 5] dĂ©signant sans doute les attaques de la FacultĂ© de la Sorbonne, de Calvin ou de Puy-Herbault, religieux de l'abbaye de Fontevraud[MH 6], et remercie le cardinal pour la protection qu'il accorde avec le roi. L'Ă©pĂźtre, si elle ne reprend pas la verve habituelle des prologues rabelaisiens, affirme la dignitĂ© de la finalitĂ© comique et en appelle Ă  la bienveillance du lecteur, pareille Ă  celle de François Ier Ă©coutant l'anagnoste Pierre du Chastel lisant les livres rabelaisiens. De maniĂšre incidente, l'Ă©pĂźtre rend ainsi hommage Ă  la parole vive et salvatrice dĂ©jouant les malentendus et les calomnies, le cardinal Ă©tant comparĂ© Ă  l'Hercule gaulois, figure de l’éloquence inventĂ©e par Lucien[11]. Le refus d'abandonner l’écriture est associĂ© Ă  la poursuite de son Ɠuvre mĂ©dicale, comme l'indique la signature de la lettre qui mentionne la profession de l’écrivain. Rabelais confirme une nouvelle fois le sĂ©rieux de son entreprise riante et dĂ©nie Ă  ses contempteurs le droit de le juger[12].

Le prologue de 1548, quant Ă  lui, annonce la nature et la fonction de l'ouvrage, glisse des allusions politiques en dĂ©crivant la bataille des pies et des geais[N 1] - [MH 7] et insiste avec gravitĂ© sur l'hypocrisie et les mensonges de ceux qui l'attaquent. Celui de 1552, enfin, en complexifie la structure et en Ă©largit la portĂ©e. Rabelais, en apparence moins polĂ©mique, se livre notamment Ă  un Ă©loge de la mĂ©diocritĂ©, comprise alors comme la conjugaison du juste milieu et de l'humilitĂ©, qui l'amĂšne Ă  Ă©voquer l'histoire de ZachĂ©e et surtout celle de Couillatris, inspirĂ©e directement d'une fable d'Ésope. Ce bĂ»cheron perdit sa cognĂ©e et se lamenta si fort que ses plaintes parvinrent Ă  Jupiter, alors occupĂ© Ă  rĂ©soudre des questions de politique internationale avec les autres dieux de l'Olympe, comme l’expansion moscovite contre les Tartares. Il demande Ă  Mercure de prĂ©senter Ă  l'infortunĂ© trois haches (la sienne, une en or et une en argent) et de lui couper la tĂȘte s'il en prend une mauvaise. Couillatris opte pour le bon choix et, en rĂ©compense de sa modestie, reçoit les deux autres, ce qui l'enrichit. Des paysans voisins cherchent Ă  l'imiter mais prĂ©fĂšrent le choix fatal de la hache d'or. Ce prologue comporte cependant une part d'ambiguĂŻtĂ©, puisque les rĂ©criminations du juste ont eu une influence favorable sur le destin, ce qui invite Ă  lire au-delĂ  du boniment de surface qui fait l'Ă©loge de la simplicitĂ©[13].

Un itinéraire mystérieux

Gravures de licornes.
Des licornes sont Ă  vendre dans l'Ăźle de Medamothi.

Le rĂ©cit commence avec l’embarquement vers l'oracle de la Dive Bouteille Ă©voquĂ© Ă  la fin du Tiers Livre. Le jour de la fĂȘte des Vestales, Pantagruel prend la mer avec ses compagnons sur la ThalamĂšge, navire dont le nom avait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme un nom commun dans le roman prĂ©cĂ©dent, accompagnĂ© de douze autres navires dont la description renvoie Ă  de nombreux signes religieux et alchimiques[MH 8]. La description de la route prise au dĂ©but du voyage, destinĂ©e Ă  Ă©viter le passage par le cap de Bonne-EspĂ©rance, s'avĂšre relativement obscure, peut-ĂȘtre involontairement ou manifestant une volontĂ© de perdre le lecteur, suggĂ©rant aussi bien une navigation vers le nord-ouest, suivant le chemin de Jacques Cartier, que vers le nord-est, comme le laisse penser la mention des Indiens ayant pris ce trajet pour arriver en Germanie[MH 9].

La premiĂšre escale s'effectue dans l'Ăźle de Medamothi (du grec ΌηΎαΌόΞÎč (mĂȘdamĂłthi), « nulle part »)[MH 10]). Les protagonistes arrivent un jour de foire, rĂ©unissant les plus riches marchands d'Afrique et d'Asie, et sont fascinĂ©s par les marchandises exotiques et les animaux Ă©tranges qu'ils dĂ©couvrent. FrĂšre Jean acquiert deux portraits qu'il paie en « monnaie de singe »[N 2] - [MH 11] ; Panurge achĂšte une peinture imitant la broderie de PhilomĂšle qui montre le crime de TĂ©rĂ©e ; EpistĂ©mon en prend une autre dĂ©peignant les idĂ©es de Platon et les atomes d'Epicure et Rhizotome une qui reproduit fidĂšlement Écho. Entre autres curiositĂ©s, Pantagruel prend possession de trois licornes et d'un tarande, c'est-Ă -dire un renne, rĂ©putĂ© changer de couleur selon son environnement et ses affections, ces deux curiositĂ©s cryptozoologiques Ă©tant empruntĂ©es Ă  l’Histoire naturelle de Pline[MH 12]. L’üle de Medamothi ouvre ainsi le roman sur le merveilleux mais aussi sur l'illusoire, la tromperie et le mirage, Ă  l'image des tableaux qui montrent des choses irreprĂ©sentables[14]. Ce passage a donnĂ© lieu Ă  des interprĂ©tations contradictoires : il manifesterait soit un penchant pour le symbolisme alexandrin, soit un goĂ»t prĂ©classique de l'imitation idĂ©alisĂ©e ou encore un jeu d'autorĂ©fĂ©rence dans la fiction. La toile d'EpistĂ©mon a Ă©tĂ© ainsi perçue comme une parodie des tentatives nĂ©oplatoniciennes de rendre visible l'intelligible par le biais des hiĂ©roglyphes[15].

Un navire rapide réussit à rattraper l'équipage. Malicorne, un écuyer de Gargantua, remet une missive dans lequel le pÚre interroge son fils sur le début du voyage, rappelant que « le commencement est la moytié du tout »[MH 13] - [N 3] - [MH 14]. La réponse de Pantagruel, dans un style cicéronien qui contraste avec l'écriture archaïque de la lettre précédente, manifeste sa reconnaissance et sa piété filiale. Ce passage est également l'occasion de présenter l'art de la colombophilie, l'usage des pigeons voyageurs s'étant alors perdu en Europe[16].

Moutons de Dindenault

ProcĂšs de Pathelin.
La Farce de MaĂźtre Pathelin est Ă©voquĂ©e Ă  la fin de l'Ă©pisode : « Reste il icy, dist Panurge, ulle ame moutonniere ? OĂč sont ceux de Thibault l'Aignelet ? »[17]

En continuant leur navigation, les protagonistes rencontrent ensuite un navire marchand de retour du Lanternoys. Ils apprennent la tenue prochaine du chapitre gĂ©nĂ©ral des Lanternes, oĂč l'assemblĂ©e s'apprĂȘte Ă  lanterner profondĂ©ment, c'est-Ă -dire Ă  dĂ©biter des niaiseries[N 4]. Le marchand Dindenault[N 5] - [MH 15] se met alors Ă  se moquer de l'accoutrement de Panurge, qui, depuis le Tiers livre, porte, comme vƓu de mariage, ses lunettes sur son chapeau et un costume dĂ©pourvu de braguettes. Dindenault le traite de cocu. Panurge rĂ©torque par une injure obscĂšne. Le marchand sort son Ă©pĂ©e. FrĂšre Jean le menace Ă  son tour, mais la situation s’apaise grĂące aux supplications du capitaine et des passagers. AprĂšs avoir invitĂ© EpistĂ©mon et FrĂšre Jean Ă  profiter du spectacle, Panurge prie Dindenault de lui vendre un mouton. Ce dernier louvoie, continue Ă  envoyer des piques Ă  son interlocuteur, qualifiĂ© de robin, de pendard et de bouffon, et vante la qualitĂ© exceptionnelle de ses moutons. Ils appartiendraient en effet Ă  la race de Chrysomallos, le bĂ©lier Ă  la toison d'or, et chaque partie bĂ©nĂ©ficierait de qualitĂ©s exceptionnelles : leur laine servirait de matiĂšre premiĂšre aux draps de Rouen ; leur cuir sera vendu comme du maroquin de Turquie ou de MontĂ©limar ; leur urine fertiliserait les champs comme « Dieu y eust pissĂ© »[MH 16] et leurs crottes soigneraient 78 maladies
 SommĂ© par le capitaine d'en finir, le marchand lui cĂšde pour la somme excessive de trois livres tournois. Panurge en choisit un bien gros criant et bĂȘlant, l'emporte sous le regard et les bĂȘlements de ses congĂ©nĂšres, puis le jette Ă  l'eau. Le troupeau le rejoint, si bien que chaque mouton saute et pĂ©rit dans la mer. Le marchand, les bergers et les moutonniers s'agrippent aux bĂȘtes mais sont entraĂźnĂ©s avec elles. Panurge, muni d'un aviron pour les empĂȘcher de remonter, leur prĂȘche les misĂšres de ce monde et la beautĂ© de l’autre vie, leur promet d'Ă©riger cĂ©notaphes et sĂ©pulcres tout en leur souhaitant de rencontrer une baleine Ă  la maniĂšre de Jonas. Le navire vidĂ© de ses ovins et de leurs maĂźtres, FrĂšre Jean demande pourquoi avoir payĂ© le marchand, ce Ă  quoi Panurge rĂ©pond qu'il en a bien eu pour son argent, qu'il n'est pas un ingrat et qu'inversement jamais homme ne lui dĂ©plut sans repentance. Le moine conclut qu'il se damne comme un vieux diable, la vengeance appartenant Ă  Dieu. L'Ă©pisode, empruntĂ© aux MacaronnĂ©es de Teofilo Folengo, rappelle le caractĂšre farceur, lĂąche et rancunier de Panurge, prĂ©sent dans Pantagruel mais estompĂ© dans Le Tiers Livre, ainsi que le but du voyage, liĂ© aux craintes d'un mariage malheureux[18].

Ennasin et Cheli

PoussĂ© par le zĂ©phyr, le navire arrive au large de l'Ăźle des Alliances, autrefois nommĂ© Ennasin[N 6], peuplĂ© d'habitants au nez en forme de trĂšfle. Le podestat explique aux voyageurs qu'ils sont tous parents et alliĂ©s. Leur lien de parentĂ© s'avĂšre bien Ă©trange : une femme surnomme son mari « mon marsouin », celui-ci l'appelle « ma seiche » ; un lourdaud interpelle son alliĂ©e comme « mon matelas », qui lui rĂ©pond « ma couverture » ; un bachelier dĂ©nomme « muse » une bacheliĂšre qui le dĂ©signe avec le mot « corne », ce qui donnerait, selon Panurge, cornemuse en cas d’accouplement
 Le terme Ennasin Ă©voque les EssĂ©niens, secte alors considĂ©rĂ©e comme l'ancĂȘtre du monachisme, tandis que les liens de parentĂ© renvoient Ă  la lubie monacale de s'inventer une parentalitĂ© fictive. Ils visent sans doute aussi les amours d'alliance, une coutume mĂ©diĂ©vale transformĂ©e en mode aristocratique par laquelle des personnes contractualisaient une amitiĂ© spirituelle. Les Allianciers s'opposent ainsi au modĂšle de ThĂ©lĂšme par leur arbitraire et affichent un mĂ©pris marquĂ© pour le septiĂšme sacrement[MH 17] - [19]. Par leurs jeux de mots insensĂ©s, ils expriment Ă©galement un divorce entre le langage et l'esprit[20].

Pendant la brĂšve escale sur l’üle de Cheli, FrĂšre Jean prĂ©fĂšre s'Ă©clipser dans les cuisines plutĂŽt que d'honorer ses hĂŽtes. Une discussion s'ensuit entre les compagnons, s'interrogeant sur l'inclination des moines pour ce lieu. EpistĂ©mon raconte que lors d'un voyage Ă  Florence, un moine d’Amiens, Bernard Lardon, dĂ©plorait l'absence de rĂŽtisseries tandis que les autres s’extasiaient sur la beautĂ© des monuments. Pantagruel et Panurge renchĂ©rissent par des anecdotes qui montrent que ces endroits sont indignes aux rois mais non aux poĂštes et aux gens de moindre condition. Le mot hĂ©braĂŻque cheli, terme biblique employĂ© pour « casseroles et poĂȘles », suggĂšre qu'un motif cabalistique sous-tend le texte, liĂ© aux vases du Chevirat hakelim et Ă  la hiĂ©rarchie cĂ©leste[21].

Chicaneries et bastonnades

Un personnage se fait battre devant une foule, Pantagruel et ses compagnons.
Les Chicanous demandent Ă  ĂȘtre battus.

Le jour suivant, l'Ă©quipĂ©e arrive sur l'Ăźle de Procuration oĂč vivent procureurs et Chicanous. Ces derniers leur proposent de vendre leurs services plutĂŽt que d'offrir leur hospitalitĂ©. Un interprĂšte explique Ă  Pantagruel que les Chicanous gagnent leur vie en Ă©tant battus. Sur ordre d'un usurier, d'un prĂȘtre ou d'un avocat, ils outragent un gentilhomme qui, pour dĂ©fendre son honneur, se voit forcĂ© de le corriger sĂ©vĂšrement. S'engagent alors des procĂšs pour demander rĂ©paration, qui entraĂźnent jusqu'Ă  la ruine et Ă  l’emprisonnement du gentilhomme. Ces chicaneurs que Rabelais tourne en dĂ©rision sont les commis chargĂ©s de rĂ©clamer les impĂŽts ecclĂ©siastiques aux membres de la petite noblesse[22]. Face Ă  ce dĂ©sagrĂ©ment, Panurge rappelle le procĂ©dĂ© du seigneur de BaschĂ©, alors en lutte contre les troupes de Jules II et chicanĂ© par le prieur de Saint-Louand pendant la guerre de la Ligue de Cambrai. Il organisa des fiançailles fictives, lors desquelles une coutume prĂ©voit de se donner coups amicaux, mais prodigua Ă  ses gens des gants de joute recouverts de peau d'hermine et les invita Ă  frapper les Chicanous avec ardeur Ă  cette occasion. Le jour venu, un Chicanou gras arriva, multiplia les rĂ©vĂ©rences et ne manqua pas d'appeler son hĂŽte en justice mais Ă  la fin des festivitĂ©s, le voilĂ  rossĂ© et meurtri, repartant toutefois le sourire aux lĂšvres puisque satisfait de la rĂ©ception [23].


Le seigneur de BaschĂ© lança les ripailles et relata un tour de François Villon. Le poĂšte, ayant entrepris de prĂ©parer une Passion pour les foires de Niort, se heurta au refus du sacristain Étienne Tappecoue de lui prĂȘter une Ă©tole et une chape. Le samedi suivant, lui et les autres acteurs se dĂ©guisĂšrent en diables, paradant dans la ville chargĂ©s de peaux de bĂȘtes, de cornes et de percussions. Ils arrivĂšrent Ă  surprendre la jument de Tappecoue, qui se mit Ă  galoper et Ă  ruer si bien que son cavalier, dĂ©sarçonnĂ© mais retenu Ă  cause de son pied emprisonnĂ© dans l'Ă©trier, fut peu Ă  peu dĂ©pecĂ©. Sur ces mots, le seigneur doubla les gages de tout le monde et exprima son souhait de ne plus ĂȘtre citĂ© Ă  comparaĂźtre par les Chicanous[23].

NĂ©anmoins, comme il le prĂ©dit, la tragicomĂ©die continua. Le prieur en envoya cependant un deuxiĂšme, grand et maĂźgre. BaschĂ© et ses gens arrĂȘtĂšrent leurs jeux et leurs occupations, se prĂ©parĂšrent en vitesse et improvisĂšrent les noces farcesques dans une euphorie gĂ©nĂ©ralisĂ©e. AprĂšs l’aspersion d'eau bĂ©nite, les coups fusĂšrent et il fut remis sanguinolent sur son cheval morveux sans avoir pu jouer son rĂŽle. Un troisiĂšme Chicanou fut envoyĂ© accompagnĂ© de deux tĂ©moins. ArrivĂ© au moment du repas, il cite BaschĂ©, qui prend la copie de la commission et l'invite Ă©galement aux fiançailles. Le Chicanou, aprĂšs avoir dĂ©clarĂ© que les traditions se perdent, prend l'initiative de la bagarre. Une fois terminĂ©e, les convives se plaignirent des blessures et de l'inclination de ce Chicanou Ă  cogner. RentrĂ©s chez eux, les trois comparses louent les noces qu'ils ne sont pas prĂȘts d'oublier et excusent le pugilat qu'ils avaient commencĂ©[24].

Pantagruel commente ce rĂ©cit en affirmant que la crainte de Dieu efface son cĂŽtĂ© comique. EpistĂ©mon remarque que ce ne sont pas tant les Chicanous les coupables que le prieur qui s'amusait autant de contrarier le seigneur que de voir des innocents battus. FrĂšre Jean teste la vĂ©nalitĂ© des Chicanous en proposant d'en battre un pour 20 Ă©cus. Il en bastonne un avec force, ce dernier en ressort avec joie et suscite la jalousie de ses compatriotes. Sur le dĂ©part, ils apprennent la pendaison de Rouge muzeau, le moine molestĂ©, parce qu'il avait dĂ©robĂ© les « ferrements de la messe », c'est-Ă -dire les instruments du culte[22]. Cet Ă©pisode a pu ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un soutien aux sĂ©ditions des rĂ©formĂ©s contre les abus de l'Église catholique : RenĂ© du Puy seigneur de BaschĂ© est un nobliau poitevin bien rĂ©el, les environs de Saint-Maixent oĂč se passent les diableries de Villon sont le thĂ©Ăątre d'Ă©meutes calvinistes sanglantes en 1538 et les fausses fiançailles multiplient les sacrilĂšges, ainsi que l’illustre le surplis liturgique utilisĂ© pour dissimuler les gantelets. La rĂ©serve de Pantagruel interdit de rĂ©duire cette satire Ă  un Ă©loge de la violence, contraire Ă  l'humanisme Ă©rasmien qui condamne le ressentiment vindicatif. Rabelais refuse cependant de renoncer Ă  la puissance narrative et thĂ©Ăątrale de son Ă©vocation[22].

Une tempĂȘte effroyable entre deux Ă©vocations funĂšbres

FrÚre Jean se tient debout sur le pont devant Panurge recroquevillé.
FrĂšre Jean admoneste Panurge pour sa couardise.

En passant par les Ăźles de Tohu et Bohu, les protagonistes apprennent la mort du gĂ©ant Bringuenarilles, qui, faute de moulins Ă  vent dont il se nourrissait habituellement, s’est rendu malade en avalant des poĂȘles et des caquelons et a succombĂ© au remĂšde proposĂ© par les mĂ©decins, un « coing de beurre frays Ă  la gueule d’un four chauld ». Ce personnage est tirĂ© du Disciple de Pantagruel, un texte anonyme publiĂ© en 1538 qui reprend lui-mĂȘme des Ă©lĂ©ments de la geste pantagruĂ©lique et des motifs folkloriques[25]. Une sĂ©rie de morts Ă©tranges est Ă©voquĂ©e dans ce passage, par exemple celle d’Eschyle, qui serait mort de la carapace d’une tortue lĂąchĂ©e par un aigle ; d’un homme honteux qui voulut retenir son pet en prĂ©sence de l’empereur Claude ou de PhilomĂšnes et de Zeuxis, qui succombĂšrent Ă  leurs rires. La mort de Bringuenarilles, au premier abord futile et incongrue comme celles Ă©voquĂ©es par la suite, rappelle que la fin de la vie est un Ă©piphĂ©nomĂšne anodin dans l'ordre des choses[26].

Par la suite, l’équipĂ©e croise neuf navires chargĂ©s de moines, signe de malheur, en partance vers le concile de Chesil[N 7] pour examiner les articles de la foi contre les nouvelles hĂ©rĂ©sies. Une violente tempĂȘte se lĂšve alors, presque tout le monde se dĂ©mĂšne et les Ă©lĂ©ments se dĂ©chaĂźnent. AffligĂ© et malade, Panurge reste immobile sur le tillac et se rĂ©pand en de gĂ©missantes lamentations. Voyant son compagnon se complaire dans ses pleurs, Ă  l’écart de l’effort gĂ©nĂ©ral, FrĂšre Jean l’apostrophe et lui enjoint d’agir. En dĂ©pit des admonestations rĂ©pĂ©tĂ©es de ce dernier, Panurge tremble de peur, bĂ©gaie, voit sa derniĂšre heure arrivĂ©e et rĂ©clame son testament. Topos de la littĂ©rature de voyage et du rĂ©cit Ă©pique, la tempĂȘte se double d'un discours Ă©vangĂ©lique sous-jacent, oĂč contrastent l’attitude sereine et confiante en Dieu de Pantagruel, la couardise superstitieuse de Panurge et les jurons blasphĂ©matoires de FrĂšre Jean[MH 18].

EpistĂ©mon remarque le caractĂšre inopportun et absurde de rĂ©diger ses vƓux testamentaires dans une telle situation. Panurge prĂ©tend qu’une vague amĂšnera l’écrit sur le rivage, allĂ©guant des exemples similaires. La terre en vue, les marins manƓuvrent et le calme revient. AprĂšs cet incident, Pantagruel souligne que, si la crainte perpĂ©tuelle manifeste une grossiĂšre lĂąchetĂ©, son absence prouve une incomprĂ©hension du danger, et que seul importent les efforts consentis. La tempĂȘte finie, Panurge fait mine de travailler et vante son courage, EpistĂ©mon affirme qu’implorer les dieux ne constitue pas un but en soi et FrĂšre Jean se moque du froussard, proposant de l'Ă©corcher pour fabriquer un manteau rĂ©pulsif contre l’eau avec sa peau. EusthĂšnes conclut avec un proverbe lombard : le pĂ©ril passĂ©, les saints sont moquĂ©s. Cette Ă©preuve collective montre l'un des plus Ă©vidents exemples de communautĂ© unie dans un but collectif. Par le thĂšme de la mort, elle relie Ă©galement l'Ăźle prĂ©cĂ©dente et la suivante, l'Ăźle des MacrĂŠons (ou MacrĂ©ons)[27].

Pantagruel et ses compagnons regardent des tombes et des statues.
Tombes et antiquités visitées sur l'ßle des Macraeons.

Le vieux Macrobe, nom donnĂ© au maĂźtre-Ă©chevin du lieu, les accueille et leur montre les anciens monuments recouverts d'Ă©pitaphes en diverses langues anciennes. Panurge remarque que le sens Ă©tymologique du mot macrĂŠon est « vieillard », et en dĂ©duit que le terme de maquerelle en est dĂ©rivĂ©, puisque cette activitĂ© est souvent tenue par des dames ĂągĂ©es. Macrobe leur explique que la forĂȘt abrite les dĂ©mons et les hĂ©ros. Leur mort provoque la fureur des cataclysmes. Pantagruel et ses compagnons renchĂ©rissent en Ă©voquant des personnages qui, bĂ©nĂ©fiques et admirĂ©s de leur vivant, laissĂšrent un choc dĂ©plaisant Ă  chacun, accompagnĂ© de bouleversements naturels ou sociaux. Les prodiges annonçant la mort de Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, et le signe funeste qu'elle reprĂ©sentait pour la France sont briĂšvement mentionnĂ©s. FrĂšre Jean s'interrogeant sur la mortalitĂ© des hĂ©ros, des anges et des dĂ©mons, Pantagruel affirme sa croyance en l'immortalitĂ© de l'Ăąme avant de raconter ensuite la mort de Pan Ă  l'Ă©poque de TibĂšre, anecdote de Plutarque dans La cessation des oracles, qui a donnĂ© lieu a des rĂ©interprĂ©tations chrĂ©tiennes, le dieu grec Ă©tant associĂ© au Christ. Alors que EusĂšbe, Paulo Marsio et Guillaume Bigot considĂšrent que les paĂŻens sont des dĂ©mons qui annoncent la venue du Messie malgrĂ© eux, leurs pleurs s'expliquant par leur dĂ©faite, Rabelais ne retient que l'essentiel, restituant la part de scandale et de douleur Ă  ce trĂ©pas. Ainsi, mĂȘme si la fin du seigneur de Langeay apparaĂźt comme l'antithĂšse de celle de Bringuenarilles, les deux se rejoignent en dessinant deux faces de la mort, Ă  la fois absurde et tragique, douloureuse et dĂ©risoire[26]. Le personnage de Macrobe, allusion probable Ă  l’écrivain latin du mĂȘme nom, invite Ă  voir la dimension Ă©thique de ce passage au-delĂ  de sa dimension thĂ©ologique : Le commentaire sur le Songe de Scipion montre que seule la vertu active autorise Ă  espĂ©rer le salut, de mĂȘme que la portĂ©e civique de Guillaume du Bellay est citĂ©e comme exemple aprĂšs une tempĂȘte marquĂ©e par les obsĂ©crations stĂ©riles de Panurge[28].

Quaresmeprenant, ennemi des Andouilles

Un monstre marin surgit devant le bateau.
Le PhysetÚre est un monstre associé au Léviathan par Panurge.

En passant au large de l'Ăźle de Tapinois sans s'arrĂȘter, Xenomanes dĂ©crit Quaresmeprenant, le maĂźtre des lieux, sur la demande de Pantagruel. De longues listes dĂ©taillent l'anatomie et le comportement de ce personnage, un « bien grand Lanternier : confalonnier des Ichthyophages : dicateur de Moustardois : fouetteur de petitz enfans : calnineur des medicins »[MH 19]. Le mot de Quaresmeprenant correspond en principe aux trois jours gras et fastueux prĂ©cĂ©dant le mercredi des Cendres. Ici, Rabelais l'utilise comme synonyme de carĂȘme, dont il est l’allĂ©gorie, par respect de l'Ă©tymologie ou jeu sur les confusions qui se retrouve par la suite[MH 20]. Cette figure monstrueuse se caractĂ©rise par sa lĂ©thargie et sa passivitĂ©. Les 78 parties internes et 64 internes de son corps, ainsi que les 36 traits de son comportement dĂ©peignent une figure grotesque avec des termes empruntĂ©s Ă  la mĂ©decine et Ă  la rhĂ©torique (notamment des Ă©lĂ©ments de RhĂ©torique Ă  Herennius). NĂ©anmoins, ces rĂ©fĂ©rences sont dĂ©tournĂ©es, Quaresmeprenant n'Ă©tant pas visualisable d’aprĂšs sa description[29].

Monstre marin énorme et crachant des jets d'eau, un physétÚre croise leur route. Tandis que Panurge perd ses moyens devant sa gueule et son allure infernales, se voit déjà mort et gémit de plus belle, Pantagruel prouve son habileté en lançant des poutres sur la mùchoire, les yeux, l'échine et les flancs de la créature, si bien qu'elle finit par ressembler à la coque d'un galion à trois mùts, avant de mourir en se retournant. Rapproché d'un monstre représenté sur la Carta Marina d'Olaus Magnus[MH 21], le physétÚre est un obstacle associé au Léviathan, donc au mal, par Panurge, tandis que la victoire facile de Pantagruel constitue une démythification parodique[30].

L'Ă©quipage dĂ©barque sur l'Ăźle des Farouches, oĂč demeurent les Andouilles, Ă©vocation mĂ©taphorique du phallus[31]. Alors qu'ils festoient, Xenomanes expliquent qu'elles sont les ennemies de Quaresmeprenant. Il est impossible de les rĂ©concilier depuis le concile de Chesil, Ă  cause duquel elles furent inquiĂ©tĂ©es et traduites en justice. Pantagruel se lĂšve et voit des bataillons qui se tiennent en embuscade, flanquĂ©s de Boudins sylvestres, de Godiveaux massifs et de Saucissons Ă  cheval. Il invite Ă  la prudence, l'accueil en armes pouvant ĂȘtre un subterfuge, et fait venir les capitaines Riflandouille et Tailleboudin, dont les noms laissent prĂ©sager la victoire. Il s'ensuit d'un discours sur les noms propres, exprimant l'idĂ©e cratylĂ©enne d'un rapport direct, profond et tangible entre les mots et les choses, Ă©voquant aussi les pythagoriciens qui devinaient le handicap ou la mort selon le nombre de syllabes de leurs noms. Ce dernier point fait Ă©cho au chapitre XIX du Tiers Livre, portant sur l’arbitraire des signes. Il Ă©tait admis au XVIe siĂšcle que les noms Ă©taient Ă  l'origine homologues Ă  leur objet, suivant en cela les Ă©crits d'Ammonios sur Aristote et Platon[MH 22].

Un cochon ailé vole dans les airs.
Mardi-Gras, le dieu créateur des Andouilles.

Le narrateur, qui adopte ici le langage du bonimenteur[MH 23], exhorte Ă  ne pas mĂ©priser les Andouilles, rappelant le caractĂšre « andouillicque » du serpent de la GenĂšse, que les Suisses belliqueux se dĂ©nommaient jadis les Saucisses ou que les Himantopodes, peuple fictif d'Éthiopie dĂ©crits par Pline, ne sont autres que des Andouilles. FrĂšre Jean se prĂ©pare au combat avec l'aide des gens de cuisine, munis de leurs ustensiles, ce qui contribue Ă  la tonalitĂ© carnavalesque de ce passage Ă©pique[MH 24]. Ils dressent une sorte de catapulte surnommĂ©e la grande Truie, capable de cacher une armĂ©e comme le cheval de Troie. AprĂšs l'Ă©numĂ©ration des soldats-cuisiniers, le rĂ©cit embraye sur la bataille. Gymnaste tente en vain d'annoncer leurs intentions pacifiques mais un gros Cervelas initie le combat. La bataille tourne vite Ă  l’avantage des pantagruĂ©listes. Un gros, gras et gris pourceau volant au plumage cramoisi balance alors des tonneaux de moutarde en s'Ă©criant « Mardigras » tandis que les armes s'arrĂȘtent. Dame Nipleseth, la reine des Andouilles, demande pardon Ă  Pantagruel. Les espions avaient averti d'une attaque de Quaresmeprenant. Lui donnant des gages de son amitiĂ©, elle explique que la crĂ©ature est la reprĂ©sentation de leur dieu tutĂ©laire Mardi-Gras, fondateur de leur espĂšce, venu leur apporter leur baume[N 8]. En dehors de ces aspects burlesques, cet Ă©pisode comprend des allusions Ă  l'actualitĂ© politique et religieuse, les Andouilles Ă©tant ainsi identifiĂ©es aux protestants rĂ©voltĂ©s contre Charles Quint. Si le conflit reprend le motif traditionnel du combat entre carnaval et carĂȘme, aucun des deux camps n'est entiĂšrement assimilable Ă  l'un ou Ă  l'autre, les Andouilles Ă©tant par exemple comparĂ©es aux anguilles, nourriture des jours maigres[31].

Papefigues et Papimanes

Les protagonistes passent par l’üle de Ruach, peuplĂ©e par des habitants qui ne vivent que de vents, qu’ils fabriquent Ă  l’aide d’éventails ou de moulins et dĂ©gustent comme des gastronomes. Pantagruel complimente la simplicitĂ© de leur mode de vie ; le podestat prĂ©cise que rien dans cette vie n’est heureux de toute part et que leur condition les rend vulnĂ©rables Ă  la moindre pluie, sans parler de Bringuenarilles qui venait rĂ©guliĂšrement prendre leurs moyens de subsistance. Le terme de Ruach (en) est un terme hĂ©braĂŻque dĂ©fini comme « vent » ou « esprit » dans la BrĂšve dĂ©claration, riche de multiples connotations dans l’Ancien Testament. L'Ă©pisode Ă©voque peut-ĂȘtre les tenants du sacramentarisme aux Pays-Bas, pour qui la prĂ©sence du Christ dans l’eucharistie n'est que spirituelle[32].

Ils rencontrent le lendemain l’üle des Papefigues, jadis connus sous le nom de Gaillardets. Un jour que les notables profitaient de la fĂȘte dans la Papimanie voisine, l’un d'eux fit la figue[N 9] - [MH 25] au portrait du pape, aprĂšs quoi les Papimanes se vengĂšrent, envahirent l’üle des Gaillardets, les humiliĂšrent et les assujettirent. Cette rĂ©action renvoie Ă  la rĂ©pression de l'hĂ©rĂ©sie et peut-ĂȘtre aux massacres de MĂ©rindol et de CabriĂšres de 1545[MH 25]. Il n'est cependant pas certain que les Papefigues renvoient aux Vaudois, qui, contrairement aux premiers, n'ont jamais Ă©tĂ© libres et fortunĂ©s, mais au contraire excommuniĂ©s et marginalisĂ©s. De plus, ils vivent dans la clandestinitĂ© et mĂ©prisent les processions. Les Papefigues pourraient ĂȘtre les Juifs, comme le laisse penser le figuier, symbole d'IsraĂ«l, la mention des hommes barbus, la participation des Juifs romains au carnaval ou l'image de l'impĂ©ratrice montĂ©e Ă  l'envers sur une mule, qui renvoie au motif antijudaĂŻque du Juif montĂ© Ă  califourchon et Ă  l'envers sur une truie[33]. Dans une chapelle, on lui raconte l’histoire d’un laboureur et de sa femme qui dĂ©jouent les ruses du diable qui voulait s’emparer de leur champ.

À peine descendu sur l’üle des Papimanes, quatre personnages les accostent et leur demandent s’ils ont vu « Dieu en terre », c’est-Ă -dire le pape, qu’ils vĂ©nĂšrent jusqu’à l’idolĂątrie. L'expression, employĂ©e par les canonistes depuis le XIIIe siĂšcle, se rĂ©fĂšre Ă  la puissance papale mais possĂšde un caractĂšre scandaleux[MH 26]. Leur Ă©vĂȘque Homenaz[N 10] - [MH 26] vient les accueillir et les emmĂšne tout d’abord dans une Ă©glise, oĂč il leur prĂ©sente un livre dorĂ©, recouvert de pierres prĂ©cieuses et suspendu en l’air. Il contient les dĂ©crĂ©tales, qu’il affirme uranopĂštes (tombĂ©es du ciel) et Ă©crites par un ange, qu’il leur propose de consulter aprĂšs un jeĂ»ne de trois jours, ce qu'ils refusent et ce Ă  quoi Panurge rĂ©pond avec son bagout habituel.

AprĂšs la messe, Homenaz leur dĂ©voile une peinture du pape dissimulĂ©e derriĂšre l’autel, dont la seule vue assure selon lui la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s. Panurge remarque que les papes de l’époque se coiffent plus volontiers d’une tiare persique que d’une aumusse, ce Ă  quoi l’évĂȘque rĂ©pond que lĂ©gitimes sont les guerres contre les hĂ©rĂ©tiques. Ils s’en vont ensuite banqueter dans un cabaret avec l’argent de la quĂȘte, et aprĂšs force beuveries, Homenaz se livre Ă  un Ă©loge dithyrambique et grandiloquent des dĂ©crĂ©tales, ce Ă  quoi les compagnons de Pantagruel rĂ©pondent en racontant des anecdotes malheureuses en lien avec les Extravagantes et les ClĂ©mentines. Homenaz les vante Ă©galement pour l’argent qu’elles rapportent Ă  Rome et puisent du royaume de France, avant de recommander les dĂ©crĂ©talistes pour la conduite des guerres, des conversions et du gouvernement. Sur le dĂ©part, les voyageurs reçoivent de belles poires, que Pantagruel envisage de planter en Touraine, ce qui excite la paillardise de FrĂšre Jean, qui demande en vain des filles du pays afin de multiplier les bons chrĂ©tiens. Ce jeu de mots repose sur une variĂ©tĂ© rĂ©elle, la poire de bon-chrĂ©tien[MH 27].

Paroles gelées

La tĂȘte d'OrphĂ©e et une lyre flottent sur l'eau.
Dans son Histoire de la divination, Auguste BouchĂ©-Leclercq rapporte que la tĂȘte d'OrphĂ©e, ensevelie au terme de son parcours Ă  Lesbos, berceau de la poĂ©sie lyrique[34], rendrait des oracles dĂšs la guerre de Troie. Cette fonction oraculaire de la tĂȘte coupĂ©e est mentionnĂ©e dans la Vie d'Apollonios de Tyane de Philostrate (IV, 14)[35].

ArrivĂ©s dans les mers hyperborĂ©ales, des voix et des sons d’hommes, de femmes, d’enfants et de chevaux se font entendre alors que nulle personne n’apparaĂźt Ă  l’horizon. Des mots se distinguent nettement, Panurge recommande la fuite tandis que Pantagruel le rappelle au calme et interroge le phĂ©nomĂšne Ă  la lumiĂšre de son Ă©rudition. Il Ă©voque notamment la thĂ©orie du philosophe pythagoricien PĂ©tron, qui postulait l’existence d’un manoir de vĂ©ritĂ© situĂ© au centre de plusieurs mondes, oĂč logeraient les paroles, les idĂ©es, les exemplaires et les portraits de toutes choses passĂ©es et futures, ainsi que la tĂȘte d’OrphĂ©e, dont une tradition prĂ©tend qu’elle dĂ©riverait sur la mer poussant un chant lugubre, accompagnĂ© de sa lyre animĂ©e par le vent.

Le pilote leur explique qu’une cruelle bataille fut livrĂ©e entre les Arismapiens et les Nephelibates[N 11] l’hiver dernier. Le vacarme du combat fond avec l’arrivĂ©e des beaux jours. Pantagruel s’empare alors de paroles encore gelĂ©es :

« Lors nous jecta sur le tillac plenes mains de parolles gelées, et sembloient dragée perlée de diverses couleurs. Nous y veismes des motz de gueule, des motz de sinople, des motz de azur, des motz de sable, des motz dorez. Les quelz estre quelque peu eschauffez entre nos mains fondoient, comme neiges, et les oyons realement.[MH 28] »

— François Rabelais, Quart Livre, 1552

« Alors il nous jeta sur le tillac de pleines poignées de paroles gelées, et elles semblaient des dragées perlées de diverses couleurs. Nous y vßmes des mots de gueule, des mots de sinople, des mots d'azur, des mots de sable, des mots dorés qui, dÚs qu'ils étaient un peu réchauffés dans nos mains, fondaient comme des neiges, et nous les entendions réellement[36]. »

— Quart Livre, 1552

Les compagnons se distraient de ce dĂ©gel sonore, quoique les bruits dĂ©plaisants et horrifiques de l’affrontement retentissent. Le narrateur raconte qu’il voulait ramener quelques mots de gueule prĂ©servĂ©s dans l’huile mais Pantagruel lui fit remarquer l’inanitĂ© de conserver quelque chose d’aussi abondant et quotidien que sont les mots de gueule chez tous les bons pantagruĂ©listes. Des rĂ©miniscences tirĂ©es d'Antiphanes, de Guillaume Postel et ou encore de Caelius Calcagninus sous-tendent cet Ă©pisode, Ă  lire en relation celui des MacrĂŠons, pour l'Ă©vocation des vestiges, et celui des Andouiles, liĂ© Ă  la question de l'interprĂ©tation des noms[MH 29].

Messire Gaster ou le rĂšgne de la tripe

Ils parviennent ensuite sur l’üle de Messire Gaster, premier maĂźtre es arts du monde qui loge dans le chĂąteau d'ArĂȘtĂš, c'est-Ă -dire de la Vertu, et demande une ascension difficile. Ce roi qui n’a point d’oreilles, commande par signes et ne souffre aucune rĂ©plique, rĂ©gnant aussi bien sur les animaux que sur les puissants d’ici-bas. Sa rĂ©gente PĂ©nie, c’est-Ă -dire PauvretĂ©, suscite aussi la crainte parce qu’elle ne connaĂźt aucune loi. La rĂ©fĂ©rence au chĂąteau d'AretĂš, dĂ©crit dans Les Travaux et les Jours d'HĂ©siode, n'est pas sans ambiguĂŻtĂ©, car ce lieu accessible aprĂšs des efforts Ă©reintants n'est ni un exemple, ni une rĂ©compense[37].

Dans la cour, Pantagruel rencontre avec aversion les Engastrimythes et les GastrolĂątres. Les premiers se disent ventriloques et trompent le peuple par leurs divinations mensongĂšres. Les seconds, adorateurs de leurs ventres, brillent par leur oisivetĂ©, craignant de nuire Ă  leur estomac. Un gastrolĂątre ventru, muni de Manduce[N 12], un bĂąton de carnaval semblable au machecroĂ»te lyonnais, dĂ©corĂ© d’une effigie monstrueuse et ridicule, inaugure une cĂ©rĂ©monie d’offrandes. La liste des plats et des mets sacrifiĂ©s Ă  leur dieu ventripotent est alors dĂ©roulĂ©e : fressures, hures de sangliers, Ă©chines de porc aux pois, pigeonneaux, grillades de chapons, dragĂ©es aux cent couleurs, etc. Les jours maigres, la divinitĂ© se contente de caviar, d'aiguillettes salĂ©es, de limandes, de murĂšnes ou encore de tortues et d’escargots, bien entendu le tout accompagnĂ© de boissons.

Le rĂŽle primordial de Messire Gaster dans les inventions humaines se trouve alors expliquĂ© par la nĂ©cessitĂ© de produire et de conserver le grain pour se nourrir, ce qui encourage le dĂ©veloppement de nombreux domaines, de l’agriculture Ă  la forge en passant par les mathĂ©matiques, les arts militaires, la navigation, l’architecture et mĂȘme des techniques pour maĂźtriser les Ă©lĂ©ments. Pour rĂ©pondre aux assauts de ses ennemis qui dĂ©truisaient ses forteresses, il finalisa un moyen d’inverser la trajectoire d’un boulet de canon grĂące Ă  un aimant de sidĂ©rite, prodige prĂ©sentĂ© comme un remĂšde naturel. Ce glouton souverain offre un contrepoint ironique au nĂ©oplatonisme de Marsile Ficin, qui soutient que c'est l'amour et non les besoins alimentaires qui inspire la crĂ©ativitĂ© humaine[37].

Les inventions de Messire Gaster ne montrent pas seulement que l'origine des arts et des techniques s'enracine dans le besoin de subsistance, idĂ©e au demeurant peu originale. AprĂšs un chapitre consacrĂ© Ă  des innovations avĂ©rĂ©es et historiques, elles prennent un tour irrĂ©aliste et extraordinaire. Au lieu de se fixer sur la pierre sidĂ©rite placĂ©e entre le fauconneau et le page, les « ballotte et dragĂ©es » propulsĂ©es par l'engin balistique tournent autour d'elle Ă  la maniĂšre d'un astre. Elles ne sont pas toutes fantaisistes, le rĂ©cit Ă©voquant ainsi le dictame dont les vertus supposĂ©ment thĂ©rapeutiques sont encore admises Ă  la Renaissance, mais participent d'un imaginaire Ă  la fois savant, ludique et expĂ©rimental qui suggĂšre avec malice que le monde recĂšle des richesses insoupçonnĂ©es. Cet Ă©loge jubilatoire de l'ingĂ©niositĂ© abolit la distinction entre les travaux intellectuels utilitaires et contemplatifs, car ils rĂ©pondent tous deux au rĂšgne de Gaster et ouvrent aussi bien Ă  des perspectives d'Ă©merveillement que de conquĂȘte[38].

Joyeux banquet et frousse de Panurge

L’équipage arrive prĂšs de l’üle de Chaneph[N 13], oĂč vivent des ermites hypocrites qui subsistent des aumĂŽnes versĂ©es par les voyageurs. Le vent tombe et chacun s’emploie Ă  des occupations diverses, tandis que stagne le navire. À son rĂ©veil, Pantagruel est assailli de questions par ses compagnons. RĂ©pondant qu'il promet de donner une unique rĂ©ponse par signe Ă  toutes ces demandes mais que ventre affamĂ© n’a point d’oreilles, il souhaite que soit d’abord prĂ©parĂ© le repas. Une fois Ă  table, les doutes et les interrogations des convives ont disparu, les propos de table fusent et aprĂšs avoir « hauss[Ă©] le temps », le vent souffle de nouveau. Ce repas, qui peut se lire comme l’antithĂšse de ThĂ©lĂšme, est riche d'allusions eschatologiques Ă  la CĂšne[39].

Ils approchent enfin de l’üle de Ganabin, patrie de voleurs et de larrons surmontĂ©e d’un rocher qui ressemble au mont Parnasse, en Phocide. Panurge, terrifiĂ© par la perspective de descendre sur la terre ferme contrairement Ă  frĂšre Jean, se rĂ©fugie dans la cale. Afin de lui jouer un tour, le moine suggĂšre de saluer les Muses par le tir d'un coup de canon, imitĂ© par le reste de la flotte. Panurge sort de la soute en chemise, claquant des dents, un chat lustrĂ© attachĂ© au bas de ses chausses, nommĂ© Rodilardus. Devant les interrogations de Pantagruel, le couard affirme avoir pris le fĂ©lin pour un diablotin, qui n’a pas manquĂ© de le griffer, et dĂ©nie sa peur avec verve : « Que Diable est cecy ? Appelez vous cecy foyre, bren, crottes, merde, fiant, dejection, matiere fecale, excrement, repaire, laisse, esmeut, fumĂ©e, estront, scybale, ou spyrathe ? C'est (croy je) safran d'Hibernie. Hoh, ho, hie. C'est sapphran d'Hibernie. » Le roman se conclut sur ces deux mots : « Sela, Beuvons ». Si les commentateurs de la fin du XIXe et du dĂ©but du XXe siĂšcle comme Jean Fleury ou Alfred Glauser voient un signe de fatigue insipide dans cette sortie scatologique, les critiques plus rĂ©centes rĂ©vĂšlent ses implications allĂ©goriques et son caractĂšre allusif[40].

L'Ă©pilogue cristallise plusieurs motifs souvent associĂ©s Ă  Panurge et prĂ©sents dans les prĂ©cĂ©dents romans ou le Quart Livre, Ă  l'exception du Gargantua oĂč il n'apparaĂźt pas : la peur, la merde, le safran, le diable et le vin. Ainsi, dans le Tiers Livre, les diables n'osent approcher Panurge « safranĂ© et endebtĂ© »[N 14] et de multiples peurs rĂ©elles ou imaginaires le traversent, du cocuage au fracas de la tempĂȘte. Cette conjonction d'Ă©lĂ©ments renforce la valeur conclusive du chapitre final, dont la derniĂšre phrase renvoie au dĂ©but de l'aventure pantagruĂ©lique. Panurge, les habits dĂ©chiquetĂ©s par le chat Rodilardus, est prĂȘt Ă  en revĂȘtir de nouveaux[41].

Sela, dĂ©fini par « certainement » dans la BrĂšve dĂ©claration, est un terme hĂ©braĂŻque d'origine biblique dont l'emploi burlesque le rapproche des drĂŽleries, ces enluminures fantaisistes en marge des manuscrits gothiques. UtilisĂ© principalement dans les Psaumes, son sens est en rĂ©alitĂ© obscur, mĂȘme si certains commentateurs le traduisent par « amen ». La derniĂšre phrase du roman, dĂ©tachĂ©e de la tirade, n'est pas clairement attribuĂ©e Ă  Panurge et est peut-ĂȘtre prononcĂ©e par un locuteur anonyme. Toujours est-il que cette fiction linguistique, Ă©voquant les parodies juives que Rabelais a pu connaĂźtre, participe Ă  un comique grotesque et savant, irrĂ©vĂ©rencieux face aux mystĂšres des Saintes Écritures[42].

BrÚve déclaration

La Briefve declaration d'aulcunes dictions plus obscures contenĂŒes on quatriesme livre des faicts et dicts hĂ©roĂŻques de Pantagruel, ou BrĂšve dĂ©claration, est un appendice lexical ajoutĂ© Ă  l'Ă©dition de 1552. Des dĂ©finitions en apparence surprenantes, erronĂ©es ou impertinentes ont pu faire douter de l’authenticitĂ© du texte. En rĂ©alitĂ©, ce glossaire correspond aux prĂ©occupations linguistiques de Rabelais, comme le souci de l'Ă©tymologie, l'intĂ©rĂȘt pour les dialectes et l'aversion des fautes du langage oral[MH 30]. Ainsi, la dĂ©finition de cannibale, comme un « Peuple monstrueux en Africque, ayant la face comme Chiens, et abbayant en lieu de rire », ne correspond pas au sens donnĂ© alors par Pierre Martyr d'Anghiera, caractĂ©risant des habitants cruels des Antilles, mais souligne l'intĂ©rĂȘt pour l'Ă©tymon de ce mot, canis[43].

Genre et structure

Un voyage sous le signe du mythe

Représentation de la Carta Marina, carte de la Scandinavie du XVIe siÚcle.
Sur la Carta Marina, Ă  l'ouest de l'Ăźle de Fare (l'archipel des Ăźles FeroĂ©), un monstre surmontĂ© de l’inscription « Pistr[is] sive phiset[er] », menace un navire, tandis qu'au sud un moine pĂ©trifiĂ© pourrait ĂȘtre un prĂ©sage de tempĂȘte[44].

Le roman s’annonce comme un rĂ©cit de voyage que vient conforter un champ lexical associĂ© Ă  la navigation et aux tempĂȘtes. Partis du port imaginaire de Thalasse, que le texte situe prĂšs de Saint-Malo, les voyageurs ambitionnent de rejoindre le temple de la Dive Bouteille Ă  Cathay, c’est-Ă -dire prĂšs de la Chine. Le navire de Pantagruel, la ThalamĂšge, emprunte son nom Ă  la thalamĂšge de PtolĂ©mĂ©e Philopator, mais se trouve ici pourvu de voiles dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es Ă  la fin du Tiers Livre. La recherche d’une voie septentrionale vers les Indes rejoint les prĂ©occupations contemporaines et invite Ă  dresser un parallĂšle avec les voyages de Jacques Cartier. Des critiques littĂ©raires comme Abel Lefranc ou Marius Barbeau ont ainsi tentĂ© de dĂ©crypter un itinĂ©raire. NĂ©anmoins, l’invraisemblance et l’incohĂ©rence du parcours dĂ©mentent cette prĂ©tention au rĂ©alisme, mĂȘme si des lieux se rĂ©fĂšrent Ă  des toponymes existants. PlutĂŽt que de renvoyer Ă  des explorations avĂ©rĂ©es, le cadre du rĂ©cit de voyage est un procĂ©dĂ© littĂ©raire qui permet de mettre en scĂšne l'altĂ©ritĂ© et de prĂ©senter sous un jour nouveau et Ă©trange les rĂ©alitĂ©s europĂ©ennes[45].

En effet, si le vocabulaire rabelaisien manifeste une maĂźtrise technique des savoirs nautiques, le rĂ©cit de cette navigation dĂ©soriente sur le plan spatial, temporel et linguistique : les vents Ă©voquĂ©s ne correspondent pas Ă  la direction du navire et les itinĂ©raires ne convergent guĂšre ; les allusions temporelles et la chronologie interne du roman ne visent Ă  aucune cohĂ©rence ; les registres lexicaux et stylistiques s’entremĂȘlent plus que dans les prĂ©cĂ©dents romans. Par rapport Ă  l’édition de 1548, celle de 1552 marque une accentuation de ce floutage des rĂ©fĂ©rences, comme l'illustre le mĂ©lange accentuĂ© du langage marin du Ponant et du Levant, ainsi que l'effacement du titre « calloier des Ăźles HyĂšres », liĂ© Ă  l'actualitĂ© gĂ©opolitique de l’époque[46].

Carte de l'Amérique par André Thévet.
Plusieurs analogies de détail ont été établies entre l'ßle des Macraeons et l'ßle aux Diables décrite dans la Cosmographie d'André Thevet, qui décrit une ßle en proie aux forces démoniaques, ou le De Orbis concordia de Guillaume Postel, qui se réfÚre à une espÚce de démons nordiques aux gémissements pathétiques[47]. Cette ßle aux Diables, ou ßle aux Démons, est un archipel mythique situé au large de Terre-Neuve au XVIe siÚcle[48].

CaractĂ©ristique du rĂ©cit de voyage, le roman est traversĂ© par l’attrait pour la nouveautĂ© qui alimente alors les cabinets de curiositĂ©s. Les protagonistes s'arrĂȘtent ainsi sur l'Ăźle de Medamothi pour voir des marchandises « exotiques et peregrines », le premier terme faisant son apparition en langue française. Les Ă©tals se distinguent par des objets luxueux et sensationnels. La collecte d'Ă©lĂ©ments inĂ©dits participe de la conception humaniste du voyage, motivĂ©e par l'envie de savoir. AprĂšs la tempĂȘte, Pantagruel prĂ©cise d'ailleurs Ă  Macrobe que le but de leur expĂ©dition est digne d'Ă©loges et non pas mercantile. Le relevĂ© des vestiges de l'Ăźle des MacrĂ©ons s'inscrit dans cette perspective. L'Ă©pisode des paroles gelĂ©es montre que ces rĂ©alitĂ©s insignes et mĂ©morables rĂ©sident en chacun, ce qui explique qu'il est inutile de rapporter les mots de gueule. Les souvenirs issus des contrĂ©es explorĂ©es n'ont parfois de neuf que leur contexte, comme les poires offertes par Homenaz et qui se cultivent en Touraine. Cet exemple fait Ă©cho aux pratiques des botanistes de l'Ă©poque, Rabelais ayant lui-mĂȘme Ă©tĂ© sollicitĂ© pour envoyer des graines depuis l'Italie Ă  Geoffroy d'Estissac et Ă  Guillaume Pellicier. Le don des curiositĂ©s locales correspond Ă©galement Ă  un enjeu politique visant Ă  promouvoir le donateur et renforcer les liens avec le bĂ©nĂ©ficiaire, ainsi que l'illustre l'Ă©change entre Pantagruel et Niphleseth. PrĂ©sente au dĂ©but du Quart Livre, la fascination pour l'Ă©trange s'estompe au profit d'une mise Ă  distance des constructions imaginaires qu'alimentent les voyageurs[49].

Si l’exotisme suscite l’émerveillement, les objets factices, impossibles ou familiers, dĂ©notent une pointe satirique Ă  l'Ă©gard des racontars invĂ©rifiables des voyageurs. En ce sens, l'Ăźle de Medamothi, littĂ©ralement l'« Ăźle de nulle part », est Ă  rapprocher de Ouy-dire dans le CinquiĂšme Livre, monstre immobile couvert d'oreilles qui rĂ©pand les mensonges Ă  travers le monde. L'exotisme chez Rabelais se rapporte ainsi Ă  une fascination pour l'inventaire du monde et Ă  une dĂ©ception quant Ă  un Ă©parpillement illusoire. Il n'est pas encore le fruit d'une rencontre avec l'autre qui invite Ă  une rĂ©flexion sur sa propre civilisation, comme l'illustrent les rĂ©flexions plus tardives de Jean de Lery Ă  la suite de sa dĂ©couverte des Tupinambas au BrĂ©sil[50].

Dessin de l'arc de triomphe réalisé pour l'entrée royale de Henri II.
L'arc de triomphe célébrant l'entrée de Henri II à Paris, réalisé entre autres par Philibert Delorme au bout du pont Notre-Dame, montre que le mythe des Argonautes est utilisé dans la célébration de la royauté française[MH 31].

Le but du voyage rĂ©side dans la quĂȘte de Panurge et le dĂ©sir de consulter l'oracle de la Dive Bouteille, nĂ©anmoins la dynamique du rĂ©cit est Ă©galement portĂ©e par le personnage de Pantagruel, qui pose la majeure partie des questions destinĂ©es Ă  Ă©claircir le mystĂšre des Ăźles. La pĂ©rĂ©grination correspond Ă  un dĂ©sir de savoir, comme le gĂ©ant l'explique Ă  Macrobe, tandis que Dindenault est puni pour ses objectifs mercantiles. Pantagruel manifeste de la tolĂ©rance, voire de la gĂ©nĂ©rositĂ© Ă  l'Ă©gard des insulaires qu'il rencontre. Il nourrit une curiositĂ© modĂ©rĂ©e par l'humilitĂ© qu'il cultive dans une perspective sceptique et Ă©vangĂ©lique, par diffĂ©rence avec le savoir vaniteux de Panurge. La rĂ©cusation d'un mobile matĂ©riel au profit d'une mission spirituelle rejoint le discours d'autres voyageurs contemporains, comme le naturaliste Pierre Belon et le cosmographe AndrĂ© Thevet dans la prĂ©face de sa Cosmographie universelle[51].

La dĂ©dicace au cardinal Odet de ChĂątillon annonce la continuation des mythologies pantagruĂ©liques, le terme « mythologie » Ă©tant dĂ©fini dans la BrĂšve dĂ©claration comme un ensemble de narrations fabuleuses, des fictions allĂ©goriques dissimulant un sens cachĂ©. Le voyage vers le Nord Ă©voque celui des Argonautes aprĂšs la conquĂȘte de la toison d’or tel que dĂ©crit dans la version orphique. Le mythe des Argonautes, explicitement mentionnĂ© dans le roman, renvoie directement aux tribulations politiques du temps, comme l'illustrent l’ordre mis en avant par Charles Quint ou la reprĂ©sentation de Henri II sous les traits de Tiphys[MH 31].

Le Quart Livre de 1548 semble reprendre l'itinĂ©raire des Argonautiques selon Apollonios de Rhodes, par le Caucase et le Pont-Euxin, tandis que la version de 1552, s'inspire apparemment davantage des Argonautiques orphiques, oĂč le navire atteint les contrĂ©es hyperborĂ©ales avant de revenir par la cĂŽte atlantique. NĂ©anmoins, malgrĂ© l’évocation du bĂ©lier Ă  la toison d'or, l'Ă©pisode de Dindenault s'appuie davantage sur le rĂ©cit de Folengo et de toute maniĂšre ne raconte pas le retour de l'expĂ©dition. Il est uniquement prĂ©cisĂ© au dĂ©but du roman que le voyage dure quatre mois. Les Argonautica inachevĂ©s de Valerius Flaccus, Ă©ditĂ©s en 1498 et complĂ©tĂ©s par Giovan Battista Pio en 1528 ont pu Ă©galement influencer Rabelais dans son brouillage des cartes en offrant une jonction irrĂ©aliste entre l'Atlantique et la MĂ©diterranĂ©e[52].

Composition

Frank Lestringant compare la forme du roman Ă  celle d'un insulaire, nom alors donnĂ© Ă  un recueil de cartes uniquement consacrĂ© Ă  des Ăźles. Les Ă©tapes se juxtaposent sans souci de liaison et seul le souci de la composition donne de l'Ă©paisseur aux toponymes. Le cours du voyage se poursuit de maniĂšre discontinue, diffusant le sentiment d'arbitraire que donne davantage un pĂ©riple sur la mer qu'un itinĂ©raire plus balisĂ© sur la terre ferme. Chaque Ăźle donne lieu Ă  un micro-rĂ©cit qui lui confĂšre son unitĂ©. Ce procĂ©dĂ© narratif donne un caractĂšre rĂ©pĂ©titif aux escales, potentiellement sans limite car aucune progression ne semble modifier le cours de l'aventure, comme si une enquĂȘte toujours inachevĂ©e se substituait Ă  la quĂȘte des protagonistes. NĂ©anmoins, la progression narrative au sein de chaque Ă©pisode empĂȘche de rĂ©duire cette succession de dĂ©couvertes Ă  un procĂ©dĂ© monotone, les enjeux et le sens de chacun d'entre eux transformant bien l'ensemble en un parcours. L'exploration Ă©volue d'une perspective cosmographique, englobante, embrassant les espaces ocĂ©aniques, Ă  des points de vue topographiques, attentifs Ă  la particularitĂ© des lieux. Le fait que Rabelais mĂȘle des rĂ©fĂ©rences canadiennes, Ă©gĂ©ennes et scandinaves dans l’élaboration de ces contrĂ©es imaginaires montre que ce palimpseste gĂ©ographique tient plus du labyrinthe que d'un chemin dĂ©limitĂ© par un dĂ©but et une fin[53].

Carte de Rome tirée du Topographia Antiquae Romae.
Selon Gérard Defaux, Ganabin n'est autre que Rome, qui ne serait pas seulement une cible de Rabelais mais jouerait un rÎle structurant dans l'architecture du récit[54].

Paul J. Smith repĂšre des constances thĂ©matiques du rĂ©cit de voyage imaginaire qui assurent la cohĂ©rence du roman. Lors du dĂ©part, premier thĂšme attendu de ce genre, les voyageurs chantent le psaume 114 dans sa traduction marotique, Ă©tablissant une analogie entre la quĂȘte pantagruĂ©lique et les errances d'IsraĂ«l Ă  la recherche de la Terre promise. Diversement interprĂ©tĂ©e, la prĂ©sence de l'Exode a Ă©tĂ© associĂ©e Ă  la crise de l'Église et aux aspirations Ă©vangĂ©liques pour un retour aux rites palĂ©ochrĂ©tiens. Il annonce ainsi les prĂ©occupations sacramentelles qui traversent le voyage[55]. La tempĂȘte, second topos de la navigation merveilleuse, reprend le schĂ©ma du psaume 107, mĂȘme si elle comprend Ă©galement des rĂ©miniscences antiques et humanistes : dĂ©chaĂźnement des flots, imploration, intervention divine, retour au calme, soulagement de l'Ă©quipage et arrivĂ©e au port. MalgrĂ© ses implications thĂ©ologiques, elle se distingue du texte biblique non seulement par sa dimension comique, mais aussi parce qu'elle rejoint les conceptions cosmiques de la Renaissance, comme le montre son interprĂ©tation sur l'Ăźle des MacrĂŠons. La reprĂ©sention du vent, dont l’absence est rapprochĂ©e du chaos comme l'excĂšs de mouvement dans la tempĂȘte, rejoint cette thĂ©matique. L'harmonie des vents favorables se situe entre deux extrĂȘmes[56]. TroisiĂšme lieu commun du genre, le monstre marin est figurĂ© comme une crĂ©ature effroyable de maniĂšre stĂ©rĂ©otypĂ©e avant d'ĂȘtre parodiquement prĂ©sentĂ© comme une scolopendre et un gros poisson. Le rabaissement de ce motif Ă©pique correspond Ă  une acception dĂ©valuĂ©e du terme de monstre au XVIe siĂšcle, comme l'Ă©voque Ambroise ParĂ© en dĂ©crivant la baleine dans Des monstres et des prodiges. Les coquilles de mer, le remora et la lendole sont ainsi prĂ©sents dans ce dernier livre comme dans le roman rabelaisien. La faune marine est merveilleuse en ce qu'elle est admirable, mĂȘme lors qu'elle n'a rien de fantastique. L'Ă©vocation du physetĂšre joue ainsi avec la polyphonie du registre monstrueux, Ă  la fois signe, phĂ©nomĂšne extraordinaire et curiositĂ© naturelle[57].

Selon GĂ©rard Defaux, hostile Ă  la thĂšse de Lestringant, une structure concentrique moins Ă©laborĂ©e mais comparable au Tiers Livre se lit dans la composition du Quart Livre. Les 14 escales, Ă©quivalentes au nombre de consultations de Panurge dans le prĂ©cĂ©dent roman, se rĂ©partissent de maniĂšre Ă©gale dans les deux moitiĂ©s des 67 chapitres de l’édition de 1552, avec au centre le combat contre le PhysetĂšre, selon un schĂ©ma 33 + 1 + 33. Le combat contre le monstre Ă©tant placĂ© sous le signe de la TrinitĂ©, il est vraisemblable de considĂ©rer que ce dispositif s’appuie sur la symbolique des nombres dans une perspective chrĂ©tienne, en l’occurrence du 3, du 7 et du 14, bien que ce dernier soit moins transparent[58]. De maniĂšre troublante Ă©tant donnĂ© les attaques contre la papautĂ©, Bartolomeo Marliani rappelle dans sa Topographie de l’ancienne Rome, prĂ©facĂ© par Rabelais en 1534, que cette ville Ă©tablie sur 7 collines Ă©tait divisĂ©e en 14 rĂ©gions et possĂ©dait 34 portes[59]. En complĂ©ment de cette structure concentrique, les Ă©tapes s’opposent et se rapprochent, tissant des liens insulaires plus ou moins indĂ©pendants de l'ensemble, comme le montrent les exemples de Tapinois et de Farouche, de Quaresmeprenant et de Niphleseth ou des Papimanes et des Papefigues[60]. Une double montĂ©e vers l’horreur et la terreur grotesques se dessine, culminant avec le fanatisme exacerbĂ© de Homenaz et la tyrannie du ventre de Messire Gaster. Cette Ă©volution explique l’attitude changeante de Pantagruel : curieux sur l’üle de Medamothi, ironique chez les Papimanes et rĂ©voltĂ© prĂšs de l’üle de Chaneph[61].

Une cohĂ©rence narrative se dĂ©gage Ă©galement du caractĂšre et du comportement des protagonistes, ce qui rejoint la conception du rĂ©cit moral dĂ©finie dans l’Art PoĂ©tique François de Thomas SĂ©billet. Ce rĂ©cit moral ne renvoie pas Ă  un discours axiologique mais au typage, Ă  la vraisemblance et Ă  la consistance des mƓurs et des caractĂšres. EmpruntĂ©e Ă  Horace et remaniĂ©e par les thĂ©oriciens de la Renaissance, la notion de « decorum personarum » exige la convenance des personnages en fonction de leur statut et de leur Ă©tat. Dans cette perspective, ils ne sont pas subordonnĂ©s Ă  l’avancĂ©e de l’intrigue, contrairement Ă  ce que prĂ©conise la poĂ©tique aristotĂ©licienne, mais l’action valorise au contraire les propriĂ©tĂ©s de chacun. Cette caractĂ©risation passe aussi bien par l’abstraction, comme l’illustre Quaresmeprenant, que par l’individualisation, et au premier titre celle de Pantagruel et de ses compagnons. La propension de FrĂšre Jean Ă  jurer est ainsi un marqueur de son Ă©thos[62].

Les interventions didactiques qui encadrent ou s'insĂšrent dans le rĂ©cit du voyage rappellent les discours mĂ©tatextuels associĂ©s Ă  l’épopĂ©e antique et plus globalement l'Ă©dition humaniste des textes anciens, comme l'illustrent les commentaires de Servius sur Virgile ou d'Eustathe sur HomĂšre. La rĂ©flexion sur les noms propres qui s'ouvre sur le chapitre 37, lorsque sont mandĂ©s les capitaines Riflandouille et Tailleboudin, rappelle ainsi des propos semblables Ă  ceux dĂ©veloppĂ©s dans la prĂ©face d'un ouvrage posthume de Du Bellay imprimĂ© en 1569, Xenia, seu illustrium quorundam nominum allusiones. L'auto-commentaire rabelaisien, s'il s'inscrit dans une tradition savante, prend Ă©galement un tour parodique, des allusions comiques se juxtaposant aux rĂ©fĂ©rences sĂ©rieuses[63].

Une narration allégorique traversée par la polysémie

Branche de sureau.
Sur l'Ăźle de Messire Gaster et en se rĂ©fĂ©rant aux symboles pythagoriques, le narrateur Ă©voque la dimension allĂ©gorique du sureau, qui serait de meilleure qualitĂ© pour la fabrication des flĂ»tes dans les pays oĂč le coq ne chante pas. Cette allĂ©gorie signifierait que les gens studieux sont invitĂ©s Ă  dĂ©laisser la musique vulgaire et immĂ©diate au profit d'une musique cĂ©leste et moins accessible[64].

L'effacement du narrateur principal reflĂšte les tensions internes du rĂ©cit, traversĂ© par deux couples d'oppositions complĂ©mentaires : d'une part le jeu de Panurge qui corrige les discours de Pantagruel ; d'autre part la perspective d'une quĂȘte dĂ©rangĂ©e par les hasards de la navigation et l'imprĂ©vu des rencontres. En effet, ce narrateur intradiĂ©gĂ©tique se contente gĂ©nĂ©ralement d'exposer le cours des Ă©vĂšnements, laissant les personnages prendre le pas sur le rĂ©cit, alors qu'il jouait le serviteur obsĂ©quieux ou le mystificateur fanfaron dans les deux premiers romans de la geste pantagruĂ©lique. Il se prĂ©sente comme un tĂ©moin et un garant de l’authenticitĂ©, que vient conforter le champ lexical de la vue et qui s'inscrit naturellement dans la trame et l'esprit d'un rĂ©cit de voyage. Ses plaisanteries et les interpellations du lecteur sur sa crĂ©dulitĂ© manifestent au contraire son emprise sur le texte et incitent Ă  la perspicacitĂ©, comme il le dĂ©clare lui-mĂȘme au chapitre 38 : « Croyez le si voulez ; si ne voulez, allez y veoir[65]. » Les protestations de vĂ©ritĂ© ne garantissent pas la vĂ©racitĂ© du narrateur ; parce qu'elles participent du registre du bonimenteur, elles sont parfois suivies de nuances ironiques et redoublent lors des Ă©pisodes les plus invraisemblables. Elles parodient par leur exagĂ©ration la littĂ©rature gĂ©ographique[66].

Frank Lestringant invite ainsi Ă  considĂ©rer les Ăźles comme des allĂ©gories gĂ©ographiques dont la dimension hĂ©tĂ©rotopique favorise la mise en scĂšne d'une altĂ©ritĂ© distincte propre Ă  stimuler l’imaginaire et l'Ă©tonnement. Dans cette perspective, l'Ăźle des Papimanes incarne un catholicisme dĂ©voyĂ© dans la prospĂ©ritĂ© mondaine, l'idolĂątrie et l’attente du pape assimilĂ© au Messie. Les premiers habitants de ce lieu Ă  rencontrer Pantagruel donnent Ă  voir une image emblĂ©matique, puisqu'il s'agit d'un moine, d'un fauconnier, d'un solliciteur de procĂšs et d'un vigneron, ce qui correspond respectivement au clergĂ©, Ă  la noblesse, Ă  la robe et Ă  la roture, donc aux quatre Ă©tats de la sociĂ©tĂ©. Cette personnification atteste de la dimension symbolique et morale de l'Ă©pisode[67].

La teneur allĂ©gorique ou non d'un passage est parfois suggĂ©rĂ©e par la dimension comique ou absurde d'une situation. La formation en Y choisie pour l'attaque du PhysĂštĂšre est par exemple insensĂ©e sur le plan tactique, mais symboliquement, la lettre renvoie Ă  la croisĂ©e des chemins et suggĂšre la centralitĂ© de l'Ă©pisode. En effet, le combat peut se lire sous un angle thĂ©ologique : le LĂ©viathan, auquel est associĂ© le PhysetĂšre, correspond Ă  un ĂȘtre infernal d'un point de vue mystique, le Grand Amiral prĂ©posĂ© des provinces maritimes de l'Enfer, tandis que Pantagruel est amalgamĂ© au Christ par l’intermĂ©diaire de PersĂ©e, comme le veut la christianisation de ce mythe grec Ă  la Renaissance. Les cinquante dards plantĂ©s dans chaque flanc du monstre symboliseraient le triomphe de l'Église, ce nombre Ă©voquant la PentecĂŽte[68].

À la fois revendiquĂ©e et moquĂ©e dans la fiction rabelaisienne, la dimension allĂ©gorique du rĂ©cit, qui invite Ă  voir un sens cachĂ© derriĂšre les apparences, fĂ»t-il problĂ©matique, s'attĂ©nue par rapport au prĂ©cĂ©dent roman au profit d'une plus grande polysĂ©mie. Les interprĂ©tations de Pantagruel se juxtaposent Ă  celles de Panurge et des autres personnages sans dĂ©terminer le sens de l’aventure et jouer un rĂŽle structurant. Par exemple, Ă  premiĂšre vue Messire Gaster incarne une idĂ©e abstraite, l'ambivalence des choses, par l'intermĂ©diaire d'une rĂ©alitĂ© prosaĂŻque, le pouvoir de l'estomac, Ă  la fois source d'asservissement et d'Ă©mancipation. NĂ©anmoins, aucune Ă©chelle de valeurs ne l'emporte explicitement sur l'autre, le dĂ©goĂ»t de Pantagruel n'entamant pas la fascination qu’exerce ce dĂ©ballage culinaire. La truculence de Panurge et de FrĂšre Jean ne se trouve pas minorĂ©e par la quĂȘte de vĂ©ritĂ© animant le gĂ©ant, d'ailleurs capable de participer Ă©galement aux plaisanteries et aux plaisirs de la table[69].

L'aspect satirique du texte, qui se caractĂ©rise par le mĂ©lange des registres en plus de la dĂ©signation d'une cible, participe de cette complexitĂ© hermĂ©neutique. La fin du roman, oĂč se conjuguent satire savante et farce dĂ©bridĂ©e, plaide en faveur d'une interprĂ©tation plurivoque, comme l'illustre l'Ă©pisode de Messire Gaster, oĂč se cristallisent le bas matĂ©riel et le haut spirituel. Panurge, conchiĂ© et fanfaron, retrouve une ambivalence qu'il avait en grande partie perdue dans le Tiers Livre. Cette hybriditĂ© gĂ©nĂ©rique autorise un sens ouvert en opĂ©rant la synthĂšse entre le sens littĂ©ral et le sens figurĂ©, le trivial et le raffinĂ©, le ludique et le sĂ©rieux[70].

Une satire humaniste

La « satyricque mocquerie » est dĂ©finie dans la Briefve declaration comme « une maniere de mesdire d’un chascun Ă  plaisir, et blasonner les vices, ainsi qu’on faict es jeux de la Bazoche, par personnaiges desguisez en satire ». Dans cette perspective, le registre satirique de Rabelais rejoint l’esprit horacien de la critique caustique des dĂ©fauts du temps, et en l’occurrence des adversaires des humanistes. Il reprend l’analogie dĂ©veloppĂ©e par SĂ©bastien Brant dans La Nef des fous entre le mĂ©decin et le satiriste, ainsi que l’idĂ©e que ce dernier doit appliquer Ă  lui-mĂȘme ses propres procĂ©dĂ©s[71].

Une justice dévoyée

Le romancier cible le comportement et la vĂ©nalitĂ© des hommes de droit. L’épisode des Chicanous, qui se passe sur l’üle Procuration, brocarde de maniĂšre exemplaire ce dĂ©voiement de la justice. La satire rejoint ici son sens Ă©tymologique liĂ© au mĂ©lange, avec l’entrelacement des rĂ©cits, les emprunts croisĂ©s Ă  diffĂ©rents genres thĂ©Ăątraux comme la farce et la tragi-comĂ©die, ainsi que l’imbrication de thĂšmes dissemblables comme le religieux et le scatologique. La satire n’est cependant pas sans ambiguĂŻtĂ© : les gens du Seigneur BaschĂ© reçoivent leurs part de coups. En outre, comme EpistĂ©mon le remarque, les Chicanous agissent pour le compte du prieur et leur sort cruel relĂšve d’une injustice qui ouvre la voie Ă  un cycles de violences[71].

Abus du clergé et antipapisme

La satire religieuse, largement prĂ©sente dans l’ensemble de la fiction rabelaisienne, occupe Ă©galement une part significative du Quart Livre. L’opposition entre les Papefigues et les Papimanes tourne en dĂ©rision l’idolĂątrie envers le pape. La diablerie avec le paysan est l’occasion de piques contre la luxure des moines, sans oublier, dans un autre domaine, la cupiditĂ© des avocats, la tromperie des marchands et la ruse des chambriers[71].

Une assemblée de dignitaires ecclésiastiques est assise dans une cathédrale.
Si la France a globalement entretenu des relations complexes avec le Concile de Trente, plusieurs attitudes coexistent avec la position satirique de Rabelais, comme l'humanisme gallican de Guillaume Postel ou a contrario l'abandon du gallicanisme intransigeant par le cardinal Charles de Lorraine[72].

L’adoration des dĂ©crĂ©tales sur l’üle des Papimanes moque l’autoritĂ© du droit canonique, placĂ©e au-dessus de la charitĂ© chrĂ©tienne. Ces textes, Ă©laborĂ©s Ă  partir de Gratien au XIIe siĂšcle, assurent une protection du clergĂ© contre le pouvoir civil et royal. L’évĂȘque Homenaz prĂ©fĂšre ainsi un substitut de la Bible Ă  la parole de Dieu[73]. L'attaque contre les dĂ©crĂ©tales s'effectue Ă©galement de maniĂšre indirecte dans l'Ă©pisode des Chicanous, puisqu'elles condamnent le port des costumes terrifiques des reprĂ©sentations ayant lieu dans les Ă©glises et du prĂȘt d'un habit religieux Ă  des fins rĂ©crĂ©atives. À travers ces allusions critiques, Rabelais brocarde l’immunitĂ© clĂ©ricale et la distinction entre clercs et laĂŻcs[74]. La critique de la sacralisation du pape, des rituels de la messe et des objets de la liturgie rejoint celle des rĂ©formĂ©s. Le portrait du pape est admirĂ© par les signes extĂ©rieurs comme la tiare et les pantoufles, non pour sa posture et son humilitĂ©[75].

Les Papimanes forment une allĂ©gorie transparente des papistes qui dĂ©note la plus grande clartĂ© du Quart Livre par rapport aux prĂ©cĂ©dents romans, placĂ© sous le signe de la complexitĂ© hermĂ©neutique dans le prologue de Gargantua ou travaillĂ© par la perplexitĂ© de Panurge dans le Tiers Livre. Cette caractĂ©ristique rejoint les prĂ©occupations esthĂ©tiques et historiques relevant d'une littĂ©rature de combat. Ainsi, lorsque Homenaz dĂ©clare « Nous sommes simples gens, puy qu'il plaist Ă  Dieu. Et appellons les figues, figues : les prunes, prunes : et les poires, poires. », il traduit une attitude simpliste qui refuse de voir l’ambiguĂŻtĂ© des signes et se retrouve dans sa lecture littĂ©raliste des textes sacrĂ©s. Les Papimanes cultivent une vision binaire du monde dĂ©nuĂ©e du doute, considĂšrent leur salut comme acquis et accordent moins de confiance Ă  un Dieu incorporel et invisible qu'Ă  son reprĂ©sentant sur Terre. La clartĂ© du propos rabelaisien s'explique par sa visĂ©e pamphlĂ©taire et la dĂ©fense du gallicanisme contre les tenants de la primautĂ© du Vatican. L'estimation de la captation de 400 000 ducats annuels tirĂ©s du Royaume de France par Rome rejoint les estimations, sans doute un peu exagĂ©rĂ©es, de l'Ă©poque. Surtout, les ennemis et les alliĂ©s sont explicitement nommĂ©s, comme Calvin et Putherbe citĂ©s au nombre des enfants difformes d'Antiphysie Ă  la fin de la description de Quaresmeprenant. Les enjeux polĂ©miques de la satire expliquent la moindre ambivalence du texte[76].

Portrait de Jules III
La critique des décrétales s'inscrit dans le contexte de la crise gallicane de 1550-1551. Il vise en particulier Jules III, représentant du droit canonique au concile de Trente alors qu'il était le légat pontifical de Paul III, position intenable pour les évangéliques et les protestants[74].

La satire ne vise pas Ă  un rejet univoque des pratiques religieuses comme le montre la reprĂ©sentation multiforme des priĂšres dans le roman. Les Papimanes effectuent une quĂȘte pendant une messe sĂšche, sans offertoire, ce qui contrevient Ă  la liturgie, mais de surcroĂźt utilisent l’argent pour le plaisir de la table. Ils multiplient les signes ostentatoires et superstitieux, comme le baiser des pouces en croix. À l'inverse, la cĂ©rĂ©monie propitiatoire qui prĂ©cĂšde le dĂ©part en mer, la foi simple de Couillatris et l'oraison de Pantagruel pendant la tempĂȘte tĂ©moignent d'une ferveur religieuse sincĂšre. Lors de cet Ă©pisode, les invocations rĂ©pĂ©tĂ©es de Panurge apeurĂ© offrent un contrepoint comique Ă  la supplication brĂšve de Pantagruel. Ce dernier manifeste une confiance humble envers la volontĂ© divine, qu'il rĂ©affirme devant Macrobe[77].

Outre le papisme et les abus du clergĂ©, le rĂ©cit attaque le formalisme religieux et plus particuliĂšrement la doctrine chrĂ©tienne de l’eucharistie. Conçue pour rappeler la CĂšne et la communion du Christ avec ses disciples, son sens est alors dĂ©voyĂ©, comme le montre l'Ă©pisode centrĂ© autour de Messire Gaster. En effet, la cĂ©rĂ©monie qui le cĂ©lĂšbre moque le travestissement du rite chrĂ©tien, le transport du ciboire et de la burette par les acolytes Ă©tant remplacĂ©s par l'acheminement de corbeilles et de marmites par des gros valets. Les GastrolĂątres se livrent Ă  une parodie de messe dans laquelle ils s'adonnent Ă  des sacrifices. Les humanistes critiquent la fixation de la communion eucharistique en une sĂ©rie de rĂšgles et de chants suivis sans rĂ©flexion, l'interprĂ©tation de ce sacrement comme un sacrifice et l'idĂ©e d'une prĂ©sence rĂ©elle du Christ dans l'eau et le vin, permettant le rachat des fidĂšles Ă  la maniĂšre d'un rite paĂŻen. Dans cette perspective, le caractĂšre en apparence inachevĂ© du roman s'explique, l'espoir placĂ© par Panurge dans le mot de la Dive Bouteille Ă©tant aussi illusoire que celui d'un salut par l'ingestion de l'hostie[78].

Les jurons de Panurge associĂ©s au diable et la farce de François Villon Ă©voquent les diableries des MystĂšres mĂ©diĂ©vaux, lors desquels les personnages incarnant des rĂŽles diaboliques tourmentaient les damnĂ©s Ă  la grande joie du public et n'hĂ©sitaient pas Ă  sortir de la scĂšne rĂ©pandre dans la ville un tintamarre carnavalesque. Les diables du Quart Livre jouent cependant aussi un rĂŽle satirique. La scĂšne du laboureur de l'Ăźle des Papefigues plongĂ© dans l'eau bĂ©nite comme un canard pendant que des prĂȘtres lisent un grimoire moque ainsi l'exorcisme en vogue Ă  l'Ă©poque. L’évocation des damnĂ©s cuisinĂ©s et mangĂ©s en Enfer par le tourmenteur du paysan ou par Homenaz dĂ©tourne l’imagerie populaire des souffrances qui attendent les damnĂ©s afin de moquer les croyances superstitieuses[79].

Un évangélisme feutré ou militant ?

Les Ă©vangĂ©liques, se caractĂ©risant par le dĂ©sir de transmettre le message biblique au plus grand nombre et en langue vernaculaire sans rompre avec la papautĂ©, bĂ©nĂ©ficiaient du soutien de François Ier avant l’affaire des Placards. La lutte contre l’hĂ©rĂ©sie qui en dĂ©coule voit s'accentuer la rĂ©pression, comme le montre l’édit du 13 janvier 1535 qui interdit l'imprimerie. Les Ă©vangĂ©liques voient leurs possibilitĂ©s d'action limitĂ©es[80].

Verdun-Léon Saulnier soutient la thÚse de l'hésuchisme de Rabelais, attitude qui désigne le renoncement à une propagande active proche du quiétisme et le désir de vivre en paix[81]. Dans cette perspective, les idées polémiques du Quart Livre seraient volontairement présentées avec précaution et sous le sceau du secret afin d'éviter les persécutions, comme le suggÚre l'expression de « jardin secret » qui revient plusieurs fois dans le roman[82] - [83]. Ainsi, il voit une marque d'indépendance dans le coup de canon tiré devant de l'ßle de Ganabin, qui ne serait pas le refuge des voleurs mais celui de la mauvaise justice et de la répression[N 15], manifestant la prudence sereine de Pantagruel, par différence avec la couardise de Panurge prenant la fuite et la témérité de FrÚre Jean prompt à prendre les armes[84].

Inversement, GĂ©rard Defaux affirme que l'anticlĂ©ricalisme viscĂ©ral de Rabelais s'exprime sans fard, mĂȘme si en effet le pouvoir se durcit Ă  l'Ă©gard des pensĂ©es hĂ©rĂ©tiques depuis 1534[85]. La prĂ©face du Quart Livre de 1548 constitue, en dehors de l'Ă©pisode de la guerre entre les geais et les pies, un plaidoyer doublĂ© d'un rĂ©quisitoire qui ne s'apparente pas Ă  une rĂ©tractation. Les allusions et les attaques personnelles contre les dogmes des Ă©vangĂ©listes sont prĂ©cises, directes et appuyĂ©es[86]. Michael Screech dĂ©clare que si le roman s'inscrit dans la ligne politique du roi de France et le contexte politico-religieux s'y Ă©panouit plus que dans les prĂ©cĂ©dentes Ɠuvres, la dimension propagandiste n’en n'est qu'une parmi d'autres, comme le montrent les passages avant tout divertissants et comiques[87].

Interprétations

Usages savants et impertinents des jeux de mots

Sur le premier plan de ce tableau, trois personnages à l'embompoint prononcé portent un soufflet, que l'un met en bouche. Plusieurs moulins sont visibles en arriÚre-plan.
Dans la bouche de Pantagruel, « ne vivre que de vent » suggÚre à la fois une idée de simplicité et d'inconsistance, d'un trop grand détachement à l'égard des choses concrÚtes[88]. Tableau de Maurice Sand.

La motivation des tournures lexicales pose le problĂšme de la responsabilitĂ© et de la gratuitĂ© du langage. En effet, plusieurs Ă©pisodes narratifs Ă©voluent sur des malentendus ou des double-sens. Lorsque Couillatris rĂ©clame sa cognĂ©e, Priape brode sur l’équivoque sexuelle du mot, ce Ă  la suite de quoi les dieux Ă©clatent de rire comme un « microcosme de mousches » avant de mettre l’infortunĂ© Ă  l’épreuve. De mĂȘme, le podestat d’Ennasin manque de contrarier Pantagruel lorsqu’il prend au mot la boutade de Panurge et ne reconnaĂźt pas le caractĂšre factice des liens qu'il Ă©tablit. Chez les Allianciers, les unions s’expliquent principalement par la reconstitution d’expressions figĂ©es, une fois les termes individualisĂ©s et incarnĂ©s. Elles aboutissent Ă  une perte de l’usage commun et Ă  une autosuffisance du symbole qui exaspĂšre le gĂ©ant, comme les mots « corne » et muse qui forment « cornemuse ». Antiphysie, qui rĂ©emploie les images usuelles de la dignitĂ© de l’homme pour les inverser, ou les Papimanes, adorant au sens propre le « dieu en terre » par le biais des effigies, reprĂ©sentent Ă©galement cette aporie de la symbolisation, au mĂȘme titre que les calembours. L’incidence des jeux de mots sur le cours du rĂ©cit dĂ©nonce l’idolĂątrie des signes[89].

Le rĂŽle narratif des jeux sĂ©mantiques s’observe notamment dans le dĂ©tournement des proverbes. La lecture littĂ©rale d’une mĂ©taphore figĂ©e est un procĂ©dĂ© courant chez Rabelais. Son originalitĂ© tient dans la mise en scĂšne de ces expressions, comme l’illustre l’üle de Ruach oĂč la formule « ne vivre que de vent » est exploitĂ©e tout au long de l’épisode : les ventouses soignent les coliques venteuses des Ă©ventĂ©s. La locution « rompre les andouilles aux genoux », qui donne son titre au chapitre 41, dĂ©note la prouesse des PantagruĂ©listes qui arrivent Ă  produire l’impossible, tandis que les Ă©noncĂ©s parĂ©miques sont personnifiĂ©s sur l'Ăźle des Allianciers. Par exemple, les personnages de fourgon et de pelle se rĂ©fĂšrent au proverbe permutable : « Le fourgon se moque de la pelle »[N 16]. Rabelais reformule le sens fixĂ© par l'usage et redonne vie aux mots comme l'Ă©voque l'Ă©pisode des paroles gelĂ©es. Le dĂ©tournement proverbial sert ainsi Ă  la fois Ă  poser le cadre du rĂ©cit, Ă  lui donner une impulsion ludique et Ă  explorer les potentialitĂ©s de la langue[90].

L'usage de l'apophtegme vĂ©rifie ce double aspect de facĂ©tie ludique et de rĂ©flexion sur le langage. Panurge, aveuglĂ© par son Ă©gocentrisme, en dĂ©forme ainsi une prĂȘtĂ©e Ă  Pyrrhon Ă  propos d'un pourceau heureux d'ĂȘtre sur le rivage en pleine tempĂȘte alors que toutes les versions de cette histoire mentionne l'animal sur le bateau, qui est d'ailleurs un symbole de la stupiditĂ©[MH 32], et que rien dans l'attitude de Panurge ne traduit la capacitĂ© Ă  se remettre en cause, caractĂ©ristique de la philosophie sceptique. Pantagruel y recourt au contraire dans un but didactique afin d'Ă©difier et d'encourager ses compagnons. Et surtout, il refuse l'usage dogmatique qu'en fait Panurge, sans s'interdire d'en employer Ă  des fins comiques. Dans les deux cas, l'apophtegme manifeste Ă  la fois le recours Ă  un argument d'autoritĂ© et sa problĂ©matisation[91].

S'inscrivant dans une tradition bien représentée dans la littérature médiévale, les listes rabelaisiennes doivent se lire à la fois par rapport à la logique interne du récit et en rapport aux hypotextes auxquelles elles renvoient. Le Quart Livre comprend quatre de ces séquences énumératives : l'anatomie de Quaresmeprenant, le repas des Gastrolastres, les animaux venimeux et les cuisiniers de la guerre des Andouilles. Cette derniÚre, se composant de 161 substantifs ayant valeur de noms propres, recourt au champ lexical de l'alimentation. Un tiers de ces mots semble n'avoir aucun lien direct avec le domaine de la nourriture, bien que leur obscurité peut résulter de l'évolution de la langue, le terme de « Balafré » renvoyant par exemple à une forme dialectale du verbe « bùfrer ». Les intrus apparents s'expliquent par des acrobaties étymologiques ou des jeux sur le signifiant : le patronyme « Lasdaller », qui signifie « paresseux », s'intÚgre dans la liste parce que c'est une anagramme formée par « lard » et « saler ». La liste recÚle des effets poétiques par l'isométrie (alternance et homologie du nombre de syllabes dans les différentes séquences de mots) et l'homéotéleute (Cabirotade et Carbonnade ou Badigoncier et Saffranier). Cette accumulation verbale renvoie d'une part à la réflexion sur le travail de la langue et l'adéquation entre le nom et la chose, elle participe d'autre part à la création d'un style héroïcomique puisqu'elle parodie les énumérations des armées fréquentes dans les épopées, comme le montrent les allusions à la Batrachomyomachie et à l'Iliade[92].

Plus nombreux et plus longs que dans les prĂ©cĂ©dents romans, les onomatopĂ©es du Quart Livre donnent un tour comique au registre Ă©pique et Ă  la quĂȘte sur l'origine du langage qui traversent aussi le rĂ©cit. MĂȘme si certaines des interjections onomatopĂ©iques de Rabelais reprennent celles de grammairiens anciens ou contemporains comme Scaliger, la plupart sont de son invention. De plus, il dĂ©ploie parfois cette trope de maniĂšre exubĂ©rante, voire sur plusieurs lignes, n'hĂ©site pas Ă  rendre des sons d'animaux passant outre les conventions rhĂ©toriques, imitant le premier miaulement Ă©crit de la langue française[N 17], et se livre Ă  des suites consonantiques qui Ă©voquent un son confus dĂ©nuĂ© de sens (la suite de « r » prononcĂ©e par Dindenault). Les vocalises erratiques rendent sensibles la peur de Panurge dans l'Ă©pisode de la tempĂȘte. En revanche, le dĂ©luge d'onomatopĂ©es qui jaillit lors de la fonte des paroles gelĂ©es Ă©voque davantage la confusion babĂ©lique des langues et les interrogations de l'Ă©poque sur les parlers primitifs[93].

Le dégel de la parole

Un discours sur l'interprétation peut se lire en filigrane dans les quatre séquences finales du Quart Livre. Dans l'épisode des Papimanes, Homenaz incarne une conception figée et rigide du langage, engluée dans le sensible et le littéralisme, tandis que Pantagruel, ouvert à la polysémie, ne craint pas l'innovation lexicale, comme l'illustre la nomination des poires reçues en cadeau. Lorsqu'il arrive avec ses compagnons vers les paroles gelées, il n'hésite pas à échafauder plusieurs hypothÚses quant à leur signification, contrairement à ses compagnons frappés de stupeur par ce qu'ils entendent sans voir et au capitaine qui réduit le phénomÚne extraordinaire au souvenir d'une bataille passée. De plus, en refusant de thésauriser les mots, il rappelle que le langage se recrée dans le mouvement de la vie, alors que Panurge souhaite manipuler la parole comme un objet, proposant de la donner (comme un amoureux) ou de la vendre (comme un avocat). La figure de Messire Gaster se rapporte aussi à la dualité du signe et aux méfaits du littéralisme : ceux qui se contentent du sens premier de la faim vivent obnubilés par leur ventre, alors qu'elle recÚle une fonction créatrice parce qu'elle éveille l'imagination. Lors du dernier banquet, les compagnons se satisfont de la non-résolution des énigmes et se réjouissent de leur réfection corporelle, tandis que Pantagruel épingle la fixité de leur esprit consumé par leur appétit et propose de « hauser le temps » non seulement en buvant, sens traditionnel de l'expression pour les marins, mais en laissant le temps se lever, jouant encore de la polyvalence du sens[94].

L’image de paroles ou de sons pris dans la glace est bien antĂ©rieure Ă  Rabelais. Plutarque affirme qu’Antiphane dĂ©crivait l’enseignement de Platon comme des paroles gelĂ©es dont le sens dĂ©gĂšle avec l’ñge et la sagesse. En outre, un voyageur du Courtisan de Castiglione Ă©voque un tel phĂ©nomĂšne rapportĂ© d’un sĂ©jour en Moscovie. NĂ©anmoins, Rabelais utilise ce thĂšme dans un sens bien particulier[95]. Il offre une lecture chrĂ©tienne du mythe de Petron dĂ©crit par Plutarque dans le traitĂ© Sur la disparition des oracles : le rĂ©cit antique affirme que les IdĂ©es (LĂłgoi) et les Exemplaires (ParadeĂ­gmata) placĂ©s dans les triangles cĂ©lestes se dĂ©versent en partie dans le monde temporel par le mouvement de l'Ă©ternitĂ©. Dans la version de Pantagruel, les paroles tombent du manoir de vĂ©ritĂ© jusqu'Ă  la « consommation du SiĂšcle, » terme tirĂ© de l'Évangile selon Matthieu pour qualifier la fin des temps[96]. Dans cette perspective, l'Ă©pisode des paroles gelĂ©es porte sur la part de vĂ©ritĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e que contiennent les mots en dĂ©pit de leur dimension conventionnelle et la possibilitĂ© de la connaissance par l'intermĂ©diaire du langage, rejoignant certaines affirmations platoniciennes du Cratyle[97]. Les mots participeraient d'une lumiĂšre divine dĂ©goulinant sur l'humanitĂ© comme les catarrhes[98], ce sont des « vĂ©hicules bruyants de l'opinion » capables exceptionnellement de traduire le vrai[99]. Selon cette lecture, le chapitre 56 est le pendant comique du prĂ©cĂ©dent. Une fois dĂ©gelĂ©es, les paroles se rĂ©duisent Ă  ĂȘtre des sons et des voix peu intelligibles oĂč se mĂȘlent une langue inconnue et le vacarme d'une guerre[100]. Hors du langage touchĂ© par la grĂące rĂšgnent la confusion et les malentendus, les seuls sons dotĂ©s d'une signification naturelle se rapprochant du bruit des bĂȘtes[101].

Le chapitre 56 est en effet le lieu d'une bataille linguistique. Ainsi, Panurge reste avant tout sensible Ă  la matĂ©rialitĂ© et Ă  la perception du signe, de mĂȘme que la plupart de ses compagnons sont attachĂ©s aux qualitĂ©s sensibles de la parole, tandis que Pantagruel dĂ©tourne volontiers le sens afin de l’entendre au figurĂ©. NĂ©anmoins, l'un ne l'emporte pas nĂ©cessairement sur l'autre : avant l'intervention du pilote, Panurge pressentait Ă  juste titre les bruits d'une bataille mais croyait Ă  une menace actuelle ; Pantagruel avait discernĂ© le gel et le dĂ©gel des paroles sans donner d'explication appropriĂ©e. Rabelais joue non seulement avec la nature des signes mais avec leur usage : Panurge accorde aux paroles une valeur indicielle qui l'incite Ă  fuir ; Pantagruel les considĂšre comme des signes prĂȘtant matiĂšre Ă  rĂ©flexion[102]. Il importe cependant de ne pas surinterprĂ©ter l'Ă©pisode des paroles gelĂ©es, car il est aussi une mise en scĂšne de l'arbitraire du signe. Les personnages livrent leur conception de ce phĂ©nomĂšne incroyable au dĂ©triment du narrateur et le caractĂšre fantaisiste de la fiction prend le pas sur les prĂ©tentions rationalisantes. Les couleurs de l'hĂ©raldique, science du symbole, rappellent le caractĂšre conventionnel du sens prĂȘtĂ© au signe, et la derniĂšre hypothĂšse de Pantagruel relative au chant d'OrphĂ©e Ă©voque la dimension poĂ©tique des paroles gelĂ©es[103].

Le son, entre cacophonie et signe de vie

L'Ă©vocation des bruits du monde, qui traverse en effet le roman, n'est cependant pas Ă  lire unilatĂ©ralement sous un jour nĂ©gatif. En plus de l'Ă©pisode des paroles gelĂ©es, la diablerie de François Villon donne lieu Ă  un tapage sonore, les acteurs dĂ©ambulant dans la ville avec leurs cymbales et leurs sonnettes, les noces de BaschĂ© sont rĂ©glĂ©es au son d'instruments de musique, une canonnade conclut le Quart Livre. Des gloussements de Dindenault aux gĂ©missements de Panurge, les onomatopĂ©es signalent le caractĂšre des personnages qui les profĂšrent tout en rehaussant l’aspect ludique du texte. Outre l'intĂ©rĂȘt linguistique, le rĂ©cit manifeste ainsi un intĂ©rĂȘt pour la valeur acoustique du signe et exalte la parole vive, par contraste avec la reprĂ©sentation parfois (mais non exclusivement) dĂ©favorable de l'imprimĂ© Ă  plusieurs endroits de l'intrigue, trahissant le caractĂšre inerte de l'Ă©criture quand elle n'est pas soutenue par un lecteur[104]. Comme dans les autres romans, Rabelais glisse de nombreuses allusions Ă  la musique, sans manifester cependant une conception originale et approfondie de la thĂ©orie musicale. L'Ă©pisode des paroles gelĂ©es sous-tend un atomisme sonore, le gel conservant non seulement la partie matĂ©rielle du son mais aussi le timbre et la hauteur, se voyant dotĂ© d'une couleur et d'une matĂ©rialitĂ© qui sollicitent les autres sens que l'ouĂŻe. Suivant un procĂ©dĂ© dont il est coutumier, l'Ă©crivain aime mĂȘler l'Ă©vocation de la forme musicale avec une rĂ©alitĂ© plus triviale, Pantagruel commentant ainsi les pets de Panurge : « je accorde au contrepoint de la musique que vous sonnez du nez »[105].

Une farce tragicomique

L'Ă©criture rabelaisienne mĂȘle volontiers les niveaux de sens, le registre comique camouflant un propos sĂ©rieux et inversement. Les Ă©quivoques obscĂšnes renvoient aussi bien Ă  la gaietĂ© carnavalesque qu'Ă  la convivialitĂ© Ă©vangĂ©lique, comme l'illustrent les liens entre la mort et le rire dans le roman. Les traquenards mortels dont sont victimes Dindenault et Tappecoue tournent en dĂ©rision et avec verve des personnages imbus de leur autoritĂ© ; la violence de ces Ă©pisodes est nĂ©anmoins contrebalancĂ©e par la perspective humaniste des pantagruĂ©listes. La cruautĂ© de Panurge et de Villon n'est pas condamnĂ©e par une leçon de morale, ce qui permet de prĂ©server la lĂ©gĂšretĂ© de ces farces tragiques, mais se trouve sanctionnĂ©e par le comportement symĂ©triquement pondĂ©rĂ© de Pantagruel. L'histoire de la hache de Couillatris valorise la mĂ©diocritĂ©, entendue comme juste mesure entre deux excĂšs, sans passer par un sermon mais par un jeu de massacre dont sont victimes les paysans cupides. Le rire rabelaisien est protĂ©iforme, la joie pantagruĂ©liste s'opposant Ă  la joie mauvaise des farceurs. Les cas de trĂ©pas consĂ©cutifs Ă  un rire rĂ©pertoriĂ©s dans le catalogue de morts Ă©tranges du chapitre 9, issus d'une compilation de Ravisius Textor, peuvent tout aussi bien ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme une forme de chĂątiment de l’amour de soi qu'une affirmation de la joie jusque dans la mort[106].

Le caractĂšre fantasmagorique de l’épisode du BaschĂ© s'appuie sur l'enchĂąssement successif des rĂ©cits, qui accroĂźt l'impression de leur irrĂ©alitĂ©. L'inversion des valeurs incarnĂ© par les Chicanous, enviĂ©s lorsqu'ils sont battus illĂ©galement et plaints lorsqu'ils sont punis de leur vol sacrilĂšge, en montre la portĂ©e carnavalesque. Celle-ci est confirmĂ©e par la prĂ©sence insistante du vin, associĂ©e aussi bien Ă  la fĂȘte qu'Ă  un dĂ©bordement bacchique oĂč les rĂšgles sociales semblent abolies. ÉpistĂ©mon remarque que c'est le commanditaire des chicanes, le Prieur, qui devrait ĂȘtre rossĂ© plutĂŽt que les exĂ©cutants que sont les Chicanous, mais ce commentaire incident apparaĂźt comme un point de repĂšre moral qui n'arrĂȘte pas la dĂ©raison joyeuse du rĂ©cit[107].

Rabelais use ainsi des ressources de la tragicomĂ©die Ă  la maniĂšre d'un concept expĂ©rimental plutĂŽt que d'un genre codifiĂ©. DĂ©fini dans la BrĂšve dĂ©claration comme une « farce plaisante au commencement, triste en la fin », la tragicomĂ©die est Ă©voquĂ©e sur l'Ăźle des MacrĂŠons et Ă  propos du tour jouĂ© aux Chicanous. La notion est alors aussi bien sollicitĂ©e par les poĂ©ticiens, Antonio Minturno (en) commentant le caractĂšre ambigu de l’Amphitryon de Plaute, que dans la littĂ©rature vernaculaire, la prĂ©face de l'Abraham sacrifiant de ThĂ©odore de BĂšze prĂ©cisant le caractĂšre double de sa piĂšce. Elle se marie bien avec le caractĂšre incertain du voyage, ouvert aux Ă©vĂšnements imprĂ©visibles et soudains, et manifeste le goĂ»t rabelaisien pour l’ambivalence, comme le montre le diptyque de Bringunenarilles et de du Bellay, la mort Ă©tant reprĂ©sentĂ©e successivement comme farce comique et tragique. Il en est de mĂȘme pour la violence, dont le spectacle finit en horreur pour les Chicanous et en beautĂ© pour les Andouilles. Le pantagruĂ©lisme, prĂ©sentĂ© comme une « gayetĂ© d'esprit conficte en mespris des choses fortuites » dans le prologue, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l'Ă©tat d'esprit Ă  cultiver face Ă  l'incertitude de l'avenir, textuel ou non[108].

TĂ©ratologie

Tableau de Mantegna qui représente Minerve chassant les vices personnifiés du jardin de la vertu.
Le collier de Mardi-Gras porte comme inscription « Pourceau Minerve enseignant », ce qui peut symboliser la philautie, ou l'amour de soi, mais aussi renvoyer à la curiosité impie (impia curiositas). Le monstre, en outre paré des attributs du luxe, sert ainsi à épingler les abus de la papauté, tandis que la race andouillique fait écho aux serpents de la GenÚse[N 18] - [109]

La figure du monstre reprĂ©sente pour l'Ă©lite savante de la Renaissance un phĂ©nomĂšne extraordinaire dictĂ© par Dieu, admirable ou effrayant, se donnant comme une Ă©nigme Ă  interprĂ©ter. Une tradition plus ancrĂ©e dans la culture populaire n’attribue pas un sens cosmique Ă  la monstruositĂ© mais l'assimile Ă  des formes d'expressions carnavalesques associĂ©es Ă  la peur ou au grotesque. Les multiples conceptions se trouvent dans l’Ɠuvre rabelaisienne, le monstrueux Ă©tant souvent utilisĂ© comme repoussoir de la pensĂ©e humaniste Ă  des fins polĂ©miques[110].

Les rĂ©alitĂ©s insolites posent donc un problĂšme d'hermĂ©neutique, car les singularitĂ©s ne renvoient pas nĂ©cessairement et systĂ©matiquement Ă  un sens cachĂ©. Quatre sĂ©quences se rĂ©fĂšrent explicitement au monstre dans le roman : la tempĂȘte, associĂ©e aux prodiges dans l'Ăźle des Macraeons, Quaresmeprenant, le physetĂšre et les Andouilles. La tempĂȘte, d'abord considĂ©rĂ©e comme un cataclysme naturel, se voit ainsi dĂ©cryptĂ©e plus tard comme un signe prĂ©monitoire de la mort des hĂ©ros et se trouve rĂ©intĂ©grĂ©e dans une explication logique du monde. En revanche, l'attaque du physetĂšre, qui rappelle l'Ă©pisode tempĂ©tueux, ne semble signifier rien d'autre que lui-mĂȘme et la crĂ©ature vaincue se retourne comme un banal poisson mort. De mĂȘme, si l'opposition entre les Andouilles et Quaresmeprenant Ă©voque Ă  premiĂšre vue l'opposition entre carĂȘme et carnaval, ainsi que la satire Ă©vangĂ©lique contre la violence institutionnelle de l’Église, des Ă©lĂ©ments fantasques dĂ©mentent l'idĂ©e d'une symbolisation transparente et montrent l’ambivalence des signes. Le corps des Andouilles, Ă  la fois phallique, hybride et animal, n'est pas moins monstrueux que celui de leur ennemi et leur Ă©trangetĂ© rĂ©siste aux explications totalisantes, mĂȘme s'il Ă©voque la concomitance des plaisirs sexuels et alimentaires. La rĂ©fĂ©rence de Pantagruel Ă  la thĂ©orie de Cratyle Ă  propos du nom des Andouilles ne doit ainsi pas ĂȘtre prise trop au sĂ©rieux, elle participe Ă  la tonalitĂ© burlesque de la bataille[111].

Peinture d'une dissection de Guy de Chauliac.
Dans sa Grande chirurgie, Guy de Chauliac affirme que l'estomac ressemble Ă  une courge courbe et le foie Ă  la Lune. Rabelais amplifie et caricature ce type de comparaison[112].

Quaresmeprenant est un exemple de monstre anatomique et linguistique composĂ© d'Ă©lĂ©ments hĂ©tĂ©roclites, oĂč l'humain et le non-humain ne fusionnent pas. Afin de le dĂ©crire, Rabelais recourt Ă  l'analogie en parodiant Ă  la fois les traitĂ©s d'anatomie et les mirabilia des rĂ©cits de voyage. Ainsi que l'avait remarquĂ© Anatole-FĂ©lix Le Double, il existe des correspondances entre les parties du personnage et les objets servant Ă  la comparaison : les omoplates sont comme un mortier car la tĂȘte de l'humĂ©rus s'y insĂšre tel un mortier dans un pilon. Ce systĂšme analogique, prĂ©sent dans l’Ɠuvre de Galien, est remis alors en cause par les planches de VĂ©sale. Rabelais s'inspire Ă©galement des voyageurs qui rapprochent l'inconnu du connu par des comparaisons et des descriptions extraordinaires. L'invraisemblance du portrait est cependant mise en cause par Pantagruel, qui se demande comment les parties internes ont pu ĂȘtre analysĂ©es sans dissection[112]. La monstruositĂ© de Quaresmeprenant n'est pas dĂ©peinte sous un jour entiĂšrement nĂ©gatif, puisqu'il emprunte des Ă©lĂ©ments au mythe du Pays de Cocagne (cependant parfois inversĂ©s), manifeste Ă  sa maniĂšre la richesse de la nature et partage des points communs avec les rois de CarĂȘme (l'association de son immobilitĂ© et de sa productivitĂ© par exemple). Il vĂ©hicule un propos satirique mais n'en reste pas moins un personnage de contrastes par certains dĂ©tails : il rit en mordant, mĂȘle la paresse et l’activitĂ© et apprĂ©cie comme Pantagruel les plaisirs de la table[113].

Outre leur rĂŽle narratif, la description des monstres pose un cadre irrĂ©el et fabuleux. Rabelais recourt Ă  l’enargeia[N 19], c'est-Ă -dire aux procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques qui s'efforcent de rendre sensible une description avec la force de l'Ă©vidence, bien que les crĂ©atures ne soient pas toujours reprĂ©sentables. Le physetĂšre et le pourceau volant, respectivement dĂ©crits par Olaus Magnus et Élien, sont ainsi des ĂȘtres imaginables, qui s'inscrivent dans la logique du rĂ©cit. La morphologie de Quaresmeprenant n'est prĂ©cisĂ©e que par Xenomanes et rien ne garantit qu'il n'exagĂšre pas auprĂšs de ses compagnons[113]. En revanche, Bringuenarilles, empruntĂ© au Disciple de Pantagruel, frappe par l'invraisemblance de sa mort et revĂȘt un caractĂšre ornemental par sa prĂ©sence tĂ©nue dans le roman[114].

Une physiologie obscÚne et polémique

Extrait du livre Rabelais anatomiste et physiologiste avec une gravure de vilebrequin et de hanche.
En 1899, l'anatomiste Anatole-FĂ©lix Le Double relĂšve l'usage comique des descriptions corporelles. Certaines images dĂ©crivant Quaresmeprenant sont inspirĂ©es des annĂ©es de moinerie, comme le cƓur qui ressemble Ă  une chasuble, le mĂ©sentĂšre Ă  une mitre abbatiale ou les rotules rendues saillantes Ă  force de gĂ©nuflexions[115].

Des motifs obscÚnes participent à la charge polémique du texte, comme le montre la description anatomique de Quaresmeprenant, la réécriture du mythe de l'androgyne sous les traits d'Antiphysie ou les équivoques relatives à Priape (équivoque entre mens, esprit, et mentula, la verge)[116]. Les Andouilles représentent cet aspect en apparence trivial du comique rabelaisien : ces saucisses sont littéralement des phallus dressés et Niphleseth renvoie au membre viril en hébreu. Selon les déductions d'Alban Krailsheimer, le choix des Andouilles s'explique par la langue allemande, Schmalkaldauen (littéralement « tripes étroites ») se rapprochant de Schmalkalden et évoquant la ligue de Smalkalde, donc le camp des protestants. Le fondateur des Andouilles est un porc, or Martin Luther est désigné comme un sanglier sauvage dans l'incipit de la bulle Exsurge Domine. L'intransigeance des luthériens, comparés aux Andouilles attaquant sans discernement, est ainsi renvoyée dos à dos avec celle du camp papiste. Les 27 barriques de moutarde, symbole scatologique, envoyées comme baume céleste par Mardi Gras achÚvent cette dégradation symbolique par le bas corporel[117].

L'Ă©tron ne possĂšde cependant pas une valeur uniquement dĂ©prĂ©ciative dans la prose Ă©vangĂ©lique. Ses connotations puĂ©riles, ses propriĂ©tĂ©s curatives et mĂȘme son aspect immonde ne sont pas opposĂ©s Ă  l'Ă©lĂ©vation spirituelle et au rire gras. DĂ©jĂ  prĂ©sent dans la geste rabelaisienne, par exemple Ă  propos du torchecul dans Gargantua, les excrĂ©ments sont un objet d'exagĂ©ration comique lorsque Dindenault souligne les bienfaits des dĂ©jections de ses moutons (« Par tous les champs es quelz ilz pissent, le bled y provient comme si Dieu y eust pissĂ© »). L'Ă©numĂ©ration scatologique relĂšve d'un plaisir enfantin et innocemment transgressif tout comme il rejoint l’idĂ©al humaniste de la prĂ©sentation du corps humain dans sa totalitĂ©. Le stercoraire conserve cependant sa dimension rabaissante et moralisatrice quand Gaster rappelle aux matagots qu'il n'est pas Dieu mais qu'une humble crĂ©ature, les invitant Ă  chercher une trace de la divinitĂ© dans ses selles, dĂ©nonçant par lĂ  le scandale de l'incarnation. La conclusion malodorante du Quart Livre peut s'interprĂ©ter comme dans l'HeptamĂ©ron de Marguerite de Navarre : l'entreprise littĂ©raire et plus globalement le langage se trouvent disqualifiĂ©s dans leur prĂ©tention Ă  dĂ©crire le monde[118].

Safran
La transmutation de la matiĂšre vile en or a des connotations alchimiques. Le safran est qualifiĂ© d'or vĂ©gĂ©tal par les alchimistes, par exemple dans le ChrysopƓia d'Augurelli traduit chez Pierre de Tours en 1548 sous le nom de Facture de l'or[119].

L'envolĂ©e finale de Panurge, lors de laquelle ce dernier essaie de se rattraper par une pirouette lexicale, comprend une paronomase, le mot « bren » se trouvant dans « Hibernie » par mĂ©tastase. Ce jeu de mots trahit cependant l’ambivalence de Panurge. Le safran, alors utilisĂ© comme produit pharmaceutique et non comme condiment, est rĂ©putĂ© pour ses nombreuses vertus thĂ©rapeutiques, notamment celles de soulager les effets du vin, mais se trouve aussi prĂ©sentĂ© comme un danger fatal Ă  forte dose. Dans son Canon, Avicenne, aprĂšs avoir listĂ© ses nombreux bienfaits, affirme qu'il apporte une mort douce et joyeuse, idĂ©e par exemple corroborĂ©e par Laurent Joubert dans son TraitĂ© du ris. Panurge, s'il semble opĂ©rer une inversion des valeurs en transmuant sa merde en or, apparaĂźt ainsi comme un escamoteur fanfaron fidĂšle Ă  lui-mĂȘme. Avant sa tirade, Panurge est cependant envoyĂ© se laver et se revĂȘtir de blanc, ce qui, avec les derniers mots du texte (« Sela. Beuvons »), invite Ă  ne pas trancher entre les lectures eschatologiques et scatologiques[120].

RaphaĂ«le Garrod indique que la rĂ©fĂ©rence Ă  un safran irlandais cacherait une mise en Ă©nigme satirique de l'Ă©chec du dĂ©barquement français en Irlande. En rapprochant la couleur de son vĂȘtement de la plante, Panurge Ă©voquerait la chemise safranĂ©e irlandaise, ou lĂ©ine, connue des cosmographes et historiographes de la Renaissance. Cet habit traditionnel est Ă  la fois un marqueur de l'identitĂ© nationale et un signe de rusticitĂ©. Depuis 1540 Gerald FitzGerald, officieusement roi d'Irlande, est l'objet de la rivalitĂ© ente la rĂ©gence d’Édouard VI et de Henri II, qui se disputent son allĂ©geance. La paix entre la France et l'Angleterre d'une part, la dĂ©sunion des lords gaĂ©liques d'autre part mettent Ă  mal ce projet de vassalisation. Gerald FitzGerald rejoint la cause anglaise en juin 1549. Le portrait de Panurge remuant les babines comme un singe avec un chat agrippĂ© Ă  ses chausses avalise cette analyse, le fĂ©lin rappelant les armes anglaises et le singe Ă©tant associĂ© au Kildare depuis le XIIIe siĂšcle[121].

Aperçus sur l'intertextualité

Tableau de Francisco de Goya qui représente un sacrifice fait à Pan
Relecture chrétienne d'un mythe grec décrit par Plutarque, l'évocation de la mort de Pan sur l'ßle des Macraeons est associée à la mort du Christ et à la victoire contre le mal dans la littérature de la Renaissance. Ce motif syncrétique est ainsi présent dans le De Etruriae regionis de Guillaume Postel et le Christianae Philosophae Praludium de Guillaume Bigot[122].

L'Histoire vraie de Lucien, les MacaronĂ©es de Teofilo Folengo et Le Disciple de Pantagruel attribuĂ© Ă  Jehan d'Abundance sont trois sources majeures de l’inspiration rabelaisienne dans le Quart Livre[123].

Le gĂ©ant Bringuenarilles et les Andouilles sont prĂ©sentes dans Le Disciple de Pantagruel. NĂ©anmoins, chez Rabelais le voyage possĂšde une perspective qui amplifie la portĂ©e de sa source d'inspiration. Dans cette derniĂšre, les Ă©vĂšnements se juxtaposent sans que les protagonistes n'en complexifient l'interprĂ©tation par leurs rĂ©cits. Les quelques motifs que reprend l’écrivain sont retravaillĂ©s et dotĂ©s d'un sens nouveau[124].

Les annotations marginales effectuĂ©es sur l’un des quatre exemplaires des Moralia de Plutarque ayant appartenu Ă  Rabelais Ă©clairent certains Ă©lĂ©ments de la genĂšse du Quart Livre[N 20]. Les marginalia de cette compilation d'opuscules rĂ©vĂšlent des passages ayant soulevĂ©s l’intĂ©rĂȘt de l’écrivain. Le traitĂ© De la disparition des oracles inspire Ă  Pantagruel ses rĂ©flexions sur la somme des Ăąges au chapitre XXVII ou l’épisode de la mort de Pan racontĂ© au chapitre suivant. Autre exemple, le rapprochement des idĂ©es et des atomes dont il est fait allusion sur l’üle de Medamothi Ă©voque la physique Ă©picurienne exposĂ©e dans le Contre ColotĂšs. Plus globalement, cette source tĂ©moigne de l’hellĂ©nisme de l'Ă©crivain, puisqu'il commente des Ɠuvres grecques non encore traduites en latin[125].

Le roman cite explicitement neuf fois le corpus hippocratique, ce qui manifeste une influence plus prononcĂ©e que dans les prĂ©cĂ©dentes Ɠuvres narratives. En outre, ce qui est Ă©galement nouveau, la majeure partie vient du traitĂ© des ÉpidĂ©mies. Rabelais s'inspire des commentaires de Galien, de Jean d'Alexandrie et de Leonhart Fuchs Ă  propos de ce texte, ce qui montre qu'il en a consultĂ© plusieurs Ă©ditions. Il s'en rĂ©fĂšre par exemple Ă  propos de la complaisance du mĂ©decin envers le patient, de l'ingestion lĂ©tale d'un serpent ou de l’évocation des Engastrimythes. Ce recueil d'observations a relancĂ© l’intĂ©rĂȘt pour l’observation clinique Ă  la Renaissance et rejoint la tendance des humanistes Ă  corriger les connaissances mĂ©diĂ©vales Ă  l’aide de la philologie grecque. Il rĂ©sume et met en application les enseignements d'Hippocrate exposĂ©s dans d'autres traitĂ©s, ce qui explique son importance pour un mĂ©decin comme Rabelais[126].

Le Quart Livre combine plusieurs genres dramatiques de l'Ă©poque[127]. Les diableries des mystĂšres sont utilisĂ©es Ă  des fins comiques dans l’opposition entre Panurge et FrĂšre Jean[128] ; ou Ă  des fins satiriques pour dĂ©noncer le caractĂšre diabolique des Papimanes[127]. Cette rĂ©fĂ©rence est explicitement soulignĂ©e dans le passage centrĂ© sur le mystĂšre de la Passion Ă  Saint-Maxent organisĂ© par François Villon. La description de la diablerie met en avant les jeux pyrotechniques, le bruit de la performance et les interjections, dont le mot « brou », typique des diables des mystĂšres[129]. Le marchandage entre Dindenault et Panurge fait directement allusion Ă  la tractation dans La Farce de MaĂźtre Pathelin. Elle reprend Ă  premiĂšre vue la forme et la fonction de cette piĂšce et de ce genre dramatique. Il en inverse cependant les Ă©lĂ©ments, puisque le bagout de Pathelin trompait Guillaume tandis que le laconique Panurge triomphe des vantardises de Dindenault. Panurge se rend maĂźtre du discours en laissant la loquacitĂ© du beau parleur tourner Ă  vide[130].

Le jour de l'embarquement de Pantagruel et de sa suite correspond au jour des Vestalia, le mĂȘme mentionnĂ© dans la prĂ©face de L’Éloge de la folie. Comme dans ses autres romans, Rabelais glisse en effet plusieurs allusions Ă  Érasme, rejoignant sa satire des institutions ecclĂ©siastiques, en particulier leur matĂ©rialisme et leur nĂ©gation de la spiritualitĂ© authentique. Dans le Quart Livre comme dans l'opus Ă©rasmien prĂ©citĂ©, le personnage de Priape conjugue un rĂ©pertoire grivois et des aspects christiques[131].

Bibliographie

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Éditions anciennes

  • Le Quart livre des faictz et dictz hĂ©roĂŻques du noble Pantagruel. ComposĂ© par M. François Rabelais, docteur en mĂ©decine et calloier des isles Hieres, Lyon : [s. n.], 1548, Lire en ligne
  • Le Quart livre des faicts et dicts heroiques du bon Pantagruel. ComposĂ© par M. François Rabelais docteur en medicine, Paris : Michel Fezandat, 1552, Lire en ligne

Éditions modernes

  • [Huchon 1994] François Rabelais (Ă©dition Ă©tablie, prĂ©sentĂ©e et annotĂ©e par Mireille Huchon avec la collaboration de François Moreau), ƒuvres complĂštes, Paris, Gallimard, coll. « BibliothĂšque de la PlĂ©iade », , 1801 p., 18 cm (ISBN 978-2-07-011340-8, BNF 35732557). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • François Rabelais (Ă©dition prĂ©sentĂ©e, Ă©tablie et annotĂ©e par Mireille Huchon), Quart Livre, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique » (no 3037), , 682 p. (ISBN 2-07-038959-6, BNF 36196450). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • François Rabelais (Ă©dition critique commentĂ©e par Robert Marichal), Quart Livre, Paris, Gallimard, coll. « Textes littĂ©raires français » (no 10), , XXXVIII-413 p. (BNF 32551775)

Ouvrages

  • GĂ©rard Defaux, Études rabelaisiennes, vol. 32 : Rabelais agonistes, du rieur au prophĂšte : Ă©tudes sur Pantagruel, Gargantua, Le Quart Livre, GenĂšve, Droz, coll. « Travaux d'Humanisme et Renaissance » (no 309), , 627 p. (ISBN 2-600-00202-2, BNF 35869498, prĂ©sentation en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • Franco Giacone (dir.), Langue et sens du Quart Livre : actes du colloque organisĂ© Ă  Rome en novembre 2011, Paris, Classiques Garnier, coll. « Les mondes de Rabelais » (no 1), , 443 p. (ISBN 978-2-8124-0366-8, BNF 42682956, prĂ©sentation en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Nicolas Le Cadet, Rabelais et le thĂ©Ăątre, Paris, Classiques Garnier, coll. « Les mondes de Rabelais » (no 5), , 467 p. (ISBN 978-2-406-10450-6). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • Myriam Marrache-Gouraud (dir.), Rabelais, aux confins des mondes possibles : Quart Livre, Paris, PUF, CNED, coll. « Collection CNED-PUF / XVIe siĂšcle français », , 194 p. (ISBN 978-2-13-059192-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • Michael Screech (trad. de l'anglais), Rabelais, Paris, Gallimard, coll. « Tel », , 640 p. (ISBN 978-2-07-012348-3). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Paul J. Smith, Études rabelaisiennes, vol. 19 : Voyage et Ă©criture : Ă©tude sur le Quart livre de Rabelais, GenĂšve, Droz, coll. « Travaux d'humanisme et de la Renaissance » (no 217), , 232 p. (BNF 34968326, prĂ©sentation en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Alice Fiola Berry, The Charm of Catastrophe : A Study of Rabelais's Quart Livre, Chapel Hill, University of North Calorina Press, coll. « North Carolina Studies in the Romance Languages and Literatures », , 174 p. (ISBN 978-0-8078-9271-8, lire en ligne).

Articles

  • GĂ©rard Defaux, « « Hoc est porcus meus » : Rabelais et les monstres du Quart Livre », Travaux de littĂ©rature, no 9,‎ , p. 37-50 (ISSN 0995-6794).

Notes et références

Quart Livre, Ă©dition de Mireille Huchon, Gallimard, Folio classique, 1998

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  2. La premiÚre rédaction du Quart Livre (1548), p. 647.
  3. Note 2, p. 25.
  4. Note 18, p. 30.
  5. Citation de Rabelais, p. 33.
  6. Note 28, p. 32.
  7. Note 11, p. 618.
  8. Note 1, p. 80.
  9. Note 32, p. 86-88.
  10. Note 1, p. 90.
  11. Note 12, p. 92.
  12. Notes 23 et 25, p. 94.
  13. Citation de Rabelais, p. 103.
  14. Note 14, p. 102.
  15. Note 11, p. 118.
  16. Citation de Rabelais, p. 129.
  17. Note 2, p. 142.
  18. Notes 1 et 4, p. 220.
  19. Citation de Rabelais, p. 297.
  20. Note 2, p. 296.
  21. Note 1, p. 326.
  22. Note 1, p. 352.
  23. Note 1, p. 362.
  24. Note 1, p. 366.
  25. Note 1, p. 406.
  26. Note 1, p. 428.
  27. Note 1, p. 480.
  28. Rabelais 1998, p. 493-495.
  29. Note 1, p. 486.
  30. Note 1, p. 588.
  31. Prologue de Michelle Huchon.
  32. Note 22, p. 224.

Autres références

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  2. Screech 1992, p. 379.
  3. Screech 1992, p. 380.
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Notes

  1. Elle Ă©voque notamment la guerre contre la Bretagne.
  2. PremiĂšre attestation de l'expression, mĂȘme si l'usage remonte au Moyen Âge.
  3. Rabelais attribue cette formule Ă  HĂ©siode, rĂ©pĂ©tant une erreur d’Érasme dans les Adages (I, 1).
  4. Le pays des Lanternoys est un emprunt à Lucien de Samosate déjà évoqué dans Pantagruel.
  5. Le nom « Dindenault » dérive soit de « dandin », qui veut dire nigaud, soit renvoie au dindon, surnommé alors le coq d'Inde.
  6. Mot formé à partir esnasé, au nez coupé, et du suffixe hébraïque -in
  7. Allusion satirique au concile de Trente, kessil signifiant fou en hébreu.
  8. La moutarde est un symbole fĂ©cal Ă  l’époque de l’auteur.
  9. Ce geste moqueur a un sens obscÚne. Le figuier symbolise par ailleurs l'abondance dans la tradition chrétienne.
  10. Homme fort et bĂȘte en provençal
  11. Nephelibate, celui chemine sur les nuages, est un terme forgĂ© du grec Ă  partir de ΜΔφέλη (nĂ©phĂ©lĂȘ), « nuage » et de ÎČÎ±ÎźÏ± (baᾗr), « marcheur ». Le mythe du conflit entre les Arimaspes, qui n'ont qu'un Ɠil, et les Griffons qui leur soustraient de l'or se trouve chez HĂ©rodote, qui s'inspire d'AristĂ©as de ProconnĂšse
  12. Le verbe manducare signifie broyer avec les dents, mĂącher, absorber en latin.
  13. Chaneph veut dire hypocrisie en hébreu.
  14. Voir le chapitre XXIII du Tiers Livre, « Comment Panurge faict discours pour retouner à Raminagrobis »
  15. Saulnier souligne que la terreur de Panurge s'expliquerait mal par la seule prĂ©sence des voleurs, mĂȘme si c'est ce que recouvre le terme de ganabin en hĂ©breu. Panurge prĂ©cise Ă  FrĂšre Jean qu'il ne risque rien en tant que moine, ce qui appuie l'hypothĂšse d'une allusion dirigĂ©e contre les agents du pouvoir religieux.
  16. Le fourgon est un instrument qui sert Ă  remuer les braises dans un four. Il se rit de la pelle pour la noirceur dont il est lui-mĂȘme couvert.
  17. Devant les larmes hypocrites de Homenaz, Epistémon et FrÚre Jean s'écrient « Myault, myault, myault ». Voir le chapitre 54.
  18. Elle reprend une devise commentĂ©e par Érasme dans les Adages (I, 1,40-41), « Sus Minervam et sus cum Minerva certamen suscepi ». Elle Ă©voque un pourceau qui souhaite reprendre Minerve, la dĂ©esse de la sagesse.
  19. La notion antique d'enargeia prend une importance notable dans la rhĂ©torique moderne comme le montre son usage dans la RhĂ©torique Ă  Herennius, (IV, 54). Plus large que l’ekphrasis, elle renvoie Ă  la qualitĂ© visuelle du rĂ©cit.
  20. Il s’agit d’une Ă©dition grecque de 1542, conservĂ©e Ă  la BNF sous la cĂŽte GR RĂ©s. g. R. 33, corrigeant l'Ă©dition aldine de 1509.

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