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Ésope

Ésope (en grec ancien Î‘áŒŽÏƒÏ‰Ï€ÎżÏ‚ / AĂ­sĂŽpos, VIIe – VIe siĂšcle av. J.-C.) est un Ă©crivain grec d'origine phrygienne, Ă  qui l’on a attribuĂ© la paternitĂ© de la fable.

Ésope
Sculpture grecque pouvant reprĂ©senter Ésope.
Biographie
Naissance
Vers
Messembrie (en)
DĂ©cĂšs
Nom dans la langue maternelle
Î‘áŒŽÏƒÏ‰Ï€ÎżÏ‚
Époque
Activités
Période d'activité
VIe siĂšcle av. J.-C.
Statut
ƒuvres principales
Ésope reprĂ©sentĂ© dans une Ă©dition allemande des Fables, de 1479.

Biographie

Conjectures et faits historiques

Il n'existe rien de certain sur la vie d'Ésope. Le tĂ©moignage le plus ancien est celui d'HĂ©rodote, selon lequel Ésope avait Ă©tĂ© esclave de Ladmon, avec Rhodopis[1]. Cette information est reprise plus tard par HĂ©raclide du Pont, qui le prĂ©sente comme originaire de Thrace, prĂšs de la mer Noire, une thĂšse que semble confirmer un certain Eugeiton[2] qui affirme qu’Ésope Ă©tait de MĂ©ssembrie, ville des Cicones, sur la cĂŽte de Thrace.

Selon Émile Chambry, « si cet Eugeiton doit ĂȘtre identifiĂ© avec un certain EugĂ©ion, qu’on a conjecturĂ© ĂȘtre la source d’HĂ©rodote, son tĂ©moignage aurait du poids, et le fabuliste pourrait ĂȘtre tenu pour un Thrace. Mais la tradition la plus rĂ©pandue faisait d’Ésope un Phrygien : PhĂšdre, Dion Chrysostome, Lucien, Aulu-Gelle, Maxime de Tyr, Aelius Aristide, HimĂ©rios, StobĂ©e, et Suidas rapportant le mot prĂȘtĂ© Ă  CrĂ©sus, « ÎŒáŸ¶Î»Î»ÎżÎœ ᜁ ΊρύΟ » : « Le Phrygien a parlĂ© mieux que tous les autres. », s’accordent Ă  lui assigner la Phrygie pour patrie. Quelques-uns prĂ©cisaient mĂȘme la ville de Phrygie oĂč il Ă©tait nĂ© : c’était, d’aprĂšs la Souda et Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, Cotyaion ; c’était Amorion, d’aprĂšs la vie lĂ©gendaire d’Ésope »[3].

Selon Chambry encore, « si l’on a cherchĂ© la patrie d’Ésope hors de la GrĂšce, en Phrygie, c’est que le nom Î‘áŒŽÏƒÏ‰Ï€ÎżÏ‚ ne semble pas ĂȘtre un nom grec ; on a cru y voir un nom phrygien, qu’on rapprochait du nom du fleuve phrygien Î‘áŒŽÏƒÎ·Ï€ÎżÏ‚, et peut-ĂȘtre du guerrier troyen Î‘áŒŽÏƒÎ·Ï€ÎżÏ‚ dont il est question chez HomĂšre[4] ; on l’a rapprochĂ© aussi du mot áŒȘÏƒÎżÏ€ÎżÏ‚ qu’on lit sur un vase de SigĂ©e[5]. Une Vie d’Ésope le fait Lydien, sans doute parce que, d’aprĂšs la tradition qui apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans HĂ©raclide, il fut esclave du Lydien Xanthos. En somme, toutes ces traditions ne reposant que sur des conjectures, il serait vain de s’arrĂȘter Ă  l’une d'entre elles : mieux vaut se rĂ©signer Ă  ignorer ce qu’on ne peut savoir[6]. »

Quant Ă  l'Ă©poque oĂč il a vĂ©cu, il rĂšgne la mĂȘme incertitude. Si l'on suit HĂ©rodote, qui en fait un contemporain de Rhodopis, il aurait vĂ©cu entre -570 et -526. PhĂšdre le place entre 612 et 527[7] avant JĂ©sus-Christ.

Selon une thÚse de M. L. West, c'est à Samos que se serait formée sa légende[8].

Vie légendaire

Maxime Planude, Ă©rudit byzantin du XIIIe siĂšcle, a popularisĂ© une Vie d’Ésope Ă  partir d'un matĂ©riau datant probablement du Ier siĂšcle. Ce texte rassemble des traditions diverses, certaines anciennes, d'autres de l'Ă©poque romaine. L’emprunt le plus important est celui fait Ă  Babylone, transposant pour Ésope un rĂ©cit de la vie d'Ahiqar, qui circulait en Syrie Ă  cette Ă©poque[9]. Jean de La Fontaine a lui-mĂȘme adaptĂ© ce rĂ©cit et l'a placĂ© en tĂȘte de son recueil de fables sous le titre La Vie d'Ésope le Phrygien.

L'esclave Ésope au service de deux prĂȘtres, par F. Barlow, 1687.

Selon ce récit,

« Ésope Ă©tait le plus laid de ses contemporains ; il avait la tĂȘte en pointe, le nez camard, le cou trĂšs court, les lĂšvres saillantes, le teint noir, d’oĂč son nom qui signifie nĂšgre ; ventru, cagneux, voĂ»tĂ©, il surpassait en laideur le Thersite d’HomĂšre ; mais, chose pire encore, il Ă©tait lent Ă  s’exprimer et sa parole Ă©tait confuse et inarticulĂ©e[10]. »


Selon la lĂ©gende, Ésope, ayant rĂȘvĂ© une nuit que la Fortune lui dĂ©liait la langue, s'Ă©veille guĂ©ri de son bĂ©gaiement. AchetĂ© par un marchand d'esclaves, il arrive dans la demeure d'un philosophe de Samos, Xanthos (dont le nom signifie « Blond »), auprĂšs duquel il rivalise d'astuces et de bons mots, et contre lequel il livre un combat incessant.

Finalement affranchi, il se rend alors auprĂšs du roi CrĂ©sus pour tenter de sauvegarder l'indĂ©pendance de Samos. Il rĂ©ussit dans son ambassade en contant au roi une fable. Il se met ensuite au service du « roi de Babylone », qui prend grand plaisir aux Ă©nigmes du fabuliste. Il rĂ©sout aussi avec brio les Ă©nigmes qu'aurait posĂ©es Ă  son maĂźtre le roi d'Égypte.

La mort d'Ésope, illustration d'un Ysopet espagnol de 1489.

Voyageant en GrĂšce, il s'arrĂȘte Ă  Delphes, oĂč, toujours selon la lĂ©gende, il se serait moquĂ© des habitants du lieu parce que ceux-ci, au lieu de cultiver la terre, vivaient des offrandes faites au dieu. Pour se venger, les Delphiens l'auraient accusĂ© d'avoir volĂ© des objets sacrĂ©s et condamnĂ© Ă  mort. Pour se dĂ©fendre, Ésope leur raconte deux fables, La Grenouille et le Rat et L'Aigle et l'Escarbot, mais rien n'y fait et il meurt prĂ©cipitĂ© du haut des roches des PhĂ©driades[11].

Un personnage littéraire

On a souvent mis en doute la réalité historique de la prodigieuse destinée de cet ancien esclave bÚgue et difforme qui réussit à se faire affranchir et en vient à conseiller les rois grùce à son habileté à résoudre des énigmes.

« Tout le rĂ©cit de la vie d'Ésope est parcouru par la thĂ©matique du rire, de la bonne blague au moyen de laquelle le faible, l'exploitĂ©, prend le dessus sur les maĂźtres, les puissants. En ce sens, Ésope est un prĂ©curseur de l'antihĂ©ros, laid, mĂ©prisĂ©, sans pouvoir initial, mais qui parvient Ă  se tirer d'affaire par son habiletĂ© Ă  dĂ©chiffrer les Ă©nigmes[12] ».

Ésope Ă©tait dĂ©jĂ  trĂšs populaire Ă  l’époque classique, comme le montre le fait que Socrate lui-mĂȘme aurait consacrĂ© ses derniers moments de prison avant sa mort Ă  mettre en vers des fables de cet auteur. Le philosophe s’en serait expliquĂ© au philosophe CĂ©bĂšs de la façon suivante : « Un poĂšte doit prendre pour matiĂšre des mythes [...] Aussi ai-je choisi des mythes Ă  portĂ©e de main, ces fables d’Ésope que je savais par cƓur, au hasard de la rencontre[13]. »

Le poĂšte DiogĂšne LaĂ«rce attribue mĂȘme une fable Ă  Socrate, laquelle commençait ainsi : « Un jour, Ésope dit aux habitants de Corinthe qu'on ne doit pas soumettre la vertu au jugement du populaire. » Or, il s'agit lĂ  d'un prĂ©cepte aujourd'hui typiquement associĂ© au philosophe plutĂŽt qu'au fabuliste. Socrate se servait sans doute du nom d'Ésope pour faire passer ses prĂ©ceptes au moyen d'apologues[14].

Les fables

Ésope reprĂ©sentĂ© dans les Chroniques de Nuremberg de 1493.

Le produit d'une tradition orale

Les fables dites d'Ésope sont de brefs rĂ©cits en prose sans prĂ©tention littĂ©raire. Il est presque certain qu'il ne les Ă©crivait pas[15]. La fable existait avant Ésope, mais celui-ci est devenu tellement populaire par ses bons mots qu'on en a fait le « pĂšre de la fable » : « le grec ne possĂ©dant pas de terme spĂ©cifique pour dĂ©signer la fable, le nom d'Ésope a servi de catalyseur, et ce d'autant plus facilement que toute science, toute technique, tout genre littĂ©raire devait chez eux ĂȘtre rattachĂ© Ă  un « inventeur ». Ainsi s'explique, en partie, qu'Ésope soit si vite devenu la figure emblĂ©matique de la fable[16]. »

Le premier recueil de fables attribuĂ©es Ă  Ésope a Ă©tĂ© compilĂ© par le philosophe DĂ©mĂ©trios de PhalĂšre vers 325 av. J.-C., un ouvrage qui a Ă©tĂ© perdu. Celui-ci a toutefois donnĂ© naissance Ă  d’innombrables versions dont l'une a Ă©tĂ© conservĂ©e sous la forme d’un ensemble de manuscrits datant probablement du Ier siĂšcle, collection appelĂ©e Augustana. C’est Ă  celle-ci que l’on se rĂ©fĂšre lorsqu’on parle aujourd’hui des « fables d'Ésope ». Elle compte plus de 500 fables, toutes en prose, parmi lesquelles figurent les plus populaires, telles Le Corbeau et le Renard, Le LiĂšvre et la Tortue, Le BĂ»cheron et la Mort, Le Vent et le Soleil, etc. Il est probable que le nom d'Ésope a servi Ă  regrouper toutes sortes de rĂ©cits qui circulaient jusque-lĂ  de façon orale et qui prĂ©sentaient des caractĂ©ristiques communes[17]. Dans son Ă©dition critique, Chambry a retenu 358 fables.

Une des premiÚres traductions françaises est celle faite par le Suisse Isaac Nicolas Nevelet en 1610, qui compte 199 fables[18]. C'est le recueil qu'a utilisé La Fontaine.

Les continuateurs

Aesopus moralisatus, 1485.

Ésope aurait inspirĂ© notamment :

Il est fort peu probable en revanche que les paraboles attribuĂ©es Ă  JĂ©sus de Nazareth (s'il a existĂ©, un contemporain de PhĂšdre) par les chrĂ©tiens et d'abord les Ă©vangĂ©listes — de surcroĂźt jamais animaliĂšres... — aient pu lui ĂȘtre inspirĂ©es par Ésope.

Postérité

Notes et références

  1. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], II, 134. Cité par Chambry 1927, p. IX.
  2. cité par Suidas.
  3. Chambry 1927, p. XV.
  4. Z 21.
  5. C. J. G., I, 8.
  6. Chambry 1927, p. XV-XVI.
  7. Chambry 1927, p. XVI.
  8. West 1984.
  9. Jouanno 2006.
  10. Chambry 1927, p. XIX.
  11. Chambry 1927, p. XI-XII.
  12. Canvat 1993, p. 8.
  13. Platon, Phédon, 61 b.
  14. Canvat 1993, p. 7.
  15. Chambry 1927, p. XXIII.
  16. Canvat 1993, p. 11.
  17. Canvat 1993, p. 10.
  18. Texte intégral sur Google Livres.

Voir aussi

Traductions du grec ancien des Fables et de la Vie

  • Fables (trad. introduction et notes par Émile Chambry), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universitĂ©s de France SĂ©rie grecque (Collection BudĂ©) », (1re Ă©d. 1927), LIV, 324 (ISBN 978-2-251-00117-3, lire en ligne)
  • Fables (trad. introduction et notes par Émile Chambry; illustrations de Scott Pennor's), Paris, Les Belles Lettres, coll. « SĂ©rie du Centenaire », , 256 p. (ISBN 978-2-251-45012-4, lire en ligne)
  • Fables (trad. Claude Terreaux), Paris, ArlĂ©a, coll. « Retour aux grands textes », (1re Ă©d. 1997), 174 p. (ISBN 2-869-59317-1)
  • Fables (introduction, traduction et notes de Daniel Loayza; Ă©dition bilingue), Paris, Flammariont, coll. « GF », (1re Ă©d. 1995), 302 p. (ISBN 978-2-081-35123-3)
  • Les Fables d'Ésope. Suivies d'un Essai sur le symbolisme des Fables (prĂ©sentation et traduction de Jacques LacarriĂšre), Paris, Albin Michel, coll. « Espaces libres » (no 129), (1re Ă©d. 2003), 368 p. (ISBN 978-2-226-32050-6)
  • Fables PrĂ©cĂ©dĂ©es de La Vie d'Ésope (trad. nouvelle de Julien Bardot. Édition d'Antoine BiscĂ©rĂ©. Avec la collaboration de Patrick Dandrey), Paris, Folio, coll. « Folio Classique » (no 6696), , 448 p. (ISBN 978-2-070-45393-1)
  • Vie d'Ésope : livre du philosophe Xanthos et de son esclave Ésope : du mode de vie d'Ésope (Texte Ă©tabli et traduit par Corinne Jouanno), Paris, Les Belles Lettres, coll. « La roue Ă  livres », , 264 p.

Études

  • Antoine BiscĂ©rĂ©, « Ésope illustrĂ©. Inventaire raisonnĂ© des cycles iconographiques de la Vie d’Ésope (1476-1687) », Le Fablier. Revue des Amis de Jean de La Fontaine « La Fontaine, la fable et l'image. Actes du colloque international 6 & 7 dĂ©cembre 2012 », no 24,‎ , p. 13-71 (lire en ligne)
  • Antoine BiscĂ©rĂ©, « Les fables d’Ésope, une Ɠuvre sans auteur ? », Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, vol. 20 « La Fontaine et quelques anciens »,‎ , p. 9-35 (lire en ligne)
  • Karl Canvat et Christian Vandendorpe, La fable : Vade-mecum du professeur de français, Bruxelles-Paris, Didier Hatier, coll. « SĂ©quences », , 104 p. (ISBN 978-2870888032)
  • Jacques Dumont, « La religion d'Ésope », Pallas. Revue d'Ă©tudes antiques, no 35 « Les religions antiques. Un inĂ©dit d'archĂ©ologie rĂ©gionale. La seconde mort des Gracques »,‎ , p. 7-24 (lire en ligne)
  • Ariane Guieu-Coppolani, « Conseiller pour le meilleur et pour le pire : rĂ©flexions sur le conseil et la dĂ©libĂ©ration dans les fables grecques », Dialogues d'histoire ancienne, vol. SupplĂ©ment n° 17 « Conseillers et ambassadeurs dans l’AntiquitĂ© »,‎ , p. 75-95 (lire en ligne)
  • Francisco RodrĂ­guez Adrados (Dir.), La fable. Huit exposĂ©s suivis de discussions, Vandoeuvres-GenĂšve, Fondation Hardt, coll. « Entretiens sur l'antiquitĂ© classique » (no t. 30), , 322 p.
  • Bernard Teyssandier, « Ésope, quel modĂšle pour le prince ? », Le Fablier, Revue des Amis de Jean de La Fontaine, vol. 20 « La Fontaine et quelques anciens »,‎ , p. 37-52 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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