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Guerre de la Ligue de Cambrai

La guerre de la Ligue de Cambrai, Ă©galement connue entre autres sous les noms de guerre de la Sainte Ligue et quatriĂšme guerre d'Italie[N 1], est un conflit majeur des guerres d'Italie. Les principaux protagonistes de cette guerre, qui dure de 1508 Ă  1516, sont la France, les États pontificaux, et la rĂ©publique de Venise. Au cours du conflit, ils sont rejoints par pratiquement toutes les puissances d'importance de l'Europe occidentale, parmi lesquelles l'Espagne, le Saint-Empire romain germanique, le royaume d'Angleterre, le royaume d'Écosse, le duchĂ© de Milan, Florence, le duchĂ© de Ferrare, et les Suisses.

Guerre de la Ligue de Cambrai
QuatriĂšme guerre d'Italie
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Nord de l'Italie en 1494. Au début de la guerre en 1508, Louis XII chasse les Sforza du duché de Milan qu'il rattache à la France.
Informations générales
Date 1508-1516
Lieu Italie
Issue Victoire franco-vénitienne

Afin de mettre un frein à l'influence vénitienne en Italie septentrionale, le pape Jules II crée la ligue de Cambrai, une alliance anti-vénitienne l'unissant au roi de France, Louis XII, l'empereur du Saint Empire Maximilien Ier, et le roi d'Espagne Ferdinand II. Malgré le succÚs initial de cette Ligue, des désaccords entre le pape et le roi de France provoquent la rupture en 1510 ; Jules II s'allie alors avec Venise contre la France.

En fin de compte, cette alliance entre Venise et le pape grandit pour devenir la Sainte Ligue, qui repousse les Français hors d'Italie en 1512. Cependant, des désaccords sur le partage du butin amÚnent Venise à rompre avec le pape et à s'allier avec les Français. Les troupes franco-vénitiennes, sous le commandement de François Ier, successeur de Louis XII, regagnent les territoires perdus grùce à leur victoire à Marignan en 1515. Les traités de Noyon et de Bruxelles, qui mettent un terme au conflit l'année suivante, rétablissent plus ou moins les frontiÚres de 1508.

Prélude au conflit

Louis XII quitte Alessandria pour reprendre GĂȘnes en 1507.

Au lendemain de la premiĂšre guerre d'Italie, le pape Alexandre VI a pu renforcer l'autoritĂ© papale en Italie centrale par l'annexion de la Romagne. CĂ©sar Borgia, alors gonfalonnier des armĂ©es du pape, chasse la famille des Bentivoglio de Bologne, qu'ils avaient Ă©rigĂ©e en fief, et s'engage dans la crĂ©ation d'un État sous le contrĂŽle des Borgia lorsque Alexandre VI meurt le [1]. MĂȘme si Borgia peut rĂ©cupĂ©rer Ă  son profit les restes du trĂ©sor pontifical, il est incapable de s'Ă©tablir durablement Ă  Rome, les armĂ©es françaises et espagnoles convergeant vers la ville afin d'essayer de faire pression sur le conclave. Avec l'Ă©lection de Pie III (qui meurt quelques semaines plus tard et est remplacĂ© par Jules II), Borgia perd tous ses titres et est relĂ©guĂ© au commandement d'une compagnie d'hommes d'armes[2]. Sentant l'affaiblissement de l'autoritĂ© de Borgia, les seigneurs dĂ©chus de la Romagne proposent leur soumission Ă  la RĂ©publique de Venise en Ă©change d'une aide pour reprendre leurs domaines. Le SĂ©nat de Venise accepte leur offre, et fin 1503, un certain nombre de villes, dont Rimini et Faenza, sont prises[3].

Jules II, aprĂšs avoir repris le contrĂŽle des armĂ©es pontificales par l'arrestation et l'emprisonnement de Borgia, entreprend de rĂ©tablir l'autoritĂ© papale sur la Romagne en demandant Ă  Venise de lui rendre les citĂ©s qu'elle a prises[4]. La RĂ©publique, bien que dĂ©cidĂ©e Ă  reconnaĂźtre la souverainetĂ© du pape sur ces villes et payer Ă  Jules II un tribut annuel, refuse de rĂ©trocĂ©der les villes elles-mĂȘmes. En rĂ©ponse, le pape conclut une alliance avec la France et le Saint-Empire romain germanique contre Venise. Cependant, le dĂ©cĂšs d'Isabelle de Castille et l'effondrement des relations entre les parties qui en rĂ©sulte provoquent sa dissolution[5]. MalgrĂ© tout, Venise est conduite Ă  abandonner plusieurs des villes. Jules II, insatisfait par ses gains, ne dispose pas des forces nĂ©cessaires pour combattre la RĂ©publique. À la place, il entreprend la reconquĂȘte de Bologne et de PĂ©rouse qui, situĂ©es entre Venise et les États pontificaux, ont entretemps acquis un Ă©tat de quasi-indĂ©pendance[6].

En 1507, Jules II reconsidĂšre la question des villes sous contrĂŽle vĂ©nitien. De nouveau dĂ©savouĂ© par le SĂ©nat, il appelle l'empereur Maximilien Ier rĂ©cemment Ă©lu Ă  attaquer la RĂ©publique. Utilisant son couronnement impĂ©rial comme prĂ©texte pour un voyage Ă  Rome, il pĂ©nĂštre en territoire vĂ©nitien Ă  la tĂȘte d'une grande armĂ©e en et marche sur Vicence, mais il est battu par l'armĂ©e vĂ©nitienne commandĂ©e par Bartolomeo d'Alviano. Lors d'une nouvelle attaque des troupes impĂ©riales quelques semaines plus tard, Alviano leur inflige une dĂ©faite encore plus grande. De plus, il prend les villes de Trieste et Fiume (aujourd'hui Rijeka), forçant Maximilien Ier Ă  signer une trĂȘve avec Venise[7].

La Ligue de Cambrai

Le pape Jules II, peint par Raphaël (huile sur toile, vers 1511). Jules II tenta d'affirmer l'autorité pontificale en Italie en créant la Ligue de Cambrai, une alliance ayant pour but de mettre un frein au pouvoir de Venise.

Jules II, humiliĂ© par l'Ă©chec de l'armĂ©e impĂ©riale, se tourne vers Louis XII de France (qui, ayant conservĂ© la ville de Milan aprĂšs la seconde guerre italienne, est intĂ©ressĂ© par d'autres conquĂȘtes en Italie) afin de conclure une alliance. À la mi-mars, la RĂ©publique lui donne un prĂ©texte en nommant son propre candidat Ă©vĂȘque de Vicence (une nomination en accord avec une vieille tradition, bien que Jules II prenne celle-ci comme une provocation personnelle). Le pape appelle toutes les nations chrĂ©tiennes Ă  le rejoindre dans une expĂ©dition pour soumettre Venise[8]. Le , des reprĂ©sentants de la PapautĂ©, de la France, du Saint Empire Romain, et de Ferdinand II d'Aragon concluent la crĂ©ation de la Ligue de Cambrai contre la RĂ©publique. L'accord prĂ©voit le dĂ©membrement complet des territoires vĂ©nitiens en Italie et leur redistribution aux diffĂ©rents signataires : Maximilien Ier, tout en recouvrant l'Istrie, devait recevoir VĂ©rone, Vicence, Padoue, et le Frioul ; la France doit annexer Brescia, Bergame, et CrĂ©mone Ă  ses possessions milanaises ; Ferdinand II doit prendre Otrante. Le reste des territoires, dont Rimini et Ravenne, serait annexĂ© aux États pontificaux[9].

Le , le roi Louis XII quitte Milan Ă  la tĂȘte d'une armĂ©e française et entre rapidement en territoire vĂ©nitien. Pour s'opposer Ă  son avance, Venise a engagĂ© une armĂ©e de condottieres placĂ©e sous le commandement des cousins d'Orsini (Bartolomeo d'Alviano et NiccolĂČ di Pitigliano) mais n'a pas pris en compte leur dĂ©saccord sur le moyen le plus efficace pour contrer les Français. En consĂ©quence, lorsque Louis XII franchit l'Adda dĂ©but mai et qu'Alviano s'avance Ă  sa rencontre, Pitigliano, considĂ©rant qu'il vaut mieux Ă©viter une bataille rangĂ©e, part vers le sud. Le , Alviano affronte les Français lors de la bataille d'Agnadel. SurpassĂ© en nombre, il envoie une demande de renforts Ă  son cousin, qui lui rĂ©pond de rompre la bataille avant de poursuivre son chemin[10]. Alviano passe outre les nouveaux ordres en poursuivant la bataille ; son armĂ©e finit par ĂȘtre cernĂ©e et dĂ©truite. Pitigliano rĂ©ussit Ă  Ă©viter la rencontre avec les troupes de Louis XII. Cependant, ses troupes de mercenaires, ayant eu Ă©cho de la dĂ©faite d'Alviano, ont en grande partie dĂ©sertĂ©, l'obligeant Ă  se retirer Ă  TrĂ©vise avec ce qui reste de l'armĂ©e vĂ©nitienne[11].

La dĂ©bĂącle vĂ©nitienne est totale, et en VĂ©nĂ©tie, Louis XII peut avancer jusqu'Ă  Brescia sans rencontrer de vĂ©ritable rĂ©sistance. Les principales villes qui n'ont pas Ă©tĂ© occupĂ©es - Padoue, VĂ©rone, et Vicence - sont laissĂ©es sans dĂ©fense aucune aprĂšs la retraite de Pitigliano, et elles sont de ce fait rapidement livrĂ©es aux Ă©missaires de l'Empereur Maximilien lorsque ces derniers arrivent en VĂ©nĂ©tie. Ayant entretemps promulguĂ© un interdit contre Venise, excommuniant tous les citoyens de la RĂ©publique, Jules II envahit la Romagne et prend Ravenne avec l'aide du duc de Ferrare Alphonse Ier d'Este. Ce dernier a rejoint la Ligue et il est dĂ©signĂ© gonfalonnier de l'Église le ; il entreprend alors la conquĂȘte de la PolĂ©sine de sa propre initiative[12].

Les nouveaux gouverneurs impĂ©riaux se rendent cependant rapidement impopulaires. À la mi-juillet, les citoyens de Padoue se rĂ©voltent avec l'aide de dĂ©tachements de la cavalerie vĂ©nitienne commandĂ©e par le provĂ©diteur Andrea Gritti. Les lansquenets constituant la garnison de la ville sont trop peu nombreux pour opposer une rĂ©elle rĂ©sistance, et Padoue repasse sous la coupe de Venise le [13]. Le succĂšs de cette rĂ©volte impose Ă  Maximilien d'entrer en action. Une imposante armĂ©e impĂ©riale, Ă  laquelle se sont joints des corps de troupes françaises et espagnoles, part de Trente pour la VĂ©nĂ©tie dĂ©but aoĂ»t. Les forces impĂ©riales ne peuvent atteindre Padoue avant septembre en raison du manque de chevaux et d'une dĂ©sorganisation gĂ©nĂ©rale permettant ainsi Ă  Pitigliano de rassembler les troupes qu'il a encore Ă  sa disposition dans la ville. Le siĂšge de Padoue ne dĂ©bute ainsi que le . MĂȘme si les artilleries françaises et impĂ©riales peuvent ouvrir des brĂšches dans les murailles de la ville, les dĂ©fenseurs arrivent Ă  conserver la ville jusqu'Ă  ce que Maximilien, s'impatientant, lĂšve le siĂšge le et se retire dans le Tyrol avec la majeure partie de son armĂ©e[14].

À la mi-novembre, Pitigliano reprend l'offensive. Les troupes vĂ©nitiennes battent facilement le reste des troupes impĂ©riales, prenant alors les villes de Vicence, Feltre et Belluno. MĂȘme si par la suite, l'attaque de VĂ©rone est un Ă©chec, Pitigliano rĂ©ussit Ă  anĂ©antir une armĂ©e pontificale commandĂ©e par François II de Mantoue mais Venise subit une dĂ©faite lors de la bataille de Polesella. Il s'agit d'une attaque fluviale de Ferrare par les galĂšres vĂ©nitiennes commandĂ©es par Angelo Trevisan, flotte dont tous les navires sont coulĂ©s par l'artillerie de Ferrare alors qu'ils sont ancrĂ©s dans le PĂŽ[15]. Francesco Guicciardini attribue cette victoire dĂ©cisive Ă  Alphonse d'Este[16]. De plus, une nouvelle avancĂ©e française force bientĂŽt Pitigliano Ă  se retirer de nouveau Ă  Padoue.

Faisant face Ă  un manque de moyens et d'hommes, le SĂ©nat dĂ©cide alors d'envoyer une ambassade au pape afin de nĂ©gocier un accord. Les conditions de Jules II sont sĂ©vĂšres : la RĂ©publique perd son pouvoir traditionnel de nommer les membres du clergĂ© sur son territoire, ainsi que la juridiction sur tous les sujets du pape Ă  Venise, et les citĂ©s de Romagne qui ont conduit Ă  la guerre doivent ĂȘtre restituĂ©es au pape, avec en plus le remboursement des frais engagĂ©s pour les reprendre. Le SĂ©nat discute ces conditions pendant deux mois, puis finit par les accepter le . Cependant, avant mĂȘme que les ambassadeurs vĂ©nitiens se prĂ©sentent Ă  Jules II pour l'absolution, le Conseil des Dix a secrĂštement considĂ©rĂ© que ces conditions ont Ă©tĂ© acceptĂ©es sous la contrainte et qu'elles sont de ce fait invalides, et que donc Venise peut les enfreindre Ă  la premiĂšre occasion[17].

Cette apparente rĂ©conciliation entre Venise et la PapautĂ© n'empĂȘche pas les Français d'envahir de nouveau la VĂ©nĂ©tie en mars. La mort de Pitigliano en janvier laisse Andrea Gritti Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e vĂ©nitienne, et l'armĂ©e française, bien que n'Ă©tant pas soutenue par Maximilien, est suffisante pour reprendre Vicence en mai. Gritti renforce la garnison de Padoue en vue d'une attaque combinĂ©e des troupes françaises et impĂ©riales, mais le roi Louis XII, davantage prĂ©occupĂ© par la mort de son conseiller le cardinal d'Amboise, abandonne ses idĂ©es de siĂšge[18].

L'alliance entre le pape et Venise

Portrait d’Alphonse Ier d'Este par Le Titien. ExcommuniĂ© par Jules II, il infligea un certain nombre de dĂ©faites aux armĂ©es du pape.

Entretemps, Jules II est de plus en plus prĂ©occupĂ© par la prĂ©sence française grandissante en Italie. Plus important, une discorde s'est instaurĂ©e avec Alphonse Ier d'Este en raison d'une licence lui garantissant le monopole du sel dans les États pontificaux et de ses raids incessants contre les forces vĂ©nitiennes afin d'assoir sa conquĂȘte de la PolĂ©sine. Le pape conçoit des plans pour prendre le duchĂ© de Ferrare, alliĂ© de la France, afin de le rattacher Ă  ses États[19]. Ses propres forces Ă©tant insuffisantes pour une telle entreprise, il recrute une armĂ©e de mercenaires suisses, lui ordonnant d'attaquer les Français Ă  Milan. Il invite Ă©galement Venise Ă  s'allier avec lui contre le roi Louis XII. La RĂ©publique, en proie Ă  une nouvelle offensive française, accepte promptement.

À partir de , la nouvelle alliance entre le pape et Venise est fondĂ©e sur l'offensive. Une premiĂšre attaque sur la ville de GĂȘnes, occupĂ©e par les Français, est un Ă©chec, mais les troupes vĂ©nitiennes commandĂ©es par Lucio Malvezzo finissent par prendre Vicence aux Français dĂ©but aoĂ»t. Une force alliĂ©e dirigĂ©e par François Marie Ier della Rovere, duc d'Urbino, prend ModĂšne le . Le pape excommunie alors Alphonse Ier d'Este, justifiant ainsi une attaque du duchĂ© de Ferrare. Anticipant sa victoire prochaine, Jules II s'Ă©tablit Ă  Bologne, afin d'ĂȘtre Ă  proximitĂ© des terres du duchĂ© bientĂŽt conquis[20].

De son cĂŽtĂ©, l'armĂ©e française ne rencontre aucune rĂ©sistance de la part des mercenaires suisses, ces derniers, arrivĂ©s en Lombardie, Ă©tant soudoyĂ©s par le roi Louis XII, qui peut ainsi librement avancer vers le sud et le cƓur de l'Italie. DĂ©but octobre, Charles d'Amboise marche sur Bologne, divisant les troupes pontificales, et le 18 du mois, il n'est plus qu'Ă  quelques kilomĂštres de la ville de Bologne. Le pape rĂ©alise alors que les Bolonais sont ouvertement hostiles Ă  la papautĂ© et qu'ils n'offriront aucune rĂ©sistance aux Français. N'ayant plus qu'un dĂ©tachement de cavalerie vĂ©nitienne, il excommunie Charles d'Amboise, qui entretemps a Ă©tĂ© convaincu par l'ambassadeur d'Angleterre d'Ă©viter d'attaquer la personne du pape et se retire donc Ă  Ferrare[21].

En dĂ©cembre, une armĂ©e pontificale nouvellement constituĂ©e assiĂšge la forteresse de Mirandola. Charles d'Amboise, marchant sur celle-ci pour lui porter secours, tombe malade et meurt, laissant momentanĂ©ment les Français en plein dĂ©sarroi[22]. Entretemps, Alphonse Ier d'Este, affronte et anĂ©antit les forces vĂ©nitiennes sur le PĂŽ, laissant de nouveau la ville de Bologne isolĂ©e. Jules II, craignant d'ĂȘtre pris au piĂšge par les Français, quitte la citĂ© pour Ravenne. Le cardinal Alidosi, qui est chargĂ© de commander la dĂ©fense de la ville, n'est guĂšre plus apprĂ©ciĂ© par les Bolonais que le pape. Le , lorsqu'une armĂ©e française commandĂ©e par Jacques de Trivulce arrive aux portes de la ville, les habitants se rendent rapidement. Jules II impute la dĂ©faite au duc d'Urbino qui, trouvant cela plutĂŽt injuste, assassine Alidosi devant les gardes du pape[23].

La Sainte Ligue

La mort de Gaston de Foix-Nemours pendant la bataille de Ravenne qui amorça une série de défaites successives pour la France

En , la majeure partie de la Romagne est aux mains de la France. L'armĂ©e pontificale, dĂ©sorganisĂ©e et sous-payĂ©e, n'est absolument pas capable d'empĂȘcher Jacques de Trivulce d'avancer sur Ravenne. En rĂ©ponse Ă  cette dĂ©bĂącle, Jules II proclame une Sainte Ligue contre la France. La nouvelle alliance s'agrandit rapidement, comprenant non seulement l'Espagne et le Saint-Empire romain germanique, qui avaient renoncĂ© Ă  adhĂ©rer Ă  la Ligue de Cambrai dans l'espoir de prendre respectivement la Navarre et la Lombardie Ă  Louis XII, mais Ă©galement Henri VIII d'Angleterre, qui, ayant dĂ©cidĂ© de profiter de l'occasion pour Ă©tendre ses possessions en France septentrionale, conclut le traitĂ© de Westminster avec Ferdinand II d'Aragon le [24], gage d'entraide mutuelle contre la France.

En , Louis XII nomme son neveu Gaston de Foix-Nemours Ă  la tĂȘte des forces françaises en Italie. Foix-Nemours se montre plus Ă©nergique que d'Amboise. Ayant enrayĂ© l'avancĂ©e des troupes espagnoles de Raimond de Cardona sur Bologne, il retourne en Lombardie pour mettre Ă  sac Brescia, qui s'est rĂ©voltĂ©e contre les Français et s'est dotĂ©e d'une garnison vĂ©nitienne. Sachant que la majeure partie de l'armĂ©e française serait dĂ©tournĂ©e pour contrer une invasion anglaise imminente, Foix-Nemous et Alphonse d'Este assiĂšgent Ravenne, la derniĂšre place forte encore aux mains du pape en Romagne, avec l'espoir de forcer la Sainte Ligue en un engagement dĂ©cisif[25]. Cardona marche vers la ville pour lui prĂȘter main-forte, et est battu dans la bataille dĂ©cisive dite bataille de Ravenne qui s'ensuit et qui a lieu le dimanche de PĂąques. La mort de Foix-Nemours lors de la bataille laisse les Français sous les ordres de Jacques II de Chabannes de La Palice qui, ne voulant pas continuer la campagne sans ordres directs du roi, se contente de mettre Ă  sac Ravenne[26].

En , la situation française s'est considĂ©rablement dĂ©gradĂ©e. Jules II a recrutĂ© une nouvelle armĂ©e de mercenaires suisses. Ils descendent sur Milan, accompagnĂ©s de Maximilien Sforza, dĂ©terminĂ© Ă  reprendre le contrĂŽle du duchĂ© pour sa famille. La Palice abandonne la Romagne (oĂč le duc d'Urbino prend rapidement les villes de Bologne et de Parme) et se retire en Lombardie, tentant de bloquer l'invasion. En aoĂ»t, les Suisses se sont joints Ă  l'armĂ©e vĂ©nitienne et forcent Jacques de Trivulce Ă  quitter Milan, permettant Ă  Sforza d'ĂȘtre proclamĂ© duc. La Palice doit ensuite se retirer en passant les Alpes[27].

Fin aoĂ»t, les membres de la Ligue se rencontrent Ă  Mantoue pour discuter de la situation en Italie, en particulier de la partition des terres prises Ă  la France. Ils s'accordent rapidement sur Florence, qui a irritĂ© Jules II en permettant Ă  Louis XII de rĂ©unir le concile de Pise sur son territoire. À la demande du pape, Cardona marche en Toscane, Ă©crase la rĂ©sistance florentine, renverse la RĂ©publique, et installe le cardinal Julien de MĂ©dicis comme chef de la citĂ©[28].

RentrĂ© en France Ă  l'automne, La Palice est aussitĂŽt envoyĂ© en dans les PyrĂ©nĂ©es pour secourir Jean d'Albret, roi de Navarre et alliĂ© de Louis XII, qui voit son royaume de Navarre attaquĂ© militairement depuis juillet par les troupes espagnoles de Ferdinand le Catholique. Disposant d'une armĂ©e de 10 000 hommes et de 50 canons, La Palice et le roi de Navarre dĂ©cident de faire le siĂšge de Pampelune, afin de couper l'avancĂ©e de l'infanterie du duc d'Albe. Ce dernier, qui a rĂ©ussi Ă  dĂ©jouer les plans de ses adversaires, a envahi depuis Saint-Jean-Pied-de-Port toute la Haute et Basse Navarre. ChargĂ© de reconquĂ©rir le royaume de Navarre, La Palice se borne Ă  exĂ©cuter les ordres de Louis XII qui s'engage Ă  garder auprĂšs de lui, Ă  Blois, la reine Catherine de Navarre. La campagne se termine par un Ă©chec et Jean III d'Albret perd la souverainetĂ© de ses territoires situĂ©s au-delĂ  des PyrĂ©nĂ©es au profit de l'Espagne victorieuse qui achĂšve ainsi son unitĂ© territoriale.

En Italie, sur la question du territoire conquis, des dĂ©saccords fondamentaux apparaissent. Jules II et les VĂ©nitiens insistent pour que Sforza soit autorisĂ© Ă  conserver le duchĂ© de Milan. Au lieu de cela, l'empereur Maximilien et le roi Ferdinand d'Espagne conspirent pour installer l'un de leurs cousins. Le pape demande l'annexion immĂ©diate de Ferrare aux États pontificaux, mais le roi Ferdinand s'oppose Ă  cet accord, voulant un duchĂ© de Ferrare indĂ©pendant pour contrer le pouvoir pontifical grandissant. La position de Maximilien envers Venise pose le plus de problĂšme, l'Empereur refuse de renoncer Ă  tout territoire impĂ©rial, qui Ă  ses yeux inclus la majeure partie de la VĂ©nĂ©tie. À cette fin, il signe un accord avec le pape pour exclure totalement Venise de la partition finale. Quand la RĂ©publique objecte, le pape menace de relancer la Ligue de Cambrai contre elle. En rĂ©ponse, Venise se tourne vers le roi Louis XII. Le , un traitĂ© promettant le partage complet de l'Italie du Nord entre la France et la RĂ©publique est signĂ© Ă  Blois[29].

L'alliance franco-vénitienne

En 1515, l'alliance franco-vénitienne vainquit de maniÚre décisive la Sainte Ligue lors de la bataille de Marignan.

À la fin du mois de , une armĂ©e française commandĂ©e par Louis II de La TrĂ©moille traverse les Alpes et avance sur Milan. Au mĂȘme moment, Bartolomeo d'Alviano et l'armĂ©e vĂ©nitienne marchent vers l'ouest depuis Padoue. L'impopularitĂ© de Sforza, considĂ©rĂ© par les Milanais comme un pantin aux mains des mercenaires suisses[30], permet aux Français de rencontrer peu de rĂ©sistance au cours de leur avancĂ©e en Lombardie. TrĂ©moille, ayant pris Milan, assiĂšge le reste des troupes suisses Ă  Novare. Le , les Français sont attaquĂ©s par une armĂ©e de secours suisse lors de la bataille de Novare et ils sont mis en dĂ©route malgrĂ© leur supĂ©rioritĂ© numĂ©rique[31]. Des dĂ©tachements de l'armĂ©e suisse poursuivent les Français en fuite Ă  travers les Alpes et atteignent Dijon avant d'ĂȘtre soudoyĂ©s pour obtenir leur dĂ©part[32].

La dĂ©faite Ă  Novare inaugure une sĂ©rie de dĂ©faites pour l'alliance française. Les troupes anglaises, commandĂ©es par Henri VIII, attaquent La Palice lors de la bataille de Guinegatte (), dispersent les forces françaises, et mettent Ă  sac ThĂ©rouanne. En Navarre, la rĂ©sistance Ă  l'invasion du roi Ferdinand est anĂ©antie. Ce dernier consolide rapidement son autoritĂ© sur la rĂ©gion et entreprend de soutenir une nouvelle offensive anglaise en Aquitaine[33]. Jacques IV d'Écosse envahit alors l'Angleterre Ă  la demande du roi Louis XII[34], mais il ne rĂ©ussit pas Ă  dĂ©tourner l'attention d'Henri VIII de la France. Sa mort, ainsi que la dĂ©faite dĂ©sastreuse des Écossais lors de la bataille de Flodden Field, le , met fin Ă  la courte participation de l'Écosse Ă  la guerre.

Pendant ce temps, Alviano, laissé inopinément sans soutien français, se retire en Vénitie, poursuivi de prÚs par les troupes espagnoles de Raimond de Cardona. Alors que les Espagnols sont incapables de prendre Padoue en raison d'une résistance déterminée de Venise, ils pénÚtrent profondément en territoire vénitien et à la fin septembre ils sont en vue de la ville de Venise. Cardona tente de bombarder la cité, ce qui est particuliÚrement inefficace puis n'ayant pas de navires en sa possession pour traverser la lagune, il repart pour la Lombardie. Alviano, dont les troupes se sont renforcées de centaines de volontaires de la noblesse vénitienne, poursuit Cardona et l'affronte le lors de la bataille de Vicence. L'armée vénitienne est vaincue de maniÚre décisive, et de nombreuses personnalités de la noblesse vénitienne sont tuées alors qu'elles tentent de s'échapper[35].

Toutefois, la Sainte Ligue est incapable de donner une suite décisive à ces victoires. Cardona et Alviano continuent à s'affronter au cours d'escarmouches dans le Frioul de la fin 1513 à 1514 ce qui ne donne aucun résultat réel, Cardona demeurant incapable de prendre le dessus. Henri VIII ne réussissant pas non plus de son cÎté à conquérir de territoires, il conclut une paix séparée avec la France[36]. Enfin, la mort de Jules II laisse la Ligue sans chef réel, son successeur Léon X étant moins préoccupé par les affaires militaires.

Le décÚs de Louis XII le amÚne François Ier sur le trÎne de France. Ayant pris le titre de duc de Milan lors de son couronnement, François Ier entreprend immédiatement de réclamer ses possessions italiennes. En juillet, il constitue une armée dans le Dauphiné. Des forces composées de suisses et troupes pontificales partent de Milan vers le nord pour bloquer les cols alpins, mais le roi François Ier, suivant le conseil de Jacques de Trivulce, évite les principaux cols et passe par la vallée de la Stura[37]. L'avant-garde française surprend la cavalerie milanaise à Villafranca Piemonte, et fait prisonnier Prospero Colonna[38]. Entretemps, François Ier et le corps principal de l'armée française affrontent les Suisses au cours de la bataille de Marignan le . Les Suisses progressent dans un premier temps, mais la supériorité de la cavalerie et de l'artillerie françaises combinée à l'arrivée opportune d'Alviano, qui a pu éviter l'armée de Cardona à Vérone, permet aux Français et aux Vénitiens, le au matin, d'emporter une victoire décisive du point de vue stratégique[39].

Les conséquences

AprÚs la défaite de Marignan, la Ligue n'a plus ni la capacité ni la volonté de poursuivre la guerre. François Ier marche sur Milan, prenant la ville le et chassant ainsi Sforza du trÎne. En décembre, il rencontre Léon X à Bologne. Le pape, abandonné par le reste de ses mercenaires suisses, livre Parme et Plaisance à la France et ModÚne au duc de Ferrare[40]. Léon X reçoit en retour la garantie de non-ingérence française dans son projet d'attaque du duché d'Urbin.

En , peu aprÚs la mort de Ferdinand le Catholique, le roi de Navarre Jean III tente de reconquérir son royaume mais son avancée est aussitÎt stoppée par la défaite de son second le maréchal Pierre de Navarre dans la vallée de Roncal. Jean III meurt à son tour en juin.

Finalement, le traité de Noyon, signé par François Ier et le nouveau roi d'Espagne Charles Ier en , reconnaßt les revendications françaises sur Milan et les revendications espagnoles sur Naples et la Navarre, mettant fin à la participation de l'Espagne dans la guerre.

Maximilien Ier du Saint-Empire ne se conforme pas au traitĂ©, faisant alors une nouvelle tentative pour envahir la Lombardie. Son armĂ©e ne rĂ©ussit pas Ă  atteindre Milan et il s'en retourne, entamant alors des nĂ©gociations avec François Ier en . Le traitĂ© de Bruxelles qui en rĂ©sulte non seulement confirme l'occupation française de Milan, mais confirme Ă©galement les revendications vĂ©nitiennes sur les possessions impĂ©riales de Lombardie (Ă  l'exception de CrĂ©mone), mettant ainsi effectivement un terme Ă  la guerre avec un retour au statu quo de 1508[41]. La paix ne dure cependant que quatre ans, l'Ă©lection de Charles Quint comme Empereur du Saint-Empire romain germanique en 1519 poussant François Ier, qui souhaitait lui-mĂȘme devenir empereur, Ă  commencer les guerres italiennes de 1521-1526. Ces guerres ainsi relancĂ©es se poursuivent, sans interruption notable, jusqu'en 1530.

Notes et références

Notes

  1. Le conflit comprenant la pĂ©riode 1508-1516 des guerres d'Italie peut ĂȘtre divisĂ© en trois guerres sĂ©parĂ©es : la guerre de la Ligue de Cambrai (1508-1510), la guerre de la Sainte Ligue (1510-1514) et la premiĂšre guerre italienne de François Ier (1515-1516). La guerre de la Sainte Ligue peut elle-mĂȘme ĂȘtre divisĂ©e : la guerre du Ferrare (1510), la guerre de la Sainte Ligue Ă  proprement parler (1511-1514), une guerre anglo-Ă©cossaise (1513) et une guerre franco-anglaise (1513-1514). Certains historiens (notamment Phillips et Axelrod) abordent les diffĂ©rentes guerres sĂ©parĂ©ment, alors que d'autres (notamment Norwich) les traitent comme une seule guerre.

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « War of the League of Cambrai » (voir la liste des auteurs).
  1. Norwich, History of Venice, 390.
  2. Guicciardini, History of Italy, 168–175.
  3. Norwich, History of Venice, 391.
  4. Shaw, Julius II, 127–132, 135–139.
  5. Norwich, History of Venice, 392.
  6. Guicciardini, History of Italy, 189–190.
  7. Norwich, History of Venice, 393.
  8. Norwich, History of Venice, 394–395
  9. Guicciardini, History of Italy, 196–197; Shaw, Julius II, 228–234
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  28. Hibbert, Florence, 168.
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  30. Les Suisses avaient pratiquement le contrÎle du Duché, Sforza n'étant généralement considéré que comme leur homme-lige.
  31. Oman, Art of War, 153–154; Taylor, Art of War in Italy, 123.
  32. Goubert, Course of French History, 135.
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Annexes

Bibliographie

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  • Taylor, Frederick Lewis. The Art of War in Italy, 1494–1529. Westport, Conn.: Greenwood Press, 1973. (ISBN 0-8371-5025-6).

Articles connexes

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