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Joseph Philippe (architecte)

Joseph Philippe, né le à Lille (Nord) et mort le à Tilques (Pas-de-Calais), est un architecte français.

Joseph Philippe
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Biographie
Naissance
Décès
(à 98 ans)
Tilques
Nom de naissance
Joseph Auguste Louis Marie Philippe
Nationalité
Formation
Activité

Il est spécialisé dans l'architecture religieuse et connu pour apprécier la brique comme matériau et le nombre d'or comme source d'harmonie des formes. Formé à l'École des beaux-arts et par son maître dom Bellot (architecte devenu moine bénédictin en 1902), il exerce ensuite à Saint-Omer de 1930 à 1986, pendant la période des Trente Glorieuses. Plusieurs communautés religieuses lui demandent de terminer les grands chantiers initiés par dom Bellot en France (dont à Wisques) mais aussi au Canada. Cette filiation lui vaut également des commandes importantes[1].

Il utilise le béton et un répertoire de formes modernes, dont certaines issues des années 1930, mais sans s'inscrire dans le mouvement d'industrialisation qui conduit à la préfabrication et à la standardisation[1].

Biographie

Joseph Philippe est né le au château d'Esquermes à Lille.

Son père, Henri Philippe (1875-1959)[2], scolarisé au Collège des Jésuites de Lille et diplômé de la Faculté de droit de Lille fut avocat puis notaire et monta une étude à Cysoing, il participa à la Première Guerre mondiale en tant qu'officier dans les services de santé militaire[3]. Il est le fils de Louis-Alexandre Philippe (1830-1902), bâtonnier du barreau de Lille[4] et de Julie Dubois-Charvet (1845-1888).

Sa mère, Élisabeth Dehau (1878-1968), fille de Félix Dehau (1846-1934), maire de Bouvines de 1872 à 1934, bienfaiteur de la commune et de Marie Lenglart (1849-1940), issue de la grande bourgeoisie lilloise.

Joseph Philippe grandit dans une famille bourgeoise et catholique profondément religieuse. Il a onze frères et sœurs cadets (dont huit entreront dans les ordres[1]) :

  • Marie Philippe (1903-1999), sœur bénédictine sous le nom en religion de Hildegarde ;
  • Jean Philippe (1905-1993), prêtre dominicain sous le nom en religion de père Thomas Marie Philippe, fondateur de l'Eau vive, inspirateur de l'Arche, reconnu auteur d'abus sexuels;
  • Cécile Philippe (1906-1986), religieuse sous le nom de mère Cécile de Jésus, prieure du monastère de Bouvines, puis relevée de sa charge en 1956 à la suite de l'affaire des abus sexuels au sein de l'« Eau Vive » et envoyée comme simple sœur au couvent de Langeac, en Haute-Loire ;
  • Élisabeth Philippe (1908-2003), sœur dominicaine;
  • Anne-Marie Philippe (1910-2008), mariée avec Gérard Pattyn (1902-1940), notaire, dont quatre enfants ;
  • Évrard Philippe (1911-1940), prêtre dominicain sous le nom en religion de père Réginald ;
  • Henri Philippe (1912-2006), prêtre dominicain sous le nom en religion de père Marie-Dominique Philippe, fondateur de la Communauté Saint-Jean, reconnu auteur d'abus sexuels;
  • Pierre Philippe (1913-2002), ancien prêtre dominicain, marié avec Chantal Farnoux (née en 1939), dont un enfant;
  • Henriette Philippe (1915-2005), sœur bénédictine sous le nom en religion de mère Winfrida;
  • Jeanne Philippe (1920-1999), mariée avec Pierre Bour (1917-2003), psychiatre, dont quatre enfants;
  • François Philippe (1922-1944), militaire, Compagnon de la Libération.

Il fréquente les grandes familles d'industriels du Nord, qui constitueront une partie de sa future clientèle, dont Pierre Bonduelle (1902-1988), son cousin propriétaire des conserveries alimentaires de Renescure et maire de cette commune[1].

Dès l'enfance il dessine et peint, maîtrisant notamment l'aquarelle (technique qu'il utilisera toute sa vie)[1].

Il entre au collège jésuite de Lille et y effectue sa scolarité. Probablement poussé par son père qui voulait en faire un ingénieur, il s'essaye ensuite deux fois à entrer à l'École centrale des arts et manufactures (ECAM)[5] mais sans succès. En , il est reçu quatrième au concours d'entrée à l'École nationale supérieure des beaux-arts, ce qui lui permet d'étudier dans l’atelier d'Henri Deglane (un des concepteurs du Grand Palais à Paris) où il reçoit une formation à la fois classique et moderne de l'architecture[1]. De 1927 à 1928, il effectue son service militaire à Dieppe[1].

Le , il épouse Gabrielle de La Broüe de Vareilles-Sommières (1908-1964), veuve en premières noces de Jacques Prouvost (1903-1928) et dont la famille possède un château à Sommières-du-Clain. Le couple achète le château d’Ecou à Tilques que l'architecte va restaurer. La famille s’y installe en 1951 et ses cinq enfants y seront élevés[1].

Il meurt le dans son domicile au château d'Ecou à Tilques[1].

Parcours professionnel

Joseph Philippe est diplômé en , mais travaillait déjà dans le cabinet du moine-architecte dom Bellot de l'abbaye Saint-Paul de Wisques, rénovateur de l'architecture religieuse ; et il l'assistera durant une décennie[1].

Collaborateur de dom Bellot qui est rentré des Pays-Bas en 1928 pour s'installer à Wisques où agrandit l'abbaye tout en étant une source d'argent pour son monastère grâce à ses revenus d'architecte. Dom Bellot joue avec la brique et a inventé l’architecture « oeufgivale » définie par des arcs en forme d’ellipse. Le moine-constructeur marque Joseph Philippe qui travaille alors aussi avec un autre architecte-dessinateur venu les assister : Charles Parenty[1].

La crise économique de 1929 est suivie d'un recul des commandes, ce qui incite dom Bellot à partir faire des conférences au Canada où il espère ainsi également trouver de nouveaux clients. C'est alors Joseph Philippe qui le remplace à la tête de l'atelier d'architecture de Wisques ; il travaille ainsi à l'abbaye de Solesmes, à dessiner le prieuré Sainte Bathilde de Vanves ainsi que l’église Saint-Joseph-des-Fins à Annecy et on lui passe commande d'une église à Annemasse[1].

En 1936, Joseph Philippe rachète le cabinet de Gustave Vandenbergue (architecte départemental adjoint, architecte ordinaire des Monuments historiques) qu'il réinstalle à Saint-Omer (au 17 rue Carnot en face du musée de l'hôtel Sandelin), il y prépare une dizaine de chantiers (villas à Willems, à Fleurbaix et aux environs de Saint-Omer, aménagement d'orphelinat à Bouvines avec construction d'une chapelle empreinte du style de son maître)[1].

La Seconde Guerre mondiale sépare Joseph Philippe de dom Bellot. Joseph Philipe est en effet mobilisé comme capitaine d'infanterie de réserve puis il est fait prisonnier de guerre à la bataille de Retheuil dans l'Aisne le et est envoyé dans un stalag de Poméranie. Il y met en place « une véritable annexe de l’Ecole des beaux-arts » où il prépare d'autres prisonniers au diplôme d'architecte[1].

Il ne sera libéré que le . Il participe alors avec ses élèves au concours d’études provinciales des architectes prisonniers de guerre lancé par le commissariat à la Reconstruction. Il soumet au concours (dans la section rurale) un plan de ferme en Flandre maritime qui lui vaut le troisième prix (10 000 francs)[1].

De son côté dom Bellot était parti au Canada où il mourra d'un cancer à Montréal le sans avoir pu terminer deux de ses chantiers ; l'oratoire Saint-Joseph à Montréal et un monastère Saint-Benoît-du-Lac sur les rives du lac Memphrémagog. Les Canadiens responsables des deux chantiers de dom Bellot encore en cours au Canada demandent alors à Joseph Philippe d'en contrôler l’achèvement. Il poursuit cependant aussi la construction de l’abbaye de Wisques alors que les besoins de la reconstruction relancent le travail pour les architectes du nord de la France, à nouveau dévasté par la guerre jusqu'à la fin des années 1950.

Joseph Philippe contribue à la reconstruction d'environ 400 maisons de la ville détruites, mais travaille aussi à Arques, à Blendecques et à Renescure et aide à la restauration de fermes et bâtiments communaux (à Ardres, à Boisdinghem, à Febvin-Palfart, à Helfaut, à Pihem et à Wavrans-sur-l'Aa, etc.). Il dessine aussi l'hôpital de Saint-Omer, la clinique Stérin et l’agence locale de la Banque de France, et commence à travailler pour des industriels (Michel Beirnaert, des cartonneries de Gondardennes à Wizernes, la famille Bonduelle, propriétaire des conserveries de Renescure, ainsi que Jacques et Yves Durand de la Verrerie-cristallerie d'Arques[1]).

Logement social

Joseph Philippe doit contribuer à résoudre la crise du logement liée aux séquelles de guerre et au baby-boom et à répondre aux besoins des patrons qui font venir de nombreux ouvriers de l'étranger.

Le , Jacques Durand, président-directeur général de la cristallerie d’Arques, avec deux papetiers de Blendecques et de Wizernes (Pierre Avot et Michel Beirnaert) créent une Société coopérative d'habitations à loyer modéré du Pas-de-Calais Ouest « Chacun chez soi ». Alors que la Verrerie-cristallerie d'Arques ne cesse de grandir[6] - [7] jusqu’en 1970, Joseph Philippe construira pour cette société presque 1 000 maisons et pavillons, dans une vingtaine de lotissements, dispersés autour de Saint-Omer. Son travail intègre alors des questions d'urbanisme et de viabilité souvent organisées selon à la manière des row-houses[8] (bandes et îlots de maisons ou pavillons jumelés associés à des bandes de jardins individuels). Les matériaux restent locaux et de qualité : murs et cloisons de briques et toits de la tuile ; planchers en corps creux ; radier, linteaux et corniches en béton, mais l'époque n'est pas encore à la prise en compte de l'environnement (certains de ces lotissements sont installés sur des milieux naturels précieux et vulnérables (landes acides à bruyères et ajoncs, localement humides du plateau d'Helfaut[9] - [10])), sans études d'impact ni mesures compensatoires ou conservatoires.

Églises reconstruites et chapelles

Il contribue aussi à dessiner une dizaine de petites chapelles votives financées par les habitants de 1947 à 1948 dont :

  • Chapelle Notre-Dame-de-la-Garde à Zudausques, édicule de brique en rotonde.
  • Chapelle Notre-Dame-de-la-Miséricorde à Bouvelinghem, en parpaing, sur base d'un polygone à sept côtés sous une couverture octogonale.
  • Chapelle Notre-Dame-de-la-Garde à Leulinghem, inspirée de formes plus fréquentes dans l'Avesnois et le Cambrésis ; en pilier circulaire, en brique, percé d'une niche.

Avec l'âge Joseph Philippe penche pour des lignes de plus en plus épurées qui évoquent Auguste Perret. Ces trois constructions ont été redessinées plusieurs fois sur demandes de la commission d’art sacré et des architectes conseil du ministère de la Reconstruction (Paul Koch et André Le Donné qui souhaitaient des monuments plus modernes et innovants dans leurs formes) mais Joseph Philippe défend son style en se revendiquant le dom-bellotisme de « l'école de dom Bellot »[11].

Autres architectures religieuses

Architectures publiques

Restauration de grandes demeures

  • Petit-Château de Wisques (pour l’industriel Michel Beirnaert ; de 1966 à 1980).
  • Château de la Morande à Roquetoire (avec suppression d'un étage surajouté sans toucher à la toiture qui sera descendue sur des vérins hydrauliques, en 1973).

Archives

Les papiers et archives de l'architecte ont été léguées en 2001 par sa famille aux archives départementales du Pas-de-Calais. Ce fonds (63 mètres linéaires de dossiers, et 1,5 m3 de plans à plat et en rouleaux) a été trié, classé et répertorié en 2004-2006 (coté 85 J 1-228)

Une exposition lui a été consacrée par les archives départementales, ainsi qu'un document présentant la vie et l’œuvre de l'architecte[1].

Décorations

Décoration étrangère

Notes et références

  1. Wintrebert 2007
  2. « Généalogie de Joseph PHILIPPE », sur Geneanet (consulté le )
  3. Marie-Christine Lafon, Marie-Dominique Philippe : Au coeur de l'Eglise du XXe siècle, Éditions Desclée de Brouwer, , 840 p. (ISBN 978-2-220-06738-4, lire en ligne)
  4. Légitimiste, il passait chaque année une partie de l'été au château de Frohsdorf, en Autriche, résidence du comte de Chambord. Toutefois, en 1926, lorsque Pie XI condamne l'Action française, Louis-Alexandre Philippe obéit au magistère.
  5. Michaël Ndjinga, François Alouges, Rémi Abgrall, Eleuterio Toro, Frédéric Coquel, Florian De Vuyst, Anela Kumbaro et Pascal Laurent-Gengoux, École Centrale des Arts et Manufactures, vol. 3 (1.2), 1, Balance
  6. Martine Meunier-Chabert, Jean-Jacques Duhayon et Odile Bratosin, Intégration des études urbaines: agglomération de Saint-Omer, CERTU, 1999.
  7. Bernard Level, L'eau et le feu: la Verrerie Cristallerie d'Arques: son histoire, 1825 à 1995, Verrerie-cristallerie d'Arques,
  8. (en) Günter Pfeifer et Per Brauneck, Row houses: a housing typology, vol. 2, Springer Science+Business Media,
  9. Pierre-Noël Frileux et Jean-Roger Wattez, Les ultimes stations d'Erica cinerea L. subsistant dans l'ouest du nord de la France (Nord et Pas-de-Calais; Picardie; Haute-Normandie), Bulletin de la Société botanique de France (no 118(9)), , partie 1, chap. A (« Étude chronologique »), p. 813-821
  10. Pierre-Noël Frileux et Jean-Roger Wattez, Les ultimes stations d'Erica cinerea L. subsistant dans l'ouest du nord de la France (Nord et Pas-de-Calais; Picardie; Haute-Normandie), Bulletin de la Société botanique de France (no 125(1-2)), , 2e, chap. B (« Étude phytosociologique et écologique »), p. 101-111
  11. Courrier du adressé au secrétaire de la commission d’art sacré, Jean Lestocquoy. Ce dernier souhaitait que le projet d'Enguinegatte tienne « compte davantage des réalisations modernes de l’art religieux ».

Voir aussi

Bibliographie

  • Maurice Culot et Martin Meade, Dom Bellot, moine-architecte (1876-1944), Paris, , p. 61, 62, 66, 70, 71, 73, 74, 187, 237, 258, 259 et 261
  • Céline Frémaux, Églises contemporaines du Pas-de-Calais, mémoire de D.E.A., Université de Lille 3, 1999 (notamment t. I, p. 3334, 71, et t. II, notices Enguinegatte, Landrethun-le-Nord et Longuenesse).
  • Michel Cabal, « Les chapelles de la reconstruction », Chapelles, no 119, .
  • Aïda Tellier, Un monument du XXe siècle. L’église Notre-Dame de Lourdes d’Hazebrouck, Annales du Comité flamand de France, , p. 151-162.
  • Michel Cabal, « Joseph Philippe, l’architecte du couvent de Bouvines », Pays de Pévèle, no 56, , p. 19-21.
  • Pascal Wintrebert, « L’architecte Joseph Philippe », Histoire et mémoire, Archives départementales du Pas-de-Calais, no 51, (lire en ligne)
    Pascal Wintrebert est attaché de conservation du patrimoine, conservateur des antiquités et objets d’art.

Articles connexes

Liens externes

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