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Inhalation de fumées

L'inhalation de fumées est le passage de particules de fumées dans l'arbre respiratoire d'une personne. Hors du tabagisme, cette situation est le plus fréquemment rencontrée au cours d'un incendie, notamment dans un espace clos. C'est la principale cause de décÚs sur le lieu des incendies.

Les lĂ©sions d'inhalation de fumĂ©es peuvent ĂȘtre situĂ©es au niveau de l'arbre respiratoire, du fait du contact avec des particules caustiques ou de tempĂ©rature Ă©levĂ©e, ou systĂ©miques, du fait du passage de molĂ©cules toxiques dans le sang au niveau de la membrane alvĂ©olocapillaire.

Les fumĂ©es peuvent ainsi provoquer des brĂ»lures des voies aĂ©riennes supĂ©rieures, une obstruction et une irritation des bronches, un ƓdĂšme des poumons, ou une intoxication au monoxyde de carbone ou aux cyanures. Les symptĂŽmes peuvent aller d'une toux Ă  une dĂ©tresse respiratoire, d'une cĂ©phalĂ©e Ă  un coma, d'une syncope Ă  un arrĂȘt cardiaque.

Le traitement comporte l'extraction du lieu d'exposition et une surveillance. Si nĂ©cessaire, peuvent y ĂȘtre associĂ©s l'utilisation d'oxygĂšne voire l'intubation trachĂ©ale avec ventilation mĂ©canique, la kinĂ©sithĂ©rapie respiratoire et le recours aux bronchodilatateurs, la mise en place d'une expansion volĂ©mique et l'administration d'antidote du cyanure.

ÉpidĂ©miologie

Les situations Ă  risque de lĂ©sions d'inhalation de fumĂ©es sont principalement du fait d'une exposition prolongĂ©e, en milieu fermĂ©, Ă  des fumĂ©es denses. Toutefois, des lĂ©sions peuvent Ă©galement se produire en espace ouvert, dans le contexte d'incendies de forĂȘt notamment[1].

L'inhalation de fumées est la principale cause de mort immédiate au cours des incendies. En France, au début du 21e siÚcle, elle est ainsi responsable de 800 morts par an[1].

Au dĂ©cours des incendies, les lĂ©sions d'inhalation de fumĂ©es sont plus frĂ©quentes que les brĂ»lures cutanĂ©es. Chez les patients brĂ»lĂ©s hospitalisĂ©s, l'existence de lĂ©sions d'inhalation est associĂ©e Ă  une aggravation du pronostic. Par contre, dans les cas oĂč seules des lĂ©sions d'inhalation de fumĂ©es sont prĂ©sentes, la gravitĂ© est moindre comparativement aux cas de brĂ»lures cutanĂ©es isolĂ©es[1].

Physiopathologie

Les fumées sont des mélanges de particules et de produits gazeux issus d'un corps en combustion ou porté à haute température. Leur composition et leur température est variable[1].

Lors de leur inhalation par l'organisme, la distance de pénétration des particules dans l'arbre bronchique augmente inversement avec leur diamÚtre. Par ailleurs, la quantité de particules inhalées augmente avec le débit de ventilation pulmonaire. Outre un effet mécanique d'obstruction bronchique, les lésions induites par l'inhalation de fumées sont liées à une toxicité locale ou systémique[1].

En ce qui concerne les brûlures thermiques, Il est exceptionnel de les constater au niveau de l'arbre bronchique car les voies aériennes supérieures refroidissent l'air chaud inhalé par échange thermique[1].

LĂ©sions locales

Les lĂ©sions locales peuvent ĂȘtre dues, par exemple, Ă  des aldĂ©hydes, de l'ammoniac, du chlore, du phosgĂšne, du brome, du fluor, de l'oxyde d'azote ou de l'oxyde de soufre. Elles peuvent ĂȘtre distinguĂ©es selon le niveau anatomique des voies respiratoires[1].

Oropharynx

Au niveau de l'oropharynx, il se produit une réaction inflammatoire semblable aux conséquences d'une brûlure cutanée. Elle est initiée par la dénaturation des protéines par la chaleur. Il y a activation du complément via la xanthine oxydase, le facteur Hageman et des radicaux libres. Ceci entraine la libération d'histamine, de kinines, de prostaglandines, de cytokines et de produits oxydants. Les polynucléaires circulants affluent et libÚrent des radicaux libres et des protéases[1].

L'ensemble a pour consĂ©quence une vasodilatation et une hyperpermĂ©abilitĂ© capillaire, avec formation d'ƓdĂšme. Cet ƓdĂšme peut ĂȘtre responsable d'une obstruction des voies aĂ©riennes supĂ©rieures[1].

Trachée et bronches

Au niveau de l'arbre trachĂ©obronchique, l'effet caustique des fumĂ©es sur la muqueuse a pour effet de sĂ©parer les cellules ciliĂ©es de la lame basale. S'ensuit l'arrĂȘt du drainage mucociliaire, ce qui favorise une accumulation de dĂ©bris et de sĂ©crĂ©tions. Par ailleurs, survient une vasodilatation et une hyperpermĂ©abilitĂ© capillaire, sous la dĂ©pendance supposĂ©e de neuropeptides, qui entrainent la formation d'ƓdĂšme et la libĂ©ration d'exsudat. Enfin, s'installe une bronchoconstriction qui serait liĂ©e au thromboxane B2[1].

Les exsudats et dĂ©bris cellulaires forment des moules bronchiques fibrineux qui peuvent obstruer les conduits bronchiques, ce d'autant plus qu'il existe ƓdĂšme et bronchoconstriction. En outre, ces perturbations exposent Ă  une infection trachĂ©obronchique[1].

La cicatrisation des lésions de la muqueuse bronchique peut nécessiter plus de deux semaines, et laisse parfois des séquelles telles que sténose ou granulome inflammatoire[1].

Parenchyme pulmonaire

Au niveau du parenchyme pulmonaire, les perturbations sont observées aprÚs plusieurs heures. La perméabilité capillaire est d'abord augmentée, puis diminue alors que la pression intracapillaire augmente du fait d'une vasoconstriction. Ces phénomÚnes entrainent une augmentation de la quantité d'eau extravasculaire et du débit lymphatique. Il y a par ailleurs une altération du surfactant, ce qui diminue la compliance pulmonaire[1].

L'augmentation de perméabilité capillaire serait secondaire à la libération de protéases et de radicaux libres par des polynucléaires. L'attraction des polynucléaires serait la conséquence de la présence dans le parenchyme de substances chémotactiques qui proviendraient des bronches via les veines bronchiques. Ces substances, libérées au niveau bronchique en réponse à l'agression de la muqueuse, seraient en effet réabsorbées par ces veines qui se drainent au niveau précapillaire dans la circulation pulmonaire, pour atteindre le parenchyme[1].

La vasoconstriction, quant Ă  elle, pourrait ĂȘtre liĂ©e au thromboxane B2[1].

Intoxications systémiques

Les produits ayant une action systémique sont essentiellement les gaz asphyxiants que sont le monoxyde de carbone et les cyanures[1].

Monoxyde de carbone

Le monoxyde de carbone (CO) absorbé par voie pulmonaire diffuse dans les capillaires, se dissout dans le plasma et les globules rouges pour se fixer sur l'hémoglobine. Son affinité étant plus de 200 fois supérieure à celle de l'oxygÚne, la quantité d'oxygÚne fixée à l'hémoglobine diminue, entrainant une anoxie. Par ailleurs, le monoxyde de carbone libéré au niveau tissulaire se fixe sur les systÚmes enzymatiques mitochondriaux, aboutissant par compétition à une incapacité des cellules à utiliser l'oxygÚne[1].

Cyanures

AprĂšs libĂ©ration de l'ion cyanure (CN−) dans la circulation, il diffuse dans les cellules de l'organisme. Il se fixe sur le fer ferrique de la cytochrome oxydase mitochondriale, entrainant son inhibition et donc une anoxie tissulaire. Le mĂ©tabolisme est dĂ©tournĂ© vers l'anaĂ©robie, aboutissant Ă  l'augmentation de la lactacidĂ©mie[1].

Signes et symptĂŽmes

Il n'existe aucun signe spécifique de l'inhalation de fumées[1].

Inhalation de fumées

Les symptĂŽmes respiratoires peuvent ĂȘtre une toux sĂšche, une dysphonie avec voix rauque, voire une dyspnĂ©e, inspiratoire ou expiratoire. L'examen clinique retrouve le plus souvent des suies dans l'oropharynx ou dans les expectorations. L'auscultation pulmonaire peut retrouver wheezing, ronchi ou sibilants. D'autres lĂ©sions peuvent ĂȘtre associĂ©es, telles qu'une irritation oculaire ou des brĂ»lures du visage[1].

La radiographie thoracique est souvent normale au dĂ©but. Secondairement, des images d'ƓdĂšme interstitiel ou des opacitĂ©s dissĂ©minĂ©es peuvent apparaitre, pouvant aller jusqu'au poumon blanc[1].

La fibroscopie bronchique permet de visualiser des dĂ©pĂŽts de suie et des lĂ©sions telles qu'un Ă©rythĂšme, un ƓdĂšme, une ulcĂ©ration voire une nĂ©crose[1].

La scintigraphie pulmonaire au xénon 133 peut montrer des zones ayant un retard d'élimination d'isotope, correspondant à des territoires hypoventilés. Cet examen peut cependant donner des faux positifs en cas de pathologie préexistante[1].

L'analyse des gaz du sang artériel peut montrer une hypoxémie, souvent d'apparition retardée et pouvant s'aggraver par la suite[1].

Intoxication au monoxyde de carbone

Les symptĂŽmes les plus frĂ©quents de l'intoxication au monoxyde de carbone, non spĂ©cifiques, peuvent ĂȘtre : cĂ©phalĂ©e, vertige, nausĂ©e, vomissement, trouble visuel, syncope, trouble du rythme cardiaque et respiratoire, convulsion[1].

La saturation en oxygĂšne mesurĂ©e en oxymĂ©trie de pouls est le plus souvent faussement normale, car l'hĂ©moglobine absorbe la lumiĂšre de la mĂȘme maniĂšre quand elle est liĂ©e Ă  l'oxygĂšne ou au monoxyde de carbone. L'Ă©lectrocardiogramme peut montrer des signes d'ischĂ©mie myocardique[1].

Le taux de monoxyde de carbone peut ĂȘtre mesurĂ© dans l'air expirĂ©. C'est le dosage de la carboxyhĂ©moglobine sanguine qui permet de confirmer le diagnostic. Sa rĂ©alisation la plus prĂ©coce permet d'Ă©valuer le pic de concentration. Un dosage tardif peut ĂȘtre faussement nĂ©gatif du fait de la soustraction Ă  l'exposition et de la mise en place d'une oxygĂ©nothĂ©rapie[1].

Le dosage des gaz du sang artériel montre une saturation en oxygÚne abaissée alors que la pression partielle en oxygÚne est normale. Il peut exister une acidose lactique, généralement modérée[1].

Intoxication aux cyanures

L'intoxication aux cyanures peut donner des signes neurologiques tels que vertige, cĂ©phalĂ©e, sensation Ă©brieuse, agitation, confusion, voire perte de connaissance initiale, convulsion ou coma. Des troubles cardiovasculaires peuvent survenir, avec collapsus voire arrĂȘt cardiorespiratoire[1].

L'élévation du taux de lactate sanguin est un bon marqueur de l'intoxication. Cependant, d'autres causes peuvent y participer, telles qu'une intoxication au monoxyde de carbone ou une hypovolémie, notamment en cas de brûlures cutanées étendues ou de polytraumatisme[1].

Le dosage spécifique n'est pas disponible en routine[1].

Évolution

Évolution prĂ©coce

Les dĂ©cĂšs prĂ©coces peuvent ĂȘtre en rapport avec une dĂ©tresse respiratoire ou une intoxication au monoxyde de carbone ou aux cyanures[1].

Sur le plan pulmonaire, Ă  l'ƓdĂšme lĂ©sionnel peut s'ajouter un ƓdĂšme de surcharge, notamment en cas de brĂ»lures cutanĂ©es Ă©tendues avec surcharge hydroĂ©lectrolytique. Les risques secondaires sont le barotraumatisme pulmonaire chez les patients sous ventilation artificielle, la pneumopathie infectieuse et le syndrome de dĂ©tresse respiratoire aiguĂ«[1].

Chez la femme enceinte, l'intoxication au monoxyde de carbone peut entrainer des lĂ©sions du systĂšme nerveux central du fƓtus et l'accouchement d'un mort-nĂ©[1].

Évolution tardive

Les complications tardives les plus fréquentes seraient neuropsychiatriques, du fait soit de la persistance de signes présents initialement, soit de l'apparition de signes aprÚs un intervalle libre. Ce syndrome postintervallaire est décrit notamment aprÚs intoxication au monoxyde de carbone, et est le plus souvent transitoire[1].

Les complications respiratoires tardives peuvent ĂȘtre une stĂ©nose trachĂ©ale, une trachĂ©omalacie, des polypes ou une bronchiolite oblitĂ©rante[1].

Prise en charge

Mesures générales initiales

Le traitement approprié nécessite l'évaluation des conséquences de l'inhalation de fumées, mais aussi des éventuels brûlures et traumatismes associés[1].

La prise en charge initiale comporte en prioritĂ© l'extraction du lieu d'exposition. L'intubation trachĂ©ale avec mise sous ventilation mĂ©canique peut ĂȘtre indiquĂ©e en cas de dĂ©tresse respiratoire, de trouble de conscience ou de risque d'ƓdĂšme laryngĂ©. Une expansion volĂ©mique est effectuĂ©e en cas de nĂ©cessitĂ©[1].

Traitements spécifiques

Le traitement d'une intoxication au monoxyde de carbone prouvĂ©e ou suspectĂ©e repose en premier lieu sur l'administration d'oxygĂšne Ă  fort dĂ©bit avec un masque facial, et, en cas de ventilation mĂ©canique, d'utilisation d'une fraction d'oxygĂšne inspirĂ©e de 100 %. L'oxygĂ©nothĂ©rapie hyperbare peut ĂȘtre indiquĂ©e lorsqu'il existe un grossesse chez la femme, ou en cas de trouble de conscience, de dĂ©ficit neurologique ou d'ischĂ©mie myocardique[1].

Le traitement de l'intoxication aux cyanures suspectĂ©e passe par, outre l'oxygĂ©nothĂ©rapie, le recours Ă  un antidote spĂ©cifique. La 5-hydroxocobalamine semble avoir peu d'effet secondaire. D'autres antidotes tels que le nitrite d'amyle ou l'Ă©thylĂšne diamine tĂ©tra-acĂ©tique dicobaltique peuvent ĂȘtre mal tolĂ©rĂ©s sur le plan cardiovasculaire. Une autre molĂ©cule, le thiosulfate de sodium, a une action plutĂŽt lente[1].

Hospitalisation

L'hospitalisation permet d'effectuer une surveillance. Le traitement par oxygĂ©nothĂ©rapie ou par ventilation mĂ©canique est poursuivi et il peut y ĂȘtre associĂ© une kinĂ©sithĂ©rapie respiratoire et l'administration de bronchodilatateur[1].

Prévention

La prévention en cas d'exposition peut passer par l'utilisation de masque filtrant les particules. La mise en place de détecteurs de fumées dans les locaux fermés permet en théorie de limiter l'exposition[1].

Référence

  1. C. Vinsonneau, C. Augris, M. Benyamina, F. Lebreton, D. Wassermann, « Inhalation de fumées », EMC Médecine d'urgence, Elsevier Masson SAS, Paris, 2007

Voir aussi

Articles connexes

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