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Histoire de la langue catalane

L’histoire de la langue catalane est celle de la langue romane issue du latin vulgaire introduit au IIe siĂšcle av. J.-C. par les colons romains au nord-est de la pĂ©ninsule IbĂ©rique et au sud de la Gaule narbonnaise[1]. Suivant l'extension de la couronne d'Aragon, le catalan s'est ensuite implantĂ© en direction du sud dans les rĂ©gions mĂ©ridionales de l'actuelle Catalogne, au Pays valencien, dans les Îles balĂ©ares, ainsi que dans certaines rĂ©gions des anciens royaumes de Sardaigne et de Sicile[2].

Carte de l'évolution linguistique de la péninsule Ibérique.

Dans ses origines, le catalan est un petit groupe de parlers romans Ă©laborĂ©s dans la Marche hispanique, Ă  la frontiĂšre entre l'Empire de Charlemagne et les terres de la pĂ©ninsule IbĂ©rique sous domination musulmane, autour du dĂ©but du IXe siĂšcle[3][4]. Le catalan apparaĂźt comme une branche pĂ©riphĂ©rique, hispanique[5], du gallo-roman[6], apparentĂ©e de prĂšs Ă  l’occitan[7] - [8] - [3].

Par la suite, le domaine linguistique catalan se diffuse vers le sud en accompagnant la Reconquista, avec une premiĂšre phase d’extension des comtĂ©s catalans, suivi de la conquĂȘte de Majorque puis de celle du royaume de Valence au XIIIe siĂšcle, et enfin celle d’Alghero en Sardaigne au milieu du siĂšcle suivant. Le catalan se consolide alors comme un ensemble homogĂšne, un phĂ©nomĂšne favorisĂ© par l’inclusion au sein de la couronne d'Aragon de tous les territoires catalanophones, qui se concentre essentiellement sur la pĂ©ninsule IbĂ©rique aprĂšs la perte d’une grande partie de ses influences dans le comtĂ© de Toulouse et en Provence[9].

Au XIIIe siĂšcle, le Majorquin Raymond Lulle utilise le premier une langue nĂ©o-latine pour exprimer des connaissances philosophiques, scientifiques et techniques, et apporte une contribution fondamentale Ă  l’élaboration du catalan littĂ©raire. À sa suite commence une pĂ©riode de prestige pour la langue catalane, qui rayonne dans l’ensemble du monde mĂ©diterranĂ©en et vit un siĂšcle d’or littĂ©raire au XVe siĂšcle. À partir de la fin du siĂšcle nĂ©anmoins, avec l’union des couronnes de Castille et d'Aragon, l’usage littĂ©raire de la langue devient marginal, les Ă©lites dirigeantes l’abandonnent au profit du castillan et commence une pĂ©riode de dĂ©cadence, la DecadĂšncia, bien que le catalan reste trĂšs majoritairement la langue du peuple.

Au XIXe siĂšcle, le mouvement de la Renaixença — la « Renaissance » — marque l’amorce d’un renouveau littĂ©raire de la langue. Au dĂ©but du siĂšcle suivant, la langue catalane devient un symbole fort du nationalisme catalan et fait l’objet revendications de rĂ©habilitation plus gĂ©nĂ©rale de la part de certaines Ă©lites, bien que de façon variable selon les territoires[10]. À la proclamation de la Seconde RĂ©publique espagnole et la concession d’un Statut d'autonomie Ă  la Catalogne en 1932, le catalan devient pour la premiĂšre fois langue officielle de cette rĂ©gion, conjointement avec la langue espagnole. La pĂ©riode de la dictature franquiste (1939-1975) est marquĂ©e par une premiĂšre phase d’interdiction et de rĂ©pression gĂ©nĂ©ralisĂ©e de l’usage de la langue catalane, suivie par une relative libĂ©ralisation du rĂ©gime, qui autorise certaines pratiques, mais en exerçant toujours censure et contrĂŽle. Avec la Transition dĂ©mocratique espagnole et l’instauration d’un modĂšle territorial basĂ© sur des autonomies rĂ©gionales, la langue catalane devient co-officielle avec le castillan dans les principaux territoires oĂč elle est parlĂ©e en Espagne. Activement pratiquĂ©e dans certaines institutions universitaires, elle connaĂźt un usage notable dans des publications de caractĂšre scientifique. Le catalan est Ă©galement langue officielle Ă  Alghero, oĂč elle est parlĂ©e par environ 30 % de la population. En France en revanche, comme les autres langues minoritaires, le roussillonnais ne bĂ©nĂ©ficie que d’un appui limitĂ© des institutions et connaĂźt un fort recul dans l’époque contemporaine.

DĂšs ses origines, le catalan apparaĂźt partagĂ© sur le plan dialectal entre un bloc occidental et un bloc oriental. Cette partition n’est donc pas la consĂ©quence d’une divergence depuis un tronc commun unique — bien que l’écart s’accentue au cours des premiers siĂšcles — et s’explique peut-ĂȘtre par une variation de substrat[11].

Cette page utilise l’alphabet phonĂ©tique international. Suivant les conventions internationales, entre barres obliques // sont indiquĂ©s les phonĂšmes et archiphonĂšmes (Ă©lĂ©ments phonologique), et entre crochets [] sont indiquĂ©s les phones (rĂ©alisations phonĂ©tiques). Concernant l’étymologie des noms et adjectifs, sont indiquĂ©es sauf mention contraire les formes latines correspondant Ă  l'accusatif sans le -m final, qui n'Ă©tait plus sensible en bas latin — Ă  quelques rares exceptions prĂšs, les noms et adjectifs romans sont issus des formes de l'accusatif latin —.

Origines de la langue catalane

Autour du Ve siĂšcle, avec le dĂ©clin de l'Empire romain d'Occident, le latin vulgaire des diffĂ©rentes rĂ©gions de la Romania se fragmente peu Ă  peu dans un ensemble de parlers proto-romans. Dans chaque zone, la diffĂ©renciation est fondamentalement influencĂ©e par trois facteurs : la forme du latin parlĂ© lui-mĂȘme (liĂ©e Ă  l’origine des colonisateurs), l’intensitĂ© de la romanisation et le substrat prĂ©-romain — schĂ©matiquement, l'action du dernier sur la langue Ă©tant inversement proportionnelle Ă  l’intensitĂ© de l'avant-derniĂšre —[12]. À ceux-lĂ , on peut encore ajouter l'influence des superstrats (langues issus de contacts culturels ultĂ©rieurs Ă  la romanisation)[13].

La rĂ©gion oĂč le catalan primitif se constitue se trouve Ă  cheval sur deux anciennes provinces romaines : une petite partie de la Narbonnaise (dans sa partie occidentale) et, surtout, la Tarraconaise (dans sa partie nord-orientale).

Substrat pré-romain

Dans de nombreux cas, et dans celui du catalan en particulier, la question du substrat est donne lieu Ă  des dĂ©bats polĂ©miques et Ă  des manipulations identitaires diverses (recherche des racines et d’une unitĂ© « nationales » dans les peuples anciens)[14]. Un moyen privilĂ©giĂ© d’établir les caractĂ©ristiques du substrat prĂ©-romain est l'Ă©tude de l'onomastique, Ă  travers laquelle peuvent se maintenir de façon assez stable certaines formes trĂšs archaĂŻques[15].

Les éléments de substrat attribués au latin vulgaire dans les zones constitutives de la langue catalane sont les suivants :

  • un substrat indo-europĂ©en ancien, dont les deux principaux foyers se trouvent en Andalousie et dans une zone correspondant approximativement Ă  la Catalogne et l’Aragon actuels[16] ;
  • un substrat ibĂšre plus rĂ©cent et superficiel (peut-ĂȘtre liĂ© au suivant, voir infra)[16] - [17] ;
  • un substrat « bascoĂŻde » — prĂ©-indoeuropĂ©en, liĂ© au basque ou au proto-basque —, commun avec l’aragonais et le gascon, concentrĂ© dans la zone pyrĂ©nĂ©enne, dont on trouve de nombreuses traces dans la toponymie andorrane, et plus ponctuellement dans le lexique Ă©lĂ©mentaire, par exemple : estalviar « Ă©pargner » (languedocien estalviar, gascon estauviar), apparentĂ© au basque estalbe[18] - [19]. Les hautes vallĂ©es pyrĂ©nĂ©ennes se caractĂ©risent par une romanisation plus faible et plus tardive que le reste du domaine constitutif, et donc par une situation prolongĂ©e de bilinguisme roman / basque. Le basque Ă©tait encore parlĂ© dans les comtĂ©s de Pallars et de Ribagorce au IXe siĂšcle[20], peut-ĂȘtre mĂȘme jusqu’au siĂšcle suivant[21] ;
  • un lĂ©ger substrat celte (gaulois)[16] - [22] ;
  • un hypothĂ©tique substrat ligure, qui pourrait se retrouver dans certains toponymes comme Biosca[23].

La distinction entre les substrats ibĂšre et bascoĂŻde est souvent malaisĂ©e et ils semblent se recouper dans certains cas (la nature de l’ibĂšre et les origines du basque demeurent tous deux trĂšs incertains). C’est par exemple le cas de esquerra, « gauche » (languedocien et gascon esquĂšrra castillan izquierda, portugais esquerda), en basque ezkerra, terme d’origine prĂ©-romaine incertaine (mot patrimonial basque ou empruntĂ© Ă  une langue ibĂšre apparentĂ©e)[24] - [25].

Certains auteurs pensent que les substrats basque et ibÚre constituent le fondement de la différenciation du bloc occidental[26].

Selon le linguiste valencien Manuel Sanchis Guarner, la prĂ©sence d’une frontiĂšre marquĂ©e entre roussillonnais (nord-catalan) et languedocien au niveau du massif des CorbiĂšres s'explique par une moindre celtisation des zones situĂ©es au sud de ce dernier. Pour sa part, Joan Coromines pense plutĂŽt que l’ensemble nord-catalan s'est constituĂ© Ă  l’origine comme un dialecte de transition vers l'occitan qui se serait dĂ©soccitanisĂ© par la suite sous l’influence des parlers mĂ©ridionaux (il soutient ainsi que le dialecte capcinois moderne est restĂ© proche de ce qu’était le roussillonnais primitif[27]). Badia i Margarit note toutefois qu’une bonne part des traits distinctifs du roussillonnais sont attestĂ©s trĂšs tĂŽt[28].

La toponymie baléare montre des restes de la présence phénicienne, par exemple dans Eivissa ou Maó[23].

Dans les zones conquises tardivement par la couronne d'Aragon (BalĂ©ares et Valence), les traces d’un substrat mozarabe — descendant trĂšs arabisĂ© du roman local primitif — trĂšs effacĂ© se retrouvent dans quelques Ă©lĂ©ments de toponymie, par exemple Gorgos, Morello, Petra, Ripelles, qui laissent apparaĂźtre le caractĂšre trĂšs conservateur de ces parlers (conservation de -o final et, surtout, absence de voisement des occlusives sourdes)[29].

Romanisation

  • Populations et langues de la pĂ©ninsule ibĂ©rique vers -300
    Populations et langues de la péninsule ibérique vers -300
  • Ethnographie vers -200
    Ethnographie vers -200
  • PĂ©ninsule ibĂ©rique vers -100
    Péninsule ibérique vers -100
  • Implantation romaine
    Implantation romaine
  • L’Hispanie citĂ©rieure vers -27
    L’Hispanie citĂ©rieure vers -27
  • AmphithĂ©Ăątre de Tarragone
    Amphithéùtre de Tarragone

Les Romains dĂ©barquent pour la premiĂšre fois dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique Ă  EmpĂșries en , dans le cadre de la premiĂšre guerre contre Carthage[30]. Le consul Cnaeus Cornelius Scipio Calvus se lance dans la conquĂȘte de toute la cĂŽte catalane jusqu'Ă  l'Èbre et affronte les tribus indigĂšnes (ilergetes, lacetanes et ausetanes), alliĂ©es aux Carthaginois. AprĂšs l'expulsion dĂ©finitive de ces derniers, Tarraco (future Tarragone) est transformĂ© en campement d'hiver des lĂ©gions romaines[31], puis acquiert ensuite le statut de place forte, aprĂšs la construction du port et des murailles d'aprĂšs les ordres de Scipion, ce qui vaut Ă  la citĂ© le titre de Tarraco Scipionum opus donnĂ© par Pline l'ancien (Ier siĂšcle av. J.-C.)[31]. Elle devient capitale d’une nouvelle province romaine, l’Hispanie citĂ©rieure, qui couvre la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne des PyrĂ©nĂ©es Ă  CarthagĂšne. Avec l'extension des conquĂȘtes romaines vers l'intĂ©rieur des terres, cette province devient la Tarraconaise, qui couvre le territoire allant de la MĂ©diterranĂ©e Ă  la Galice et au nord du Portugal actuel.

Le latin vulgaire

Comme dans le reste de la Romania latin parlé par les colons romains diffÚre du latin classique par plusieurs traits importants (voir le paragraphe #SynthÚse de grammaire historique pour plus de détails)[32] :

  • sur le plan phonologique, les voyelles brĂšves et longues ne sont plus distinguĂ©es, l’opposition entre les deux types se trouvant substituĂ©e par un rĂ©agencement simplifiĂ© basĂ© sur une opposition entre voyelles ouvertes et voyelles fermĂ©es respectivement ;
  • Ä­ et ĕ post-toniques se palatalisent (formation d’un yod [j]) : BAL-NĔ-U, DI-ĆŹR-NU > BAL-NIU, DIĆŹR-NU, qui donneront en catalan bany ([ˈbaÉČ], « bain ») et jorn ([ˈ(dÍĄ)ʒoÉŸn], « jour ») ;
  • le systĂšme de dĂ©clinaisons est trĂšs dĂ©gradĂ©, la perte du -m entraĂźnant la disparition du nominatif et un bouleversement morpho-syntaxique ;
  • chute de certaines voyelles en position faible (prĂ©toniques ou post-toniques dans les proparoxytons) : 
 ;
  • un lexique innovant : par exemple, les termes classiques MENSA (« table »), COMĔDĔRE (« manger ») sont respectivement remplacĂ©s par TABĆŹLA et MANDUCĀRE > taula, menjar (comparer avec les castillan, portugais-galicien et asturien mesa et comer).

Le protoroman catalan

D’importantes difficultĂ©s surgissent Ă  l’heure d’expliquer la forme du catalan prĂ©littĂ©raire. En effet, le latin vulgaire du nord-est de l’Hispanie est extrĂȘmement peu documentĂ© et ne fait pas apparaĂźtre de diffĂ©rence significative entre le latin de ce qui deviendra la Vieille Catalogne et celui du reste de la pĂ©ninsule IbĂ©rique[33]. La linguistique comparative amĂšne Ă  supposer l’existence d’un diasystĂšme du latin de la Tarraconaise et de la Narbonnaise distinct du diasystĂšme bĂ©tique, nettement plus archaĂŻque, qui donnera naissance aux autres langues de la pĂ©ninsule[34].

En ce qui concerne les traits Ă©volutifs, le catalan s’inscrit de plain-pied dans l’ensemble roman occidental, au sein duquel il prĂ©sente un certain Ă©clectisme, avec une majoritĂ© de caractĂ©ristiques communes avec le gallo-roman et un plus petit nombre qui le rapprochent de l’ibĂ©ro-roman[35] - [36] - [37]. Certains mots latins n’ont laissĂ© de descendants connus qu’en catalan, par exemple : LABE > (a)llau « avalanche », REPUDĬĀRE > rebutjar « rejeter »[38].

Superstrat germanique

Avec le dĂ©clin de l'Empire romain autour du Ve siĂšcle, le latin parlĂ© se trouve sous l’influence de tendances centrifuges, les changements linguistiques, dont certains demeuraient Ă  l’état latent, se prĂ©cipitent et les idiomes de la Romania se fragmentent, donnant lieu Ă  une multitude de parlers proto-romans[39].

Entre les Ve et VIIe siùcles, les Wisigoths envahissent l'Hispanie. Ils fondent un royaume, avec tout d’abord comme capitale Toulouse en 418, puis Tolùde en 567.

Le lexique d’origine germanique est important en catalan (beaucoup plus qu’en castillan par exemple). NĂ©annmoins, tous les mots germaniques ne proviennent de ce substrat wisigoth, car une bonne part d’entre eux ont Ă©tĂ© transmis dĂšs l’époque romaine en raison de l’important brassage avec des Germains au sein de l’armĂ©e romaine (dans ce cas les langues germaniques ont agi en tant qu’adstrat)[39].

Superstrat arabe

Pour ce qui est de la Catalogne, la prĂ©sence musulmane fut trop Ă©phĂ©mĂšre pour s'implanter trĂšs efficacement[29]. Le catalan a nĂ©anmoins empruntĂ© bon nombre de mots courants aux Arabes, dont la culture jouissait d’un prestige certain, notamment dans les registres des techniques agricoles, de la botanique et de l’administration, par exemple sĂ©quia (de l’arabe ŰłÙŽŰ§Ù‚ÙÙŠÙŽŰ© sāqiyah, « irrigation », voir seguia), quitrĂ  (« goudron »), albercoc « abricot », carxofa « artichaut », etc. La grande majoritĂ© sont Ă©galement attestĂ©s en castillan — avec une plus frĂ©quente agglutination de l'article — : acequia, alquitrĂĄn, albaricoque, alcachofa.

Dans les territoires conquis plus tardivement (notamment royaumes de Valence et de Majorque), le superstrat arabe n’aura qu’une influence extrĂȘmement secondaire sur la langue dĂ©jĂ  constituĂ©e.

Le castillan contient plusieurs milliers de mots courants issus de l'arabe, contre environ deux-cents seulement en catalan[40].

La toponymie valencienne est particuliĂšrement fournie en arabismes[41] (Alfafar, Alzira, BenicarlĂł, BenetĂșsser, etc.).

Du IXe au XIIIe siùcle : L’ancien catalan

  • Carte des comtĂ©s des PyrĂ©nĂ©es centrales et orientales.
    Carte des comtés des Pyrénées centrales et orientales.
  • Carte de la pĂ©ninsule IbĂ©rique en 850.
    Carte de la péninsule Ibérique en 850.
Hec est memoria de ipsas rancuras que abet dominus Guitardus Isarnus, senior Caputense, de rancuras filio Guillelm Arnall et que ag de suo pater, Guilelm Arnall; et non voluit facere directum in sua vita de ipso castro Caputense che li comannĂ . Et si Guilelm Arnal me facia tal cosa que dreçar no·m volguĂ©s ho no poquĂ©s, ho ssi·s partia de mi, che Mir Arnall me romasĂ©s aisĂ­ com lo·m avia al dia che ad Ă©l lo commannĂ©. Et in ipsa onor a Guillelm Arnal no li donĂ© negĂș domenge ni establiment de cavaler ni de pedĂł per gitar ni per metre quan l·i comannĂ© Mir Arnall.

Griefs de Guitart Isarn, seigneur de Caboet (ca. 1080–1095)[42][43]
Lignes 1 Ă  4 (les passages en catalan figurent en italique)

Les Homélies d'Organyà (XIIe siÚcle), premiÚre texte connu écrit en catalan.

L'apparition des comtĂ©s catalans est liĂ©e Ă  la conquĂȘte carolingienne de la Marche d'Espagne, qui vise Ă  contenir l’avancĂ©e des musulmans dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique. ImmĂ©diatement aprĂšs la conquĂȘte carolingienne, dans les territoires dominĂ©s par les Francs, on rencontre la mention de quelques districts politico-administratifs qui reçoivent le nom de comtĂ©s. Il existe d'autres circonscriptions plus petites : pagus, comme Berga ou Vallespir.

Autour du IXe siĂšcle, la langue catalane primitive, issue du latin vulgaire, Ă©tait apparue dans les comtĂ©s catalans du Roussillon, d’Urgell, de Pallars, de Ribagorce, BesalĂș, dans l’Ampourdan et la Cerdagne, ainsi que certains territoires mĂ©ridionaux contigus de l’ancienne Tarraconaise[44]. À partir du VIIIe siĂšcle, les comtĂ©s catalans Ă©tendirent leur territoire en direction du sud (prise de Barcelone en 801[3]) et de l’ouest, en conquĂ©rant des territoires sous occupation musulmane, une expansion accĂ©lĂ©rĂ©e avec la sĂ©paration du comtĂ© de Barcelone de l’empire carolingien en 988[44].

Aux environs du IXe siĂšcle, les chrĂ©tiens occupaient la partie septentrionale de l’actuelle Catalogne — notamment la Vieille Catalogne —, les territoires conquis aux XIe et XIIe siĂšcles au nord de l’Èbre Ă©tant connus sous le nom de « Catalogne Neuve »[44].

La culture carolingienne s’impose, et se trouve accompagnĂ©e d’un renouveau de la culture latine classique. Le monastĂšre de Ripoll connait un grand rayonnement du IXe au XIe siĂšcle en tant que centre d'enseignement[39].

Selon l'Ă©rudit valencien Jaume Villanueva (1756–1824), celle qu’on pensait la plus ancienne phrase Ă©crite en catalan fut trouvĂ©e dans un manuscrit de Ripoll datant du VIIIe siĂšcle depuis perdu[45]. À partir du IXe siĂšcle, plusieurs documents fĂ©odaux (surtout des serments et des griefs) Ă©crits dans un latin trĂšs dĂ©gradĂ© commencent Ă  montrer des Ă©lĂ©ments de catalan, avec des noms propres, des mots isolĂ©s ou mĂȘme des phrases entiĂšres Ă©crites en langue romane[46]. Par exemple, dans l’acte de consĂ©cration de la cathĂ©drale Sainte-Marie d'Urgell de 839, la toponymie rĂ©vĂšlent de clairs traits catalans, comme l'apocope[47] - [48] de voyelles post-toniques dans Argilers < ARGILARÄŹUS, Llinars < LINĀRES, Kabrils < CAPRÄȘLES, et une rĂ©duction de groupes latins dans palomera < PALUMBARÄŹA[49]. Un autre texte, du dĂ©but du XIe siĂšcle, contient le nom de sept arbres fruitiers[49] :

« morers III et oliver I et noguer I et pomer I et amendolers IIII et pruners et figuers... »

En 988, le comte de Barcelone Borrell II ne reconnaßt pas le roi franc Hugues Capet et sa nouvelle dynastie. Le comté de Barcelone, et à sa suite les autres comtés catalans sous sa domination, devient alors indépendant[50] - [48].

Le Memorial de greuges de Ponç I, comte d'EmpĂșries, contra Jofre, Compte de RosellĂł (« MĂ©morial des griefs de Ponce I, comte d’EmpĂșries, Comte de Roussillon », ca. 1050–1060), contenant des phrases entiĂšre en roman, est d’une grande importance historique et linguistique[46]. Autour du milieu du XIe siĂšcle, des documents entiĂšrement Ă©crits en catalan commencent Ă  apparaĂźtre, comme le Serment de Radulf Oriol (ca. 1028-1047)[51] - [52], Griefs de Guitart Isarn, seigneur de Caboet (ca. 1080–1095) et le Serment de Paix et de TrĂȘve du comte Pere Ramon (1098)[46]. Le poĂšme hagiographique Chanson de sainte Foy d'Agen (Cançon de santa Fe, ca. 1054) n'est pas considĂ©rĂ© comme l’un des plus anciens textes en catalans car, son lieu de composition Ă©tant inconnu, il est dĂ©licat de dĂ©terminer s’il est Ă©crit en catalan ou en occitan, en raison de la grande similaritĂ© entre les deux langues Ă  cette Ă©poque[53]. L’ancien catalan diverge sigificativement de l’ancien occitan entre les XIe et XIVe siĂšcles[54].

Il faut attendre le XIIe siĂšcle pour voir apparaĂźtre les premiers textes intĂ©gralement Ă©crits en catalan, notamment en consĂ©quence de l’apparition d’une nouvelle classe urbaine, la bourgeoisie, qui tout en Ă©tant instruite ne connaĂźt pas ou mal le latin, et constitue donc le premier public lecteur de la langue romane[55].

Le plus ancien semble une feuille manuscrite contenant un fragment d’une traduction du Liber Iudiciorum, datant d’environ 1185. Plus importantes, et postĂ©rieures de quelques annĂ©es sont les HomĂ©lies d'OrganyĂ  (Homilies d'OrganyĂ ), fragment d'un sermon destinĂ© Ă  la prĂ©dication de l'Évangile dĂ©couvert en 1904 Ă  OrganyĂ  dans l'Alt Urgell[56] - [55].

En 1137, la couronne d'Aragon apparaĂźt Ă  la suite de l'union dynastique du royaume d'Aragon et du comtĂ© de Barcelone par le mariage de PĂ©tronille d'Aragon et de Raimond-BĂ©renger IV de Barcelone. La progressive unification de la nouvelle entitĂ© et son extension est accompagnĂ©e d’une sortie progressive du rĂ©gime fĂ©odal en Catalogne et donne lieu Ă  une profusion de textes juridiques Ă©crits en langue vernaculaire entre le XIe et XIIIe siĂšcles — la plupart des versions qui nous sont parvenues datent du milieu du XIIIe siĂšcle —, parmi lesquels les fors de Valence (1238), les usages de Barcelone (ca. 1180) ou les coutumes de Tortose[55].

Caractéristiques linguistiques

Les principaux traits caractĂ©ristiques du catalan moderne apparaissent dĂšs la langue mĂ©diĂ©vale, la plupart sont dĂ©jĂ  solidement implantĂ©s au XIIIe siĂšcle, seule une petite partie s’affirmera par la suite, souvent de façon dialectale.

Vocalisme

L’accent tonique latin se maintient avec une grande soliditĂ© en catalan, Ă  de rares exceptions prĂšs[57]. Sa place dans le mot conditionne en grande partie l'Ă©volution phonĂ©tique, en particulier des voyelles.

Les voyelles toniques du latin vulgaire se conservent gĂ©nĂ©ralement[58], Ă  l’exception de Ĕ ([ɛ]), qui se ferme dans certains contextes et de Ē / ÄŹ ([e]), qui amorce un changement dont le dĂ©roulement est incertain. Dans les dialectes orientaux au moins, elle se neutralise en [ə] (stade archaĂŻque conservĂ© dans les parlers balĂ©ares), puis s’ouvrira en [ɛ] dans la plus grande partie du catalan central[59] - [60] : 
.

Le catalan connaĂźt aussi, avec l’occitan, la diphtongaison conditionnĂ©e des voyelles toniques mi-ouvertes antĂ©rieure et postĂ©rieure (respectivement [ɛ] et [ɔ]) au contact de yod, mais Ă  la diffĂ©rence de la langue d’oc, cette triphtongue se rĂ©duit, tout d’abord en une diphtongue dĂšs le IXe siĂšcle, puis une monophtongue au XIIe siĂšcle ou avant[61] : 
.

De façon prĂ©coce, le catalan se distingue de l’occitan par la rĂ©duction d’autres diphtongues[62] :

  • la diphtongue latine au se ferme en o ([ɔ])[61] : 
.
  • la dipthongue romane ai se ferme en e (aprĂšs une Ă©tape en ei / ey dans certains cas)[61] - [63] : 
.

Comme l’ensemble du gallo-roman, les voyelles finales chutent trùs tît en catalan, à l'exception de -a[61] - [59] - [64] : 
.

Dùs le IXe siùcle, a se ferme en e dans les terminaisons -as et -ant[61] : 
.

TrĂšs tĂŽt Ă©galement, a et e prĂ©toniques tendent Ă  se neutraliser en [ə] dans les parlers orientaux[61] - [65] : 
.

On observe un premiÚre tendance à la fermeture de o prétonique en u dans certains contextes, notamment avec un i tonique[66].

Consonnantisme

La palatalisation systĂ©matique de l- initial se produit dĂšs le catalan ancien, mais Ă  une date incertaine car ce changement n’est gĂ©nĂ©ralement pas reflĂ©tĂ© dans la graphie[67] - [61].

Les autres consonnes initiales se maintiennent, Ă  la diffĂ©rence du castillan et du gascon, oĂč f- est aspirĂ©, peut-ĂȘtre sous l’influence du basque.

Les consonnes finales latines disparaissent, à l’exception de -s (marque du pluriel et de certaines flexions verbales), -l et -r.

Le -n devenu final aprÚs la chute des voyelles finales devient muet - [67], comme en languedocien et dans une partie du gascon, mais à la différence de ces derniers, se maintient au pluriel : MANU > mà (« main », en occitan man, prononcés [ˈma]), au pluriel mans ([ˈmans] en catalan, [ˈmas] en languedocien).

Les consonnes intervocaliques connaissent une lénition, comme dans l'ensemble du roman occidental (excepté dans certains cas en aragonais et en gascon) :

  • les consonnes gĂ©minĂ©es se simplifient[68] - [69] : 
.
  • les sourdes intervocaliques deviennent sonores[68] - [70] : 
.
  • les sonores intervocaliques se fricatisent ou chutent[68] - [71] : 
.

Les consonnes c et g, toujours occlusives ([k], [g]) en latin, se fricatise devant e ou i, comme dans l'ensemble des langues nĂ©o-latines (mais de façon variable), en [tÍĄs] / [dÍĄÊ’][68] : 
.

On observe diverses altérations de certains groupes consonnantiques intervocaliques[68] - [72] :

  • 


Absence de bĂȘtacisme (confusion de /b/ et /v/)[68], le phĂ©nomĂšne n’apparaissant qu’au XIVe siĂšcle et se gĂ©nĂ©ralisant peu Ă  peu, bien qu’encore imparfaitement dans l’actualitĂ©.

Palatalisations[73] - [74] - [75] :

  • 
.

Morphosyntaxe

À la diffĂ©rence de l’occitan et de l’ancien français, le nominatif perd trĂšs tĂŽt sa vitalitĂ©, et se retrouve seulement dans des textes occitanisĂ©s ou dans quelques termes isolĂ©s, d’oĂč les doublons Ă©tymologiques suivants, respectivement accusatif / nominatif[76] : senyor / sĂ©nyer (cf. occitan senhor / sĂ©nher, français sieur / sire), lladrĂł / lladre (cf. occitan lairon / laire, français larron / ladre), home / hom (cf. occitan ĂČme / ĂČm, français homme / on)[77] - [74].

Jusqu’à la Renaissance

Expansion territoriale de la couronne d’Aragon dans la pĂ©ninsule et aux BalĂ©ares.

Expansion territoriale

Au cours du XIVe siÚcle, la couronne d'Aragon conquiert le royaume de Valence et de Majorque, ainsi que la ville d'Alghero en Sardaigne, avec une prédominance des Catalans, qui y apportent leur langue[44] - [78].

Apparition et essor du catalan littéraire

La poĂ©sie catalane reste fondamentale proche de la langue d’oc des troubadours[79].

Le catalan connaĂźt son Ăąge d’or au cours du Moyen Âge tardif, oĂč il atteint sa plĂ©nitude culturelle et sa maturitĂ© littĂ©raire[44]. Cette Ă©poque est marquĂ©e par l’Ɠuvre de Raymond Lulle (1232–1315)[80], Les Quatre Grandes Chroniques (Les quatre grans CrĂČniques) aux XIIIe et XIVe siĂšcles et l’école de poĂ©sie valencienne, qui donne Ă  la langue son SiĂšcle d'or et culmine avec AusiĂ s March (1397–1459)[44].

Au XVe siĂšcle, la ville de Valence, capitale de son royaume, est le fleuron de la couronne d'Aragon, qu’elle domine par son dynamisme social, culturel et commercial. PortĂ© par son dynamisme, le catalan est prĂ©sent dans tout le monde mĂ©diterranĂ©en[44]. Alliant le prestige politique Ă  la consolidation linguistique, la Chancellerie royale du royaume de Valence diffuse un modĂšle de langue Ă©crite trĂšs standardisĂ©[44], qui servira de base Ă  la normalisation du catalan au dĂ©but du XXe siĂšcle[81] - [82].

À Valence toujours, au XIVe siĂšcle la littĂ©rature est Ă©galement marquĂ©e par la littĂ©rature morale de Vincent Ferrier et son disciple Antoni Canals[83]

Le roman chevaleresque Tirant le Blanc (Tirant lo Blanc, 1490) est considĂ©rĂ© comme le chef d’Ɠuvre de la littĂ©rature classique catalane et l’un des chefs d’Ɠuvre de la littĂ©rature universelle[84] - [85] - [86] - [87] - [88]. Livre favori de Miguel de Cervantes, qu’il a profondĂ©ment influencĂ© dans la conception de son Don Quichotte, il marque un jalon important dans l’élaboration du roman moderne[84] - [85] - [86]. La transition des valeurs mĂ©diĂ©vales vers celle de la Renaissance est Ă©galement visible dans les Ɠuvres de Bernat Metge et Andreu Febrer[44] - [89]. Selon Joan Costa Carreras, le catalan est « l’une des 'grandes langues' de l’Europe mĂ©diĂ©vale »[44]. L’essor de la Renaissance est Ă©troitement associĂ© avec l’avĂšnement de l’imprimerie. C’est Ă  Valence qu'est imprimĂ© en 1474 le premier livre rĂ©alisĂ© avec des caractĂšres mobiles dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique : Trobes en llaors de la Verge maria (« Vers Ă  la louange de la Vierge Marie »)[44].

Les premiĂšres traces de bĂȘtacisme (perte de l’articulation [v] qui se confond avec les rĂ©alisations du phonĂšme /b/) remontent au XVe siĂšcle, un phĂ©nomĂšne qui s’est depuis Ă©tendu Ă  une grande partie du domaine catalan[90]

Changements internes

En catalan oriental se systĂ©matise la neutralisation de [a] et [e] atones en [ə], sauf en position finale absolue[91].

En catalan central et roussillonnais, [ə] s'ouvre en [ɛ], mais se maintient dans les parlers balĂ©ares[91].

Suivant l’occitan, le roussillonnais ferme tous les [o] en [u] au XVe siùcle[91].

La diphtongue décroissante ou se dissimile en eu dans creu et veu (contre occitan crotz et votz)[92].

DĂ©saffrication en [s] de [tÍĄs] provenant de c+e/i latins[92]. De mĂȘme, dĂ©saffrication de [dÍĄÊ’] en [ʒ], mais uniquement dans les parlers orientaux.

DĂ©voisement des occlusives sonores finales, comme en occitan[93] : 
.

Disparition de l'article salat[92], qui ne se maintient que trĂšs localement dans l'actualitĂ©[92]. GĂ©nĂ©ralisation de l’article dĂ©fini renforcĂ© el, contre le classique lo, qui se maintient dans l’actualitĂ© essentiellement en valencien septentrional de transition[94].

Sur le plan de la morphologie verbale, une Ă©volution marque la dĂ©but d’un des plus grands traits diffĂ©rentiels interdialectal, avec l'apparition d'une voyelle de soutien [e] dans les terminaisons consonnantiques de la premiĂšre personne du singulier au prĂ©sent de l'indicatif. Ce changement se produit tout d'abord dans les formes terminĂ©es par un groupe consonantique, par exemple pour le verbe comprar, la premiĂšre personne devient compre (caractĂ©ristique du valencien actuel), contre la forme compr’' maintenue en balĂ©are uniquement. Cette tendance se gĂ©nĂ©ralisera plus tard Ă  tous les verbes, Ă  la diffĂ©rence des verbes incohatifs en -Ă©ixer / -Ăšixer (par exemple, pour conĂ©ixer / conĂšixer « connaĂźtre », maintien de la forme ancienne conec’' en valencien, contre coneixo en catalan central et nord-occidental). Plus tard, la voyelle de soutien Ă©voluera en -o en Catalogne, et -i en roussillonnais[94].

Consolidation de la partition entre blocs occidental et oriental

(Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 130-132)

(Veny 2002, p. 20-22)

XVIIe siĂšcle

À la suite de la signature du TraitĂ© des PyrĂ©nĂ©es en 1659, la France annexe le comtĂ© de Roussillon, les pays de Vallespir, de Conflent et de Capcir et les bourgs et villages de l'est du comtĂ© de Cerdagne, qui devienne la nouvelle province de Roussillon[95].

Depuis le XVIIIe siĂšcle

En France

DĂ©cret officiel d’interdiction de la langue catalane en France.
Inscription « Parlez français, soyez propres » sur le mur d’une ancienne Ă©cole Ă  AyguatĂ©bia-Talau, dans le Conflent.

Le 2 avril 1700, un dĂ©cret royal de Louis XVI interdit officiellement l’usage de la langue catalane dans tout document Ă©crit sous peine d’invalidation[95].


XVIIIe et XIXe siĂšcles

AprĂšs la promulgation des DĂ©crets de Nueva Planta au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle, l’usage du catalan est interdit dans l'administration et l'enseignement du royaume d'Espagne[96] - [97] - [98] - [99].

GrĂące au mouvement de la Renaixença — la « Renaissance » de la langue catalane —, le catalan littĂ©raire connaĂźt une rĂ©surgence Ă  partir des annĂ©es 1830[100].

Dictature de Primo de Rivera (1923-1930)

DĂšs ses dĂ©buts, la dictature met en place une politique contraire aux nationalismes pĂ©riphĂ©riques, notamment le catalanisme[101]. L’usage officiel de langues diffĂ©rentes du castillan est interdit, ainsi que l’enseignement du catalan et de l’histoire de la Catalogne, et la prĂ©sence de drapeaux rĂ©gionaux dans les bĂątiments officiels. Le rĂ©gime encourage le clergĂ© Ă  prĂȘcher exclusivement en castillan[102].

Cette politique est massivement rejetĂ©e en Catalogne. La dictature marque une Ă©tape de radicalisation et un virage Ă  gauche pour le mouvement catalaniste[103]. « Si avant 1928 l’Espagne, pour les Catalans, Ă©tait la Nation et la Catalogne la Patrie, aprĂšs cette date se produit un important saut qualitatif et l’on proclame Ă  Barcelone : « l’Espagne est l’État et la Catalogne la Nation » »[104]. Les premiĂšres Ă©lections aprĂšs la dictature (les municipales et les gĂ©nĂ©rales de 1931) marquent le triomphe du nouveau parti nationaliste catalan Esquerra Republicana de Catalunya, et le dĂ©clin des rĂ©gionalistes de la Lliga[105].

Au cours de la dictature se produisit « le triomphe transitoire de l’espagnolisme centraliste et uniformisĂ© sur les nationalismes sous-Ă©tatiques, mais aussi sur les autres tendances du nationalisme espagnol lui-mĂȘme ». Ainsi, dans le projet de Constitution de 1929 (es), l’Espagne est dĂ©finie comme « une nation constituĂ©e en État politiquement unitaire », pour la premiĂšre fois on Ă©tablit que le castillan est de façon exclusive la « langue officielle de la nation espagnole »[101] - [106].

Seconde RĂ©publique (1931-1939)

Quelques semaines aprĂšs la proclamation Seconde RĂ©publique espagnole, la Generalitat (ca) — gouvernement autonome qui veut une restauration de la DĂ©putation du GĂ©nĂ©ral de Catalogne (ca) mĂ©diĂ©val —, le catalan devient langue co-officielle en Catalogne avec le castillan.

Franquisme (1939-1975)

Le rĂ©gime franquiste dĂ©veloppa une politique qui a Ă©tĂ© qualifiĂ©e de « renationalisation autoritaire »[107], visant Ă  l’uniformisation culturelle et idĂ©ologique du pays — avec le slogan explicite España una y grande, « l’Espagne une et grande »[108] —. Un de ses principaux Ă©lĂ©ments fut l’imposition du castillan « seule langue officielle dans l’enseignement et dans l’administration Ă  tous les niveaux » dans tous les territoires, Ă  travers des campagnes de propagand[109]. L'usage du catalan en public est rĂ©primĂ©[110]. En 1963 encore, le ministre de l’Information et du Tourisme, Manuel Fraga Iribarne, soulignait que « l’unitĂ© de la patrie [
] ne peut pas se voir menacĂ©e par l’usage de la langue vernaculaire »[111]. L'Ă©dition d'ouvrages dans d'autres langues que le castillan est sĂ©vĂšrement contrĂŽlĂ©e et censurĂ©e[112] — avec plus de tolĂ©rance dans les rĂ©gions oĂč les particularismes Ă©taient considĂ©rĂ©s comme les plus inoffensifs, comme au Pays valencien[113] - [114] —. Au-delĂ  de la rĂ©pression fĂ©roce que le rĂ©gime mĂšne contre les nationalismes pĂ©riphĂ©riques, notamment le catalanisme, qui « devait ĂȘtre supprimĂ© sans pitiĂ© dans toutes ses manifestations »[108], il prĂ©tendt dĂ©sactiver les aspirations identitaires alternatives Ă  son centralisme en dĂ©fendant un modĂšle qui a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© dans l’historiographie sous l’expression pĂ©jorative de regionalismo bien entendido (« rĂ©gionalisme bien compris »), basĂ© sur l’exaltation du folklore, les particularismes se trouvant rĂ©duits Ă  la condition de composants secondaires et d'expressions locales d’une identitĂ© espagnole supĂ©rieure[115].

La politique de « renationalisation » espagnole a un succĂšs relatif dans les territoires oĂč existait un nationalisme pĂ©riphĂ©rique significatif avant Ă  la guerre[116] : « le message nationaliste espagnol promu par le franquisme fut incapable d’éradiquer l’appui social aux nationalismes pĂ©riphĂ©riques, qui subsistĂšrent Ă  l'Ă©tat latent, rĂ©fugĂ©s dans les familles et les rĂ©seaux sociaux informels »[117]. Ce fait est mĂȘme reconnu, bien que trĂšs tardivement, par une partie de l'Ă©lite franquiste, comme le prouve la demande conjointe faite Ă  l'État, formulĂ©e par les dĂ©lĂ©guĂ©s provinciaux du MinistĂšre de l’Éducation et de la Science du Pays basque, de Navarre, de Catalogne et de Galice, de faciliter la pratique des langues vernaculaires aux locuteurs natifs, justifiĂ©e par le fait que dans chacun de ces territoires on avait assistĂ© Ă  l’« Ă©veil d’une nouvelle conscience de la langue propre »[118].

Cette politique de « renationalisation » a un effet contraire à celui escompté à moyen et à long terme au sein des secteurs insatisfaits du régime : la délégitimation sociale du nationalisme espagnol tout entier, identifié avec le régime. Cela est spécialement évident au sein de l'opposition au franquisme, qui en prenant ses distances avec l'espagnolisme, en vint à assumer une grande part des postulats et revendications des nationalismes sous-étatiques[119] - [120].

L’extrĂȘme fermetĂ© des premiĂšres annĂ©es du rĂ©gime s'attĂ©nue nĂ©anmoins, et lors des pĂ©riodes ultĂ©rieures, certaines cĂ©lĂ©brations folkloriques ou religieuse en catalan sont tolĂ©rĂ©es. À partir du dĂ©but des annĂ©es 1950, l’usage du catalan dans les reprĂ©sentations thĂ©Ăątrales est permis[121]. La publication d’ouvrages en langue vernaculaire se maintient nĂ©anmoins timidement[122]. Le rĂ©gime tente d’interdire l’usage du catalan en public et dans les commerces[123]. Le catalan est interdit dans la publicitĂ©, la signalisation et dans tous les services publics.

SynthĂšse de grammaire historique

Ci-dessous les principaux traits Ă©volutifs caractĂ©ristiques du catalan depuis le latin vulgaire tardif — Ă  l’exclusion de l'onomastique, en particulier la toponymie, qui ne suit pas les mĂȘmes principes et se caractĂ©rise notamment par un conservatisme trĂšs marquĂ© — ; certaines Ă©volutions se retrouvent, partiellement ou totalement dans les autres langues romanes, comme l’illustrent les exemples comparatifs ; ce sont elles qui permettent de caractĂ©riser la langue au niveau structurel dans l'ensemble roman.

Toutes les Ă©volutions prĂ©sentĂ©es ici apparaissent dĂšs la langue mĂ©diĂ©vale, mais pas au mĂȘme moment et chacune a sa chronologie propre (ce qui permet parfois d'Ă©valuer avec davantage de prĂ©cision la date d'introduction d'un lemme)[124].

Lorsqu'un mot Ă©chappe Ă  ces Ă©volutions, il s'agit souvent d'un mot savant ou demi-savant — c'est-Ă -dire un mot qui a Ă©tĂ© introduit tardivement et calquĂ© du latin, ou dont l'Ă©volution normale a Ă©tĂ© freinĂ©e sous la pression normative ou institutionnelle, souvent de l'Église —, comme en tĂ©moignent certains doublets (ou mĂȘme triplets) Ă©tymologiques ; par exemple : farga (populaire) / fĂ brica (savant) < latin făbrÄ­ca ; contar (populaire) / comptar (demi-savant) / computar (savant) < lat. cƏmpĆ­tāre ; dans certains cas, des Ă©volutions ont Ă©tĂ© freinĂ©es afin de maintenir la distinction avec d'autres termes paronymes. Dans d'autres cas les Ă©volutions divergentes peuvent s'expliquer par l'influence analogique de termes existants — on parle de croisement ou d'Ă©tymologie populaire —. La morphologie verbale se caractĂ©rise par de nombreuses restructurations analogiques — on parle d’« uniformisation des paradigmes » — qui fot exception aux principes Ă©volutifs gĂ©nĂ©raux et ne sont que peu prĂ©sentĂ©es.

Dans le cas des emprunts à d'autres langues, l'évolution est en particulier conditionnée par la date d'introduction : le terme est d'abord adapté selon la morphologie et la phonétique correspondant au moment de son adoption, puis subit normalement les évolutions ultérieures comme des termes populaires. Les plus récents sont beaucoup plus aléatoires et influencés par la normative et les médias (certains emprunts sont « bruts », c'est-à-dire sommairement adaptés à l'inventaire phonétique catalan[125] ; d'autres subissent des adaptations plus ou moins profondes).

Le roussillonnais (catalan septentrional, modalité catalane parlée en France), se distinguant du reste du groupe oriental notamment par des traits le rapprochant de l'occitan languedocien, a été traité séparément dans ce paragraphe.

Perte des déclinaisons

Le latin classique reposait sur un systÚme de déclinaisons (ou cas), dans lequel la terminaison de chaque nom, adjectif ou pronom indiquait sa fonction grammaticale.

Lors du passage au latin vulgaire, l'affaiblissement ou la perte de certains traits (notamment opposition voyelles longues / voyelles brÚves, voir ci-dessous, et chute de -m) rend ce systÚme caduc et ambigu, et les langues romanes développent une série d'innovations partagées permettant la distinction de la fonction des mots, en particulier l'adoption d'un ordre syntaxique plus rigide (typiquement : sujet-verbe-complément, le latin permettant au contraire une liberté presque totale dans le placement des syntagmes) et la création de nouvelles constructions prépositionnelles. Ainsi sont privilégées la construction de « de + ablatif » en remplacement du génitif ou la forme « a(d) + accusatif » en remplacement du datif. Dans les langues romanes, seuls les pronoms personnels maintiennent un systÚme proche du latin classique (distinguant en particulier sujet, complément direct et complément indirect).

Le français et l'occitan maintiennent jusqu'au XIIIe siĂšcle siĂšcle un systĂšme casuel simplifiĂ© Ă  deux cas — cas sujet et cas oblique —, qui s'avĂšre en grande partie redondant et ambigu (par exemple, le cas oblique singulier se confond dans de nombreux cas avec le cas sujet pluriel, ce qui contribue Ă  expliquer sa disparition ultĂ©rieure). On retrouve des traces isolĂ©es de l'existence d'un tel systĂšme dans quelques textes catalans primitifs — les plus tardifs dans des diplĂŽmes des XIe et XIIe siĂšcles —, mais ils sont beaucoup plus rares et il pourrait s'agir dans bien des cas de la traduction d'une influence occitane dans les usages Ă©crits[14].

Perte de la quantité vocalique et phonologisation de l'accent tonique

En latin, la quantité vocalique était un trait phonologique pertinent (autrement dit, la quantité vocalique permet de former des phonÚmes différents, et donc de distinguer certains mots). En passant au latin vulgaire, puis aux langues romanes, le trait s'est affaibli puis a fini par disparaßtre totalement. Pour compenser cette perte, qui entraßnait la création de nombreux homonymes, les langues romanes ont employé de nouveaux recours pour créer des oppositions dans son systÚme vocalique (notamment en créant des oppositions d'aperture inexistantes en latin classique).

En latin classique, chaque mot porte un accent tonique ; schĂ©matiquement : si l'avant-derniĂšre syllabe est longue (c'est-Ă -dire si la syllabe est entravĂ©e ou si sa voyelle est longue), elle porte l'accent tonique, dans les autres cas la syllabe tonique est l'antĂ©pĂ©nultiĂšme (Ă©videmment l'accent des monosyllabes retombe sur l'unique syllabe)[126]. La valeur de cet accent tonique est phonĂ©tique, et non phonologique, Ă©tant donnĂ© qu'il est dĂ©terminĂ© par la rĂ©partition des quantitĂ©s vocaliques des diffĂ©rentes syllabes du mot, qui ont elles un caractĂšre phonologique. Pour compenser la perte du trait de quantitĂ©, le catalan, Ă  l’instar de la plupart des autres langues romanes, donne Ă  l'accent tonique un caractĂšre phonologique. Cet accent joue un rĂŽle fondamental dans l'Ă©volution du latin aux diffĂ©rentes langues romanes : la voyelle tonique s'avĂšre extrĂȘmement stable et les langues romanes ont un systĂšme vocalique tonique plus riche que le systĂšme atone. De plus l'Ă©volution des voyelles atones est en grande part conditionnĂ©e par leur place par rapport Ă  l'accent.

Le catalan se caractĂ©rise par un ferme maintien de l'accent tonique hĂ©ritĂ© du bas latin vulgaire. On trouve ainsi frĂ©quemment des proparoxytons[127] (mots accentuĂ©s sur l'antĂ©pĂ©nultiĂšme syllabe), bien que moins nombreux qu'en espagnol, portugais et italien (notamment en raison de la chute des voyelles finales). Ce trait l'oppose au gallo-roman ainsi qu'Ă  l'aragonais, oĂč diffĂ©rentes solutions (chute de la voyelle post-tonique essentiellement, parfois dĂ©placement de l'accent vers la post-tonique en aragonais ou occitan[128]) ont pratiquement Ă©radiquĂ© les proparoxytons[129]. On trouve des cas isolĂ©s de dĂ©placement d'accent en catalan, par exemple humit < latin hĆ«mÄ­du, l'accent se trouvant dĂ©placĂ© par analogie avec les participes en -it, ou encore esperit < lat. spÄ«rÄ­tu (français esprit, occitan esperit ; dans ce cas le dĂ©placement d'accent remonterait au latin tardif ecclĂ©siastique[130]).

En latin vulgaire la syllabe tonique diffĂšre de celle du latin classique dans certains cas. Par exemple, dans les sĂ©quences du type « Ä­ ou ĕ + voyelle » en hiatus (du type bestĭƏla, arānĕa), ĕ et Ä­ Ă©voluent en yod (> [j]) dĂšs le latin vulgaire et, dans le cas oĂč ces derniĂšres sont toniques en latin classique, l'accent se dĂ©place vers la voyelle subsĂ©quente.

Évolutions gĂ©nĂ©rales

Les voyelles longues du latin classique tendaient Ă  ĂȘtre plus fermĂ©es que les brĂšves. Cette diffĂ©rence d'aperture est systĂ©matisĂ©e et tend Ă  acquĂ©rir une valeur phonologique dans le latin vulgaire, trait transmis Ă  la plupart des langues romanes[131].

On peut schématiser comme suit l'évolution des voyelles toniques latines dans le passage au catalan[132].

latin classiquelatin vulgairecatalanautres langues romanes
ā
ă
[a][a][a] en occitan général, italien, castillan, portugais, [a] en syllabe fermée et [e] en syllabe ouverte en français
ĕ[ɛ][ɛ][ɛ] en occitan gĂ©nĂ©ral, italien
ie > [je] en castillan et aragonais
ē
Ä­
[e][ɛ] (ouvert) en catalan central et dans une petite partie du majorquin
[e] (fermé) en catalan occidental et alguérois
[e̞] (d'aperture mĂ©diane) en roussillonnais
[ə] en catalan mĂ©diĂ©val (dĂ©battu, voir note) et dans la plus grande partie des parlers balĂ©ares modernes[59] - [133]
[e] en occitan, italien... [e] d'aperture moyenne en castillan
Ä«[i][i][i] en occitan, castillan, italien
Ə[ɔ][ɔ][ɔ] en occitan, italien
ue > [we] en castillan et aragonais
ƍ
Ć­
[o][o]
roussillonnais [u]
[u] en occitan[134] ([o] en occitan médiéval)[135], [o] en italien, [o] d'aperture médiane en castillan...
Ć«[u][u]
capcinois [Ăž]
[y] en gallo-roman ([Þ] en languedocien sud-occidental) et dans une partie du rhéto-roman, [u] en italien, castillan, portugais
ae[ɛ] (ou plus rarement [e])[ɛ]
oe[e][e]
au[aw] (pas de monophtongaison gĂ©nĂ©rale, mais Ă©volution variable selon les zones)[ɔ][aw] en occitan, roumain et une partie du rhĂ©to-roman, [o] en français (< [aw] en ancien français), [ɔ] en italien, ou en portugais (prononcĂ© [o] dans la plupart des parlers modernes), castillan [o] d'aperture mĂ©diane, sarde [a]
commentaires
  • L'Ă©volution Ć« latin > [u][136] est un trait conservateur que l'on retrouve en ibĂ©ro-roman et italien : lluna > [ˈʎunə], [ˈʎuna]) ; ce trait l'oppose au gallo-roman, qui connaĂźt l'innovation Ć« > [y] : occitan rĂ©fĂ©rentiel luna [ˈlyno̞], français lune [lyn].
  • Comme on le voit dans le tableau, la rĂ©duction des diphtongues latines au et ai (respectivement en o ouvert [ɔ] et e fermĂ© [e] en catalan) se produit Ă©galement en ibĂ©ro-roman et en italien. Le maintien de ces diphtongues est un trait conservateur caractĂ©ristique de l'occitan (certains parlers modernes tendent toutefois Ă  les rĂ©duire)[137]. audÄ«re, caulis, paucu, causa, pāupere > oir, col, poc, cosa, pobre ; occitan : ausir, caul, pauc, causa, paure ; castillan oĂ­r, col, poco, cosa, pobre. lāicu > llec ; castillan lego.

En catalan comme dans les autres langues romanes, ces lois de changement ne sont pas absolues et ont connu de nombreuses variations ou restructurations liĂ©es au contexte phonĂ©tique (voir infra). Par exemple, le suffixe (tonique) -ori, issu du latin -ƍrium(m), est toujours prononcĂ©s [ËˆĆÉŸi], avec o ouvert malgrĂ© le ƍ long latin. En particulier, les voyelles toniques de certains termes grammaticaux utilisĂ©s le plus souvent comme prĂ©toniques (c'est-Ă -dire qui ne sont pas accentuĂ©s dans le discours mais tendent au contraire Ă  former une unitĂ© accentuelle avec le terme suivant) sont plus instables et Ă©voluent souvent comme des voyelles atones.

Le catalan se caractĂ©rise ainsi par l'absence de diphtongaison spontanĂ©e de ĕ et Ə toniques latins (dite « diphtongaison romane » ou « diphtongaison spontanĂ©e »), comme le portugais et l'occitan mĂ©diĂ©val[138]. Ce trait l'oppose au français et Ă  l'italien, oĂč ces sons ont dĂ©bouchĂ© des diphtongues en syllabe ouverte (souvent rĂ©duites en français moderne mais dont la graphie porte la trace), et plus notoirement au castillan, ainsi qu'Ă  l'aragonais, oĂč la diphtongaison s'est produite indĂ©pendamment du type de syllabe[139] :

latincatalanoccitanportugaisitalienfrançaiscastillan
fĕruferfĂšr (mĂ©diĂ©val fer)ferofiero (anc. fero)fierfiero
tĕrraterratĂšrra (mĂ©diĂ©val terra)terraterraterretierra
fƏcufocfĂČc/fuĂČc/fuec/fuĂšc (mĂ©diĂ©val foc)fogofuocofeufuego
pĕdepeupĂš (mĂ©diĂ©val pe)pĂ©piedepiedpie
évolutions conditionnées
  • Diphtongaison devant yod ou palatale (romanes) de ĕ et Ə toniques latins (cas oĂč le castillan ne dipthongue pas), ultĂ©rieurement rĂ©duite en i, u[140]. Cette diphtongaison (sans rĂ©duction) est Ă©galement prĂ©sente en occitan[141]. Dans bon nombre de cas Ä­ est l'Ă©volution vulgaire (yod) de e classique en hiatus. ĕ tonique latin a diphtonguĂ© en catalan devant les groupes primaires ct, x, dÄ­, rÄ­, nÄ­, lÄ­, et devant le groupe secondaire cl (issu de la chute de la voyelle mĂ©diane)[142] ; la diphtongue de Ə s'est essentiellement produite devant Ä­, ssÄ­, stÄ­, nÄ­, lÄ­ (Əle > oli [ˈɔli] est une exception), rÄ­, ct et x primaires, et devant cl et lg secondaires[143]. Les deux phĂ©nomĂšnes sont parallĂšles et se sont probablement dĂ©roulĂ©s simultanĂ©ment.

Exemples d'Ă©volution conditionnĂ©e ĕ > i :

latin classiquelatin vulgaire (ou forme romane ancienne)catalanoccitanautres langues romanes
pĕctus (accusatif neutre)*peitus[144]pits (forme mĂ©diĂ©vale, plus tard interprĂ©tĂ©e comme un pluriel, d'oĂč pit en catalan moderne)[145]piĂšch, [piĂšit]castillan pecho[146], portugais peito, it. petto, français pis (ancien français peiz)
profĕctu*profĕĭtuprofitprofiùch, profiùitcastillan provecho (aragonais probeito, profeito, proueito), portugais proveito, ancien italien profetto (l’italien moderne profitto est issu de l’ancien français), fr. profit
despĕctum*despĕitudespitdespiĂšch, despiĂšitcastillan despecho (aragonais despeito), portugais despeito, italien dispetto (forme ancienne despetto), français dĂ©pit (ancien français despit)
mĕdiu ?migmiĂšgcastillan medio, portugais mĂ©dio, italien mezzo, français mi- (prĂ©fixe)
lĕctu*lĕitullitliĂšch, liech, lĂšit, liĂšitcastillan lecho (attestĂ© au XIVe siĂšcle ; variantes mĂ©diĂ©vales antĂ©rieures : leito, lieto, leycho), portugais leito, italien letto, français lit
spĕculu*spĕc'luespillespelh (< *spÄ­culu)[147], espielh (formes mĂ©diĂ©vales)castillan espejo (aragonais espiello), portugais espelho, it. specchio
ƏculuƏclu[148]
*uoll[149]
ulluĂšlh, uĂČlhcastillan ojo (aragonais gĂŒello, huello), portugais olho, italien occhio, français Ɠil

Exemples d'Ă©volution conditionnĂ©e Ə > u :

latin classiquelatin vulgaire (ou forme romane ancienne)catalanoccitanautres langues romanes
nƏcte*nƏitenuit/nuyt (forme mĂ©diĂ©vale, rĂ©duite en nit dans les parlers modernes)nuĂšch, nuech, nuĂČch, nuĂšitcastillan noche (aragonais noite, nuet, nuey), portugais noite, italien notte, français nuit
fƏlia ?fullafuĂšlha / fuĂČlhacastillan hoja (aragonais fuella), portugais folha, français feuille, italien foglia
cƏxa ?cuixacuĂšissa/cuĂČissacastillan coja, portugais coxa, français cuisse, italien coscia


  • Latin Ä­, ē > [ɛ] dans les syllabes fermĂ©es en r (comme en niçois et provençal rhodanien notamment ; en français moderne, l'ouverture en [ɛ] se produit dans tous les cas en syllabe fermĂ©e) : vÄ­ride > verd [ˈbɛɟt], [ˈvɛɟt].

vocalisme atone

  • Chute des voyelles atones finales Ă  l'exception de -A : muru, flore > mur [ˈmuÉŸ], flor [ˈflɔ]/[ˈflɔɟ] ; ce trait l'apparente au gallo-roman (occitan mur [ˈmyÉŸ]/[ˈmyʁ], flor [ˈflu] ; français mur [myʁ], fleur [flĆ“Ê]) et l'oppose au groupe ibĂ©ro-roman, ce dernier conservant les voyelles finales Ă  l'exception de -e dans de nombreux cas (muro, flor en castillan et en portugais[150]) ou italo-roman qui les conserve toutes (muro, fiore en italien)[37].
évolutions conditionnées
  • DerriĂšre certains groupes consonantiques difficiles Ă  prononcer ou inexistants dans le systĂšme phonologique catalan en finale (tr, dr, gr, pl, ct...), la syncope de la voyelle finale est compensĂ©e par l'ajout d'un -e final Ă©penthĂ©tique (comme en occitan et, sauf dans le dernier cas, en langue d'oĂŻl ; ce e est amuĂŻ en français moderne standard [e « muet »]) ou, plus rarement, -o : tĕmplu, quădru, sƏcru, contāctu, respĕctu > temple, quadre/quadro, sogre, contacte, respecte (occitan temple, quadre, sĂČgre, contacte, respĂšcte).

Consonantisme

De façon gĂ©nĂ©rale les langues romanes se caractĂ©risent par une prĂ©sence de palatales et de fricatives supĂ©rieure au latin, qui se rĂ©vĂšle une langue trĂšs pauvre dans ces modes d'articulation (seulement deux fricatives s et f, qui peuvent ĂȘtre gĂ©minĂ©es, et aucune palatale). La langue catalane ne fait pas exception et des phĂ©nomĂšnes de palatalisation et de fricatisation se rencontrent dans un grand nombre de combinaisons impliquant des consonnes.

Le catalan suit les tendances générales du traitement des consonnes dans le domaine roman occidental, avec quelques nuances particuliÚres qui seront détaillées ci-dessous :

  • tendance au maintien des consonnes initiales ([l] est palatalisĂ© en [ʎ] en catalan)
  • usure des intervocaliques : simplification des gĂ©minĂ©es, voisement des occlusives sourdes, fricatisation des sonores, amuĂŻssement
  • en position finale : disparition de la plupart des autres consonnes (le /-m/ a dĂ©jĂ  chutĂ© en latin vulgaire), intĂ©riorisation de /-r/ (Ä­nter >entre), etc.

consonnes simples

  • comme dans la plupart des langues romanes modernes, fricatisation de c et g devant e ou i :
    • [k] (+ [e], [i], [j]) > [c]/[ts] > [s] : cāelu > cel [ˈsɛl] ; occitan : cĂšl/cĂšu [ˈsɛl]/[ˈsɛw] ; castillan : cielo [ˈΞjelo]/[ˈsjelo] ; français : ciel [ˈsjɛl] ; portugais : cĂ©u [ˈsɛw] ; italien cielo ['tʃɛlo] ; roumain cer ['tʃer].
    • [g] (+ [e], [i], [j]) > [dʒ] > [ʒ] / [dʒ] ; gĕlu > gel [ˈʒɛl / [ˈdʒɛl] ; languedocien : gĂšl [ˈdʒɛl] ; italien gelo [ˈdʒɛlo]
  • Maintien des groupes initiaux pl-, cl-, fl- (trait gallo-roman et aragonais). Ce trait l'oppose au groupe ibĂ©ro-roman (le groupe est palatalisĂ© en castillan[151] et portugais) et Ă  l'italien, qui vocalise le l du groupe en i [j].

Exemples :

latincatalanoccitanaragonaisfrançaiscastillanportugaisitalien
plicāreplegarplegarplegarplierllegarchegarpiegare
clāveclauclauclau[152]clefllavechavechiave
flămmaflamaflamaflamaflammellamachamafiamma
  • derriĂšre voyelle tonique, chute de -n- intervocalique devenu final Ă  la suite de l'apocope de la chute des voyelles finales latines, comme en languedocien et limousin (ainsi qu'en gascon dans de nombreux cas)[153] : pāne, vÄ«nu > pa [ˈpa], vi ˈbi|ˈvi ; occitan pan (languedocien, limousin, gascon > [ˈpa] ; languedocien, gascon > [ˈbi] / limousin > [ˈvji][154]) ; castillan pan, vino ; italien pane, vino ; portugais pĂŁo, vinho. À la diffĂ©rence de l'occitan toutefois, n est maintenu dans les pluriel (sauf en roussillonais) : pans, vins > [ˈpans], [ˈbins] / [ˈvins] (languedocien, roussillonnais pans, vins > [ˈpas], [ˈbis]).
  • Sauf en valencien[155], forte tendance Ă  l'amuĂŻssement de r devenu final aprĂšs la chute des voyelles finales latines, systĂ©matique dans les infinitifs (le r est nĂ©anmoins toujours maintenu dans la graphie). Ce trait est commun Ă  l’ensemble du domaine occitan (dans l'ensemble occitano-roman, seuls le valencien et certains parlers vivaro-alpins ont maintenu -r). Ce -r est en revanche rĂ©activĂ© lorsque l'infinitif est suivi d'un pronom enclitique.
  • Comme dans toutes les langues romanes occidentales (hormis l'aragonais[156]), voisement des consonnes occlusives sourdes intervocaliques ou devant consonne sonore[37] : -p-, -t-, -c- > -b-, -d-, -g-. căpra, catēna, secĆ«ru > cabra, cadena, segur ; languedocien identique ; castillan cabra, cadena, seguro ; italien (roman oriental) : capra, catena, sicuro. Les consonnes rĂ©sultantes sont fricatisĂ©es (prononcĂ©es [ÎČ Ă° ÉŁ]), comme en ibĂ©ro-roman, languedocien et gascon.
  • RĂ©duction des groupes consonnantiques -mb-, -nd- > -m-, -n- (cămba, cĆ­mba, mandāre, bÄ­nda > cama, coma, manar, bena), comme en gascon et dans certains parlers languedociens contigus.
  • DĂ©voisement des sonores finales. Ainsi, en finale, b, d, g > [p], [t], [k] (le groupe -ig final donne [tÍĄÊƒ]), comme en occitan (consonnes amuĂŻes dans les parlers averno-mĂ©diterranĂ©ens modernes) : verd, Ă rab > [ˈbɛɟt] / [ˈvɛɟt], [ˈaÉŸÉ™p] /[ˈaÉŸap].

Palatalisations (que l'on retrouve de façon éparse dans d'autres langues romanes) :

  • l- initial > ll [ʎ][157] : lĆ«na, lēge > lluna, llei. Ce trait est commun avec l'asturlĂ©onais ; certains ont voulu y voir la marque d'un ancien substrat ibĂšre (l'astur-lĂ©onais palatalise Ă©galement n initial, phĂ©nomĂšne ignorĂ© du catalan). On le trouve Ă©galement dans les parlers fuxĂ©ens (Ă  l'extrĂȘme sud-ouest du domaine languedocien, dans une rĂ©gion de transition avec le catalan : lhuna contre la forme panoccitane luna).
  • Palatalisation de -is- [jʃ]/[ʃ] issu de -x-, -sc- : cƏxa, pÄ­sce > cuixa, peix. On retrouve ce trait en gascon (oĂč la palatale rĂ©sultante est notĂ©e (i)sh) et dans les parlers fuxĂ©ens.
  • -ly-, -ll-, -c'l-, -t'l- > ll [ʎ]; mĆ­lier > muller ; cabăllu(m) > cavall ; aurÄ­cula(m) > *oric'la > orella ; vĕtulu > *vet'lu > vell. On retrouve ce trait en occitan : molhĂšr, cavalh, viĂšlh, aurelha[158]. En castillan, -ll- donne Ă©galement [ʎ] (caballo). Dans les autres cas, le castillan mĂ©diĂ©val prĂ©sente une autre Ă©volution palatale (une fricative), qui a Ă©voluĂ© en [x] dans la langue moderne : mujer, oreja, viejo. Dans certains cas comme vÄ«lla > vila, la gĂ©minĂ©e s'est simplement rĂ©duite (occitan vila, castillan villa).
  • [j] initial > [dʒ] > [ʒ] / [dʒ] ; iăctāre > gitar [ʒiˈta] (oriental) / [dʒiˈtaÉŸ] (valencien) / [dʒiˈta] (nord-occidental) (occitan : gitar [dʒiˈta] ; italien : gettare [dʒetˈtare]).
  • -nn-, -ni-, -gn- > ny [ÉČ] ; ănnu > any, lÄ­gna > llenya. Le castillan et le portugais palatalisent Ă©galement : año/anho, leña/lenha ; l'occitan mĂ©diĂ©val patalise (lenha > [ˈleÉČa], mod. [ˈleÉČo̞]) mais rĂ©duit Ă  [n] dans la plupart des parlers modernes en position finale an > [ˈan]. L'italien palatalise -gn (legna > [ˈleÉČÉČa]) mais maintient -nn- (anno > [ˈanno])

Traits spécifiques :

  • Chute de -c- devant e et i ainsi que de -ti-, en position intervocalique prĂ©tonique :
latincatalanoccitancastillanfrançais
placēreplaure, plaerplĂ ser (variante plaire), plaserplacerafr. plaisir, fr. mod. plaisir, plaire (ce dernier est d'origine mal Ă©tablie, peut-ĂȘtre issu d'une analogie ou bien d'un doublon lat. placĕre)
ratiƍneraórasonrazónraison
recĭpĕrerebrerecebrerecibirrecevoir
cocīnacuinacosinacocinacuisine
vicīnuveívesinvecinovoisin
faciĕndafaena (forme ancienne et valencienne) / feinafasendahacienda
(faena est emprunté au catalan médiéval)
?
faciĕntefent (faent dans la langue mĂ©diĂ©vale)fasenthaciendofaisant
lucĕrnalluernalusĂšrnalucernaancien français luiserne, 'lampe, lanterne' (luzerne est empruntĂ© Ă  l'occitan)
*attitiāreatiaratisaratizarattiser
lucērelluirlusirlucirancien français luisir (le moderne luire est une variante analogique)
Saracēnusarraísarrasinsarracenosarrazin
racēmuraïmrasimracimoraisin

De mĂȘme, l'occitan mĂ©diĂ©val aizina (moderne aisina) donne en catalan eina (attestĂ© vers 1300).


vocalisations de consonnes finales :

  • -d- intervocalique latin devenu final donne -u [w] :
latincatalanoccitancastillanitalienfrançais
pĕdepeupùpiepiedepied
prƍdeprouproproprodeprou (ancien français prod, pro, prut)
  • -ti-, -te, -ci et -ce post-toniques > u [w] :
latincatalanoccitancastillanitalienfrançais
crĆ­cecreucrotzcruzcrocecroix
cicatrīcecicatriucicatritzcicatrizcicatricecicatrice
nĆ­cenounotznueznucenoix
pācepaupatzpazpacepaix
pĆ­teupoupotzpozopozzopuits
vƏceveuvotzvozvocevoix
prĕtiupreuprùtzprecioprezzo (formes anciennes prezio, pregio)prix

Tous les mots savants en -īce (> -iu) sont affectés par ce changement : matrīce > matriu, 'matrice' (occitan matritz, italien matrice, etc.)

  • -tis des flexions verbales de deuxiĂšme personne du pluriel > -u [w], aprĂšs une Ă©tape mĂ©diĂ©vale en -tz (maintenue -tz > [s] en occitan moderne)[92].

groupes consonantiques

  • Le groupe -act- devient -et , aprĂšs une Ă©tape mĂ©diĂ©vale en -eit/-eyt : lacte, factu > *lleit, *feit (feyt est attestĂ© en catalan mĂ©diĂ©val) > llet, fet ; castillan : leche, hecho ; languedocien oriental et provençal lach, fach ; languedocien occidental lait, fait ; aranais lĂšit, hĂšt ; italien latte, fatto.

Le roussillonnais

Traits différentiels :

  • Absence de mots proparoxytons[159], comme dans la quasi-totalitĂ© de l'occitan. Cela se traduit par un dĂ©placement sur la pĂ©nultiĂšme syllabe pour le cas gĂ©nĂ©ral des proparoxytons, mais un chute de la voyelle finale pour les mots en -ia atone : mĂșsica, bĂšstia > musica ([myˈzikə]), besti ([ˈbesti])[159].
  • Absence d'opposition [o]/[ɔ] pour les mots patrimoniaux : [ɔ] devient un [o] d'aperture mĂ©diane, tandis que [o] devient [u] (comme en occitan) et se confond ainsi avec u issu de Ć« latin (Ă©galement [u] dans le reste du catalan, [y] en gallo-roman). Dans le parler capcinois nĂ©anmoins, Ć« latin > [Ăž], comme dans le languedocien sud-occidental (dont il est contigu)[159].
  • Absence d'opposition [e]/[ɛ], e tonique Ă©tant prononcĂ© avec une aperture moyenne[159].

Lexique

germanismes

(Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 73-76)

Notes et références

  1. Ferrando Francés et Amorós 2011, p. 43
  2. Sanchis Guarner 2009, p. 271
  3. Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 43.
  4. « HistĂłricamente el catalĂĄn surge en el territorio de la llamada «Catalunya Vella», es decir, en los condados forjados en la Marca HispĂĄnica, dependiente en un principio de los reyes francos, quienes detuvieron el empuje de los musulmanes. Largo se ha debatido, incluso en tiempos recientes, acerca de la procedencia del idioma. Hubo filĂłlogos que defendieron el origen ultrapirenaico, basados en el supuesto de que la invasiĂłn musulmana hizo tabla rasa de todo. AsĂ­ etiquetaron el romance que se hablĂł posteriormente en las tierras que iban a ser Cataluña cual mera importaciĂłn de los pobladores francos. Esta idea llevaba implĂ­cita la inserciĂłn en la Ăłrbita galorromĂĄnica de una lengua geogrĂĄficamente sita en su mayor parte en la PenĂ­nsula IbĂ©rica: de ahĂ­ surgiĂł una memorable polĂ©mica entre los partidarios del galorromanismo y del iberorromanismo del catalĂĄn. No obstante , el mejor conocimiento de la realidad histĂłrica y filolĂłgica, y tambiĂ©n los datos que nos brinda la toponimia no dejan resquicio a la duda acerca de la autoctonĂ­a lingĂŒĂ­stica en las comarcas del Principado. Primero estĂĄ el dato de la frontera abrupta en lo fonĂ©tico, morfolĂłgico o lĂ©xico entre el catalĂĄn y el occitano en la sierra de las Corberes al Norte del RosellĂłn. » ColĂłn 1989, p. 40-41
  5. Quelques termes anciens rĂ©vĂšlent toutefois une certaine affinitĂ© avec les solutions ibĂ©ro-romanes : casa « maison », despertar « rĂ©veiller », callar « se taire », tia « tante », apagar « Ă©teindre » (Gimeno BetĂ­ 2005, p. 18), absence de descendant populaire du latin ungĕre (DERom, p. 641-643).
  6. Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 61-64.
  7. Gimeno BetĂ­ 2005, p. 15-19.
  8. « El catalĂ  Ă©s [
] una llengua romĂ nica, tan independent com qualsevol de les seves germanes, en el sentit que des del punt de vista lingĂŒĂ­stic, no ha d’ésser representada com a subordinada a cap altra. La seva situaciĂł geogrĂ fica en l’angle nord-est de l'antiga HispĂ nia fa que hom pugui trobar en el catalĂ  trets de les altres llengĂŒes romĂ niques, tant peninsulars com ultrapirinenques [
].
    L’afirmaciĂł d’independĂšncia que acabem de fer [
] no ha estat sempre compartida pels romanistes. [
] considerada llargs anys com a varietat dialectal del provençal, nomĂ©s fa relativament poc temps que ha merescut unĂ nimament la categoria de llengua neollatina independent. Les causes d’aquesta subordinaciĂł [
] sĂłn a) lingĂŒĂ­stiques, com el fet evident que una gran majoria de trets evolutius (fonĂštico-morfolĂČgico-sintĂ ctics) i de criteris lĂšxics sĂłn comuns a ambdues llengĂŒes, i b) histĂČrico-literĂ ries, per tal com, per la circumstĂ ncia que els escriptors catalans escrigueren en provençal [
] [la llengua literĂ ria antiga] presenta freqĂŒents provençalismes.
    »
    (Badia i Margarit 1994, p. 4)
  9. Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 44, 53.
  10. Casassas et Santacana 2004, p. 113.
  11. Ferrando Francés et Amorós 2011, p. 66.
  12. Cabruja, Casanellas et Massip 1993, p. XV-XVI.
  13. Cabruja, Casanellas et Massip 1993, p. XVI.
  14. Gimeno BetĂ­ 2005, p. 19.
  15. Gimeno BetĂ­ 2005, p. 20.
  16. Gimeno BetĂ­ 2005, p. 21.
  17. Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 73-74.
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  41. de Borja Moll 2006, p. 54.
  42. Veny 1997, p. 9–18.
  43. Cette version du texte inclut une reconstruction des fragments Ă©ludĂ©s et l’explicitation des abrĂ©viations de certains termes comme et. L’usage de majuscules, de u / v, i / j et c / ç ont Ă©tĂ© rĂ©gularisĂ©s. Des accents Ă©crits, apostrophes et trĂ©mas ont Ă©tĂ© ajoutĂ© en accord avec l’orthographe moderne.
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  84. Joanot Martorell et Ray la Fontaine, Tirant lo Blanch: the Complete Translation, Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der Wissenschaften, (ISBN 0820416886)
  85. Joanot Martorell, Martí Joan de Galba et David Rosenthal, Tirant lo Blanch, Johns Hopkins University Press, (ISBN 0801854210, lire en ligne Inscription nécessaire)
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  87. (es) Manuel Muñoz, « Rosenthal pudo al fin hablar en Valencia sobre su traducciĂłn de 'Tirant lo Blanc' », El PaĂ­s, Spain,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « el primer traductor al inglés de la obra maestra de la literatura en catalån, obra de los valencianos Joanot Martorell y Martí Joan de Galba, vio boicoteado su primer intento de dar esta conferencia en la ciudad, el pasado jueves, al impedirlo grupos de anticatalanistas en el salón dorado de la Lonja, que pretendieron imponer con gritos e insultos su criterio de que existe una "lengua valenciana" diferente de la catalana. »
  88. Edward T. Aylward, Martorell's Tirant lo Blanch: A Program for Military and Social Reform in Fifteenth-Century Christendom, University of North Carolina Press, University of North Carolina at Chapel Hill for its Department of Romance Studies, (ISBN 0807892297) :
    « Only in the late 1940s did Hispanists begin to awaken to the considerable literary qualities of this unique Catalan work of fiction »
  89. Ferrando Francés et Nicolàs Amorós 2011, p. 114-115.
  90. Cabruja, Casanellas et Massip 1993, p. XXIII.
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  115. Voir Le numéro 123 de la Revista de Historia Contemporånea publié en 2021 El franquismo y el «regionalismo bien entendido»
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  119. De la Granja, Beramendi et Anguera 2001, p. 167.
  120. « la transiciĂłn a la democracia que se produjo a la muerte de Franco en 1975 y la posterior liquidaciĂłn de la dictadura, conllevaron la urgencia de «inventar» una identidad española nueva. [
] regiones y nacionalidades constituĂ­an la nueva idea democrĂĄtica de España; la misma voz «España» pareciĂł a veces una expresiĂłn casi vergonzante, a menudo desplazada por la de «Estado español». PareciĂł incluso percibirse que el paĂ­s habĂ­a experimentado un cierto proceso de desnacionalizaciĂłn. » (Fusi 2000, p. 31).
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  123. Solé i Sabaté, p. 39.
  124. Il est néanmoins souvent difficile d'évaluer avec précision l'apparition d'un trait innovant : un trait n'apparaßt pas instantanément partout mais se diffuse lentement à partir de son foyer, qui dans bien des cas se trouve dans d'autres domaines de la Romania, et on ne dispose que d'une documentation lacunaire et d'interprétation délicate : les écrits anciens, qui sont relativement peu nombreux, sont de plus souvent marqués par des tendances latinisantes conservatrices et présentent des formes archaïques qui ne correspondent pas nécessairement à la prononciation effective au moment de leur rédaction. En revanche, les études comparatives permettent généralement d'établir avec une assez bonne certitude la chronologie relative des innovations.
  125. Les « h aspirés » d'autres langues, notamment de l'anglais, sont généralement restitués par la fricative glottale [x] empruntée au castillan et absente du systÚme catalan.
  126. Les verbes formés par préfixation étaient accentués sur le préfixe en latin classique ; ce trait ne s'est pas transmis aux langues romanes ; le préfixe peut néanmoins porter un accent secondaire lorsque la nature composée du terme reste consciente chez les locuteurs, dans les mots de toute nature.
  127. Bec 1973, p. 28.
  128. Lausberg 1965, § 287.
  129. En occitan on trouve encore des proparoxytons, dans certains parlers pĂ©riphĂ©riques comme le niçois, les parlers vivaro-alpins orientaux et le gascon aranais ; en français cette tendance s'est manifestĂ©e de façon extrĂȘme si bien que tous les mots sont oxytons (accentuĂ©s sur la derniĂšre syllabe) dans la langue standard moderne (si l'on omet les possibles prononciations de e final > [ə] dans certains contextes syntaxiques) ; en aragonais cette tendance, bien que marquĂ©e, n'est pas uniforme dans tous les parlers
  130. DECat, T. III, p. 650, l. 13-30.
  131. Le castillan est une exception Ă  ce niveau, puisqu'il ne connaĂźt que cinq phonĂšmes vocaliques, indĂ©pendamment du caractĂšre tonique (/a/, /e/, /i/ et /u/) ; cependant cette pauvretĂ© du systĂšme vocalique est compensĂ©e par la diphtongaison spontanĂ©e (non conditionnĂ©e) de tous les ĕ et Ə toniques en ie [je] et ue [we] respectivement (ie et ue jouent en quelque sorte le rĂŽle de substitut des deux voyelles toniques [ɛ] et [ɔ] d'autres langues romanes, dont le catalan).
  132. Tableau adapté de Cabruja, Casanellas et Massip 1993, p. 101 (la premiÚre colonne indique les graphÚmes du latin classique, les autres indiquent les phones des différentes langues romanes). L'évolution indiquée pour le latin vulgaire est valable pour la plus grande partie du domaine roman, mais le latin vulgaire d'autres zones de la Romania (notamment Sardaigne, sud de l'Italie et de la Corse, Balkans) présente une restructuration différente, plus archaïque, voir Lausberg 1965, § 158 et suivants et Herman 1967, p. 42.
  133. Cette interprĂ©tation est discutĂ©e. Elle n’est pas retenue par Ferrando FrancĂ©s et NicolĂ s AmorĂłs 2011, p. 73 et ouvertement contestĂ©e par Badia i Margarit 1994, p. 117-118, qui soutiennent qu’en catalan mĂ©diĂ©val il Ă©tait prononcĂ© [e], et que c’est ensuite le dialecte oriental qui a divergĂ© de façon non uniforme, tout d'abord en affaiblissant le timbre de la voyelle en [ə], certains dialectes la fermant ensuite en [ɛ]. Selon les premiers, il s’agit d’un des premiers indices de la diffĂ©renciation entre les deux blocs dialectaux du catalan.
  134. Donne souvent [y] en limousin.
  135. Le déplacement [o] > [u] s'est produit aprÚs le changement [u] (< lat. ƫ) > [y] caractéristique du gallo-roman (voir ligne suivante du tableau).
  136. Veny 2008, p. 35.
  137. Notamment l'auvergnat, et dans certains cas le provençal rhodanien et le gascon
  138. Les parlers occitans modernes prĂ©sentent un Ă©tat complexe de diphtongues de [ˈɛ] et [ˈɔ] (certains parlers tendent Ă  diphtonguer systĂ©matiquement [ɔ] > [wɔ]...), gĂ©nĂ©ralement sans valeur phonologique.
  139. la diphtongaison ne s'est néanmoins pas produite en castillan devant yod (et derriÚre certains groupes consonantiques, comme dans flor), à la différence de l'aragonais
  140. Cette hypothÚse est celle communément admise ; quelques auteurs la réfutent néanmoins (on ne dispose d'aucune attestation écrite de cette dipthongaison) et soutiennent que le résultat catalan serait simplement issu de la fermeture de la voyelle du bas latin sous l'influence de la palatale, mais de sérieuses objections existent.
  141. Le polymorphisme uĂČ/uĂš/ue de la diphtongue de Ə s'explique par la coexistence de formes correspondant Ă  des stades Ă©volutifs diffĂ©rents : uĂČ est la forme primitive de la diphtongue (voir italien uo), maintenue dans une partie du languedocien, tandis que uĂš (puis ue) correspond Ă  une Ă©volution ultĂ©rieure (voir la diphtongue castillane ue).
  142. Fouché 1980a, p. 30-34.
  143. Fouché 1980a, p. 44-45.
  144. Stade auquel s'est arrĂȘtĂ© le portugais (peito) ; en castillan, ce yod a eu une influence remarquable, en bloquant la diphtongaison et en entraĂźnant la palatalisation de la consonne subsĂ©quente, avant de disparaĂźtre (> pecho [ˈpetÍĄÊƒo])
  145. Fouché 1980a, p. 29.
  146. Comme l'indique Coromines (DCECH, entrĂ©e « pecho »), le rĂ©sultat phonĂ©tique devrait ĂȘtre pechos pour le singulier, forme non attestĂ©e, mais on remarque que la langue mĂ©diĂ©vale utilise toujours le terme au pluriel (on a donc certainement un phĂ©nomĂšne identique au catalan, voir supra.
  147. Fouché 1980a, p. 31.
  148. VÀÀnÀnen 2012, p. 43.
  149. Veny 2008, p. 54.
  150. -e atone latin chute normalement en castillan derriÚre l, n, r, s, d et t) ; le portugais conserve généralement -e derriÚre t. De plus, le castillan montre quelques cas d'apocope de -o (ils étaient plus nombreux dans la langue médiévale).
  151. ces groupes sont néanmoins maintenus dans certains termes en castillan, sous influence savante ou du contexte phonétique
  152. Andolz 2004, p. 110.
  153. Bec 1973, p. 44.
  154. Monteil 1997, p. 416.
  155. la chute de r final peut néanmoins se rencontrer dans certains parlers de La Marina (valencien méridional) sous influence baléare (à Xàbia, l'ALDC recueille un -r final systématiquement atténué ou amuï).
  156. On trouve Ă©galement des cas ponctuels de conservation en occitan gascon
  157. Lausberg 1965, § 308.
  158. Dans les cas oĂč le groupe s'est retrouvĂ© en position finale, il a nĂ©anmoins donnĂ© diffĂ©rents rĂ©sultats dans les parlers modernes : [l] (par exemple en languedocien central), [j] ou [w] (en provençal) ; il s'est souvent amuĂŻ en dauphinois ; [ʎ] final est maintenu notamment dans les parlers fuxĂ©ens
  159. Botet et Camps 2013, p. 11.

Annexes

Articles connexes

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  • (ca) Joan Veny, Petit atles lingĂŒĂ­stic del domini catalĂ , vol. 1, Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2007) (ISBN 978-84-92583-61-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (it) Nicola Zingarelli, Vocabolario della Lingua Italiana, Nicola Zanichelli Editore, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article


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