Histoire de la Sardaigne
Lâhistoire de la Sardaigne est ancienne (depuis le PalĂ©olithique infĂ©rieur) et particuliĂšrement riche. Le peuplement stable de la Sardaigne rĂ©sulte de mouvements de population de la culture de la cĂ©ramique cardiale qui se sont produits vers 6000 av. J.-C. en provenance de la pĂ©ninsule italienne. Mais il s'est poursuivi, au fil des invasions, pour donner le peuple sarde. Christophe de Chenay fait remarquer que :
On peut trouver deux types d'origines supposĂ©es du nom de lâĂźle. En effet, la premiĂšre, qui est plus de lâordre du mythe, provient du terme Ichnusa (ÎÏÎœÎżÏÏÏα / IchnoĂșssa) ou SandĂ lion (ÎŁÎ±ÎœÎŽÎŹÎ»ÎčÎżÎœ / SandĂĄlion) qui dĂ©rive de la racine grecque qui signifie trace de pied. Ce terme fait rĂ©fĂ©rence Ă la forme de lâĂźle, « par la ressemblance grossiĂšre que les anciens trouvaient entre sa forme et celle de lâempreinte dâun pied dâhomme »[2].
Mais une seconde origine viendrait dâun chef berbĂšre dâAfrique du Nord (la Libye antique, Ă l'ouest du Nil) appelĂ© « Sardus, prĂ©tendu fils dâHercule[3] », qui Ă©tablit une colonie au sud de la Sardaigne. Sardus fut vĂ©nĂ©rĂ©, Ă tel point qu'« on lui Ă©rigea des statues dans lâĂźle, avec cette inscription, Sardus Pater[4] ».
Une autre thÚse alternative à cette derniÚre serait que le nom de l'ßle dérive du Peuple de la mer de Shardanes[5] - [6].
Préhistoire et protohistoire
Paléolithique et mésolithique
La découverte à Perfugas (province de Sassari), de galets taillés selon la méthode clactonienne a conduit certains archéologues à envisager une présence humaine en Sardaigne dÚs le Paléolithique inférieur (entre 400 000 ans av. J.-C. et 150 000 ans av. J.-C.). Cette découverte n'est toutefois pas acceptée de tous, car ces assemblages de pierres taillées sont caractéristiques des faciÚs d'acquisition de silex sur les gisements naturels et n'ont, de ce fait, aucune valeur chrono-culturelle : de tels assemblages existent à toutes les périodes, paléolithiques comme néolithiques[7]. DÚs lors, les dates du premier peuplement humain varient suivant les sources[8].
Les fouilles réalisées à Oliena, dans la province de Nuoro, à l'intérieur de la grotte Corbeddu (nommée ainsi en souvenir du bandit sarde Giovanni Corbeddu Salis), ont permis de mettre au jour des restes humains dans une couche datant du Paléolithique supérieur (entre 35 000 ans av. J.-C. et 10 000 ans av. J.-C.), mais les ossements n'ont pas été datés directement et de nombreux chercheurs les considÚrent comme plus récents, datant du Mésolithique ou du Néolithique[9]. En 2020, les restes humains les plus anciens connus en Sardaigne remontent à environ 20 000 ans[10]. Ils proviennent de deux sites : Porto-Leccio, fouillé par C. Tozzi (1996), et Su Coloru, fouillé par P. Fenu et ses collaborateurs (2000).
Néolithique et chalcolithique : la culture prénuragique
Câest durant le NĂ©olithique que lâon peut vĂ©ritablement parler dâinstallation humaine sur lâĂźle, et non plus simplement de prĂ©sence ou de frĂ©quentations. Vraisemblablement, des populations dâItalie centrale tirrenique se sont dĂ©placĂ©es vers la Sardaigne. Ce peuplement initial est le fait de groupes d'agriculteurs qui, vers 6000 av. J.-C., importent dans l'Ăźle les animaux domestiques et le blĂ© et qui s'installent durablement dans les plaines fertiles oĂč ils Ă©rigent les premiers villages.
La culture prĂ©nuragique correspond Ă une longue pĂ©riode qui dĂ©bute vers -6 000, pour finir vers -1 855. Ă cette Ă©poque, les premiers assemblages de poterie nĂ©olithique se rĂ©pandent dans toute la MĂ©diterranĂ©e occidentale, y compris la Sardaigne, en particulier les rĂ©cipients dĂ©corĂ©s d'empreintes de coquille de cardium caractĂ©ristiques de la culture de la cĂ©ramique cardiale, avec des dates de radiocarbone indiquant une rapide expansion maritime vers l'ouest autour de 5 500 avant notre Ăšre[10]. Pour l'historien Francesco Cesare Casula (it), « câest pour cela, si on peut dire, quâen Sardaigne il nây eut jamais un unique peuple, mais plusieurs peuples[11] ».
NĂ©anmoins, les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques rĂ©centes (2019) montrent que la Sardaigne a reçu un afflux initial de populations d'ascendance nĂ©olithique, puis est restĂ©e relativement isolĂ©e des expansions du nĂ©olithique et de l'Ăąge du bronze qui ont eu lieu en Europe continentale. C'est Ă©galement la raison qui explique que la population moderne de lâĂźle est remarquable par le fait que les individus nĂ©olithiques de l'Europe continentale sont plus proches des Sardes que de toutes les populations europĂ©ennes actuelles[12]. Il est estimĂ© que 56 Ă 62 % de l'ascendance des populations sardes contemporaines provient de ses premiers agriculteurs[13].
Les Sardes de cette Ă©poque pratiquent lâagriculture et l'Ă©levage. Les rĂ©coltes des fruits du pistachier lentisque, permettent par exemple la production d'huile[14]. Les techniques Ă©voluent, notamment grĂące aux autres peuples de la mer MĂ©diterranĂ©e occidentale avec lesquels des Ă©changes commerciaux, culturels et religieux vont peu Ă peu apparaĂźtre. Les sociĂ©tĂ©s sardes se spĂ©cialisent dans la production de certains biens qu'elles Ă©changent avec les autres communautĂ©s mĂ©diterranĂ©ennes. L'une de ces spĂ©cialitĂ©s est l'exploitation des gisements dâobsidienne du mont Arci, la production de lames en obsidienne et leur diffusion Ă travers tout le bassin occidental de la MĂ©diterranĂ©e, en particulier durant le IVe millĂ©naire av. J.-C.[15].
L'inhumation des morts commence Ă ĂȘtre mise en place dans des tombes circulaires (cercles mĂ©galithiques ou funĂ©raires), mais ses modalitĂ©s vont Ă©voluer avec l'arrivĂ©e de divinitĂ©s caractĂ©ristiques (les dĂ©esses mĂšre), des Domus de janas qui vont peu Ă peu se complexifier, et enfin de dolmens.
Ainsi la vie sociale se développant, les Sardes vont se regrouper en petites tribus, pour ensuite construire les premiers villages fortifiés, placés sur les hauteurs, constitués de maisons circulaires en pierre. Des évolutions techniques suivront comme le montre la qualité des céramiques, mais aussi des outils.
Avec les derniĂšres civilisations de cette pĂ©riode, on voit apparaĂźtre de vĂ©ritables systĂšmes de dĂ©fense et le dĂ©veloppement dâarmes en mĂ©tal. Une nouvelle classe sociale dominante est alors crĂ©Ă©e, celle des guerriers, ce qui tĂ©moigne d'une Ă©volution vers une sociĂ©tĂ© tournĂ©e vers la guerre et non plus simplement agricole ou commerçante.
Civilisation nuragique
La civilisation nuragique est le pilier de la culture sarde proprement dite. Câest en effet durant cette Ăšre quâune vĂ©ritable sociĂ©tĂ© voit le jour.
« La Sardaigne appartint au monde mĂ©galithique qui sâexprima Ă Malte ou Ă Stonehenge. [âŠ] elle Ă©volua de maniĂšre originale pour donner naissance Ă cette civilisation nouragique qui reste encore largement mystĂ©rieuse[16]. »
â Roger Joussaume
Le terme nuragique (ou nouragique) est issu de lâempreinte la plus marquante de cette sociĂ©tĂ©, les nuraghes, que lâon peut trouver dans toute la Sardaigne. Il en reste aujourdâhui 7 000 environ et il est certain qu'ils Ă©taient plus nombreux Ă l'Ă©poque. Câest vers -900, que cette civilisation commence Ă dĂ©cliner lentement, avec lâarrivĂ©e de colonies phĂ©niciennes, pour voir sa fin vers -238, avec lâarrivĂ©e du pouvoir romain.
Civilisation de Bonnanaro
Cette culture (de -1855 Ă -1200) marque le dĂ©but de lâĂąge nuragique et est reconnaissable « par les vases de pĂąte brun clair avec des anses Ă coude »[17] semblables Ă ceux de la culture de Polada[18]. Cette cĂ©ramique a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans les Domus de janas â qui ont Ă©tĂ© rĂ©utilisĂ©s â, les allĂ©e couverte, et les grottes.
Bonnanaro est une civilisation guerriĂšre, comme le montrent les armes en cuivre et en bronze et, bien sĂ»r, les premiers nuraghes (proto nuraghe) construits. Elle se diffuse dans toute la Sardaigne. Cependant lâĂźle est probablement divisĂ©e en territoires autonomes les uns des autres, qui commercent ensemble. On peut Ă©galement penser quâil y a des guerres entre tribus, ou en tous cas des altercations entre rois-bergers. Ces derniers rĂšgnent chacun sur une communautĂ© patriarcale, de bergers ou cultivateurs guerriers, et habitent le nuraghe, tandis que le reste de la population se loge dans de petites huttes en pierre, placĂ©es autour de celui-ci.
Plus tard, vers -1490 les nuraghes en tholos, et les tombes de gĂ©ants Ă façade font leur apparition, et expriment lâapogĂ©e de cette civilisation. On constate lâapparition dâarmes importĂ©es dâOrient durant cette seconde pĂ©riode de la culture de Bonnanaro, ce qui montre lâexistence dâun commerce manifeste qui prend de lâampleur, et rend la vie Ă©conomique de bonne qualitĂ©. En effet, la Sardaigne de cette pĂ©riode fait partie d'un rĂ©seau d'Ăźles (avec la CrĂšte, Chypre et la Sicile) « qui offrent des conditions particuliĂšrement favorables aux Ă©changes[19]. »
Culture de la céramique à peigne et protogéométrique
Les vases sont dorĂ©navant finement dĂ©corĂ©s de cercles et de demi-cercles tracĂ©s au peigne. De plus, le dĂ©veloppement du culte de lâeau, qui Ă©tait sans doute prĂ©existant, fait Ă©merger les puits sacrĂ©s, vĂ©ritables temples dĂ©diĂ©s Ă cet Ă©lĂ©ment, oĂč lâoffrande dâobjets prĂ©cieux nâest pas rare. Ces temples semblent ĂȘtre des centres de rĂ©union inter-tribus, ce qui rĂ©vĂšle lâhomogĂ©nĂ©itĂ© de ce peuple, malgrĂ© les diverses coalitions. « Ce culte correspond Ă lâinfluence mĂ©diterranĂ©enne, et [âŠ] aurait ici un caractĂšre thĂ©rapeutique et magique »[20].
La sociĂ©tĂ© nuragique se complexifiant, on trouve Ă prĂ©sent deux structures importantes dans certains villages. La premiĂšre est la salle du conseil (exemple du village nuragique de Barumini), qui sert Ă rĂ©unir les chefs de familles afin de rĂ©gler les problĂšmes de la communautĂ©. La seconde est la salle du conseil fĂ©dĂ©ral, qui a pour fonction de traiter les affaires qui concernaient lâensemble du peuple nuragique, en rĂ©unissant les chefs des tribus.
Histoire
Câest vers 600 ans av. J.-C., que la Sardaigne dĂ©couvre lâĂ©criture par lâintermĂ©diaire des PhĂ©niciens. Câest cet apport qui fait passer lâĂźle de lâĂąge protohistorique Ă l'Ăąge historique.
Antiquité
LâAntiquitĂ© commence par la domination phĂ©nicienne. Elle est donc Ă cheval entre la fin de lâĂąge nuragique, et la domination romaine. C'est durant cette pĂ©riode que les Sardes auraient Ă©tĂ© initiĂ©s Ă l'extraction d'huile d'olive, Ă l'apiculture, et Ă cailler le lait de brebis[21].
Mythologie
Dans la mythologie grecque, la Sardaigne est probablement la terre des Lestrygons, un peuple de géants anthropophages apparaissant dans L'Odyssée d'HomÚre.
Colonisation phénicienne d'une partie de littoral
Les PhĂ©niciens, peuple marchand, connaissent dĂ©jĂ bien la Sardaigne, pour y accoster rĂ©guliĂšrement depuis au moins un siĂšcle pour passer la nuit ou en cas dâavarie. En effet, la Sardaigne tient une position stratĂ©gique sur la route commerciale maritime de lâEurope, et en particulier de la Bretagne (lâactuelle Grande-Bretagne), de plus « la Sardaigne avait des ports nombreux et commodes, de vastes pĂąturages au bord de la mer »[22]. Au fur et Ă mesure des annĂ©es, les PhĂ©niciens commencent Ă installer de vĂ©ritables villes cĂŽtiĂšres, surtout dans le Sud et lâOuest de lâĂźle (Karalis, Bithia, Nora, Sulky, Tharros, etc.) et ceci avec lâaval des tribus locales, qui profitent alors du commerce. Câest donc Ă partir de -900 que les Ă©changes commerciaux se multiplient, et le travail des mĂ©taux se dĂ©veloppe. Câest dâailleurs vers cette date que les petits bronzes font leur apparition. Ce sont les PhĂ©niciens et non les Sardes qui profitaient des bienfaits de la mer comme la pĂȘche du thon ou de la sardine (nom dĂ©rivĂ© de Sardaigne). Les PhĂ©niciens sont aussi les premiers Ă mentionner par Ă©crit le nom de lâĂźle, Srdn (stĂšle de Nora).
Tant que ces commerçants restĂšrent sur le littoral, la cohabitation Ă©tait bonne, mais les PhĂ©niciens ont commencĂ© Ă sâintĂ©resser aux ressources de lâintĂ©rieur des terres, et ont envisagĂ© de conquĂ©rir lâĂźle dans son intĂ©gralitĂ©. Cependant, le peuple nuragique a opposĂ© une telle rĂ©sistance, que la PhĂ©nicie nâa pu faire autrement que de demander lâaide de Carthage. La relation quâentretiennent les PhĂ©niciens avec la Sardaigne est particuliĂšre, dans le sens que, la plupart du temps, ce peuple ne s'intĂ©resse que trĂšs peu Ă l'intĂ©rieur de terres colonisĂ©es, par souci de sĂ©curitĂ© que leur apporte la mer. Ainsi, l'Ăźle sarde est l'exception oĂč l'on voit apparaĂźtre des fortifications phĂ©niciennes.
Domination carthaginoise
Les PhĂ©niciens sont Ă l'origine de la civilisation carthaginoise, qui devient une citĂ© trĂšs puissante. Câest alors en -545 que le gĂ©nĂ©ral carthaginois Malco tente de dĂ©barquer en Sardaigne, mais il se fait repousser violemment par le peuple nuragique, ce qui va marquer le dĂ©but de nombreuses annĂ©es de guerre. « Le jeu de Carthage fut donc de faire alliance avec les insulaires »[23] des cĂŽtes, câest-Ă -dire les PhĂ©niciens. Il faut attendre 10 ans pour que lâon parle dâun rĂ©el dĂ©but de domination carthaginoise, et en -523 on peut parler dâoccupation quasi complĂšte. Seule la rĂ©gion montagneuse de lâest de lâĂźle rĂ©siste toujours. DĂšs lors, les ports phĂ©niciens deviennent de vĂ©ritables citĂ©s portuaires. De plus, les Carthaginois dĂ©veloppent lâagriculture cĂ©rĂ©aliĂšre sur les terres fertiles de Sardaigne, en utilisant comme esclaves une part des populations locales, et en demandant des taxes importantes aux autres.
Les forces puniques se sont toujours efforcĂ©es de maintenir le peuple nuragique dans les rĂ©gions montagneuses qui sont bien trop inaccessibles pour ĂȘtre annexĂ©es. Ainsi ils ont pu faire de la Sardaigne une vĂ©ritable base militaire, stratĂ©gique de par sa position sur les routes du commerce maritime. Carthage a mĂȘme rĂ©ussi Ă nĂ©gocier « avec les Romains, deux traitĂ©s par lesquelles ceux-ci sâinterdisaient dâaborder dans lâĂźle, Ă moins dây ĂȘtre forcĂ©s par une bataille ou par une tempĂȘte »[24].
Un rĂ©seau routier est mis en place et les villes cĂŽtiĂšres existantes ont Ă©tĂ© agrandies[25], mais de nombreux monuments de la pĂ©riode nuragique sont dĂ©truits. Mais « en -259 â -258, les Romains exportent la guerre en Sardaigne et en Corse afin dâaffronter les garnisons carthaginoises et afin de piller ces Ăźles. En -249, la Sardaigne est Ă nouveau pillĂ©e. Les Romains manifestent de plus en plus dâintĂ©rĂȘt pour ces Ăźles. »[26]
Le pouvoir romain, sous prĂ©texte dâune pseudo-prĂ©paration dâinvasion du Latium par les Carthaginois, envoie ses troupes en Sardaigne. En fait, il profite de lâaffaiblissement de Carthage aprĂšs sa dĂ©faite de la premiĂšre guerre punique, mais surtout dâavoir « appris que les mercenaires de la Sardaigne avaient crucifiĂ© leur gĂ©nĂ©ral, saisi les places fortes et partout Ă©gorgĂ© les hommes de la race chananĂ©enne. Le peuple romain menaça la RĂ©publique dâhostilitĂ©s immĂ©diates, si elle ne donnait douze cents talents avec lâĂźle de Sardaigne tout entiĂšre »[27]. Câest alors que Carthage cĂšde ce territoire Ă la RĂ©publique romaine en -238.
Domination romaine
Les lĂ©gions romaines ont rapidement pĂ©nĂ©trĂ© toutes les rĂ©gions sardes, y compris celle de la Barbaria, qui a donnĂ© son nom Ă lâactuelle Barbagia. MalgrĂ© la rĂ©sistance du « peuple des montagnes », la civilisation nuragique sâĂ©teint alors, sans pour autant constater une soumission totale des Sardes. Ainsi, « Barbaria fut le terme dont Rome qualifia la Sardaigne profonde, car Ă ses yeux Ă©taient barbares [âŠ] les montagnards sardes rĂ©solus Ă dĂ©fendre leurs coutumes, qui lançaient des razzias dans la plaine jusquâĂ ce que lâarmĂ©e romaine les repoussĂąt[28] ». De nombreuses rĂ©voltes Ă©clatent durant cette domination, mais elles sont toutes fortement rĂ©primĂ©es.
La rĂ©volte la plus importante est sans doute celle de -215, oĂč Sardes et Carthaginois se sont unis pour expulser les Romains de lâĂźle. Cependant, le jour de la bataille, les Carthaginois, ayant essuyĂ© une tempĂȘte, arrivent trop tard. Ainsi les Romains, en plus grand nombre, triomphent sur cette insurrection. Toutes les tentatives suivantes sont suivies dâune vengeance sanglante des Romains. On peut parler de fin des rĂ©bellions vers -31 (Ă©poque de lâEmpire romain), cependant la Barbaria rĂ©siste encore et toujours.
Rome dĂ©veloppe un rĂ©seau routier organisĂ© en Sardaigne, facilitant le dĂ©placement des troupes et des commerçants. Celui-ci a Ă©tĂ© dâailleurs utilisĂ© comme base au rĂ©seau actuel. Les Romains utilisent abondamment les ressources de la « Sardaigne, inĂ©puisable terre[29] », dont le « sol, fertile et parfaitement cultivĂ©, fournissait jadis Ă Rome de si beaux blĂ©s et en telle quantitĂ© que la Sardaigne Ă©tait alors le grenier dâabondance de la capitale de lâEmpire romain[30] ». La ville de Karalis, crĂ©Ă©e par les PhĂ©niciens, devient la ville la plus importante de cette Ă©poque. Au-delĂ , des amphithĂ©Ăątres sont bĂątis, et la religion chrĂ©tienne est importĂ©e par le bannissement de milliers de dissidents juifs et chrĂ©tiens dans lâĂźle, par vagues : « CâĂ©tait pour les Juifs une idolĂątrie. [âŠ] TibĂšre avait eu raison dâen exiler quatre cents en Sardaigne[31] ». Cette croyance se diffuse et convertit de nombreux habitants. Aujourdâhui encore la ferveur sarde est trĂšs prĂ©sente. Câest en 227, que la Corse-Sardaigne devient une province romaine (dans le sens statutaire). En mĂȘme temps que lâEmpire perd ses forces, il abandonne petit Ă petit lâĂźle sarde.
- Gouverneurs romains de la Sardaigne et de la Corse (it)
Domination vandale
Les Vandales dâAfrique, dâorigine germanique, sont un peuple migrant vers le sud durant tout le Ve siĂšcle. Ainsi, ils envahissent successivement la Gaule, l'Espagne, et enfin l'Afrique du Nord, oĂč ils sâĂ©tablissent et prennent Carthage en 439. Entre Rome et le Royaume vandale, le conflit pour le contrĂŽle de la MĂ©diterranĂ©e est omniprĂ©sent. Mais l'Empire romain est mourant, et ainsi quand « en 442 l'Ă©tablissement d'un nouveau traitĂ© aux termes duquel l'ex-Afrique romaine fut partagĂ©e entre l'Empire et le roi vandale »[32], ce dernier est alors en situation de dĂ©barquer et occuper la Sardaigne en 456, grĂące Ă une vĂ©ritable flotte de guerre qui inflige des razzias Ă rĂ©pĂ©tition. Les Romains dĂ©laissent alors l'Ăźle sans rĂ©sister. Ainsi, la Sardaigne est divisĂ©e au profit de capitaines vandales, qui y rĂšgnent en maĂźtres absolus. Mais les Romains nâoublient pas cette terre stratĂ©gique pour autant, et tenteront de la reconquĂ©rir plusieurs fois, en faisant en sorte de « favoriser une rĂ©volte en Sardaigne »[33].
La Sardaigne reste une terre dâexil Ă cette Ă©poque. On peut donner lâexemple de Fulgence qui y fut exilĂ© vers 523, pour avoir Ă©crit ses Lettres ascĂ©tiques et morales. En 534 lâEmpire byzantin prend le dessus sur lâEmpire vandale, par lâintermĂ©diaire du gĂ©nĂ©ral BĂ©lisaire.
Moyen Ăge
En Europe, « le Moyen Ăge a connu, Ă vrai dire, une sociĂ©tĂ© largement seigneurialisĂ©e, non fĂ©odalisĂ©e : la Sardaigne[34] ». Cette pĂ©riode commence en 476 avec la chute de Romulus Augustule, le dernier empereur romain.
Domination byzantine et incursion sarrasines
En 533, aprĂšs avoir sĂ©curisĂ© ses frontiĂšres, l'Empire s'empare du Royaume vandale. Câest donc en 534 que Byzance, essayant de retrouver ses frontiĂšres occidentales, prend le pouvoir en Sardaigne. Ceci permettra dĂšs 535 Ă Byzance d'entamer la reconquĂȘte de l'Italie.
à l'image des préoccupations byzantines, on constate que le fait le plus marquant de cette domination est la conversion quasi complÚte des Sardes au christianisme. Ceci est l'apport le plus profond que l'on constate dans la Sardaigne de cette époque.
Seuls les habitants de la Barbaria conservent les anciennes croyances et coutumes. Cependant, partout ailleurs, on peut observer la construction dâĂ©glises inspirĂ©es du modĂšle de Sainte-Sophie (Hagia Sophia) Ă Constantinople. Ainsi, on constate lâintroduction dans lâĂźle de rites byzantins.
Dâailleurs, aujourdâhui encore Ă Sedilo, on peut voir la chevauchĂ©e dite de sâ ArdĂŹa, qui rappelle les courses des hippodromes de Byzance. Petit Ă petit, la culture byzantine exerce son influence sur la culture, et en particulier sur lâart, insulaire.
La Sardaigne fait partie de la prĂ©fecture dâAfrique, oĂč lâon trouve un chef civil qui rĂ©side Ă Cagliari et un chef militaire qui rĂ©side au Fordongianus qui est, depuis les Romains, un rempart fortifiĂ© contre les habitants de la Barbaria. On trouve le long de cette frontiĂšre des forteresses comme celles dâAustis, Samugheo, Nuragus et Armungia. Les populations sont brimĂ©es avec diffĂ©rentes contributions auxquelles sâajoutent les suffragia, taxations additionnelles avec lesquelles les officiels tĂąchent de rĂ©cupĂ©rer les sommes quâils ont dĂ©pensĂ©es pour obtenir leur fonction.
Câest durant la pĂ©riode iconoclaste de l'histoire byzantine, câest-Ă -dire au cours du VIIIe siĂšcle, que lâEmpire rentre en crise, et que les Arabes prennent, petit Ă petit, le contrĂŽle de la mer MĂ©diterranĂ©e. Ainsi la Sardaigne ne bĂ©nĂ©ficie plus de la protection de Byzance et est donc forcĂ©e dâorganiser sa dĂ©fense contre les envahisseurs arabes, qui a commencĂ© le [35] (voir : conquĂȘte musulmane de la Sardaigne). Bien quâils restent presque soixante-dix ans en position de domination, les Arabes doivent faire face en 778[36] Ă une rĂ©volte populaire qui les chasse rapidement de lâĂźle. Une nouvelle et derniĂšre tentative de conquĂȘte arabe Ă©choue en 821.
Les Judicats
On ne connaĂźt pas prĂ©cisĂ©ment la date de crĂ©ation des Judicats, qui sont quatre rĂ©gions autonomes, mais leur prĂ©sence est attestĂ©e en 851, mĂȘme sâil est probable que leur naissance soit antĂ©rieure Ă cette date. Chacun des Judicats (Logudoro, Gallura, ArborĂ©e et Calaris) est gouvernĂ© par des rois ou juges (judikes en sarde), qui sont Ă©lus par le parlement sarde appelĂ© Corona de Logu (it). En effet, « en Sardaigne, des dynasties de chefs indigĂšnes avaient dĂ©coupĂ© lâĂźle en judicatures »[37].
Les Judicats sont alors composés d'un territoire dit logu, divisé en curadorias dirigés par les curadore (autorités surtout judiciaire), formées de plusieurs villages appelés des biddas. Les curatore nomment le majore (le maire) c'est-à -dire le chef du village. Celui- ci est compétent en matiÚre d'investigations judiciaires. Les Judicats sont également subdivisés en districts administratifs, électoraux et juridictionnels qui s'appellent les curadorÏas ou curatorÏas, dirigées par des curadores qui sont soit nommés, soit, pour le moins, approuvés du Juges. Le curadore est un fonctionnaire du Judicat, dont le mandat est limité dans le temps de façon fixe. Il a autorité sur les perceptions fiscales, sur l'action judiciaire pénale et civile, sur les organes de police et sur l'enrÎlement dans l'armée.
La taille de ces districts est dĂ©finie pour faire en sorte que la population rĂ©sidant dans chaque curatoria soit approximativement Ă©gale. Par consĂ©quent on constate des mouvements frontaliers dus au changement des taux locaux de croissance dĂ©mographique. Les hommes libres de chaque curatoria se rĂ©unissent pĂ©riodiquement en assemblĂ©e afin d'Ă©lire leur reprĂ©sentant auprĂšs de la couronne de logu. Les centres d'habitation sont les biddas, les villages. On en compte neuf cents et plus jusqu'en 1000 environ, mais dont le nombre se rĂ©duit Ă trois cent quatre-vingts environ, Ă la suite de la peste, de la guerre et de la rĂ©pression aragonaise aprĂšs la conquĂȘte de l'Ăźle. Ceci est un systĂšme enracinĂ© et extrĂȘmement efficace de gestion du territoire, mais qui disparaĂźt petit Ă petit au cours du XIVe et surtout du XVe siĂšcle, par la mise en place du systĂšme fĂ©odal aragonais. La pĂ©riode des Judicats est celle oĂč se dĂ©veloppe la langue sarde qui devient la langue la plus parlĂ©e. En fait remonte Ă cette pĂ©riode (environ entre les XIe et XIIIe siĂšcles) l'apparition des condaghes qui sont des documents administratif compilĂ© en sarde. LâĂglise byzantine orthodoxe, avec lâĆuvre du pape GrĂ©goire Ier, est remplacĂ©e par le catholicisme. Ce dernier se rĂ©pand alors dans toute lâĂźle.
Câest Ă partir de 1100 environ, quâon observe la seconde poussĂ©e du christianisme sur lâĂźle (aprĂšs celle de Byzance), caractĂ©risĂ©e par de nombreuses constructions religieuses. Câest Ă©galement Ă partir de lĂ que la mentalitĂ© fĂ©odale est importĂ©e dans lâĂźle par la fin de lâisolement que connaissait la Sardaigne jusquâalors. En effet, jusque-lĂ lâisolement de la Sardaigne la protĂ©geait de lâarrivĂ©e de seigneurs plus ou moins riches et puissants, qui souhaitaient obtenir du pouvoir, en concurrençant, pour ainsi dire, le pouvoir en place. Ainsi, les chĂąteaux et autres forteresses font leur apparition, au profit des « seigneurs fĂ©odaux venus du continent, les Malaspina et les Doria en particulier »[38].
Câest Ă partir de cette pĂ©riode que la Sardaigne joue un rĂŽle important dans la politique europĂ©enne, comme le montrent les multiples contacts avec les rĂ©gnants dâEurope et, en particulier, le Judicat dâArborĂ©e, ce dernier Ă©tant le plus influent et celui qui reste en place le plus longtemps, jusquâau , date de sa capitulation. Un document de cette pĂ©riode, Ă©crit par Mieszko Ier de Pologne et destinĂ© au pape Jean XV, prouve que les Judicats Ă©taient connus de la « lointaine Pologne et quâils devaient donc avoir un rĂŽle de grand prestige dans lâEurope mĂ©diĂ©vale »[39].
ĂlĂ©onore dâArborĂ©e, qui est Ă la tĂȘte du Judicat dâArborĂ©e, va mettre en place le premier code civil de ce type en Europe, la Carta de Logu (it) (La Charte du Lieu). Cette loi dont la « date de promulgation est incertaine, [a Ă©tĂ© faite] certainement avant 1392 »[40], et reste en vigueur jusquâen 1827. Cet acte en fait lâun des personnages politiques sardes majeurs de cette Ă©poque.
Domination de Pise et de GĂȘnes
Alors que MujÄhid al-âÄmirÄ« dit Museto (ou Mugetto) sâempare de la Sardaigne en 1015, câest en 1017 quâ« il abandonne cette conquĂȘte, dĂšs quâil apprend lâarrivĂ©e des chrĂ©tiens avec une flotte puissante »[41], menĂ©e par Pise et GĂȘnes, qui, sollicitĂ©s par le pape, sâallient pour chasser les troupes arabes.
Ă la suite de cela, les deux libĂ©rateurs sâintĂ©ressent Ă lâĂźle et interfĂšrent dans son gouvernement. Câest durant cette pĂ©riode que Pise monte en puissance dans son rĂŽle de port principal de la mer TyrrhĂ©nienne et de centre des Ă©changes commerciaux grĂące, entre autres, Ă lâemplacement idĂ©al de la Sardaigne.
LâingĂ©rence politique de Pise et de GĂȘnes sur les rois juges dura du XIe au XIVe siĂšcle, en se transformant lentement en protectorat, pour aboutir en domination. Ces deux puissances maritimes ne cessent pas de sâopposer afin de « tenir la Sardaigne constamment divisĂ©e, afin de dominer seul. La politique des papes Ă©tait dâopposer toujours les GĂ©nois aux Pisans, dâappuyer toujours la partie la plus faible, contre la partie la plus forte »[42]. Les familles des deux citĂ©s se disputent alors soit les territoires, soit les places de juge des diffĂ©rents Judicats. En 1258, le Judicat de Cagliari disparaĂźt, pris par les Pisans. Ainsi, en 1265, Mariano de Serra est « lâunique Sarde investi dâune charge de gouvernement dans une Ăźle tombĂ©e entiĂšrement au pouvoir dâĂ©trangers »[43].
Le rĂšgne d'ArborĂ©e, plus fort et mieux organisĂ© que les autres, reste indĂ©pendant. Il dĂ©fend en effet avec force son indĂ©pendance, et en 1323, l'ArborĂ©e s'allie Ă l'espagnol Jacques II d'Aragon pour une campagne militaire contre Pise et GĂȘnes qui aura pour fin de crĂ©er le royaume de Sardaigne.
Domination aragonaise
Avec la conquĂȘte des Judicats de Cagliari et de Gallura, le pape Boniface VIII crĂ©e le royaume de Sardaigne et de Corse (Regnum SardiniĂŠ et CorsicĂŠ) le [44], afin de pacifier les conflits en Sicile entre la couronne dâAragon et la maison dâAnjou. La paix de Caltabellotta, est donc signĂ©e le . Fort de lâappui du pape et du Judicat d'ArborĂ©e, la force aragonaise commence les opĂ©rations militaires contre les Pisans de Cagliari et de Gallura, le dans la campagne de sainte Catherine entre Villanovaforru et Sanluri. Câest le , avec la prise du chĂąteau de Cagliari, que le royaume de Sardaigne et de Corse est dĂ©finitivement instaurĂ©. La commune de Sassari, qui deux ans avant avait choisi de s'allier avec les Aragonais, le se rebelle face au nouveau pouvoir, et rĂ©ussit Ă devenir indĂ©pendante pendant une annĂ©e. Le , une seconde rĂ©volte Ă©clate et est sauvagement rĂ©primĂ©e.
En 1354, câest au tour dâAlghero de devenir aragonaise, qui reste encore aujourdâhui fortement catalane. Entre fĂ©vrier et avril 1355 le premier CortĂšs (parlement) est rĂ©uni, ce qui aboutit en juillet Ă la paix de Sanluri entre les deux parties. La dĂ©faite des autres Judicats, et le retrait partiel du roi dâAragon permet au Judicat dâArborĂ©e, encore autonome, de connaĂźtre une expansion importante, et rĂ©unit quasiment toute la Sardaigne (voir carte ci-contre). Mais en 1383, « les insulaires ne pouvant plus supporter la domination tyrannique du juge dâArborĂ©a »[45] assassinent Hugues III dâArborĂ©e. « La mort en janvier 1387 du CĂ©rĂ©monieux implique une pause forcĂ©e de rĂ©flexions [âŠ], on avance vers la paix entre Catalans et ArborĂ©ens »[46]. Ainsi en 1388 la paix sarde est signĂ©e entre les deux parties. Cependant cette paix est courte, et le l'armĂ©e du Judicat dâArborĂ©e est vaincue Ă Sanluri par les troupes de Martin Ier dâAragon. Dix ans aprĂšs, vient la dĂ©cision de Guillaume II alors juge du Judicat, de vendre les derniers territoires pour 100 000 florins, et ainsi lâunification presque totale de la Sardaigne sous la banniĂšre du roi dâAragon. En fait, il a fallu attendre 1448 pour la conquĂȘte de la ville de Castelsardo, contrĂŽlĂ©e par la famille Doria, et 1767-69 pour l'annexion de l'archipel de La Maddalena par Charles-Emmanuel III.
La Sardaigne a un statut spĂ©cial dans le Royaume aragonais, et dĂ©pend directement du roi, ce qui lui confĂšre une certaine autonomie. LâĂźle sâorganise politiquement sous forme dâun parlement, les CortĂšs, « oĂč les trois ordres de la nation avaient chacun leur reprĂ©sentation »[47], ecclĂ©siastique, militaire et royal. Ce dernier correspond aux reprĂ©sentants des villes. Les couleurs de la couronne dâAragon restent prĂ©sentes en Sardaigne, jusquâĂ ce que Ferdinand II dâAragon, en 1479, crĂ©e la couronne dâEspagne.
En 1492, les Juifs sont expulsés de Sardaigne de par le décret de l'Alhambra qui entraine l'expulsion des Juifs d'Espagne et des possessions espagnoles comme la Sardaigne[48], qui y étaient présents depuis TibÚre.
La prĂ©sence catalano-aragonaise va fortement influencer les coutumes sardes. La langue sarde en est un exemple, car le catalan devient la langue officielle de Sardaigne et ainsi laisse des traces qui « restent intactes encore aujourdâhui »[49], notamment Ă Alghero, port du Nord-Ouest de l'Ăźle. Les historiens ont dâailleurs retrouvĂ© plusieurs documents en espagnol qui ont permis de faire apparaĂźtre certaines mĆurs de l'Ă©poque. il y a, par exemple, un document de 1678 qui relate un procĂšs pour « faits de sorcellerie et de mauvaise moralitĂ© »[50].
Ăpoque moderne et contemporaine
La couronne dâAragon, et donc la Sardaigne, passe au XVIe siĂšcle, aux mains de Charles Quint, mais reste tout de mĂȘme indĂ©pendante. La guerre de Succession dâEspagne fait passer en 1708 la Sardaigne sous la domination de la maison dâAutriche, mais est rapidement rĂ©cupĂ©rĂ©e en 1717 par Philippe V dâEspagne (conquĂȘte espagnole de la Sardaigne).
Câest Ă cette Ă©poque que les destins sarde et italien se rejoignent dĂ©finitivement. Mais le royaume de Sardaigne reste au cĆur de la politique italienne et europĂ©enne, par son rĂŽle dans lâunification italienne, et sa relation internationale, en particulier celle quâelle entretient avec la France.
Le royaume de Sardaigne de 1720
Câest Ă la signature du traitĂ© de Londres en 1718, que Victor-AmĂ©dĂ©e II de Savoie Ă©change la Sicile Ă la Sardaigne. Cet accord prend effet en 1720.
Le royaume de Sardaigne, Ă partir de cette date, comprend les Ătats de Savoie, le PiĂ©mont, le comtĂ© de Nice et bien sĂ»r lâĂźle sarde. Plus tard, aprĂšs lâannexion du PiĂ©mont par la France en 1802, il est rĂ©cupĂ©rĂ© en 1815 ainsi que GĂȘnes.
L'expédition française contre la Sardaigne
En 1793 a lieu une tentative dâinvasion de la Sardaigne par les Français (ExpĂ©dition de Sardaigne), qui Ă©choue grĂące Ă la mobilisation presque spontanĂ©e du peuple sarde.
ArrivĂ©e Ă Cagliari, la flotte de lâamiral Truguet bombarde la ville pendant trois jours en janvier 1793, puis fait une tentative de dĂ©barquement, rentre Ă Toulon, avant de revenir le mois suivant. Une nouvelle tentative de dĂ©barquement, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Casabianca, Ă©choue Ă la suite d'une rĂ©sistance vigoureuse des Sardes ainsi que par l'insubordination des troupes françaises.
L'autre partie de l'assaut est surtout une opération de diversion. Pascal Paoli envoie le colonel Colonna Cesari sur l'ßle de Santo Stefano, dans l'archipel de La Maddalena, récupérer le des magasins de munitions importants, ce qui permet au lieutenant-colonel d'artillerie Napoléon Bonaparte d'installer ses canons face à La Maddalena , principale bourgade de l'archipel[51] pour la pilonner le , suscitant la panique dans la population[52] puis la création d'un mouvement de résistance sarde d'environ 200 hommes, en majorité des bergers, organisés par Domenico Millelire, qui vont créer une "marine sarde" de résistance, composée de petits bateaux. DÚs le , les marins de La Fauvette veulent lever l'ancre puis se mutinent quand le colonel Colonna Cesari tente de les reprendre en main [53], obligeant ce dernier à décider de battre en retraite, en abandonnant les trois piÚces d'artillerie de Bonaparte[54]. Les Français sont ainsi revenus en Corse dÚs le [54].
La RĂ©volution sarde d'avril 1794
Peu aprĂšs, la classe dirigeante de lâĂźle, frustrĂ©e par le centralisme savoyard, se rĂ©volte, Ă la suite du refus de Victor-AmĂ©dĂ©e III de prendre en considĂ©ration les propositions statutaires des Ă©tats gĂ©nĂ©raux sardes, les Stamenti (Estamentos en espagnol).
Le une rĂ©volution Ă©clate donc, qui a dâabord pour consĂ©quence dâexpulser les fonctionnaires piĂ©montais de Cagliari. Au retour du vice-roi, les seigneurs du nord de l'Ăźle, notamment de Sassari, ont saisi l'occasion pour rĂ©clamer l'autonomie du Sud. Alors que les nobles cagliaritains avaient suscitĂ© la rĂ©volte populaire dans le Nord et que cette situation menace de dĂ©gĂ©nĂ©rer, les PiĂ©montais dĂ©cident d'envoyer Giovanni Maria Angioy, un officier qui avait dĂ©jĂ battu les Français, avec le titre de « Alternos » c'est-Ă -dire reprĂ©sentant du Vice-Roi, Ă Sassari. Ainsi, Angioy essaya en vain de rĂ©concilier les diffĂ©rentes factions, mais Ă©tant conscient de l'absence de soutien de Cagliari et du gouvernement, il tente de convaincre les Français d'annexer l'Ăźle, alors que lâarrivĂ©e des troupes françaises au PiĂ©mont en 1796, fait apparaĂźtre une rĂ©volte rĂ©publicaine anti-piĂ©montaise.
Ayant perdu tout espoir d'un soutien extĂ©rieur français aprĂšs l'armistice de Cherasco du 26 avril, il essaya alors une rĂ©volte anti-fĂ©odale pour fonder une rĂ©publique, mais est abandonnĂ© par la majoritĂ© de ses partisans prĂšs dâOristano, parce que le Roi a acceptĂ© les demandes formulĂ©es en 1794. Angioy s'enfuit Ă Paris, oĂč il mourut quelques annĂ©es plus tard. « Les rĂ©volutionnaires français, Ă©chaudĂ©s par ce fiasco de 1793, refusĂšrent alors dâaider le rĂ©volutionnaire sarde Giovanni Maria Angioy, qui dut sâexiler Ă Paris »[55]. La maison de Savoie reprend alors le contrĂŽle de lâĂźle et rĂ©prime trĂšs durement les subversifs.
Ainsi, à la création de la République piémontaise, le , le roi Charles-Emmanuel IV arrive à Cagliari. Le , Charles-Emmanuel IV cÚde son trÎne à Victor-Emmanuel Ier. La famille royale restera sur l'ßle jusqu'en 1814. En effet, le , « le Piémont fut formellement réuni à la France »[56].
Le décret du 30 novembre 1847
Le dĂ©cret du prononça lâunion et lâassimilation de la Sardaigne avec les Ătats continentaux [57] (le PiĂ©mont, la Savoie et la Ligurie) et entraĂźne le dĂ©placement des instances dirigeantes au palais royal de Turin. Cette fusion inquiĂšte les populations sardes soucieuses de prĂ©server leur autonomie. Elles font connaĂźtre au roi leur prĂ©occupation en envoyant Ă Turin une dĂ©lĂ©gation protestant contre la fusion. Ă son dĂ©part de Sardaigne, on peut lire un manifeste proclamant : « Vive la ligue italienne/Et les nouvelles rĂ©formes/Mort aux jĂ©suites et aux PiĂ©montais: voici le moment dĂ©sirĂ©/De la gĂ©nĂ©ration sarde »[58] - [59]. Mais les PiĂ©montais passent outre et la fusion est acquise. Et ainsi dĂ©bute, en 1848, la guerre dâindĂ©pendance voulue par le roi de Sardaigne, dans un but unificateur pour lâItalie, le Risorgimento. Dans cette perspective les Sardes participent Ă la guerre de CrimĂ©e en 1855.
Le royaume dâItalie
AprĂšs le traitĂ© de Turin (1860) initiĂ© par Camillo Cavour, et lâexpĂ©dition des Mille menĂ© par Giuseppe Garibaldi, il faut attendre 1861 pour que le royaume dâItalie soit proclamĂ© par le roi de Sardaigne. LâĂźle est Ă partir de lĂ mise au second plan de la scĂšne politique internationale. Alors que la situation Ă©conomique de lâĂźle a de lourdes difficultĂ©s, on voit quelques amĂ©liorations (exploitation de mines, rĂ©seau routierâŠ) qui ont cependant des effets limitĂ©s. D'ailleurs, « les diffĂ©rents gouvernements qui se sont succĂ©dĂ© depuis la rĂ©alisation de lâunitĂ© italienne, ont Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă des situations explosives dans le Mezzogiorno et, au fur et Ă mesure que progresse lâindustrialisation, dans le Nord[60] ». Ainsi, l'unification « laissait un grand nombre de problĂšmes non rĂ©solus, comme les profondes inĂ©galitĂ©s sociales et la fracture des mentalitĂ©s et des Ă©conomies entre le Nord et le Midi[61] ». Ăgalement, « la Sardaigne [a un] nombre de suicides insignifiants en 1864-1876, si bien qu'on peut nĂ©gliger [son] rang dans cette pĂ©riode[62] », tandis qu'on constate une nette progression de ce taux en 1894-1914, ce qui rĂ©vĂšle le mal-ĂȘtre de l'avant-guerre.
Au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, le royaume dâItalie est neutre, ne souhaitant pas l'entrĂ©e en guerre du pays. Ce n'est que le qu'elle s'engage dans le conflit. DĂšs cette date on trouve de nombreux soldats sardes au combat, dont on note le symbole incontestablement le plus marquant de cette force militaire, la brigade « Sassari ». On dĂ©nombre « 13 602 victimes sardes de la PremiĂšre Guerre mondiale »[63]. Ă la fin de la guerre, lâItalie annexe des territoires autrichiens, et les Sardes, comme le reste des Italiens, sont déçus de ce peu de bĂ©nĂ©fice qu'a engendrĂ© la victoire, et ceci en comparaison des pertes humaines. « On a pu dire avec raison des familles sardes que bien peu Ă©taient celles oĂč ne figurĂąt un ou plusieurs morts au champ d'honneur »[64].
La Sardaigne est donc d'autant plus amĂšre lorsqu'elle constate que « rien ou presque »[64] n'est fait pour son dĂ©veloppement Ă©conomique. C'est ainsi que l'idĂ©e autonomiste fait chemin, et que durant lâentre-deux-guerres, le Parti sarde d'action est crĂ©Ă© afin de faire valoir les intĂ©rĂȘts autonomistes de la Sardaigne, en prenant appui sur les combattants de la brigade « Sassari », qui ont lâexpĂ©rience dâautres rĂ©gions italiennes.
Alors quâau dĂ©but des annĂ©es 1920 Antonio Gramsci, nĂ© Ă Ales, est lâun des crĂ©ateurs du Parti communiste italien, la Sardaigne vit toujours une situation Ă©conomique prĂ©caire. Et ce nâest pas la pĂ©riode fasciste qui suit qui va amĂ©liorer les choses. En effet, de par la montĂ©e du communisme et la dĂ©ception de la PremiĂšre Guerre mondiale, Mussolini crĂ©Ă© le Parti fasciste en 1919 qui a un fort poids politique dĂšs les annĂ©es 1920. Mussolini accĂšde au pouvoir en 1922 aprĂšs la marche sur Rome, et mĂȘme s'il veut alors dĂ©velopper la production miniĂšre sarde, et y rĂ©ussit, il en rĂ©sulte Ă©galement une exploitation encore plus intense de son peuple.
Bien que la Sardaigne soit relativement protĂ©gĂ©e des heurts de la Seconde Guerre mondiale, de cette derniĂšre « restent seulement les effrayantes blessures infligĂ©es par les bombardements alliĂ©s Ă Cagliari et dans dâautres villes de lâĂźle »[65] de 1943[66], qui ont comme but de dĂ©loger de lâĂźle les garnisons allemandes. Celles-ci seront contraintes de se replier en Corse, qui sera libĂ©rĂ©e en septembre 1943. LâaprĂšs-guerre va donc ĂȘtre, comme dans le reste de lâEurope, une pĂ©riode de reconstruction Ă©conomique.
La RĂ©publique italienne et lâautonomie sarde
Le statut spĂ©cial de la Sardaigne est concomitant Ă la naissance de la rĂ©publique en 1948. On y trouve en effet cinq rĂ©gions du mĂȘme type qui « ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es dans le but de prĂ©venir tout sĂ©paratisme »[67]. Cette nĂ©cessitĂ© dĂ©coule de la faiblesse de l'Ătat italien d'aprĂšs-guerre qui doit conserver l'unitĂ© nationale. « Aussi lâItalie prend-elle en compte aussi bien la volontĂ© dâunification centralisatrice administrative (la monarchie piĂ©montaise dâabord, influencĂ©e par le modĂšle français, puis lâadministration mussolinienne) que la dĂ©finition dâun modĂšle dĂ©mocratique composite, mĂ©nageant le rĂŽle des corps intermĂ©diaires et des minoritĂ©s, avec des Ă©lĂ©ments qui se rapprochent des conceptions communautaristes actuelles »[68].
La loi constitutionnelle no 3 du 26 fĂ©vrier 1948 permet ainsi un transfert du pouvoir national au rĂ©gional, mais en sâintĂ©grant dans lâunitĂ© de la nation : « La Sardaigne avec ses Ăźles est constituĂ©e en rĂ©gion autonome [âŠ] qui entre dans lâunitĂ© politique de la RĂ©publique italienne, une et indivisible »[69]. Ainsi dĂšs 1948, la rĂ©gion sâorganise autour de trois provinces (Cagliari, Nuoro et Sassari auxquelles vient sâajouter plus tard celle dâOristano) et trois organes des pouvoirs rĂ©gionaux. LâexĂ©cutif est administrĂ© par la Junte rĂ©gionale, le pouvoir lĂ©gislatif par le conseil rĂ©gional, et enfin le Haut Commissaire (rapidement renommĂ© en prĂ©sident de la Junte ou commission rĂ©gionale) Ă©lu par le conseil pour devenir le reprĂ©sentant de la rĂ©gion sarde. Ce dernier est renommĂ© en 2004 en prĂ©sident de la rĂ©gion.
Le droit de lĂ©gifĂ©rer au sein de la RĂ©publique italienne est limitĂ© Ă des domaines qui concernent exclusivement la rĂ©gion (notamment lâorganisation des administrations locales par exemple), ou des domaines plus vastes mais qui doivent alors respecter les « principes Ă©tablis par la loi de lâĂtat »[70] (exemple de lâassistance publique). En 2001, la loi rĂ©gionale no 9 ajoute quatre provinces Ă celles prĂ©existantes. Ainsi les provinces dâOlbia-Tempio, de lâOgliastra, de Carbonia-Iglesias, et du Medio Campidano prennent effet en mai 2005.
La loi initiale de 1948 va ĂȘtre revue Ă plusieurs reprises. En 1972[71] (le conseil rĂ©gional est Ă©lu pour cinq ans au lieu de quatre), en 1983[72] (une sĂ©rie de changement sur les « rĂšgles pour la coordination de la finance de la rĂ©gion »), en 1986[73] (prĂ©cise lâarticle 16 en donnant le nombre de conseillers rĂ©gionaux), en 1989[74] (dĂ©termine la durĂ©e dâinstallation des conseils rĂ©gionaux), 1993[75] (intĂ©grations aux statuts spĂ©ciaux), 2001[76] (dispositions concernant lâĂ©lection directe du prĂ©sident de la rĂ©gion).
Notes et références
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- Il est question ici de MacĂ©ride, lâHercule des Ăgyptiens.
- André de Claustre, revu et corrigé par François Richer, Dictionnaire portatif de mythologie, Briasson, 1765, p. 410.
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Voir aussi
Articles connexes
- Sardaigne
- Royaume de Sardaigne
- Mappe sarde
- Culture nuragique
- Histoire de lâItalie
- Comptoirs italiens en mer Noire et en Méditerranée
- Histoire de la Corse
- Histoire de la Savoie
- Histoire de la Méditerranée
- Histoire miniĂšre de Sardaigne
- Tourisme en Sardaigne
- Participation sarde à la guerre de Crimée
- Histoire de la Sardaigne contemporaine (it)
- Liste des sites archéologiques proto-historiques de Sardaigne (de)
Antiquité romaine
Sources et bibliographie
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- (it) Giovanni Ugas, L'alba dei nuraghi, Cagliari, Fabula Editore, 2005 (ISBN 978-88-89661-00-0).
- (it) Francesco Cesare Casula, La Storia di Sardegna, Sassari, Delfino, 1994.
- (it) Francesco Cesare Casula, Sintesi de La storia di Sardegna, Ăd. C. Delfino, 2002. Sassari. (ISBN 88-7138-324-9).
- (it) Maria Luisa Cojana, Daniela Fadda, Giuseppe Murru, Roberto Pili, Almanacco scolostico della Sardegna, Ăd. EdiSar, Cagliari, 1992. (ISBN 88-86004-11-7).
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- Auguste Boullier, LâĂle de Sardaigne : description, histoire, statistique, mĆurs, Ă©tat social, E. Dentu, Paris, 1865.
- Jean-François Mimaut, Histoire de Sardaigne, ou La Sardaigne ancienne et moderne, considĂ©rĂ©e dans ses lois, sa topographie, ses productions et ses mĆurs, 1825.
Liens externes
- Généraux
- (it) (sc) Articles (de 1995 à 2000) de la revue logos (archéologie, histoire et tradition sarde) consultables sur Internet
- Tableau rĂ©capitulatif de lâhistoire sarde
- Histoire de la Sardaigne, de lâĂąge de pierre Ă nos jours
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