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Faits économiques et sociaux au XIIe siècle

Événements

Asie Mineure et Levant vers 1140
  • 1154 : les Zengides unifient la Syrie musulmane[1]. Les ravages des croisades ont accéléré l’exode rural en Syrie : les titulaires de l’iqtâ, n’ayant qu’une jouissance temporaire de leurs domaines, abandonnent les campagnes sans protéger leurs paysans. Nur ad-Din, après 1163, puis Salah al-Din adoptent le système de l’iqtâ héréditaire[2]. Assuré de pouvoir transmettre son domaine, le muqta’ (titulaire d’un iqtâ) se préoccupe de sa mise en valeur et protège les paysans. Parti de la région de Damas, un mouvement de remise en culture des friches s’étend, dans la deuxième moitié du siècle, à l’ensemble de l’émirat zangide, puis ayyubide. La démographie et les prix des denrées alimentaires augmentent en Syrie. La pratique de l’iqtâ héréditaire donne naissance dans la région syro-mésopotamienne à une aristocratie terrienne stable et entraîne un assujettissement accru des classes sociales. Nur ad-Din fonde à Alep et à Damas une « maison de la justice » (dâr al-'adl), sorte de haut tribunal des abus qu’il préside. Il fonde aussi une dar al Hadith pour relancer l’étude de la tradition et fonde la hanaqah, sorte de couvent pour les sûfîs, à la fois centre religieux et hôtellerie. Il fait construire de nombreux hôpitaux[3].
  • 1175 : la réunification de la Syrie et de l’Égypte permet au commerce syrien, jusqu’alors en stagnation, de refleurir. L’essentiel du marché est fourni par des produits locaux, agricoles ou industriels (textiles, verrerie, poterie fine, orfèvrerie). Sous les Ayyoubides, l’Égypte se trouve à nouveau surexploitée au profit de la Syrie déficitaire. Salah al-Din y implante le système de l’iqtâ, ce qui réduit considérablement les libertés des paysans[4]. La courbe démographique, très stable jusqu’à la fin du XIIe siècle, s’infléchit. Un certain asservissement est compensé par la protection des muqta’ héréditaires, tandis que l’État contrôle les impôts et fixe le prix des denrées, ce qui améliore sensiblement la sécurité personnelle et économique des paysans. L’Égypte est alors au confluent du grand commerce oriental. Alexandrie reçoit par la mer Rouge en provenance des Indes, d’Arabie et de Perse des aromates, des pierreries et surtout des épices. En outre, l’Égypte, qui manque de bois et de fer, est un bon marché d’exportation pour les Occidentaux. De retour en Égypte après 1176, Saladin fonde des écoles supérieures d’administration, les medersas, pour former des fonctionnaires et éradiquer le chiisme[5].
  • 1177-1186 : mauvaises récoltes au Japon[6] ; le riz, dans le Kansai (ouest du Japon), ne parvient pas à maturité.

Europe

  • Vers 1100 : les conditions climatiques favorables entrainent la formation de nouvelles agglomérations et des défrichements. La population s’accroît. Les techniques se développent : moulins à eau, charrues et attelages, apparition des moulins à vent à la fin du siècle[7]. Les premières chartes de franchises (Prisches en Avesnois, Lorris en Gâtinais et Beaumont en Argonne[8]) apportent aux paysans des libertés. Elles codifient les usages, précisent les devoirs des dépendants dont elles suppriment les plus dures obligations.
  • Vers 1100-1150 : le système consulaire s'impose dans toutes les villes d'Italie du Nord et du Centre, à l'exception de Rome et Venise. Les communes aristocratiques dotées d'institutions consulaires émergent avant 1100 à Pise (1081-1085), Biandrate (1093), Asti (1095), Milan (1097), Arezzo (1098) et Gênes (1099), puis dans les décennies suivantes Pistoia (1105), Ravenne(1109), Pavie (1112), Crémone (1112-1116), Lucques (1115), Bergame (1117), Bologne (1123) et Sienne (1125) et sont attestées avant le milieu du siècle à Mantoue, Plaisance, Modène, Vérone, Parme et Florence. Elles sont dirigées par des consuls au pouvoir limité par l’assemblée des citoyens, l’arengo, qui approuve leurs décisions par acclamations en criant « Fiat, Fiat ». Dans les plus petites villes, cette assemblée regroupe tous les citoyens, mais dans les plus grandes, elle est remplacée par un conseil plus restreint, comme en 1164 à Pise, dont les membres sont soit élus au suffrage indirect, soit par les conseillers sortants, soit désignés par tirage au sort. Dans les communes aristocratiques, les familles nobles se groupent au sein de « clans » ou d’alliances appelés les consorterie, et s’affrontent entre elle pour le gouvernement de la cité. Elles construisent dans les villes des tours défensives, comme il en reste encore à San Gimignano et à Pavie[9] - [10]. L'institution du podestariat, charge administrative et judiciaire, se développe dans la plupart des communes italiennes à la fin siècle : Vérone en 1163, Vicence en 1170, Trévise en 1173, Padoue en 1174, Parme en 1175, Lodi et Bologne en 1183, Milan en 1186, Pise en 1190, Gênes en 1191. Elle se généralise au début du XIIIe siècle[11]. Le contexte de conflit croissant à l’intérieur des communes entre famille ou plus tard entre popolo et aristocratie, a sans doute déterminé les villes, lorsque la situation est bloquée, de faire appel à un tiers, souvent choisi à l’extérieur de la ville[12].
  • 1119 : première référence à l’Échiquier en Angleterre, à l’origine une grande table de 3 mètres sur 1,5 couverte d'un draps noir quadrillé utilisé pour les calculs du paiement des impôts fondés sur le système de l'abaque. Le premier « rôle de l’Échiquier » (Pipe Roll) conservé date de 1130-1131 sous Henri Ier Beauclerc. Ce sont des rouleaux de parchemin utilisés pour contrôler les comptes des shérif ou des administrateurs de chaque comté[18] - [19].
  • Vers 1120 : développement de moulins à marées utilisant les barres de l'Adour[20].
  • 1130 ou 1133 : le roi Henri Ier Beauclerc octroie une charte aux Londoniens[26]. Les habitants de la ville bénéficient de la tenure bourgeoise, qui est une tenure libre, et voient leurs libertés garanties : administration municipale par un corps d’échevins (aldermen), droit de designer le shérif, fixation de l’assiette et collecte des impôts, instauration d’une foire ou d’un marché, droit d’association ou guilde des marchands recevant le monopole du commerce dans la ville.
  • 1143-1149 : présence de marchands Lombards attestée à Arles[21].
  • 1146 : la garde du trésor royal du roi de France Louis VII le Jeune est confiée à l’Ordre du Temple qui possède à Paris une commanderie installée dans la tour du Temple[27]. À la fin du XIIe siècle, l’Ordre du Temple possède à Paris un établissement très important, qui couvre le tiers de la ville et échappe à la juridiction royale. Les artisans de la ville y bénéficient d’un droit de franchise (francs mestiers) et échappent aux charges du roi et de la cité. Les maçons, tailleurs de pierre, charpentiers et mortelliers sont presque tous établis dans la censive du Temple. Ces franchises seront confirmées après la suppression de l’Ordre en 1312[28].
  • 1147 : le pillage de Corinthe et de Thèbes par les Normands et le transfert de leurs ouvriers sériciculteur en Sicile porte un coup fatal à l’industrie byzantine de la soie[29] ; Roger II installe une première manufacture à Palerme dès 1148.
  • 1180-1223 : règne de Philippe Auguste en France. Il dispose annuellement de 17 000 kg d’équivalent argent de revenus. Sous son règne se diffuse le système du scellement dans le nord, tandis que le notariat s’étend dans le sud[47]. Vers 1185, pour surveiller la gestion des prévôts, Philippe Auguste charge des familiers d’une mission d’enquête temporaire (baillis au XIIIe siècle)[48].
  • 1188 : apparition de la kogge (cogue), navire dont la capacité de charge est de huit à dix fois celle des navires antérieurs. Quatre grands vaisseaux de ce type sont signalés dans le port de Cologne pour le transport des croisés[49]. C’est un navire trapu mesurant une trentaine de mètres de long sur sept de large, avec un tirant d’eau de trois mètres. Pourvue d’une voile unique, il est relativement maniable, capable d’avancer contre le vent, et rapide, surtout lorsqu’il est équipé d’un gouvernail d’étambot, à partir du début du XIIIe siècle. Probablement mis au point par les frisons, il devient le navire hanséatique par excellence du XIIIe au XIVe siècle, concurrencé au XIVe siècle par la hourque (holk), d’une capacité encore plus importante.

Démographie

  • Vers 1100 : 48 millions d'habitants en Europe[58].
  • Vers 1120 : la Chine compte 100 millions d’habitants.

Articles connexes

Notes et références

  1. Dominique Sourdel, Histoire des Arabes : « Que sais-je ? » n° 1627, Que sais-je, (ISBN 9782130807995, présentation en ligne)
  2. Nikita Elissée, Nūr ad-Dīn - Un grand prince musulman de Syrie au temps des Croisades (511-569 H./1118-1174), vol. 3, Presses de l’Ifpo, (ISBN 9782351591079, présentation en ligne)
  3. Hervé Bleuchot, Droit musulman: Tome 1 : Histoire. Tome 2 : Fondements, culte, droit public et mixte, Presses universitaires d’Aix-Marseille, (ISBN 9782821853324, présentation en ligne)
  4. Josef W. Meri, Medieval Islamic Civilization - L-Z, index, vol. 2, Taylor & Francis, (ISBN 9780415966924, présentation en ligne)
  5. Yaacov Lev, Saladin in Egypt, Boydell & Brewer, , 389 p. (ISBN 978-0-85991-383-6, présentation en ligne)
  6. Pierre Souyri, Le monde à l'envers : la dynamique de la société médiévale, Maisonneuve et Larose, , 321 p. (ISBN 978-2-7068-1297-2, présentation en ligne), p. 62
  7. Guy Bajoit, Le modèle culturel chrétien de la France médiévale: XIe, XIIe et XIIIe siècles, Academia, (ISBN 9782806105226, présentation en ligne)
  8. Robert Jacob, Les époux, le seigneur et la cité: coutume et pratiques matrimoniales des bourgeois et paysans de France du Nord au Moyen Age, Publications Fac St Louis, (ISBN 9782802800743, présentation en ligne)
  9. Daniel Philip Waley, Trevor Dean, The Italian City Republics, Routledge, (ISBN 9781317864479, présentation en ligne)
  10. Franco Franceschi, Ilaria Taddei, Les villes d'Italie du milieu du XIIe siècle au milieu du XIVe siècle : économies, sociétés, pouvoirs, cultures, Éditions Bréal, (ISBN 9782749504360, présentation en ligne)
  11. Francesco Lanzani, Storia dei comuni italiani dalle origini al 1313, vol. 3, F. Vallardi, (présentation en ligne)
  12. Franco Franceschi, Ilaria Taddei, op. cit, p. 55.
  13. Yves D. Papin, Chronologie du Moyen Âge, Éditions Jean-paul Gisserot, (ISBN 978-2-87747-592-1, présentation en ligne)
  14. Pierre Antoine Bruno Daru, Histoire de la république de Venise, vol. 1, N. J. Grégoir V. Wouters & C°, (présentation en ligne)
  15. Charles Higounet, Les Allemands en Europe centrale et orientale au Moyen Âge, Aubier, , 454 p. (ISBN 978-2-7007-2223-9, présentation en ligne)
  16. Léonce Elie de Beaumont, Leçons de Géologie Pratique, professées au Collège de France 1843-44, vol. 1, chez P. Bertrand, Levrault, (présentation en ligne)
  17. F. J. de Smet, Dissertation sur l'émigration des Belges et des Hollandais vers l'Allemagne au XIIe siècle, J.-E. Buschmann, (présentation en ligne)
  18. Amaury Chauou, Les Plantagenêts et leur cour (1154-1216), Presses Universitaires de France, (ISBN 9782130822158, présentation en ligne)
  19. Bernard Cottret, Histoire de l'Angleterre, Tallandier (ISBN 9791021042124, présentation en ligne)
  20. Jean-François Gravier, L'espace vital, Flammarion (ISBN 9782081302372, présentation en ligne)
  21. Florian Mazel, Féodalités (888-1180), Humensis (ISBN 9782701189093, présentation en ligne)
  22. Michel Ballard, Le Moyen Âge en occident, Hachette Éducation, , 368 p. (ISBN 978-2-01-181835-5, présentation en ligne)
  23. Michel Kaplan, Patrick Boucheron, Le Moyen Âge, XIe- XVe siècle, Éditions Bréal, (ISBN 9782853947329, présentation en ligne)
  24. Florian Mazel dir., Nouvelle Histoire du Moyen Âge, Seuil (ISBN 9782021460360, présentation en ligne)
  25. Jean-Claude Lescure, Un jour, une question : 50 questions autour de l'histoire, edi8, (ISBN 9782754081436, présentation en ligne)
  26. (en) Judith A. Green, The Government of England Under Henry I, Cambridge University Press, , 303 p. (ISBN 978-0-521-37586-3, présentation en ligne)
  27. Alain Demurger, Les Templiers. Une chevalerie chrétienne au Moyen Age - Une chevalerie chrétienne au Moyen Age, Média Diffusion (ISBN 9782021008340, présentation en ligne)
  28. Serge Hutin, Les Francs-maçons: Histoire, mœurs et coutumes de la franche maçonnerie, Belisane, (ISBN 9782307185932, présentation en ligne)
  29. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, Albin Michel, , 634 p. (ISBN 978-2-226-22331-9, présentation en ligne)
  30. Paul Ourliac, Jean Louis Gazzaniga, Histoire du droit privé français. De l'an mil au Code civil, (ISBN 9782226340979, présentation en ligne)
  31. Guy Fourquin, Histoire économique de l'Occident médiéval, A. Colin, (présentation en ligne)
  32. Jules Zeller, Abrége de l'histoire d'Italie depuis la chute de l'empire romain jusqu'en 1864, Paris, L. Hachette, (présentation en ligne)
  33. Philippe Durand, Le château-fort, Éditions Jean-paul Gisserot, (ISBN 9782877474351, présentation en ligne)
  34. Le Moyen Âge en Orient, Hachette Éducation, , 352 p. (ISBN 978-2-01-140095-6, présentation en ligne)
  35. Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin et Françoise Micheau, Le Moyen Age en Orient : Byzance et l'Islam : des Barbares aux Ottomans, Paris, Hachette, coll. « Histoire université », , 320 p. (ISBN 2-01-016012-6 et 9782010160127, OCLC 24514134, lire en ligne), p. 240
  36. (en) Christopher Harper-Bill, Nicholas Vincent, Henry II : New Interpretations, Woodbridge, Boydell Press, , 403 p. (ISBN 978-1-84383-340-6, présentation en ligne)
  37. Académie d'agriculture de France, Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, vol. 38, Paris, Huzard, (présentation en ligne)
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  40. Francis Brumont, Prés et pâtures en Europe occidentale, Presses universitaires du Midi, (ISBN 9782810709007, présentation en ligne)
  41. Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France : des origines au XIXe siècle, Paris, Clavreuil,
  42. Paysans libres devant une redevance au propriétaire
  43. Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin et Françoise Micheau, Le Moyen Âge en Orient, Hachette Éducation, , 352 p. (ISBN 978-2-01-140095-6, présentation en ligne)
  44. Yves-Denis Papin, Chronologie du Moyen Âge, Éditions Jean-paul Gisserot, (ISBN 9782877475921, présentation en ligne)
  45. Pascal Buresi, La frontière entre chrétienté et Islam dans la péninsule Ibérique, Éditions Publibook, , 360 p. (ISBN 978-2-7483-0644-6, présentation en ligne)
  46. Philippe Dollinger, The German Hansa, Routledge, , 474 p. (ISBN 978-0-415-19073-2, présentation en ligne)
  47. Vito Piergiovanni, Hinc publica fides, vol. 7, Giuffrè Editore, (ISBN 9788814122996, présentation en ligne)
  48. Philippe Valode, L'histoire de France en 2 000 dates, Acropole, (ISBN 9782735703616, présentation en ligne)
  49. Philippe Dollinger, La Hanse, XII-XVIIe siècles, Paris, Aubier, (présentation en ligne)
  50. Nicolas Viton de Saint-Allais, L'art de vérifier les dates…, vol. 7, Valade, (présentation en ligne)
  51. Rodolphe Radau, Le Magnétisme, Collection XIX, (ISBN 9782346067534, présentation en ligne)
  52. Yves Renouard, Études d'histoire médiévale, vol. 1, S.E.V.P.E.N., (présentation en ligne)
  53. Georges Blumberg, « Gage », sur universalis.fr
  54. Édouard Laboulaye, Rodolphe Dareste et Charles Ginoulhiac, Nouvelle revue historique de droit français et étranger, Recueil Sirey, (lire en ligne)
  55. Cahiers de civilisation médiévale, Université de Poitiers, Centre d'études supérieures de civilisation médiévale, (lire en ligne)
  56. Lucia Renzulli, Petit Futé Rome, Paris, Nouvelles Editions de l'Université, , 378 p. (ISBN 978-2-7469-2083-5, lire en ligne)
  57. Encyclopédie théologique, vol. 25, Paris, Jacques-Paul Migne, (présentation en ligne)
  58. François Garelli, Les Fluctuations de la puissance économique de l'Europe, Rive Droite (ISBN 9782402043045, présentation en ligne)
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