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Armistice du 22 juin 1940

Suspension des hostilités entre la France et l'Allemagne Nazie

Cet article concerne l’armistice entre Français et Allemands à l’été 1940. Pour l’armistice entre Français et Italiens, voir armistice du 24 juin 1940.

L’armistice du est une convention signée en forêt de Compiègne entre le représentant du Troisième Reich allemand et la Troisième République représentée par le maréchal Philippe Pétain afin de suspendre les hostilités ouvertes par la déclaration de guerre de la France envers l'Allemagne le , marquées notamment par la bataille de France déclenchée le , et terminée avec la fuite de l'armée anglaise et son rembarquement à Dunkerque à partir du sans prévenir l'État-Major français.

Le , après avoir abattu un mur du musée abritant le wagon de l'Armistice depuis 1927, les soldats allemands extraient la voiture pour l'amener à son emplacement du , en prévision du passage de Hitler.
Hitler (la main au côté), accompagné de hauts dignitaires nazis et de ses généraux, regardant la statue du maréchal Foch avant d’entrer dans la voiture pour le début des négociations de l'armistice, signé le lendemain en son absence.
Le , Ribbentrop, Keitel (de profil), Göring, Hess, Hitler, Raeder (caché par Hitler) et Brauchitsch, devant le wagon de l'Armistice.
Keitel (Ă  gauche) devant le wagon de l'Armistice.
Signature de l'armistice. À gauche le général Keitel, à droite, la délégation française avec le général Huntziger entouré du général d'aviation Bergeret et du vice-amiral Le Luc (de profil, à droite).
Le général Huntziger signe l'armistice pour la France.
Le correspondant de guerre de CBS, William L. Shirer (à gauche sur le banc), frappant le texte d'un reportage sur la négociation ou la signature de l’armistice. Le bâtiment à l'arrière-plan est le musée dans lequel se trouvait le wagon de 1918, avant que sa sortie en plein air n’en soit demandée par Hitler pour abriter les négociations et la signature du nouvel armistice.

L'engagement interalliĂ© du qui avait Ă©tĂ© pris de ne pas conclure de paix sĂ©parĂ©e avec l'ennemi[1] n'empĂŞche pas la signature d'un armistice qui suspend les combats et l'avancĂ©e de l'armĂ©e allemande, Ă©tablit les conditions de l'occupation partielle de la France par l'Allemagne, le sort des personnes capturĂ©es, dĂ©placĂ©es ou occupĂ©es, la neutralisation des forces françaises, et le paiement de compensations Ă©conomiques Ă  l'Allemagne. Du point de vue territorial, il rĂ©sulte de la convention (en particulier en ses articles 2 et 3)[2] que la France mĂ©tropolitaine est divisĂ©e en deux parties par une ligne de dĂ©marcation, la zone occupĂ©e par l'ArmĂ©e allemande et la zone dite « libre Â»[3]. Un nouveau rĂ©gime sera instaurĂ© en juillet 1940 en France : le RĂ©gime de Vichy. En France d'outre-mer, si une majoritĂ© des territoires l'acceptent, l'armistice ne sera en revanche jamais reconnu par FĂ©lix ÉbouĂ© qui choisit de continuer le combat et place directement le Territoire du Tchad sous le contrĂ´le de la France libre donnant Ă  celle-ci les attributs lĂ©gaux d'un État souverain.

L’article 3 reconnaĂ®t la souverainetĂ© du gouvernement français sur l’ensemble du territoire sous rĂ©serve « des droits de la puissance occupante Â»[4]. En pratique, la France est divisĂ©e en zones Ă  statut diffĂ©rent, les demandes du gouvernement de rentrer Ă  Paris sont toutes repoussĂ©es le 7 juillet et la ligne de dĂ©marcation devient « une frontière pratiquement Ă©tanche Â»[4]. Dans la zone occupĂ©e, on distinguera immĂ©diatement après plusieurs types de territoires : une zone interdite, au Nord-Est (comprenant notamment deux dĂ©partements, le Nord et le Pas-de-Calais, rattachĂ©s au gouvernorat militaire allemand en Belgique), une « zone rĂ©servĂ©e Â» de l'est oĂą aucun rĂ©fugiĂ© n’a le droit de retourner ou encore les territoires de l'Alsace et de la Moselle annexĂ©s dès le 15 juillet par l’instauration d’un cordon douanier, ainsi que la zone cĂ´tière le long des cĂ´tes de la Manche et de l'Atlantique[4]. Dans le Sud de la France, l'Italie reçoit Ă©galement une petite zone d'occupation.

L'entrĂ©e en application de cet armistice ne doit se faire qu'après la signature de celui entre l'Italie et la France, signĂ© le Ă  18 h 35. Le cessez-le-feu entre en vigueur six heures après, soit Ă  h 35 le [5].

Annonce de l'armistice

Après l'enfoncement de plusieurs lignes de dĂ©fense françaises vers le , la dĂ©faite française dans la bataille de France apparaĂ®t inĂ©luctable. Dans ces conditions, le marĂ©chal PĂ©tain, nouveau chef du gouvernement français, s'exprime dans un discours radiophonique Ă  12 h 30 le depuis Bordeaux[6] oĂą il annonce qu'il faut cesser le combat : « C'est le cĹ“ur serrĂ© que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat Â» ; il indique Ă©galement qu'il recherche avec l'adversaire « les moyens de mettre un terme aux hostilitĂ©s Â». ImmĂ©diatement, cet appel est largement relayĂ© par les Allemands pour que les troupes françaises dĂ©posent les armes sans combattre.

NĂ©anmoins, dans la soirĂ©e, le ministre des Affaires Ă©trangères Paul Baudouin attĂ©nue les mots du marĂ©chal et indique :

« […] VoilĂ  pourquoi le gouvernement prĂ©sidĂ© par le marĂ©chal PĂ©tain a dĂ» demander Ă  l'ennemi quelles seraient ses conditions de paix. Mais il n'a pas pour autant abandonnĂ© la lutte, ni dĂ©posĂ© les armes. Comme l'a dit ce matin le marĂ©chal PĂ©tain, le pays est prĂŞt Ă  rechercher dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilitĂ©s. II n'est pas prĂŞt, et ne sera jamais prĂŞt Ă  accepter des conditions dĂ©shonorantes, Ă  abandonner la libertĂ© spirituelle de notre peuple, Ă  trahir l'âme de la France[6]. […] Â»

Dès le lendemain depuis Londres, le sous-secrĂ©taire d'État Ă  la DĂ©fense et Ă  la Guerre, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle lance son appel du 18 Juin sur les ondes de le BBC, reprochant Ă  PĂ©tain le principe mĂŞme de l'armistice[a] et invitant les Français Ă  rĂ©sister Ă  l'ennemi, mais il n'est que peu entendu dans la MĂ©tropole :

« […] Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mĂŞmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limite l'immense industrie des États-Unis. […] Â»

Néanmoins, les négociations s'engagent et une rencontre formelle est organisée à partir du 21 juin dans la forêt de Compiègne, à l'endroit imposé par Hitler.

Les délégations

Adolf Hitler exige que l'armistice soit signé au même endroit que l'armistice de 1918, dans la clairière de Rethondes, près de Compiègne dans le département de l'Oise. Il fait sortir le wagon de l'Armistice, qui avait servi à signer celui de 1918, du bâtiment qui l'abrite, et le fait placer à une centaine de mètres de là, à l'emplacement exact où il se trouvait le , afin d'y organiser la cérémonie de revanche sur la Première Guerre mondiale[7] (le wagon va ensuite être convoyé à Berlin). Le , lors de la journée inaugurale des négociations, les Allemands sont représentés par Adolf Hitler en personne et le général Wilhelm Keitel, chargé des négociations[3] en tant que chef du Haut Commandement de l'armée allemande[b],[7].

Plusieurs hauts dignitaires de l'ArmĂ©e allemande et du rĂ©gime nazi assistent Ă  la cĂ©rĂ©monie : Rudolf Hess, Hermann Göring, Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires Ă©trangères du Reich, l'amiral Raeder, commandant en chef de la Kriegsmarine et le gĂ©nĂ©ral von Brauchitsch, commandant en chef de la Heer, l'ArmĂ©e de terre allemande[8],[7].

La délégation française est présidée par le général Huntziger et comprend le général d'aviation Bergeret, le vice-amiral Le Luc et l'ambassadeur Léon Noël[7].

Après la cérémonie militaire, les délégations prennent place dans la voiture et Hitler donne la parole à Keitel qui prononce un discours[7]. Puis le texte des conditions d'armistice est remis aux Français et les Allemands, à l'exception de Keitel et de l'interprète Schmidt, quittent les lieux[7]. Le général Jodl rejoint alors les délégués avec quelques officiers[7].

La discussion des clauses

Avant son dĂ©part pour Rethondes, le gĂ©nĂ©ral Huntziger, chef de la dĂ©lĂ©gation française, est reçu par PĂ©tain en prĂ©sence de membres du gouvernement : le nouveau ministre de la DĂ©fense, le gĂ©nĂ©ral Weygand et le ministre des Affaires Ă©trangères, Paul Baudouin[9] ; au cours de cet entretien, le chef du Gouvernement fait part de ses « instructions formelles Â» qui sont de « […] rompre immĂ©diatement la nĂ©gociation si l'Allemagne exige premièrement la remise totale ou partielle de la flotte, deuxièmement l'occupation de la mĂ©tropole, ou troisièmement l'occupation d'une partie quelconque de l'empire colonial[9]. Â»
Parallèlement, les services du ministère des Affaires Ă©trangères rĂ©digent une note : « Liste succincte des concessions qui ne pourraient ĂŞtre faites sans porter atteinte Ă  l'honneur[9] Â» ; aux trois points indiquĂ©s par PĂ©tain, s'ajoutent la livraison de l'aviation et la sauvegarde des institutions de la France et sur l'intĂ©gritĂ© du territoire il est prĂ©cisĂ© que cela concerne particulièrement l'Alsace-Lorraine et la Corse[9].

Ayant pris connaissance des conditions d'armistice Ă©dictĂ©es par les Allemands, Huntziger en rend compte Ă  Weygand, le Ă  20 h, au cours d'un long entretien tĂ©lĂ©phonique — conversation Ă©coutĂ©e par les Allemands â€” oĂą il dicte le texte intĂ©gral de la convention, aussitĂ´t transmise au Conseil de ministres rĂ©uni Ă  Bordeaux[10].

La dĂ©lĂ©gation française considère que les conditions qui sont imposĂ©es Ă  la France par l'Allemagne, bien que dures, sont toutefois acceptables car elle garde sa flotte[10] et ses colonies — conformĂ©ment aux souhaits de PĂ©tain â€” et n'est pas entièrement occupĂ©e[11]. En fait, au moment de la signature de l'armistice, les Allemands n'exigent aucune des trois conditions qui, selon les instructions de PĂ©tain, auraient Ă©tĂ© susceptibles de provoquer la rupture des nĂ©gociations[12] : « En effet, le territoire ne serait pas occupĂ© dans sa totalitĂ© puisqu'une ligne de dĂ©marcation dĂ©finirait la dĂ©limitation de la zone sous contrĂ´le allemand […]. Mais au cours des nĂ©gociations, cette ligne ne fut pas prĂ©sentĂ©e comme intangible […][12]. Â». La flotte serait simplement dĂ©sarmĂ©e et la question de l'Empire ne fut pas l'objet de ces nĂ©gociations[12].

Lors des pourparlers qui se dĂ©roulent toute la journĂ©e du 22, entrecoupĂ©s de nouvelles communications tĂ©lĂ©phoniques entre Huntziger et Weygand, la dĂ©lĂ©gation française obtient nĂ©anmoins[13] deux modifications : l'article 5 sur la livraison des avions militaires et l'article 17 sur les transferts de valeurs et de stocks, sont amendĂ©s[13]. Les Allemands refusent toute autre concession, en dĂ©pit des protestations françaises, en particulier sur l'article 19 concernant le droit d'asile et sur l'Italie (la France n'ayant pas Ă©tĂ© vaincue dans les Alpes)[14]. Ă€ la suite de l'ultimatum du gĂ©nĂ©ral Keitel, chef de la dĂ©lĂ©gation allemande, Huntziger reçoit l'ordre depuis Bordeaux de signer l'armistice[14].

Après ces deux jours de discussion, l'armistice est donc signĂ© le Ă  18 h 36[2] par les gĂ©nĂ©raux Keitel et Huntziger[8],[10].

Les motivations de Hitler

Les conditions de l'armistice sont motivĂ©es par les prĂ©occupations d'Adolf Hitler Ă  cette Ă©poque : il faut bien sĂ»r empĂŞcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais Ă  court terme, il faut veiller Ă  ce que sa flotte et l'aviation ne rejoignent pas le Royaume-Uni[3], qui reste le dernier pays Ă  vaincre ou Ă  sĂ©duire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaitĂ© en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'alliĂ© italien[3], ni le potentiel alliĂ© espagnol. Hitler a rencontrĂ© Mussolini le Ă  Munich[15] pour le convaincre de s'en tenir Ă  ses vues[15] : le Duce voulait s'emparer de la flotte et de l'aviation françaises, occuper la France jusqu'au RhĂ´ne, annexer Nice, la Savoie, la Corse, la Tunisie, la CĂ´te française des Somalis, les villes d'Alger, d'Oran et de Casablanca, ce qui n'entrait pas dans les plans de Hitler qui considĂ©rait ces prĂ©tentions dĂ©mesurĂ©es et de nature Ă  compromettre la signature de l'armistice[15],[3]. Ce sont toutes ces considĂ©rations complexes qui vont dĂ©terminer le contenu de la convention d’armistice.

Les conditions

La France coupĂ©e en diffĂ©rentes zones : zone libre, zone occupĂ©e, dĂ©partements de l'Est annexĂ©s au Reich et dĂ©partements du Nord rattachĂ©s au commandement militaire de Bruxelles.

La convention est un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes[2] :

  • les prisonniers de guerre (plus de 1,5 million d'hommes) restent en captivitĂ© jusqu'Ă  la signature d'un accord de paix ;
  • la moitiĂ© nord, ainsi que la cĂ´te atlantique, passent sous occupation allemande : c'est la zone occupĂ©e, qui couvre Ă  peu près les trois cinquièmes du territoire. Le reste constitue la « zone libre Â», c'est-Ă -dire non occupĂ©e, regroupĂ©e essentiellement au sud de la Loire. Les deux zones sont sĂ©parĂ©es par la ligne de dĂ©marcation ;
  • la France doit pourvoir Ă  l'entretien de l'armĂ©e d'occupation. Il s'avĂ©ra que le montant de ces indemnitĂ©s allait ĂŞtre fixĂ© de façon quasi-discrĂ©tionnaire par les Allemands, et leur montant s'Ă©lèvera, en moyenne, Ă  400 millions de francs par jour ;
  • dans la zone libre, l'ArmĂ©e française est limitĂ©e Ă  100 000 hommes et les troupes sont dĂ©sarmĂ©es ;
  • la souverainetĂ© française s'exerce sur l'ensemble du territoire, y compris la zone occupĂ©e, l'Alsace et le dĂ©partement de la Moselle, mais dans la zone occupĂ©e, il est stipulĂ© que l'Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante[2] Â», ce qui implique que l'administration collabore avec elle d'une « manière correcte[2] Â» (cette clause sera violĂ©e dès le mois suivant avec la rĂ©annexion de l’Alsace-Moselle[16],[17]) ;
  • l'Empire colonial français reste sous l'autoritĂ© du Gouvernement français ;
  • les bâtiments de guerre doivent rejoindre des ports « Ă  dĂ©terminer Â» pour ĂŞtre dĂ©sarmĂ©s sous le contrĂ´le respectif de l’Allemagne ou de l’Italie ;
  • la France doit livrer les rĂ©fugiĂ©s politiques allemands ou autrichiens prĂ©sents sur son sol.

La dernière condition (L’article 19 : « Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands dĂ©signĂ©s par le gouvernement du Reich qui se trouveront en France ou dans les possessions françaises. Â»[18]) est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme « contraire Ă  l'honneur[3] Â», en tout premier lieu par la dĂ©lĂ©gation française Ă  Rethondes[3].

Les réactions à l'armistice et la question de la flotte française

PĂ©tain annonce aux Français les conditions de l’armistice le 25 juin avec ces mots : « l’honneur est sauf Â» et « je ne serais pas digne de rester Ă  votre tĂŞte si j’avais acceptĂ© de rĂ©pandre le sang des Français pour prolonger le rĂŞve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n’ai placĂ© hors du sol de France ni ma personne ni mon espoir Â»[19].

De Gaulle lui rĂ©pond par un message Ă  la BBC le 26 juin : « Cet armistice est dĂ©shonorant. Les deux tiers du territoire livrĂ©s Ă  l'occupation de l'ennemi, et de quels ennemis ! Notre armĂ©e tout entière dĂ©mobilisĂ©e. Et c'est du mĂŞme ton, monsieur le marĂ©chal, que vous conviez la France livrĂ©e, la France liĂ©e, la France asservie Ă  reprendre son labeur, Ă  se refaire, Ă  se relever. Mais dans quelle atmosphère ? Par quels moyens ? Â»[20].

Churchill avait, par un message du 18 juin après que PĂ©tain ait demandĂ© l'armistice, exprimĂ© Ă  la nation française l'affection des Britanniques et l'avait assurĂ©e que son pays continuerait la lutte jusqu'Ă  la victoire[21]. ImmĂ©diatement après la signature, le cabinet de guerre britannique anticipe que la flotte française tout entière doit ĂŞtre livrĂ©e aux Allemands et aux Italiens pour ĂŞtre dĂ©sarmĂ©e. Churchill Ă©crit dans ses mĂ©moires : « Il est vrai que dans le mĂŞme article, le gouvernement allemand dĂ©clarait solennellement qu'il n'avait nulle intention d'utiliser [la flotte] Ă  ses propres fins. Mais quel homme sensĂ© aurait ajoutĂ© foi Ă  la parole d'Hitler après toutes les infamies commises? Â»[22].

DĂ©sormais aux couleurs du IIIe Reich, le « monument aux Alsaciens-Lorrains Â» Ă  la gloire des libĂ©rateurs de 1918, dĂ©truit comme l'ensemble du site (sauf la statue de Foch) peu après la signature de l’armistice.

Le sort de la flotte

Le choix de Hitler de laisser à la France vaincue une partie de son territoire et son empire[15],[3] peut paraître aujourd'hui surprenant. À l'époque, dans une lettre au Duce et lors de la réunion du à Munich, Hitler a justifié ce choix par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte à continuer la guerre à partir de ses colonies[15],[3],[23]. La Marine allemande n'était pas en mesure de conquérir le vaste empire colonial outre-Méditerranée, et l'envoi de troupes dans des contrées éloignées n'entrait pas dans la stratégie de Hitler[15]. Dans les faits, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française et de la Nouvelle-Calédonie, les colonies françaises ne se rallient ni à de Gaulle ni aux Alliés dans les mois qui suivent l'armistice, malgré la bataille de Dakar.

De son cĂ´tĂ©, Churchill, face au risque insupportable de voir la flotte française rejoindre ses ports d'attache maintenant occupĂ©s par l'ennemi conformĂ©ment aux conventions d'armistice, envoie le une force navale britannique, commandĂ©e par l'amiral Somerville, sommer l'escadre française de Mers el-KĂ©bir de se joindre Ă  elle, de se saborder, ou de rejoindre les Antilles françaises pour ĂŞtre dĂ©sarmĂ©e ou confiĂ© aux États-Unis (alors neutres mais favorables Ă  la Grande-Bretagne). L'amiral français Gensoul envoie deux messages au ministère de la Marine et le conseil des ministres se rĂ©unit Ă  15h : il refuse les conditions. L'amiral doit rejeter l'ultimatum. Selon Churchill, le cabinet de guerre ne trembla pas : « ce fut une dĂ©cision odieuse, la plus inhumaine, la plus pĂ©nible de toutes celles auxquelles j'ai Ă©tĂ© associĂ© Â»[22].

Il s'ensuit un combat naval au cours duquel le courage de la flotte française qui se bat dans une position bien dĂ©licate permet Ă  quelques navires de s’échapper malgrĂ© de grosses pertes : le cuirassĂ© Bretagne est coulĂ© ; un second, la Provence, ainsi que le croiseur de bataille Dunkerque et le contre-torpilleur Mogador, sont mis hors de combat ; le tout cause la mort de 1 297 marins français.

L'amiral Darlan avait, par avance, refusé de diriger vers les ports occupés les unités qui y avaient leur base. Il ordonna à la totalité de la flotte de se replier en Afrique du Nord. L'attaque de Mers el-Kébir l'incita à la baser à Toulon dès la fin de l'année 1940.

Les enregistrements sonores des discussions

Dans l'incertitude de leur issue, les conversations et discussions entre les membres des deux dĂ©lĂ©gations, et celles entre les membres de la dĂ©lĂ©gation française et le gouvernement Philippe PĂ©tain, furent enregistrĂ©es par les Allemands Ă  l'insu des Français. Ă€ l'occasion de la dĂ©couverte par le collectionneur Bruno Ledoux de la copie qui fut, Ă  la suite de la signature de l'Armistice et du dĂ©but de la Collaboration, remise au marĂ©chal PĂ©tain, connue des historiens sous le nom de « malle PĂ©tain Â» mais perdue jusqu'en 2015, France TĂ©lĂ©vision en diffuse de larges parties en [24].De courts extraits provenant de la copie des enregistrements originaux allemands sur bandes magnĂ©tiques, dĂ©tenue aux Archives fĂ©dĂ©rales, en avaient auparavant Ă©tĂ© diffusĂ©s par Philippe Alfonsi sur Europe 1 dans les annĂ©es 70 puis sur France Inter en 1990[25]. Le document sonore retrouvĂ© par Bruno Ledoux, comprenant, sous la forme de 45 disques 78 tours en aluminium une face, de plus de 3 heures, Ă  en tĂŞte PrĂ©sidence du Conseil, Administration de la Radiodiffusion nationale, Centre des enregistrements, et comportant les inscriptions manuscrites allemandes 22 juin 1940, Tag.2, VerhandlĂĽng, Compiègne, contenant l'intĂ©gralitĂ© des discussions qui se sont tenues dans le wagon le , sera offert par Bruno Ledoux Ă  la France pour ĂŞtre conservĂ© aux Archives Nationales[26].

L'armistice du 24 juin avec l'Italie

Le règlement du conflit avec l'Italie fasciste fait l'objet d'un autre armistice signé le .

L'Italie, bien que revendiquant, entre autres, l'ancien comté de Nice et la Savoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter de la zone d'occupation de Menton (Alpes-Maritimes). Les autres territoires revendiqués, depuis la frontière franco-italienne jusqu'au Rhône ainsi que la Corse, ne seront occupés par l'Armée italienne qu'ultérieurement, le , lors de l'invasion de la zone antérieurement non occupée.

Notes et références

Notes

  1. Le dĂ©but du texte initial du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, modifiĂ© pour la radiodiffusion, est ensuite rĂ©tabli Ă  l'Ă©crit : « […] Ce gouvernement, allĂ©guant la dĂ©faite de nos armĂ©es, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. […] Â»
  2. Keitel occupe le poste de Chef des Oberkommandos der Wehrmacht (OKW) depuis 1938. Au cours du mois qui suit la campagne de France, le , il est nommé Generalfeldmarschall, comme onze autres généraux, dont Brauchitsch, également présent à Rethondes.

Références

  1. Ministère des Affaires Ă©trangères – Commission de publication des documents diplomatiques français, Documents diplomatiques français – 1940 – Les armistices de juin 1940, vol. 3 de Documents diplomatiques français – 1939-1944, Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, , 199 p. (ISBN 978-90-5201-181-3, prĂ©sentation en ligne) .
  2. Convention d'armistice.
  3. Miquel 1986, p. 153-154.
  4. Robert Paxton, La France de Vichy, Le Seuil, , p. 99
  5. Mary et al., p. 221.
  6. Appel de Pétain du 17 juin.
  7. Jäckel 1968, p. 60-63.
  8. Musée de la clairière de l'Armistice.
  9. Ferro 1987, p. 97-98.
  10. Jäckel 1968, p. 63-65.
  11. Ferro 2013, p. 99.
  12. Ferro 1987, p. 99.
  13. Jäckel 1968, p. 64.
  14. Jäckel 1968, p. 64-65.
  15. Jäckel 1968, p. 55-58.
  16. Fabrice Grenart, Florent Le Bot et CĂ©dric Perrin, Histoire Ă©conomique de Vichy, Perrin, , p. 57
  17. Dès juillet 1940, un cordon douanier sépare l’Alsace et la Moselle du reste du territoire. L’Allemagne rattache l’Alsace à la région de Bade et la Moselle à celle de la Sarre (cf. Histoire économique de Vichy, p. 57).
  18. Gilbert Badia, « 1940-1944, quand Vichy livrait Ă  Hitler les Ă©trangers rĂ©fugiĂ©s en France Â», Hommes & Migrations,‎ (lire en ligne) .
  19. « PĂ©tain annonce aux Français les conditions de l’armistice (25 juin 1940) Â», sur Clionautes,
  20. « RĂ©ponse au MarĂ©chal PĂ©tain après la dĂ©claration d'Armistice du 25 juin 1940 Â», sur INA
  21. « Enseigner la RĂ©sistance Â», sur RĂ©seau CanopĂ©
  22. Winston Churchill, MĂ©moires de guerre 1919-1941, Tallandier, , p. 350 et s.
  23. (de) Christoph Raichle, Hitler als Symbolpolitiker, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, , 473 p. (ISBN 978-3-17-025193-9, prĂ©sentation en ligne), p. 361 .
  24. « France 5 diffuse des enregistrements secrets de l’armistice de 1940 Â», sur timesofisrael, (consultĂ© le )
  25. CĂ©dric Mathiot, « Non, l'enregistrement des nĂ©gociations de l'armistice de 1940 diffusĂ© ce soir sur France 5 n'est pas inĂ©dit Â», sur LibĂ©ration, (consultĂ© le )
  26. Marion Bothorel, « VIDEO. Après 70 ans de silence, des enregistrements secrets font revivre la signature de l'armistice de 1940 Â», sur francetvinfo.fr, (consultĂ© le )

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

Ouvrages historiques

  • Marc Ferro, PĂ©tain, Paris, librairie Arthème Fayard, (rĂ©impr. 2008), 789 p. (ISBN 978-2-213-01833-1) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Marc Ferro (avec la participation de Serge de Sampigny), PĂ©tain en vĂ©ritĂ©, Paris, Ă©ditions Tallandier, , 302 p. (ISBN 979-10-210-0130-5, notice BnF no ) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Eberhard Jäckel (trad. de l'allemand par Denise Meunier, prĂ©f. Alfred Grosser), La France dans l'Europe de Hitler [« Frankreich in Hitlers Europa – Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg Â»], Paris, Fayard, coll. Â« Les grandes Ă©tudes contemporaines Â», (1re Ă©d. Deutsche Verlag-Anstalg GmbH, Stuttgart, 1966), 554 p. (ASIN ) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel et Jacques Sicard, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. III : Le destin tragique de la ligne Maginot, Paris, Ă©ditions Histoire & collections, coll. Â« L’EncyclopĂ©die de l'ArmĂ©e française Â» (no 2), , 246 p. (ISBN 978-2-913903-88-3, notice BnF no )
  • Pierre Miquel, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, (rĂ©impr. Paris, Club France Loisirs, 1987), 651 p. (ISBN 978-2-213-01822-5, 978-2213018225 et 2-7242-3370-0) . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Article

  • Françoise Berger, « L'armistice de 1940 : nĂ©gociations et consĂ©quences Â», Revue de la sociĂ©tĂ© des amis du musĂ©e de l'ArmĂ©e, no 140,‎ , p. 57-65 (lire en ligne [PDF]) .

Document en ligne

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes