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Évacuation de Dunkerque

L'évacuation de Dunkerque, communément appelée le miracle de Dunkerque et designée sous le nom de code opération Dynamo par les Britanniques, est un épisode de la Seconde Guerre mondiale consistant en l'évacuation des soldats alliés des plages et du port de Dunkerque, en France, entre le et les premières heures du , après que ces troupes britanniques, françaises et belges ont été coupées de leurs arrières par l'armée allemande, durant la bataille de Dunkerque[1] - [2].

Opération Dynamo

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Description de cette image, également commentée ci-après
Troupes britanniques embarquant sur un pont de bateaux.
Type Evacuation
Localisation Dunkerque et sa région (France)
Planification Amirauté britannique
Planifiée par Amiral Ramsay
Cible Douvres (Angleterre)
Date 26 mai - 4 juin 1940
Participants Marines britannique, française et canadienne
Issue Évacuation du « B.E.F. » et de soldats français
Pertes 40 000 prisonniers

L'évacuation est ordonnée le [3] sans concertation avec les autorités françaises. Ce sauvetage rend ainsi irréalisable le plan de contre-attaque prévu pour réaliser la jonction des armées françaises et britanniques.

Dans un discours à la Chambre des communes, Winston Churchill qualifie les événements en France de « désastre militaire colossal », disant que « la racine, le noyau et le cerveau de l'armée britannique » ont été bloqués à Dunkerque et semblent sur le point de périr ou d'être capturés. Le dans son discours « We Shall Fight on the Beaches » (« Nous nous battrons sur les plages »), il salue les secours comme un « miracle de la délivrance »[4].

Le premier jour d'embarcation, seulement 7 011 hommes sont Ă©vacuĂ©s, mais au neuvième jour, un total de 338 226 soldats (198 229 Britanniques,139 997 Français et 16 816 belges )[5] sont sauvĂ©s par une flotte de 850 bateaux assemblĂ©s Ă  la hâte. Beaucoup de soldats ont ainsi pu s'embarquer Ă  partir de la digue de protection du port, cela, au moyen de 42 destroyers britanniques et autres grands navires, tandis que d'autres ont Ă  patauger des plages vers les navires, attendant, pendant des heures, de pouvoir monter Ă  bord, de l'eau jusqu'aux Ă©paules. Des milliers de soldats sont transportĂ©s depuis les plages vers les plus grands navires, par les « petits navires de Dunkerque », une flottille hĂ©tĂ©roclite d'environ 700 bateaux de la marine marchande, de la flotte de pĂŞche, de la flotte de plaisance et des canots de la Royal National Lifeboat Institution, le plus petit Ă©tant Tamzine, un bateau de pĂŞche de 4,6 m de long opĂ©rant sur la Tamise, qui se trouve maintenant Ă  l'Imperial War Museum. Les Ă©quipages civils sont Ă©galement appelĂ©s Ă  prendre du service, vu l'urgence. Le « miracle des petits bateaux » reste au premier plan dans la mĂ©moire populaire au Royaume-Uni[6] - [7].

L'opération Dynamo tient son nom de la salle de la dynamo du quartier général naval situé sous le château de Douvres, qui contient le générateur qui alimente le bâtiment en électricité tout au long de la guerre. C'est en cette salle que le vice-amiral britannique Bertram Ramsay planifie l'opération et qu'il informe Winston Churchill de son exécution[8].

Évacuation

Zone de l'Ă©vacuation.
Soldats anglais en retraite, Dunkerque.

En raison de la censure en temps de guerre et de la volonté de maintenir le moral de la nation, la pleine mesure du déroulement du « désastre » autour de Dunkerque n'a pas été médiatisée. Toutefois, la situation grave des troupes a conduit le roi George VI à appeler à une semaine sans précédent de prière. Le , partout dans le pays, les gens priaient pour une délivrance miraculeuse[9]. L'archevêque de Canterbury a conduit les prières « pour nos soldats en situation de grand péril en France ». Des prières similaires ont été faites dans les synagogues et les églises à travers toute la Grande-Bretagne ce jour-là, ce qui confirme que le public soupçonnait la situation désespérée des troupes[10].

Les plans initiaux prĂ©voyaient le sauvetage de 45 000 hommes du Corps expĂ©ditionnaire britannique (BEF) en deux jours, dĂ©lai au bout duquel il Ă©tait attendu que les troupes allemandes seraient en mesure de bloquer toute nouvelle Ă©vacuation. Seuls 25 000 hommes ont Ă©tĂ© embarquĂ©s pendant cette pĂ©riode, dont 7 000 le premier jour[11]. Dix destroyers supplĂ©mentaires ont rejoint l'opĂ©ration de sauvetage le et ont tentĂ© de participer en dĂ©but de matinĂ©e, mais ont Ă©tĂ© incapables d'approcher suffisamment près des plages, bien que plusieurs milliers de soldats eurent Ă©tĂ© secourus. Toutefois, le rythme de l'Ă©vacuation de la poche de Dunkerque, qui ne cessait de se rĂ©trĂ©cir, croissait rĂ©gulièrement.

Le , 47 000 soldats britanniques ont Ă©tĂ© sauvĂ©s[12] malgrĂ© la première attaque aĂ©rienne massive de la Luftwaffe dans la soirĂ©e. Le lendemain, 54 000 hommes supplĂ©mentaires[13] ont embarquĂ©, dont les premiers soldats français[14]. 68 000 hommes et le commandant de la BEF, Lord Gort, ont Ă©vacuĂ© le [15]. 64 000 soldats alliĂ©s supplĂ©mentaires sont partis le 1er juin[16], avant que les attaques aĂ©riennes n'empĂŞchent l'Ă©vacuation de jour de se poursuivre[11]. L'arrière-garde britannique a quittĂ© la France dans la nuit du , avec 60 000 soldats français[16]. Un contingent de 26 000 soldats français supplĂ©mentaires a Ă©tĂ© extrait pendant la nuit suivante avant l’achèvement de l’opĂ©ration[11].

Deux divisions françaises sont restées en arrière pour protéger l'évacuation. Bien qu'elles aient stoppé l'avance allemande, elles furent bientôt capturées. Le reste de l'arrière-garde, essentiellement française, s'est rendu le . Le lendemain, la BBC a rapporté que « le major-général Harold Alexander [le commandant de l'arrière-garde] a inspecté les rivages de Dunkerque depuis un bateau, ce matin, pour s'assurer que personne n'avait été laissé derrière avant de prendre le dernier bateau pour la Grande-Bretagne. »[2] - [17]

Le Ă  9 h 40, la 18e armĂ©e allemande de la Wehrmacht commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral von KĂĽchler, occupe Dunkerque, 40 000 soldats français sont faits prisonniers.

Tableau synoptique des troupes évacuées de la poche de Dunkerque
DateTroupes évacuées depuis les plagesTroupes évacuées depuis le port de DunkerqueTotal
-7 6697 669
5 93011 87417 804
13 75233 55847 310
29 51224 31153 823
22 94245 07268 014
1er juin17 34847 08164 429
6 69519 56126 256
1 87024 87626 746
62225 55326 175
Total98 780239 446338 226
Canonnier de la Royal Navy protégeant l'évacuation de Dunkerque (1940).

Petits bâtiments

La plupart des « petits navires » étaient des bateaux de pêche et des bateaux de plaisance privés, mais les navires de commerce ont également contribué à l'opération, y compris un certain nombre de navires venant de très loin (île de Man et Glasgow). Guidés par les embarcations de la marine à travers la Manche, depuis l'estuaire de la Tamise et Douvres, ces petits navires ont été en mesure de beaucoup plus s'approcher de la plage et ont fait la navette entre le rivage et les destroyers, embarquant les troupes qui faisaient la queue dans l'eau (certains attendaient pendant des heures, de l'eau jusqu'aux épaules, pour embarquer sur des navires plus grands). Des milliers de soldats ont également été rapatriés à bord de petits navires en Grande-Bretagne.

Trente-neuf bateaux cĂ´tiers nĂ©erlandais qui avaient Ă©chappĂ© Ă  l'occupation des Pays-Bas par les Allemands le ont Ă©tĂ© invitĂ©s par le bureau maritime nĂ©erlandais de Londres Ă  se joindre Ă  l'opĂ©ration de sauvetage. Les bateaux cĂ´tiers nĂ©erlandais ont Ă©tĂ© capables de s'approcher très près des plages grâce Ă  leur fond plat et sauvèrent 22 698 hommes, malgrĂ© la perte de sept bateaux[18].

Dix-neuf canots de sauvetage de la Royal National Lifeboat Institution (RNLI) ont fait route vers Dunkerque. Ceux rattachés aux postes de sauvetage de Ramsgate et de Margate ont été conduits directement en France par leurs équipes de bénévoles habituels, mais les autres ont navigué jusqu'à Douvres, où ils ont été réquisitionnés par la Royal Navy, qui a fourni les équipages. Quelques équipages de la RNLI sont restés à Douvres pour mettre en place un atelier de réparation et de ravitaillement en carburant pour les petits navires. Le canot de sauvetage The Viscountess Wakefield a été perdu après qu'il eut atteint la plage de Dunkerque[19]. Le Jane Holland a subi une voie d'eau lors d'un éperonnage accidentel par un torpilleur, puis son moteur est tombé en panne après avoir été mitraillé par un avion. Il a été abandonné, mais retrouvé plus tard à la dérive, il a été remorqué jusqu'à Douvres et réparé. Il est retourné au service actif le [20].

Faisaient notamment partie de cette flottille de canots de sauvetage :

  • The Cyril and Lilian Bishop (numĂ©ro officiel de la RNLI 740), un canot auto-redressable de 10,82 mètres basĂ© Ă  Hastings[21] ;
  • Jane Holland, douze mètres, un canot auto redressable d'Eastbourne[20] ;
  • The Michael Stevens (ON 838), un 46 pieds (14 m) de la classe Watson basĂ© Ă  Lowestoft[22] ;
  • The Viscountess Wakefield (ON 783), un 41 pieds (12 m) de la classe Watson de Hythe dans le Kent[23] ;
  • Thomas Kirk Wright (ON 811), un 32 pieds (9,8 m) de la classe Surf de Poole[24] ;
  • un canot sans nom (ON 826), un 35 pied (10,7 m), un canot auto-redressable nouvellement construit. Il a Ă©tĂ© rĂ©parĂ© et remis au service actif en 1941 Ă  Cadgwith avec le nom de Guide of Dunkirk[24] ;
  • Mary Scott. LancĂ© en 1925, longueur 14,17 m, disposant d'un mât de 3,89 m, et d'un tirant d'eau d'un mètre. Ă€ Southwold, le Mary Scott a Ă©tĂ© remorquĂ© jusqu'Ă  Dunkerque par le bateau Ă  aubes Empress of India, avec deux autres petits bateaux. Ă€ eux trois, ils ont transportĂ© 160 hommes jusqu'Ă  leur vaisseau-mère, et ont fait un voyage avec cinquante hommes Ă  bord jusqu'Ă  un autre navire de transport. Il a Ă©tĂ© abandonnĂ© sur la plage, rĂ©cupĂ©rĂ© et remis en service par la RNLI de Southwold ;
  • Dowager. LancĂ© en 1933, comme le Rosa Woodd et le Phyllis Lunn. 12,5 m de long, dotĂ© d'un mât haut de 3,56 m, et disposant d'un tirant d'eau de 0,91 m. BasĂ© Ă  Shoreham, Il a fait trois voyages entre Douvres et Dunkerque ;
  • Stenoa. Mis Ă  la mer en 1929, comme le Cecil and Lilian Philpott. Longueur 13,87 m, dotĂ© d'un mât haut de 3,81 m, et disposant d'un tirant d'eau de 1,37 m. Il a sauvĂ© 51 personnes de la plage de Dunkerque. Puis est retournĂ© au service dans la RNLI Ă  Newhaven.

Pertes

Hommes et matériels

MalgrĂ© le succès de l'opĂ©ration, 40 000 soldats, pour l'essentiel français, ont Ă©tĂ© capturĂ©s dans la poche de Dunkerque. En outre, tous les Ă©quipements lourds et les vĂ©hicules ont dĂ» ĂŞtre abandonnĂ©s. 2 472 canons, près de 65 000 vĂ©hicules et 20 000 motocyclettes ont Ă©tĂ© laissĂ©s en France. 377 000 tonnes d'approvisionnement, plus de 68 000 t de munitions et 147 000 t de carburant ont Ă©galement Ă©tĂ© abandonnĂ©es[25].

Pertes navales

Six destroyers britanniques et trois français ont Ă©tĂ© coulĂ©s, avec neuf autres grands bateaux. En outre, 19 destroyers ont Ă©tĂ© endommagĂ©s[16]. Au total, plus de 200 bâtiments alliĂ©s ont Ă©tĂ© coulĂ©s et autant ont Ă©tĂ© endommagĂ©s[26].

Les pertes les plus importantes de la Royal Navy sont les six destroyers suivants :

  • HMS Grafton, coulĂ© par le U-62 le ;
  • HMS Grenade, coulĂ© par une attaque aĂ©rienne au large de la jetĂ©e est de Dunkerque le ;
  • HMS Wakeful, coulĂ© par une torpille du Schnellboot (E-boot) S-30 le ;
  • HMS Basilisk, Havant et Keith, coulĂ©s par une attaque aĂ©rienne au large des plages, le 1er juin.

La marine française a perdu trois torpilleurs :

  • le Bourrasque, par un tir de batterie depuis la plage de Nieuport le (comme l'a reconnu plus tard un jugement du tribunal de guerre qui a innocentĂ© le capitaine de FrĂ©gate FouquĂ©) ;
  • le Sirocco, coulĂ© par les Schnellboote S-23 et S-26 le ;
  • le Foudroyant, coulĂ© par une attaque aĂ©rienne au large des plages, le .

La Royal Navy a revendiquĂ© avoir dĂ©truit 35 appareils de la Luftwaffe grâce aux tirs depuis ses navires durant la pĂ©riode du au , et avoir endommagĂ© 21 autres aĂ©ronefs[27].

Pertes aériennes

Winston Churchill a révélé dans ses écrits sur la Seconde Guerre mondiale que la Royal Air Force (RAF) avait joué un rôle majeur dans la protection des troupes en retraite contre la Luftwaffe. Churchill a également écrit que le sable des plages avait amorti les explosions des bombes allemandes.

Entre le et le , la RAF a enregistrĂ© un total de 4 822 sorties au-dessus de Dunkerque, perdant un peu plus de 100 avions dans les combats[28]. Heureusement pour la BEF, le mauvais temps a clouĂ© au sol la Luftwaffe pendant la plus grande partie de l'opĂ©ration contribuant ainsi Ă  rĂ©duire les pertes[29] - [30].

La RAF a revendiquĂ© la destruction de 262 appareils de la Luftwaffe au-dessus de Dunkerque[31]. La RAF a perdu 177 avions entre le et le , tandis que la Luftwaffe a perdu 240 avions pendant la mĂŞme pĂ©riode[32]. Les pertes de chasseurs d'unitĂ©s basĂ©es en France et en Grande-Bretagne du au se sont Ă©levĂ©es Ă  432, tandis que le total des pertes de la RAF, toutes causes confondues pendant les mois de mai et juin ont Ă©tĂ© de 959 appareils, dont 477 chasseurs[33]. Cependant, la plupart des duels aĂ©riens ont eu lieu loin des plages et les troupes en retraite ont largement ignorĂ© cette aide vitale. En consĂ©quence, de nombreux soldats britanniques accusèrent amèrement les aviateurs de n'avoir rien fait pour les aider[34].

Conséquences

Troupes britanniques évacuées rassemblées à bord d'un navire à Dunkerque.
Troupes françaises évacuées de Dunkerque débarquant dans un port de la côte sud de l'Angleterre.

La conséquence immédiate de l'opération est le déséquilibre des forces entre les armées alliées et les armées allemandes sur le territoire français ; à compter de cette évacuation, la bataille de France est irrémédiablement compromise pour les troupes françaises poursuivant le combat.

Avant que l'opération ne soit achevée, le pronostic avait été sombre, avec Winston Churchill qui prévenait la Chambre des communes à s’attendre à « des nouvelles dures et lourdes ». Par la suite, Churchill fait mention à l'issue de cette opération comme d’un « miracle », et la presse britannique a présenté l'évacuation comme une « catastrophe qui a basculé vers le triomphe », succès tel, que Churchill a dû rappeler au pays, dans un discours à la Chambre des communes le , que « nous devons être très prudents de ne pas attribuer à cette délivrance les attributs d'une victoire. Les guerres ne se gagnent pas avec des évacuations ». Néanmoins, les exhortations à « l'esprit de Dunkerque », une expression utilisée pour décrire la tendance de l'opinion publique britannique à se rassembler et à surmonter les moments d'adversité, sont toujours présentes dans l’inconscient britannique aujourd'hui[35].

Le sauvetage des troupes britanniques à Dunkerque a fourni une impulsion psychologique au moral britannique, pour l'ensemble du pays cela a été considéré comme une grande victoire. Alors que l'armée britannique avait perdu une grande partie de ses équipements et de ses véhicules en France, elle avait sauvé la plupart de ses soldats et a pu les affecter à la défense de la Grande-Bretagne. Une fois la menace d'invasion passée, ils ont été transférés outremer, au Moyen-Orient et sur d'autres théâtres. Ils ont également formé le noyau de l'armée qui est retournée en France en 1944.

Les forces terrestres allemandes auraient pu pousser leur attaque contre le corps expéditionnaire britannique (BEF) et ses alliés, en particulier après avoir conquis les ports de Calais et Boulogne. Pendant des années, on a supposé qu’Adolf Hitler avait ordonné à l'armée allemande d'arrêter l’attaque pour favoriser les bombardements par la Luftwaffe. Toutefois, selon le journal de guerre officiel du Groupe d'armées A, le Generalfeldmarshall Gerd von Rundstedt — le chef d'état-major général —, préoccupé par la vulnérabilité de ses flancs et l’approvisionnement de ses troupes en pointe, a ordonné l'arrêt. Hitler aurait simplement validé l’ordre quelques heures plus tard. Cette accalmie a donné aux Alliés quelques jours pour évacuer par voie maritime. Néanmoins, il convient de noter que les journaux des unités et formations sont tenus par des officiers subalternes n'ayant pas toutes les informations et ceux-ci contiennent souvent des erreurs. Ce que le passage plutôt vague du journal de guerre suggère, au mieux, est que Rundstedt exprima, dans son rapport, certaines inquiétudes qui s'accordaient avec celles du Führer. Selon les témoignages de tous les officiers Allemands impliqués, cet ordre fut bel et bien donné par Hitler[36].

Plusieurs hauts commandants allemands, par exemple, les généraux Erich von Manstein et Heinz Guderian, ainsi que l'amiral Karl Dönitz, ont considéré l'incapacité du haut commandement allemand à ordonner un assaut rapide sur Dunkerque pour éliminer le BEF comme l'une des principales erreurs que les Allemands aient faite sur le front occidental durant la Seconde Guerre mondiale.

Plus de 100 000 soldats français Ă©vacuĂ©s ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s vers des camps dans diffĂ©rents lieux dans le sud-ouest de l'Angleterre oĂą ils ont Ă©tĂ© hĂ©bergĂ©s temporairement, avant d'ĂŞtre rapidement rapatriĂ©s[37]. Les navires britanniques ont transportĂ© les troupes françaises Ă  Brest, Cherbourg et vers d’autres ports de la Normandie et de la Bretagne, bien que seulement environ la moitiĂ© des troupes rapatriĂ©es ait Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©es contre les Allemands avant l'armistice. Seule une minoritĂ© resta en Angleterre et rejoignit, par la suite, la France libre[38]. Pour beaucoup de soldats français, l'Ă©vacuation de Dunkerque ne fut pas un salut, mais un sursis de quelques semaines avant d'ĂŞtre faits prisonniers par l'armĂ©e allemande en France[39].

En France, la prĂ©fĂ©rence perçue de la Royal Navy pour Ă©vacuer les forces britanniques au dĂ©triment des Français a conduit Ă  un certain ressentiment. L'amiral français François Darlan avait Ă  l’origine ordonnĂ© que les forces britanniques devraient avoir la prĂ©fĂ©rence, mais Churchill Ă©tait intervenu, lors d'une rĂ©union Ă  Paris, pour ordonner que l'on procède de façon Ă©gale pour les deux troupes et pour que les Britanniques forment l'arrière-garde[40]. Les 35 000 soldats de l'arrière-garde furent pour l'essentiel français. Ils furent capturĂ©s après que l'Ă©vacuation fut prolongĂ©e d’une journĂ©e et permit d’embarquer 26 175 Français en Grande-Bretagne le .

Pour sept soldats qui se sont Ă©chappĂ©s de Dunkerque, un homme a Ă©tĂ© fait prisonnier de guerre. La majoritĂ© de ces prisonniers ont Ă©tĂ© envoyĂ©s par des marches forcĂ©es en Allemagne. Des prisonniers ont rapportĂ© le traitement brutal subi de la part de leurs gardiens, dont les coups, la faim, et les assassinats. En particulier, les prisonniers britanniques se plaignaient que les prisonniers français reçoivent un traitement prĂ©fĂ©rentiel[41]. Une autre plainte majeure Ă©tait que les gardes allemands renversaient les seaux d'eau qui avaient Ă©tĂ© laissĂ©s au bord de la route par des civils français[42]. Beaucoup de prisonniers ont Ă©tĂ© conduits vers la ville de Trèves, au bout de 20 jours de marche. D'autres ont Ă©tĂ© conduits jusqu’à l'Escaut et ont Ă©tĂ© envoyĂ©s par barge vers la Ruhr. Les prisonniers Ă©taient ensuite envoyĂ©s par train dans les diffĂ©rents camps de prisonniers de guerre en Allemagne[43]. La majoritĂ© des prisonniers, les caporaux et les soldats, ont travaillĂ© par la suite pour l'industrie allemande et l'agriculture pendant cinq ans[44].

Les pertes très importantes de matériel militaire abandonné à Dunkerque ont renforcé la dépendance financière du gouvernement britannique envers les États-Unis.

La croix de saint Georges arborée à l'étrave d'un bateau est connue comme le pavillon de Dunkerque et est seulement arborée par les bateaux civils de toutes tailles qui ont pris part à l'opération de sauvetage de Dunkerque en 1940. Les seuls autres navires autorisés à arborer ce pavillon à l'étrave sont ceux avec un amiral de la flotte à bord.

Le sociologue Richard Titmuss a vu dans cet événement les germes de la « société généreuse » à venir. À l'été 1940, avec Dunkerque, « l'humeur du peuple changea et, avec elle, les valeurs. Puisque les dangers devaient être partagés, il devait en être de même pour les ressources »[45].

Dans la culture populaire

  • The Snow Goose (L'oie des neiges), un roman de 1941 de Paul Gallico, a racontĂ© l'histoire d'un artiste solitaire qui participe Ă  l'Ă©vacuation au prix de sa vie. Il a donnĂ© lieu Ă  un film, avec Richard Harris et Jenny Agutter, qui a Ă©tĂ© primĂ© en 1971 ;
  • dans le film Madame Miniver, auquel a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© un Oscar du cinĂ©ma en 1942, le mari de Mme Miniver prend part Ă  l'Ă©vacuation. Robert Owen Wilcoxon, le frère de l'acteur Henry Wilcoxon qui joue le vicaire dans le film, a Ă©tĂ© tuĂ© en participant Ă  l'Ă©vacuation ;
  • le thriller de Katherine Kurtz Lammas Night met en scène un personnage pris dans l'Ă©vacuation ;
  • le roman Week-end Ă  Zuydcoote de Robert Merle publiĂ© en 1949 raconte l'histoire d'un soldat français lors de l'Ă©vacuation. Il a remportĂ© le prix Goncourt la mĂŞme annĂ©e. Il a Ă©tĂ© adaptĂ© au cinĂ©ma en 1964 par Henri Verneuil ;
  • l'histoire est l'objet du Dunkerque, un film de 1958 de Leslie Norman ;
  • dans la mini-sĂ©rie de 1981 de la BBC Television Private Schulz, le personnage-titre (un espion allemand peu enthousiaste) s'Ă©chappe du Royaume-Uni grâce Ă  un des bateaux d'Ă©vacuation voguant vers le continent ;
  • l'Ă©vacuation a Ă©tĂ© figurĂ©e en bonne place dans le roman de Ian McEwan Expiation et dans l'adaptation cinĂ©matographique Reviens-moi (2007). La version cinĂ©matographique contient une sĂ©quence continue de 4 minutes et demie montrant des troupes alliĂ©es sur la plage de Dunkerque qui attendent d'ĂŞtre Ă©vacuĂ©es (filmĂ© sur la plage de Redcar, Yorkshire du Nord) ;
  • l'Ă©vacuation et la bataille de Dunkerque ont Ă©tĂ© jouĂ©es de nouveau dans le docudrame de la BBC Television de 2004 Dunkerque ;
  • le roman Dunkirk Crescendo (2005) de Bodie Thoene met en scène le miracle de Dunkerque. Le roman commence dĂ©but mai, avant que Churchill ne devienne Premier ministre, et se termine le , lorsque l'Ă©vacuation s'achève ;
  • l'Ă©vacuation est mise en scène dans le roman de Doctor Who The Nemonite Invasion (2009) ;
  • dans le roman de Connie Willis, Black-out (2010), Mike Davies, l'un des protagonistes voyageur dans le temps de l'histoire, a l'intention d'observer l'Ă©vacuation comme un historien, mais est inconsciemment attirĂ© par l'action, le faisant s'inquiĂ©ter d'avoir peut ĂŞtre fait quelque chose qui changera le cours de l'histoire ;
  • les efforts de l'historien de la tĂ©lĂ©vision Dan Snow pour sauver les Britanniques bloquĂ©s en France Ă  la suite de perturbations du transport aĂ©rien en raison de l'Ă©ruption volcan Eyjafjallajökull en 2010 ont Ă©tĂ© dĂ©crits comme recrĂ©ant l'esprit de Dunkerque. La police française Ă  Calais a stoppĂ© leur effort[46] ;
  • le roman pour jeunes adultes de Nancy L. Hull On Rough Seas (Sur des mers agitĂ©es) (2008), une adolescente de 14 ans, Alex Curtis prend part Ă  l'Ă©vacuation de Dunkerque ;
  • dans le roman de Dorita Fairlie Bruce Toby of Tibbs Cross, Miles Haydon prend son bateau et met le cap sur Dunkerque pour aider Ă  l'Ă©vacuation. Le livre a Ă©tĂ© publiĂ© en 1942 et est un rĂ©cit fictif intĂ©ressant car contemporain de l'Ă©vacuation ;
  • le jeu vidĂ©o armes Secret Weapons Over Normandy se concentre sur l'Ă©vacuation de Dunkerque pendant la mission Adlertag ;
  • dans le jeu vidĂ©o Blazing Angels: Squadrons of WWII, deux missions se concentrent sur l'Ă©vacuation ;
  • l'Ă©vacuation est un point d'intrigue majeure dans l'Ă©pisode The White Feather (La plume blanche) de la sĂ©rie Foyle's War.
  • Dyptique Ă©crit par Connie Willis et composĂ© de Black-out et All Clear, tous deux parus en 2010
  • l'opĂ©ration Dynamo est l'intrigue principale de Dunkerque (VO : Dunkirk) de Christopher Nolan, dont le tournage dĂ©bute en , Ă  Dunkerque mĂŞme. Le film est sorti le .
  • En , une application mobile Operation Dynamo - Dunkerque 1940[47] - [48], rĂ©alisĂ©e pour Dunkerque Grand Littoral, permet de dĂ©couvrir en contexte les diffĂ©rents Ă©vĂ©nements clĂ©s de l'Ă©vacuation, en diffĂ©rents points de vue (soldats, civils), au travers de rĂ©cits, d'archives et d'expĂ©riences immersives en rĂ©alitĂ© augmentĂ©e ou virtuelle.

Notes et références

  1. « 1940: Dunkirk rescue is over – Churchill defiant », BBC, 2008. Consulté le 25 juillet 2010.
  2. Longden 2009, p. 1.
  3. Longden 2009, p. 48.
  4. Safire 2004, p. 146.
  5. Taylor, 1965.
  6. David J. Knowles, « The 'miracle' of Dunkirk », BBC News, 30 mai 2000. Consulté le 18 juillet 2009.
  7. « History », The Association of Dunkirk Little Ships. Consulté le 11 avril 2008.
  8. Lord 1983, p. 43–44.
  9. Miller 1997, p. 83.
  10. Gelb 1990, p. 82.
  11. Liddell Hart, 1999.
  12. Keegan 1989.
  13. Liddell Hart 1999, p. 79.
  14. Murray et Millett 2000, p. 80.
  15. Keegan 1989, p. 81.
  16. Murray et Millett, 2000.
  17. L’inspection des plages, quant à elle, avait eu lieu dans les premières heures du matin précédent.
  18. (nl) « Operation Dynamo », wivonet.nl. Consulté le 27 juillet 2010.
  19. Alec Beilby, More lifeboats at Dunkirk Lifeboat, (RNLI) Volume 53, Issue 530, 1994, p. 270.
  20. Morris et Hendy 2006, p. 13–14.
  21. Morris 2000, p. 7.
  22. Salsbury 2010, p. 79.
  23. Denton 2009, p. 16–17.
  24. Denton 2009, p. 18–19.
  25. Longden 2009, p. 11.
  26. Holmes 2001, p. 267.
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  28. « Operation Dynamo, the evacuation from Dunkirk of 27 May-4 June 1940 ».
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Voir aussi

Sources et bibliographie

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