Chasse en France
Cet article résume les faits marquants de l'histoire de la chasse en France et traite des enjeux reliés à la chasse dans ce pays.
La chasse est pour certains nécessaire, du fait de la quasi-absence de grands prédateurs naturels (outre l'homme), du réchauffement climatique, de l'extension urbaine et de la forte resilience de certaines espÚces et de leur impact sur la flore[1] - [2] - [3] - [4].
La chasse est une activité réglementée, correspondant à la rubrique « 0170Z (Chasse, piégeage et services annexes) » de la Nomenclature d'activités française (version 2008). Bien pratiquée, elle permet la regulation des espÚces par les prélÚvements annuels demandés et le tir sanitaire des individus malades, le maintien de la biodiversité, le dédommagement des cultures détruites, la dépollution des milieux naturels, le suivi et la connaissance approfondie de la faune sauvage. Cependant, certains chasseurs ne respectent pas ou peu la réglementation[1] - [2] - [5] - [3] - [4].
DiffĂ©rentes formes de chasse en France font aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques et de dĂ©bats entre les chasseurs, qui entendent poursuivre ou faire Ă©voluer les traditions de chasse, et d'autres acteurs, dont certains Ă©cologistes, qui entendent en rĂ©guler les modalitĂ©s voir mĂȘme en sortir progressivement.
Histoire
Moyen Ăge
Au Moyen Ăge, la chasse Ă©tait de plus en plus devenue un privilĂšge de la noblesse et des dignitaires de l'Ătat ou du clergĂ©. Ă cette Ă©poque s'est formalisĂ© ce privilĂšge : la chasse au grand gibier Ă©tait rĂ©servĂ©e aux nobles et le petit gibier (liĂšvres, volatiles) laissĂ© au reste de la population. Certaines zones Ă©taient rĂ©servĂ©es pour les chasses royales. Les capitaineries de chasse sont crĂ©Ă©es sous le rĂšgne de François Ier.
En France, au Moyen Ăge et sous l'Ancien RĂ©gime, la chasse est un plaisir de gentilhomme et un privilĂšge seigneurial. Les rois sont grands chasseurs et entretiennent des Ă©quipages importants. Ătre admis aux chasses du roi est un des plus grands honneurs de la Cour.
Le seigneur haut-justicier a ce droit dans l'Ă©tendue de sa haute-justice, le seigneur local dans sa seigneurie. Les roturiers n'ont pas ce droit sauf s'ils ont achetĂ© un fief, une seigneurie ou une haute-justice (ordonnance sur les eaux et forĂȘts de 1669). Les seigneurs ecclĂ©siastiques, les dames hautes-justiciĂšres, les nobles ĂągĂ©s sont tenus de faire chasser afin de rĂ©duire le surplus de gibier nuisible aux cultures (ordonnance de juillet 1701).
Les braconniers sont craints surtout à cause de l'éventualité du port d'arme. Les contrevenants sont sévÚrement punis. L'édit de 1601 prévoit l'amende et le fouet pour la premiÚre infraction, le fouet et le bannissement pour la premiÚre récidive, les galÚres et la confiscation des biens à la seconde récidive, la mort en cas de troisiÚme récidive. L'ordonnance de 1669 écarte la peine de mort. Les garde-chasse n'ont pas le droit au fusil.
Pour permettre l'existence du gibier, il est interdit de moissonner avant la Saint-Jean, d'enlever les chardons, d'enclore par des murs les terres. Il faut planter des haies d'Ă©pines" auprĂšs des forĂȘts royales. Il est interdit de tuer les lapins sauf sous la direction des agents des eaux et forĂȘts (les capitaineries).
Afin de protéger le travail des paysans et les récoltes, les chasseurs ne doivent pas passer dans les terres ensemencées et lorsque les céréales sont en "tuyaux". Les vignes sont interdites de chasse du 1er mai jusqu'aux vendanges. Mais ces interdictions sont peu observées. Le privilÚge de chasse est un des plus haïs par les paysans.
Législation française
Avec la RĂ©volution française, la chasse s'est popularisĂ©e en Europe. Avec les vagues de colonisations, les modes de chasse par arme Ă feu se sont dĂ©veloppĂ©es sur tous les continents et elle reste une pratique plutĂŽt rurale, qui tend Ă ĂȘtre de plus en plus encadrĂ©e (permis de chasser, licence, plans de chasse, droits de chasseâŠ) qui alimente une Ă©conomie importante (jusquâĂ 70 % des revenus forestiers et couramment au moins 50 % en France).
De nombreux Ă©crits sont depuis lâAntiquitĂ© consacrĂ©s aux techniques cynĂ©gĂ©tiques et de piĂ©geage. La notion de droit de chasse est Ă©voquĂ©e pour la premiĂšre fois dans le recueil de coutumes des Francs Saliens (riverains de la Sala ou Yssel) Ă©crit sous Clovis (Ă©poque mĂ©rovingienne) et dĂ©nommĂ© ultĂ©rieurement « loi salique ». L'Ă©volution de ce concept s'est articulĂ©e alternativement Ă travers des pĂ©riodes de permissivitĂ© et de restriction, voire de prohibition.
Le privilÚge du droit de chasse de la noblesse instauré par une ordonnance de 1396, relayé ultérieurement par un droit de chasse exclusif du propriétaire terrien et la constitution de vastes réserves de chasse pour « les plaisirs du roi » (les capitaineries) constitueront les rÚgles essentielles pendant prÚs de quatre siÚcles jusqu'à la Révolution conduisant à l'abolition des privilÚges dans la nuit du . Les paysans se mettent dÚs lors à chasser le gibier dans les réserves royales et tuer en masse les lapins[6] des garennes (réserves destinées à la reproduction des liÚvres) qui font de gros dégùts aux potagers. Une loi est rapidement mise en place pour limiter cette chasse dÚs 1790 : seuls les propriétaires ont droit de chasse (le fusil est ainsi dans la main de personnes solvables pouvant payer des amendes en cas de délit de chasse).
En rĂ©alitĂ©, ce qui a Ă©tĂ© aboli Ă la suite de la nuit du 4 aoĂ»t, c'est le droit de chasse exclusif. MĂȘme si le droit de chasse continue Ă ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un attribut du droit de propriĂ©tĂ©, le principe de la libertĂ© de chasser se substitue au droit exclusif. C'est ce qui explique qu'en 1844, le Parlement adoptera une solution de compromis qui permet Ă tous de chasser avec l'accord tacite du propriĂ©taire.
La loi du constitue encore, à l'heure actuelle, le fondement de l'organisation de la chasse dans son ensemble. Le gibier est alors considéré comme objet de cueillette et nul ne songe, à l'époque, à en gérer les effectifs, ni à en protéger les biotopes. Cette législation a largement perduré depuis, complétée par diverses dispositions adoptées au cours du XXe siÚcle. Cette loi a défini notamment les périodes légales de chasse (en fonction de la reproduction des animaux), le permis de chasse et autorise seulement la chasse à tir avec arme à feu et la chasse à courre[7].
La crĂ©ation d'institutions spĂ©cialisĂ©es (Conseil supĂ©rieur de la chasse, FĂ©dĂ©ration de chasseurs) intervient en 1941. L'ancienne administration des Eaux et ForĂȘts institue en 1956 un plan de tir contractuel dans certains dĂ©partements par l'intermĂ©diaire du cahier des charges des adjudications de chasse en forĂȘt domaniale. ParallĂšlement l'Association nationale des chasseurs de grand gibier, prĂ©sidĂ©e Ă l'Ă©poque par François Sommer, engage une campagne de rĂ©flexion sur les principes d'une utilisation de la faune sauvage Ă des fins cynĂ©gĂ©tiques, mais aussi dans un esprit Ă©thique et sportif (la chasse du grand gibier restant Ă cette Ă©poque aristocratique aussi bien dans l'esprit que dans les pratiques), ce qui aboutit en 1963 Ă la loi sur le plan de chasse (loi 63-754 du 30 juillet 1963). Cet outil, attribuĂ© par chaque prĂ©fet qui fixe, pour un territoire et une pĂ©riode donnĂ©e, un quota d'animaux Ă prĂ©lever (selon le nombre, le sexe et l'Ăąge), a pour but initial la prĂ©servation et de le dĂ©veloppement de la grande faune sauvage qui a Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©e pendant et aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, puis est devenu un programme de rĂ©gulation visant non plus Ă gĂ©rer la pĂ©nurie mais l'abondance, afin d'atteindre l'Ă©quilibre agro-sylvo-cynĂ©gĂ©tique[8].
Facultatif dans un premier temps et applicable qu'Ă certains dĂ©partements volontaires et pour un nombre limitĂ© d'espĂšces de grand gibier, celui-ci a mis quinze ans pour atteindre sa vitesse de croisiĂšre avant d'ĂȘtre rendu obligatoire aux termes de l'article 17 de la loi 78-1240 du 29 dĂ©cembre 1978 pour l'exercice de la chasse du cerf, du chevreuil, du daim et du mouflon. Il faudra attendre un arrĂȘtĂ© du 31 juillet 1989 pour que le plan de chasse soit Ă©tendu au chamois et Ă lâisard[N 1]. Le plan de chasse du petit gibier (bĂ©casses, pigeons, faisans, perdrix rouge, liĂšvres, etc.) est instituĂ© par l'article 56 de la loi d'adaptation agricole du 30 dĂ©cembre 1988[9].
La structuration des territoires se profile à travers la loi 64-696 du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille » relative à la création des associations communales et intercommunales de chasse agréées. L'instauration d'un dispositif administratif d'indemnisation des dégùts de grand gibier voit le jour en 1969. L'obligation de satisfaire à un examen préalable à la délivrance du permis de chasser intervient en 1975. Ces évolutions du droit national ont été accompagnées de la conception et de la mise en application d'un droit international et communautaire relatif à la conservation de la faune sauvage, et singuliÚrement de l'avifaune migratrice.
En droit, la chasse est définie comme un prélÚvement artificiel sur la faune terrestre. La loi Verdeille définit l'acte de chasse comme « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l'attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui-ci » (article L.420-3 du Code de l'environnement).
En France est « interdit lâemploi pour le tir des ongulĂ©s de toute arme Ă percussion annulaire ainsi que celui dâarmes rayĂ©es Ă percussion centrale dâun calibre infĂ©rieur Ă 5,6 mm ou dont le projectile ne dĂ©veloppe pas une Ă©nergie minimale Ă 1 kilojoule Ă 100 mĂštres »[10]. L'utilisation de ces cartouches est possible sur les « nuisibles ».
Le 14 septembre 2022, la mission du Sénat sur la sécurité de la chasse créée aprÚs une pétition à la suite d'un accident mortel, se prononce contre l'instauration nationale de jours sans chasse, prÎnant des mesures pour favoriser la "cohabitation" chasseurs/non-chasseurs[11].
EspÚces chassées
Il y a en tout 89 espÚces chassables sur le territoire français[12] plus que dans n'importe quel autre pays.
Les espÚces d'oiseaux chassées sont au nombre de 64, contre 24 en moyenne en Europe. Vingt de ces espÚces chassables sont menacées de disparition (Grand Tétras, Perdrix bartavelle, LagopÚde alpin, ainsi que 17 espÚces migratrices). Malgré ce chiffre bien au dessus de la moyenne européenne, la France ne profite pas d'un plus grand nombre d'oiseaux ; on y chasse deux fois plus d'espÚces par rapport à la richesse spécifique du pays que dans l'Union européenne[13].
EspĂšces chassables en France
|
Tableau de chasse
Selon les bilans de la Fédération nationale des chasseurs et l'ONCFS pour la saison 2013-2014[14], le tableau de chasse des chasseurs français comprend trente millions d'animaux tués au fusil annuellement. PrÚs de la moitié (15 millions) sont des oiseaux sauvages, dont 5 millions de pigeons ramiers, 1,5 million de grives musiciennes et 740 000 bécasses. PrÚs d'un tiers (10 millions) viendrait des 1 500 élevages adhérents du Syndicat national des producteurs de gibiers de chasse qui produisent annuellement 14 millions de faisans (dont 3 millions sont tués annuellement), 5 millions de perdrix grises et rouges, 1 million de canards, 100 000 lapins de garenne, 40 000 liÚvres, 10 000 cerfs et 7 000 daims. Quatre millions sont des mammifÚres, surtout du petit gibier (prÚs d'1,5 million de lapins de garenne, 1,2 million de canards colvert et 450 000 renards) et dans une proportion moindre du grand gibier, dont 700 000 sangliers, 600 000 chevreuils et 63 000 cerfs élaphe[15].
Selon Madline Reynaud, directrice de l'Association pour la protection des animaux sauvages, les animaux d'élevage destinés à la chasse sont lùchés à l'ouverture de la saison de chasse « dans l'immense majorité des cas », ce qui ne laisserait pas le temps aux animaux de se reproduire et viendrait infirmer l'idée que les chasseurs souhaiteraient « créer des populations sauvages » et « compenser les pertes de biodiversité dues à l'agriculture intensive », comme l'affirme Thierry Coste. Cette affirmation est confirmée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui indiquait dans un rapport de 2016 que « les mortalités liées à la chasse ont généralement lieu dans les heures et jusqu'à quelques jours suivant les lùchers »[16].
Sociologie des chasseurs
Chasseurs
Au cours de la saison 2016-2017, la Fédération nationale des chasseurs dénombrait 1,140 million permis validés[17] - [N 2]. Jusqu'à la saison 2019-2020, il était possible qu'un chasseur détienne plusieurs validations départementales. à partir de la saison 2019-2020, et la réforme du permis de chasser, la baisse de prix de la validation nationale rend inutile cette double validation. Ainsi, à compter de là , un chasseur détient soit une validation départementale, soit une validation nationale.
Le nombre de chasseurs a décru depuis le maximum de 2 219 051 en 1976[17] jusqu'à 989 000 environ en 2022[18].
Les chasseurs sont essentiellement masculins (97,8 %), d'ùge médian 55 ans. Leur sociologie est la suivante[17] - [19] :
Profession | Proportion |
Cadre, profession libĂ©rale | â 36,3 % |
EmployĂ© | â 23,4 % |
Ouvrier | â 15,1 % |
Artisan, commerçant | â 9,4 % |
Agriculteur | â 8,5 % |
Profession intermĂ©diaire | â 6,8 % |
Ătudiant | â 0,5 % |
Le budget moyen annuel d'un chasseur est de 2 847 ⏠dans la période 2014-2016 d'aprÚs le BIPE[17].
Les demandes de validations nationales pour la saison 2019-2020 ont fortement augmentĂ© au dĂ©triment des validations dĂ©partementales, le prix du permis national ayant Ă©tĂ© rĂ©duit de moitiĂ© par Emmanuel Macron, ce qui suscite lâinquiĂ©tude des dĂ©fenseurs des animaux[20].
Accidents
Le nombre d'accidents recensĂ©s par l'ONCFS puis l'OFB, compris entre 100 et 200 par an ainsi que le nombre de morts sont globalement orientĂ©s Ă la baisse en tendance longue (mĂȘme si le chiffre exceptionnellement bas de la saison 2020/2021 est Ă prendre avec rĂ©serve, l'activitĂ© cynĂ©gĂ©tique ayant Ă©tĂ© affectĂ©e par la crise sanitaire) [21] - [22] - [23] - [18]. La plupart de ces accidents sont dus Ă un « manquements aux rĂšgles Ă©lĂ©mentaires de sĂ©curitĂ© »[22] - [24] - [25]. Ces chiffres sont Ă rapporter Ă la baisse du nombre de chasseurs durant cette pĂ©riode.
PĂ©riode Total Mortels 1999-2000 â 232 39 2000-2001 â 186 23 2001-2002 â 167 31 2002-2003 â 179 27 2003-2004 â 203 29 2004-2005 â 168 26 2005-2006 â 169 24 2006-2007 â 179 22 2007-2008 â 163 15 2008-2009 â 146 22 2009-2010 â 174 19 2010-2011 131 18 2011-2012 143 16 2012-2013 179 21 2013-2014 114 16 2014-2015 122 14 2015-2016 146 10 2016-2017 143 18 2017-2018 113 13 2018-2019 131 7 2019-2020 136 11 2020-2021 80 7 2021-2022 90 8
Opposition et controverses
Selon HĂ©loĂŻse Fradkine, sociologue Ă lâObservatoire sociologique du changement (Sciences Po/CNRS) et auteure dâune thĂšse sur le monde de la chasse, « la montĂ©e de l'opposition Ă certaines pratiques de chasse [...] date du milieu des annĂ©es 1970 », en raison notamment de la montĂ©e en puissance des prĂ©occupations environnementales et animalistes, de la recomposition des catĂ©gories sociales venues habiter dans les zones rurales, plus enclines Ă un « usage contemplatif de la nature », et le fait que moins de gens ont des chasseurs parmi leurs proches[26].
Sécurité pour les autres « usagers de la nature »
En , la chasse Ă©tant, selon la Fondation Brigitte-Bardot, le seul loisir Ă provoquer la mort de non-participants[27], cette derniĂšre lance une campagne d'affichage dĂ©nonçant les accidents de chasse diffusĂ©e sur 1 500 panneaux Ă travers la France, nommĂ©e « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » en rĂ©fĂ©rence aux messages gouvernementaux lors de la pandĂ©mie de Covid-19[28]. En rĂ©action Ă cette campagne, une plainte pour « incitation Ă la haine et diffamation » est dĂ©posĂ©e par la fĂ©dĂ©ration dĂ©partementale de Charente-Maritime[27]. Selon l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), 410 personnes sont tuĂ©es par des chasseurs en France entre 1999 et 2019 et au moins 2 792 accidents de chasse sont recensĂ©s pendant la mĂȘme pĂ©riode[29].
Une « fonction régulatrice » discutée
Une campagne publicitaire lancée en 2018 par la Fédération nationale des chasseurs les présente comme les « premiers écologistes de France », notamment pour leur rÎle qualifié d'« indispensable » à la régulation des espÚces. Ce rÎle est contesté puisqu'un tiers des animaux tués serait issu d'élevages et que l'argument de régulation porte surtout sur les espÚces de gros gibier déprédateur (sangliers, chevreuils, cerfs élaphe qui ont fait l'objet de réintroduction à partir des années 1950, dans un objectif cynégétique, à l'origine de leur prolifération) qui ne représentent que 5 % du tableau de chasse national[30].
LĂąchers de sangliers
Les chasseurs ont lĂąchĂ© dans la nature, et ce des annĂ©es durant, des sangliers croisĂ©s en captivitĂ© (une pratique dĂ©sormais interdite), tout en Ă©pargnant les femelles reproductrices, provoquant une trĂšs forte augmentation de leur nombre[31]. Le naturaliste Pierre Rigaux souligne que « le nombre faramineux de sangliers abattus chaque annĂ©e est la consĂ©quence mal maĂźtrisĂ©e dâune volontĂ© politique et historique de disposer dâune abondance dâanimaux Ă tuer. Les chasseurs ont maintenant le beau rĂŽle, celui de rĂ©gulateurs de sangliers, justifiant plus largement dans lâinconscient collectif leur rĂŽle de rĂ©gulateur de la faune sauvage »[31].
Bien que cette pratique soit désormais interdite et passible d'une peine de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, des élevages clandestins à destination des chasseurs sont encore réguliÚrement démantelés par les gendarmes[32] - [33] - [34] - [35] - [36].
Déclin d'espÚces menacées
La chasse favorise le dĂ©clin de certaines espĂšces menacĂ©es de disparition mais non protĂ©gĂ©es en France, comme le lapin de garenne, le liĂšvre variable, le putois d'Europe et une trentaine dâespĂšces dâoiseaux (tourterelle des bois, huĂźtrier pie, lagopĂšde alpin, courlis cendrĂ©, etc.). Les donnĂ©es sont par ailleurs lacunaires concernant le nombre dâanimaux abattus : « Ce nâest pas sans consĂ©quence. On chasse et on piĂšge des animaux sans connaĂźtre leurs effectifs. Câest ainsi que des campagnes de tirs de renards ou de blaireaux sont rĂ©guliĂšrement menĂ©es sur la base dâarrĂȘtĂ©s prĂ©fectoraux arguant la prolifĂ©ration de ces animaux, sans que personne dispose dâaucun chiffre, tant sur les effectifs vivants que sur ceux Ă©liminĂ©s au cours des campagnes prĂ©cĂ©dentes ». La chasse exerce Ă©galement une pression sur la biodiversitĂ© en gĂ©nĂ©ral, du fait par exemple de la « pollution gĂ©nĂ©tique » ou de la pollution au plomb[31], qui altĂšre notamment la reproduction des oiseaux[37].
En 2020, sur les 82 espĂšces animales autochtones pouvant ĂȘtre chassĂ©es, 31 sont « menacĂ©es » ou « quasi-menacĂ©es » de disparition sur le territoire mĂ©tropolitain (dont 27 espĂšces d'oiseaux)[38].
Pollution au plomb
Un rapport de recherche de l'INSERM datant de 1999 mentionne que 8 000 tonnes de plomb seraient déversées chaque année dans la nature par les chasseurs[39] - [37]. Des données datant de 2012 de l'Agence européenne des produits chimiques évoquent environ 21 000 tonnes dans l'Union européenne chaque année (14 000 dans les zones terrestres et 7 000 dans les zones humides)[39] - [40].
Le 21 août 2020, à l'occasion de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau, l'Office français de la biodiversité a relevé « une soixantaine » d'infractions pour l'utilisation de cartouches au plomb (interdit en zone humide depuis 2005[41]) lors de missions de contrÎle dans les Hauts-de-France, bien que les chasseurs en aient été prévenus préalablement[42].
Polémique sur la vénerie sous terre (« déterrage » des blaireaux)
Dans la plupart des départements français, il existe un mode de chasse dit « déterrage », dont le but est d'attraper le blaireau enterré au fond de son trou, en creusant pour atteindre une chambre du terrier et en utilisant des chiens spécialement dressés pour mettre le blaireau à l'accul, c'est-à -dire le coincer au fond de son trou[43]. Le blaireau est ensuite extrait de son terrier à l'aide de pinces puis tué par le chasseur avec un fusil ou à l'arme blanche. Certains déterreurs reconstruiront le terrier au mieux pour pouvoir revenir déterrer et tuer d'autres blaireaux l'année suivante[44].
Le dĂ©terrage est jugĂ© ĂȘtre une pratique cruelle et irrĂ©flĂ©chie et par consĂ©quent est remis en cause par des dĂ©fenseurs de la cause animale, dont plusieurs associations[45] ainsi que par des dĂ©putĂ©s[46]. Le dĂ©terrage est dĂ©noncĂ© comme donnant lieu Ă des pratiques choquantes dans des rapports officiels comme celui en 2016 du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la BiodiversitĂ©[47] selon lequel "Certaines mĂ©thodes utilisĂ©es pour Ă©liminer les blaireaux sont particuliĂšrement choquantes : [âŠ] assommer les blaireaux et blaireautins Ă coups de pelle Ă leur sortie du terrier la nuit ou aprĂšs les avoir dĂ©terrĂ©s violemment". De plus, le blaireau peut parfois se faire mordre par les chiens. Il reste pour autant une tradition cynĂ©gĂ©tique, dĂ©nommĂ©e plus exactement « vĂ©nerie sous terre ». Lors de cette chasse, l'animal est attrapĂ© par des pinces mĂ©talliques prĂ©sentĂ©es par les dĂ©terreurs comme « non vulnĂ©rantes » mais qui peuvent lui infliger de terribles blessures[48] et, si le chasseur le veut, le blaireau est ensuite tuĂ© Ă la dague[44] ou sinon au fusil. Pour certains, il s'agit d'une destruction aveugle, et pour d'autres d'une simple activitĂ© de chasse. En effet, les blaireaux ne sont pas classĂ©s parmi les animaux nuisibles mais sont tout de mĂšme susceptibles d'ĂȘtre chassĂ©s en France[49]. Environ 75 000 chasseurs participent Ă ces chasses[50]. Dans les pays voisins â Angleterre, Irlande, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie, GrĂšce... â le blaireau y est au contraire une espĂšce protĂ©gĂ©e donc non chassĂ©. Le 15 mai 2020, Ă l'initiative du dĂ©putĂ© LoĂŻc Dombreval, 21 dĂ©putĂ©s ont signĂ© une lettre Ă Madame Elisabeth Borne, ministre de la transition Ă©cologique et solidaire, pour demander de mettre fin au dĂ©terrage des blaireaux[46] et le 8 juin 2020, 62 dĂ©putĂ©s ont signĂ© une tribune demandant plus gĂ©nĂ©ralement l'abandon des chasses « traditionnelles »[51]. Le 15 juillet, une proposition de loi visant l'interdiction de la vĂ©nerie sous terre est dĂ©posĂ©e par Bastien Lachaud, dĂ©putĂ© La France insoumise de Seine-Saint-Denis, et cosignĂ©e par 26 dĂ©putĂ©s.
Chasse en enclos
La pratique de la chasse en enclos, oĂč les animaux (souvent issus d'Ă©levage) sont enfermĂ©s dans des espaces extĂ©rieurs clos puis tuĂ©s, est dĂ©noncĂ©e par de nombreuses voix, y compris au sein des chasseurs[52]. En novembre 2019, l'ASPAS a rachetĂ© un enclos de chasse pour le transformer en rĂ©serve sauvage[52] - [53].
Entre janvier et juillet 2021, quatre propositions de lois ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es concernant la chasse en enclos. Certaines demandent d'interdire la pratique quand d'autres proposent plutĂŽt de lĂ©gifĂ©rer sur la pose de clĂŽtures empĂȘchant la libreâcirculation de la faune, comme c'est le cas en Sologne[54].
Notes et références
Notes
- Afin de contrĂŽler le respect du plan de chasse, chaque dĂ©tenteur de droit de chasse retire et paie les bracelets (parfois appelĂ©s bagues) auprĂšs de la FĂ©dĂ©ration DĂ©partementale des Chasseurs. Tout animal tuĂ© en application doit ĂȘtre, immĂ©diatement et avant tout transport, baguĂ© au jarret droit. La dĂ©livrance des bracelets s'accompagne de la perception d'une taxe qui alimente le budget de cette fĂ©dĂ©ration en vue de l'indemnisation des dĂ©gĂąts agricoles commis par le grand gibier.
- Un chasseur peut ĂȘtre titulaire de plusieurs validations, par exemple sur plusieurs dĂ©partements.
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Blaireau européen » (voir la liste des auteurs).
Références
- Clelie, « à quoi ça sert la chasse ? », sur Terres Ariege, (consulté le )
- « à quoi ça sert la chasse ? », sur www.lumni.fr (consulté le )
- (en) « A quoi sert la chasse ? Voici la réponse en image », sur Chassons.com, (consulté le )
- « Chasse en France », sur MinistĂšres Ăcologie Ănergie Territoires (consultĂ© le )
- « Environnement : quelle est l'utilité de la chasse ? », sur TF1 INFO, (consulté le )
- Pierre DĂ©om, « La Saint-BarthĂ©lĂ©my des petits lapins », La Hulotte, no 62,â
- AndrĂ©e Corvol, Histoire de la chasse : l'homme et la bĂȘte, Perrin, , 577 p. (ISBN 978-2-262-02335-5 et 2-262-02335-2)
- Michel Prieur, Droit de l'environnement, , p. 318-320
- Michel Prieur, Droit de l'environnement, , p. 321
- Voir sur oncfs.gouv.fr.
- « Une mission sénatoriale rejette des journées nationales sans chasse », sur LExpress.fr, (consulté le )
- Voir sur chasseurdefrance.com.
- « La chasse des espÚces en France et en Europe », sur lpo.fr, 8 janvier 2019 (mis à jour le 7 juin 2020)
- Philippe Aubry, Pierre Migot et al., « EnquĂȘte nationale sur les tableaux de chasse Ă tir Saison 2013-2014. RĂ©sultats nationaux », Faune sauvage, le bulletin technique & juridique de lâOffice national de la chasse et de la faune sauvage, no 310,â , p. 4-5 (lire en ligne).
- Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les réponses aux chasseurs, humenSciences, , p. 87
- Emilie Torgemen, « Le terrible élevage des animaux «sauvages» destinés à la chasse »,
- Laura Motet et Anne-AĂ«l Durand, « Sur 1,1 million de chasseurs, moins de 10 % possĂšdent un permis national », Le Monde,â (lire en ligne)
- Sarah Finger, « Chasse : une baisse des accidents faussement rassurante », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- BIPE - Impact Ă©conomique, social et environnemental de la filiĂšre chasse
- « Les demandes de permis de chasse explosent en France », sur LExpress.fr, (consulté le )
- « Bilan des accidents de chasse survenus durant la saison 2018/2019 », sur Office français de la biodiversité,
- Adrien SĂ©nĂ©cat, « Les accidents de chasse ont fait plus de 350 morts depuis 2000 », Le Monde,â (lire en ligne)
- Pierre Bouvier, « Une nouvelle sĂ©rie dâaccidents rappelle les dangers de la chasse », Le Monde,â (lire en ligne)
- « Accidents de chasse en France saison 2012-2013 : 57 morts », sur buvettedesalpages.be
- « Bilan des accidents-incidents de chasse 2020-2021 », sur Office français de la biodiversité,
- Audrey Garric, « De plus en plus de Français désavouent les pratiques de chasse », sur lemonde.fr,
- FrĂ©dĂ©ric Cartaud, CĂ©dric Cottaz et Josiane Ătienne, « Charente-Maritime : la Fondation Brigitte Bardot dĂ©clare la guerre aux chasseurs », sur France TV Info.fr,
- Annick Cojean, « Brigitte Bardot : « Les balles perdues des chasseurs tuent chaque année » » , sur lemonde.fr,
- En 20 ans, les chasseurs ont tué plus de 400 personnes, Le Dauphiné, 17 novembre 2019.
- Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les réponses aux chasseurs, Humensis, , p. 89
- Florian Bardou, « «Pas de fusils dans la nature», la chasse plombée par les faits », sur Libération.fr,
- Romain Herreros, « Yannick Jadot souhaite que la France puisse "sortir de la chasse" », sur huffingtonpost.fr,
- Pierre-Jean Pluvy, « ArdÚche : 4000 euros d'amende pour avoir relùché des sangliers dans la nature », sur francebleu.fr,
- Cyril Michaud, « Un trafic de sangliers démantelé en Haute-Loire », sur leparisien.fr,
- « Doubs. EnquĂȘte autour dâun lĂącher de sangliers « polonais » destinĂ©s Ă ĂȘtre chassĂ©s », sur www.estrepublicain.fr (consultĂ© le )
- « Un élevage illicite de sanglier démantelé dans les Hautes-Alpes », sur ofb.gouv.fr,
- [PDF] Olivier Chanel, Catherine Dollfus, Jean-Marie Haguenoer et al., « Plomb dans lâenvironnement : quels risques pour la santĂ© ? », Expertise collective INSERM,â (lire en ligne)
- Florian Bardou, « En France, un tiers des espÚces chassables sont menacées (ou quasi) », sur liberation.fr,
- Aurore Coulaud, « Chasse : le plomb, un poison pour l'homme et l'environnement », sur liberation.fr,
- Evelyne Moulin, La chasse est mauvaise pour la santé, Les Asclépiades, , 104 p. (ISBN 9782915238358), p. 5-21.
- LĂ©gifrance, « ArrĂȘtĂ© du 21 mars 2002 modifiant l'arrĂȘtĂ© du 1er aoĂ»t 1986 relatif Ă divers procĂ©dĂ©s de chasse, de destruction des animaux nuisibles et Ă la reprise du gibier vivant dans un but de repeuplement », sur LĂ©gifrance, (consultĂ© le ).
- Gilles Durand1re septembre 2020, « Hauts-de-France : Des chasseurs sanctionnés pour avoir utilisé des cartouches au plomb », 1re septembre 2020
- Claude Henry, Lionel Lafontaine et Alain Mouches (ill. Jean Chevalier), Le Blaireau (Meles meles Linnaeus, 1758), t. 7, Puceul, Société Française pour l'Etude et la Protection des MammifÚres, coll. « Encyclopédie des carnivores de France », , 35 p. (ISBN 2-905216-17-4), p. 29 - 30.
- Jean Masson, « La vÚnerie du blaireau, une chasse passionnante », sur afevst.org,
- Anne-Sophie Tassart, « Déterrage des blaireaux : une technique de chasse qui fait bondir les associations », sur sciencesetavenir.fr,
- Loïc Dombreval, « courrier à Elisabeth Borne »,
- CSPNB, « Cohabitation entre blaireaux, agriculture et élevage », sur www.ecologique-solidaire.gouv.fr/conseil-scientifique-du-patrimoine-naturel-et-biodiversite
- « Non à la cruauté : protégeons les blaireaux ces animaux persécutés ! », sur bourgogne.eelv.fr/
- « Classement du blaireau en espÚce nuisible », sur senat.fr,
- « Les blaireaux sâapprĂȘtent Ă vivre neuf mois et demi dâenfer ! », sur one-voice.fr (consultĂ© le )
- « Tribune :« La âFrance dâaprĂšsâ doit mettre un terme aux chasses traditionnelles » », sur www.lopinion.fr
- Catherine Pacary, « Le monde opaque des enclos de chasse » sur France 5 : « Ce nâest plus de la chasse, câest du meurtre », sur lemonde.fr,
- Perrine Mouterde, « « Ils arrivent avec leur pognon et disent : Ă©cartez-vous, câest nous qui allons sauver la nature » : dans le Vercors, tensions autour dâune rĂ©serve de vie sauvage », sur lemonde.fr,
- Julie Postollec, « Engrillagement en Sologne et chasse en enclos : 4 propositions de loi en 6 mois, vraies avancées ou coup de comm' ? », sur francetvinfo.fr,
Voir aussi
Ouvrages
- Bertrand Hell, Entre chien et loup : Faits et dits de chasse dans la France de l'Est, Ăditions de la Maison des sciences de lâhomme, MinistĂšre de la Culture,
- Dominique Darbon, La crise de la chasse en France. La fin d'un monde, L'Harmattan, , 300 p. (lire en ligne)
- Marie-Claude Bartholy et Jean-Pierre Despin, Chasseurs, Office National des ForĂȘts et Ă©colos : le trio infernal : La faune sauvage mise Ă prix, Ăditions L'Harmattan, , 210 p., 13,5 x 21,5 cm
- Frédéric Denhez, La chasse : Le vrai du faux, Delachaux / Niestle, , 156 p. (EAN 9782603020074)
- Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les réponses aux chasseurs, humenSciences, , 288 p. (lire en ligne)
- Evelyne Moulin, La chasse est mauvaise pour la santé, Ed. Les Asclépiades, 2019, 104 p.
- Jean-Claude Raynal, Pratiques cynégétiques, transformation territoriales et régulations sociales : Vers une gestion concertée des populations de sangliers dans le Sud de la France, Presses universitaires de la Méditerranée, coll. « Collection verte », , 2e éd. (1re éd. 2009), 402 p. (ISBN 978-2-36781-347-9 et 2367813477, lire en ligne)
Travaux universitaires
- Anne Vourc'h, Un jeu avec l'animal : pratiques et représentations de la chasse en cévennes lozériennes, ThÚse de doctorat en Sociologie,
- Muriel Genhy, La chasse aux oiseaux migrateurs dans le Sud-Ouest : le droit face aux traditions, ThĂšse de doctorat en Histoire du droit,
- David Alfroy, Chasse et droit de propriété, ThÚse de doctorat en Droit privé,
- Paul Bourrieau, La chasse : organisation et institutionnalisation au XXe siĂšcle : L'exemple du Maine-et-Loire, ThĂšse de doctorat en Histoire moderne et contemporaine,
- HĂ©loĂŻse Fradkine, Les mondes de la chasse : contribution Ă une Ă©tude de rapports sociaux spatialisĂ©s en Seine-et-Marne et en CĂŽte-dâOr, thĂšse de doctorat en Sociologie,