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Chasse en France

Cet article résume les faits marquants de l'histoire de la chasse en France et traite des enjeux reliés à la chasse dans ce pays.

L'Ouverture de la chasse, peinture de Buss reproduite en estampe dans Les Musées chez soi.

La chasse est pour certains nécessaire, du fait de la quasi-absence de grands prédateurs naturels (outre l'homme), du réchauffement climatique, de l'extension urbaine et de la forte resilience de certaines espÚces et de leur impact sur la flore[1] - [2] - [3] - [4].

La chasse est une activité réglementée, correspondant à la rubrique « 0170Z (Chasse, piégeage et services annexes) » de la Nomenclature d'activités française (version 2008). Bien pratiquée, elle permet la regulation des espÚces par les prélÚvements annuels demandés et le tir sanitaire des individus malades, le maintien de la biodiversité, le dédommagement des cultures détruites, la dépollution des milieux naturels, le suivi et la connaissance approfondie de la faune sauvage. Cependant, certains chasseurs ne respectent pas ou peu la réglementation[1] - [2] - [5] - [3] - [4].

DiffĂ©rentes formes de chasse en France font aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques et de dĂ©bats entre les chasseurs, qui entendent poursuivre ou faire Ă©voluer les traditions de chasse, et d'autres acteurs, dont certains Ă©cologistes, qui entendent en rĂ©guler les modalitĂ©s voir mĂȘme en sortir progressivement.

Histoire

Moyen Âge

Au Moyen Âge, la chasse Ă©tait de plus en plus devenue un privilĂšge de la noblesse et des dignitaires de l'État ou du clergĂ©. À cette Ă©poque s'est formalisĂ© ce privilĂšge : la chasse au grand gibier Ă©tait rĂ©servĂ©e aux nobles et le petit gibier (liĂšvres, volatiles) laissĂ© au reste de la population. Certaines zones Ă©taient rĂ©servĂ©es pour les chasses royales. Les capitaineries de chasse sont crĂ©Ă©es sous le rĂšgne de François Ier.

En France, au Moyen Âge et sous l'Ancien RĂ©gime, la chasse est un plaisir de gentilhomme et un privilĂšge seigneurial. Les rois sont grands chasseurs et entretiennent des Ă©quipages importants. Être admis aux chasses du roi est un des plus grands honneurs de la Cour.

Le seigneur haut-justicier a ce droit dans l'Ă©tendue de sa haute-justice, le seigneur local dans sa seigneurie. Les roturiers n'ont pas ce droit sauf s'ils ont achetĂ© un fief, une seigneurie ou une haute-justice (ordonnance sur les eaux et forĂȘts de 1669). Les seigneurs ecclĂ©siastiques, les dames hautes-justiciĂšres, les nobles ĂągĂ©s sont tenus de faire chasser afin de rĂ©duire le surplus de gibier nuisible aux cultures (ordonnance de juillet 1701).

Les braconniers sont craints surtout à cause de l'éventualité du port d'arme. Les contrevenants sont sévÚrement punis. L'édit de 1601 prévoit l'amende et le fouet pour la premiÚre infraction, le fouet et le bannissement pour la premiÚre récidive, les galÚres et la confiscation des biens à la seconde récidive, la mort en cas de troisiÚme récidive. L'ordonnance de 1669 écarte la peine de mort. Les garde-chasse n'ont pas le droit au fusil.

Pour permettre l'existence du gibier, il est interdit de moissonner avant la Saint-Jean, d'enlever les chardons, d'enclore par des murs les terres. Il faut planter des haies d'Ă©pines" auprĂšs des forĂȘts royales. Il est interdit de tuer les lapins sauf sous la direction des agents des eaux et forĂȘts (les capitaineries).

Afin de protéger le travail des paysans et les récoltes, les chasseurs ne doivent pas passer dans les terres ensemencées et lorsque les céréales sont en "tuyaux". Les vignes sont interdites de chasse du 1er mai jusqu'aux vendanges. Mais ces interdictions sont peu observées. Le privilÚge de chasse est un des plus haïs par les paysans.

Législation française

Évariste-Vital Luminais, MĂ©rovingiens attaquant un chien sauvage. Dahesh museum of art.

Avec la RĂ©volution française, la chasse s'est popularisĂ©e en Europe. Avec les vagues de colonisations, les modes de chasse par arme Ă  feu se sont dĂ©veloppĂ©es sur tous les continents et elle reste une pratique plutĂŽt rurale, qui tend Ă  ĂȘtre de plus en plus encadrĂ©e (permis de chasser, licence, plans de chasse, droits de chasse
) qui alimente une Ă©conomie importante (jusqu’à 70 % des revenus forestiers et couramment au moins 50 % en France).

De nombreux Ă©crits sont depuis l’AntiquitĂ© consacrĂ©s aux techniques cynĂ©gĂ©tiques et de piĂ©geage. La notion de droit de chasse est Ă©voquĂ©e pour la premiĂšre fois dans le recueil de coutumes des Francs Saliens (riverains de la Sala ou Yssel) Ă©crit sous Clovis (Ă©poque mĂ©rovingienne) et dĂ©nommĂ© ultĂ©rieurement « loi salique ». L'Ă©volution de ce concept s'est articulĂ©e alternativement Ă  travers des pĂ©riodes de permissivitĂ© et de restriction, voire de prohibition.

Le privilÚge du droit de chasse de la noblesse instauré par une ordonnance de 1396, relayé ultérieurement par un droit de chasse exclusif du propriétaire terrien et la constitution de vastes réserves de chasse pour « les plaisirs du roi » (les capitaineries) constitueront les rÚgles essentielles pendant prÚs de quatre siÚcles jusqu'à la Révolution conduisant à l'abolition des privilÚges dans la nuit du . Les paysans se mettent dÚs lors à chasser le gibier dans les réserves royales et tuer en masse les lapins[6] des garennes (réserves destinées à la reproduction des liÚvres) qui font de gros dégùts aux potagers. Une loi est rapidement mise en place pour limiter cette chasse dÚs 1790 : seuls les propriétaires ont droit de chasse (le fusil est ainsi dans la main de personnes solvables pouvant payer des amendes en cas de délit de chasse).

En rĂ©alitĂ©, ce qui a Ă©tĂ© aboli Ă  la suite de la nuit du 4 aoĂ»t, c'est le droit de chasse exclusif. MĂȘme si le droit de chasse continue Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un attribut du droit de propriĂ©tĂ©, le principe de la libertĂ© de chasser se substitue au droit exclusif. C'est ce qui explique qu'en 1844, le Parlement adoptera une solution de compromis qui permet Ă  tous de chasser avec l'accord tacite du propriĂ©taire.

La loi du constitue encore, à l'heure actuelle, le fondement de l'organisation de la chasse dans son ensemble. Le gibier est alors considéré comme objet de cueillette et nul ne songe, à l'époque, à en gérer les effectifs, ni à en protéger les biotopes. Cette législation a largement perduré depuis, complétée par diverses dispositions adoptées au cours du XXe siÚcle. Cette loi a défini notamment les périodes légales de chasse (en fonction de la reproduction des animaux), le permis de chasse et autorise seulement la chasse à tir avec arme à feu et la chasse à courre[7].

La crĂ©ation d'institutions spĂ©cialisĂ©es (Conseil supĂ©rieur de la chasse, FĂ©dĂ©ration de chasseurs) intervient en 1941. L'ancienne administration des Eaux et ForĂȘts institue en 1956 un plan de tir contractuel dans certains dĂ©partements par l'intermĂ©diaire du cahier des charges des adjudications de chasse en forĂȘt domaniale. ParallĂšlement l'Association nationale des chasseurs de grand gibier, prĂ©sidĂ©e Ă  l'Ă©poque par François Sommer, engage une campagne de rĂ©flexion sur les principes d'une utilisation de la faune sauvage Ă  des fins cynĂ©gĂ©tiques, mais aussi dans un esprit Ă©thique et sportif (la chasse du grand gibier restant Ă  cette Ă©poque aristocratique aussi bien dans l'esprit que dans les pratiques), ce qui aboutit en 1963 Ă  la loi sur le plan de chasse (loi 63-754 du 30 juillet 1963). Cet outil, attribuĂ© par chaque prĂ©fet qui fixe, pour un territoire et une pĂ©riode donnĂ©e, un quota d'animaux Ă  prĂ©lever (selon le nombre, le sexe et l'Ăąge), a pour but initial la prĂ©servation et de le dĂ©veloppement de la grande faune sauvage qui a Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©e pendant et aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, puis est devenu un programme de rĂ©gulation visant non plus Ă  gĂ©rer la pĂ©nurie mais l'abondance, afin d'atteindre l'Ă©quilibre agro-sylvo-cynĂ©gĂ©tique[8].

Facultatif dans un premier temps et applicable qu'Ă  certains dĂ©partements volontaires et pour un nombre limitĂ© d'espĂšces de grand gibier, celui-ci a mis quinze ans pour atteindre sa vitesse de croisiĂšre avant d'ĂȘtre rendu obligatoire aux termes de l'article 17 de la loi 78-1240 du 29 dĂ©cembre 1978 pour l'exercice de la chasse du cerf, du chevreuil, du daim et du mouflon. Il faudra attendre un arrĂȘtĂ© du 31 juillet 1989 pour que le plan de chasse soit Ă©tendu au chamois et Ă  l’isard[N 1]. Le plan de chasse du petit gibier (bĂ©casses, pigeons, faisans, perdrix rouge, liĂšvres, etc.) est instituĂ© par l'article 56 de la loi d'adaptation agricole du 30 dĂ©cembre 1988[9].

La structuration des territoires se profile à travers la loi 64-696 du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille » relative à la création des associations communales et intercommunales de chasse agréées. L'instauration d'un dispositif administratif d'indemnisation des dégùts de grand gibier voit le jour en 1969. L'obligation de satisfaire à un examen préalable à la délivrance du permis de chasser intervient en 1975. Ces évolutions du droit national ont été accompagnées de la conception et de la mise en application d'un droit international et communautaire relatif à la conservation de la faune sauvage, et singuliÚrement de l'avifaune migratrice.

En droit, la chasse est définie comme un prélÚvement artificiel sur la faune terrestre. La loi Verdeille définit l'acte de chasse comme « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l'attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui-ci » (article L.420-3 du Code de l'environnement).

En France est « interdit l’emploi pour le tir des ongulĂ©s de toute arme Ă  percussion annulaire ainsi que celui d’armes rayĂ©es Ă  percussion centrale d’un calibre infĂ©rieur Ă  5,6 mm ou dont le projectile ne dĂ©veloppe pas une Ă©nergie minimale Ă  1 kilojoule Ă  100 mĂštres »[10]. L'utilisation de ces cartouches est possible sur les « nuisibles ».

Le 14 septembre 2022, la mission du Sénat sur la sécurité de la chasse créée aprÚs une pétition à la suite d'un accident mortel, se prononce contre l'instauration nationale de jours sans chasse, prÎnant des mesures pour favoriser la "cohabitation" chasseurs/non-chasseurs[11].

EspÚces chassées

Il y a en tout 89 espÚces chassables sur le territoire français[12] plus que dans n'importe quel autre pays.

Les espÚces d'oiseaux chassées sont au nombre de 64, contre 24 en moyenne en Europe. Vingt de ces espÚces chassables sont menacées de disparition (Grand Tétras, Perdrix bartavelle, LagopÚde alpin, ainsi que 17 espÚces migratrices). Malgré ce chiffre bien au dessus de la moyenne européenne, la France ne profite pas d'un plus grand nombre d'oiseaux ; on y chasse deux fois plus d'espÚces par rapport à la richesse spécifique du pays que dans l'Union européenne[13].

Tableau de chasse

Selon les bilans de la FĂ©dĂ©ration nationale des chasseurs et l'ONCFS pour la saison 2013-2014[14], le tableau de chasse des chasseurs français comprend trente millions d'animaux tuĂ©s au fusil annuellement. PrĂšs de la moitiĂ© (15 millions) sont des oiseaux sauvages, dont 5 millions de pigeons ramiers, 1,5 million de grives musiciennes et 740 000 bĂ©casses. PrĂšs d'un tiers (10 millions) viendrait des 1 500 Ă©levages adhĂ©rents du Syndicat national des producteurs de gibiers de chasse qui produisent annuellement 14 millions de faisans (dont 3 millions sont tuĂ©s annuellement), 5 millions de perdrix grises et rouges, 1 million de canards, 100 000 lapins de garenne, 40 000 liĂšvres, 10 000 cerfs et 7 000 daims. Quatre millions sont des mammifĂšres, surtout du petit gibier (prĂšs d'1,5 million de lapins de garenne, 1,2 million de canards colvert et 450 000 renards) et dans une proportion moindre du grand gibier, dont 700 000 sangliers, 600 000 chevreuils et 63 000 cerfs Ă©laphe[15].

Selon Madline Reynaud, directrice de l'Association pour la protection des animaux sauvages, les animaux d'élevage destinés à la chasse sont lùchés à l'ouverture de la saison de chasse « dans l'immense majorité des cas », ce qui ne laisserait pas le temps aux animaux de se reproduire et viendrait infirmer l'idée que les chasseurs souhaiteraient « créer des populations sauvages » et « compenser les pertes de biodiversité dues à l'agriculture intensive », comme l'affirme Thierry Coste. Cette affirmation est confirmée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui indiquait dans un rapport de 2016 que « les mortalités liées à la chasse ont généralement lieu dans les heures et jusqu'à quelques jours suivant les lùchers »[16].

Sociologie des chasseurs

Évolution du nombre de permis de chasse en France. Les donnĂ©es de 2018, 2020 et 2022 ne sont pas connues.

Chasseurs

Au cours de la saison 2016-2017, la FĂ©dĂ©ration nationale des chasseurs dĂ©nombrait 1,140 million permis validĂ©s[17] - [N 2]. Jusqu'Ă  la saison 2019-2020, il Ă©tait possible qu'un chasseur dĂ©tienne plusieurs validations dĂ©partementales. À partir de la saison 2019-2020, et la rĂ©forme du permis de chasser, la baisse de prix de la validation nationale rend inutile cette double validation. Ainsi, Ă  compter de lĂ , un chasseur dĂ©tient soit une validation dĂ©partementale, soit une validation nationale.

Le nombre de chasseurs a décru depuis le maximum de 2 219 051 en 1976[17] jusqu'à 989 000 environ en 2022[18].

Les chasseurs sont essentiellement masculins (97,8 %), d'ùge médian 55 ans. Leur sociologie est la suivante[17] - [19] :

Profession Proportion
Cadre, profession libĂ©rale  36,3 %
Employé  23,4 %
Ouvrier  15,1 %
Artisan, commerçant  9,4 %
Agriculteur  8,5 %
Profession intermĂ©diaire  6,8 %
Étudiant  0,5 %

Le budget moyen annuel d'un chasseur est de 2 847 € dans la pĂ©riode 2014-2016 d'aprĂšs le BIPE[17].

Les demandes de validations nationales pour la saison 2019-2020 ont fortement augmentĂ© au dĂ©triment des validations dĂ©partementales, le prix du permis national ayant Ă©tĂ© rĂ©duit de moitiĂ© par Emmanuel Macron, ce qui suscite l’inquiĂ©tude des dĂ©fenseurs des animaux[20].

Accidents

Le nombre d'accidents recensĂ©s par l'ONCFS puis l'OFB, compris entre 100 et 200 par an ainsi que le nombre de morts sont globalement orientĂ©s Ă  la baisse en tendance longue (mĂȘme si le chiffre exceptionnellement bas de la saison 2020/2021 est Ă  prendre avec rĂ©serve, l'activitĂ© cynĂ©gĂ©tique ayant Ă©tĂ© affectĂ©e par la crise sanitaire) [21] - [22] - [23] - [18]. La plupart de ces accidents sont dus Ă  un « manquements aux rĂšgles Ă©lĂ©mentaires de sĂ©curitĂ© »[22] - [24] - [25]. Ces chiffres sont Ă  rapporter Ă  la baisse du nombre de chasseurs durant cette pĂ©riode.

Nombre d'accidents de chasse par million de chasseur.
PĂ©riodeTotalMortels
1999-2000
 
232
39
2000-2001
 
186
23
2001-2002
 
167
31
2002-2003
 
179
27
2003-2004
 
203
29
2004-2005
 
168
26
2005-2006
 
169
24
2006-2007
 
179
22
2007-2008
 
163
15
2008-2009
 
146
22
2009-2010
 
174
19
2010-2011
131
18
2011-2012
143
16
2012-2013
179
21
2013-2014
114
16
2014-2015
122
14
2015-2016
146
10
2016-2017
143
18
2017-2018
113
13
2018-2019
131
7
2019-2020
136
11
2020-2021
80
7
2021-2022
90
8

Opposition et controverses

Selon HĂ©loĂŻse Fradkine, sociologue Ă  l’Observatoire sociologique du changement (Sciences Po/CNRS) et auteure d’une thĂšse sur le monde de la chasse, « la montĂ©e de l'opposition Ă  certaines pratiques de chasse [...] date du milieu des annĂ©es 1970 », en raison notamment de la montĂ©e en puissance des prĂ©occupations environnementales et animalistes, de la recomposition des catĂ©gories sociales venues habiter dans les zones rurales, plus enclines Ă  un « usage contemplatif de la nature », et le fait que moins de gens ont des chasseurs parmi leurs proches[26].

Sécurité pour les autres « usagers de la nature »

En , la chasse Ă©tant, selon la Fondation Brigitte-Bardot, le seul loisir Ă  provoquer la mort de non-participants[27], cette derniĂšre lance une campagne d'affichage dĂ©nonçant les accidents de chasse diffusĂ©e sur 1 500 panneaux Ă  travers la France, nommĂ©e « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous » en rĂ©fĂ©rence aux messages gouvernementaux lors de la pandĂ©mie de Covid-19[28]. En rĂ©action Ă  cette campagne, une plainte pour « incitation Ă  la haine et diffamation » est dĂ©posĂ©e par la fĂ©dĂ©ration dĂ©partementale de Charente-Maritime[27]. Selon l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), 410 personnes sont tuĂ©es par des chasseurs en France entre 1999 et 2019 et au moins 2 792 accidents de chasse sont recensĂ©s pendant la mĂȘme pĂ©riode[29].

Une « fonction régulatrice » discutée

Une campagne publicitaire lancée en 2018 par la Fédération nationale des chasseurs les présente comme les « premiers écologistes de France », notamment pour leur rÎle qualifié d'« indispensable » à la régulation des espÚces. Ce rÎle est contesté puisqu'un tiers des animaux tués serait issu d'élevages et que l'argument de régulation porte surtout sur les espÚces de gros gibier déprédateur (sangliers, chevreuils, cerfs élaphe qui ont fait l'objet de réintroduction à partir des années 1950, dans un objectif cynégétique, à l'origine de leur prolifération) qui ne représentent que 5 % du tableau de chasse national[30].

LĂąchers de sangliers

Les chasseurs ont lĂąchĂ© dans la nature, et ce des annĂ©es durant, des sangliers croisĂ©s en captivitĂ© (une pratique dĂ©sormais interdite), tout en Ă©pargnant les femelles reproductrices, provoquant une trĂšs forte augmentation de leur nombre[31]. Le naturaliste Pierre Rigaux souligne que « le nombre faramineux de sangliers abattus chaque annĂ©e est la consĂ©quence mal maĂźtrisĂ©e d’une volontĂ© politique et historique de disposer d’une abondance d’animaux Ă  tuer. Les chasseurs ont maintenant le beau rĂŽle, celui de rĂ©gulateurs de sangliers, justifiant plus largement dans l’inconscient collectif leur rĂŽle de rĂ©gulateur de la faune sauvage »[31].

Bien que cette pratique soit dĂ©sormais interdite et passible d'une peine de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, des Ă©levages clandestins Ă  destination des chasseurs sont encore rĂ©guliĂšrement dĂ©mantelĂ©s par les gendarmes[32] - [33] - [34] - [35] - [36].

Déclin d'espÚces menacées

La chasse favorise le dĂ©clin de certaines espĂšces menacĂ©es de disparition mais non protĂ©gĂ©es en France, comme le lapin de garenne, le liĂšvre variable, le putois d'Europe et une trentaine d’espĂšces d’oiseaux (tourterelle des bois, huĂźtrier pie, lagopĂšde alpin, courlis cendrĂ©, etc.). Les donnĂ©es sont par ailleurs lacunaires concernant le nombre d’animaux abattus : « Ce n’est pas sans consĂ©quence. On chasse et on piĂšge des animaux sans connaĂźtre leurs effectifs. C’est ainsi que des campagnes de tirs de renards ou de blaireaux sont rĂ©guliĂšrement menĂ©es sur la base d’arrĂȘtĂ©s prĂ©fectoraux arguant la prolifĂ©ration de ces animaux, sans que personne dispose d’aucun chiffre, tant sur les effectifs vivants que sur ceux Ă©liminĂ©s au cours des campagnes prĂ©cĂ©dentes ». La chasse exerce Ă©galement une pression sur la biodiversitĂ© en gĂ©nĂ©ral, du fait par exemple de la « pollution gĂ©nĂ©tique » ou de la pollution au plomb[31], qui altĂšre notamment la reproduction des oiseaux[37].

En 2020, sur les 82 espĂšces animales autochtones pouvant ĂȘtre chassĂ©es, 31 sont « menacĂ©es » ou « quasi-menacĂ©es » de disparition sur le territoire mĂ©tropolitain (dont 27 espĂšces d'oiseaux)[38].

Pollution au plomb

Un rapport de recherche de l'INSERM datant de 1999 mentionne que 8 000 tonnes de plomb seraient dĂ©versĂ©es chaque annĂ©e dans la nature par les chasseurs[39] - [37]. Des donnĂ©es datant de 2012 de l'Agence europĂ©enne des produits chimiques Ă©voquent environ 21 000 tonnes dans l'Union europĂ©enne chaque annĂ©e (14 000 dans les zones terrestres et 7 000 dans les zones humides)[39] - [40].

Le 21 août 2020, à l'occasion de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau, l'Office français de la biodiversité a relevé « une soixantaine » d'infractions pour l'utilisation de cartouches au plomb (interdit en zone humide depuis 2005[41]) lors de missions de contrÎle dans les Hauts-de-France, bien que les chasseurs en aient été prévenus préalablement[42].

Polémique sur la vénerie sous terre (« déterrage » des blaireaux)

Dans la plupart des départements français, il existe un mode de chasse dit « déterrage », dont le but est d'attraper le blaireau enterré au fond de son trou, en creusant pour atteindre une chambre du terrier et en utilisant des chiens spécialement dressés pour mettre le blaireau à l'accul, c'est-à-dire le coincer au fond de son trou[43]. Le blaireau est ensuite extrait de son terrier à l'aide de pinces puis tué par le chasseur avec un fusil ou à l'arme blanche. Certains déterreurs reconstruiront le terrier au mieux pour pouvoir revenir déterrer et tuer d'autres blaireaux l'année suivante[44].

Le dĂ©terrage est jugĂ© ĂȘtre une pratique cruelle et irrĂ©flĂ©chie et par consĂ©quent est remis en cause par des dĂ©fenseurs de la cause animale, dont plusieurs associations[45] ainsi que par des dĂ©putĂ©s[46]. Le dĂ©terrage est dĂ©noncĂ© comme donnant lieu Ă  des pratiques choquantes dans des rapports officiels comme celui en 2016 du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la BiodiversitĂ©[47] selon lequel "Certaines mĂ©thodes utilisĂ©es pour Ă©liminer les blaireaux sont particuliĂšrement choquantes : [
] assommer les blaireaux et blaireautins Ă  coups de pelle Ă  leur sortie du terrier la nuit ou aprĂšs les avoir dĂ©terrĂ©s violemment". De plus, le blaireau peut parfois se faire mordre par les chiens. Il reste pour autant une tradition cynĂ©gĂ©tique, dĂ©nommĂ©e plus exactement « vĂ©nerie sous terre ». Lors de cette chasse, l'animal est attrapĂ© par des pinces mĂ©talliques prĂ©sentĂ©es par les dĂ©terreurs comme « non vulnĂ©rantes » mais qui peuvent lui infliger de terribles blessures[48] et, si le chasseur le veut, le blaireau est ensuite tuĂ© Ă  la dague[44] ou sinon au fusil. Pour certains, il s'agit d'une destruction aveugle, et pour d'autres d'une simple activitĂ© de chasse. En effet, les blaireaux ne sont pas classĂ©s parmi les animaux nuisibles mais sont tout de mĂšme susceptibles d'ĂȘtre chassĂ©s en France[49]. Environ 75 000 chasseurs participent Ă  ces chasses[50]. Dans les pays voisins — Angleterre, Irlande, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, Italie, GrĂšce... — le blaireau y est au contraire une espĂšce protĂ©gĂ©e donc non chassĂ©. Le 15 mai 2020, Ă  l'initiative du dĂ©putĂ© LoĂŻc Dombreval, 21 dĂ©putĂ©s ont signĂ© une lettre Ă  Madame Elisabeth Borne, ministre de la transition Ă©cologique et solidaire, pour demander de mettre fin au dĂ©terrage des blaireaux[46] et le 8 juin 2020, 62 dĂ©putĂ©s ont signĂ© une tribune demandant plus gĂ©nĂ©ralement l'abandon des chasses « traditionnelles »[51]. Le 15 juillet, une proposition de loi visant l'interdiction de la vĂ©nerie sous terre est dĂ©posĂ©e par Bastien Lachaud, dĂ©putĂ© La France insoumise de Seine-Saint-Denis, et cosignĂ©e par 26 dĂ©putĂ©s.

Chasse en enclos

La pratique de la chasse en enclos, oĂč les animaux (souvent issus d'Ă©levage) sont enfermĂ©s dans des espaces extĂ©rieurs clos puis tuĂ©s, est dĂ©noncĂ©e par de nombreuses voix, y compris au sein des chasseurs[52]. En novembre 2019, l'ASPAS a rachetĂ© un enclos de chasse pour le transformer en rĂ©serve sauvage[52] - [53].

Entre janvier et juillet 2021, quatre propositions de lois ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es concernant la chasse en enclos. Certaines demandent d'interdire la pratique quand d'autres proposent plutĂŽt de lĂ©gifĂ©rer sur la pose de clĂŽtures empĂȘchant la libre‑circulation de la faune, comme c'est le cas en Sologne[54].

Notes et références

Notes

  1. Afin de contrĂŽler le respect du plan de chasse, chaque dĂ©tenteur de droit de chasse retire et paie les bracelets (parfois appelĂ©s bagues) auprĂšs de la FĂ©dĂ©ration DĂ©partementale des Chasseurs. Tout animal tuĂ© en application doit ĂȘtre, immĂ©diatement et avant tout transport, baguĂ© au jarret droit. La dĂ©livrance des bracelets s'accompagne de la perception d'une taxe qui alimente le budget de cette fĂ©dĂ©ration en vue de l'indemnisation des dĂ©gĂąts agricoles commis par le grand gibier.
  2. Un chasseur peut ĂȘtre titulaire de plusieurs validations, par exemple sur plusieurs dĂ©partements.

Références

  1. Clelie, « À quoi ça sert la chasse ? », sur Terres Ariege, (consultĂ© le )
  2. « À quoi ça sert la chasse ? », sur www.lumni.fr (consultĂ© le )
  3. (en) « A quoi sert la chasse ? Voici la réponse en image », sur Chassons.com, (consulté le )
  4. « Chasse en France », sur MinistĂšres Écologie Énergie Territoires (consultĂ© le )
  5. « Environnement : quelle est l'utilité de la chasse ? », sur TF1 INFO, (consulté le )
  6. Pierre DĂ©om, « La Saint-BarthĂ©lĂ©my des petits lapins », La Hulotte, no 62,‎
  7. AndrĂ©e Corvol, Histoire de la chasse : l'homme et la bĂȘte, Perrin, , 577 p. (ISBN 978-2-262-02335-5 et 2-262-02335-2)
  8. Michel Prieur, Droit de l'environnement, , p. 318-320
  9. Michel Prieur, Droit de l'environnement, , p. 321
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  52. Catherine Pacary, « Le monde opaque des enclos de chasse » sur France 5 : « Ce n’est plus de la chasse, c’est du meurtre », sur lemonde.fr,
  53. Perrine Mouterde, « « Ils arrivent avec leur pognon et disent : Ă©cartez-vous, c’est nous qui allons sauver la nature » : dans le Vercors, tensions autour d’une rĂ©serve de vie sauvage », sur lemonde.fr,
  54. Julie Postollec, « Engrillagement en Sologne et chasse en enclos : 4 propositions de loi en 6 mois, vraies avancées ou coup de comm' ? », sur francetvinfo.fr,

Voir aussi

Ouvrages

  • Bertrand Hell, Entre chien et loup : Faits et dits de chasse dans la France de l'Est, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, MinistĂšre de la Culture,
  • Dominique Darbon, La crise de la chasse en France. La fin d'un monde, L'Harmattan, , 300 p. (lire en ligne)
  • Marie-Claude Bartholy et Jean-Pierre Despin, Chasseurs, Office National des ForĂȘts et Ă©colos : le trio infernal : La faune sauvage mise Ă  prix, Éditions L'Harmattan, , 210 p., 13,5 x 21,5 cm
  • FrĂ©dĂ©ric Denhez, La chasse : Le vrai du faux, Delachaux / Niestle, , 156 p. (EAN 9782603020074)
  • Pierre Rigaux, Pas de fusils dans la nature. Les rĂ©ponses aux chasseurs, humenSciences, , 288 p. (lire en ligne)
  • Evelyne Moulin, La chasse est mauvaise pour la santĂ©, Ed. Les AsclĂ©piades, 2019, 104 p.
  • Jean-Claude Raynal, Pratiques cynĂ©gĂ©tiques, transformation territoriales et rĂ©gulations sociales : Vers une gestion concertĂ©e des populations de sangliers dans le Sud de la France, Presses universitaires de la MĂ©diterranĂ©e, coll. « Collection verte », , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2009), 402 p. (ISBN 978-2-36781-347-9 et 2367813477, lire en ligne)

Travaux universitaires

  • Anne Vourc'h, Un jeu avec l'animal : pratiques et reprĂ©sentations de la chasse en cĂ©vennes lozĂ©riennes, ThĂšse de doctorat en Sociologie,
  • Muriel Genhy, La chasse aux oiseaux migrateurs dans le Sud-Ouest : le droit face aux traditions, ThĂšse de doctorat en Histoire du droit,
  • David Alfroy, Chasse et droit de propriĂ©tĂ©, ThĂšse de doctorat en Droit privĂ©,
  • Paul Bourrieau, La chasse : organisation et institutionnalisation au XXe siĂšcle : L'exemple du Maine-et-Loire, ThĂšse de doctorat en Histoire moderne et contemporaine,
  • HĂ©loĂŻse Fradkine, Les mondes de la chasse : contribution Ă  une Ă©tude de rapports sociaux spatialisĂ©s en Seine-et-Marne et en CĂŽte-d’Or, thĂšse de doctorat en Sociologie,

Articles connexes

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