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Cent vues d'Edo

Les Cent vues d'Edo (ćæ‰€æ±Ÿæˆžç™Ÿæ™Ż, Meisho Edo Hyakkei) constituent, avec Les Cinquante-trois Stations du Tƍkaidƍ et Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidƍ, l'une des sĂ©ries d'estampes majeures que compte l'Ɠuvre trĂšs abondante du peintre japonais Hiroshige. MalgrĂ© le titre de l'Ɠuvre, rĂ©alisĂ©e entre 1856 et 1858, il y a en rĂ©alitĂ© 119 estampes qui toutes utilisent la technique de la xylographie (gravure sur bois). La sĂ©rie appartient au style de l'ukiyo-e, mouvement artistique portant sur des sujets populaires Ă  destination de la classe moyenne japonaise urbaine qui s'est dĂ©veloppĂ©e durant l'Ă©poque d'Edo (1603-1868). Plus prĂ©cisĂ©ment, elle relĂšve du genre des meisho-e (« peinture de vues cĂ©lĂšbres ») cĂ©lĂ©brant les paysages japonais, un thĂšme classique dans l'histoire de la peinture japonaise. Quelques-unes des gravures sont rĂ©alisĂ©es par son Ă©lĂšve et fils adoptif, Utagawa Hiroshige II qui, pendant un temps, utilise ce pseudonyme pour signer certaines de ses Ɠuvres.

Estampe no 65
À l'intĂ©rieur du sanctuaire Kameido Tenjin (1857), de la sĂ©rie Cent vues d'Edo de Utagawa Hiroshige, qui fut une source d'inspiration pour Claude Monet.

Hiroshige est un grand paysagiste, un des meilleurs de son temps, saisissant en images lyriques et émotionnelles les sites les plus beaux et les plus renommés du Japon, et particuliÚrement de sa capitale, Edo, l'actuelle Tokyo. Dans cette série sont représentés les lieux les plus emblématiques de la ville, reconstruite depuis peu à la suite d'un séisme dévastateur survenu en 1855.

Hiroshige ne montre toutefois pas les effets des destructions mais une ville idĂ©alisĂ©e, essayant de transmettre au spectateur la beautĂ© et la vie d'Edo, avec une tonalitĂ© penchant vers la nostalgie. Dans le mĂȘme temps, la sĂ©rie offre au public une forme de revue d'actualitĂ©s semblable Ă  une gazette qui donne un aperçu du dĂ©veloppement des reconstructions de la ville. Les estampes prĂ©sentent aussi des scĂšnes sociales, les rites et les coutumes des populations locales, combinant avec une grande diversitĂ© le paysage avec une description dĂ©taillĂ©e des personnes et des environnements[1].

Les Cent vues d'Edo illustrent la derniĂšre phase de l'art de Hiroshige, oĂč la sensibilitĂ© et le lyrisme presque poĂ©tique de ses paysages laissent place Ă  plus d'abstraction et d'audace de composition. Adoptant le format vertical, rarement utilisĂ© pour les sĂ©ries paysagĂšres, il innove volontiers en opposant un premier plan dramatiquement agrandi au paysage en fond, ainsi que par la vivacitĂ© de la couleur. Certains chefs-d’Ɠuvre de la sĂ©rie ont Ă©tĂ© grandement Ă©tudiĂ©s en Occident par les impressionnistes et les postimpressionnistes, notamment Vincent van Gogh qui en a tirĂ© deux copies.

« Par-dessus tout, je voulais reproduire avec prĂ©cision les rĂ©gions cĂ©lĂšbres d'Edo
 et peindre des paysages que l'observateur peut voir de ses propres yeux. »

— Utagawa Hiroshige, Souvenirs illustrĂ©s d'Edo[2].

Les meisho et Edo dans la culture japonaise

Edo

Carte ancienne
Vue et plan d'Edo vers 1858.

Au cours de la pĂ©riode Edo, le Japon est gouvernĂ© par le shogunat Tokugawa, qui a fermĂ© le pays aux contacts extĂ©rieurs par la politique dite sakoku. Cette pĂ©riode marque une Ăšre de paix et de prospĂ©ritĂ© aprĂšs les guerres civiles des XVe et XVIe siĂšcles entre 1573 et 1603 (Ă©poque Azuchi Momoyama). Le pays est unifiĂ© par Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Ieyasu Tokugawa, qui Ă©liminent les daimyos (seigneurs de guerre origine fĂ©odale) et crĂ©ent un Ă©tat centralisĂ©. La capitale est installĂ©e Ă  Edo (江 戞), l'ancien nom donnĂ© Ă  la ville de Tokyo qui se dĂ©veloppe rapidement, aprĂšs sa reconstruction Ă  la suite du grand incendie de Meireki de 1657 qui l'a presque entiĂšrement dĂ©truite. En 1725, elle devient la ville la plus peuplĂ©e au monde avec plus d'un million d'habitants. Au moment de la publication de la sĂ©rie de Hiroshige, sa population compte prĂšs de deux millions d'habitants pour une superficie d'environ 80 km2[3]. La ville est composĂ©e de zones urbaines parfois trĂšs denses sĂ©parĂ©es par des riziĂšres, des jardins ou des bosquets, offrant des panoramas urbains ou ruraux variĂ©s[4].

Edo permet l’émergence d'une classe moyenne prospĂšre, malgrĂ© le systĂšme de vassalitĂ©. Le commerce et l'artisanat prospĂšrent, conduisant Ă  l'Ă©mergence d'une classe bourgeoise (les chƍnin) de plus en plus en puissante et influente, et qui favorise la promotion des arts, en particulier la gravure, la cĂ©ramique, la laque et les produits textiles[5]. Ainsi, l'essor de la gravure sur bois devient une importante industrie dans les zones urbaines, qui se spĂ©cialise dans les estampes et les textes illustrĂ©s. Les estampes sont initialement imprimĂ©es en sumi-e Ă  l'encre noire sur papier, puis coloriĂ©es Ă  la main, mais au milieu du XVIIIe siĂšcle, la couleur fait son apparition (« nishiki-e »)[6].

Les meisho ki, guides de voyage de « lieux célÚbres »

L’Ɠuvre de Hiroshige s'inscrit dans le prolongement de l'intĂ©rĂȘt traditionnel pour les meisho, les lieux et paysages cĂ©lĂšbres, thĂšme traditionnel de la poĂ©sie et de la peinture japonaise depuis l'Ă©poque de Heian (notamment dans le waka et le yamato-e).

Au dĂ©but de l'Ă©poque d'Edo, c'est tout d'abord la vogue des meisho ki, les « guides de lieux cĂ©lĂšbres », dont l'un des premiers reprĂ©sentants est le Kyƍ warabe de Nakagawa Kiun, publiĂ© en 1658[7]. Des guides sur Edo voient trĂšs tĂŽt le jour : en 1662 est Ă©ditĂ© un guide important en sept volumes par Asai Ryƍi, l’Edo meisho ki, qui fait un inventaire extrĂȘmement dĂ©taillĂ© des lieux cĂ©lĂšbres d'Edo et des alentours ; l'ensemble est agrĂ©mentĂ© de dessins en noir et blanc[8]. En 1677 est Ă©galement publiĂ© l’Edo suzume (« les moineaux de Tokyo », c'est-Ă -dire « les gens de Tokyo ») en douze volumes ; les illustrations sont rĂ©alisĂ©es par des amis de l'auteur, Hishikawa Moronobu, venant de Kyoto[9].

Meisho zue et images d'Edo

Les meisho zue (« livres illustrĂ©s de lieux cĂ©lĂšbres ») se rĂ©pandent Ă  la fin de l'Ă©poque d'Edo et viennent relayer de façon plus visuelle la popularitĂ© des meisho ki : Ă  la diffĂ©rence de ces derniers, ils sont principalement composĂ©s d'illustrations des lieux cĂ©lĂšbres[10]. Les meisho zue marquent la transition entre les meisho ki, les guides de voyage oĂč le texte prĂ©domine, et les sĂ©ries d'estampes que les peintres paysagistes comme Hokusai et Hiroshige publient plus tard[11]. Hiroshige rĂ©alise d'ailleurs une sĂ©rie directement inspirĂ©e des guides illustrĂ©s, les Vues des sites cĂ©lĂšbres des soixante et quelques provinces du Japon (RokujĆ«yoshĆ« meisho zue)[7].

S'inspirant des guides illustrĂ©s qui apparaissent au XIXe siĂšcle dans la rĂ©gion de Kyoto, Saitƍ Yukio entame l'Ă©dition d'une Ɠuvre similaire pour Edo, l’Edo meisho zue, finalement achevĂ© par son fils Saitƍ Yukitaka et Ă©ditĂ© par son petit fils Saitƍ Gesshin en sept volumes entre 1834 et 1837. Les nombreuses illustrations sont rĂ©alisĂ©es par le peintre Hasegawa Settan Ă  la demande de Yukitaka[9]. L’Edo meisho zue commence par un historique de la province et de l'Ă©tablissement d'Edo, puis dĂ©crit avec minutie les lieux cĂ©lĂšbres de la ville et des environs : leur histoire, l'origine du nom, les lĂ©gendes et poĂšmes liĂ©s ; concernant l'historiographie, il renseigne Ă©galement sur les coutumes, les cĂ©rĂ©monies, les temples et la vie quotidienne de l'Ă©poque[9] - [12]. Saitƍ Gesshin rĂ©alise Ă©galement le Tƍto saijaki (« Sur les cĂ©rĂ©monies annuelles de la capitale de l'Est ») en 1838[12], oĂč de nombreux parallĂšles sont effectuĂ©s entre les lieux cĂ©lĂšbres d'Edo et les lieux de pĂšlerinage sacrĂ©s du Japon[13].

Finalement, les meisho zue donnent une place bien plus importante aux illustrations de lieux cĂ©lĂšbres que les meisho ki, dans un style rĂ©aliste et proche de l’ukiyo-e. Lorsque enfin le talent de paysagiste de Hokusai et de Hiroshige parvient Ă  pleine maturitĂ©, aux alentours de 1830, l'image s'impose finalement avec les sĂ©ries meisho-e (dont les Trente-Six Vues du mont Fuji de Hokusai, premier grand succĂšs du genre dĂšs 1831-1833).

Plus gĂ©nĂ©ralement, de nombreux autres livres illustrĂ©s sur les lieux cĂ©lĂšbres d'Edo voient le jour aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, souvent avec la participation d'artistes ukiyo-e de l'Ă©cole Utagawa ou bien de poĂštes kyƍka (la poĂ©sie kyƍka imitait souvent de façon parodique et divertissante la poĂ©sie traditionnelle waka Ă  l'Ă©poque d'Edo)[8]. Edo Ă©tait en effet le foyer artistique de l’ukiyo-e, oĂč la production Ă©tait soutenue tant par l'afflux de touristes que par la demande des habitants de la ville, les chƍnin (bourgeois et marchands)[8].

Place dans l'Ɠuvre de Hiroshige

Edo dans l'Ɠuvre de Hiroshige

Portrait peint
Portrait posthume d'Hiroshige, peint par son ami Utagawa Kunisada.

Utagawa Hiroshige (æ­Œć·ćșƒé‡)[n. 1] (1797-1858) est un des derniers et meilleurs reprĂ©sentants de l'Ă©cole ukiyo-e (æ”źäž–ç””, « image du monde flottant »), spĂ©cialiste de la peinture de paysage[14]. Son style se caractĂ©rise par une reprĂ©sentation fidĂšle mais subjective de la rĂ©alitĂ©, la prĂ©sence de la vie quotidienne du peuple et la reprĂ©sentation de la nature d'une façon lyrique et Ă©vocatrice, non sans un certain romantisme et avec une grande sensibilitĂ© pour donner forme Ă  leur Ă©phĂ©mĂšre beautĂ©[15]. Le thĂšme des saisons attachĂ©es aux lieux dĂ©crits dans chaque planche de la sĂ©rie et la prĂ©sence d'activitĂ©s humaines dans les paysages constituent un lien avec la tradition poĂ©tique et picturale du Japon, perceptible dans de nombreuses Ɠuvres du peintre[16] - [17].

Hiroshige naĂźt et passe la majeure partie de sa vie Ă  Edo (Tokyo), ville qu'il a dĂ©jĂ  reprĂ©sentĂ©e dans plusieurs centaines d'estampes avant les Cent vues d'Edo ; il s'agit ainsi d'un de ses thĂšmes favoris avec le Tƍkaidƍ[18]. Sa premiĂšre sĂ©rie de paysages datant de 1831 porte d'ailleurs sur le sujet : il s'agit de dix planches intitulĂ©es Tƍto meisho (Vues cĂ©lĂšbres de la capitale de l'Est), imprĂ©gnĂ©es d'une atmosphĂšre mĂ©ditative, printaniĂšre et distante[19]. Il crĂ©e au moins dix autres sĂ©ries ultĂ©rieures portant le mĂȘme nom, et rĂ©alise Ă©galement les Edo meisho (Vues cĂ©lĂšbres d'Edo), Ă©ditĂ©es en 1853, oĂč il accorde une plus grande proximitĂ© aux figures[20]. Parmi les autres dĂ©clinaisons du thĂšme, il faut encore citer les Shiki kƍto meisho (Endroits cĂ©lĂšbres d'Edo au fil des quatre saisons) vers 1834, les Kinkƍ Edo hakkei (Huit vues des faubourgs d'Edo) en 1838, les Tƍto hakkei (Huit vues de la capitale de l'Est) en 1837-1838 ou encore les Kƍto shƍkei (Jolies vue d'Edo) en 1840[21]. Le concept des « huit vues » (hakkei) est dĂ©jĂ  employĂ© avant Hiroshige — un maĂźtre du genre — par les artistes ukiyo-e dĂšs les annĂ©es 1760-1770, et dĂ©clinĂ© trĂšs librement sous de nombreuses formes (par exemple les vus Ă©lĂ©gantes ou modernes d'Edo dont Hiroshige rĂ©alise une cinquantaine de sĂ©ries) ; il s'agit Ă  l'origine d'un thĂšme de poĂ©sie chinoise appliquĂ© ultĂ©rieurement Ă  la peinture de paysage[8]. Certaines scĂšnes reviennent ainsi de façon rĂ©currente dans ces Ɠuvres, comme le pont de Ryƍgoku et ses feux d'artifice ou la riviĂšre Sumida-gawa[19].

Enfin, le travail qui prĂ©figure le plus les Cent vues d'Edo sont les Souvenirs d'Edo (Ehon Edo miyage), livres d'images d'Edo en dix volumes petit format, publiĂ©s Ă  partir de 1850 par Kinkƍ-do. ComposĂ© uniquement de gravures, l'auteur y retranscrit les lieux avec une forte prĂ©cision topographique, jouant seulement sur les angles et les perspectives[22].

Évolution du peintre dans les Cent vues d'Edo

Lorsqu'il rĂ©alise cette sĂ©rie, Hiroshige jouit dĂ©jĂ  d'une forte renommĂ©e grĂące Ă  ses fameuses estampes de paysages (comme Les Cinquante-Trois Stations du Tƍkaidƍ ou Les Soixante-Neuf Stations du Kiso Kaidƍ) et, Ă  soixante ans, tout indique qu'il s'agira de son dernier grand projet (il meurt avant de l'avoir achevĂ©)[23]. À cette Ă©poque, l'artiste semble vouloir rĂ©orienter son Ɠuvre tant techniquement qu'artistiquement. Au doux lyrisme de ses sĂ©ries de la dĂ©cennie 1830 succĂšdent Ă  la fin des annĂ©es 1840 des compositions violemment contrastĂ©es, plus dramatiques et moins centrĂ©es sur l'humain ; dans les Cent vues, il gĂ©nĂ©ralise ses impressions, allant vers plus d'abstraction et de symbolisme, non de façon analytique comme Hokusai, mais en traduisant le caractĂšre Ă©motionnel d'une scĂšne[24]. Smith voit dans ces changements la maturitĂ© de l'Ăąge ; Hiroshige entre d'ailleurs en religion en 1856, fait coutumier au Japon lorsque la vieillesse survient, mais qui explique peut-ĂȘtre la distance inhabituelle prise par le peintre avec ses sujets dans les Cent vues d'Edo, que ce soit la nature et la vie spontanĂ©e des petites gens[25]. Une autre hypothĂšse est le besoin de rĂ©inventer son art du paysage lyrique, qui perd de son originalitĂ© chez le peintre dans les annĂ©es 1840[24]. Ces Ă©volutions de style, de sensibilitĂ© et de thĂšmes tangibles dans les Cent vues d'Edo peuvent dĂ©jĂ  ĂȘtre perçues dans les Souvenirs d'Edo sur maintes scĂšnes[26].

Concernant le style et la composition, les Vues des sites célÚbres des soixante et quelques provinces du Japon (Rokujƫyoshƫ meisho zue) publiées entre 1853 et 1856 préfigurent également des Cent Vues d'Edo, car Hiroshige y fait une premiÚre exploitation importante du format vertical pour une série de paysages ; la distance évidente prise avec l'humain dans les Cent vues d'Edo y est également déjà présente[27] - [28].

Le choix des vues prĂ©sente Ă©galement quelques originalitĂ©s : traditionnellement au Japon et dans l'Ɠuvre de Hiroshige, les lieux cĂ©lĂšbres (meisho) sont choisis pour leur beautĂ© rĂ©elle ou leur force d'Ă©vocation poĂ©tique, mais le peintre fait figurer ici de nombreuses places peu connues, qu'il juge simplement dignes d'ĂȘtre visitĂ©es[25]. D'aprĂšs les estimations de Smith, il se trouve dans la sĂ©rie un tiers de lieux classiques souvent reprĂ©sentĂ©s par Hiroshige, un tiers de lieux occasionnels et un tiers de lieux inĂ©dits dans ses Ɠuvres Ă  l'exception des Souvenirs d'Edo. En effet, Hiroshige y fait dĂ©jĂ  figurer des lieux peu cĂ©lĂšbres Ă  l'intĂ©rĂȘt plutĂŽt topographique ou historique, dans la lignĂ©e de guides comme l'Edo meisho zue ; cette Ă©volution du concept de meisho-e reflĂšte ainsi « un goĂ»t pour l'observation empirique au XIXe et la maturitĂ© d'Edo comme centre urbain »[17].

Novatrices dans l'Ɠuvre de Hiroshige, les Cent vues d'Edo se situent donc dans la derniĂšre pĂ©riode crĂ©atrice du peintre, oĂč le lyrisme et la sensibilitĂ© pour les personnages si remarquĂ©s dans Les Cinquante-Trois Stations du Tƍkaidƍ cĂšdent quelque peu le pas Ă  plus d'abstraction et d'audace de composition[14] - [29].

Les Cent vues d'Edo

Élaboration et Ă©dition

Reproduction du tableau de Van Gogh
Japonaiserie : Pont sous la pluie (1887), de Vincent van Gogh, interprĂ©tation de l’Ɠuvre de Hiroshige.
Reproduction de l'estampe d'Hiroshige
Le pont ƌhashi à Atake sous une averse soudaine (1857), de Utagawa Hiroshige.

La sĂ©rie Cent vues d'Edo est rĂ©alisĂ©e par Hiroshige entre 1856 et 1858 — annĂ©es 3 Ă  5 de l'Ăšre Ansei du calendrier japonais[n. 2]. Cette sĂ©rie diffĂšre des deux autres sur plusieurs points, et en particulier, par le recours Ă  des gravures cadrĂ©es verticalement, et non plus exclusivement horizontalement. Elle comprend un total de 119 estampes de paysages et de monuments d'Edo, l'ancien nom de Tokyo.

Ce projet est l'un des plus ambitieux et des plus révélateurs de la production de cet artiste. Avec lui, le célÚbre disciple de l'école ukiyo-e se propose de refléter les changements intervenus dans la capitale nippone au cours des derniÚres années, quand le progrÚs et la modernité progressent rapidement et détruisent les coutumes et les traditions du Japon. En 1853, le blocus naval du commodore américain Matthew Perry contraint l'empereur à ouvrir le Japon à l'Occident.

Deux ans plus tard, en 1855, Edo subit un sĂ©isme majeur (de magnitude 7,1), qui provoque de grandes destructions, cause la mort de 10 000 personnes et la destruction de 16 000 bĂątiments. Tels sont les changements dans l'apparence de la ville que Hiroshige veut reprĂ©senter dans sa sĂ©rie. NĂ©anmoins, l'artiste meurt avant qu'Edo bascule avec la fin du shogunat Tokugawa, et son Ɠuvre apparaĂźt ainsi comme l'un des « derniers grands tĂ©moignages d'Edo Ă  son apogĂ©e[30]. »

Au moment d'entreprendre ce travail, Hiroshige est Ă  l'apogĂ©e de sa carriĂšre. En 1856, il reçoit alors une commande de Sakanaya Eikichi, un Ă©diteur qui veut reflĂ©ter les changements Ă  Edo aprĂšs le tremblement de terre. Hiroshige met en Ɠuvre cette idĂ©e dans plus d'une centaine des points de vue les plus connus et pittoresques de la ville. Ces « vues d'Edo » sont accueillies avec beaucoup de succĂšs, chaque gravure connaissant un tirage de 10 000 Ă  15 000 exemplaires. La sĂ©rie est malheureusement interrompue par la mort de l'auteur lors d'une Ă©pidĂ©mie de cholĂ©ra en 1858. Finalement, quelques-unes des estampes qui ne devaient jamais ĂȘtre achevĂ©es par le maĂźtre l'ont Ă©tĂ© par son Ă©lĂšve, Utagawa Hiroshige II.

La sĂ©rie est rĂ©alisĂ©e au format ƍban, grand format, environ 39,5 cm × 26,8 cm[n. 3] et utilise la technique nishiki-e, un type de chromoxylographie introduit au XVIIIe siĂšcle (en 1765) qui permet la gravure en couleur[31]. En accord avec les rĂšglements du gouvernement, il doit ajuster son travail pour ĂȘtre acceptĂ© par la censure. En effet, selon un Ă©dit de 1790, toutes les publications doivent se conformer Ă  la politique de limitation du luxe et ne pas contenir de matĂ©riel politiquement sensible, et ce Ă  diffĂ©rents stades.

La premiĂšre annĂ©e, 1856, il prĂ©sente 37 estampes ; en 1857, 71, et en 1858, l'annĂ©e de sa mort, 7[24]. Apparemment, l'idĂ©e de l'auteur et l'Ă©diteur est de terminer la sĂ©rie en , et deux impressions de ce mois portent le titre « ComplĂ©ments pour entretenir les cent vues d'Edo » (Edo hyakkei yokyƍ). Mais le mois suivant, trois autres gravures sont prĂ©sentĂ©es sous le titre habituel[32] - [33]. Ces cent quinze gravures sur bois sont achevĂ©es en avec trois autres impressions — approuvĂ©s par les censeurs — aprĂšs la mort de Hiroshige, probablement exĂ©cutĂ©es par Hiroshige II Ă  la demande de l'Ă©diteur. Puis la rĂ©alisation de l'index est confiĂ©e Ă  Baisotei Gengyo (1817-1880), dessinateur de couvertures rĂ©putĂ©. Enfin, en 1859, Hiroshige II fait une derniĂšre feuille pour cĂ©lĂ©brer sa promotion au grade de maĂźtre, avec le sceau de la censure en [3].

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, toutes les estampes contiennent trois cartouches : dans le coin supĂ©rieur droit, en rouge le titre de la sĂ©rie (Meisho Edo hyakkei) au mĂȘme format qu'une poĂ©sie tanzaku ; Ă  cĂŽtĂ©, le titre de chaque estampe au format d'une feuille de poĂ©sie shikishi, et dans le coin infĂ©rieur gauche, Ă©galement en rouge ou parfois en jaune, le nom de l'auteur, Hiroshige. En dehors du cadre de l'image, en bas Ă  gauche, apparaĂźt frĂ©quemment le sceau de l'Ă©diteur, Sakanaya Eikichi, avec parfois son adresse (Shitaya Shinkuromonchƍ), parfois abrĂ©gĂ© en « Shitaya Uoei » (qui correspond Ă  Uoya Eikichi, autre nom sous lequel l'Ă©diteur est Ă©galement connu). Également en dehors du cadre, dans le coin supĂ©rieur droit, est habituellement placĂ© le sceau de la censure, aratame (« examinĂ© »), gĂ©nĂ©ralement avec la date reprĂ©sentĂ©e par le signe de l'annĂ©e. 1856 Ă©tait l'annĂ©e du dragon (tatsu) ; 1857, l'annĂ©e du serpent (hebi) et 1858, l'annĂ©e du cheval (uma). Hiroshige se rĂ©serve une certaine flexibilitĂ© dans le placement des cartouches selon les axes dominants de la composition[34] - [35].

Style et expression

Le « pin de la Lune » à Ueno (1857), de Utagawa Hiroshige.

Les estampes sont groupées selon les saisons de l'année comme l'indique l'index : 42 estampes pour le printemps, 30 pour l'été, 26 pour l'automne et 20 pour l'hiver[n. 4]. Bien qu'avec l'ùge l'artiste ait perdu un certain pouvoir d'expression présent dans les travaux précédents, cette série pleine d'émotion intense et colorée avec une grande sensibilité[n. 5] montre le lien spécial qu'entretient Hiroshige avec le paysage de sa ville natale.

Au fil des diffĂ©rentes estampes, l'auteur a recours aux diverses techniques qu'il a apprises tout au long de sa vie : karazuri, technique d'impression « Ă  vide » (« kara ») oĂč l'on imprime en relief une feuille de papier en la frottant avec un tampon, baren, sur une planche gravĂ©e non encrĂ©e ; atenashi-bokashi, un variante du bokashi consistant Ă  mĂȘler un liquide avec l'encre et Ă  l'Ă©taler sur toute la surface, idĂ©ale pour l'eau et les nuages ; kimekomi, technique oĂč l'on presse une planchette sur le papier pour dĂ©terminer les lignes et les contours ; et kirakake, gravure brillante, rĂ©alisĂ©e avec deux planchettes, une de couleur et l'autre enduite de colle faite Ă  partir d'os, placĂ©e sur le papier qui est ensuite saupoudrĂ© de mica[38]. La vivacitĂ© du coloris tĂ©moigne Ă©galement de la qualitĂ© de la sĂ©rie, Ă  dominante bleue, rouge et parfois jaune[27].

Dans ces images, Hiroshige dĂ©crit avec prĂ©cision les paysages, mais au travers du prisme de l'Ă©motion, en interprĂ©tant subjectivement la rĂ©alitĂ©[39]. MalgrĂ© une volontĂ© de prĂ©cision topographique, l'artiste n'hĂ©site pas Ă  altĂ©rer les dĂ©tails secondaires du rĂ©el pour des raisons artistiques ; fidĂšle Ă  sa recherche de l'Ă©motion, il modifie quelque peu l'approche japonaise traditionnelle presque holiste de la nature en adoptant le point de vue Ă©motionnel de l'humain qui contemple le paysage[39] - [40]. Chaque estampe comprend gĂ©nĂ©ralement de petites figures humaines immergĂ©es dans la grandeur de leur environnement, ainsi que des animaux et de simples objets anecdotiques[40], parfois avec un certain ton satirique et humoristique comme les deux bras et jambes poilus au premier plan de la planche 72[41]. Le peintre mĂȘle ainsi paysage, nature morte et scĂšne de mƓurs pour mieux disposer le spectateur Ă  percevoir la scĂšne[39].

L'auteur reprĂ©sente les paysages dans des cadrages insolites qui favorisent un certain sens de la perspective, bien que cela se fasse sans l'aide de la perspective occidentale linĂ©aire que cependant il connaĂźt, et utilise occasionnellement, en particulier dans la reconstitution du thĂ©Ăątre kabuki. Dans la sĂ©rie, Hiroshige utilise principalement deux types de compositions : paysages reprĂ©sentĂ©s depuis un point de vue naturel, et vues dĂ©coratives, oĂč il occupe le premier plan par un objet quelconque, relĂ©guant le paysage au second plan[42]. Un tiers environ des estampes sont conçues selon ce procĂ©dĂ©, les autres paysages conservant la perspective traditionnelle japonaise dite Ă  vol d'oiseau, c'est-Ă -dire des paysages vus Ă  partir d'un point de vue Ă©loignĂ© en hauteur[27]. Ce sont ces vues dĂ©coratives trĂšs expressives qui suscitĂšrent l'admiration des peintres impressionnistes. Le premier plan surdimensionnĂ© permet de cadrer la scĂšne et de guider l’Ɠil vers le paysage en arriĂšre-plan, ainsi que de crĂ©er une opposition entre deux plans qui donne une expression plus dynamique, contrastĂ©e et tendue Ă  l'ensemble, ce que renforcent le format vertical et les forts contrastes de couleurs[43] - [27] - [24]. Il se crĂ©e de cette façon une « illusion de l'espace », une profondeur aidant Ă  lire le paysage[44]. Selon Henry Smith, Hiroshige a cherchĂ© Ă  compenser le manque de lyrisme de certains sujets par cette innovation frappante en matiĂšre de composition[45] - [20].

Les estampes

LĂ©gendes

  • Saison : saison de l'estampe.
  • N° Ă©pars : numĂ©ro de l'estampe suivant la notation « Ă©parse » (chirashigaki), c'est-Ă -dire en lisant la boĂźte en forme d'Ă©ventail pour l'Ă©tĂ© sur la table des matiĂšres des estampes et donc en regroupant les titres par ensembles de trois.
  • N° vert. : numĂ©ro selon le classement vertical donnĂ© par les sources du dĂ©but du XXe siĂšcle, c'est-Ă -dire, pour les titres des estampes d'Ă©tĂ©, en lisant verticalement et ligne Ă  ligne la boĂźte en forme d'Ă©ventail.
  • Titre : tel qu'il apparaĂźt sur l'estampe avec la traduction en français et l'original japonais.
  • Description : description de l'estampe.
  • Date : date de l'estampe.
  • Image : reproduction de l'estampe.
Les estampes
Saison N° épars N° vert. Titre Description Date Estampe
Table des matiÚres Les titres abrégés des estampes sont rangés par saison : deux boßtes en haut pour les estampes du printemps, une boßte en forme d'éventail celles de l'été, une boßte en bas à droite celles de l'automne et une boßte en bas à gauche les estampes de l'hiver. Reproduction de l'estampe
Printemps 1 1 Le pont de Nihonbashi : Éclaircie aprĂšs la neige (æ—„æœŹæ©‹é›Ș晎, Nihonbashi yukibare) Avec cette premiĂšre estampe qui ouvre la sĂ©rie du printemps, Hiroshige montre ce qui est le plus caractĂ©ristique de son style, une vision Ă©tendue qui se perd dans le lointain, avec de multiples Ă©lĂ©ments naturels et architecturaux ainsi que de petites figures de personnes occupĂ©es Ă  leurs activitĂ©s quotidiennes. Le centre de la feuille est occupĂ© par le pont Nihonbashi (« pont du Japon »), un des plus grands et des plus reprĂ©sentatifs de la ville, construit en 1603, et qui sert de kilomĂštre zĂ©ro pour mesurer les distances du pays. Au second plan se trouve le palais de l'empereur et le mont Fuji tout au fond. On remarque l'effet bokashi dans la gradation des divers tons de bleu de la riviĂšre[46]. Reproduction de l'estampe
Printemps 2 2 Kasumigaseki (霞がせき) Il s'agit d'une forte composition verticale oĂč, au-dessus de l’axe d'une rue frĂ©quentĂ©e de la ville, s’étend un vaste ciel aux diffĂ©rentes nuances de couleur. L’image suggĂšre une certaine perspective linĂ©aire sur la rue qui descend dans la baie de Tokyo, mais cette impression est attĂ©nuĂ©e par un puissant chromatisme. Aux deux extrĂ©mitĂ©s de la rue se trouvent deux maisons de daimyos, Ă  gauche, Asano de Hiroshima, et Ă  droite, Kuroda de Fukuoka. Sur les cĂŽtĂ©s sont reprĂ©sentĂ©s deux grands pins kadomatsu. Il est possible de reconnaĂźtre quelques danseurs, un prĂȘtre et plusieurs samouraĂŻs. Dans le ciel vole un cerf-volant portant le symbole sakana (« poisson »), le premier Ă©lĂ©ment du nom de l'Ă©diteur Sakanaya[38]. Reproduction de l'estampe
Printemps 3 3 Hibiya et Soto-Sakurada vus de Yamashita-chƍ (汱䞋ç”șæ—„æŻ”è°·ć€–ă•ăă‚‰ç”°, Yamashita-chƍ Hibiya Soto-Sakurada) De nouveau, une forte composition verticale avec un profond paysage faisant apparaĂźtre le mont Fuji en arriĂšre-plan. L’image reprĂ©sente un changement de saison avec des symboles de la nouvelle annĂ©e. On voit Ă  droite un mur appartenant au palais. Sur les deux cĂŽtĂ©s figurent deux raquettes de hagoita du jeu de hanetsuki, raquettes qui sont vendues Ă  la nouvelle annĂ©e au temple de Sensƍ-ji Ă  Asakusa. Le volant utilisĂ© dans le jeu semble suspendu dans le ciel au-dessus des raquettes en bambou, oĂč sont peints un personnage sur celle de droite et un kadomatsu (objet dĂ©coratif traditionnel pour le Nouvel An) sur celle de gauche[47]. En bas Ă  gauche, des rameaux de pin empiĂštent sur la douve du palais. Comme sur l’estampe prĂ©cĂ©dente, des cerfs-volants flottent haut dans le ciel d'oĂč se dĂ©tache un yakko empruntant la forme d’un kimono. À l’arriĂšre-plan se trouve la rĂ©sidence du daimyo Nabeshima Kanso, un fabricant d’artillerie dont le portail est dĂ©corĂ© d’une botte de paille de riz[48]. Reproduction de l'estampe
Printemps 4 4 Tsukudajima et le pont Eitaibashi (æ°žä»Łæ©‹äœƒă—ăŸ, Eitaibashi Tsukudajima) Cette image nocturne montre un petit ponton de l’üle de Tsukuda dans la baie d'Edo, vue depuis le pont Eitaibashi (« pont de l’éternitĂ© »), reprĂ©sentĂ© par le large pilier qui occupe le cĂŽtĂ© gauche. Ce pont, construit en 1698 est le plus long d’Edo et traverse la Sumida-gawa, principale riviĂšre de la ville. L'Ăźle est un port de pĂȘche officiel, chargĂ© de ravitailler le shogun en poissons frais. Les nuits d’hiver et de printemps, on y attrape les shirauo (« poisson blanc »), attirĂ©s par les lueurs des torches, comme on le voit au centre de l’image[49]. Reproduction de l'estampe
Printemps 5 5 Le temple Ekƍ-in Ă  Ryƍgoku et le pont Moto-Yanagi (äžĄă”ăć›žć‘é™ąć…ƒæŸłæ©‹, Ryƍgoku Ekƍin Moto-Yanagibashi) Il s’agit encore d’une vue verticale avec le mont Fuji et un grand ciel bleu Ă  partir d'un point de vue inhabituel, celui du temple mentionnĂ© dans le titre mais qui n’apparaĂźt pas, alors que du cĂŽtĂ© gauche figure un grand Ă©chafaudage en bois avec un tambour dans la partie supĂ©rieure, montrant le goĂ»t de Hiroshige pour les Ă©lĂ©ments anecdotiques. De cet Ă©chafaudage, on joue du tambour lors des compĂ©titions de sumo qui se tiennent au temple oĂč a eu lieu le premier tournoi de sumo en 1768. Le temple Ekƍ-in, construit en 1657, appartient au bouddhisme de la Terre pure (æ·šćœŸ, jƍdo), et a Ă©tĂ© construit pour commĂ©morer les 100 000 victimes de l'incendie qui a rasĂ© la ville. DerriĂšre la Sumida-gawa sur laquelle naviguent embarcations et transbordeurs apparaĂźt la rĂ©sidence de Matsudaira, le seigneur fĂ©odal de Tanba, prĂšs du pont Moto-Yanagi et d’un grand saule[49]. Reproduction de l'estampe
Printemps 6 6 ManĂšge de Hatsune Ă  Bakuro-chƍ (马新ç”ș戝音ぼ马栮, Bakuro-chƍ Hatsune no baba) L’écurie « Hatsune no baba », la plus ancienne d’Edo, est vue d’une perspective insolite, Ă  travers des linges sortis par le teinturier de l’arrondissement voisin de Kon'ya, linge dont les couleurs blanches, ocre et violettes s’harmonisent avec le fond du ciel. Au milieu des pavillons de l’écurie se dresse une tour de pompiers qui couvre les environs, un Ă©lĂ©ment familier pour Hiroshige qui a hĂ©ritĂ© de son pĂšre la position de capitaine des pompiers en 1809 et, Ă  son tour, l’a transmise Ă  son fils en 1832 pour se consacrer Ă  la peinture[50]. Reproduction de l'estampe
Printemps 7 7 Boutiques avec des biens en coton Ă  ƌdenma-chƍ (ć€§ăŠă‚“ăŸç”șæœšç¶żćș—, ƌtenma-chƍ momendana) Le quartier ƌdenma-chƍ (« grand quartier des chevaux de poste ») est un relais de poste qui centralise la plupart des marchandises dans la capitale nippone. Voici une rue avec un point de fuite vers la gauche, bordĂ©e de boutiques consacrĂ©es au coton et dont certains des noms sont peints sur les portes : Tahataya, Masuya, Shimaya. Sur les toits se trouvent des conteneurs remplis d’eau de pluie pour Ă©teindre de possibles incendies. Dans la rue passent des geishas au kimono gris imprimĂ© de libellules, et dont les visages esquissent quelques traits essentiels. La composition met en Ă©vidence l'utilisation du bleu dans des tons variĂ©s, magistralement utilisĂ©s pour des effets d'ombrage[51] - [n. 6]. Reproduction de l'estampe
Printemps 8 8 Suruga-chƍ (ă™ă‚‹èł€ăŠă”, Suruga tefu) Dans cette estampe, l'artiste utilise une fois encore la perspective linĂ©aire occidentale, Ă  partir d'un point de vue qui montre une rue animĂ©e qui se perd dans la brume dont Ă©merge l’imposante prĂ©sence du mont Fuji. Le quartier Suruga-chƍ, nommĂ© d'aprĂšs l'ancien nom de la province oĂč se trouve le mont Fuji, est parsemĂ© de boutiques consacrĂ©es Ă  l'industrie textile. Des deux cĂŽtĂ©s de la rue sont reprĂ©sentĂ©s les caractĂšres dĂ©signant les magasins Mitsui : mittsu (« trois ») et i (« bien ») qui sont devenus l’actuelle chaĂźne de grands magasins Mitsukoshi[53]. Reproduction de l'estampe
Printemps 9 9 La rue Yatsukƍji, prĂšs de la porte Sujikai (ç­‹é•ć†…ć…«ăƒ„ć°è·Ż, Sujikai uchi Yatsukƍji) Une large vue panoramique plongeante montre dans le coin infĂ©rieur gauche un cortĂšge de petits personnages qui accompagnent un daimyo dans un des nombreux voyages qu’il doit accomplir des provinces Ă  la capitale[n. 7]. La rue Yatsukƍji (« huit chemins ») prĂ©sentĂ©e en diagonale est l'un des principaux axes de communication de la ville. Le grand espace vide au milieu de la rue est subtilement dessinĂ© avec des nuances de brun, de vert et de gris tandis que le ciel est montrĂ© Ă  nouveau avec des variations de bleu et blanc au rouge. Dans l'arriĂšre-plan se profile le sanctuaire Kanda sur une brume rougeĂątre qui couvre la Kanda-gawa[54]. Reproduction de l'estampe
Printemps 10 10 Lever de soleil au sanctuaire de Kanda Myƍjin (焞田明焞曙äč‹æ™Ż, Kanda Myƍjin akebono no kei) Si sur l’estampe prĂ©cĂ©dente le sanctuaire se distingue au loin, sur cette image l’artiste est Ă  prĂ©sent dans le sanctuaire, plus prĂ©cisĂ©ment sur une terrasse offrant une vue panoramique sur les toits de la ville plongĂ©e dans l'obscuritĂ© tandis que l’aube se lĂšve. Au premier plan se dresse un grand et majestueux cĂšdre qui impose un axe vertical Ă  la composition. DerriĂšre l’arbre se trouvent les figures d'un prĂȘtre, d’un serviteur du temple et de son assistant aux robes de couleurs vives. Construit en 1730, le sanctuaire Kanda Myojin sert d’emplacement Ă  quelques festivitĂ©s durant lesquelles la population d’Edo entre en procession dans le palais du shogun ; mais ici, c'est une calme matinĂ©e avant l'agitation habituelle d'un des sanctuaires les plus populaires de la capitale que Hiroshige reprĂ©sente[55] - [56]. Dans cette estampe solennelle, la qualitĂ© d'impression est trĂšs Ă©levĂ©e, notamment les dĂ©gradĂ©s et les vĂȘtements blancs traitĂ©s en impression textile[57]. Reproduction de l'estampe
Printemps 11 11 Le pavillon Kiyomizu et l'Ă©tang Shinobazu no ike Ă  Ueno (äžŠé‡Žæž…æ°Žć ‚äžćżăƒŽæ± , Ueno Kiyomizu-dƍ Shinobazu no ike) Encore une perspective inhabituelle du pavillon Kiyomizu-dƍ, situĂ© dans l'enceinte du temple de Kan'ei-ji. Du pavillon, on aperçoit la terrasse au milieu de cerisiers en fleurs dont les Japonais admirent beaucoup la beautĂ© Ă©phĂ©mĂšre, comme le souligne la fĂȘte de hanami. La terrasse donne sur l'Ă©tang Shinobazu no ike situĂ© dans le parc d’Ueno dont l’eau est colorĂ©e d’un bleu trĂšs doux. En face des cerisiers se trouvent quelques grands pins dont l’un se distingue par sa curieuse forme qui le fait appeler « pin de la lune » et qui apparaĂźt plus en dĂ©tail sur la planche 89[58]. Les proportions exagĂ©rĂ©es des pins et de la terrasse tiennent peut-ĂȘtre au passage au format vertical de cette scĂšne qu'il avait peinte avec plus de rĂ©alisme dans les Souvenirs d'Edo (Ehon Edo miyage)[59]. Reproduction de l'estampe
Printemps 12 12 Ueno Yamashita (äžŠé‡Žć±±ă—ăŸ) Le sujet principal de l'estampe est l’établissement Ă  droite, un restaurant de restauration rapide appelĂ© « Iseya » comme l’indiquent les inscriptions en katakana et en hiragana. On distingue Ă©galement sur l’enseigne le signe shisomeshi qui est un plat de riz avec des feuilles de shiso. Dans le coin infĂ©rieur gauche passent d’élĂ©gantes dames avec de grands parapluies qui se dirigent peut-ĂȘtre vers le sanctuaire d’Ueno voisin. Le ciel est traversĂ© d’une volĂ©e de corbeaux, trĂšs abondants dans cette rĂ©gion. Cette estampe est de la main d’Hiroshige II qui l’a crĂ©Ă©e aprĂšs la mort du maĂźtre, mais probablement Ă  partir d’un dessin dĂ©jĂ  esquissĂ©, puisque le nom de l’auteur apparaĂźt dans le cartouche rouge au coin supĂ©rieur droit[60]. Reproduction de l'estampe
Printemps 13 13 Shitaya Hirokƍji (äž‹è°·ćșƒć°è·Ż) L’image montre une vue panoramique de la rue Hirokƍji (« grande rue ») qui mĂšne au temple de Kan'ei-ji Ă  Ueno, dont l’emplacement noyĂ© dans le brouillard sert de point de fuite de l’image. Parmi les personnages dans la rue passent un groupe de samouraĂŻs et un long cortĂšge de femmes munies d’ombrelles. Au premier plan de la rue, sur le cĂŽtĂ© droit, se trouve le bĂątiment des entrepĂŽts Matsuzakaya consacrĂ©s au nĂ©goce du textile et rĂ©cemment reconstruits aprĂšs la totale destruction causĂ©e par le sĂ©isme de 1855. Ces entrepĂŽts sont encore aujourd’hui situĂ©s au mĂȘme endroit[61]. Reproduction de l'estampe
Printemps 14 14 Jardins du temple Ă  Nippori (æ—„æšźé‡ŒćŻșé™ąăźæž—æł‰, Nippori jiin no rinsen) Cette composition dessinĂ©e Ă  nouveau depuis une perspective aĂ©rienne reprĂ©sente les jardins du temple de ShĆ«shƍin dans lesquels fleurissent des cerisiers aux douces nuances rosĂ©es. L‘artiste prend la libertĂ© de faire coĂŻncider la floraison des cerisiers avec celle des azalĂ©es, ce qui ne se produit pas en rĂ©alitĂ©. Sur quelques tirages de cette estampe, la couleur rose des deux cerisiers du premier plan n’apparaĂźt pas Ă  cause d’une erreur d’impression. La coexistence pacifique des temples bouddhistes et shintoĂŻstes dans le complexe de Nippori a cessĂ© avec l'abolition temporaire du bouddhisme et la mise en place du shintoĂŻsme comme religion officielle en 1868[62]. Reproduction de l'estampe
Printemps 15 15 La pente de Suwa Ă  Nippori (æ—„æšźé‡Œè«èšȘぼ揰, Nippori Suwanodai) L’artiste nous donne Ă  voir les jardins du temple de Suwa Myojin, situĂ© Ă  la campagne mais proche cependant des quartiers de Nippori, Ueno et Asakusa, de telle sorte qu’il reçoit de nombreux visiteurs qui peuvent jouir de la vue tout en prenant le thĂ©. Entre deux bosquets de cerisiers en fleurs se dressent deux magnifiques cĂšdres dans l'axe de l'image. On perçoit au fond Ă  droite la silhouette du mont Tsukuba, avec son double sommet sous un ciel Ă©clairĂ© de rouge, de blanc et de bleu jusqu’au violet foncĂ© dans la partie supĂ©rieure[63]. Reproduction de l'estampe
Printemps 16 16 Parc en fleurs et pente de Dangozaka Ă  Sendagi (ćƒé§„æœšć›Łć­ć‚èŠ±ć±‹æ•·, Sendagi Dangozaka Hanayashiki) Voici un nouvel exemple de la capacitĂ© de l’artiste Ă  crĂ©er de larges panoramas oĂč se combinent des Ă©lĂ©ments naturels et des Ă©lĂ©ments architecturaux avec l’aide de petits personnages qui donnent Ă  l'ensemble une dimension humaine. De nouveau, la partie infĂ©rieure est dominĂ©e par les cerisiers en fleurs d’un parc public oĂč les gens marchent, parlent et prennent le thĂ©. Un brouillard blanc teintĂ© de bleu et de rouge couvre les arbres au milieu desquels se tient le bĂątiment du Shisentei (« pavillon de la fontaine pourpre ») qui offre une vue sur le quartier d'Ueno et l'Ă©tang de Shinobazu. Le jardin a Ă©tĂ© dessinĂ© seulement quatre ans plus tĂŽt par le jardinier Kusuda Uheiji[64]. L'identification des deux parties de l'estampe a longtemps fait l'objet de spĂ©culation, mais il s'agit vraisemblablement bien du mĂȘme lieu malgrĂ© le fort contraste, peut-ĂȘtre Ă  deux saisons diffĂ©rentes[65]. Reproduction de l'estampe
Printemps 17 17 Vue vers le nord Ă  partir du mont Asuka (éŁ›éł„ć±±ćŒ—ăźçœș望, Asukayama kita no chƍbƍ) Comme sur les deux prĂ©cĂ©dentes impressions, des gens prennent le thĂ© sous les cerisiers en fleurs devant d’immenses champs de riz simplement suggĂ©rĂ©s par une teinte vert clair tandis qu’au loin se distingue la silhouette caractĂ©ristique du mont Tsukuba. Le terrain appartient au temple Kinrin-ji, mais il est accessible au public ainsi que l’a dĂ©cidĂ© le shogun Tokugawa Yoshimune, en 1737. Il devient en 1873 le premier parc public du Japon moderne. Hiroshige crĂ©e cette estampe peu aprĂšs la visite du shogun Tokugawa Iesada en 1856, ce qui illustre le caractĂšre documentaire de nombre des estampes de la sĂ©rie[66]. Reproduction de l'estampe
Printemps 18 18 Le sanctuaire ƌji Inari (王歐çšČè·ăźç€Ÿ, ƌji Inari no yashiro) Ce sanctuaire appartient Ă  celui de Fushimi Inari-taisha Ă  Kyoto, situĂ© sur une colline prĂšs d’ƌji, un village voisin d’Edo. Inari est le dieu du riz au Japon, aussi cet endroit est-il un centre de pĂšlerinage pour les paysans en attente d’une bonne rĂ©colte. Hiroshige choisit de nouveau une vue en perspective inhabituelle montrant seulement un surplomb de la structure du temple, dominĂ© par la luxuriante forĂȘt de cĂšdres qui l'entoure. L’intense couleur rouge du bois du temple est mise en valeur, car dans le shinto, cette couleur effraie les dĂ©mons. À l’arriĂšre-plan se dresse encore la silhouette double du mont Tsukuba[67]. Reproduction de l'estampe
Printemps 19 19 Barrage sur la riviĂšre Otonashi Ă  ƌji, connu sous le nom « la grande cascade » (çŽ‹ć­éŸłç„Ąć·ć °æŁŁäž–äż—ć€§ç€§ăƒˆć”±, ƌji Otonashigawa entei, sezoku ƌtaki to tonau) Ce barrage est connu sous le nom d’Otaki (« grande cascade »). Hiroshige le situe parmi des jardins oĂč une fois de plus l'accent est mis sur les cerisiers en fleurs. La riviĂšre Otonashi-gawa qui s’éloigne de la cascade est colorĂ©e avec deux nuances de bleu, clair et foncĂ©, qui permettent de souligner la profondeur de la partie centrale. Dans la cascade et la riviĂšre, de petites figures de baigneurs sont tout juste esquissĂ©es. Sous un grand cĂšdre dans la forĂȘt apparaĂźt le pavillon du Bouddha Amida qui appartient au temple de Kinrin-ji. Hiroshige a crĂ©Ă© cette estampe de nouveau aprĂšs une visite du shogun Tokugawa Iesada en 1857[68]. Reproduction de l'estampe
Printemps 20 20 Le transbordeur de Kawaguchi et le temple Zenkƍji (ć·ćŁăźă‚ăŸă—ć–„ć…‰ćŻș, Kawaguchi no watashi Zenkƍji) La Sumida-gawa est le sujet principal de cette planche, riviĂšre qui, dans cette section (le printemps), est frĂ©quemment appelĂ©e Arakawa — ce qui signifie la limite nord d'Edo. La riviĂšre est prĂ©sentĂ©e en diagonale, avec une teinte plus foncĂ©e en son milieu, comme sur l’estampe prĂ©cĂ©dente. Plusieurs radeaux flottent sur les eaux ainsi qu’une embarcation qui sert de transbordeur ; le travail sur les diagonales formĂ©es par les radeaux constitue l'Ă©lĂ©ment principal de la composition[69]. Des touches de couleur jaune effleurent les toits des cabanes en haut de l’image tandis que derriĂšre elles se trouve le temple Zenkƍ-ji, cĂ©lĂšbre pour son hibutsu (bouddha secret) qui n’est exposĂ© que tous les dix-sept ans. Un an aprĂšs que Hiroshige a dessinĂ© l'estampe, le bouddha de la salle Amida en haut devait ĂȘtre exposĂ© publiquement pour la premiĂšre fois depuis 13 ans ; peut-ĂȘtre Hiroshige couvre-t-il partiellement la salle de ce hibutsu avec le cartouche du titre pour faire Ă©cho au fameux secret[70]. Reproduction de l'estampe
Printemps 21 21 Le mont Atago Ă  Chiba (èŠæ„›ćź•ć±±, Chiba Atagoyama) Le mont Atago est situĂ© au sud du palais d’Edo, Ă  seulement 26 m au-dessus de la baie de la ville. À son sommet se trouve le sanctuaire d'Atago, dont un pilier et le dessous du toit servent Ă  encadrer la partie gauche de l'estampe. Le personnage qui arrive est un Ă©missaire du Enpuku-ji qui, tous les ans au troisiĂšme jour, accomplit une cĂ©rĂ©monie au sanctuaire Atago afin d'appeler la bonne fortune, la santĂ© et la prospĂ©ritĂ©, mais aussi pour conjurer la faim et la maladie. Il porte une coiffure de cĂ©rĂ©monie et des roues de la vie blanches imprimĂ©es sur sa robe. Il tient dans sa main droite une grande cuillĂšre de riz (shakushi), symbole d'abondance, et Ă  gauche une massue, symbole de la violence qu'il peut mettre en Ɠuvre pour dĂ©fendre la doctrine bouddhique. Les algues autour de son cou sont distribuĂ©es aprĂšs la cĂ©rĂ©monie aux fidĂšles qui s'en servent pour prĂ©parer une infusion contre les rhumes. Ce prĂȘtre est l'une des figures les plus grandes et la meilleure description physionomique que Hiroshige a capturĂ©e dans toute la sĂ©rie. Dans l'arriĂšre-plan se trouvent les maisons du quartier portuaire d'Edo et la baie teintĂ©e de rouge aurore avec plusieurs voiles Ă  l'horizon. Le cartouche jaune sur le cĂŽtĂ© gauche est ainsi libellĂ© : hƍgatsu mikka, Bishamon tsukai (le troisiĂšme jour du premier mois, un envoyĂ© de Bishamon)[71]. Reproduction de l'estampe
Printemps 22 22 Hiroo sur la riviĂšre Furukawa (ćșƒć°Ÿă”ă‚‹ć·, Hiroo Furukawa) La riviĂšre Furukawa sinue entre les vertes collines aux tons bruns, enjambĂ©e par un pont courbĂ© que traversent de petits personnages dont certains portent des ombrelles. La riviĂšre est bleu clair avec des nuances plus foncĂ©es sur les rives. Sur la gauche se trouve l’auberge Kitsune (« renard »), cĂ©lĂšbre pour sa spĂ©cialitĂ© Ă  base d’unagi (anguilles d'eau douce grillĂ©es). Le ciel est d’un ton rosĂ©, caractĂ©ristique de l'aurore. Ce paysage idyllique n'existe plus car la riviĂšre a Ă©tĂ© canalisĂ©e et la rĂ©gion urbanisĂ©e est actuellement l'un des plus Ă©lĂ©gants quartiers de Tokyo[72]. Reproduction de l'estampe
Printemps 23 23 L'Ă©tang de Chiyogaike Ă  Meguro (ç›źé»’ćƒä»Łă‹æ± ć·, Meguro Chiyogaike) Chiyogaike (« l’étang de Chiyo ») est un endroit auquel est attachĂ©e une cĂ©lĂšbre lĂ©gende : c’est ici que dame Chiyo (XIVe siĂšcle) a mis fin Ă  ses jours, dĂ©sespĂ©rĂ©e de la mort de son mari, le guerrier Nitta Yoshioki. L'artiste compose lĂ  un tableau idyllique avec un jardin de cerisiers en fleurs, enveloppĂ© d’un brouillard blanc et rouge que traversent plusieurs chutes d'eau qui se jettent dans l'Ă©tang. On aperçoit les silhouettes de deux dames et d’une jeune fille sur une Ăźle prĂšs de la rive. Il convient de mentionner l'effet de l'ombre des arbres sur l'eau, effet rarement traitĂ© par Hiroshige et rĂ©alisĂ© sous l'influence des techniques de la peinture occidentale[73]. Reproduction de l'estampe
Printemps 24 24 Le nouveau mont Fuji Ă  Meguro (ç›źé»’æ–°ćŻŒćŁ«, Meguro Shin-Fuji) Le titre fait rĂ©fĂ©rence Ă  une rĂ©plique du mont Fuji Ă©rigĂ©e en 1829 sur un site appartenant Ă  Juzo Kondo, un vassal du shogun. Cette coutume a commencĂ© en 1780 avec la premiĂšre copie rĂ©alisĂ©e Ă  Takata-chƍ par des adorateurs de la montagne sacrĂ©e (Fuji Shinko). Dans la partie infĂ©rieure de l’image serpentent les eaux de l’aqueduc de Mita entre les champs verdoyants et les cerisiers en fleurs. Plusieurs personnes se dĂ©lassent dans les jardins tandis que d'autres montent un chemin jusqu'au sommet de la colline oĂč plusieurs visiteurs sont dĂ©jĂ  en train d’admirer le panorama. Au milieu de l’image s’étendent des champs et des forĂȘts couverts d’un brouillard rose et jaune, tandis que dans le fond se trouve le vĂ©ritable mont Fuji. Le ciel aussi est rose pĂąle, ce qui suggĂšre une heure matinale[74]. Reproduction de l'estampe
Printemps 25 25 Le Fuji original Ă  Meguro (ç›źé»’ć…ƒäžäșŒ, Meguro Moto-Fuji) Il s'agit d'un point de vue semblable Ă  celui de l’estampe prĂ©cĂ©dente, mais oĂč le mont Fuji est vu d’un des cĂŽtĂ©s d’une de ses nombreuses rĂ©pliques. Celle-ci n'est pas la mĂȘme que ci-dessus, mais une autre d’une hauteur de 12 m Ă©rigĂ©e en 1812 et qui comme la prĂ©cĂ©dente est appelĂ©e « originale ». La pente de la colline domine le cĂŽtĂ© droit et le bas de l'image d'oĂč Ă©merge un grand pin dont les branches remplissent toute la partie supĂ©rieure. DerriĂšre ce premier plan apparaĂźt un verger de cerisiers oĂč un groupe de personnes pique-nique, tandis qu’à l'horizon se dresse le majestueux volcan considĂ©rĂ© comme un dieu par les Japonais. Cette estampe a Ă©tĂ© incorrectement placĂ©e dans la section « printemps » puisque les cerisiers ne sont pas en fleurs et portent un feuillage aux couleurs automnales faites de cinabre. Le ciel est un subtil dĂ©gradĂ© de rouge, passant du blanc au jaune Ă  un bleu clair qui s’assombrit dans la partie supĂ©rieure. Fuji, Ă©crit dans le titre 䞍äșŒ (littĂ©ralement « pas deux »), est sans doute un jeu de mots sur le doublement du mont[75]. Reproduction de l'estampe
Printemps 26 26 Le « pin pour suspendre une armure » et la pente de Hakkeizaka (ć…«æ™Żć‚éŽ§æŽ›æŸ, Hakkeizaka Yoroikakematsu) Hakkeizaka (« cĂŽte des huit vues ») est une cĂ©lĂšbre colline situĂ©e sur la baie d'Edo d’oĂč l’on peut voir huit beaux panoramas de la campagne environnante. Le nom vient des « huit vues de Xiaoxiang » (en japonais Hakkei shosho), un cĂ©lĂšbre thĂšme poĂ©tique chinois introduit au XIVe siĂšcle et qui sert de base iconographique pour la reprĂ©sentation des paysages pittoresques. Sur la colline se dresse un pin d’une Ă©trange forme : selon la lĂ©gende, le guerrier Minamoto no Yoshiie accrocha son armure dans cet arbre avant de se soumettre Ă  un clan rival dans la province de Mutsu (actuelle prĂ©fecture d'Aomori). Hiroshige adapte la forme de l'arbre de telle façon que seul un gĂ©ant aurait pu y suspendre son armure, tout en le peignant plus fin qu'en rĂ©alitĂ©. Le pin domine la partie centrale de la composition tandis que sur la baie voguent plusieurs petits voiliers. Le Tƍkaidƍ, grande route de Edo Ă  Kyoto qui longe le littoral, est empruntĂ© par de nombreux voyageurs comme on le voit au bas de l’image. Sous les pins, quelques personnes contemplent le panorama tout en buvant du thĂ© ou du sakĂ©[76] - [77]. Reproduction de l'estampe
Printemps 27 27 Le verger de pruniers Ă  Kamada (è’Čç”°ăźæą…ćœ’, Kamada no umezono) C'est l'une des plus belles estampes de la sĂ©rie, surtout pour son traitement de l’ambiance matinale et la palette de couleurs exquises utilisĂ©es pour dĂ©peindre le ciel, du rose blanchĂątre au rouge foncĂ©, en passant par toutes les nuances de ces couleurs, montrant un lever du soleil lyrique et Ă©vocateur. La scĂšne reprĂ©sente un verger de pruniers dont la floraison dĂ©voile les dĂ©licates fleurs blanches. À moyenne distance, des gens se promĂšnent autour de pavillons tandis que sur le cĂŽtĂ© droit apparaĂźt une partie d’un palanquin qui illustre le goĂ»t du peintre pour les Ă©lĂ©ments anecdotiques et les perspectives inhabituelles. Cette image a Ă©tĂ© beaucoup admirĂ©e en Occident, en particulier par les impressionnistes[78]. Reproduction de l'estampe
Printemps 28 28 La colline du palais Ă  Shinagawa (ć“ć·ćŸĄæźżă‚„ăŸ, Shinagawa Gotenyama) Goten-yama (« la colline du palais ») Ă©tait proche de l'ancien palais d'Edo, construit en 1457 par ƌta Dƍkan et qui a servi de rĂ©sidence au shogun au XVIIe siĂšcle aprĂšs la destruction du palais par un incendie. C’est l’un des endroits les plus cĂ©lĂšbres pour admirer les cerisiers en fleurs, comme on peut le voir en haut de la colline oĂč se trouvent beaucoup de visiteurs, tandis que plusieurs autres empruntent le chemin vers le sommet. Au bas de l’image coule une riviĂšre avec un petit pont que traversent deux dames. Sur les pentes de la colline apparaissent les cicatrices causĂ©es par l'extraction de pierres pour les fortifications Ă©rigĂ©es Ă  la hĂąte en 1853 aprĂšs l'arrivĂ©e du commodore Matthew Perry[79]. Reproduction de l'estampe
Printemps 29 29 Le sanctuaire Moto Hachiman Ă  Sunamura (ç ‚ă‚€ă‚‰ć…ƒć…«ăŸă‚“, Sunamura Moto-Hachiman) Du sanctuaire Moto Hachiman annoncĂ© par le titre, on ne voit qu’un torii (portail sacrĂ©) dans le coin en bas Ă  droite, tandis que la perspective aĂ©rienne prĂ©sente un vaste paysage avec un barrage qui le traverse en diagonale et que quelques voiles au loin flottent sur la baie d’Edo. Comme souvent dans la sĂ©rie, l'Ă©lĂ©ment principal de la vue cĂ©lĂšbre (le meisho) reste donc cachĂ©[80]. La vĂ©gĂ©tation se compose Ă  nouveau de cerisiers en fleurs et de grands pins ainsi que d’une vaste roseliĂšre dans la zone adjacente Ă  la baie. Sunamura Ă©tait un lieu rĂ©cemment drainĂ© pour exploiter une terre auparavant marĂ©cageuse, en raison de la croissance rapide de la ville, qui fait maintenant partie du quartier Koto-ku de la capitale. Cette image dĂ©note une certaine influence de la peinture de lettrĂ©s que Hiroshige a connue par l’un de ses maĂźtres, ƌoka Unpƍ[81]. Reproduction de l'estampe
Printemps 30 30 Le jardin des pruniers Ă  Kameido (äș€æˆžæą…ć±‹èˆ—, Kameido Umeyashiki) Il s'agit d'une des planches les plus connues de la sĂ©rie. Elle ressemble un peu Ă  la 27e, mais sa principale caractĂ©ristique est la prĂ©sence au premier plan d'un prunier Ă  travers les branches duquel on voit l’arriĂšre-plan, un nouvel exemple d'image insolite et d’effet optique qu’affectionne l’artiste. Comme dans la vingt-septiĂšme estampe, les couleurs du ciel sont le blanc, le rose et le rouge, dans une subtile gradation d'une grande beautĂ© et d'une remarquable puissance visuelle. Le jardin appartient au sanctuaire Kameido Tenjinsha et le prunier reprĂ©sentĂ© Ă©tait cĂ©lĂšbre pour sa forme inhabituelle. Connu sous le nom de GaryĆ«ume (« dragon au repos »), il figure dans tous les guides d'Edo mais est malheureusement emportĂ© lors d’une inondation en 1910. Il est Ă©crit dans la Liste des lieux cĂ©lĂšbres d'Edo : « Il ressemble vraiment Ă  un dragon Ă  terre. Les branches s’entrecroisent et semblent se transformer un en nouveau tronc. L'arbre s'Ă©tend vers la droite et gauche. L'arĂŽme des fleurs fait oublier celui des orchidĂ©es, le blanc lumineux des fleurs serrĂ©es l’une contre l’autre emporte le soir. » Vincent van Gogh a rĂ©alisĂ© une copie de ce tableau en 1887 sous le titre Japonaiseries, mais ici, les tons attĂ©nuĂ©s de verts, gris et roses confĂšrent une grande sĂ©rĂ©nitĂ© que Van Gogh ne remarqua pas dans sa copie[82]. Reproduction de l'estampe
Printemps 31 31 Le sanctuaire Azuma no mori et le camphre enlacĂ© (ćŸćŹŹăźæŁźé€Łç†ăźæą“, Azuma no mori Renri no azusa) Le camphrier dont il est question dans le titre de l’estampe se trouve dans le plan mĂ©dian oĂč il s’élĂšve bien au-dessus des autres arbres, vers le ciel que traverse une nuĂ©e d’oiseaux. C’est un arbre mythique, symbole du prince Yamato Takeru et de son Ă©pouse, Ototachibana Hime. Selon la lĂ©gende, le pĂšre du prince, l’empereur Keikƍ, envoie son fils combattre dans le nord, mais sa violence suscite la colĂšre des dieux qui lancent une tempĂȘte afin de couler le navire sur lequel il voyage. La princesse se jette alors Ă  la mer, sauvant par son sacrifice le prince qui plante quelques bĂątons de camphre sur sa tombe. Le sanctuaire d’Azuma est difficilement perceptible dans la densitĂ© de la forĂȘt que souligne l'intensitĂ© de la route jaune qui mĂšne au sanctuaire[83]. Hiroshige exagĂšre ici consciemment la taille de l'arbre, soulignant l'Ă©lĂ©ment le plus important de la composition[84]. Reproduction de l'estampe
Printemps 32 32 L'Ăźle Yanagishima (æŸłă—ăŸ, Yanagishima) L’üle de Yanagishima (« l'Ăźle des saules ») est situĂ©e au nord-est de Edo, le long de la riviĂšre Sumida. On y arrive par le pont de Yanagibashi (« pont du saule ») d'une forme convexe et en face duquel se trouve le restaurant Hashimotoya (« au pied du pont »), clairement allumĂ©. À cĂŽtĂ© se trouve, avec sa couleur rouge typique, le pavillon du temple Nichiren Hƍshƍji, cĂ©lĂšbre pour son image du bodhisattva Myƍken, invoquĂ© contre les incendies et pour la richesse et la longue vie. Le grand peintre Katsushika Hokusai portait une grande dĂ©votion Ă  ce temple. Dans la partie basse de l’üle, un embarcadĂšre permet l’accĂšs au temple par la voie fluviale. Au loin, dans la brume, se dresse la silhouette du mont Tsukuba[85]. Reproduction de l'estampe
Printemps 33 33 Les pousseurs sur le canal Yotsugi-dƍri (ć››ăƒ„æœšé€šç”šæ°ŽćŒ•ă”ă­, Yotsugi dƍri yƍsui hikifune) La composition est dominĂ©e par le canal Yotsugi-dƍri Ă  l'est de la Sumida-gawa, construit au dĂ©but du XVIIe siĂšcle pour amener l'eau propre Ă  la ville, puis devenu plus tard un canal destinĂ© Ă  l'irrigation et au transport. Une grande courbe occupe toute l’image et amĂšne le regard vers le fond qui se perd dans le brouillard. Le bleu de l’eau et le vert des berges contrastent avec le jaune vif du chemin sur lequel passent plusieurs voyageurs, tandis que plusieurs embarcations naviguent, dont certaines tirĂ©es par des haleurs. Bien que le canal soit rectiligne en rĂ©alitĂ©, l'artiste prend la libertĂ© de lui donner un effet de courbure[86]. Reproduction de l'estampe
Printemps 34 34 Vue nocturne de Matsuchi-yama et du canal San'ya (真äčłć±±ć±±è°·ć €ć€œæ™Ż, Matsuchiyama San'yabori yakei) DeuxiĂšme image nocturne aprĂšs l’impression no 4, et l'une des seules — avec la 21 — Ă  montrer une figure humaine de grande taille, dans ce cas une geisha, peut-ĂȘtre la favorite de Hiroshige. La femme est reprĂ©sentĂ©e de profil et le brillant maquillage blanc de son visage contraste avec le ciel sombre parsemĂ© d'Ă©toiles qui se reflĂštent dans les eaux de la Sumida-gawa. La prĂ©cision de la coiffure et des vĂȘtements indique la formation du peintre Ă  l'art du bijin-ga. Dans le fond se distinguent les lumiĂšres de plusieurs lieux de la colline Matsuchi-yama au sommet de laquelle se trouve le sanctuaire de Shoten. De cette colline part le canal San'yabori qui mĂšne par voie fluviale vers le quartier des plaisirs de Yoshiwara[87]. Reproduction de l'estampe
Printemps 35 35 La forĂȘt du sanctuaire Suijin et la rĂ©gion de Massaki le long de la riviĂšre Sumida-gawa (éš…ç”°ć·æ°Žç„žăźæŁźçœŸćŽŽ, Sumidagawa Suijin no mori Massaki) De nouveau, l’estampe montre un premier plan dont le cĂŽtĂ© droit est dominĂ© par un cerisier dont les belles fleurs de couleur blanche et rose sont recrĂ©Ă©es dans les moindres dĂ©tails grĂące Ă  la technique appelĂ©e kimedashi (gaufrage) qui consiste Ă  presser le papier contre les marques dĂ©coupĂ©es dans les planchettes de bois. Au milieu de la petite forĂȘt en bas de l'image apparaĂźt le sanctuaire Suijin (« eau divine »), consacrĂ© Ă  la dĂ©esse de la Sumida-gawa dont on voit le torii et un premier pavillon. Sur le chemin, quelques personnes se dirigent vers le transbordeur Hashiba qui est de nouveau reprĂ©sentĂ© sur l’estampe 37. À l’arriĂšre-plan sont reprĂ©sentĂ©s la rĂ©gion de Massaki et le mont Tsukuba[88]. Reproduction de l'estampe
Printemps 36 36 Vue de Massaki depuis la forĂȘt du sanctuaire Suijin, la petite anse d'Uchigawa et le village de Sekiya (真殎èŸșă‚ˆă‚Šæ°Žç„žăźæŁźć†…ć·é–ąć±‹ăźé‡Œă‚’èŠ‹ă‚‹ć›ł, Massaki atari yori Suijin no mori Uchigawa Sekiya no sato wo miru zu) Cette image illustre de façon saisissante le goĂ»t prononcĂ© de l’artiste pour les perspectives insolites, ici un paysage vu au travers d’une fenĂȘtre coupĂ©e en deux par une porte coulissante derriĂšre laquelle apparaĂźt une branche de prunier. Il s’agit probablement d’un salon de thĂ© et sur le mur gauche se devine un vase dans lequel est posĂ©e une fleur de magnolia. La vue offre un panorama de la rĂ©gion de Massaki, au nord du quartier des plaisirs de Shin Yoshiwara bordĂ© par la Sumida-gawa sur laquelle passent diverses embarcations. Dans la forĂȘt Ă  droite se devine le torii du sanctuaire Suijin de la prĂ©cĂ©dente image. Dans l’arriĂšre-plan figure le mont Tsukuba, un meisho de la tradition poĂ©tique depuis le VIIe siĂšcle, tandis que le ciel est traversĂ© d’une volĂ©e d’oiseaux[89] - [90]. Reproduction de l'estampe
Printemps 37 37 Les fours et le transbordeur Hashiba sur la riviĂšre Sumida-gawa (汹田æČłæ©‹ć ŽăźæžĄă‹ă‚ă‚‰ç«ˆ, Sumidagawa hashiba no watashi kawaragama) Le transbordeur Hashiba de la planche 35 traverse la Sumida-gawa, tandis que le premier plan dans le coin infĂ©rieur gauche est occupĂ© par le four d’une tuilerie d’azulejo d'oĂč Ă©merge une colonne de fumĂ©e s'Ă©levant au ciel dans une gradation de couleur allant du gris foncĂ© au presque blanc. Sur l’eau se balancent quelques mouettes de l’espĂšce miyakodori (oiseau de la capitale). À l’arriĂšre-plan se trouve la forĂȘt du sanctuaire de Suijin et tout au fond Ă  gauche, la silhouette du mont Tsukuba. Les bandes bleu et jaune dans le ciel paraissent uniquement sur le premier tirage. Elles ne sont pas indiquĂ©es sur la planche d’impression, mais correspondent Ă  la technique atenashi bokashi[91]. Les oiseaux gris et blanc sur le fleuve forment une allusion Ă  la littĂ©rature ancienne (les Contes d'Ise), qui narre qu'un voyageur de Kyoto composa un poĂšme en ce lieu en remarquant ces oiseaux inconnus. Pour Smith, la fumĂ©e (qui cache le torii du sanctuaire de Suijin) a ainsi un sens poĂ©tique, devenant le symbole de l'Ă©vanescence de la vie et de la solitude du voyageur[92]. Reproduction de l'estampe
Printemps 38 38 Aurore Ă  Yoshiwara (ć»“äž­æ±é›Č, KakuchĆ« shinonome) L'image montre le quartier des plaisirs de Shin Yoshiwara, situĂ© dans l’arrondissement d'Asakusa Ă  proximitĂ© du temple de KinryĆ«zan, qui avait remplacĂ© le prĂ©cĂ©dent Yoshiwara de Nihonbashi. Celui-ci, situĂ© Ă  proximitĂ© du palais du shogun, avait Ă©tĂ© dĂ©truit lors du grand incendie de Meireki de 1657. À son tour, Shin Yoshiwara (« nouveau Yoshiwara ») est dĂ©truit par un sĂ©isme en 1855. Sa reconstruction se termine en 1857, annĂ©e de publication de l’estampe, nouvel exemple du caractĂšre informatif contemporain de plusieurs des planches de la sĂ©rie. La prostitution est contrĂŽlĂ©e par le gouvernement, non pas tant pour une question de moralitĂ© que pour des raisons de santĂ© publique et afin de lever des impĂŽts. L'heure matinale, moment de calme aprĂšs l'agitation de la nuit, est suggĂ©rĂ©e par le bleu de la partie infĂ©rieure du ciel, en opposition Ă  la partie supĂ©rieure en noir. La rue et les maisons sont dans les tĂ©nĂšbres et les cerisiers en fleurs sont gris pĂąle au lieu du rose qu’ils auraient montrĂ© pendant la journĂ©e. NĂ©anmoins, les personnages Ă©clairĂ©s par la lampe sont prĂ©sentĂ©s en couleur, ce qui entraĂźne un fort contraste avec l’obscuritĂ© environnante. Hiroshige a peut-ĂȘtre prĂ©sentĂ© ce dessin et ce titre Ă  la suite du suicide de deux courtisanes et de leurs amants Ă  l'aube du dix-neuviĂšme jour du quatriĂšme mois de 1857[93]. Reproduction de l'estampe
Printemps 39 39 Le temple KinryĆ«-zan Ă  Asakusa et le pont d'Azumabashi vus de loin (ćŸćŠ»æ©‹é‡‘éŸć±±é æœ›, Azumabashi KinryĆ«zan enbo) Hiroshige nous prĂ©sente de nouveau une vue inhabituelle oĂč le paysage est traversĂ© au premier plan par une embarcation de plaisance, coupĂ©e cependant aux deux extrĂ©mitĂ©s et oĂč apparaissent sur la gauche les cheveux et la robe d'une geisha Ă  l'invisible visage. Au fond de l’image se trouvent un ponton et des maisons pressĂ©es autour du temple de KinryĆ«zan (« temple du dragon d’or », maintenant le Sensƍ-ji) Ă  cĂŽtĂ© duquel s’élĂšve une pagode de cinq Ă©tages. Au loin, le mont Fuji montre son sommet enneigĂ©. La composition tout entiĂšre est parsemĂ©e de feuilles de cerisier flottant dans les airs, apportant une dimension mĂ©ditative Ă  l'image qui fait ainsi percevoir le contraste entre l'Ă©phĂ©mĂšre et l'Ă©ternel : les feuilles Ă©phĂ©mĂšres face Ă  l’éternel Fuji, l'amour fugace de la geisha opposĂ© au mysticisme Ă©ternel du temple[94]. Reproduction de l'estampe
Printemps 40 40 L’ermitage de Bashƍ et la colline aux camĂ©lias prĂšs de l'aqueduc Ă  Sekiguchi (ă›ăćŁäžŠæ°Žç«ŻăŻă›ă‚’ćș”æ€żă‚„ăŸ, Sekiguchi jƍsuibata Bashƍan Tsubakiyama) La chapelle, consacrĂ©e au grand poĂšte Matsuo Bashƍ, a Ă©tĂ© construite par ses disciples en 1743 Ă  l’occasion du cinquantiĂšme anniversaire de sa mort (1694). Elle se trouve au Tsubaki-yama (« la colline des camĂ©lias », bien que Hiroshige peint ici des cerisiers), propriĂ©tĂ© de la famille Hosokawa (Ă  laquelle appartient Morihiro Hosokawa, premier ministre du Japon en 1993 et 1994). L’aqueduc de Sekiguchi, principale arrivĂ©e d'eau de la ville, est entretenu par une redevance annuelle payĂ©e par tous les habitants. Comme d'habitude dans les compositions de cette sĂ©rie, de petits personnages passent le long du chemin pour donner un Ă©lĂ©ment humain au paysage[95] - [96]. Reproduction de l'estampe
Printemps 41 41 Le sanctuaire Hachiman Ă  Ichigaya (ćž‚ăƒ¶è°·ć…«ćčĄ, Ichigaya Hachiman) Cette estampe est gĂ©nĂ©ralement attribuĂ©e Ă  Hiroshige II car elle est revĂȘtue du sceau de la censure un mois aprĂšs la mort du maĂźtre, mais il n’est pas exclu que le disciple ait terminĂ© une esquisse prĂ©parĂ©e par son mentor. Il s'agit d'une composition typique de la sĂ©rie, dans un format vertical oĂč apparaĂźt au premier plan dans la partie infĂ©rieure une rue animĂ©e du quartier Ichigaya, cĂ©lĂšbre pour ses salons de thĂ© et sa prostitution locale — c’est Ă  prĂ©sent une gare de la East Japan Railway Company. Des nuages teintĂ©s de rouge et de rosĂ© traversent le premier plan tandis que dans la montagne boisĂ©e se trouve, dissimulĂ© derriĂšre quelques cerisiers en fleurs, un sanctuaire Hachiman dĂ©diĂ© Ă  Inari[97]. Reproduction de l'estampe
Printemps 42 42 Cerisiers en fleurs le long de la riviĂšre Tama-gawa (çŽ‰ć·ć €ăźèŠ±, Tamagawa tsutsumi no hana) Les cerisiers en fleurs, qui apparaissent sur la plupart des planches consacrĂ©es au printemps, constituent de nouveau le motif principal de cette estampe. Les Japonais sont particuliĂšrement sensibles Ă  la floraison de cet arbre qu’ils cĂ©lĂšbrent lors de la fĂȘte de l’hanami. La route le long de la Tama-gawa a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1730 par le shogun Tokugawa Yoshimune, le crĂ©ateur des premiers parcs publics Ă  Edo. Elle est encombrĂ©e d’une foule de personnes dont la prĂ©sence fait ressortir le contraste entre cette promenade familiale et l’établissement reprĂ©sentĂ© Ă  droite qui est un des lieux de prostitution du quartier de Shinjuku. Cette image met une fois encore en valeur le doux chromatisme et la dĂ©licatesse des teintes propres Ă  Hiroshige[98]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 43 43 Les ponts Nihonbashi et Edobashi (æ—„æœŹæ©‹æ±Ÿæˆžă°ă—, Nihonbashi Edobashi) Une nouvelle fois, une curieuse composition d'un paysage entrevu Ă  travers les poutres du pont en gros plan, avec un grand pilier qui occupe tout le cĂŽtĂ© gauche et un panier de poissons (thon) tronquĂ© sur la droite, portĂ© par une personne qui ne figure pas dans l'image, situĂ©e Ă  la place du spectateur. Les planches sont celles du pont Nihonbashi (« pont du Japon » ou « pont du soleil levant »), alors que celui de l'arriĂšre-plan est le Edobashi (« pont d’Edo »), situĂ©s sur la Nihonbashi-gawa. À l'horizon se lĂšve le disque rouge du soleil. Cette estampe introduit la sĂ©rie consacrĂ©e Ă  l’étĂ© et correspond au thĂšme choisi (le pont Nihonbashi) sur la premiĂšre image qui commence le printemps. Le point de vue, ici reprĂ©sentĂ© Ă  l'est, est l’envers de l’estampe no 1 du printemps[99]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 44 44 Vue de la rue Itchome Ă  Nihonbashi (æ—„æœŹæ©‹é€šäž€äžç›źç•„ć›ł, Nihonbashi Tƍri itchƍme ryakuzu) Le pont Nihonbashi doit son nom Ă  un quartier commercial animĂ© d'Edo, trĂšs frĂ©quentĂ© de personnes se promenant ou faisant des achats comme le montre cette image. Au premier plan, un groupe de danseuses, connues sous le nom de sumiyoshi, prĂ©sente un spectacle de rue dans toute la ville, protĂ©gĂ©es par un grand parapluie et suivant une joueuse de shamisen. Parmi les bĂątiments de l’arriĂšre-plan se distingue la boutique Shirokiya (« arbre blanc »), fondĂ©e en 1662, un grand magasin de la ville, plus tard intĂ©grĂ© Ă  la chaĂźne Tokyu. Devant la boutique se trouve une Ă©choppe de melons et un homme mange celui qu’il vient d’acheter. DerriĂšre lui, un livreur du restaurant Tokyoan porte un plateau de sakĂ© et une boĂźte de nouilles au sarrasin[100]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 45 62 Le pont Yatsumi no hashi (ć…«ăƒ„èŠ‹ăźăŻă—, Yatsumi no hashi) Yatsumi no hashi signifie « vue des huit ponts », car il est possible de voir huit ponts se succĂ©der le long de la riviĂšre depuis le point de vue adoptĂ© dans l’Ɠuvre (le pont Ichikoku). De nouveau, l’artiste occupe le premier plan avec des branches pendantes de saule tandis que, dans le coin infĂ©rieur gauche de la composition, apparaĂźt une planche du pont. En plan moyen, le cours d’eau est traversĂ© d’embarcations qui paraissent venir de ponts perdus dans le lointain. Les bĂątiments du fond sont le palais du shogun derriĂšre lequel se dresse l'imposante majestĂ© du mont Fuji. Le ciel est en gradation des couleurs habituelles du peintre du bleu sombre au rouge, traversĂ© par le vol de deux oiseaux[101]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 46 45 éŽ§ăźæžĄă—ć°ç¶Čç”ș (La barque Yoroi et Koami-chƍ) Dans cette composition, Hiroshige utilise une perspective trĂšs marquĂ©e vers le bas par une longue rangĂ©e de cabines de magasins qui divise l'image en deux : dans la partie infĂ©rieure, le canal Nihonbashi-gawa avec quelques embarcations. Certaines portent des marchandises, d’autres des passagers. Dans la partie supĂ©rieure, un ciel nuancĂ© montre des tons bleus aux extrĂ©mitĂ©s, traversĂ© d’un nuage Ă  l’étrange couleur jaune et, comme sur l’estampe prĂ©cĂ©dente, par le vol de quelques oiseaux. Sur le cĂŽtĂ© droit, une noble dame marche le long de la rive, vĂȘtue d’un kimono richement colorĂ© et portant une ombrelle, tandis que le cĂŽtĂ© gauche est occupĂ© par la proue d’une embarcation, selon le style habituel de l’artiste dans cette sĂ©rie reposant sur l’opposition des plans[102]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 47 46 Le sanctuaire Sei-dƍ et la riviĂšre Kanda vus du pont Shƍhei (昌ćčłæ©‹è–ć ‚ç„žç”°ć·, Shƍheibashi Seidƍ Kandagawa) Nouvelle composition aux reliefs exagĂ©rĂ©s et qui montre au premier plan une colline disposĂ©e en diagonale et couronnĂ©e de pins qui occupe tout le cĂŽtĂ© gauche. Il s'agit de la colline Shƍheizaka dont le nom est inspirĂ©, tout comme le pont Shƍheibashi, dont on voit quelques planches Ă  droite au bas de l’image, de « Changping » (Shƍhei en japonais) qui est le nom de la ville natale de Confucius, l’administration de l’État nippon Ă©tant marquĂ©e par le confucianisme Ă  l'Ă©poque d’Edo. Sous le pont coule la riviĂšre Kandagawa sur laquelle passent diverses embarcations tandis que de l’autre cĂŽtĂ©, des passants marchent le long d’un mur qui dĂ©limite le pavillon Seido, sanctuaire confucĂ©en construit en 1690. Il s'agit de la premiĂšre image sur laquelle la pluie est reprĂ©sentĂ©e par de longues et fines lignes qui requiĂšrent une grande habiletĂ© de la part du graveur (horishi)[103]. Ce paysage, dont le rythme de la composition crĂ©e un sentiment de tension intĂ©rieure, contraste avec la jubilation qui rĂ©gnait habituellement prĂšs de l'universitĂ© toute proche[104]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 48 63 Le pont Suidƍ et le quartier Surugadai (æ°Žé“æ©‹é§żæȳ揰, Suidƍbashi Surugadai) Une banderole en forme de carpe (koinobori) suspendue Ă  un mĂąt domine le premier plan derriĂšre lequel flottent deux autres banderoles semblables. Celles-ci sont dĂ©ployĂ©es le jour de la « cĂ©lĂ©bration des garçons » (Kodomo no hi), qui a lieu le cinquiĂšme jour du cinquiĂšme mois de l’annĂ©e calendaire en l'honneur des enfants de six ou sept ans, pour commĂ©morer le courage et la virilitĂ©. Les carpes symbolisent ces concepts, car leur capacitĂ© Ă  nager Ă  contre-courant en fait des exemples de force et d'endurance. La remarquable qualitĂ© du rendu des Ă©cailles aux reflets argentĂ©s est due Ă  la technique d'impression utilisant du mica (kirazuri). Au bas Ă  droite de l’image, le pont Suidƍ est traversĂ© par une procession de guerriers qui se dirigent vers Surugadai, un quartier de samouraĂŻs. Au fond apparaĂźt de nouveau le mont Fuji[105]. Hiroshige peint de façon fidĂšle cette fĂȘte traditionnelle des samouraĂŻs, milieu dont sa famille est issue, mais y superpose avec humour et ironie ces trois carpes dĂ©mesurĂ©es qui sont le fait des chƍnin (bourgeois citadin), ces derniers cĂ©lĂ©brant Ă  l'Ă©poque la fĂȘte depuis seulement quelques dĂ©cennies[106]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 49 47 La cascade de Fudƍ Ă  ƌji (王歐侍拕äč‹æ», ƌji Fudƍ no taki) Cette planche est remarquable pour sa verticalitĂ© qui s'appuie sur le format oban, particuliĂšrement appropriĂ© pour la chute d'eau de la cascade Fudƍ au nord d’Edo. Cet Ă©lĂ©ment naturel est nommĂ© d'aprĂšs Fudƍ Myƍƍ, le roi de la sagesse dans le bouddhisme Ă©sotĂ©rique. Selon la lĂ©gende, une jeune femme a priĂ© cent jours nue sous la cascade pour demander la guĂ©rison de son pĂšre malade et depuis lors, de nombreux adeptes se baignent et prient pour leur santĂ©. Au sommet de la cascade, une corde de chanvre sacrĂ©e (shimenawa) indique la saintetĂ© du lieu. Plusieurs personnages sont reprĂ©sentĂ©s au pied de la cascade : un homme dans l'eau, une servante versant du thĂ© Ă  un homme qui, probablement, vient de sortir de l'Ă©tang et deux dames vĂȘtues de riches robes qui se promĂšnent[107]. D'aprĂšs les documents d'Ă©poque, la cascade Ă©tait en rĂ©alitĂ© plus petite, mais Hiroshige transforme comme souvent le rĂ©el pour symboliser de toute Ă©vidence la puissance de Fudƍ Myƍƍ[108]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 50 64 Le sanctuaire Kumano JĆ«nisha Ă  Tsunohazu, connu sous le nom « JĆ«nisƍ » (è§’ç­ˆç†Šé‡ŽćäșŒç€Ÿäż—称捁äșŒăă†, Tsunohazu Kumano JĆ«nisha zokushƍ JĆ«nisƍ) Ce sanctuaire a Ă©tĂ© fondĂ© Ă  l'Ăšre ƌei (1394-1428) par Suzuki Kuro, un natif de la province de Kii (aujourd'hui prĂ©fecture de Wakayama), oĂč se trouvent les sanctuaires Kumano principaux. Il s’est consacrĂ© lui-mĂȘme Ă  douze dĂ©itĂ©s de la rĂ©gion de sorte qu’il est connu sous le nom de JĆ«nisha (« douze sanctuaires »). Tsunohazu se trouve Ă  l'ouest de la ville et fait maintenant partie du quartier de Shinjuku. La composition est dominĂ©e par le bassin central, autour duquel se trouvent des champs avec des pins et plusieurs maisons pour le thĂ©, avec des gens qui se promĂšnent et admirent le paysage. Dans le coin infĂ©rieur gauche sont reprĂ©sentĂ©s plusieurs bĂątiments du sanctuaire. Le fond prĂ©sente un profil montagneux, recouvert d'une brume blanche et jaune[109]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 51 65 Le cortĂšge du festival Sannƍ Ă  Kƍjimachi itchƍme (糀ç”șäž€äžç›źć±±çŽ‹ç„­ă­ă‚ŠèŸŒ, Kƍjimachi itchƍme Sannƍ Matsuri nerikomi) L’artiste montre Ă  nouveau une composition inhabituelle mettant l'emphase sur un Ă©lĂ©ment au premier plan, en la circonstance la partie supĂ©rieure d'un palanquin (mikoshi) du Sannƍ matsuri qui se tient le en l'honneur du dieu Hiei Sannƍ. Tout le cĂŽtĂ© gauche est occupĂ© par cette structure formĂ©e de larges bandes bleues qui s'ouvrent comme des bougies, sur lequel se trouve un grand « tambour d’avertissement » (kankadori) surmontĂ© d’un coq dont on ne voit qu’une patte et des plumes blanches. Au pied du palanquin, dans l’angle infĂ©rieur gauche, se rĂ©vĂšlent les chapeaux blancs ornĂ©s de fleurs rouges des participants Ă  la procession. Sur la colline de l’autre cĂŽtĂ© de l’étang, un autre palanquin, arborant cette fois-ci la figure d'un singe, se dirige vers le palais Hanzƍmon. Ce festival a lieu tous les deux ans depuis 1681, avec un cortĂšge de 50 chars et 500 personnes habillĂ©es comme au temps de l’époque de Heian (794-1185), qui vont du sanctuaire Sannƍ Hiei prĂšs du palais du shogun, au centre de la ville[110]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 52 48 Le jardin des paulownias Ă  Akasaka (è”€ć‚æĄç•‘, Akasaka Kiribatake) Un paulownia, formant l’axe vertical principal, occupe le premier plan de cette planche, accompagnĂ© d’un second sur le cĂŽtĂ© droit menant Ă  un Ă©tang et Ă  une luxuriante forĂȘt de la rĂ©serve aquatique de Tameike dans le quartier Akasaka. L’eau saumĂątre de l’étang permet aux lotus de se dĂ©velopper comme l’indiquent les points noirs sur la rive. Les bĂątiments au bord de l'Ă©tang appartiennent au sanctuaire de Hiei Sannƍ. Sur la rive Ă  partir de laquelle nous regardons se trouve un jardin de paulownias (kiribatake) appartenant Ă  la rĂ©sidence du daimyo Kuroda du domaine de Fukuoka. L'Ă©corce de cet arbre est utilisĂ©e pour les teintures et de son bois sont faits des meubles, des geta (les sandales en bois surĂ©levĂ©es typiques des geishas) et des cithares (koto)[111]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 53 49 La pagode du temple Zƍjƍ-ji et Akabane (汗侊ćŻșćĄ”è”€çŸœæ č, Zƍjƍjitƍ Akabane) De nouveau une vue aĂ©rienne dominĂ©e par l’imposante prĂ©sence de la pagode qui occupe tout le cĂŽtĂ© droit, peinte de l’habituelle couleur rouge des temples. Si la pagode Ă©tait autrefois le bĂątiment le plus Ă©levĂ© de la zone, elle est Ă  prĂ©sent entourĂ©e de gratte-ciels. Le temple Zƍjƍ-ji, qui appartient Ă  la secte bouddhiste Jƍdo shinshĆ« (æ·šćœŸçœžćź—, « Ă©cole vĂ©ritable de la Terre pure »), a Ă©tĂ© fondĂ© par Tokugawa Ieyasu. Il se trouve au sud-ouest de la ville, prĂšs du Tƍkaidƍ, le chemin menant Ă  Kyoto, de sorte qu'il attire de nombreux voyageurs. Du temps de Hiroshige, la communautĂ© compte 3 000 moines. Au pied de la pagode coule la riviĂšre Akabanegawa, enjambĂ©e d'un pont qui amĂšne Ă  une large allĂ©e jaune. Le long bĂątiment en arriĂšre-plan est la rĂ©sidence du daimyo Arima du domaine de Kurume Ă  KyĆ«shĆ«, dont la haute tour de guet, la plus haute d’Edo, s’élĂšve Ă  l’horizon sur le cĂŽtĂ© gauche[112]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 54 66 La douve Benkei de Soto-Sakurada Ă  Kƍjimachi (ć€–æĄœç”°ćŒæ…¶ć €çł€ç”ș, Soto-Sakurada Benkeibori Kƍjimachi) La douve, qui s'appelle maintenant Sakurada, borde les hauts murs du palais impĂ©rial. Dans le coin infĂ©rieur gauche, quelques personnes se dirigent vers le corps de garde qui apparaĂźt au second plan, Ă  cĂŽtĂ© d'un rĂ©servoir connu sous le nom de « fontaine de cerises » et derriĂšre lequel se trouve la rĂ©sidence du seigneur fĂ©odal Ii de Hikone (prĂ©fecture de Shiga). Il s'agit d'un des plus anciens quartiers d'Edo, ici Ă©tonnamment nostalgique et mĂ©lancolique[113]. En haut Ă  droite sous le cartouche rouge du titre de la sĂ©rie se dresse la tour de guet nouvellement construite deux mois avant cette image, aprĂšs le sĂ©isme de 1855. La palette des couleurs comprend des verts et des bleus, en particulier le bleu profond de la douve qui se reflĂšte dans le ciel, tout en haut de l’image[114]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 55 50 La fĂȘte de Sumiyoshi Ă  Tsukudajima (äœƒă—ăŸäœć‰ăźç„­, Tsukudajima Sumiyoshi no matsuri) Cette estampe est structurĂ©e autour d’un axe vertical constituĂ© par une longue banniĂšre blanche portant cinq grands signes calligraphiĂ©s oĂč se lit Sumiyoshi daimyƍjin (« Grande dĂ©itĂ© Sumiyoshi »), avec d’autres signes plus petits indiquant la date : le vingt-neuviĂšme jour du sixiĂšme mois de l’ùre Ansei 4 (1857). La banniĂšre est rĂ©alisĂ©e par la technique du gaufrage court sur une structure textile (nunomezuri). Elle est accompagnĂ©e d'un pin sur le cĂŽtĂ© gauche et d’une lanterne rouge et blanche sur la droite, tandis que dans l'arriĂšre-plan passe la procession, dirigĂ©e par un palanquin couronnĂ© par un oiseau, un phoenix, symbole du dieu Sumiyoshi. Cette divinitĂ© Ă©tait vĂ©nĂ©rĂ©e dans le village de Tsukudamura, en tant que protectrice des pĂȘcheurs et des marins[115]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 56 51 Le pont Mannenbashi Ă  Fukagawa (æ·±ć·èŹćčŽæ©‹, Fukagawa Mannenbashi) L’image montre de nouveau une scĂšne encadrĂ©e par la structure d’un pont et un tonneau de bois, d'oĂč pend une corde Ă  laquelle est suspendue Ă  une tortue Ă  vendre. Cette composition fait place Ă  un paysage formĂ© dans sa partie centrale par la riviĂšre Fukagawa, encombrĂ©e d’ülots de roseaux et parcourue de plusieurs bateaux. Dans le coin infĂ©rieur droit se distingue le haut d’un rameur. Dans le fond, au centre de l'image, se dresse le majestueux mont Fuji. Le symbolisme de cette scĂšne consiste Ă  opposer le commerce mondain reprĂ©sentĂ© par la tortue Ă  vendre Ă  la qualitĂ© sacrĂ©e et Ă©ternelle du mont Fuji, concept qui est soulignĂ© par l'importance du pont Mannenbashi (« pont des dix mille ans »). De mĂȘme, la tortue symbolisant la longĂ©vitĂ© fait Ă©cho au nom du pont[116]. Bien que le contraste entre les deux plans soit violent, la planche reste selon Ouspenski Ă©quilibrĂ©e, typique de Hiroshige[117]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 57 67 Mitsumata Wakarenofuchi (ăżă€ăŸăŸă‚ă‹ă‚Œăźæ·”) Cette image montre une bifurcation de la riviĂšre Sumida dans une large perspective d'oĂč se dĂ©gage comme point focal la prĂ©sence du mont Fuji enveloppĂ© de nuages gris. Cet effet est accentuĂ© par les voiles blanches des bateaux conduisant le regard vers la montagne sacrĂ©e. Le fleuve est traversĂ© par des bateaux de pĂȘche et des barges transportant des marchandises, tandis que dans la partie centrale apparaissent quelques joncs de grande taille. Cette zone est l’üle de Nakazu, autrefois cĂ©lĂšbre pour ses bains et ses maisons de thĂ©, dĂ©molis en 1789 par l’application des rĂ©formes Kansei rĂ©actionnaires. Hiroshige l'a ainsi dĂ©crite dans ses Souvenirs illustrĂ©s d'Edo : « Nakazu est situĂ© au sud du pont Shin-ƌhashi. Avant il y avait des maisons de thĂ© ici et tout le monde parlait de la vie trĂ©pidante qui y rĂ©gnait. Aujourd'hui, cette Ăźle est devenue une zone humide, particuliĂšrement belle quand elle est enneigĂ©e[118]. » Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 58 52 Averse sur le pont Shin-ƌhashi Ă  Atake (ć€§ăŻă—ă‚ăŸă‘ăźć€•ç«‹, ƌhashi atake no yĆ«dachi) C'est l'une des estampes les plus cĂ©lĂšbres de la sĂ©rie ainsi qu’en tĂ©moigne la copie qu’en a faite Vincent van Gogh en 1887. Construit en 1693, le pont Shin-ƌhashi (« nouveau grand pont »), a souvent Ă©tĂ© endommagĂ© par les incendies et les inondations, et reconstruit d'ailleurs vingt fois pendant les cinquante premiĂšres annĂ©es de son existence[119]. La partie infĂ©rieure est occupĂ©e par la prĂ©sence du pont Shin-ƌhashi, dont est reprĂ©sentĂ©e la courbe de sa section centrale, oĂč passent plusieurs piĂ©tons surpris par l'averse, s'abritant comme ils peuvent. La large surface de la Sumida-gawa est coupĂ©e par un radeau en bois tandis que le bord infĂ©rieur, correspondant Ă  la zone portuaire d’Atake, n’est qu’esquissĂ© dans la pĂ©nombre. La ligne d'horizon est Ă  la baisse en face du pont et part vers le haut, formant une composition triangulaire avec deux diagonales qui se rencontrent. Le point culminant de l'image est le magistral effet atmosphĂ©rique atteint avec les fines lignes de pluie qui traversent toute l'image dans un grand effet vertical qui accentue la violence de la tempĂȘte[120]. Les dĂ©gradĂ©s de nuages noirs diffĂšrent librement d'une impression Ă  l'autre Ă  la guise de l'Ă©diteur et certaines versions prĂ©sentent deux autres radeaux de flottage en gris, le long de la berge opposĂ©e[121]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 59 53 Le pont de Ryƍgoku et la grande berge (äžĄć›œæ©‹ć€§ć·ă°ăŸ, Ryƍgokubashi ƌkawabata) L'imposante structure du pont domine la partie centrale densĂ©ment parcourue par une foule de piĂ©tons. Le pont Ryƍgoku (« deux pays », ainsi appelĂ© parce qu'il unit les provinces de Shimƍsa et de Musashi) a Ă©tĂ© construit en 1660, et mesure 160 m, ce qui en fait le plus long pont de son temps au Japon. C’est le plus ancien pont au-dessus de la riviĂšre Sumida, de sorte qu'il s’est d’abord appelĂ© Ohashi (« grand pont »). Quand par la suite un nouveau pont — celui qui figure sur l’image prĂ©cĂ©dente — est construit en 1693, le nom de Shin-Ohashi lui est donnĂ© (« nouveau grand pont »)[119]. Le large fleuve est traversĂ© par de nombreux bateaux et autres embarcations, tandis que sur la rive correspondant Ă  la partie infĂ©rieure de l'image se trouvent plusieurs salons de thĂ© et lieux de divertissement, les deux cĂŽtĂ©s de la riviĂšre formant une composition en forme de Z avec le pont[122]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 60 68 Les riviĂšres Asakusa-gawa et Miyato-gawa et la grande berge (æ”…è‰ć·ć€§ć·ç«Żćźźæˆžć·, Asakusagawa ƌkawabata Miyatogawa) La verticalitĂ© prononcĂ©e de l'image est mise en Ă©vidence par l'ampleur du ciel et du paysage rĂ©duit Ă  une bande en bas, tandis que le cĂŽtĂ© gauche est occupĂ© Ă  nouveau au premier plan par un grand mĂąt recouvert de papiers blancs et rouges, Ă  l’occasion du pĂšlerinage au mont ƌyama dans la prĂ©fecture de Kanagawa Ă  60 km au sud d'Edo. La montagne s’ouvre aux pĂšlerins le 27 du sixiĂšme mois, aprĂšs l'exĂ©cution avant le dĂ©part d'une cĂ©rĂ©monie de purification dans la riviĂšre Sumida, sous le pont Ryƍgoku, comme le montre l’image. Dans le coin infĂ©rieur gauche apparaissent les tĂȘtes de plusieurs pĂšlerins, couvertes par un morceau de tissu blanc et bleu, tandis que, sur le cĂŽtĂ© droit un autre chaland transporte de nouveaux passagers emmenĂ©s par un ascĂšte des montagnes (yamabushi) jouant d’un coquillage. Le retour des pĂšlerins de la montagne est montrĂ© sur l’estampe no 76. Ce tronçon de la riviĂšre Sumida a reçu un autre titre dans les tirages ultĂ©rieurs : Bateaux prĂšs de Ryƍgoku avec une vue d'Asakusa au loin (Enkei Ryƍgoku senchĆ« Asakusa), plus d'actualitĂ©[123]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 61 54 Le « pin du succĂšs » et Oumayagashi sur la riviĂšre Asakusa (æ”…è‰ć·éŠ–ć°ŸăźæŸćŸĄćŽ©æČłćČž, Asakusagawa shubi no matsu Oumayagashi) Le Shubi no matsu (« pin de la rĂ©ussite ») du titre se trouve sur un quai de la riviĂšre Sumida prĂšs du magasin de riz dans le quartier d'Asakusa. Ici se retrouvent les couples d’amoureux, comme le souligne l’ambiance nocturne de cette image. Sur le cĂŽtĂ© gauche apparaĂźt hĂ©sitant le transbordeur d’Oumayagashi qui relie Asakusa au quartier des plaisirs de Shin Yoshiwara, et dont le volet fermĂ© masque peut-ĂȘtre une forme fĂ©minine qui se rend Ă  une rencontre. Au-dessus du bateau, les branches de pin semblent suspendues jusqu’au centre de l’image, tandis que la clĂŽture de bambou sur la gauche dĂ©robe au regard un bateau de plaisance (yanebune). Le crĂ©puscule s’installe Ă  l'horizon tandis que le ciel du soir commence Ă  se piquer d’étoiles, donnant Ă  l'ensemble une atmosphĂšre trĂšs romantique. Les souvenirs illustrĂ©s d'Edo de Hiroshige contiennent une image miroir de cette vue avec une femme se tenant debout dans le bateau[124]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 62 55 Le pavillon Komakata-dƍ et le pont Azumabashi (é§’ćœąć ‚ćŸćŹŹæ©‹, Komakatadƍ Azumabashi) Dans le coin infĂ©rieur gauche apparaĂźt une projection du toit du temple Komakata-dƍ. À l’époque, il hĂ©berge une image du bodhisattva Kannon Ă  tĂȘte de cheval (Bato Kannon). LĂ©gĂšrement Ă  droite de ce panorama se dresse un grand mĂąt arborant un drapeau rouge, sans doute celui d'un commerce liĂ© aux produits cosmĂ©tiques. Au fond, la riviĂšre Sumida s’élargit avec pour fond le quartier d'Asakusa et le pont Azumabashi, Ă  gauche au-dessus du toit du temple. Le temps est couvert et il semble bruiner tandis qu'un petit coucou traverse rapidement le ciel. Le rapprochement de l'oiseau et du temple se rĂ©fĂšre Ă  un cĂ©lĂšbre poĂšme d'amour du thĂ©Ăątre kabuki. La courtisane Takao (1640-1659), amante du daimyo Date Tsunamune du domaine de Sendai, se consume d’amour en rĂ©citant ces vers : « Es-tu prĂšs de Komakata maintenant mon amour ? Entends le pleur du coucou ! » (Kimi wa ima, Komakata atari, Hototogisu)[125]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 63 69 La riviĂšre Ayase-gawa Kanegafuchi (ç¶Ÿç€Źć·é˜ă‹æ·”, Ayasegawa Kanegafuchi) ScĂšne bucolique dont le sujet principal est une branche de mimosa aux fleurs roses en forme d’éventail. Dans la partie infĂ©rieure, un radeau longe quelques roseaux de la Sumida en direction de la riviĂšre Ayase-gawa, un affluent de la Sumida qui se prĂ©sente du cĂŽtĂ© opposĂ©. Le ciel montre la gradation habituelle des couleurs en bokashi, autre exemple de la maĂźtrise du chromatisme et de l'interprĂ©tation des Ă©lĂ©ments par l'artiste. Cette scĂšne se situe dans l'endroit le plus au nord de la Suma-gawa reprĂ©sentĂ© dans cette sĂ©rie[126]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 64 56 Le jardin d'iris de Horikiri (ć €ćˆ‡ăźèŠ±è–è’Č, Horikiri no hanashƍbu) Comme l’indique le titre, la partie supĂ©rieure du premier plan offre une vue saisissante de quelques iris dont les magnifiques fleurs s’offrent au ciel ouvert. Il s’agit de l’espĂšce shƍbu floreciente, apportĂ©e pour la premiĂšre fois en Europe en 1712 par Engelbert Kaempfer, ce pour quoi elle est appelĂ©e iris kaempferi. Cette fleur a connu un grand succĂšs au cours de la pĂ©riode art nouveau, servant d'Ă©lĂ©ment dĂ©coratif dans nombre d’Ɠuvres ornementales modernistes. Au Japon, cette fleur est associĂ©e Ă  la beautĂ© fĂ©minine, ce qui transparaĂźt dans l'image des femmes vues en plan moyen, d’une façon qui n’est pas sans rappeler une forme de voyeurisme[127]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 65 57 À l'intĂ©rieur du sanctuaire Kameido Tenjin (äș€æˆžć€©ç„žćąƒć†…, Kameidƍ Tenjin keidai) Cette image est l'une des plus connues de la sĂ©rie, celle qui a connu la plus grande reconnaissance en Europe, en particulier parmi les impressionnistes, dont Claude Monet qui s’est inspirĂ© de cette image pour concevoir son jardin de Giverny. Elle prĂ©sente de nouveau une grande composition verticale, oĂč le premier plan est occupĂ© dans sa partie supĂ©rieure par une glycine pourpre en fleurs tombant comme une cascade, Ă  travers laquelle apparaĂźt Ă  l'arriĂšre-plan un paysage dominĂ© par un pont Ă  la courbure plus prononcĂ©e qu'en rĂ©alitĂ©. Il s'agit d'un taikobashi (pont-tambour), un type de pont originaire de Chine, auquel le reflet dans l'eau devrait donner la forme d'un tambour, effet qu’Hiroshige n’a pas rĂ©alisĂ© sur cette planche. Sa portĂ©e est mise en Ă©vidence par les pointes de cuivre (gibƍshi) au niveau des pĂŽles du pont, pointes d’ordinaire rĂ©servĂ©es aux ponts de haut niveau, tels que Nihonbashi et Kyobashi. Le sanctuaire Kameido Tenjin, qui n'apparaĂźt pas dans l'image malgrĂ© le titre de l’estampe, a Ă©tĂ© construit en 1660 pour inciter le repeuplement des terres Ă  l’est de la Sumida-gawa. Au moment du tirage de l’image, l’artiste a commis une erreur perceptible en poursuivant le bleu de la riviĂšre au-delĂ  de l'horizon dans la zone situĂ©e sous le pont[128]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 66 70 Le pavillon Sazai-dƍ au temple des cinq cents Rakan (äș”ç™ŸçŸ…æŒąă•ă‚žă‚ć ‚, Gohyaku Rakan Sazaidƍ) De nouveau une composition verticale en vue plongeante oĂč le premier Ă©lĂ©ment qui apparaĂźt Ă  droite de l’image est le pavillon Sazai-dƍ Ă  trois niveaux d’une teinte jaune vif, et dont le balcon supĂ©rieur permet Ă  plusieurs visiteurs d’admirer le paysage. En fait, ce bĂątiment s’appelle Sansƍ-dƍ (« pavillon des trois pĂšlerinages »), car visiter chaque Ă©tage est une action rĂ©putĂ©e aussi salvatrice qu'effectuer trois pĂšlerinages. Il a Ă©tĂ© construit en 1741 dans le cadre du temple des cinq cents rakan, figurant le saint bouddhiste libĂ©rĂ© du cycle des renaissances. Cette zone est un des faubourgs d’Edo, intĂ©grĂ© Ă  la ville aprĂšs la construction des ponts Ryƍgoku et Shin-ƌhash. Devant le temple s’étend une grande prairie verte tandis qu’au fond se trouvent plusieurs maisons en bois et les magasins qui bordent le canal Tate-gawa[129]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 67 58 Le transbordeur de Sakasai (逆äș•ăźă‚ăŸă—, Sasakai no watashi) La composition est dominĂ©e par la riviĂšre Naka-gawa (« riviĂšre du milieu ») aux teintes variĂ©es de bleu, la teinte la plus sombre au centre qui correspond Ă  la plus grande profondeur et une teinte bleu vert dans la partie infĂ©rieure, le long des berges oĂč poussent les roseaux. Des hĂ©rons d’un blanc limpide et sans pigments (karazuri) vivent sur ce cĂŽtĂ© de la riviĂšre. Plus haut, sur la rive opposĂ©e, se trouvent une zone boisĂ©e Ă  gauche et un petit village Ă  droite qui est l’escale du transbordeur que mentionne le titre de l’estampe. Au fond apparaĂźt la montagne de la pĂ©ninsule de Chiba, Ă  l'est d'Edo, enveloppĂ©e de brouillard, sous un ciel blanc et rouge[130]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 68 59 Le jardin ouvert du sanctuaire Hachiman de Fukagawa (æ·±ć·ć…«ăŸă‚“ć±±ăČらき, Fukagawa Hachiman yamahiraki) Cette estampe met en valeur la diversitĂ© des couleurs et des contrastes chromatiques des Ă©lĂ©ments naturels, en particulier l’intense couleur rouge des azalĂ©es et le rose de cerisiers en fleurs — image qui est cependant anachronique, puisque les azalĂ©es et les cerisiers fleurissent Ă  plus d'un mois d'intervalle. La couleur des arbres contraste avec le vert des champs et le bleu de la riviĂšre qui serpente vers le bas, enjambĂ©e de plusieurs ponts. De petits personnages se promĂšnent le long de la riviĂšre tandis qu’au fond se trouve l'une des cinquante-huit collines artificielles qui imitent le mont Fuji (appelĂ©es fujizuka) dans la rĂ©gion d'Edo. Ces monts Fuji miniatures mesurent entre un et dix mĂštres de haut[131]. Toutes les curiositĂ©s du site (floraison ou festivitĂ©s) rendues sur cette estampe avaient en rĂ©alitĂ© lieu Ă  divers moments de l'annĂ©e, ce qu'un Japonais peut reconnaĂźtre aussitĂŽt[132]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 69 71 Le pavillon SanjĆ«sangen-dƍ Ă  Fukagawa (æ·±ć·äž‰ćäž‰é–“ć ‚, Fukagawa Sanjusangendƍ) Ce pavillon a Ă©tĂ© construit comme une rĂ©plique du temple de SanjĆ«sangen-dƍ Ă  Kyoto (1266), cĂ©lĂšbre pour ses 1 001 statues de Kannon. Il a Ă©tĂ© construit en 1642 dans le quartier Fukagawa, et avec ses 120 m de long c’est l'une des plus grandes structures de la ville. IndĂ©pendamment d'ĂȘtre un lieu sacrĂ©, sa longueur est utilisĂ©e pour la pratique du tir Ă  l'arc. Cependant, le bĂątiment a Ă©tĂ© dĂ©truit en 1870 au cours de la persĂ©cution du bouddhisme (shinbutsu bunri) durant l’ùre Meiji. L'image ne montre qu’à peine la moitiĂ© du bĂątiment, qui traverse en diagonale la scĂšne, donnant une idĂ©e de ses Ă©normes dimensions. Plusieurs piĂ©tons marchent des deux cĂŽtĂ©s du pavillon, dĂ©limitĂ© par la riviĂšre dans la partie supĂ©rieure oĂč se trouve un magasin de bois du dĂ©pĂŽt de Kiba, dont les planches sont tout juste esquissĂ©es Ă  la surface de l’eau bleue[133]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 70 60 Embouchure de la riviĂšre Naka-gawa (äž­ć·ćŁ, Nakagawaguchi) Le sujet principal de la planche est la riviĂšre qui domine la composition selon son axe vertical et dans sa partie centrale. La Naka-gawa est le plan d’eau horizontal qui conduit Ă  droite dans la baie d'Edo, en dehors de l'image. Plusieurs bateaux de pĂȘche, des radeaux de bois et des embarcations avec passagers se croisent sur la riviĂšre. Dans la partie infĂ©rieure, lĂ  oĂč naviguent les deux barques de passagers, coule le canal Onagi-gawa oĂč se trouve un poste de contrĂŽle militaire. À l'extrĂȘme opposĂ© se trouve le canal Shinkawa, avec des bateaux couverts de paille et transportant du sel produit dans le voisinage. Ce canal se perd au loin dans un Ă©pais brouillard blanc en gradation ichimonji bokashi[134]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 71 61 Pins dispersĂ©s sur la riviĂšre Tone-gawa (戩æ čć·ă°ă‚‰ă°ă‚‰ăŸ, Tonegawa barabarama) Cette planche permet une nouvelle fois d’apprĂ©cier l’exceptionnelle conception de la composition de l'artiste, montrant un paysage Ă  travers un filet de pĂȘche qui occupe le cĂŽtĂ© droit, crĂ©ant l'illusion de « participer » Ă  la scĂšne. L'inconsistance apparente d'un paysage fluvial sans beaucoup de charme est ainsi mise en valeur par un point de vue original et une scĂšne de vie quotidienne inattendue Ă  Edo, l'une des caractĂ©ristiques du style tardif de Hiroshige et de la sĂ©rie des Cent vues en particulier[135]. DerriĂšre le filet, l'image se compose de deux zones sĂ©parĂ©es horizontalement par la frange de l'horizon, avec la riviĂšre et une zone de roseaux dans le coin infĂ©rieur gauche, et le ciel au-dessus, dans la gradation habituelle entre le noir et le bleu, traversĂ© par le vol de deux hĂ©rons. Au centre de l’image, partiellement couvert par le filet, figure un grand bateau Ă  voiles, pĂȘchant peut-ĂȘtre les carpes de la riviĂšre Tone, rĂ©putĂ©es pour leur qualitĂ©[136]. Reproduction de l'estampe
ÉtĂ© 72 72 Le transbordeur Ă  Haneda et le sanctuaire de Benten (ăŻă­ăŸăźă‚ăŸă—ćŒć€©ăźç€Ÿ, Haneda no watashi Benten no yashiro) De nouveau une approche inhabituelle qui prĂ©sente le paysage encadrĂ© par la silhouette d'un rameur, dont seuls les jambes et les bras sont visibles sur le cĂŽtĂ© gauche, « de maniĂšre que le paysage entier, comme opprimĂ© par cette gigantesque prĂ©sence, paraĂźt repoussĂ© tout Ă  fait au lointain[137] ». Cette estampe a Ă©tĂ© critiquĂ©e, surtout en Occident, pour sa conception hors du commun : Basil Stewart, auteur de Subjects Portrayed in Japanese Colour-Prints (1922) pense que c'est un signe de « sĂ©nilitĂ© prĂ©coce » de l'artiste, tandis que l'historien d'art japonais Minoru Uchida, parle d’« erreur absolue ». Pour Seiichiro Takahashi en revanche, c’est une « preuve du gĂ©nie extraordinaire de Hiroshige », le but recherchĂ© Ă©tant bien d'inciter au rire[138]. La perspective met le spectateur Ă  la place du passager du bateau, dont on aperçoit un morceau d’ombrelle dans le coin infĂ©rieur droit. Dans le fond, Ă  gauche se trouve le sanctuaire de Benten, une divinitĂ© protectrice des eaux, tandis qu’au centre se trouve un phare. Ce sanctuaire a Ă©tĂ© dĂ©moli aprĂšs la Seconde Guerre mondiale pour construire l’aĂ©roport international de Tokyo, tandis qu’a Ă©tĂ© conservĂ© un torii sacrĂ©[136]. Reproduction de l'estampe
Automne 73 73 La ville en fleurs, le festival de Tanabata (澂侭çčæ „äžƒć€•ç„­, ShichĆ« han'ei Tanabata matsuri) Cette estampe commence la sĂ©rie de l’automne, bien que la fĂȘte dĂ©peinte soit typique des chaudes journĂ©es d'Ă©tĂ©. Le festival Tanabata est l’une des cinq fĂȘtes officielles de la saison de l’annĂ©e (gosekku). Cette fois, l'auteur offre une perspective vue de sa propre maison : la partie infĂ©rieure est occupĂ©e par plusieurs toits des maisons du quartier Minami Denma-chƍ. Au second plan apparaĂźt Ă  droite la tour de pompiers du district de Yayosu que son pĂšre, qui en occupait la charge, a lĂ©guĂ©e Ă  Hiroshige, qui, Ă  son tour, l’a lĂ©guĂ©e Ă  son fils. Peut-ĂȘtre est-ce ce qui explique l'absence d'allusion personnelle dans le titre du lieu reprĂ©sentĂ©, une occurrence unique dans toute la sĂ©rie. Plus au fond Ă  droite se trouvent plusieurs bĂątiments du palais du shogun, tandis qu’à l'arriĂšre-plan se dresse la grande masse du mont Fuji. Au-dessus des toits et s'Ă©levant dans le ciel figurent de nombreuses banderoles et arrangements de fleurs de la fĂȘte. Sur les mats de bambou sont suspendus des objets tels que du papier, des serpentins, un filet de pĂȘche, une courge, un verre de sakĂ© ou mĂȘme un poisson et une tranche de pastĂšque. Ces objets flottent au vent, ce qui est peut-ĂȘtre une indication de la proximitĂ© de l’automne[139]. Reproduction de l'estampe
Automne 74 74 Les boutiques de soie Ă  ƌdenma-chƍ (ć€§äŒéŠŹç”șă”ă”ăćș—, ƌdenma-chƍ gofukudana) Cette planche prĂ©sente des personnages en procession, vĂȘtus d’habits de fĂȘte et de cĂ©rĂ©monie. C’est l’une des quelques estampes oĂč les personnages occupent une place centrale dans la composition, par contraste avec les habituelles petites figures intĂ©grĂ©es dans le paysage. MalgrĂ© leur accoutrement de samouraĂŻ, consistant en un pantalon et une veste du mĂȘme dessin (kamishimo) plus une robe kosode en dessous, ce sont des charpentiers, qui cĂ©lĂšbrent la fermeture de l’eau d’un bĂątiment en raison du sĂ©isme de 1855. Les charpentiers ont beaucoup de travail Ă  cette Ă©poque. Ici, ces fĂȘtards sont manifestement ivres, ce que l’artiste traduit magistralement dans leurs visages, montrant son sens de l'humour et de l'exploration psychologique. À l'arriĂšre-plan apparaĂźt le commerce de soie Daimaru, avec une alternance de rideaux noirs et rouges portant la calligraphie du nom de la boutique Ă  cĂŽtĂ© du nom de son fondateur, Shimomura Hikouemon[140]. Reproduction de l'estampe
Automne 75 75 Le quartier des teinturiers Ă  Kanda (ç„žç”°çŽș汋ç”ș, Kanda konya-chƍ) De nouveau une grande composition verticale qui montre le parti que l’artiste sait tirer du format ƍban. L’image reprĂ©sente quelques grandes toiles accrochĂ©es pour sĂ©cher par les teinturiers du quartier de Kanda, rĂ©putĂ© pour la qualitĂ© de ses tissus. Sur la gauche, les deux cĂŽtĂ©s des toiles sont colorĂ©s en brun et indigo, avec des dessins de damiers et de fleurs destinĂ©s aux yukata. Au centre, de longues laniĂšres de tissus de couleur blanche et bleue sont destinĂ©es Ă  ĂȘtre dĂ©coupĂ©es pour former des bandeaux. Les deux bandes blanches au premier plan portent le signe « poisson » (sakana), possible allusion au nom de famille de l'Ă©diteur, Sakanaya Eikichi, tandis que les deux autres derriĂšre montrent le monogramme d’Hiroshige, constituĂ© de la syllabe hi insĂ©rĂ©e dans un losange ro. À l’arriĂšre-plan apparaissent le palais du shogun et le mont Fuji. Katsushika Hokusai a dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© une composition semblable Ă  celle-ci dans sa sĂ©rie les Cent vues du mont Fuji, aussi cette image est-elle sĂ»rement composĂ©e par Hiroshige en hommage au maĂźtre de l’ukiyo-e[141]. Reproduction de l'estampe
Automne 76 76 Le quai de Bambou prĂšs du pont de Kyƍbashi (äșŹæ©‹ç«čがし, Kyƍbashi Takegashi) Dans une vue nocturne dominĂ©e par la pleine lune qui apparaĂźt derriĂšre le cartouche du titre, la silhouette imposante du pont Kyƍbashi crĂ©e la perspective au premier plan derriĂšre lequel se dresse un haut mur de bambou appartenant aux docks Takegashi, dressĂ© ainsi afin de sĂ©cher le bois. Sur le cĂŽtĂ© droit du pont passe une procession de pĂšlerins portant pour certains une lanterne, tandis que d’autres piĂ©tons circulent dans les deux sens. Les gibƍshi (dĂ©corations ornementales) mĂ©talliques au milieu de la courbure du pont indiquent qu’il s’agit d’un pont important. Les pĂšlerins revenant du mont ƌyama (voir planche 60) portent une lampe rouge sur laquelle sont inscrits les caractĂšres hori (« garder ») et take (« bambou »). Cette estampe a inspirĂ© Ă  James Abbott McNeill Whistler son tableau Nocturne en bleu et or - le Vieux Pont de Battersea (1872-1875)[142]. Reproduction de l'estampe
Automne 77 77 Le pont d'Inaribashi et le sanctuaire Minato-jinja Ă  Teppƍzu (鉄ç ČæŽČçšČ荷橋æčŠç„žç€Ÿ, Teppƍzu Inaribashi Minato jinja) La composition de l'estampe est structurĂ©e par les mĂąts d'un navire cargo au premier plan, autre exemple du « sensationnalisme » recherchĂ© par l'artiste tout au long de la sĂ©rie. L’image est ainsi divisĂ©e en trois bandes verticales dans la partie infĂ©rieure desquelles apparaĂźt la riviĂšre (il s’agit du canal Hatchobori) chargĂ©e de bateaux de marchandises et de passagers, tandis que le plan mĂ©dian est occupĂ© par la courbure du pont Inaribashi. Ce dernier conduit du cĂŽtĂ© gauche Ă  une porte rouge correspondant au sanctuaire Minato-jinja et du cĂŽtĂ© droit aux maisons blanches des entrepĂŽts portuaires. La baie d’Edo est peu profonde de sorte que les bateaux restent ancrĂ©s Ă  distance et que les marchandises en sont dĂ©barquĂ©es puis stockĂ©es dans des hangars. Enfin, se dresse Ă  l'horizon la silhouette familiĂšre du mont Fuji[143]. Reproduction de l'estampe
Automne 78 78 Teppƍzu et le temple de Tsukiji Monzeki (鉄ç ČæŽČçŻ‰ćœ°é–€è·Ą, Teppƍzu Tsukiji Monzeki) La partie infĂ©rieure de ce large panorama est occupĂ©e par les voiles de navires marchands, puis au centre de l’image, plusieurs bateaux de pĂȘche et enfin un village sur la rive opposĂ©e de la riviĂšre. Au fond du panorama se trouve le toit impressionnant du Nishi-Hongan-ji de la secte bouddhiste Jƍdo-shinshĆ«, affiliĂ© au temple homonyme de Kyoto. FondĂ© en 1617 dans le quartier de Hamacho au sud d’Asakusa, le temple est transfĂ©rĂ© dans le quartier de Tsukiji (littĂ©ralement « terre-plein ») aprĂšs le grand incendie de Meireki de 1657, oĂč il prend le nom de Monzeki Tsukiji. Quand la planche est crĂ©Ă©e, le temple est en reconstruction aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©truit par une tempĂȘte en 1854, mais l'artiste choisit de le rendre dans sa forme idĂ©ale, en accord avec la notion de meisho (« vue cĂ©lĂšbre ») qui imprĂšgne toute la sĂ©rie. Comme l'estampe 79, celle-ci porte un titre diffĂ©rent de la sĂ©rie : SupplĂ©ments divertissants aux Cent fameuses vues d'Edo (Edo hyakkei yokyƍ). Probablement Hiroshige veut-il mettre fin Ă  cette sĂ©rie aprĂšs avoir dĂ©jĂ  produit 110 estampes. Mais devant le succĂšs de la sĂ©rie auprĂšs du public et sur l’insistance de son Ă©diteur, il reprend le titre original[32]. Reproduction de l'estampe
Automne 79 79 Le sanctuaire Shiba Shinmei et temple Zƍjƍ-ji (èŠç„žæ˜Žćą—äžŠćŻș, Shiba Shinmei Zƍjƍji) Cette image montre un groupe de touristes venus de la campagne pour voir la capitale, prĂ©cĂ©dĂ©s par un guide qui leur ouvre le chemin. L'artiste montre une nouvelle fois son talent pour le rendu de la physionomie et de la personnalitĂ© des personnages, ainsi que la caractĂ©risation psychologique des figures. DerriĂšre eux, un groupe de moines portant des chapeaux de paille vont Ă©galement visiter le temple. Le temple Zƍjƍ-ji appartient Ă  la secte de la Terre pure et constitue le panthĂ©on du clan Tokugawa. À droite se trouve le sanctuaire Shiba Shinmei avec ses entrelacs (chigi) et ses poutres transversales (katsuogi). Il a Ă©tĂ© construit au XIe siĂšcle dans le style archaĂŻque du sanctuaire d’Ise original[144]. Les faces rĂ©jouies, presque caricaturales des paysannes contrastant avec le groupe de moines novices sont inhabituelles dans cette sĂ©rie : la planche agit comme une sorte d'interlude[145]. Reproduction de l'estampe
Automne 80 80 Le pont de Kanasugi et Shibaura (金杉橋芝攊, Kanasugibashi Shibaura) Nouvel exemple d'un paysage vu Ă  travers divers Ă©lĂ©ments figurant au premier plan, une des caractĂ©ristiques principales de la sĂ©rie. Il s'y trouve plusieurs banniĂšres portĂ©es par une procession de pĂšlerins traversant le pont Kanasugi Ă  l'embouchure du fleuve Furukawa. Les inscriptions rĂ©vĂšlent qu’il s’agit de membres de la secte bouddhiste Nichiren dont le symbole est une fleur d’oranger insĂ©rĂ©e dans un carrĂ© (izutsu tachibana). Le groupe, trĂšs compact, se distingue par les ombrelles dans le coin infĂ©rieur gauche au-dessus desquels flottent quelques toiles blanches et brunes avec l'inscription Uoei, rĂ©fĂ©rence Ă  l’éditeur Uoya Eikichi, autre nom de Sakanaya Eikichi. La longue banderole rouge porte l’inscription Namu Myƍhƍ Rengekyƍ (« Hommage au SĆ«tra du Lotus de la Loi merveilleuse »). La procession se rend ou revient du temple Honmon-ji dans le quartier d'Ikegami oĂč est mort le fondateur de l'Ă©cole, Nichiren (1222-1282)[146] - [147]. Reproduction de l'estampe
Automne 81 81 Ushimachi Ă  Takanawa (高èŒȘă†ă—ăŸăĄ, Takanawa ushimachi) BasĂ©e sur une composition par opposition de plans, l’image prĂ©sente au premier plan Ă  droite la moitiĂ© de la roue et le timon d’une voiture en rĂ©fĂ©rence au quartier voisin d’Ushimachi (« quartier du bƓuf »). Le nom date de 1634, quand ont Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  Edo de nombreux bƓufs destinĂ©s Ă  servir Ă  la construction du temple de la famille Tokugawa, le Zƍjƍ-ji. Takanawa est la porte sud d'Edo qui conduit Ă  Kyoto par la route du Tƍkaidƍ. DerriĂšre la roue se trouve la baie d’Edo avec ses voiliers et ses terre-pleins daiba construits comme mesure dĂ©fensive en 1853 et 1855, aprĂšs l'arrivĂ©e de la flotte des États-Unis, menĂ©e par le commodore Perry. Au pied de la roue se trouvent deux chiens et quelques dĂ©chets dont une tranche de pastĂšque et une sandale en paille que grignote un des chiens. Le ciel est traversĂ© d’un arc-en-ciel qui croise le timon de la voiture. Ainsi, la roue comme l’arc-en-ciel font-ils allusion Ă  Takanawa, qui signifie « roue haute[148] ». Reproduction de l'estampe
Automne 82 82 Contemplation de la Lune (æœˆăźćČŹ, Tsuki no Misaki) Nouvelle image baignĂ©e de la douce lumiĂšre nocturne de la lune qui apparaĂźt coupĂ©e par le balcon et traversĂ©e d’une volĂ©e d'oiseaux. C'est le quartier de Shinagawa, que montre Ă©galement la planche suivante. Par les portes coulissantes fusuma apparaĂźt une chambre qui donne sur une magnifique vue de la baie d'Edo oĂč sont ancrĂ©s nombre de voiliers. Les fortifications qui devraient ĂȘtre visibles dans la baie disparaissent ici pour ne pas rompre l'harmonie de la scĂšne[149]. Sur le tatami vert, les vestiges d'un dĂźner, wasabi et sashimis sur un plateau de laque rouge, une coupe de sakĂ©, une serviette, une lampe et un ventilateur. Des deux cĂŽtĂ©s se devinent deux silhouettes : Ă  droite, une geisha vient de laisser le shamisen au sol, Ă  gauche, une courtisane qui se dĂ©vĂȘt pour aller dormir. L’image prĂ©sente une sĂ©quence chronologique : de droite Ă  gauche — comme se fait la lecture en japonais — le dĂźner est terminĂ©, la lune est apparue et le personnage s’apprĂȘte Ă  dormir. Il se crĂ©e une ambiance lyrique et sereine Ă©voquant le calme et le bonheur qui transcendent la mondanitĂ© de cette scĂšne de vie quotidienne[150]. Faisant abstraction de tous dĂ©tails concrets, Hiroshige crĂ©e une « image gĂ©nĂ©ralisĂ©e » des maisons de thĂ© de Shinagawa[149]. Reproduction de l'estampe
Automne 83 83 Langue de terre Ă  Shinagawa Susaki (ć“ć·ă™ă•ă) Ce large panorama aĂ©rien montre la baie d’Edo vue depuis le quartier de Shinagawa, tout comme l’estampe prĂ©cĂ©dente, que l’on retrouve sans doute dans le coin infĂ©rieur gauche Ă©clairĂ© par la lumiĂšre de la lune. Au bas de l’image coule la riviĂšre Meguro, enjambĂ©e par un pont qui mĂšne au terrain donnant son nom Ă  cette planche, oĂč est situĂ© le sanctuaire Benten, dont le bĂątiment principal est clairement illuminĂ© et accessible par un torii rouge. Benten est l'abrĂ©viation de Benzaiten (SarasvatÄ« en sanskrit), divinitĂ© bouddhiste des riviĂšres et des lacs ainsi que de la chance en affaires. D'autres sanctuaires de Benten apparaissent dans les planches 72, 87, 88 et 117. Sur la petite pĂ©ninsule, on observe plusieurs navires qui transitent par la paisible baie d’Edo dont les eaux limpides laissent transparaĂźtre le grain du bois utilisĂ© pour la gravure. Le ciel, traversĂ© de volĂ©es d’oiseaux, suggĂšre un soleil couchant[151]. Reproduction de l'estampe
Automne 84 84 La maison de thĂ© « de pĂ©pĂ© » Ă  Meguro (盟黒çˆșă€…ăŒèŒ¶ć±‹, Meguro jijigachaya) L'image montre plusieurs voyageurs s'Ă©tant arrĂȘtĂ©s Ă  un point de repos entre deux collines de pins sur la route qui traverse la rĂ©gion de Meguro, oĂč se trouve une petite maison de thĂ© mentionnĂ©e dans le titre. Au centre s'ouvre une large vallĂ©e qui servait autrefois de terrain pour la pratique de la fauconnerie, rĂ©servĂ©e au shogun. Meguro est Ă  prĂ©sent un quartier au sud de Tokyo. Au fond apparaĂźt le mont Fuji derriĂšre d’autres montagnes qui s'Ă©lĂšvent au-dessus de la brume, tandis que des silhouettes de pins occupent toute la partie gauche du ciel. Ce paysage Ă©tait trĂšs prisĂ© par les artistes japonais, figurant notamment dans une gravure que rĂ©alise Shiba Kokan Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle en utilisant la perspective occidentale[152]. Reproduction de l'estampe
Automne 85 85 La colline Kinokuni et vue distante d'Akasaka et de l'Ă©tang de Tameike (çŽ€ăƒŽć›œć‚è”€ć‚æșœæ± é æ™Ż, Kinokunizaka Akasaka Tameike enkei) Le motif principal de l’estampe est constituĂ© d’une procession de samouraĂŻs qui montent la colline de Kinokunizaka, le long de la douve qui entoure le palais impĂ©rial. Sur la veste du meneur est imprimĂ© le symbole du lys (shobu), qui peut Ă©galement se lire « le respect de l'esprit guerrier ». Des personnages Ă©mane une froideur martiale, tandis que leurs attitudes sont un peu caricaturales. À l'arriĂšre-plan se trouve un quartier densĂ©ment peuplĂ© habitĂ© par la classe bourgeoise urbaine (chƍnin), composĂ©e d'artisans, d’ouvriers et de commerçants. Le contraste entre ces deux classes sociales est paradigmatique de la sociĂ©tĂ© nippone de l’époque : les classes infĂ©rieures reprĂ©sentent plus de la moitiĂ© de la population de Edo (entre 1,5 et 2 millions d'habitants), mais occupent seulement 20 % la surface habitable[153]. Reproduction de l'estampe
Automne 86 86 Naitƍ Shinjuku Ă  Yotsuya (ć››ăƒƒè°·ć†…è—€æ–°ćźż, Yotsuya Naitƍ Shinjuku) Nouvel exemple de la recherche d'originalitĂ© dans la composition, l'artiste montre ici la scĂšne Ă  travers les jambes de chevaux dont les dĂ©jections Ă  mĂȘme le sol paraissent sans aucun doute tout Ă  fait vulgaires Ă  l'Ă©poque. On voit Ă  l'arriĂšre-plan une rue commerçante animĂ©e de Shinjuku (« nouvelle station postale »), lieu habituel de prostitution et premiĂšre Ă©tape de la route KƍshĆ« Kaidƍ qui mĂšne Ă  Shimosuwa (prĂ©fecture de Nagano). Hiroshige fait sans doute allusion Ă  la citation : « fleurs croissant sur le crottin de cheval Ă  Yotsuya » extraite du livre Le RĂȘve splendide de MaĂźtre Kinkin (Kinkin-sensei eiga no yume, 1775), rĂ©fĂ©rence aux prostituĂ©es de Shinjuku[154]. Reproduction de l'estampe
Automne 87 87 Le sanctuaire de Benten Ă  l'Ă©tang d'Inokashira no ike (äș•ăźé ­ăźæ± ćŒć€©ăźç€Ÿ, Inokashira no ike Benten no yashiro) Cette perspective aĂ©rienne prĂ©sente une vue d'ensemble de l’étang Inokashira no ike, d'oĂč l'aqueduc Kanda transporte l'eau Ă  la ville. Dans la partie infĂ©rieure gauche se trouve une Ăźle qui abrite le sanctuaire Benten, divinitĂ© protectrice des eaux, dĂ©jĂ  rencontrĂ©e sur les estampes 72 et 83. Ce sanctuaire a Ă©tĂ© fondĂ© en 1197 par le seigneur de guerre Minamoto no Yoritomo, tandis que la statue principale est l’Ɠuvre de Saicho Daishi, fondateur de l'Ă©cole bouddhiste Tendai. La partie centrale montre une Ăźle dont les rives sont couvertes de roseaux tandis qu’à l'arriĂšre-plan, une forĂȘt et une montagne Ă©mergent de la brume. Au-dessus de l'Ă©tang volent plusieurs hĂ©rons. De toute la sĂ©rie, ce site, situĂ© Ă  l'ouest d'Edo, reprĂ©sente le point le plus Ă©loignĂ© de la ville[155]. Reproduction de l'estampe
Automne 88 88 La riviĂšre Takino-gawa Ă  ƌji (çŽ‹ć­æ»ăźć·, ƌji Takinogawa) C'est une image typique de l'automne que soulignent les feuilles rouges des Ă©rables. Si l'attraction principale dans les paysages de printemps est la contemplation des cerisiers en fleurs, en automne, ce sont les Ă©rables qui attirent de nombreux visiteurs, en particulier dans la rĂ©gion d'Oji, oĂč nombre de ces arbres ont Ă©tĂ© plantĂ©s par le shogun Tokugawa Yoshimune au dĂ©but des annĂ©es 1730. La couleur brun rougeĂątre de ces arbres est rĂ©alisĂ©e avec des pigments tan, obtenus Ă  partir de plomb ou d’oxyde de fer. De nouveau une vue aĂ©rienne dont le sujet principal est une haute colline entourĂ©e de la riviĂšre Shakujii-gawa, nommĂ©e Takino-gawa (« riviĂšre des cascades ») dans le titre de cette estampe pour ses nombreuses chutes d’eau, telle que celle qui est reprĂ©sentĂ©e Ă  droite. Tout Ă  fait en bas de l’image se trouve une petite Ăźle avec une pergola oĂč quelques baigneurs font leurs ablutions. Non loin de lĂ , on distingue l’arc d’un torii qui indique l’accĂšs d’un sanctuaire situĂ© dans une grotte dĂ©diĂ©e Ă  Benzaiten (dĂ©esse des eaux) et qui dĂ©pend du sanctuaire Matsubashi-Benten dont les toits sont visibles en haut Ă  droite de l’image, sur la colline couronnĂ©e de pins. La riviĂšre est enjambĂ©e par un pont qui vient du Nakasendƍ, route menant Ă  Kyoto, et oĂč se trouvent le sanctuaire Oji-Gongen et le temple Kinrin-ji. PassĂ© le pont, un chemin mĂšne Ă  quelques maisons de thĂ© situĂ©es entre les arbres[156]. Reproduction de l'estampe
Automne 89 89 Le « pin de la Lune » Ă  Ueno (äžŠé‡Žć±±ć†…æœˆăźăŸă€, Ueno sannai Tsuki no matsu) Ce pin — dĂ©jĂ  vu sur la onziĂšme estampe — tient son nom de la forme inhabituelle d'une de ses branches, courbĂ©e en un cercle presque parfait. Les Japonais aiment Ă  donner des noms Ă  des arbres singuliers ou Ă  la signification particuliĂšre, comme le montrent les planches 26, 61 et 110. Une fois encore, la composition est structurĂ©e Ă  partir d'un premier plan agrandi qui guide l’Ɠil vers le paysage, ici l’étang Shinobazu no ike et Ă  l'arriĂšre un quartier appartenant au puissant daimyo Maeda, seigneur de Kaga (prĂ©fecture d'Ishikawa), de nos jours occupĂ© par l’universitĂ© de Tokyo. Plus prĂšs de l'observateur, dans le coin en bas Ă  droite, se trouvent plusieurs bĂątiments parmi lesquels s’élĂšve de nouveau un sanctuaire de couleur rouge dĂ©diĂ© Ă  Benten, sur une Ăźle construite Ă  l'image de l'Ăźle de Chikubushima au nord-est de Kyoto[157]. Reproduction de l'estampe
Automne 90 90 Vue nocturne du quartier de Sarukawa-machi (猿わかç”șă‚ˆă‚‹ăźæ™Ż, Saruwaka-machi yoru no kei) Pour cette vue nocturne, Hiroshige utilise une perspective plus occidentale afin de suggĂ©rer la profondeur de la rue reprĂ©sentĂ©e, avec un point de fuite sur la gauche et lĂ©gĂšrement inclinĂ© par rapport au centre de l’image. La rue, principalement occupĂ©e par des thĂ©Ăątres de marionnettes, de kabuki et bunraku, est parcourue par de nombreux passants dont les ombres sont bien visibles au clair de lune. AprĂšs l'incendie de 1841, les thĂ©Ăątres sont regroupĂ©s dans le quartier Saruwaka-machi. Les Ă©tablissements officiels sont indiquĂ©s par une yagura, la structure qui apparaĂźt sur certains toits. À cette heure, la plupart des thĂ©Ăątres sont fermĂ©s Ă  l’exception du thĂ©Ăątre Morita d'oĂč s'Ă©chappe de la lumiĂšre Ă  gauche, et qui vient juste d’ouvrir aprĂšs un incendie en 1855. À partir de 1830, Hiroshige Ă©tudie de façon approfondie les effets de la lumiĂšre et l'atmosphĂšre des images de nuit, comme dans sa sĂ©rie Silhouettes improvisĂ©es (Sokkyo kageboshi zukushi) et son triptyque Clair de lune sur Kanazawa de la sĂ©rie Neige et lune[158]. Reproduction de l'estampe
Automne 91 91 À l'intĂ©rieur du sanctuaire Akiba Ă  Ukeji (è«‹ćœ°ç§‹è‘‰ăźćąƒć†…, Ukechi Akiba no keinai) Cette vue aĂ©rienne montre l’étang du beau jardin du sanctuaire d’Akiba dont les divinitĂ©s protĂšgent des incendies. La planche met en valeur les feuilles d’érable aux couleurs orange et ocre reflĂ©tĂ©es par l'eau. Dans le coin infĂ©rieur gauche se trouve un pavillon de thĂ© sur la terrasse duquel un moine peint le paysage qu'il a devant lui. Il s’agit peut-ĂȘtre d’un autoportrait de Hiroshige, selon l’historien d’art Henry D. Smith. Dans ce cas, la femme Ă  ses cĂŽtĂ©s est son Ă©pouse, Yasu, accompagnĂ©e de sa fille Tatsu. Cette hypothĂšse est corroborĂ©e par la relation spĂ©ciale qui existe entre la famille et le sanctuaire Akiba oĂč Hiroshige III, le dernier disciple de l'artiste et l'Ă©poux de sa fille Tatsu, a posĂ© une plaque commĂ©morative Ă  l’occasion du 25e anniversaire de la mort du maĂźtre[159]. Reproduction de l'estampe
Automne 92 92 Le temple Mokubƍ-ji et champs maraĂźchers dans la baie d'Uchigawa (æœšæŻćŻșć†…ć·ćŸĄć‰æ œç•‘, Mokubƍji Uchigawa Gozensaibata) La baie d’Uchigawa fait partie de la Sumida, principale riviĂšre de la ville. Dans les terres se trouve le temple Mokubƍ-ji, crĂ©Ă© au Xe siĂšcle comme tertre funĂ©raire d'un jeune seigneur nommĂ© Umewaka, protagoniste d'une tragĂ©die qui a Ă©tĂ© incorporĂ©e dans une piĂšce de thĂ©Ăątre nƍ intitulĂ©e « Sumida-gawa » : s’étant perdu, le jeune garçon tombe aux mains d'un marchand d'esclaves et finit par mourir de maladie et d’épuisement sur les rives de la riviĂšre Sumida, au grand dĂ©sespoir de sa mĂšre. Le temple Mokubƍ-ji citĂ© dans le titre est proche, mais n'est pas reprĂ©sentĂ© sur cette estampe : le bĂątiment sur la droite est le restaurant Uehan (acronyme de son propriĂ©taire, Uekiya Han'emon) spĂ©cialisĂ© dans les produits de la mer, que Hiroshige avait dĂ©jĂ  peint dans ses Vues des restaurants cĂ©lĂšbres d'Edo, mais en hiver et sous un angle diffĂ©rent[160]. Le temple, ainsi que le restaurant et les jardins, est une destination touristique trĂšs populaire comme le montrent les deux dames Ă©lĂ©gantes qui descendent de l’embarcation et se dirigent vers l'Ă©tablissement. Le jardin Ă  gauche, nommĂ© Gozensaihata (« honorable jardin maraĂźcher »), dont le nom figure dans le titre, est cultivĂ© par les pĂȘcheurs des environs et compte trente-six espĂšces de lĂ©gumes destinĂ©s au shogun. Tokugawa Iesada a frĂ©quentĂ© le restaurant un mois avant la publication de l'estampe. Peut-ĂȘtre est-ce la raison pour laquelle Hiroshige a crĂ©Ă© cette composition puisque l'un des objectifs de la sĂ©rie est de montrer au public ce qui est nouveau[161]. Reproduction de l'estampe
Automne 93 93 Le transbordeur de Niijuku (ă«ă„ćźżăźă‚ăŸă—, Niijuku no watashi) Le transbordeur de Niijuku sert Ă  traverser la riviĂšre Naka-gawa qui dĂ©termine la limite nord d’Edo, mais il n’apparaĂźt qu’en partie dans le coin infĂ©rieur droit de sorte que sa prĂ©sence n’est qu'un prĂ©texte pour prĂ©senter un large panorama sur le paysage environnant. La partie gauche de l’image est occupĂ©e par un restaurant bien Ă©clairĂ© vers lequel se dirigent quelques personnes tandis que d’autres restent Ă  l’embarcadĂšre ; un homme nettoie les sabots de son cheval dans l’eau de la riviĂšre. Assis au milieu des grands pins de la rive se trouve un pĂȘcheur tandis qu'une barge chargĂ©e de biens passe devant lui. L’arriĂšre-plan est estompĂ© par le brouillard dont la couleur rougeĂątre indique la fin de la journĂ©e, et l'habituel dĂ©gradĂ© du ciel est rendu grĂące Ă  la technique bokashi[162]. Reproduction de l'estampe
Automne 94 94 Les Ă©rables Ă  Mama, le sanctuaire Tekona et le pont de Tsugihashi (çœŸé–“ăźçŽ…è‘‰æ‰‹ć€é‚Łăźç€Ÿç¶™ăŻă—, Mama no momiji Tekona no yashiro Tsugihashi) L’image est encadrĂ©e par les troncs de deux Ă©rables dont les branches s'entrelacent et dont la couleur automnale des feuilles prĂ©sente une teinte Ă  la fois rougeĂątre et noirĂątre distincte des impressions antĂ©rieures, due Ă  une variation chimique des pigments employĂ©s. Les gens de Mama Ă  l'est d’Edo se promĂšnent le long de la riviĂšre Edo-gawa, endroit trĂšs frĂ©quentĂ© Ă  l'automne pour admirer les Ă©rables. Dans cette ville se trouve le temple bouddhiste Guhƍ-ji, dont un autel est dĂ©diĂ© Ă  Tekona, paysanne d'une grande beautĂ© qui s’est jetĂ©e dans la riviĂšre pour Ă©chapper Ă  ses prĂ©tendants qui lui rendaient la vie impossible. Sa lĂ©gende est rapportĂ©e dans le fameux Man'yoshu (« Collection des dix mille feuilles »), anthologie poĂ©tique du VIIIe siĂšcle oĂč les vers sur Tekona prĂ©cĂšdent directement ceux du mont Tsukuba visible ici en fond[163]. En 1501 est fondĂ© le temple mentionnĂ© dans le titre de l’estampe, oĂč il est possible de prier pour un bon accouchement ou une protection contre la varicelle. Le temple apparaĂźt dans le paysage Ă  gauche, avec son toit Ă  forte pente et prĂ©cĂ©dĂ© par un arc torii. Le pont Tsugihashi (« long pont ») que l'on voit au centre de l’image Ă©voque Ă©galement cette lĂ©gende : une autre anthologie de poĂ©sie mentionne un prĂ©tendant de Tekona qui se lamente au sujet du pont qu’il ne peut traverser la nuit pour voir sa bien-aimĂ©e. La composition marquĂ©e par les feuilles au premier plan et la douce lumiĂšre du soir donne un air lyrique Ă  cette scĂšne oĂč est nĂ©e la lĂ©gende de Tekona[164]. Reproduction de l'estampe
Automne 95 95 Vue de Kƍnodai et de la riviĂšre Tone-gawa (éŽ»ăźć°ăšă­ć·éąšæ™Ż, Kƍnodai Tonegawa FĆ«kei) La colline escarpĂ©e de Kƍnodai qui domine la Tone-gawa — de nos jours Edo-gawa — est un important bastion de dĂ©fense. Dans cette image, le cĂŽtĂ© gauche de la composition est occupĂ© par une saillie rocheuse peinte dans un style chinois. Elle est surmontĂ©e de trois grands pins aux pieds desquels trois petits personnages conversent avec animation, donnant une bonne idĂ©e de la hauteur de la colline. Cet endroit est surtout connu grĂące Ă  une Ɠuvre littĂ©raire, Nansƍ Satomi Hakkenden (Histoire des huit chiens du Satomi de Nansƍ) de Kyokutei Bakin. La riviĂšre est parcourue de barges chargĂ©es de marchandises qui vont Ă  la ville tandis qu’à l'horizon apparaĂźt le mont Fuji dans un ciel jaune qui signale un matin clair. La couleur bleue du haut du ciel est de nouveau marquĂ©e par le grain du bois utilisĂ© pour l’impression[165]. Reproduction de l'estampe
Automne 96 96 Horie et Nekozane (ć €æ±Ÿă­ă“ă–ă­, Horie Nekozane) Horie et Nekozane sont deux villages situĂ©s sur les rives opposĂ©es de la riviĂšre KyĆ«edo (« vieil Edo ») — un affluent de l’Edo-gawa — rĂ©putĂ© pour ses excellents fruits de mer. Les mĂ©andres de la riviĂšre structurent toute la composition qui entraĂźne le regard vers le fond de l’image oĂč s’étend la baie d’Edo. Dans la partie infĂ©rieure, deux personnages sont reprĂ©sentĂ©s sur une bande de terre en train de chasser les oiseaux (probablement des pluviers argentĂ©s) avec un filet dissimulĂ© dans le sable[166]. La partie centrale est occupĂ©e par les deux villages que relient deux ponts enjambant la riviĂšre encombrĂ©e d’embarcations. Sur la droite, Ă  moitiĂ© cachĂ© par la forĂȘt de pins, se trouve un petit sanctuaire qu’annonce un torii. De la brume du fond Ă©merge l’imposante silhouette du mont Fuji, baignĂ© d’une pĂ©nombre rougeĂątre. Le sceau de la censure porte la marque du deuxiĂšme mois de l’ùre Ansei 3 (1856), c’est donc l'une des premiĂšres estampes de la sĂ©rie rĂ©alisĂ©e par l’artiste[167]. Reproduction de l'estampe
Automne 97 97 Les « cinq pins » et le canal Onagi (ć°ć„ˆæœšć·äș”æœŹăŸă€, Ongagigawa Gohonmatsu) ConformĂ©ment au principe stylistique de la sĂ©rie, l’image est composĂ©e Ă  partir d’un premier plan occupĂ© par les branches d'un vieux pin supportĂ©es par des poutres en bois au travers desquelles apparaĂźt le paysage Ă  l'arriĂšre-plan. Gohonmatsu (« cinq pins ») est le nom d’un quartier d'Edo qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  cinq pins sĂ©culaires plantĂ©s le long du canal Onagi-gawa en 1732 et dont il ne reste Ă  l’époque d’Hiroshige que celui reprĂ©sentĂ© ici. L’emplacement oĂč est situĂ© le pin appartient au daimyo d’Ayabe. Ici, l'artiste dĂ©forme la rĂ©alitĂ© pour atteindre un plus grand effet scĂ©nographique : le canal est en fait parfaitement droit et la courbe ici reprĂ©sentĂ©e imaginaire. L’embarcation du centre portant deux rameurs et quelques passagers est une reprise par Hiroshige d’une Ɠuvre de Katsushika Hokusai, Coucher de soleil Ă  travers le pont Ryƍgoku (planche 22 des Trente-six vues du mont Fuji) oĂč est reproduit avec prĂ©cision le dĂ©tail du passager qui trempe un mouchoir dans l'eau[168]. Reproduction de l'estampe
Automne 98 98 Feux d'artifice sur le pont Ryƍgoku (äžĄć›œèŠ±ç«, Ryƍgoku hanabi) Souvent dĂ©crite comme exprimant l'essence de la culture d'Edo[169], il s'agit d'une des estampes les plus connues de la sĂ©rie et un nouvel exemple de la grande habiletĂ© de l'artiste Ă  reprĂ©senter la vie nocturne ainsi qu'Ă  utiliser la verticalitĂ© par le biais de perspectives aĂ©riennes. Le pont de Ryƍgoku sur la Sumida-gawa est l’un des plus grands de la ville. Le vingt-huitiĂšme jour du cinquiĂšme mois se tient la fĂȘte de kawabiraki (ouverture de la riviĂšre), qui est un rituel d’ablutions pour Ă©loigner les mauvais esprits. Les premiers feux d'artifice datent de 1733, encouragĂ©s par le shogun Tokugawa Yoshimune, puis ils sont organisĂ©s Ă  de nombreuses reprises en dehors de la cĂ©rĂ©monie annuelle, en particulier pendant les nuits d'Ă©tĂ©. Ils sont parrainĂ©s par les entreprises de locations de bateaux et les restaurants qui sont les principaux bĂ©nĂ©ficiaires du spectacle. La riviĂšre est donc couverte de bateaux, du petit yanebune (bateau couvert) jusqu’au grand yakatabune traditionnel (bateau-palais) et au urourobune, embarcation qui vend de la nourriture et des boissons. Le feu d'artifice est reprĂ©sentĂ© dans le coin supĂ©rieur droit sous la forme d'Ă©toiles vivement Ă©clairĂ©es tandis que dans la partie centrale, un feu de Bengale dĂ©crit une courbe prononcĂ©e dans le ciel d’une couleur sombre qui Ă©pouse les veines du bois[170]. Reproduction de l'estampe
Hiver 99 99 Temple KinryĆ«-zan Ă  Asakusa (æ”…è‰é‡‘éŸć±±, Asakusa KinryĆ«zan) Avec cette estampe commence la sĂ©rie consacrĂ©e Ă  l’hiver. Le temple de KinryĆ«zan dĂ©diĂ© au bodhisattva Kannon se trouve dans le quartier d’Asakusa. Sur l’arriĂšre-plan se dĂ©coupent diffĂ©rents Ă©lĂ©ments du premier plan, en la circonstance un battant rouge et vert de la porte Kaminarimon (« porte du tonnerre »), sur le cĂŽtĂ© gauche, et une grande lanterne votive qui occupe toute la partie supĂ©rieure de l’image et sur laquelle est imprimĂ© « Shinbashi », le nom du donateur. Puis la composition guide le regard vers un paysage enneigĂ© oĂč un groupe de personnes se dirige vers l’intĂ©rieur du temple. Une pagode se trouve Ă  droite et le niƍmon (« porte des deux rois gardiens ») occupe le centre, d’une intense couleur rouge accentuĂ©e par le contraste avec le blanc de la neige. La pagode vient d'ĂȘtre reconstruite deux mois auparavant, aprĂšs le sĂ©isme de 1855. Le ciel, graduĂ© du blanc au noir par le biais de diverses nuances de gris, est couvert de flocons de neige[171]. Cette allĂ©e, ici Ă©tonnamment paisible, est habituellement animĂ©e d'Ă©choppes temporaires, mais Hiroshige reprĂ©sente comme souvent le motif principal en sacrifiant des Ă©lĂ©ments secondaires pour ne pas rompre l'harmonie de la scĂšne[172]. Reproduction de l'estampe
Hiver 100 100 Digue de Nihon et Yoshiwara (ă‚ˆă—ćŽŸæ—„æœŹć €, Yoshiwara Nihontsutsumi) La digue Nihontsutsumi est le dernier tronçon de la route qui mĂšne au quartier des divertissements de Shin Yoshiwara. Sous la pĂąle lumiĂšre du croissant de lune, des gens circulent, certains en palanquins portĂ©s par des serviteurs. Des deux cĂŽtĂ©s de la route, plusieurs Ă©choppes servent le thĂ©. En haut Ă  droite, derriĂšre un rideau d’arbres, apparaissent les toits des maisons closes de Yoshiwara, enveloppĂ©es d’un brouillard de couleur violette. Au bout de la route, faisant comme un lien avec les toits, se tient un saule pleureur, le fameux Mikaeri yanagi (« saule du regard en arriĂšre »), oĂč les clients des bordels jettent un dernier regard en arriĂšre avant de plonger dans l'atmosphĂšre dissolue du quartier Yoshiwara. Ce motif, associĂ© au vol des oies sauvages dans le ciel nocturne, donne Ă  l’image un caractĂšre emprunt d’une certaine mĂ©lancolie[141]. Reproduction de l'estampe
Hiver 101 101 RiziĂšre d'Asakusa et festival Torinomachi (æ”…è‰ç”°ç”«é…‰ăźç”șè©Ł, Asakusa tanbu Torinomachi mƍde) Sur cette estampe, le paysage apparaĂźt Ă  travers la fenĂȘtre d'une chambre qui forme une grille surplombant l’arriĂšre-plan. La perspective est donc crĂ©Ă©e par ce premier plan. Nous sommes probablement dans un bordel du quartier de Yoshiwara peu aprĂšs le dĂ©part d’un client. Une serviette et un bol d'eau sont dĂ©posĂ©s sur le rebord de la fenĂȘtre et un onkotogami (« papier pour l'acte honorable ») dĂ©passe en bas Ă  gauche, Ă  mĂȘme le sol. Quelques kumate kanzashi (Ă©pingles Ă  cheveux en pattes d’ours) ont probablement Ă©tĂ© offerts par le client Ă  la courtisane. Ce motif se rĂ©fĂšre symboliquement Ă  la fĂȘte annoncĂ©e dans le titre, fĂȘte qui a lieu le « jour du coq » du onziĂšme mois et oĂč il est de coutume d'apporter des Ă©pingles en patte d'ours, symbole de bonheur. Dans la partie centrale du paysage en arriĂšre-plan passe la procession de ce festival qui se dirige vers le temple de Chƍkoku-ji. Plus loin se dresse le mont Fuji, avec sa forme conique symĂ©triquement coupĂ©e en deux par un barreau de la fenĂȘtre. Un des Ă©lĂ©ments les plus singuliers de cette image est le chat qui regarde le paysage par la fenĂȘtre et reprĂ©sente symboliquement la courtisane. La planche est rĂ©alisĂ©e avec la technique appelĂ©e kimedashi (gaufrage), qui consiste Ă  presser une plaque sur le papier de telle sorte que sont imprimĂ©s les lignes et les contours. Cette Ɠuvre, apprĂ©ciĂ©e en Occident, a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour illustrer un article de William Anderson sur Hiroshige dans le magazine Le Japon artistique[173]. Reproduction de l'estampe
Hiver 102 102 Minowa, Kanasugi et Mikawashima (蓑èŒȘ金杉䞉æČłă—ăŸ, Minowa Kanasugi Mikawashima) Cette planche reprĂ©sente deux grues de Mandchourie (tanchƍzuru), l'une qui barbote dans l’eau tandis que l’autre semble survoler la scĂšne et occupe tout le haut de l'image. Les trois endroits mentionnĂ©s dans le titre se trouvent au nord-ouest des quartiers de plaisir de Yoshiwara, prĂšs de la route d’ƌshĆ« Kaidƍ. En hiver, le shogun a recours Ă  des faucons entraĂźnĂ©s pour ses chasses aux hĂ©rons appelĂ©es tsuru no onari (« tournĂ©e des hĂ©rons ») dans cette zone. Pour les attirer, les agriculteurs dĂ©posent de la nourriture comme appĂąt, ainsi que l’indique probablement la prĂ©sence du paysan qui s'Ă©loigne par la gauche. Le plumage des hĂ©rons est rĂ©alisĂ© avec la technique karazuri (impression Ă  vide), type d’impression Ă  sec dans laquelle la plaque est pressĂ©e contre le papier avec une espĂšce de tampon appelĂ© baren. Les hĂ©rons symbolisent la longĂ©vitĂ©, le bonheur et la fidĂ©litĂ© dans le mariage puisque leur union avec un partenaire dure toute leur vie. Le motif des couples de hĂ©rons est monnaie courante dans la tradition picturale chinoise[174]. Reproduction de l'estampe
Hiver 103 103 Grand pont de Senju (ćƒäœăźć€§ăŻă—, Senju no ƍhashi) C'est l'une des premiĂšres images de la sĂ©rie selon la date indiquĂ©e par la censure, et elle marque la limite nord d'Edo. Peut-ĂȘtre l'artiste a-t-il voulu dĂ©finir le pĂ©rimĂštre de son entreprise. Le grand pont de Senju qui enjambe la riviĂšre Ara-kawa sur la route d’ƌshĆ« Kaidƍ a Ă©tĂ© construit en 1594 par Tokugawa Ieyasu. Il est courant que le shogun l’emprunte lors de ses pĂšlerinages Ă  Nikkƍ, oĂč se trouve la tombe de Ieyasu, le fondateur de la dynastie. L'image montre la solide structure du pont qui lui a permis de rĂ©sister Ă  de nombreuses catastrophes. Plusieurs voyageurs se croisent, dont l’un Ă  cheval va Ă  la rencontre d'un palanquin. DerriĂšre le pont Ă  gauche se trouve un village de pĂȘcheurs, tandis que la riviĂšre est parcourue de bateaux de marchandises ou de radeaux de bois. Le fond est presque un condensĂ© de l’art de Hiroshige, avec les montagnes enveloppĂ©es de brumes au ciel Ă©clairĂ© par la lumiĂšre rougeĂątre du soleil couchant[175]. Reproduction de l'estampe
Hiver 104 104 Digue de Koume (ć°æą…ć €, Koumetsutsumi) Le canal Yotsugi-dƍri — dĂ©jĂ  rencontrĂ© sur l’estampe no 33 — est utilisĂ© pour le transport, bien que cette image ne montre pas de bateau et prĂ©sente un paysage presque idyllique. Cet endroit est situĂ© du cĂŽtĂ© est de la riviĂšre Sumida, au nord du quartier de Honjo, prĂšs de la petite ville de Koume. Le canal traverse l'image en diagonale, disparaissant Ă  l'arriĂšre-plan aprĂšs un virage serrĂ©. La teinte plus foncĂ©e de bleu au centre du canal en indique la profondeur. Toute la partie droite de l’image est occupĂ©e par un grand aulne (hannoki) au pied duquel quelques enfants jouent avec des chiens. Deux dames traversent le pont, vĂȘtues de haori d’hiver, tandis que de l'autre cĂŽtĂ© se trouve une rue avec plusieurs magasins. Au centre de l’image, un pĂȘcheur solitaire est assis sur le talus, sa canne dans la riviĂšre. Le ciel est parcouru d’une volĂ©e d'oiseaux pour rompre la monotonie de la partie supĂ©rieure de l'image[176]. Reproduction de l'estampe
Hiver 105 105 Oumayagashi (ćŸĄćŽ©æČłćČž) Cette image nocturne est en harmonie avec le thĂšme reprĂ©sentĂ© : les femmes sur la gauche sont appelĂ©es yotaka (« oiseaux de nuit »), l'une des formes les plus basses de la prostitution. Elles sont communĂ©ment accompagnĂ©es par un pĂšre ou un frĂšre et portent une natte de paille afin de pouvoir offrir leurs services partout. Leurs visages sont souvent si dĂ©figurĂ©s qu'elles sont contraintes de s'appliquer du maquillage trĂšs Ă©pais qui les fait ressembler Ă  des masques. La riviĂšre est reprĂ©sentĂ©e par une forte houle, et plusieurs autres navires traversent ses eaux. Le cĂŽtĂ© droit est occupĂ© par les branches des arbres et le fond gris montre une nouvelle fois le grain laissĂ© par l'impression du bois[177]. Reproduction de l'estampe
Hiver 106 106 Le parc Ă  bois de Fukagawa (æ·±ć·æœšć Ž, Fukagawa kiba) Cette estampe d’un paysage complĂštement recouvert de neige surprend et dĂ©termine chez le spectateur une sensation de froide dĂ©solation, sentiment accentuĂ© par le ciel gris couvert de flocons et par le bleu intense de l’eau de la riviĂšre qui lui donne un aspect glacial. Le cadre formĂ© par les rondins et le contour des montagnes au loin donne Ă  ce paysage concret un aspect de conte d'hiver[178]. Comme d'habitude, Hiroshige introduit plusieurs Ă©lĂ©ments anecdotiques, comme deux moineaux volant au-dessus de la scĂšne et deux chiens dans le coin infĂ©rieur gauche ainsi qu’une ombrelle jaune en bas au centre, oĂč Ă  nouveau se lit le kanji sakana (« poisson ») en allusion Ă  Sakanaya Eikichi, l'Ă©diteur de la sĂ©rie. Le stockage du bois se fait Ă  l'extĂ©rieur de la ville pour prĂ©venir des incendies, en particulier Ă  Fukagawa, Ă  l'est de la riviĂšre Sumida. Plusieurs poutres de bois traversent la scĂšne en diagonale, Ă  droite comme Ă  gauche. Cette disposition associĂ©e au mouvement en zigzag du cours de la riviĂšre donne Ă  l’image un dynamisme qui contraste avec la tranquille immobilitĂ© du paysage enneigĂ©[179]. Reproduction de l'estampe
Hiver 107 107 Fukagawa Susaki et JĆ«mantsubo (æ·±ć·ć·žćŽŽćäž‡ćȘ, Fukagawa Susaki JĆ«mantsubo) Comme la planche 102, la partie supĂ©rieure de l’image est occupĂ©e par un oiseau, en la circonstance un aigle, dont le tracĂ© parfait et les diffĂ©rentes teintes de gris des plumes sont obtenus Ă  l'impression au moyen de mica, tandis que les serres sont imprimĂ©es avec de la colle animale (nikawa) qui donne une sensation de brillance. L’aigle vole au-dessus d'un champ enneigĂ© que traverse une riviĂšre, avec la silhouette du mont Tsukuba en arriĂšre-plan. Fukagawa Susaki se trouve Ă  l'est de la Sumida-gawa, tandis que JĆ«mantsubo, une zone en terrasse au nord-est de Susaki en 1720, appartenait Ă  un daimyo. Son nom indique la taille de la ferme : JĆ«man tsubo, 100 000 tsubo (un tsubo est une unitĂ© japonaise de mesure Ă©gale Ă  3,306 m2 ; dans ce cas, 100 000 tsubo font 0,3 km2). Cette estampe est une des plus populaires de la sĂ©rie, avec les planches 58 et 118[180]. Reproduction de l'estampe
Hiver 108 108 Vue de la cĂŽte de Shiba (èŠă†ă‚‰ăźéąšæ™Ż, Shibaura no fĆ«kei) Cette image d’un port prĂ©sente diffĂ©rents Ă©lĂ©ments qui suggĂšrent la profondeur : d’abord deux volĂ©es de mouettes, l’une toute proche au premier plan qui survole l’eau et une seconde plus lointaine, qui traverse le ciel Ă  l’horizon. D’autres Ă©lĂ©ments mettent en valeur la perspective comme les structures en bois en forme de A qui indiquent un chenal maritime, l'un au premier plan sur le cĂŽtĂ© gauche de l'image et un autre un peu plus loin derriĂšre lui. L'ensemble de quatre bateaux qui rĂ©trĂ©cissent Ă  mesure qu'il s'Ă©loigne des yeux de l’observateur participent Ă©galement Ă  cette impression de profondeur. Loin Ă  l’horizon sur le cĂŽtĂ© gauche, l'artiste reprĂ©sente des terre-pleins (daiba) construits comme moyen de dĂ©fense aprĂšs l’arrivĂ©e des navires noirs amĂ©ricains. Sur la bande de terre qui occupe le cĂŽtĂ© droit de l’image se trouve la villa Hama du shogun. Dans le cartouche jaune du coin infĂ©rieur gauche apparaĂźt le sceau du graveur, Horisen (Hori Sennosuke), ce qui est inhabituel, peut-ĂȘtre parce qu’il s’agit d’une des cinq premiĂšres estampes de la sĂ©rie acceptĂ©es par la censure. Ce sceau figure Ă©galement dans les marges des planches 17, 28 et 83[181]. Reproduction de l'estampe
Hiver 109 109 Minami Shinagawa et la cĂŽte de Samezu (ć—ć“ć·éź«æŽČæ”·ćČž, Minamishinagawa Samezu kaigan) Cette vue aĂ©rienne de la baie d’Edo reprĂ©sente la zone connue sous le nom de Shinagawa, oĂč se cultivent d’excellentes algues qui poussent sur les arbres plantĂ©s par les pĂȘcheurs en eau peu profonde en automne et sont recueillies en hiver afin d’en faire des nori, minces feuilles d'algues utilisĂ©es pour l'assaisonnement ou pour les sushis. En bas de l’image, plusieurs bateaux profitant de la marĂ©e basse rĂ©coltent les algues. Au fond de la baie se trouve le secteur de Samezu (« banc de sable du requin ») oĂč un pĂȘcheur local aurait dĂ©couvert une statuette du bodhisattva Kannon dans le ventre d'un requin qu'il venait de prendre dans ses filets, lĂ©gende pour laquelle a Ă©tĂ© construit le temple zen Kaian-ji au XIIIe siĂšcle. Toutefois, le temple, Ă©lĂ©ment principal du site, n'est que vaguement Ă©voquĂ© par une silhouette imprĂ©cise, comme souvent chez Hiroshige. À l'arriĂšre-plan apparaĂźt la silhouette double du mont mont Tsukuba vers lequel une volĂ©e d'oiseaux amĂšne le regard[182] - [183]. Reproduction de l'estampe
Hiver 110 110 « Le pin pour accrocher le manteau du moine » au lac Senzoku no ike (ćƒæŸăźæ± èąˆèŁŸæ‡žæŸ, Senzoku no ike Kesakakematsu) Le pin Kesakakematsu (« pin pour accrocher le manteau du moine ») est ainsi nommĂ© parce que le moine Nichiren s’est un jour arrĂȘtĂ© le long du chemin pour se reposer et a accrochĂ© son manteau Ă  une branche de ce fameux arbre. Le pin Ă  la forme torsadĂ©e est situĂ© sur une langue de terre qui s'avance dans le lac au milieu Ă  droite de l'image. Sa base est entourĂ©e d'une clĂŽture autour de laquelle sont regroupĂ©s quelques visiteurs. Dans la partie infĂ©rieure, une boutique propose de la nourriture et des boissons le long de la route qui longe le lac, route sur laquelle des voyageurs circulent. Au centre de l’image, le bleu plus foncĂ© en forme de croissant met en Ă©vidence la profondeur du lac que survolent trois hĂ©rons. Sur la rive opposĂ©e, isolĂ© dans la forĂȘt, se trouve le sanctuaire Hachiman de Senzoku, puis comme d’habitude dans les paysages de Hiroshige, le fond montagneux Ă©merge de la brume. La couleur rougeĂątre de l’horizon suggĂšre une heure tardive. Il s’agit d’une des cinq premiĂšres estampes acceptĂ©es par la censure[184]. Reproduction de l'estampe
Hiver 111 111 Le pont-tambour de Meguro et la pointe du soleil (盟黒ć€ȘéŒ“æ©‹ć€•æ—„ăźćČĄ, Meguro taikobashi YĆ«hi no oka) Ce paysage enneigĂ© met en valeur dans sa partie infĂ©rieure le pont-tambour de Meguro, pont exceptionnel fait de pierres et de bois. Un taikobashi (« pont-tambour ») est un pont semi-circulaire d’influence chinoise formant avec son reflet dans l’eau l’image d’un tambour, comme le montre la planche 65. Cette route conduit au temple de Meguro dĂ©diĂ© Ă  Fudƍ Myƍƍ, un des cinq rois de la connaissance Ă©sotĂ©rique. Le coin infĂ©rieur droit est occupĂ© par le toit de la maison de thĂ© Shƍgatsuya, cĂ©lĂšbre pour sa soupe de haricots doux (shiruko mochi). Plusieurs voyageurs se protĂšgent de la neige en se couvrant de parapluies ou de chapeaux, voire d’une cape de paille de l’autre cĂŽtĂ© du pont. Sur la gauche se dresse la YĆ«hi no oka (« colline du soleil couchant ») qui offre une vue magnifique de la vallĂ©e de Meguro. D’un point de vue chromatique, le blanc de la neige contraste avec le bleu de Prusse de la riviĂšre Meguro-gawa, tandis que le ciel est chargĂ© de flocons de neige obtenus en laissant le papier de l’estampe blanc[185]. Reproduction de l'estampe
Hiver 112 112 Atagoshita et la rue Yabu (æ„›ćź•äž‹è–źć°è·Ż, Atagoshita Yabukƍji) Le sujet principal de cette estampe mĂ©lancolique est la neige qui occupe toute la scĂšne. Le quartier Atagoshita (« sous l'Atago ») tient son nom de ce qu’il est situĂ© sous le mont Atago. Il hĂ©berge de nombreuses rĂ©sidences de seigneurs fĂ©odaux (daimyos), telles que celle du clan Katƍ de Minakuchi, qui apparaĂźt au fond en avant de la porte rouge du sanctuaire Atagosha, ou celle du clan Hijikata de Komono (prĂ©fecture de Mie), qui est le long bĂątiment sur la gauche. De la rue Yabukƍji, situĂ©e Ă  la droite du canal qui coule dans l’angle infĂ©rieur droit, ne se voit qu’une haute canne de bambou (yabu), dont les branches s'affaissent sous le poids de la neige, et qui occupe la moitiĂ© droite du ciel que traversent quelques moineaux. Le bambou, comme les moineaux, est un symbole d'amitiĂ© et de douceur et un prĂ©sage de bonheur. Dans cette composition, la rigueur du froid hivernal est diluĂ©e par le contraste marquĂ© des couleurs oĂč le bleu sombre du canal et le vert du bambou accentuent les tons rouges et blancs et le bleu pĂąle du ciel[186]. Reproduction de l'estampe
Hiver 113 113 La pente d'Aoi Ă  l'extĂ©rieur de la porte de Toranomon (è™Žăźé–€ć€–ă‚ă”ăČ杂, Toranomon soto Aoizaka) Cette composition nocturne en forme de X est Ă©clairĂ©e par la douce lumiĂšre d’un croissant de lune cachĂ© par de gris nuages que traverse une volĂ©e d'oiseaux. Sur la ligne d’horizon, entre les pins et les micocouliers, se trouvent les bĂątiments du sanctuaire Kotohira-gĆ«, situĂ© sur les terres du daimyo Kyƍgoku (de la ville de Marugame sur l’üle de Shikoku), ouvert au public le treize de chaque mois. Le centre droit de l’image est occupĂ© par une large chute d’eau de la douve extĂ©rieure du palais, tandis qu’à gauche s’élĂšve la pente d’Aoizaka parcourue par plusieurs pĂšlerins et deux marchands ambulants avec leurs boutiques portables. L’une porte l’inscription nihachi (« deux pour huit ») faisant la promotion de nouilles au sarrasin pour seize mon tandis que l’autre vend des ƍhira shippoku (pĂątes avec des Ɠufs frits, des champignons, des chĂątaignes d’eau ou des gĂąteaux de poisson). Dans la partie infĂ©rieure gauche se trouvent deux chats et, comme Ă©lĂ©ment anecdotique principal, deux apprentis artisans qui s’exercent aprĂšs ĂȘtre sortis d'un bain purificateur, recouverts d'un pagne et portant des lanternes[141]. Cette composition attrayante est l'une des rares de la saison hivernale qui Ă©voquent l'aspect ethnographique du paysage[187]. Reproduction de l'estampe
Hiver 114 114 Pont Bikuni sous la neige (ăłăă«ăŻă—é›Șäž­, Bikunihashi setchĆ«) Sous un ciel nocturne enneigĂ© oĂč se voit clairement au centre le grain du bois, s'Ă©tend un paysage couvert de neige avec, au premier plan Ă  gauche, un panneau qui annonce yama kujira (« baleines des montagnes »), un euphĂ©misme pour dĂ©signer de la viande d’animaux sauvages dont la consommation est interdite par le bouddhisme bien qu'elle soit tolĂ©rĂ©e. Le pont Bikunihashi est situĂ© prĂšs de la douve extĂ©rieure du palais du shogun, dont le mur fortifiĂ© est visible Ă  droite, et qui est entourĂ© de maisons closes et de baraques de nourriture Ă  bas prix. Le terme bikuni dĂ©signe les nonnes mais fait aussi allusion aux prostituĂ©es habillĂ©es en nonne pour exercer leur activitĂ© en dehors des zones autorisĂ©es. Devant la boutique d’alimentation Ă  droite, les paniers montrent des patates douces destinĂ©es Ă  la prĂ©paration de yakiimo (« patates rĂŽties ») vendues dans la rue. L’inscription fait allusion aux patates (imo) entiĂšrement rĂŽties. Un marchand ambulant traverse le pont. Le premier plan vide, la reprĂ©sentation du mur et l’arrangement schĂ©matique des flocons de neige indiquent que cette image est sans doute rĂ©alisĂ©e par Hiroshige II (ainsi que les planches 12, 41 et 119)[188]. Reproduction de l'estampe
Hiver 115 115 L'hippodrome de Takata (é«˜ç”°ăźéŠŹć Ž, Takada no baba) L’hippodrome de Takata no baba au nord-est d’Edo est fondĂ© en 1636 comme champ d’équitation et de tir Ă  l’arc pour la noblesse. Tout le cĂŽtĂ© gauche est dĂ©limitĂ© par un pin devant lequel se trouve une cible en cuir blanc attachĂ©e Ă  un poteau tandis que plusieurs flĂšches reposent au sol. La cible est rĂ©alisĂ©e avec la technique d’impression Ă  sec appelĂ©e nunomezuri. Il s’agit d’un exemple supplĂ©mentaire du sens de la composition originale de Hiroshige, toujours en quĂȘte de perspectives inhabituelles pour surprendre le spectateur. Sur les pistes qui longent le champ passent plusieurs cavaliers, tandis que plusieurs archers s'exercent en face de la cible. Au loin, le mont Fuji s’efface presque dans la brume. Le contraste entre la nature et l'activitĂ© humaine, ici habilement reprĂ©sentĂ©, met en valeur l’harmonie des vertus des samouraĂŻs que prĂŽne le confucianisme, selon lequel les compĂ©tences dĂ©pendent autant des aptitudes innĂ©es que de l'expertise cultivĂ©e par la pratique[189]. Reproduction de l'estampe
Hiver 116 116 Ponts de Sugatami et d'Omokage, Jariba prĂšs de Takata (é«˜ç”°ć§żèŠ‹ăźăŻă—äż€ăźæ©‹ç ‚ćˆ©ć Ž, Takata Sugatami no hashi Omokage no hashi Jariba) Dans une zone proche de l'Ă©cole d'Ă©quitation de la planche prĂ©cĂ©dente s’étendent les riziĂšres de Hikawa, couvertes de chaume jaune. DerriĂšre se trouve Ă  droite le Hikawa-jinja auquel mĂšne le pont Sugatami. Dans la partie infĂ©rieure au premier plan, le pont Omokage dĂ©crit une courbe prononcĂ©e au-dessus de l’aqueduc de Kanda. C’est un pont de planches de bois recouvertes d'une couche de terre et de mousse qui s’intĂšgre harmonieusement dans le paysage. Le mois mĂȘme de la publication de l’estampe, ce pont a Ă©tĂ© empruntĂ© par le shogun Tokugawa Iesada au retour d'un voyage Ă  ƌji. Cela rĂ©vĂšle une fois encore l'intĂ©rĂȘt presque journalistique avec lequel l'artiste et l'Ă©diteur ont rĂ©alisĂ© cette sĂ©rie. Le fond couvert d'une brume rouge pourpre, l'horizon orangĂ© et les riziĂšres jaunes participent du riche chromatisme de cette vue topographique accordant une grande prĂ©cision aux dĂ©tails[190] - [191]. Reproduction de l'estampe
Hiver 117 117 Le sanctuaire Yushima Tenjin vu du haut de la colline (æčŻă—ăŸć€©ç„žć‚äžŠçœș望, Yushima Tenjin sakaue chƍbƍ) Ce panorama aĂ©rien prĂ©sente trois temples diffĂ©rents Ă  distance les uns des autres : au premier plan Ă  gauche le sanctuaire Yushima Tenjin dont seul l'arc torii est visible. Dans une Ăźle au milieu de l’étang de Shinobazu, le sanctuaire Benten dĂ©jĂ  rencontrĂ© dans l’estampe 89 et de l’autre cĂŽtĂ©, Ă  l’extrĂȘme droite, le temple Kan'ei-ji. Ces bĂątiments sont peints en rouge car, selon le shintoĂŻsme, cette couleur chasse les dĂ©mons. Ce vif contraste avec le blanc de la neige et le bleu brillant du lac ainsi que la teinte rougeĂątre de la ligne d’horizon donne un caractĂšre variĂ© Ă  la scĂšne. Pour atteindre le sanctuaire Yushima Tenjin, il faut monter deux volĂ©es d'escaliers dont l’un, plus accentuĂ©, est « pour les hommes » et l’autre, plus accessible, « pour les femmes », comme l’indique l’inscription sur la pierre dans le coin infĂ©rieur droit, otokozaka (« colline pour les hommes »). Sur le cĂŽtĂ© gauche derriĂšre le torii se trouve une maison de thĂ© dĂ©corĂ©e de lanternes rouges[192]. Reproduction de l'estampe
Hiver 118 118 Renards de feu la nuit du Nouvel An sous l'arbre Enoki prĂšs d'ƌji (çŽ‹ć­èŁ…æŸă‚‘ăźæœšć€§æ™Šæ—„ăźç‹ç«, ƌji shƍzoku wenoki ƍtsugomorihi no kitsunebi) C'est l'une des planches les plus cĂ©lĂšbres de la sĂ©rie, ainsi que la seule qui soit imaginaire. Dans cette composition nocturne, sous un ciel gris bleuĂątre parsemĂ© d'Ă©toiles, de nombreux renards dont l’haleine semble ĂȘtre comme autant de feux follets sont rĂ©unis au pied d’un grand micocoulier (enoki). L'attention est concentrĂ©e sur ce groupe prĂšs de l’arbre au premier plan, cependant qu'Ă  une certaine distance apparaissent plusieurs autres renards qui se dirigent vers le premier groupe mais qui ne sont encore que de petits points lumineux perdus dans le fond de l'image. L’intense luminositĂ© autour des renards contraste fortement avec l’obscuritĂ© nocturne et donne un grand effet dramatique et mystĂ©rieux Ă  la scĂšne. Le peintre joue sur la technique du bokashi, les dĂ©gradĂ©s de gris et l'emploi de poudre de mica, avec des surimpressions de vert pour les vĂ©gĂ©taux[193]. Selon la lĂ©gende qui a inspirĂ© la planche, les renards se rĂ©unissent avec leurs forces magiques sous cet arbre au Nouvel An pour adorer le dieu du riz (Inari), puis se rendent au proche sanctuaire d’ƌji Inari (aussi appelĂ© Shƍzoku Inari), oĂč le dieu leur confie diffĂ©rentes tĂąches Ă  accomplir pendant la nouvelle annĂ©e. Le nombre de renards et la forme de leurs feux follets permettent aux paysans de la rĂ©gion de prĂ©dire la prochaine rĂ©colte. Hiroshige utilise une impression en quadrichromie afin de tirer le meilleur parti de cette scĂšne trĂšs dramatique et Ă  l’atmosphĂšre fantastique[194]. Reproduction de l'estampe
Hiver 119 119 Pluie nocturne dans le jardin de Paulownia Ă  Akasaka (è”€ć‚æĄç•‘é›šäž­ć€•ă‘ă„, Akasaka kiribatake uchĆ« yĆ«kei)
()
Cette planche, Ɠuvre de Hiroshige II, a Ă©tĂ© incluse postĂ©rieurement dans la sĂ©rie de telle sorte qu'elle n'apparaĂźt pas dans l'index de Baisotei Gengyo. Ainsi, le sceau aratame (« vu ») de la censure date du quatriĂšme mois de 1859 et le cartouche rouge de la signature indique Nise Hiroshige (Hiroshige II). L’image est parfois considĂ©rĂ©e comme une estampe de remplacement pour la no 52, le jardin de paulownias Ă  Akasaka, ou comme une Ɠuvre commandĂ©e par Sakanaya Eikichi pour cĂ©lĂ©brer l'adoption par Hiroshige II du nom et du sceau de Hiroshige. Le disciple a terminĂ© au moins trois estampes (12, 41 et 114), esquissĂ©es mais inachevĂ©es Ă  la mort du maĂźtre. L’image montre un jardin de paulownias prĂšs de l’étang de Tameike, dĂ©jĂ  reprĂ©sentĂ© sur la planche 52. Il s'agit d'une vue nocturne oĂč une forte pluie tombant d'un ciel de plomb gris-bleu met en Ă©vidence le gris verdĂątre des arbres de l’arriĂšre-plan. La partie infĂ©rieure, plus claire et d’un coloris plus brillant, fait ressortir la partie obscure du fond. La ligne de l'Ă©tang coupe en diagonale le chemin qui monte, dĂ©terminant ainsi une forme en trapĂšze. Des personnages longent l’étang en bas de l’image, tandis que sur le chemin du fond apparaissent Ă  peine quelques silhouettes qui se dirigent vers la porte Akasakamon du palais d’Edo[195]. Reproduction de l'estampe

PostĂ©ritĂ© de l’Ɠuvre

À gauche, Le Jardin des pruniers Ă  Kameido (planche 30), Ă  droite la copie qu'en a tirĂ©e Vincent van Gogh.

Au Japon, les Cent vues d’Edo rencontrent un important succĂšs, comme en tĂ©moignent les innombrables rĂ©impressions effectuĂ©es par l’éditeur, souvent de bien moins bonnes factures que les premiers tirages. Quatre artistes copiĂšrent ou imitĂšrent la sĂ©rie, mais sans grande rĂ©ussite : Hiroshige II, Utagawa Hirokage, Shƍsai Ikkei et Kobayashi Kiyochika[30]. Si la sĂ©rie est de nos jours moins acclamĂ©e que les Cinquante-trois Stations du Tƍkaidƍ, elle fournit nĂ©anmoins plusieurs chefs-d’Ɠuvre de l'artiste, dont le Pont ƌhashi Ă  Atake sous une averse soudaine (planche 58), qui est l'une de ses plus cĂ©lĂšbres estampes de pluie[196], et Le Jardin des pruniers Ă  Kameido (planche 30)[197]. AprĂšs les paysages monumentaux et analytiques de Hokusai, puis les paysages lyriques du dĂ©but de la carriĂšre de Hiroshige, les Cent vues illustrent la derniĂšre Ă©tape de l'estampe de paysage au Japon, caractĂ©risĂ©e par une approche symbolique, intime et Ă©motionnelle[39].

Les estampes de Hiroshige ont Ă©galement Ă©tĂ© bien accueillies en Occident oĂč naĂźt la mode du japonisme. Les Cent vues d'Edo figurent parmi les premiĂšres Ă  toucher le public occidental et elles influencent le travail de plusieurs artistes impressionnistes et les postimpressionnistes[198] - [199].

Cela est par exemple Ă©vident dans les vues de Londres de James Abbott McNeill Whistler durant les annĂ©es 1870, tel le Pont de Battersea inspirĂ© des Feux d'artifice sur le pont Ryƍgoku (planche 98)[199]. Les scĂšnes de Paris de Henri RiviĂšre ou Pierre Bonnard reprennent Ă©galement des idĂ©es ou des constructions gĂ©omĂ©triques des Cent vues d'Edo[200]. Ce sont essentiellement les compositions audacieuses opposant premier plan et fond qui inspirent les artistes français, en premier lieu Les Trente-Six Vues de la Tour Eiffel de Henri RiviĂšre, mais Ă©galement Georges Seurat, Toulouse-Lautrec ou Édouard Vuillard[201]. Claude Monet s’intĂ©resse Ă©galement aux Cent vues d’Edo, s’inspirant de l’estampe À l’intĂ©rieur du sanctuaire Kameido Tenjin (numĂ©ro 65) pour son Bassin aux NymphĂ©as, harmonie verte en 1899 ; le traitement des jardins et de l’eau par les peintres ukiyo-e influence plus gĂ©nĂ©ralement les impressionnistes, Paul CĂ©zanne s’inspirant d’ailleurs de la mĂȘme estampe que Monet pour Le Pont de Maincy[202] - [201].

« Hiroshige est un impressionniste merveilleux. Moi, Monet et Rodin en sommes enthousiasmĂ©s. Je suis content d’avoir fait mes effets de neige et d’inondations ; ces artistes japonais me confirment dans notre parti pris visuel. »

— Camille Pissarro[203].

Vincent van Gogh est trĂšs impressionnĂ© par ces estampes et rĂ©alise des copies de planches de la sĂ©rie alors qu’il sĂ©journe Ă  Paris en 1887 : Japonaiserie : Pont sous la pluie qui est une copie du Pont ƌhashi Ă  Atake sous une averse soudaine (planche 58), et Japonaiserie : prunier en fleur, qui est une copie du Jardin des pruniers Ă  Kameido (planche 30) ; toutefois, il peine dans ces deux copies Ă  reproduire la sensibilitĂ© et le thĂšme exprimĂ© par l’artiste japonais[204] - [205]. En 1887, Van Gogh cherche Ă  redĂ©finir son art, et ces copies montrent son intĂ©rĂȘt pour l'usage dĂ©coratif et non plus descriptif des couleurs et des lignes, comme un ciel rouge dans un paysage[206]. Van Gogh Ă©crit en 1888 Ă  Arles sur les couleurs de la Provence : « On voit avec un Ɠil plus japonais, on sent autrement la couleur[207]. »

L’impressionniste amĂ©ricain Theodore Robinson fait pour sa part l’éloge des Feux d’artifice sur le pont Ryƍgoku (planche 98)[208] et la Manufacture impĂ©riale de porcelaine de Saint-PĂ©tersbourg reprend l’Aigle planant au-dessus de la plaine (planche 107) sur une porcelaine de 1913, tĂ©moignant de la reprise des motifs japonais partout en Occident[209] - [210].

Notes et références

Notes

  1. Utagawa Hiroshige est le pseudonyme d'Andƍ Tokutarƍ, fils d'Andƍ Genuemon, un capitaine de pompiers (hikeshi dƍshin) de la caste des samouraĂŻs. Il est frĂ©quent au Japon que les artistes prennent un nom d'artiste diffĂ©rent de leur nom propre, ou le nom qu'ils utilisent reprĂ©sente l'Ă©cole Ă  laquelle ils appartiennent, en la circonstance l'Ă©cole Utagawa, et le nom sous lequel ils sont le mieux connu est formĂ© avec diffĂ©rents prĂ©fixes et suffixes qui se transmettent de maĂźtre Ă  disciple : ainsi Hirosigue (hiro = « libĂ©ralitĂ© », shige = « abondance » ; « libĂ©ralitĂ© abondante ») inclut l'Ă©lĂ©ment hiro pour son maĂźtre, Utagawa Toyohiro Schlombs 2010, p. 47.
  2. Le calendrier japonais ne coïncide pas avec le calendrier occidental : en Occident, le calendrier grégorien se base sur le cycle solaire tandis qu'au Japon, c'est le cycle lunaire avec des mois de 29 ou 30 jours qui sert de référent. Les Úres du Japon sont généralement en accord avec le rÚgne des empereurs, de sorte que les années sont exprimées avec le nom de l'époque et un nombre ordinal Fahr-Becker 2007, p. 34.
  3. La sĂ©rie est rĂ©alisĂ©e au format ƍban, grand format, environ 39,5 cm × 26,8 cm. Les estampes japonaises ont souvent plusieurs formats standard : ƍban (grand format, 39,5 cm × 26,8 cm, chĆ«ban (moyen format, 29,3 cm × 19 cm, hazama-ban (portrait, 33 cm × 23 cm, hosoban (format Ă©troit, de 30 Ă  35,5 cm × 15,5 cm), ƍtanzaku-ban (poĂšme gravĂ© en grand format), chĆ«tanzaku-ban (poĂšme gravĂ© au format moyen), uchiwaeban (imprimĂ© sur un Ă©ventail)[31].
  4. L'ordre des images a été fixé par Baisotei Gengyo, l'auteur de l'index, en commençant par les 118 dessins de Hiroshige. Plus tard, la cent dix-neuviÚme feuille, présentée par Utagawa Hiroshige II, a été ajoutée mais ne correspond pas à l'ordre saisonnier de la série[36].
  5. William Anderson estime cependant qu'Hiroshige était trop occupé pour « surveiller avec fruit » l'impression des estampes. En conséquence, selon ce critique, « les éditeurs prirent l'habitude d'employer des bleus, des rouges, des jaunes, des verts, intenses et crus, que les importateurs européens leur vendaient à bon compte. Ces couleurs avaient en outre l'avantage d'attirer de loin les regards, mais c'était la mort de l'art et cela rebutait l'amateur[37]. »
  6. Selon Rosanne Lightstone, la perspective oblique de cette composition a inspiré celle du Pont de l'Europe de Gustave Caillebotte[52].
  7. Selon un Ă©dit de 1635, les daimyos sont tenus d'avoir une « rĂ©sidence alternĂ©e » (sankin-kƍtai) Ă  Edo une annĂ©e sur deux afin de contrĂŽler leurs activitĂ©s[36].

Références

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Annexes

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