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Campagne d'Allemagne (1813)

La campagne d'Allemagne, dont la campagne de Saxe est la partie centrale, est la suite de la campagne de Russie de 1812 et précède la campagne de France de 1814. Appelée en allemand « Guerre de libération », elle se déroule au cours de l'année 1813 et constitue le véritable tournant de la guerre liée à la Sixième Coalition. Les États allemands soumis par Napoléon, devant ses premières défaites, se retournent contre lui l'un après l'autre et se joignent à la Sixième Coalition autour de la Russie. Après la bataille de Leipzig, du 16 au 19 octobre, l'armée française vaincue doit se replier vers la France.

Campagne d'Allemagne de 1813
Description de cette image, également commentée ci-après
La Bataille de Leipzig par A.I. Zauerweid
Informations générales
Date janvier-
Lieu Entre le Niémen et le Rhin
Issue Victoire des Alliés décisive, perte de l'Allemagne pour l'Empire Français et ouverture de la Campagne de France (1814)
Belligérants
Drapeau de l'Empire français Empire français Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Drapeau de la Prusse Royaume de Prusse Ă  partir du 16 mars
Royaume de Suède à partir du 23 mars
Drapeau de l'Autriche Empire d'Autriche à partir du 11 août
Drapeau du Royaume de Bavière Royaume de Bavière à partir du 14 octobre
Forces en présence
823 100 hommes1 895 000 hommes
Pertes
194 835 morts238 000 morts

Sixième Coalition

Batailles

Campagne de Russie (1812)


Campagne d'Allemagne (1813)


Campagne de France (1814)


Campagne des Six-Jours :



Front italien :

Front des Pays-Bas :

Contexte

L'Empire français en difficulté

« Triste image de la retraite française en Thuringe : on se demande s'il est toujours le grand chef d'armée qu'il a été. » Gravure allemande, 1813.

Le , quelques jours après la bataille de la Bérézina, Napoléon laisse le commandement de ce qui reste de la Grande Armée à Murat (qui le laisse à son tour au vice-roi d'Italie Eugène de Beauharnais) et rejoint précipitamment la France pour réunir une nouvelle armée de jeunes conscrits. En effet, sa situation devient critique : les Russes, comptant sur le prochain retournement de la Prusse et des autres États allemands, traversent le Niémen à la poursuite de la Grande Armée en Europe centrale.

Par ailleurs, le conflit en Espagne tourne au désastre : Wellington, à la tête d'une armée anglo-hispano-portugaise, remporte une série de victoires sur les maréchaux de Napoléon et se rapproche de jour en jour du sud de la France, en particulier à Vitoria le .

Le , Jean-Baptiste Bernadotte, maréchal de Napoléon devenu prince héritier et souverain effectif de la Suède, noue une alliance avec la Russie sans déclarer officiellement la guerre à la France. Son armée se prépare à intervenir en Europe centrale.

Pour parer la menace, NapolĂ©on dĂ©crète la mobilisation de 1813 : il rĂ©unit une armĂ©e de 400 000 soldats, composĂ©e majoritairement de jeunes conscrits inexpĂ©rimentĂ©s, les Marie-Louise. Au dĂ©but de l'annĂ©e 1813, cette armĂ©e rejoint en Saxe les restes de la Grande ArmĂ©e.

Le réveil allemand

Les États allemands, intégrés dans le système napoléonien, paraissaient accepter la domination française ; mais cet équilibre était précaire. Comme l'écrit le préfacier des mémoires du roi Jérôme :

« Parce que l'Allemagne était sans initiative et sans voix, parce que les princes obéissaient comme des préfets (...) l'empereur (...) eut le tort de méconnaître ce que le sentiment national, trop peu ménagé, avait amassé de ressentiments secrets dans le cœur des Allemands[1]. »

Jusqu'ici, seuls des groupes d'exilĂ©s comme le gĂ©nĂ©ral prussien Gneisenau et la LĂ©gion russo-allemande au service de la Russie alimentaient l'opposition Ă  NapolĂ©on. La dĂ©sastreuse campagne de Russie, oĂą pĂ©rissent environ 100 000 des 180 000 soldats allemands de la Grande ArmĂ©e, affecte gravement leur loyautĂ©. Sur 25 000 soldats et 800 officiers du royaume de Westphalie, seuls 600 et 18 reviennent vivants, 600 autres Ă©tant passĂ©s du cĂ´tĂ© russe. Seuls le corps prussien de Yorck, engagĂ© en Courlande, et le corps autrichien de Schwarzenberg, qui a Ă©vitĂ© tout combat avec les Russes, reviennent avec des pertes moindres. Le 30 dĂ©cembre 1812, la convention de Tauroggen, signĂ©e entre Yorck et le gĂ©nĂ©ral russe d'origine allemande Diebitsch, neutralise l'armĂ©e prussienne[2].

Les dĂ©faites françaises et le blocus continental, qui paralyse le commerce et prive les Allemands de denrĂ©es comme le cafĂ© et le sucre, contribuent Ă  retourner l'opinion allemande contre les Français. Cependant, ce mouvement n'est ni unanime, ni immĂ©diat. En dĂ©cembre 1812, les troupes françaises en retraite se heurtent Ă  des soulèvements locaux en Prusse-Orientale et Brandebourg. Des rĂ©voltes contre la conscription Ă©clatent dès janvier 1813 Ă  DĂĽsseldorf, Ă  Hanau et dans le Grand-duchĂ© de Berg. Le , le roi de Prusse autorise la formation d'unitĂ©s de chasseurs volontaires venus de toute l'Allemagne. Ces groupes, comme le corps franc LĂĽtzow, ne rassemblent que 8 000 hommes au total mais leur impact psychologique est important. Dans le mĂŞme temps, la Prusse, toujours officiellement alliĂ©e de NapolĂ©on, prĂ©pare sa mobilisation gĂ©nĂ©rale. Le , un dĂ©cret abolit la plupart des exemptions Ă  la conscription et dĂ©choit de leurs droits civiques et professionnels ceux qui ont obtenu une dispense sans motif valable. L'armĂ©e de ligne et la Landwehr, qui comptaient 42 000 hommes en 1812, doivent passer Ă  80 000. Le 24 fĂ©vrier, une insurrection Ă©clate Ă  Hambourg, annexĂ©e par la France en 1811 et devenue le chef-lieu du dĂ©partement des Bouches-de-l'Elbe, et s'Ă©tend Ă  toute la cĂ´te, de la Weser Ă  LĂĽbeck : les autoritĂ©s françaises et le sĂ©nat de Hambourg doivent se replier Ă  BrĂŞme[3].

Basculement de l'Allemagne du Nord

Avance russe et déclaration de guerre de la Prusse

Entrée de l'armée russe à Königsberg, 5 janvier 1813

L'armée russe, profitant de l'attitude ambiguë de la Prusse, avance rapidement en Prusse-Orientale et sur la côte de la Baltique. Elle entre à Königsberg le . Dantzig est encerclée entre le 14 et le . Le vice-roi Eugène de Beauharnais doit ordonner l'évacuation du duché de Varsovie. L'arrière-garde franco-saxonne subit une défaite à la bataille de Kalisz le 13 février.

Alors que les Russes marchent vers Berlin, les Français et leurs alliés conservent une série de forteresses sur leurs arrières, en Pologne et en Prusse :

Proclamation du grand-duc Frédéric-François de Mecklembourg appelant ses sujets à se joindre à la lutte pour la libération de l'Allemagne, 25 mars 1813

Le tsar Alexandre Ier envoie en Ă©missaire un exilĂ© allemand, Heinrich Friedrich Karl vom Stein, qui rencontre le roi FrĂ©dĂ©ric-Guillaume III de Prusse le . Le , la Russie et la Prusse signent une convention secrète, le traitĂ© de Kalisz, qui prĂ©voit l'entrĂ©e en guerre de la Prusse aux cĂ´tĂ©s de la Russie. Le , l'armĂ©e russe de Wittgenstein entre Ă  Berlin, suivie le 17 mars par le corps prussien de Yorck qui obtient enfin l'approbation de son roi. Le , le chancelier prussien remet Ă  l'ambassadeur de France la dĂ©claration de guerre de la Prusse. Le roi de Prusse Ă©tend la mobilisation Ă  toutes les provinces de son royaume et prĂ©voit un effectif de 120 000 hommes. Une avant-garde russe commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral allemand Tettenborn avance le long de la mer Baltique et obtient, le 16 mars, le retournement du duchĂ© de Mecklembourg-Schwerin suivi, le 30 mars, par celui du duchĂ© de Mecklembourg-Strelitz. Le 18 mars, Tettenborn, avec un dĂ©tachement de cosaques, entre Ă  Hambourg qui lui ouvre ses portes. Il lève un corps de volontaires, la LĂ©gion hansĂ©atique, pour dĂ©fendre l'indĂ©pendance des ports allemands. Les petits duchĂ©s de Saxe-Anhalt rejoignent la coalition russo-prussienne au dĂ©but d'avril mais les autres princes de la ConfĂ©dĂ©ration du Rhin restent temporairement fidèles Ă  NapolĂ©on[6].

Succès prussiens au nord-est, contre-attaque française au nord-ouest

  • Bataille de Lunebourg, le 2 avril 1813
    Bataille de Lunebourg, le 2 avril 1813
  • Escorte de dĂ©serteurs pendant la campagne d'Allemagne de 1813, par Richard Knötel (1857-1914)
    Escorte de déserteurs pendant la campagne d'Allemagne de 1813, par Richard Knötel (1857-1914)

Le , les Prussiens occupent Dresde, obligeant le roi de Saxe FrĂ©dĂ©ric-Auguste Ă  s'enfuir et Ă  dĂ©clarer sa neutralitĂ©. Une partie des Dresdois fait bon accueil aux vainqueurs. Cependant, la fidĂ©litĂ© dynastique reste forte : un bataillon thuringien, capturĂ© le , fait savoir qu'il ne rejoindra les rangs prussiens que quand le roi de Saxe aura dĂ©clarĂ© la guerre Ă  NapolĂ©on. Le , le roi de Prusse dĂ©crète le Landsturm, la levĂ©e de tous les hommes valides de 15 Ă  60 ans qui ne sont pas dĂ©jĂ  enrĂ´lĂ©s dans l'armĂ©e, Ă©quivalent de la levĂ©e en masse de la France en 1793. Ces dĂ©tachements de paysans armĂ©s, encadrĂ©s par des notables locaux, sont peu efficaces au combat mais soulagent l'armĂ©e rĂ©gulière des tâches de protection des convois, garde des prisonniers et chasse aux dĂ©serteurs tout en gĂŞnant les communications des Français. Les troupes de ligne, en cours de formation, passent de 132 000 hommes en mars Ă  280 000 en aoĂ»t, soit un taux de mobilisation de 6 % de sa population, sans prĂ©cĂ©dent en Europe. Environ 28 % viennent de l'armĂ©e de 1812 et de la rĂ©serve, 59 % de la conscription et 10 % (28 000 hommes) sont des volontaires. Parmi ces derniers, 68 % viennent du territoire prussien dans ses frontières du traitĂ© de Tilsit, 19 % d'anciens territoires prussiens et 13 % du reste de l'Allemagne. Cependant, des rĂ©sistances Ă  la conscription se manifestent, surtout en SilĂ©sie et dans les rĂ©gions de population polonaise[7].

La rĂ©volte des villes hansĂ©atiques prive les Français d'importantes ressources : entre autres, elle annule l'achat de plusieurs milliers de chevaux de remonte nĂ©cessaires Ă  la reconstitution de la cavalerie[8]. Les forces françaises contre-attaquent pour reprendre les rĂ©gions de la mer du Nord. Le gĂ©nĂ©ral Carra-Saint-Cyr chasse un corps de dĂ©barquement anglais des Bouches-du-Weser mais subit une dĂ©faite sur l'Elbe le . Le gĂ©nĂ©ral Morand est tuĂ© le en reprenant Lunebourg. Le marĂ©chal Davout prend le commandement des opĂ©rations, reçoit le renfort de l'armĂ©e danoise et, malgrĂ© le harcèlement des corps francs, reprend les places autour de Hambourg : le , la petite place de Harbourg, au sud de l'Elbe, est prise par le 152e RI. Tettenborn, Ă  court d'hommes et de matĂ©riel, abandonne Hambourg qui est rĂ©occupĂ©e par les Français le . NapolĂ©on ordonne de la transformer en forteresse : plusieurs quartiers sont rasĂ©s et 25 000 habitants expulsĂ©s[9].

La campagne de Saxe de Napoléon

Les batailles de LĂĽtzen et de Bautzen

Campagne d'Allemagne, avril-mai 1813

NapolĂ©on a eu le temps de reconstituer ses forces. Par senatus-consulte du , il ordonne la levĂ©e de 350 000 hommes dont 150 000 de la classe 1814. Il en obtient encore 180 000 le 1er juin. Ă€ cette date, il peut compter sur les armĂ©es bavaroise, badoise, wurtembergeoise et hessoise : malgrĂ© de nombreuses dĂ©sertions, au dĂ©but de la campagne, plus de la moitiĂ© de l'Allemagne est encore du cĂ´tĂ© de NapolĂ©on[9].

Au printemps 1813, la jonction se fait entre la Grande Armée et celle amenée par Napoléon en Saxe. Cet événement marque, pour les Français, le début de la campagne d'Allemagne.

Au dĂ©but de la campagne, trois armĂ©es se partagent les combats du cĂ´tĂ© des coalisĂ©s. L’armĂ©e de Pologne de Bennigsen est en majoritĂ© russe mais a sous ses ordres le corps prussien qui assiège Dantzig. Une armĂ©e en majoritĂ© prussienne, sous le commandement du feld-marĂ©chal BlĂĽcher, se rassemble en Allemagne centrale. Enfin, l'armĂ©e du Nord, commandĂ©e par Bernadotte qui a dĂ©barquĂ© Ă  Karlskrona en mai, est composĂ©e de Prussiens, SuĂ©dois et Russes. Dès les premiers combats, NapolĂ©on dĂ©couvre le courage des jeunes conscrits au combat, mais Ă©galement que leur inexpĂ©rience les mène Ă  la mort car il perd 18 000 d'entre eux au cours de la première bataille. Les victoires de NapolĂ©on ne sont pas dĂ©cisives, car il manque de cavalerie lĂ©gère pour les exploiter. Cependant, il remporte la victoire de LĂĽtzen le et poursuit les AlliĂ©s qui retraitent, leur infligeant une nouvelle dĂ©faite Ă  Bautzen les 20 et . Celle-ci aurait dĂ» ĂŞtre un dĂ©sastre pour les Russo-Prussiens si le MarĂ©chal Ney n'avait pas fait une erreur de topographie. NapolĂ©on, sans cavalerie, poursuit tout de mĂŞme l'ennemi et semble sur le point de s'emparer de Berlin.

L'armistice de Pleiswitz

L'Autriche attend son heure. Après LĂĽtzen et Bautzen, elle propose sa mĂ©diation. Le , NapolĂ©on signe avec les CoalisĂ©s l'armistice de Pleiswitz pour une durĂ©e de quatre semaines : chaque camp a besoin de refaire ses forces. La diplomatie anglaise travaille en coulisse : le 14 juin, elle signe avec la Prusse le premier traitĂ© de Reichenbach qui promet Ă  la Prusse un subside de 666 666 livres sterling pour entretenir une armĂ©e de 80 000 hommes. Le lendemain, elle conclut un accord identique avec la Russie pour 1 333 334 livres et 160 000 hommes. Au congrès de Prague, Metternich propose Ă  NapolĂ©on une paix gĂ©nĂ©rale s'il abandonne les territoires Ă  l'est du Rhin, la Hollande, la Suisse, les Provinces illyriennes, l'Espagne et une grande partie de l'Italie. La trĂŞve est prolongĂ©e jusqu'au 10 aoĂ»t mais NapolĂ©on finit par refuser[10].

Pour certains historiens la trêve de Pleiswitz était une erreur ; pour d'autres historiens toutefois, Napoléon n'avait pas le choix[11] ; si les coalisés, affaiblis par les premiers combats, purent ainsi se renforcer, l'Empereur manquait désespérément d'une cavalerie absolument nécessaire pour reconnaître le terrain (reconnaissance essentielle à de rapides manœuvres des armées).

Défaites des maréchaux et bataille de Dresde

Mouvement des armées françaises (bleu) et coalisées (rouge) fin août 1813

Le , l'Autriche, encouragĂ©e depuis longtemps par l'Angleterre, dĂ©clare la guerre Ă  la France, mettant ainsi fin Ă  la trĂŞve. Quatre armĂ©es et de nombreux corps sĂ©parĂ©s participent Ă  cette fin de campagne dĂ©cisive. En effet, l'armĂ©e de Bohème, qui compte 200 000 Austro-Russes, sous le commandement de Barclay de Tolly et du feld-marĂ©chal Schwarzenberg porte un coup rude Ă  NapolĂ©on. Les coalisĂ©s choisissent ainsi une toute nouvelle stratĂ©gie : ils ne cherchent plus Ă  affronter NapolĂ©on, mais ses gĂ©nĂ©raux et marĂ©chaux qui ont montrĂ© leurs faiblesses en dĂ©but de campagne. Cette innovation porte rapidement ses fruits. Oudinot est battu Ă  la bataille de Gross Beeren, Macdonald Ă  Katzbach, Vandamme Ă  Kulm, Ney Ă  Dennewitz. Chaque victoire de NapolĂ©on est rapidement effacĂ©e par les revers successifs de ses seconds.

Alors que les alliés battent les maréchaux de Napoléon dans le nord et dans le sud de l'Allemagne, celui-ci réunit ses forces pour une bataille à Dresde, où le corps de Gouvion-Saint-Cyr résiste face aux forces autrichiennes de Schwarzenberg : celui-ci a décidé de reprendre la capitale de la Saxe. Durant les premiers combats, Schwarzenberg dispose d'une très grande supériorité numérique sur le corps de Gouvion-Saint-Cyr, chargé de défendre Dresde : le maréchal doit demander l'aide de Napoléon. Celui-ci, pour éviter la perte de la ville, doit modifier son plan initial qui était de prendre en tenaille l'armée de Bohême de Schwarzenberg entre ses propres forces celles de Gouvion-Saint-Cyr. Il remplace ce plan par un autre consistant à attirer Schwarzenberg au plus près des murs de Dresde, et à relancer ensuite une puissante contre-offensive. Pour réussir ce plan, il laisse Vandamme en arrière-garde et arrive à Dresde le 26 août, où il résiste avec le peu d'hommes dont il dispose.

Charge de la cavalerie française à Dresde, tableau de Thomas Charles Naudet, première moitié du XIXe siècle

Dans la nuit du 26 au les effectifs de NapolĂ©on atteignent les 100 000 hommes. Ă€ un contre deux, NapolĂ©on attaque le 27 aoĂ»t, tourne l’aile droite alliĂ©e, et remporte une Ă©blouissante victoire tactique. C'est un terrible Ă©chec pour les coalisĂ©s, mais NapolĂ©on, qui est malade, doit quitter prĂ©cipitamment le champ de bataille, et n'en profite pas. Son vieux rival Ă  l'Ă©poque du Directoire, Moreau, qui a ralliĂ© l'armĂ©e russe, est tuĂ© par un boulet français lors de cette bataille.

Les troupes alliées parviennent à fuir avant de se faire encercler, et peuvent rééquilibrer la balance de leur côté en remportant trois victoires successives après Dresde et en capturant le général Vandamme, qui s'était aventuré avec trop peu d'hommes. Dresde reste la dernière grande victoire de Napoléon.

La bataille des Nations

Le tsar de Russie Alexandre Ier, l'empereur d'Autriche François Ier et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III à la Bataille de Leipzig

NapolĂ©on dĂ©cide alors de se replier vers Leipzig, car c'est le seul endroit oĂą il peut encore tenir. Le 16 octobre il concentre 177 000 hommes dans Leipzig, alors que les coalisĂ©s commencent la bataille avec la plupart de leurs armĂ©es et une partie de leurs corps, qui comptent environ 300 000 hommes. Au bout d'une journĂ©e de combat, NapolĂ©on dĂ©plore plus de pertes que les coalisĂ©s mais rĂ©siste sur la plupart des fronts et retient les forces austro-prusso-russes, avec près de 20 000 morts ou blessĂ©s contre 18 000 morts ou blessĂ©s. Le , les coalisĂ©s reçoivent le renfort des armĂ©es de Pologne et du Nord, et alignent alors plus de 400 000 hommes. Les combats continuent et sont toujours aussi meurtriers de chaque cĂ´tĂ© jusqu'Ă  ce que les Saxons fassent dĂ©fection et tirent sur les soldats napolĂ©oniens alors que ceux-ci rĂ©sistaient vaillamment comme plusieurs rĂ©giments allemands. Ceci donna l’expression « ĂŞtre comme un Saxon » pour se comporter en traĂ®tre. Le 18 octobre, NapolĂ©on ordonne la retraite alors que ses pertes sont bien infĂ©rieures Ă  celles des alliĂ©s, et passe un pont sur l'Elster Blanche. Lorsque les troupes de l'empereur passent le pont, celui-ci saute, soit par une bombe soit par les tirs de canons ennemis. Cette destruction bloque 15 000 hommes sur l'autre rive, qui sont soit massacrĂ©s, soit faits prisonniers.

Cette dĂ©faite oblige NapolĂ©on Ă  abandonner la campagne d’Allemagne et Ă  se replier sur le Rhin avec les restes de la Grande ArmĂ©e, c’est-Ă -dire 100 000 hommes au moins, dont de nombreux blessĂ©s. Après cette dĂ©faite lourde de consĂ©quences, les coalisĂ©s ont Ă  prĂ©sent une supĂ©rioritĂ© numĂ©rique Ă©crasante avec une cavalerie nombreuse, un approvisionnement en munitions, une supĂ©rioritĂ© en artillerie (800 canons de plus que l'armĂ©e de NapolĂ©on), et enfin l'avantage logistique par un contrĂ´le complet de leurs lignes de ravitaillement.

Derniers combats en Allemagne

Repli de la Grande Armée sur le Rhin

Les soldats français décimés par le typhus à Mayence (automne 1813).
L'Europe centrale au début de 1813

Le repli vers le Rhin est difficile : l'armĂ©e de NapolĂ©on doit affronter Ă  la bataille de Hanau (30-) un corps austro-bavarois qui tente de lui barrer la route de Mayence. Le gros des forces coalisĂ©es ne suit que lentement et NapolĂ©on peut laisser 20 000 hommes pour dĂ©fendre les forteresses en Allemagne rhĂ©nane, revenant en France avec 70 000 hommes. Pour la population de Mayence, c'est une catastrophe car les soldats, Ă©puisĂ©s, sales et malades, amènent avec eux une Ă©pidĂ©mie de typhus. L'Ă©pidĂ©mie fait jusqu'au printemps 1814 environ 17 000 victimes parmi les soldats et 2 400 dans la population[12] (soit près de 10 % des habitants) dont le prĂ©fet AndrĂ© Jeanbon Saint AndrĂ©.

Repli de l'armée danoise

Le Danemark reste le dernier alliĂ© de NapolĂ©on en Europe centrale mais sa petite armĂ©e de 9 500 hommes ne peut que rester en surveillance pour dĂ©fendre sa frontière des duchĂ©s de Schleswig et Holstein. Sous le commandement de FrĂ©dĂ©ric de Hesse-Cassel, elle remporte la bataille de Bornhöved le et celle de Sehested le 10, sur un corps russo-prussien commandĂ© par Ludwig von Wallmoden ; mais le Danemark ne tarde pas Ă  se retirer du conflit par le traitĂ© de Kiel, signĂ© avec la Suède et le Royaume-Uni le .

Encerclement des garnisons françaises

Cependant, NapolĂ©on, dans sa retraite, doit abandonner plus de 100 000 hommes dans les forteresses de Pologne et d'Allemagne du nord-est, avec deux de ses meilleurs marĂ©chaux, Davout et Gouvion-Saint-Cyr : les ordres d'Ă©vacuation, envoyĂ©s trop tard (le ) aux garnisons de Saxe et de SilĂ©sie, n'ont pas pu ĂŞtre transmis[13]. La rĂ©partition de ces garnisons est la suivante :

À l’est et sur les rives de l’Oder :

L'église Saint-Pierre à Hambourg utilisée comme écurie. Gravure allemande, 1814.

Entre Elbe et Oder :

À l’ouest de l'Elbe :

Ces places sont encerclées et réduites l'une après l'autre.

Places encerclées avant la bataille de Leipzig

Dantzig, assiégée depuis le 12 janvier par les Russes et les Prussiens, défendue par le général Jean Rapp, doit se rendre le .

Modlin, assiégée à partir de février par le général russe Ivan Paskevitch, défendue par le général néerlandais Daendels, capitule le .

Zamość, tenue par le gĂ©nĂ©ral polonais Maurycy Hauke avec 3 000 hommes et 130 canons, est assiĂ©gĂ©e depuis le par le gĂ©nĂ©ral russe von Radt avec 7 000 hommes. Elle capitule le [15].

Stettin, défendue par le général Louis Joseph Grandeau, est bientôt à court de vivres et doit se rendre le .

Glogau, encerclée depuis le par les Russes et les Prussiens et défendue par le général Laplane, finit par capituler le .

Magdebourg, encerclée depuis le par les Prussiens et défendue par le général Le Marois, capitule le .

Brême est occupée le par Friedrich Karl von Tettenborn, général badois au service de la Russie.

Places encerclées après la bataille de Leipzig

Dresde, défendue par Gouvion Saint-Cyr, est assiégée à partir du par les Russes d'Ostermann-Tolstoï et les Autrichiens de Johann von Klenau et doit capituler le .

Le siège de Torgau, assiégée par les Prussiens de Tauentzien et défendue par le général de Narbonne, commence le et s'achève par la capitulation de la place le .

Le siège de Wittenberg, défendue par le général La Poype, s'achève le par l'assaut des Prussiens de Tauentzien.

Les coalisés, forts de leur victoire, décident de continuer la guerre en France jusqu'à ce que Napoléon soit détrôné. Le passage du Rhin, à partir de , marque le début de la campagne de France de 1814.

Le siège de Huningue, en Alsace, par les troupes bavaroises du général Zoller, commence le et se termine le .

Le siège de Mayence par les forces russes et prussiennes commence le . Malgré la disette, les Français tiennent la forteresse de Mayence pendant presque six mois jusqu'à la signature du traité de Paris : ils évacuent alors Mayence le . C'est la fin de 16 années de présence française ininterrompue en Rhénanie.

Hambourg est dĂ©fendue par la garnison la plus importante, plus de 40 000 hommes commandĂ©s par le marĂ©chal Davout. Ce n'est que le qu'il reçoit l'ordre de se replier vers la France et, Ă  ce moment, il est dĂ©jĂ  coupĂ© de la Hollande par des forces coalisĂ©es supĂ©rieures. Les Français repoussent plusieurs assauts des Russes de Bennigsen en janvier et fĂ©vrier 1814. Le siège de Hambourg se stabilise ensuite. Davout n'accepte de rendre la ville qu'en , après avoir reçu la confirmation de l'abdication de NapolĂ©on et la promesse que ses hommes ne seraient pas retenus prisonniers. Le 13e corps français prend le chemin de la France les 27, 29 et : c'Ă©tait la dernière garnison française en service en Allemagne.

Conséquences

"La tresseuse de couronnes". Une jeune fille tresse des couronnes de feuilles pour les volontaires des corps francs. Tableau de Georg Friedrich Kersting, 1815.

La campagne d'Allemagne est une étape majeure dans le démantèlement de l'Empire napoléonien. Elle marque la fin de la Confédération du Rhin, des départements français d'Allemagne et des États satellites comme le royaume de Westphalie. Cependant, il faut attendre l'issue du congrès de Vienne (du au ) pour décider du partage de ces territoires. La victoire des coalisés sur Napoléon, dans ce que les Allemands appellent le « Befreiungskrieg » (guerre de libération), a aussi contribué à la naissance du sentiment national allemand.

Littérature

Balzac décrit « cette fatale campagne » dans La Femme de trente ans : « Ce dimanche était le treizième de l'année 1813. Le surlendemain, Napoléon partait pour cette fatale campagne pendant laquelle il allait perdre successivement Bessières, Duroc, gagner les mémorables batailles de Lutzen, Bautzen, se voir trahi par l'Autriche, la Saxe, Bernadotte, et disputer la terrible bataille de Leipzig[16]. »

Le duo d'écrivains français Erckmann-Chatrian, dans leur roman Histoire d’un conscrit de 1813, publié en 1864, présente les souvenirs d'un jeune soldat de la Grande Armée pendant cette campagne[17].

Notes et références

  1. Cité in Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 474.
  2. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 473-478.
  3. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 479-485.
  4. Frédéric Guillaume de Vaudoncourt, Histoire de la guerre soutenue par les Français en Allemagne en 1813, t.1, Paris, 1819, p. 33.
  5. Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815, t.22, Paris, 1820, p. 21 .
  6. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 485-489.
  7. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 488-504.
  8. Camille Rousset, La Grande Armée de 1813, Didier et Cie, Paris, 1871, p. 96.
  9. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 489-490.
  10. Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 492-494.
  11. Revue Champs de bataille thématique no 19 p. 27.
  12. D'après Franz Dumont, « Mayence - un boulevard de la France », sur festung-mainz.de, .
  13. Adolphe Thiers, Histoire du consulat et de l'empire, 1857, p. 270.
  14. Adolphe Thiers, Histoire du consulat et de l'empire, 1857, p. 656-657.
  15. Alain Pigeard, Dictionnaire des batailles de Napoléon, Tallandier, 2004, p. 962.
  16. La Femme de trente ans. Bibliothèque de la Pléiade, 1996, p. 1047 (ISBN 2070114511).
  17. Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, Paris, 1864 .

Annexes

Bibliographie

  • Carl von Clausewitz, La campagne de 1813, consultable ici :
  • Charles MulliĂ©, Biographie des cĂ©lĂ©britĂ©s militaires des armĂ©es de terre et de mer de 1789 Ă  1850,
  • Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, Paris, 1857.
  • GĂ©nĂ©ral Louis-Victor-LĂ©on de Rochechouart, Souvenirs sur la RĂ©volution et l'Empire (Plon, 1898)
  • LĂĽke, Martina. “Anti-Napoleonic Wars of Liberation (1813-1815).” The International Encyclopedia of Revolution and Protest: 1500-present. Ed. Immanuel Ness. Malden, MA: Wiley-Blackwell, 2009. 188-190.
  • Jean-Pierre Patat, 1813, seul contre tous, Paris, Bernard Giovanangeli, , 222 p. (ISBN 978-2-758-70058-6)
  • Jean Tulard (dir.), L'Europe de NapolĂ©on, Horvath, 1989.
  • FrĂ©dĂ©ric Guillaume de Vaudoncourt, Histoire de la guerre soutenue par les Français en Allemagne en 1813, t.1, Paris, 1819
  • Relation circonstanciĂ©e de la campagne de 1813 en Saxe par Ernst Otto lnnocenz von Odeleben, officier d'Ă©tat-major de NapolĂ©on, trad. française Aubert de Vitry, 1817, sur Gallica

Liens externes

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