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Octave Denis Victor Guillonnet

Octave Denis Victor Guillonnet[note 1] est un peintre français né le à Paris et mort le à Montgeron (Essonne).

Octave Denis Victor Guillonnet
Guillonnet en 1892, photographie anonyme et non sourcée.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  95 ans)
Montgeron
Nationalité
Domicile
Boulevard de Clichy (Ă  partir de )
Formation
Activité

Peintre du sport et peintre orientaliste, grand décorateur des palais nationaux et ensemblier, il est également portraitiste et illustrateur.

Biographie

Octave Denis Victor Guillonnet à l'Exposition internationale de blanc et noir de 1886, photographie anonyme et non sourcée.

Octave Denis Victor Guillonnet, issu d'une famille modeste d'ouvriers du cuir sur plusieurs générations, est né au 14, rue des Guillemites dans le 4e arrondissement de Paris, le , puis baptisé le à l'église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux. De santé fragile, il passe dans son enfance plusieurs longues convalescences chez ses grands-parents maternels à Jargeau (Loiret)[2].

Formation artistique

Guillonnet est admis à exposer un dessin intitulé Louis XI en priÚre lors de la deuxiÚme Exposition internationale de blanc et noir, en 1886, qui regroupe plusieurs des plus grands illustrateurs de l'époque. C'est à cette occasion qu'il entre en qualité d'apprenti à l'atelier du peintre Lionel Royer. DÚs 1887, il expose ses travaux les plus récents, comme il le fera par la suite chaque année jusqu'à sa mort, au Salon des artistes français. Il y obtient dÚs 1890 une mention honorable, en 1892 une mention de troisiÚme classe et en 1894 une mention de deuxiÚme classe. Mis hors-concours à partir de 1896, il se voit attribuer néanmoins, en 1902, une bourse nationale des voyageurs qui lui permet de séjourner pendant un an en Algérie en voyage d'étude. Pour l'Exposition universelle de 1900 à Paris, Guillonnet exécute une décoration monumentale représentant L'Asie, L'Afrique et L'Amérique, pour le pavillon du ministÚre des colonies et y obtient une médaille d'argent.

Outre Lionel Royer, Guillonnet a comme autres professeurs Joseph Blanc et Fernand Cormon Ă  l'École des beaux-arts de Paris. Le , il est admis 10e en loge pour le concours du prix de Rome, puis terminera 3e l'annĂ©e suivante, ce qui lui permet de bĂ©nĂ©ficier d'un petit atelier personnel alors que tant d'autres, pour travailler, se partagent les amphithĂ©Ăątres, lorsque ceux-ci sont libres, et Ă  dĂ©faut les couloirs de l'École. Il termine ses Ă©tudes en obtenant le prix du concours Jauvin d'Attainville, en section Histoire, le . Fort de ces rĂ©sultats il est automatiquement exemptĂ© de son service militaire le d'aprĂšs l’article 23 de la loi du .

Ses maĂźtres

Guillonnet entretient des relations privilĂ©giĂ©es avec ses professeurs de l’École nationale des beaux-arts. Lors de son mariage avec EugĂ©nie Guyon le , il prend pour tĂ©moins Lionel Royer et Joseph Blanc, ses maĂźtres.

Lionel Royer

Lionel Royer a une influence dĂ©terminante sur l’avenir de Guillonnet. En le prenant Ă  l’ñge de 13 ans dans son atelier, il exige de celui-ci qu’il fasse en parallĂšle de solides humanitĂ©s. Il semble Ă©vident que Guillonnet a suivi les conseils de son maĂźtre et qu’il sera un fin lettrĂ©. À 15 ans, lorsqu’il expose pour la premiĂšre fois au Salon des artistes français, il y prĂ©sente deux dessins. Le premier intitulĂ© Bonsoir, Grand'maman, bonsoir ! tĂ©moigne de son jeune Ăąge, mais le second intitulĂ© Les cinq doigts de Birouk, inspirĂ© d’une piĂšce Ă©crite par Louis Ulbach, tĂ©moigne de la culture qu’il acquiert.

Sur les conseils de Lionel Royer, Guillonnet participe au concours pour les vitraux de la cathĂ©drale Sainte-Croix d'OrlĂ©ans en 1892, sur le thĂšme de l’épopĂ©e de Jeanne d'Arc. Pour l'occasion, il s’associe au maĂźtre-verrier Boyer. Pour rĂ©aliser le carton en taille rĂ©elle (6 Ă— 3,50 m), Guillonnet bĂ©nĂ©ficie, Ă  titre exceptionnel, d’un amphithĂ©Ăątre de l’École des beaux-arts. Il n'est finalement pas retenu. Parmi le jury de sĂ©lection, malgrĂ© la bonne apprĂ©ciation qu’Émile Didron, auteur des vitraux de l'Ă©glise Saint-SĂ©verin de Paris, porte au travail de Guillonnet, Émile de Lalande expĂ©die celui-ci en deux mots « des promesses »[3].

Les cartons de ce concours sont, pour la plupart, donnĂ©s par Guillonnet en 1923 Ă  son ami ClĂ©mentel, maire de Riom, qui souhaitait ouvrir une salle (celle dite des « Abeilles ») Ă  la mĂ©moire de Jeanne d’Arc et y mettre en valeur la lettre datĂ©e du que Jeanne d'Arc avait fait adresser Ă  cette ville pour demander des subsides. Ces cartons correspondent aux scĂšnes suivantes : Jeanne entend les voix du ciel Ă  DomrĂ©my ; Jeanne part auprĂšs du roi Ă  Vaucouleurs ; Jeanne est prĂ©sentĂ©e Ă  la cour Ă  Chinon ; Jeanne fait son entrĂ©e Ă  OrlĂ©ans ; Jeanne Ă  l’assaut de la forteresse des Tourelles Ă  OrlĂ©ans ; Jeanne est faite prisonniĂšre Ă  CompiĂšgne ; Jeanne prisonniĂšre entend ses voix Ă  Rouen ; Jeanne sur le bĂ»cher Ă  Rouen. Ces cartons sont aujourd’hui conservĂ©s Ă  Riom au musĂ©e Mandet[note 2].

Enfin, le musĂ©e Mandet conserve un panneau dĂ©coratif[4] reprĂ©sentant Jeanne d’Arc les bras en croix enveloppĂ©e des flammes du bucher que Clementel avait utilisĂ© pour habiller la cheminĂ©e de la salle des Abeilles de l'hĂŽtel de ville de Riom. Ce panneau dĂ©coratif est Ă  mettre en relation avec l'illustration de Guillonnet pour la couverture de l’ouvrage de Funck-Bruntano sur Jeanne d’Arc[5].

Joseph Blanc

En 1898, Joseph Blanc associe Guillonnet Ă  la commande des champagnes Mumm pour la rĂ©alisation des mosaĂŻques devant orner la façade de leur cellier en construction Ă  Reims en bordure de l’hĂŽtel de ville. La frise dĂ©corative rĂ©alisĂ©e reprĂ©sente, en grandeur naturelle, les diffĂ©rentes phases du travail du vin de Champagne. Parmi les cinq panneaux, les deux extrĂȘmes reprĂ©sentent les travaux exĂ©cutĂ©s Ă  la lumiĂšre du jour : La Vendange et L'ExpĂ©dition, et les trois intermĂ©diaires reprĂ©sentent les manutentions exĂ©cutĂ©es en cave. La mosaĂŻque rĂ©alisĂ©e en cubes d'Ă©mail de cm reproduit les dĂ©tails jusqu'Ă  la ressemblance des ouvriers de la maison qui ont posĂ© pour les diffĂ©rentes scĂšnes reproduites[6]. Cette façade est classĂ©e et correspond aujourd’hui au cellier des champagnes Jacquart Ă  qui il a Ă©tĂ© cĂ©dĂ© par les champagnes Mumm[7].

Fernand Cormon

En 1897, Fernand Cormon permet Ă  Guillonnet d’obtenir sa premiĂšre commande d’État. Le , Cormon Ă©crit Ă  Henry Roujon, directeur des Beaux-Arts : « DuprĂ© me demande le nom de mon petit Guillonnet. Ceci me prouve que vous ne l’oubliez pas. Je vous en prie, mon cher ami, tĂąchez de lui donner quelque chose d’assez important pour qu’il puisse y affirmer ses grandes qualitĂ©s. Ce gamin-lĂ  (Guillonnet va sur ses 25 ans) a de la puissance et je crois bien que c’est le seul en ce moment. » et Ă  DuprĂ© : « C’est un garçon du plus grand avenir. » La commande que Guillonnet obtient grĂące Ă  cette intervention concerne Une partie de foot - Tenu (lire rugby), toile monumentale (environ 4 Ă— 14 m) destinĂ©e Ă  la dĂ©coration du parloir du lycĂ©e Lakanal Ă  Sceaux, en hommage Ă  Frantz Reichel, introducteur du rugby oĂč celui-ci fut Ă©lĂšve de 1885 Ă  1889. Guillonnet y prĂ©sente des « FĂ©libres » assistant Ă  la premiĂšre partie de rugby dans le parc du lycĂ©e[note 3]. Sceaux est alors considĂ©rĂ© comme la « capitale » des fĂ©libres parisiens. Guillonnet envoie sa toile au Salon des artistes français le , le lendemain de son mariage. Cette toile gigantesque pose aux organisateurs du Salon des problĂšmes de prĂ©sentation. Elle est installĂ©e en hauteur au-dessus d’Ɠuvres mineures d’autres artistes. Elle est toujours en place au lycĂ©e Lakanal.

Pour l’Exposition universelle de 1900, Fernand Cormon obtient la commande du ministĂšre des Colonies pour la dĂ©coration de leur palais Ă©phĂ©mĂšre. Cormon obtient alors pour Guillonnet la commande de la dĂ©coration du plafond, qui lui vaudra une mĂ©daille d’argent.

En 1895, les Ă©lĂšves de Fernand Cormon sont associĂ©s dans une amicale pour organiser chaque annĂ©e, en un lieu diffĂ©rent, une exposition de leurs derniĂšres productions. Les chefs de file en sont, Ă  l’origine, Guillonnet et Granchy-Taylor. En 1898, par exemple, Guillonnet y expose son envoi pour le Salon de 1897 À sa toilette et l’accompagne de Surprise de Meaux qui rend hommage Ă  l’art consommĂ© de son maĂźtre Ă  grouper et faire mouvoir les masses.

Au salon de 1906, Guillonnet présente le portrait qu'il a effectué de son maßtre Fernand Cormon[note 4].

Lorsque le , Fernand Cormon est promu au grade de commandeur de la lĂ©gion d'honneur, Guillonnet est choisi pour illustrer le carton du banquet et du concert organisĂ©s pour cette occasion au palais d'Orsay sous la prĂ©sidence de LĂ©on Bonnat, membre de l’Institut et directeur de l’École nationale supĂ©rieure des beaux-arts. Il y reprĂ©sente son maĂźtre tel un personnage de son Ɠuvre majeure : La Fuite de CaĂŻn.

Cette communion entre le maĂźtre et l’élĂšve ne va pas durer. Avant la PremiĂšre Guerre mondiale, Guillonnet commence Ă  ĂȘtre reprĂ©sentĂ© par le galeriste Georges Petit. Pendant la guerre, Guillonnet se rĂ©fugie dans le Midi de la France alors que Cormon restĂ© Ă  Paris, subit les bombardements et apprend de mois en mois la mort sur le champ de bataille de ses Ă©lĂšves. Guillonnet se consacre alors Ă  son Ɠuvre au bord de la MĂ©diterranĂ©e, peignant les mille facettes des corps fĂ©minins drapĂ©s de voiles colorĂ©s oĂč jouent le vent et la lumiĂšre. Dans le journal de Cormon, que conserve la Fondation Taylor, on peut constater le divorce qui s’opĂšre entre le maĂźtre et l’élĂšve :

: « j’avais cru un moment en l’avenir de Guillonnet. (TrĂšs probablement il serait devenu un autre Chenavard s’il avait vĂ©cu). Le caractĂšre Ă©tait nul, il aura gĂąchĂ© ses remarquables dons naturels. Et le voilĂ  en plein commerce, en pleine maniĂšre, dĂ©jĂ  vieux. (Il aurait pu ĂȘtre un grand artiste. Il n’est plus qu’un objet de rapport). Il peut dire avec Federico Zucchero : l’important, en art, c’est de se faire une maniĂšre et une fois qu’on la possĂšde faire vite et beaucoup. On gagne alors rapidement rĂ©putation et fortune. »

: « Pour nos artistes, je crois qu’ils deviendront de plus en plus de malins commerçants. Je connais dĂ©jĂ  plusieurs de nos jeunes qui grĂące Ă  cet idĂ©al pratique ont perdu de leurs talents. Guillonnet et Zingg entr’autres. Je n’ai pas grande confiance dans la gĂ©nĂ©ration nouvelle. Le goĂ»t public est bien malade or pour gagner de l’argent il faudra lui plaire. Je plains les artistes sincĂšres, si ces phĂ©nomĂšnes existent encore. »

Son mariage

Immeuble dans lequel Guillonnet s'installe en 1895 au 58-60, boulevard de Clichy Ă  Paris.

Octave Denis Victor Guillonnet est issu d’une famille modeste, il s’intĂšgre nĂ©anmoins rapidement Ă  la haute sociĂ©tĂ©. En 1892, il participe au concours pour les vitraux de la cathĂ©drale d’OrlĂ©ans. Il place alors en avant ses racines locales avec la commune de Jargeau. DĂšs lors, il est remarquĂ© par les Ă©diles locaux et notamment par le docteur Albert Viger, dĂ©putĂ© du Loiret et Ă©galement natif de Jargeau, qui l’introduit auprĂšs de ses collĂšgues parlementaires.

À sa sortie de l’École des beaux-arts, Guillonnet produit des illustrations que lui commandent les Ă©diteurs mais surtout des portraits qu’il rĂ©alise et qui l’introduisent ainsi dans la grande bourgeoisie.

Avec sa premiĂšre commande d’État, le monde sportif et culturel (un fĂ©librige bien Ă©largi Ă  des Ă©crivains comme Rostand ou BarrĂšs) s’ouvrent Ă  lui.

EugĂ©nie Guyon, future Ă©pouse de Guillonnet, est issue de cette haute bourgeoisie devenue parisienne. Elle est nĂ©e le . En 1899, elle se dit artiste peintre parce qu’elle apprend la peinture Ă  dĂ©faut d’avoir Ă  gagner sa vie. Son pĂšre est piqueur des ponts et chaussĂ©es[note 5] Ă  Paris en pleine restructuration haussmannienne. On trouve dans sa gĂ©nĂ©alogie, ses oncles et tantes, les Fanty-Lescure (Emma et Émile), artistes peintres, et Ă  un degrĂ© plus lointain Hyppolyte Piron (1825-1880), homme de lettres et spĂ©cialiste de Cuba, oĂč il est nĂ©.

Lors du mariage de Guillonnet avec EugĂ©nie Guyon, si le premier prend comme tĂ©moins ses maĂźtres, EugĂ©nie prend pour tĂ©moins un « propriĂ©taire » et un « sans profession », reprĂ©sentatifs du milieu dans lequel elle Ă©volue oĂč l’aisance n’oblige pas Ă  travailler.

Au moment de ce mariage Guillonnet, lui-mĂȘme, n’est plus dans le besoin. Ses toiles se vendent bien. Son atelier installĂ© Ă  Paris au 108, rue Saint-Martin Ă  la sortie de ses Ă©tudes est transfĂ©rĂ© au 41, rue Saint-AndrĂ©-des-Arts au dĂ©but des annĂ©es 1890, et en 1895 Guillonnet s’installe dĂ©finitivement dans un bel immeuble dit « la villa des Platanes »[8] dont la construction vient de s’achever au 60, boulevard de Clichy, au pied de la butte Montmartre.

Eugénie Guyon est pour Guillonnet, tout à la fois sa secrétaire, sa comptable, son attachée en relation publique.

AprĂšs son mariage, Guillonnet bĂ©nĂ©ficie de deux rĂ©sidences secondaires, l'une d'Ă©tĂ© Ă  Carros, prĂȘtĂ©e gracieusement et Ă  vie par la famille Clergue-Judlin, au nord de Nice sur la CĂŽte d'Azur, et Ă  partir de 1920 Ă  Garches prĂšs de Paris.

EugĂ©nie Guyon meurt en 1931. MalgrĂ© un remariage tardif en 1953, c’est auprĂšs de sa premiĂšre Ă©pouse que Guillonnet se fait enterrer dans le cimetiĂšre de Carros. Sur sa tombe on peut lire cette Ă©pitaphe : « Étions deux, N’avions qu’un cƓur. »

Guillonnet n'a jamais apprécié ses prénoms. En début de carriÚre, il signe « Octave Guillonnet ». Pendant un temps il signe également « Victor Guillonnet », mais abandonne trÚs vite cette signature pour associer ses initiales à son patronyme : « ODV Guillonnet ». Il se fait appeler « Gui » dans l'intimité. C'est la raison pour laquelle il signait pour ses amis (ou parfois sur les petits formats par manque de place) « ODV GUI ».

Le « E » que l'on trouve dans sa signature Ă  partir de 1931 correspond Ă  celui d'EugĂ©nie, le prĂ©nom de sa femme. C'est aprĂšs la mort de celle-ci que Guillonnet ajoute le « E » Ă  ses prĂ©noms en mĂ©moire de son Ă©pouse. On trouve certaines toiles de Guillonnet, antĂ©rieures Ă  1931, signĂ©es des initiales « EODV », mais le « E » y a Ă©tĂ© rajoutĂ© Ă  l'occasion d’un retour de celles-ci dans son atelier pour restauration. Il demandait alors au propriĂ©taire de l'Ɠuvre l'autorisation d'y ajouter le « E » Ă  sa signature.

Séjour en Algérie

Guillonnet, en compagnie de son épouse, lors de son voyage d'études en Algérie en 1902., photographie anonyme et non sourcée.

En 1902, Guillonnet expose La Horde, l’invasion des Huns et BĂ©nĂ©diction des enfants en Sologne au Salon des artistes français. Le tableau reprĂ©sentant la horde est dominĂ© par le tragique impĂ©rieux que lui a transmis son maĂźtre Cormon. Bien que hors-concours et ayant dĂ©passĂ© l'Ăąge de 30 ans, le jury du Salon lui octroie le prix national dotĂ© d'une bourse de voyage d'un montant de 4 000 francs qui va lui permettre de sĂ©journer pendant un an en AlgĂ©rie[note 6]. Guillonnet dĂ©barque Ă  Alger Ă  l’étĂ© 1902, puis se dirige vers Theniet El Had, sous-prĂ©fecture du dĂ©partement d'OrlĂ©ansville, oĂč se trouve un bureau de perceptions qui lui permet de toucher ses annuitĂ©s.

Les habitants europĂ©ens de Theniet El Had - environ 600 - sont majoritairement des fonctionnaires, des entrepreneurs et des forestiers (imposante forĂȘt de cĂšdres sur la chaĂźne de l'Ouarsenis).

Guillonnet va s’attacher Ă  capter et Ă  reprĂ©senter les grands moments et les rites des populations musulmanes. Il rapporte, de ce voyage, une quantitĂ© d’études, parmi lesquelles La Danse du feu, secte des AĂŻssaouas (AlgĂ©rie), Le PrĂ©sage, mariage maure[note 7] qu’il prĂ©sentera au Salon de 1904, ou Vendredi, dans le cimetiĂšre arabe.

En 1903, il est encore en AlgĂ©rie et projette de rejoindre le Maroc par le Rif. PrĂ©venu des risques encourus pour cette expĂ©dition, il poursuit alors son voyage par l’Espagne.

Cette annĂ©e en AlgĂ©rie s'est avĂ©rĂ©e ĂȘtre un tournant dĂ©cisif dans la carriĂšre de Guillonnet. Il est profondĂ©ment influencĂ© par la lumiĂšre et les couleurs lumineuses de l’Afrique du Nord. Guillonnet y dĂ©veloppe son intĂ©rĂȘt pour la peinture en « demi-ombres » et Ă©pouse les thĂ©ories des peintres post-impressionnistes sur les contrastes colorĂ©s.

Les commandes d'État

Abel Combarieu, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la PrĂ©sidence[9], Ă©crit : « Le prĂ©sident m’a autorisĂ©, [
] Ă  demander Ă  des peintres en renom des dessins coloriĂ©s pour orner les menus des dĂźners de gala. C’est une innovation qui fera apprĂ©cier par les Ă©trangers la richesse et la dĂ©licatesse de l’art français, et dont sont Ă©galement heureux les artistes et les convives. C’est ainsi que les hĂŽtes de l'ÉlysĂ©e conserveront des dessins de J.P. Laurens, de son fils Paul-Albert, de O.D.V. Guillonnet, de Gorguet, de Devambez, de Karbowsky, Patricot, etc. »

Le musĂ©e du PrĂ©sident-Jacques-Chirac, Ă  Sarran, prĂ©senta du au une exposition intitulĂ©e « La Table Ă  l'ÉlysĂ©e, rĂ©ceptions officielles des prĂ©sidents depuis la IIIe RĂ©publique »[10]. Guillonnet y trouve une place majeure avec les reproductions des menus suivants : menu du dĂźner offert Ă  l’occasion des fĂȘtes franco-italiennes, Ă  Toulon, le ; menu du dĂ©jeuner de Betheny offert en l'honneur du tsar Nicolas II le ; menu offert au roi FrĂ©dĂ©ric VIII et Ă  la reine Louise de Danemark Ă  l'ÉlysĂ©e, le ; menu du dĂźner offert aux souverains bulgares Ă  l’ÉlysĂ©e, le ; menu du dĂźner offert au roi Pierre 1er de Serbie Ă  l’ÉlysĂ©e, le ; menu du dĂźner offert au roi Ferdinand 1er de Roumanie Ă  l’ÉlysĂ©e, le .

GrĂące au prĂ©sident Émile Loubet, Guillonnet obtient son premier achat d'État lors du Salon des artistes français de 1901. Il y prĂ©sente, entre autres, Los Seisses - ScĂšne de la fĂȘte Dieu Ă  SĂ©ville[11]. C'est toujours sur demande prĂ©sidentielle que ce tableau, achetĂ© 2 300 francs, est mis en dĂ©pĂŽt au musĂ©e de la ville de MontĂ©limar[note 8]. Ce tableau devait participer Ă  l'automne de la mĂȘme annĂ©e Ă  la 8e Exposition internationale d'art de Munich[12]. Son achat par l’État aurait dĂ» empĂȘcher le transfert de la toile Ă  Munich. Une dĂ©rogation est sollicitĂ©e auprĂšs du ministĂšre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Celle-ci n'est pas accordĂ©e, mais l’arrĂȘtĂ© de refus adressĂ© Ă  AndrĂ© Saglio, dit Jacques DrĂ©sa, commissaire des expositions, ne peut ĂȘtre appliquĂ© celui-ci Ă©tant parti en vacances. C’est ainsi qu’une toile, propriĂ©tĂ© de l’État français, est prĂ©sente Ă  Munich, sans autorisation lĂ©gale, Ă  la 8e Exposition internationale d'art.

À l’occasion de la fĂȘte fĂ©dĂ©rale de gymnastique des 7 et Ă  Nice, les gymnastes français dĂ©cident de rendre un hommage national et solennel au tombeau du politicien français LĂ©on Gambetta. L’État français passe commande Ă  Guillonnet le , pour 12 000francs|, afin que cet Ă©vĂšnement soit immortalisĂ© par la peinture. La toile est destinĂ©e Ă  l’AssemblĂ©e nationale. EugĂšne Morand a la charge d’apprĂ©cier et d’accepter la toile de Guillonnet et rend compte ainsi Ă  son ministre de tutelle : « l’artiste a fait sur place, Ă  Nice, les Ă©tudes nĂ©cessaires Ă  l’exĂ©cution dĂ©finitive, Ă©tudes du dessin le plus prĂ©cis en ce qui concerne la reproduction des traits des nombreux personnages officiels qui figuraient Ă  cette cĂ©rĂ©monie. » (rapport intermĂ©diaire du ). « L’ouvrage, d’une conception exempte de la banalitĂ© trop souvent inhĂ©rente aux compositions de cet ordre d’idĂ©e, rĂ©vĂšle en outre chez l’artiste des qualitĂ©s de colorations qu’il n’avait pas jusqu’ici montrĂ©s aussi franchement. L’exĂ©cution de cette commande ne laisse rien Ă  dĂ©sirer. » (rapport final du ). Le tableau est prĂ©sentĂ© au Salon des artistes français de 1905.

La PremiĂšre Guerre mondiale

Lors de la Grande Guerre, Guillonnet va mettre son art d’illustrateur au service des mouvements qui tenteront d’inflĂ©chir la position des pays neutres.

La Croisade des Femmes françaises

C’est ainsi qu’en rĂ©action au CongrĂšs international pacifiste des femmes, tenu Ă  La Haye du au , se crĂ©e en France un mouvement qui s’intitule « La croisade des Femmes françaises »[13] - [14] et qui se propose « d’éveiller une sorte de rayonnement de nos compatriotes les unes sur les autres et au-delĂ  de nos frontiĂšres sur les (pays) neutres »[15]. Pour faciliter ce rayonnement, la correspondance entre femmes de tous pays est prĂ©conisĂ©e et une carte postale est Ă©ditĂ©e. C’est Guillonnet qui est choisi pour son illustration. Mme Alphonse Daudet justifie ainsi la publication Ă  grand tirage de cette carte postale : « VoilĂ  notre programme bien tracĂ© : alliances, correspondances avec les pays neutres, appels Ă  la fraternitĂ© fĂ©minine », et de poursuivre : « En mĂȘme temps que nos cartes postales si artistiquement illustrĂ©es par M. Guillonnet, en mĂȘme temps que nos timbres de la Croisade qu’elles reproduisent en diminutif, il faut que nous propagions les idĂ©es utiles, gĂ©nĂ©reuses et vengeresses qui sont notre arme et notre dĂ©fense »[16].

Le peintre du sport

La partie de rugby

En 1899, Guillonnet expose Une partie de rugby au Salon des artistes français, toile monumentale (4 Ă— 14 m) commandĂ©e en 1897 sur des fonds d’État par l'association des anciens Ă©lĂšves du lycĂ©e Lakanal de Sceaux en hommage Ă  Frantz Reichel, ancien Ă©lĂšve du lycĂ©e de 1885 Ă  1889 et introducteur en France du rugby Ă  XV.

Cette commande est fondamentale dans la carriĂšre de Guillonnet. À cette occasion, il fait la connaissance de plusieurs sportifs comme de nombreux fĂ©libres, dont il devient ami.

C’est ainsi qu’il noue une relation d'amitiĂ© avec Pierre-Emmanuel Clergue, avocat et futur maire de la ville de Carros (Alpes-Maritimes). Celui-ci l’invite en 1899 Ă  venir sĂ©journer Ă  Carros et met Ă  sa disposition un corps de bĂątiment, dit « La Forge » ; il en disposera jusqu’à la fin de sa vie en 1967.

La jeunesse de France au tombeau de Gambetta - Nice 1901

Guillonnet est prĂ©sent Ă  Nice les 7 et lors de la fĂȘte fĂ©dĂ©rale de l'Union des sociĂ©tĂ©s de gymnastique de France (USGF) qui voit les gymnastes français rendre un hommage national et solennel au tombeau de Gambetta. Charles Cazalet, prĂ©sident de l’USGF, pense Ă  lui pour immortaliser, par la peinture, cette cĂ©rĂ©monie oĂč 3 000 gymnastes dĂ©filent, jetant des fleurs devant le tombeau[note 9] Ce tableau est prĂ©sentĂ© par Guillonnet au Salon des artistes français de 1905. Il est diffusĂ© sous l'initiative de Charles Cazalet qui obtient que l’Ɠuvre soit gravĂ©e Ă  l’eau-forte. L’objectif est affichĂ© dans son courrier du qu’il adresse Ă  Étienne Dujardin-Beaumetz, sous-secrĂ©taire d’État au ministĂšre des Beaux-Arts : « des gravures de propagande qui serviraient, je le crois, admirablement la cause patriotique Ă  laquelle nous sommes attachĂ©s ; le souvenir de cette grande manifestation, les idĂ©es qu’elle Ă©voque, la mĂ©moire de Gambetta et la dĂ©fense nationale sont autant de forces de rayonnement pour accroĂźtre encore les sentiments patriotiques et rĂ©publicains de toute notre jeunesse ».

La commande pour cette reproduction par la gravure Ă  l’eau-forte est confiĂ©e Ă  Xavier Lesueur le . DĂšs lors, nombreuse sont les manifestations sportives, Ă  travers toute la France, qui demandent Ă  pouvoir bĂ©nĂ©ficier de tirages pour rĂ©compenser les vainqueurs de leurs Ă©preuves. On trouve ainsi aux Archives nationales l’attribution d’un de ces tirages Ă  l’école de garçons d’Auvers-sur-Oise (Seine-et-Oise) le .

Pour le 42e congrĂšs fĂ©dĂ©ral de l’union des sociĂ©tĂ©s de gymnastique qui se tient en 1920 Ă  Nice, le quotidien parisien Le Petit Journal reprend en une le tableau de Guillonnet rĂ©alisĂ© 15 ans auparavant.

Membre de la Société des peintres et sculpteurs de sport

Les liens Ă©troits unissant Guillonnet et Pierre-Emmanuel Clergue permet Ă  la fille de ce dernier, Noune, de s'installer Ă  Paris en 1908 et d’ĂȘtre accueilli et hĂ©bergĂ© par Guillonnet. C’est chez lui que Noune fait la connaissance de Robert Judlin, jeune champion de canoĂ«, qu’elle Ă©pousera quelques annĂ©es plus tard. Ce mariage renforce encore les liens unissant Guillonnet Ă  la famille Clergue-Judlin.

En , Robert Guillou, champion d’escrime, crĂ©e la SociĂ©tĂ© des peintres et sculpteurs de sport, dont le but est « d’avoir une action constante pour la propagation, la conservation et le perfectionnement de l’art sportif et de parer Ă  l’insuffisance des individualitĂ©s en s’appuyant sur des axes conjuguĂ©s pour guider les efforts. » Cette sociĂ©tĂ© se propose de faciliter Ă  ses sociĂ©taires leur inspiration en leur procurant l’accĂšs Ă  la plupart des rĂ©unions sportives sur prĂ©sentation de leur carte de sociĂ©taire. DĂšs sa crĂ©ation, Guillonnet en est membre effectif et trĂšs actif.

En 1925, il réalise La Partie de tennis, tableau acquis par le musée des Beaux-Arts de Dijon.

Sur le mĂȘme thĂšme, Guillonnet prĂ©sente son carton pour la rĂ©alisation d’un vitrail intitulĂ© Tennis Ă  Wimbledon au Salon des artistes français de 1934.

Vase de SĂšvres pour les jeux olympiques de 1924 Ă  Paris

En 1924, Guillonnet commence une collaboration avec la Manufacture nationale de SĂšvres. Il rĂ©alise les cartons pour un vase intitulĂ© FĂȘtes galantes, inspirĂ© de son tableau FĂȘtes nocturnes. Fort du succĂšs de ce vase, il est retenu pour rĂ©aliser les cartons du vase commĂ©moratif de Jeux olympiques d'Ă©tĂ© de 1924 Ă  Paris.

Un vase unique d’une hauteur de 1,10 m est rĂ©alisĂ© pour ĂȘtre offert au comitĂ© international olympique ainsi qu'une sĂ©rie de quatre vases diffĂ©rents destinĂ©s Ă  ĂȘtre offerts aux champions des diffĂ©rentes disciplines[17]. Les quatre modĂšles se diffĂ©rencient par le contenu des cartels en pĂąte blanche en semi relief sur fond gris : le plongeon, le football, l’aviron et le rugby ; le cyclisme, la voile, le tennis et le tir ; l’escrime, l’équitation, la pelote basque et la barre parallĂšle en gymnastique ; le javelot, la rame, la boxe et la course Ă  pied.

Le décorateur

La Casa Amarilla Ă  Caracas, Venezuela.

Parmi les principales décoration réalisées par Guillonnet, on peut citer :

  • Le parloir du lycĂ©e Lakanal de Sceaux : la premiĂšre dĂ©coration monumentale de Guillonnet est celle qu’il rĂ©alise pour le parloir du lycĂ©e Lakanal Ă  Sceaux.
  • Salle des mariages de l'hĂŽtel de ville de Riom : bien qu’il n’en reste aucune trace, il semble que Guillonnet participa au dĂ©but des annĂ©es 1920 Ă  la dĂ©coration de la salle des mariages de l'hĂŽtel de ville de Riom. Étienne ClĂ©mentel, maire de Riom, dĂ©putĂ©, ministre et artiste-peintre, en tĂ©moigne dans le catalogue d’exposition Ă  l’école nationale des beaux-arts consacrĂ© aux Ɠuvres de Guillonnet pour la Casa Amarilla : « Ces belles heures de communion artistique m’avaient fait revivre le temps heureux de notre collaboration, alors que, nos chevalets cĂŽte Ă  cĂŽte comme nos cƓurs, nous prĂ©parions les panneaux qui parent aujourd’hui d’un dĂ©cor printanier la salle des mariages de mon cher et vieil HĂŽtel de ville de Riom ».
  • Salle des Cariatides Ă  l'hĂŽtel de ville de Paris : Guillonnet rĂ©alise en 1927 la dĂ©coration de la salle des Cariatides en surplomb de l’entrĂ©e d’honneur et ouverte sur les deux grands escaliers d’apparat. Le thĂšmes imposĂ©s sont les grands bonheurs (de l’amour et de la jeunesse, de la pensĂ©e, des jeux, de l’accueil, de la danse, des arts, de la famille et enfin des sciences) pour les huit voussures triangulaires, et les petites joies (de l’eau, de l’air, de l’hiver, de la ronde, d’ĂȘtre insupportable, du soleil et enfin de se bien porter) pour les sept tympans en demi cercle. Ces Ă©lĂ©ments dĂ©coratifs sont aujourd’hui absents et semblent avoir Ă©tĂ© retirĂ©s au dĂ©but de l'annĂ©e 1952 pour une raison inconnue.
  • Salle des fĂȘtes de la mairie du 15e arrondissement de Paris : Guillonnet est l’auteur de la composition centrale du dĂ©cor monumental sur toile marouflĂ©e de la voĂ»te de la salle des fĂȘtes de la mairie du 15e arrondissement de Paris, inaugurĂ©e en 1929 par le marĂ©chal Lyautey. Cette Ɠuvre reprĂ©sente, en trois panneaux, une sarabande bucolique de personnages nus autour des armoiries de Paris. L'ensemble de la salle, dĂ©corĂ©e dans le style art dĂ©co sous la direction de Henri Rapin est inscrite Ă  l'inventaire supplĂ©mentaire des monuments historiques par arrĂȘtĂ© ministĂ©riel du et a fait l'objet de sa premiĂšre campagne de restauration complĂšte en 2011 sous la direction de l'architecte du patrimoine Luc Joudinaud.
  • La Casa Amarilla de Caracas au Venezuela : Guillonnet rĂ©alise la dĂ©coration du patio de la Casa Amarilla, siĂšge du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres du Venezuela Ă  Caracas. Il s’agit de dĂ©corer le double pĂ©ristyle intĂ©rieur d’un palais espagnol du XVIIe siĂšcle totalement restaurĂ©, et d’imaginer sur les murs les caractĂ©ristiques de 46 nations de l’ancien et du nouveau Monde. Le premier Ă©tage doit ĂȘtre rĂ©servĂ© aux peuples de l’ancien Continent, tandis que le rez-de-chaussĂ©e doit recevoir les panneaux consacrĂ©s aux deux AmĂ©riques. La gageure de cette dĂ©coration consiste Ă  donner un sentiment d’unitĂ© Ă  l’ensemble du patio alors qu’il faut reprĂ©senter cĂŽte Ă  cĂŽte la forĂȘt vierge du Paraguay, la baie de Rio de Janeiro pour le BrĂ©sil, les frimas de Moscou pour la Russie ou les terrasses des Tuileries Ă  la belle saison pour la France. Guillonnet avait Ă©tĂ© conseiller artistique pour la France lors de l’exposition internationale de 1922 organisĂ©e Ă  Rio de Janeiro par le BrĂ©sil. Il en avait ramenĂ© de nombreux contacts sur l’AmĂ©rique du Sud qui se transformĂšrent pour certains en commandes. Mais c’est surtout sa prĂ©sence Ă  la cour des mĂ©tiers[note 10], sur l’esplanade des Invalides, lors de l'exposition internationale des Arts dĂ©coratifs et industriels modernes de 1925, Ă  Paris, qui dĂ©cide dĂ©finitivement les autoritĂ©s VĂ©nĂ©zuĂ©liennes Ă  arrĂȘter leur choix sur Guillonnet pour la dĂ©coration de la Casa Amarilla. L’ensemble du travail de Guillonnet pour la Casa Amarilla comporte 46 panneaux de 3 Ă— 2 m et 36 dessus de portes servant de lien avec les panneaux. L’ensemble de ces toiles est prĂ©sentĂ© aux parisiens en deux expositions : la premiĂšre, correspondant Ă  l’ancien Monde, du 1er au au musĂ©e de l'Orangerie de Paris, inaugurĂ©e par le prĂ©sident de la RĂ©publique, Gaston Doumergue ; la seconde, correspondant aux deux AmĂ©riques, du 6 au , Ă  l’École nationale des beaux-arts Ă  Paris. Ces toiles ont Ă©tĂ© ensuite marouflĂ©es sur les murs extĂ©rieurs du patio de la Casa Amarilla dont la dĂ©coration est officiellement inaugurĂ©e le . UltĂ©rieurement, certaines toiles reprĂ©sentant tel ou tel pays, tombĂ© en disgrĂące, sont dĂ©crochĂ©es ou parfois volontairement vandalisĂ©es. En 1977, le gouvernement vĂ©nĂ©zuĂ©lien dĂ©cide de leur restauration. Ce qu’il reste des Ɠuvres se trouve dĂ©sormais Ă  l’abri dans les salles du palais. Un projet de musĂ©e est en cours pour La Casa Amarilla[18].
  • Église du Broc : en 1939, Guillonnet dĂ©core entiĂšrement l’église du Broc, village des Alpes-Maritimes jouxtant celui de Carros. L’édifice date du XIVe siĂšcle et se distingue par sa tour de pierre et ses portes basses. Guillonnet y recouvre le fond du chƓur d’une fresque couvrant le mur en son entier. Dans un cadre de mosaĂŻque, un immense Christ en croix[note 11] se dĂ©tache et deux tableaux encadrent ce motif principal : la montĂ©e du Calvaire et la Descente de croix. Ces deux tableaux ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s au Salon des artistes français de 1939. Pour l’autel latĂ©ral gauche, Guillonnet a traitĂ©, sur bois, les deux patrons de la paroisse : saint Antoine et sainte Marie-Madeleine. Il rĂ©alise Ă©galement un chemin de croix en camaĂŻeu de bleu dans lequel la couleur dominante s’assombrit d’étapes en Ă©tapes en fonction de sa dramaturgie[19].
  • Église Saint-Étienne de Jargeau : en , en souvenir de sa grand-mĂšre, Guillonnet livre Ă  l'Ă©glise Saint-Étienne de Jargeau un chemin de croix en camaĂŻeu de vert. Pour renforcer sa dramaturgie, comme pour l’église du Broc, sa dominante verte s’assombrit un peu plus Ă  chaque nouvelle Ă©tape. Pour complĂ©ter cette dĂ©coration, il orne le mur du chƓur d'une fresque glorifiant Jeanne d’Arc.

L'ensemblier

Si Guillonnet atteint en 1924 le statut d’ensemblier, c’est que dĂšs sa formation Ă  l’École des beaux-arts il s’est intĂ©ressĂ© aux diffĂ©rents Ă©lĂ©ments constitutifs des arts dĂ©coratifs : le vitrail dĂšs 1892, la mosaĂŻque dĂšs 1898, puis la cĂ©ramique dans les annĂ©es 1920 et plus tard la tapisserie dans les annĂ©es 1930.

Jean Ajalbert, conservateur de la Manufacture nationale de tapisserie de Beauvais (1917-1935) amĂšne Guillonnet Ă  la tapisserie en lui commandant les cartons pour une garniture de fauteuil sur le thĂšme des colonies destinĂ©e au dĂ©cor du nouveau trĂŽne de l’empereur d’Annam (Indochine française) voulu par la France.

RĂ©alisĂ© Ă  la Manufacture de Beauvais, il est montĂ© par Éric Bagge et Pellissier, et tissĂ© par Het, Radel et Dujardin. Ce trĂŽne est exposĂ© lors de la treiziĂšme « Saison d’art » de la manufacture en 1931 Ă  Beauvais. Il est acheminĂ© par la suite au palais de la suprĂȘme harmonie de HuĂ©. Tant le thĂšme des colonies imposĂ© Ă  ce dĂ©cor que le sigle « RF » de la RĂ©publique française tĂ©moignent du rĂŽle rĂ©duit que devait jouer l’empereur d’Annam, Bao DaĂŻ, au sein de l’Indochine, avec comme rare prĂ©rogative celle du rendu de la justice coutumiĂšre au nom de la RĂ©publique française.

En 1933, Guillonnet prĂ©sente au Salon des artistes français ses cartons pour une esquisse de tapisserie L’Adoration des mages.

Guillonnet rĂ©alise pour la Manufacture des Gobelins, dans le cadre d’une commande pour la facultĂ© de la Sorbonne (salle des thĂšses) Ă  Paris trois cartons de tapisserie autour du thĂšme de la science et de la pensĂ©e. Ces cartons exĂ©cutĂ©s au dĂ©but des annĂ©es 1940 ont Ă©tĂ© livrĂ©s par Guillonnet en 1942. À cause de la Seconde Guerre mondiale, ils ne seront tissĂ©s qu’aprĂšs 1944, il s'agit de Glorification de la pensĂ©e (3,50 Ă— 5 m) ; Les MaĂźtres de la science (3,70 Ă— 5,80 m) ; Écusson de la pensĂ©e (3 Ă— 3,75 m).

En , une exposition est organisĂ©e au musĂ©e de l’Orangerie pour prĂ©senter les « Cartons et tapisseries modernes des manufactures nationales ». Guillonnet y est prĂ©sent avec son carton Les MaĂźtres de la science.

AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, Janneau perd la direction des manufactures et rejoint Antoine Behna, riche industriel d’origine libanaise qui avait fait fortune dans la fabrication de couches-culottes, et qui crĂ©e en 1952 les Ateliers de RĂ©novation de la Tapisserie (ART). Jeanneau, en devenant le conseiller technique de cet atelier, apporte avec lui plusieurs cartons non rĂ©alisĂ©s par la manufacture des Gobelins. C’est ainsi que les cartons rĂ©alisĂ©s par Guillonnet sont en dĂ©finitive tissĂ©s par les maĂźtres liciers des ateliers ART.

On le voit, entre la commande pour la Sorbonne et leurs rĂ©alisations par les Ateliers ART, la destinĂ©e de ces tapisseries a Ă©tĂ© incertaine. Pour l’une d’entre elles, Glorification de la pensĂ©e, l’histoire ne s’arrĂȘte pas lĂ . La politique des ateliers ART consiste Ă  confier successivement les cartons Ă  diffĂ©rents maĂźtres liciers afin de comparer l’apport de chacun Ă  la tapisserie obtenue. Toutes ces tapisseries ont donc Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă  deux voire huit exemplaires (cas extrĂȘme). Il en est ainsi du carton de Guillonnet Glorification de la pensĂ©e qui est entre autres confiĂ©e Ă  un maĂźtre licier, ancien de la manufacture des Gobelins dont on ne connaĂźt que le prĂ©nom : Roland. L’homme avait 68 ans quand il commence le tissage de cette Ɠuvre monumentale. Au cours de son travail, ce vĂ©tĂ©ran est victime d’une hĂ©morragie cĂ©rĂ©brale. ImmobilisĂ©, il doit interrompre son travail, et l’achĂšve quelque temps aprĂšs. À la rĂ©ception de cette tapisserie, Janneau la refuse tant elle comporte de dĂ©fauts dans la partie rĂ©alisĂ©e aprĂšs l’accident vasculaire subi par Roland.

RejetĂ©e par Janneau, l'universitĂ© de la Colombie-Britannique Vancouver se la fait offrir. Elle sert dĂ©sormais comme d’un manuel pratique en neurologie pour ses Ă©tudiants en mĂ©decine et est exposĂ©e dans la bibliothĂšque Woodward[20].

Enfin, Guillonnet poursuivit sa collaboration avec les Ateliers ART et rĂ©alisa de nombreux autres cartons dont les Ɠuvres tissĂ©es ont Ă©tĂ© livrĂ©es aux quatre coins du monde. Citons, pour exemple[21] : Annonciation (1949) pour le Patriarcat de Beyrouth ; Vierge de Gloire (1951) pour le Vatican ; Égypte (1951) tissĂ© en pour le roi Farouk d’Égypte.

L'illustrateur

Guillonnet illustre différents supports :

ƒuvres

Salon des artistes français

Peintures

Élùves

Distinctions

Notes et références

Notes

  1. Il signe ODV Guillonnet ou EODV Guillonnet.
  2. Il manque deux cartons, celui reprĂ©sentant Jeanne rendant grĂąces Ă  Dieu dans la cathĂ©drale Sainte-Croix d’OrlĂ©ans ainsi que le carton en taille rĂ©elle reprĂ©sentant Jeanne au sacre du roi Ă  Reims (collection particuliĂšre). En raison de ses dimensions, ClĂ©mentel rĂ©servait ce dernier carton Ă  la dĂ©coration de l’escalier monumental du palais de Justice de Riom.
  3. FrĂ©dĂ©ric Mistral porte une barbe ; Edmond Rostand tient une badine ; Maurice BarrĂšs tient une bicyclette ; Paul DĂ©roulĂšde est habillĂ© d'une cape ; Frantz Reichel, qui devait ĂȘtre le fondateur de la fĂ©dĂ©ration française de rugby Ă  XV en 1903 est celui qui reçoit le ballon.
  4. Conservé au Petit Palais à Paris.
  5. L'Ă©quivalent aujourd’hui d’un ingĂ©nieur, chef de chantier et contrĂŽleur de gestion rĂ©unis.
  6. Ces bourses ne sont habituellement attribuĂ©es qu’à des candidats de moins de 31 ans rĂ©volus. Elles ont procurĂ© Ă  quantitĂ©s de peintres et de sculpteurs, jeunes encore et dĂ©jĂ  remarquĂ©s, l’occasion d’achever ou de renouveler leurs Ă©tudes, leur imagination et leur esprit dans les musĂ©es, dans les villes, dans les paysages de toute l’Europe et de tout l’Orient mĂ©diterranĂ©en. Elles ont permis en particulier de faire renaĂźtre et prospĂ©rer l’orientalisme ; un orientalisme tout neuf (diffĂ©rend et indĂ©pendant de l’ancien orientalisme romantique), rĂ©aliste, documentaire, en gĂ©nĂ©ral lumineux et clair, et surtout aussi variĂ© que les tempĂ©raments et que les curiositĂ©s individuelles.
  7. Conservé à Paris au Petit Palais.
  8. Maintenant conservé au musée de la Miniature ().
  9. Assistaient notamment Ă  la cĂ©rĂ©monie la famille de Gambetta, le gĂ©nĂ©ral AndrĂ© (ministre de la Guerre), ThĂ©ophile DelcassĂ© (ministre des Affaires Ă©trangĂšres), les sĂ©nateurs et dĂ©putĂ©s du dĂ©partement, Charles Cazalet, prĂ©sident de l’union des sociĂ©tĂ©s de gymnastique de France, Joseph Sansboeuf, prĂ©sident des sociĂ©tĂ©s Alsaciennes-Lorraines de France et des colonies.
  10. Dans cette cour des mĂ©tiers, Guillonnet traite en trois tableaux monumentaux les mĂ©tiers d’arts (avec le thĂ©Ăątre), les mĂ©tiers de la mode (avec la parure) et les mĂ©tiers de la terre (avec le jardinage). Bien que sĂ©parĂ©e par des colonnades, Guillonnet avait su donner une unitĂ© Ă  l'ensemble.
  11. Le musée Rolin à Autun conserve les études préparatoires de Guillonnet à la décoration de cet édifice.

Références

  1. « ark:/36937/s005afeaa5ede5aa », sous le nom GUILLONNET O.D.V (consulté le )
  2. Ramon Poivet et Gaston Pouillot, Jargeau : sur la riviĂšre de Loire, Office du tourisme. Syndicat d'initiative de Jargeau, , 235 p. (ISBN 978-2-9507642-0-1).
  3. Émile Didron, « Le concours des vitraux de Jeanne d'Arc pour la cathĂ©drale d'OrlĂ©ans », Revue des arts dĂ©coratifs, Paris, volume 14, annĂ©es 1893-1894, p. 194 Ă  205.
  4. Dimensions : 2,22 Ă— 1,13 m.
  5. Catalogue du musĂ©e Mandet de 1985 « Étienne ClĂ©mentel et les arts » de DaniĂšle Dewinck et Antoinette Ehrard, lot no 45, p. 52.
  6. La construction moderne, 9-, p. 591.
  7. « Mosaïques de l'ancienne maison de Champagne Jules Mumm à Reims (51) » sur petit-patrimoine.com.
  8. Se promener, Paris 18e.La Villa des Platanes, Franck Beaumont, 14 mars 2012.
  9. Abel Combarieu, Sept ans Ă  l’ÉlysĂ©e avec le prĂ©sident Émile Loubet, p. 71-72.
  10. Voir dans le catalogue de l’exposition : « La Table Ă  l’ÉlysĂ©e, rĂ©ceptions officielles des prĂ©sidents depuis la IIIe RĂ©publique », 5 Continents Ă©ditions, Milan, 2005, 220 p. (ISBN 88-7439-274-5), Auteurs : Emmanuelle Flament-Guelfucci, conservateur du patrimoine, chef du service des archives et de l’information documentaire de la PrĂ©sidence de la RĂ©publique ; Olivier Gabet, conservateur du patrimoine, conservateur au musĂ©e d’Orsay ; Philip et Mary Hyman, historiens, spĂ©cialistes de l’histoire culinaire française ; Marie Lavandier, conservateur en chef du musĂ©e du prĂ©sident Jacques Chirac ; AgnĂšs Longevialle, pianiste et professeur de piano ; Karine McGrath, archiviste de l’établissement public du musĂ©e et du domaine national de Versailles ; l’article « L’illustration des menus de l’ÉlysĂ©e » par Marie Lavandier, p. 139 et suivantes.
  11. Notice no ARC00816, base Archim, ministÚre français de la Culture
  12. Alexander Heilmeyer, « Sur la VIIIe exposition internationale d’art de Munich », 1901, dans Die Kunst unserer Zeit, 1900, no 12, p. 143-206.
  13. Le comitĂ© de la Croisade des Femmes françaises est constituĂ© de Mmes J. Adam, Augagneur, Ad. Brisson, A. Daudet, Delanney, J. DĂ©roulĂšde, C. Flammarion, Marquise de Ganay, Comtesse Greffulhe, M. Lemaire, Daniel-Lesueur, R. PoincarĂ©, J. L. Rigaud, Duchesse de Rohan, J. Siegfried, Duchesse d’Uzes, douairiĂšre, Viviani, Zola
  14. LĂ©on Abensour : Les Vaillantes – Librairie Chapelot, Paris 1917
  15. Daniel J. Lesueur : La française du .
  16. ConfĂ©rence de Mme Alphonse Daudet, « La Croisade des Femmes Françaises », Journal de l’UniversitĂ© des Annales, no 12-13, 1er-, p. 65 Ă  85.
  17. Vase jeux olympiques de 1924, musée municipal d art et d histoire de colombes colombes sur http://www.id2sorties.com.
  18. Rafael Pineda : « El rescate de las pinturas de Guillonnet », Ministerio de Relaciones Exteriores (Caracas, Venezuela) 1978.
  19. L'Éclaireur de Nice du : « Nos trĂ©sors artistiques ».
  20. Enfin, elle a fait l’objet d’une communication scientifique du Dr William C. Gibson, parue le dans la revue JAMA (no 1039, p. 218). Masters of the Spirit Tapestry Exhibit sur www.library.ubc.ca Voir aussi : Masters of Science Tapestry Exhibit sur www.library.ubc.ca.
  21. Catalogues des commissaires Priseurs Joël M. Million & Claude Robert : Tapisseries et cartons des ateliers A.R.T. (années 1942-1950), vente Paris-Drouot Richelieu du .
  22. figaro-illustre.e-monsite.com.
  23. Édouard Nignon, « l'HeptamĂ©ron des gourmets ou Les DĂ©lices de la Cuisine Française » Ă©ditĂ© Ă  compte d’auteur Ă  Paris en 1919. Cet ouvrage (in-4, brochĂ©. 246 pages) est consultable, outre Ă  la BNF, au musĂ©e Escoffier Ă  Villeneuve-Loubet et dans le salon-bibliothĂšque du restaurant Ă  la mĂȘme enseigne Ă  Luchon. Autour d’une collection de recettes de la cuisine française moderne (620 recettes) servies lors de festins imaginaires durant les « sept journĂ©es de cocagne ». Chacune de ces journĂ©es est prĂ©sentĂ©e par un Ă©crivain diffĂ©rent : Lucien Descaves, Henri de RĂ©gnier, Laurent Tailhade, Guillaume Apollinaire, AndrĂ© Mary, Fernand Fleuret, Émile Godefroy. Les illustrations sont de J. Patricot, Guillonnet et Varenne.
  24. Site des musées de Haute-Normandie
  25. « collections du musée des beaux-arts de dijon - Affichage d'une notice », sur mba-collections.dijon.fr (consulté le )
  26. Notice no 00000065897, base Joconde, ministÚre français de la Culture Base Joconde
  27. Sont reprĂ©sentĂ©s : FrĂ©dĂ©ric Mistral, Edmond Rostand, Maurice BarrĂšs et Paul DĂ©roulĂšde - seul Mistral est un FĂ©libre connu. À Sceaux, on trouve le jardin des FĂ©libres, situĂ© non loin de la demeure du fabuliste occitan Florian. Le jardin possĂšde la statue de FrĂ©dĂ©ric Mistral et de neuf autres fĂ©libres.
  28. Notice no IM92000510, base Palissy, ministÚre français de la Culture
  29. « Base Léonore : Index des patronymes », sur http://www.culture.gouv.fr (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Georges Turpin, « Guillonnet », MĂ©decines et Peintures, no 62, Laboratoire Chantereau, collection « InnothĂ©ra », 1953.
  • Collectif, « Guillonnet, de l'ombre Ă  la lumiĂšre », Éditions Melis, 2017, 112 p. (ISBN 978-2-35210-096-6).

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