Institut Laue-Langevin
L'Institut Laue-Langevin (ILL) est un organisme de recherche international situĂ© sur le polygone scientifique de Grenoble. CrĂ©Ă© en 1967 Ă la suite du traitĂ© d'amitiĂ© franco-allemand dit traitĂ© de l'ĂlysĂ©e, et nommĂ© ainsi en l'honneur des physiciens Max von Laue (allemand) et Paul Langevin (français), il symbolise la rĂ©conciliation franco-allemande.
Fondation |
1967 (convention) 1971 (infrastructures) |
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Sigle |
ILL |
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Type | |
Forme juridique | |
Domaine d'activité |
Sciences et techniques neutroniques |
SiĂšge | |
Pays | |
Coordonnées |
45° 12âČ 21âł N, 5° 41âČ 32âł E |
Membres |
14 pays |
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Effectif |
563 (2021) |
Direction |
Paul Langan[1] |
Affiliation | |
Site web |
SIREN | |
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TVA européenne |
FR01779555887 |
Cet institut spĂ©cialisĂ© en sciences et technologies neutroniques exploite un rĂ©acteur Ă Haut Flux de neutrons pour la recherche. Son financement est assurĂ© par treize pays. Il Ćuvre dans un vaste choix de domaines scientifiques comme la physique fondamentale, la physique des particules, la physique de la matiĂšre condensĂ©e, la biologie, etc. Institut de service, il accueille chaque annĂ©e 1 500 scientifiques en provenance de quarante pays, offrant les faisceaux de neutrons les plus intenses au monde ainsi qu'une quarantaine d'instruments scientifiques de haute technologie. Il ne sera Ă©galĂ© que par la future source European Spallation Source, entre 2025 et 2030[2].
Histoire
Ă la suite de la signature du traitĂ© de l'ĂlysĂ©e de 1963§ 26_3-0">[3], une convention intergouvernementale de coopĂ©ration scientifique entre la France et l'Allemagne est signĂ©e le pour construire un rĂ©acteur nuclĂ©aire de recherche. Le site choisi symbolise la rĂ©conciliation franco-allemande puisque Grenoble est l'une des cinq communes françaises Compagnons de la LibĂ©ration, encore marquĂ©e par ses actes de RĂ©sistance. De plus le nom de l'avenue des Martyrs dans laquelle doit s'installer l'Ă©difice rappelle un charnier de 48 cadavres dĂ©couverts en sur le polygone d'artillerie aprĂšs le dĂ©part des troupes allemandes[4].
Les travaux démarrent en 1968 et l'année suivante voit le début de la construction du réacteur. Mais le , le chantier est marqué par un tragique accident au cours duquel cinq ouvriers sont tués et deux autres gravement blessés dans l'effondrement partiel du toit[5]. Le chantier s'achÚve au milieu de l'année 1971 et le réacteur rentre pour la premiÚre fois en divergence le . Sa puissance maximale de 57 MW thermiques est atteinte le 1971[6].
Le Français Louis Néel et l'Allemand Heinz Maier-Leibnitz ont eu une influence déterminante dans la conception et la réalisation de cet outil destiné à la recherche neutronique. Maier-Leibnitz prend la direction de l'institut en tandem avec le physicien français Bernard Jacrot jusqu'en 1972, premiÚre année d'utilisation du réacteur. AprÚs de longues négociations, les deux pays fondateurs sont rejoints le par le Royaume-Uni.
Ă la mise en service en 1971, le sculpteur Jean-Robert Ipousteguy achĂšve devant l'institut une sculpture monumentale appelĂ©e "Lâaccomplissement de lâhomme vers son unitĂ©"[7].
En mars 1991, des fissures sont repĂ©rĂ©es sur un Ă©lĂ©ment en aluminium au sein du bidon dâeau lourde (D2O) du rĂ©acteur ce qui impose sa mise Ă lâarrĂȘt. La dĂ©cision est alors prise d'un remplacement complet de ce bidon de 7,7 mĂštres de haut, lâancien est dĂ©coupĂ© sous eau par les Ă©quipes du rĂ©acteur et un nouveau est fabriquĂ©e en Allemagne. Il arrive Ă Grenoble dĂ©but 1994 oĂč il est installĂ© dans sa piscine dâeau lĂ©gĂšre (H2O) de 18 mĂštres de profondeur et la divergence du rĂ©acteur remis Ă neuf intervient le [8]. Câest, Ă ce jour le seul rĂ©acteur au monde Ă avoir Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ© et reconstruit en 4 ans, ceci ayant Ă©tĂ© rendu possible par sa conception trĂšs particuliĂšre et par la rĂ©alisation des opĂ©rations, fort complexes, par le personnel mĂȘme de l'institut[9].
ParallĂšlement, l'institut devient un peu plus europĂ©en avec des partenariats scientifiques se mettant en place avec d'autres Ătats : Espagne en 1987, Suisse en 1988, Autriche en 1990, Italie en 1997, RĂ©publique tchĂšque en 1999, SuĂšde en 2005, Belgique et Pologne en 2006, Danemark et Slovaquie en 2009. La Hongrie adhĂšre de 2005 Ă 2013, l'Inde de 2011 Ă 2014.
Depuis le dĂ©but, lâILL consacre beaucoup dâefforts au dĂ©veloppement de dispositifs dâenvironnement des Ă©chantillons (basses tempĂ©ratures, hautes tempĂ©ratures, hautes pressions, champs magnĂ©tiques intenses, humiditĂ© contrĂŽlĂ©e, etc.) qui sont indispensables Ă la rĂ©alisation dâexpĂ©riences scientifiques de plus en sophistiquĂ©es. On y dĂ©veloppe Ă©galement des optiques neutroniques innovantes (monochromateurs polarisants en alliage de Heusler[10], super-miroirs polarisants, polariseurs Ă hĂ©lium-3[11], etc.) qui donnent accĂšs Ă de nouveaux domaines de recherche, mais aussi des dĂ©tecteurs de neutrons aux caractĂ©riques uniques (multidĂ©tecteurs Ă fils dits âbananeâ[12], multidĂ©tecteurs Ă fils bimensionnels plats ou courbĂ©s[13], multidĂ©tecteurs microstrip[14], multidĂ©tecteurs âtrenchâ[15], grands multidĂ©tecteurs Ă tubes hĂ©lium-3 Ă localisation, etc.) qui augmentent considĂ©rablement lâefficacitĂ© des instruments de neutronique.
Le , une cĂ©rĂ©monie se dĂ©roule au World Trade Center Grenoble devant les ambassadeurs des Ătats membres et du secrĂ©taire dâĂtat Ă la recherche Thierry Mandon, afin de cĂ©lĂ©brer le 50e anniversaire de la crĂ©ation de l'institut. L'occasion est donnĂ©e au prĂ©sident de la mĂ©tropole, Christophe Ferrari, de prĂ©ciser que l'ILL reprĂ©sente 600 publications scientifiques par an et qu'une part importante des 100 millions d'euros de son budget annuel est injectĂ©e dans l'Ă©conomie locale[16].
En septembre 2021 la convention intergouvernementale qui régit l'ILL est prolongée jusqu'en 2033 par la France, Le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Lieu d'implantation
L'institut est implanté sur le polygone scientifique de Grenoble. Lorsqu'au milieu des années 2000 naßt l'idée de créer un campus d'innovation, sous l'impulsion de Jean Therme, directeur du CEA, l'ILL en est membre fondateur. GIANT (Grenoble Innovation for Advanced New Technologies) vise à rapprocher enseignement supérieur, recherche et innovation, et à faire de ce quartier le second campus grenoblois aprÚs celui du domaine universitaire de Grenoble installé à Saint-Martin-d'HÚres. L'ILL est aussi membre de l'institut de recherche technologique Nanoelec ainsi que d'EIROforum[17], une collaboration entre huit des plus grandes infrastructures de recherche européennes.
Campus européen
L'ILL partage son site avec l'European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), le laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) et l'Institut de biologie structurale (IBS). Ces quatre organismes dont trois européens composent l'European Photon and Neutron Science Campus (EPN).
Le , avec l'inauguration à l'ESRF voisin du cryo-microscope le plus performant au monde en termes de résolution, l'ILL qui est partenaire du projet, dispose désormais d'un outil capable d'étudier des molécules encore difficilement observables jusqu'alors et qui pourrait permettre de trouver des solutions contre les épidémies humaines[18].
En 2018, le directeur de l'Institut Laue-Langevin annonce un nouveau partenariat entre son institut, son voisin l'ESRF et l'entreprise allemande OHB-System spécialisée dans le domaine spatial. Les capacités de ces centres de recherche en matiÚre de caractérisation des matériaux permettront à ce secteur de pointe de faire de grands progrÚs techniques[19].
Formation
En lien avec le synchrotron voisin, une formation annuelle est dispensée par l'université Grenoble-Alpes et l'Institut polytechnique de Grenoble aux étudiants, post-doctorants et scientifiques internationaux dans le domaine des neutrons, du rayonnement synchrotron ainsi qu'en physique de la matiÚre condensée. Portant le nom d'Hercules, acronyme anglais de Higher European Research Course for Users of Large Expérimental Systems, cette formation théorique et pratique d'une durée d'un mois existe depuis 1991 et reçoit 80 étudiants formés par 150 enseignants pour comprendre et utiliser ces instruments trÚs sophistiqués[20].
Programmes de modernisation
L'institut lance en 2000 un programme de modernisation de ses équipements et détecteurs appelé Programme Millenium. Dans un premier temps entre 2001 et 2008, six nouveaux instruments scientifiques sont installés et huit autres sont modernisés[21]. Dans un second temps entre 2008 et 2016, quatre nouveaux instruments sont installés et quatre autres modernisés[22]. L'ensemble de ces deux phases représente un budget de 75 millions d'euros et a permis une augmentation moyenne de l'efficacité des instruments d'un facteur 25[23]. En 2016, afin de maintenir le meilleur niveau de recherche mondial et d'offrir de nouvelles possibilités dans les domaines du magnétisme, de la science des matériaux, de la matiÚre molle, de la biologie et de la physique des particules (spectroscopie gamma, neutrons ultra-froids, ...), l'institut lance un nouveau plan de modernisation dénommé Endurance. Il doit s'achever en 2023[24].
RĂ©acteur Ă Haut Flux (RHF)
Il exploite un réacteur de recherche, le Réacteur à Haut Flux[25] (RHF, INB no 67) d'une puissance de 58 MW, modéré à l'eau lourde, utilisé pour produire des faisceaux de neutrons. C'est la source de neutrons continue la plus intense du monde et c'est donc un instrument scientifique de tout premier ordre pour la communauté internationale.
Les neutrons permettent de sonder la matiĂšre avec un grand pouvoir de pĂ©nĂ©tration mais non destructif. Ils sont sensibles Ă la gravitation, au champ magnĂ©tique et interagissent directement avec le noyau des atomes et leur spin. Contrairement aux rayons X, ils sont particuliĂšrement sensibles Ă des atomes lĂ©gers comme lâhydrogĂšne, or ce dernier joue un rĂŽle essentiel dans les mĂ©canismes biologiques, les pratiques, les batteries, etc.
Une quarantaine d'instruments scientifiques sont placĂ©s tout autour du cĆur du rĂ©acteur, permettant des applications allant de la physique fondamentale Ă la biologie en passant par la cristallographie la chimie ou la science des matĂ©riaux.
L'Institut Laue-Langevin est un institut de service : son rÎle premier est de fournir du temps de faisceau de neutrons aux scientifiques utilisateurs, de passage pour leurs expériences. Ceux-ci obtiennent ce temps de faisceau, la mise à disposition du matériel adéquat, et l'expertise des scientifiques et techniciens sur place, aprÚs acceptation de leur proposition d'expérience par un comité d'experts scientifiques. Une expérience sur deux environ étant retenue.
Plus de 90 % des expériences sont réalisées par des chercheurs venant d'un institut, centre de recherche ou université de l'un des pays finançant l'institut. La sélection des expériences est effectuées sur la base de la qualité des propositions par un comité international. La part de la France est d'environ un tiers.
Les scientifiques de l'ILL ont un triple rÎle. Service aux utilisateurs, de la préparation de l'expérience au traitement de ses données, développement permanent des instruments et équipements scientifiques, recherche pour leur propre compte. Ils ont également une double compétence dans leur domaine d'expertise (magnétisme, physique des particules, biologie, etc.) et en neutronique.
AprĂšs l'accident nuclĂ©aire de Fukushima, l'ILL a dĂ©cidĂ© d'amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© de son site. Un nouveau poste de secours a Ă©tĂ© construit Ă lâĂ©preuve des tremblements de terre les plus forts et de la vague que pourrait produire la rupture des barrages voisins. La protection de secours de l'alimentation Ă©lectrique a Ă©tĂ© renforcĂ©e : l'entreprise AEG a Ă©tĂ© choisie en 2015 comme fournisseur des systĂšmes d'alimentation Ă©lectrique conformes aux normes nuclĂ©aires[26]. AprĂšs la fermeture du rĂ©acteur français OrphĂ©e Ă Saclay 2019, l'ILL est devenu la seule source de neutrons pour la recherche fondamentale situĂ©e en France[27].
Conformément à la réglementation l'ILL publie chaque année un rapport TSN, "Transparence et Sécurité Nucléaire". Ce rapport inclut l'ensemble des incidents déclarés sur l'installation, classés de 0 à 7 sur l'échelle INES. Dernier incident de niveau 1 en date : le , un élément combustible usé est resté bloqué dans sa hotte de manutention lors de son transfert dans la piscine[28], occasionnant une déclaration d'incident nucléaire de niveau 1 sur l'échelle INES.
RĂ©sultats et applications des recherches
Les rĂ©sultats de l'ILL sont largement diffusĂ©s dans les revues scientifiques internationales. Une sĂ©lection est disponible sur le site web de l'Institut. Certains rĂ©sultats de recherche peuvent ĂȘtre disponibles sur la chaĂźne YouTube de l'ILL[29].
En matiĂšre de physique expĂ©rimentale, l'utilisation des neutrons permet des recherches dans de nombreux domaines. Dans ce qui suit on ne donne quâun aperçu de quelques rĂ©sultats relativement rĂ©cents et/ ou relayĂ©s dans les mĂ©dias.
Physique des particules
En physique des particules, le neutron peut servir soit de sonde, soit ĂȘtre lui-mĂȘme le sujet dâĂ©tude.
Afin de découvrir des particules encore hypothétiques comme les axions, des expériences sont menées à l'Institut Laue-Langevin par spectroscopie de résonance gravitationnelle consistant à faire rebondir des neutrons ultra-froids le long d'un miroir pour observer leurs états quantiques d'énergie[30] - [31].
L'expĂ©rience STEREO (STErile REactor Oscillation) visait Ă dĂ©couvrir l'existence dâune nouvelle particule Ă©lĂ©mentaire, un neutrino dit "neutrino stĂ©rileâ prĂ©vu par la thĂ©orie pour expliquer le dĂ©ficit de neutrinos constatĂ© auprĂšs des rĂ©acteurs nuclĂ©aires[32]. Pour cela il a fallu observer l'oscillation des neutrinos Ă courte distance entre leurs 4 Ă©tats. Le dispositif expĂ©rimental, fruit d'une collaboration internationale, a Ă©tĂ© conçu Ă l'IRFU de Saclay. L'expĂ©rience effectue sa premiĂšre campagne de mesure en 2016-2017[33] puis se poursuit jusqu'en 2020. En 2022 une analyse complĂšte des mesures (107 000 neutrinos dĂ©tectĂ©s) exclut presque complĂštement toute existence de ce 4e neutrino hypothĂ©tique.
Mais les rĂ©sultats de STEREO ne sâarrĂȘtent pas lĂ . Une analyse fine des donnĂ©es a permis de placer des contraintes sur lâĂ©ventuelle capacitĂ© des neutrons Ă faire des passages temporaires par un univers parallĂšle que les thĂ©oriciens appellent âbraneâ et quâils ont imaginĂ© pour expliquer notre incapacitĂ© Ă observer la matiĂšre noire. Enfin STEREO a aussi permis de montrer que les valeurs de certaines constantes nuclĂ©aires sont probablement partiellement erronĂ©es.
LâexpĂ©rience STEREO fait appel aux rĂ©sultats obtenus dans les annĂ©es 1980 par Klaus Schreckenbach sur lâinstrument BILL de lâILL[34].
En 2016, l'institut a été le lieu d'une expérience visant à vérifier si des neutrons pouvaient passer de notre univers vers un univers parallÚle, mais l'expérience n'a pas été concluante. Les résultats obtenus sont cependant archivés sur le site d'arXiv[35] puis publiés dans les Physics Letters B[alpha 1]. D'autres expériences similaires se sont renouvelées plus tard[36], ce fut notamment le cas en 2021[37] - [alpha 2].
L'ILL est aussi le lieu d'observations de désintégration (disparition) de neutrons à l'intérieur de bouteilles aux parois magnétiques afin de déterminer combien de temps peut vivre un neutron en dehors d'un atome. Mais contre toute attente, des différences significatives et inexpliquées de 8,4 secondes entre deux types d'expériences mÚnent les chercheurs à faire un lien entre cette disparition et la matiÚre noire[38]. Cependant, en , le physicien William Marciano (de) doute de ce lien entre disparition des neutrons et matiÚre noire[39]. L'expérience PERKEO III menée à l'ILL a montré que ce lien n'existe pas[40] - [41]
Dans le cadre de la comprĂ©hension de la matiĂšre noire et de l'Ă©nergie noire, une Ă©tude menĂ©e en 2018 par l'universitĂ© de Vienne utilise la source de neutrons ultra-froids « PF2 » de l'ILL afin de dĂ©terminer l'existence d'une hypothĂ©tique particule appelĂ©e symmĂ©tron. Mais l'expĂ©rience d'une prĂ©cision extrĂȘme (2 ĂâŻ10â15 eV) et menĂ©e durant cent jours ne permet pas de mettre en Ă©vidence ces particules[42] - [43] - [alpha 3]. Cependant, pour les physiciens, il est encore trop tĂŽt pour exclure totalement leur existence et seules d'autres expĂ©riences pourront Ă©ventuellement le faire.
En 2021, la dualitĂ© onde-corpuscule Ă©galement appelĂ©e "superposition quantique" a Ă©tĂ© mesurĂ©e sur l'instrument S18 de l'ILL. Les chercheurs de l'UniversitĂ© de Vienne[44] et de l'ILL ont rĂ©ussi Ă mesurer la position d'un seul neutron et ont constatĂ© que la particule avait bien empruntĂ© deux chemins diffĂ©rents au mĂȘme moment.
Physique de la matiÚre condensée
La plus grosse part des instruments de l'ILL lui sont consacrés et les recherches qui sont faites couvrent des domaines aussi variés que l'étude des gaz, des liquides (solutions, métaux fondus, surfusion, etc.), les matériaux amorphes, les poudres, les cristaux, les matériaux magnétiques et/ou supraconducteurs, les multiferroïques, les polymÚres, les colloïdes, les matériaux biologiques, la dynamique des réactions chimiques, etc., sans oublier l'étude de la résistance de dispositifs mécaniques ou l'étude d'objets ou matériaux anciens. Ce qui suit n'est qu'un aperçu incomplet.
MĂ©decine
Le rĂ©acteur de l'institut permet la production de radioisotopes qui sont un excellent moyen utilisĂ© en mĂ©decine nuclĂ©aire pour le traitement des cancers mĂ©tstasĂ©s[45]. C'est le cas du terbium, une terre rare qui produit des rayonnements alpha, bĂȘta ou gamma, et mĂȘme des Ă©lectrons Auger. En partenariat avec d'autres institutions, l'ILL travaille sur la fabrication et les essais cliniques du terbium-161, un nouveau radio-isotope Ă utilisation clinique promettant de tuer plus efficacement les cellules cancĂ©reuses que dâautres radio-isotopes analogues actuellement en utilisation clinique[46].
La technique de diffraction de neutrons sur la matiÚre a permis en 2014 d'étudier à l'ILL la structure de la myéline avec une trÚs grande précision et de comprendre les pathologies des couches entourant les nerfs. En utilisant un isotope de l'eau (eau lourde D2O), des chercheurs du Boston College ont pu déterminer la vitesse de déplacement de l'eau dans la gaine de myéline. Les résultats ont montré que les échanges d'eau dans le systÚme nerveux périphérique étaient presque deux fois plus rapides que dans le systÚme nerveux central[47] - [alpha 4].
En 2015, une publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences informe qu'une collaboration internationale à laquelle ont participé des chercheurs de l'ILL a mis en évidence que le mouvement des molécules d'eau pourrait constituer un marqueur indirect de la présence de fibres amyloïdes tau. Ces fibres étant directement impliquées dans le développement de la maladie d'Alzheimer, leur détection pourrait ainsi permettre un diagnostic précoce de la maladie[48] - [49] - [alpha 5].
En 2018, l'enzyme PKG II (protéine kinase G II) associée au cancer de l'estomac et à l'ostéoporose, ainsi que son processus d'activation ont été observés en détail pour la premiÚre fois, grùce à la cristallographie neutronique utilisée à l'ILL. Les résultats de cette collaboration mondiale qui va faire évoluer la compréhension de ces mécanismes devraient aboutir à développer de nouveaux traitements contre ces deux maladies[50] - [alpha 6].
En , l'ESRF, l'IBS et l'EMBL voisins joignent leurs forces Ă l'ILL dans la lutte contre la maladie Ă coronavirus 2019[51]. En , la revue Scientific Reports rĂ©vĂšle que l'ILL, l'IBS, l'Institut Paul Scherrer et l'Australian Nuclear Science and Technology Organisation (en) (ANSTO) ont dĂ©couvert grĂące Ă la rĂ©flectomĂ©trie neutronique comment la protĂ©ine Spike du covid-19 provoque lâarrachement des lipides des cellules pulmonaires humaines[alpha 7].
Biologie
(Cette section n'est qu'une ébauche non représentative.)
En 2013, des chercheurs britanniques et français ont utilisé les faisceaux de neutrons de l'institut afin de mettre au point une nouvelle méthode à fiabilité élevée pour visualiser les empreintes digitales laissées sur des surfaces métalliques[52] - [53] - [alpha 8].
En été 2016, à l'aide d'une technique d'imagerie par rayonnement à neutrons, une équipe de l'Institut de biologie structurale, de l'Institut Max-Planck de biologie cellulaire et de l'Institut Laue-Langevin démontre qu'une molécule appelée éctoïne est utilisée par la bactérie halomonas titanicae dans l'épave du Titanic afin de survivre à la pression osmotique que provoque le sel de l'eau de mer sur ses membranes[54] - [55] - [alpha 9]. Cette bactérie qui ronge les restes du paquebot pourrait faire disparaßtre progressivement l'épave à l'horizon de 2030[56].
Matériaux
En , des chercheurs de l'institut Laue-Langevin associĂ©s Ă ceux de lâuniversitĂ© de Göttingen publient leurs rĂ©sultats dans la revue Nature concernant la dĂ©couverte de la 17e forme de glace, la glace XVI[57] - [58] - [alpha 10].
En 2017, une équipe de chercheurs de l'université de Warwick associée à l'entreprise sidérurgique Tata Steel met en évidence grùce à l'instrument d'imagerie des déformations (SALSA) de l'ILL que les points de soudure de l'acier au bore présentent une dureté réduite du fait de la chaleur de la fusion, affectant directement la durée de vie du matériau[59]. Les chercheurs s'engagent à trouver des méthodes de soudage alternatives pour l'industrie automobile comme le soudage par impulsions magnétiques.
L'ILL dĂ©voile en 2017 dans la revue scientifique Nature sa collaboration avec des universitĂ©s europĂ©ennes sur la recherche d'aimants molĂ©culaires qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©s dans l'avenir pour l'informatique quantique[60].
Prix et distinctions
Norman Foster Ramsey a Ă©tĂ© co-laurĂ©at du prix Nobel de physique en 1989 pour la mĂ©thode des champs oscillatoires sĂ©parĂ©s et ses applications (dans les horloges atomiques par exemple). Ses recherches axĂ©es sur la dĂ©couverte du moment dipolaire Ă©lectrique du neutron ont souvent Ă©tĂ© basĂ©es sur les nombreuses mesures quâil a effectuĂ©es Ă lâILL[61].
Le physicien britannique Duncan Haldane qui a travaillé à l'institut de 1977 à 1981 reçoit en 2016 le Prix Nobel de physique avec John M. Kosterlitz et David J. Thouless pour leurs travaux sur les transitions des phases topologiques dans la matiÚre[62] - [63].
Philippe NoziĂšres (1930-2022), principal animateur du groupe thĂ©orie de l'ILL[64], Ă©tait Professeur au CollĂšge de France, AcadĂ©micien des Sciences[64], membre de la National Academy of Sciences[65] aux Ătats-Unis depuis 1991, et cumulait les distinctions de prestige : prix Wolf[66], MĂ©daille d'or du CNRS [67]...
Effectifs
En 2010, l'institut employait 489 personnes[68] dont 70 chercheurs, une vingtaine de doctorants, plus de 200 techniciens, 50 administratifs et 60 spécialistes de l'exploitation et de la sûreté. Son personnel comptait environ 65 % de Français, 12 % d'Allemands et 12 % de Britanniques.
Au , ses effectifs sont de 563 personnes dont 70 % de Français, 7 % d'Allemands et 5 % de Britanniques[69].
Chaque année, environ 1 500 chercheurs venus de quarante pays utilisent la source de neutrons de l'ILL, pour un total d'environ 800 expériences par an[70] - [71].
Organisation
Direction générale
Mandat | Nom | Pays d'origine | Note |
---|---|---|---|
1967-1972 | Heinz Maier-Leibnitz et Bernard Jacrot[72] | Allemagne de l'Ouest, France | mandat jusqu'en 1973 pour Bernard Jacrot |
1972-1975 | Rudolf Mössbauer | Allemagne de l'Ouest | co-lauréat du prix Nobel de physique en 1961 |
1975-1980 | John White (en) | Royaume-Uni | |
1980-1982 | Tasso Springer[73] | Allemagne de l'Ouest | |
1982-1985 | Brian Fender§ 22_84-0">[74] | Royaume-Uni | |
1986-1989 | Wolfgang GlÀser (de) | Allemagne de l'Ouest | |
1989-1991 | Peter Day (en)[75] | Royaume-Uni | |
1991-1994 | Jean Charvolin[76] | France | |
1994-1997 | Reinhard Scherm (de) | Allemagne | |
1998-2001 | Dirk Dubbers (en)[77] | Allemagne | |
2001-2006 | Colin Carlile[78] | Royaume-Uni | |
2006-2011 | Richard Wagner[79] | Allemagne | |
2011-2014 | Andrew Harrison[80] | Royaume-Uni | |
2014-2016 | William Stirling[81] | Royaume-Uni | directeur de l'ESRF de 2002 Ă 2008 |
2016-2021 | Helmut Schober[82] | Allemagne | |
2021-2026 | Paul Langan | Royaume-Uni |
Ătats membres
Les pays membres associĂ©s de l'ILL sont au nombre de trois : Royaume-Uni, Allemagne et France. Ensemble ils prennent les principales dĂ©cisions concernant la vie de l'ILL. Onze autres pays sont partenaires scientifiques, avec des contributions plus modestes mais qui donnent un accĂšs privilĂ©giĂ© Ă leurs scientifiques[83]. La Russie a Ă©tĂ© membre associĂ©e Ă partir de 1996, avant de se retirer[84]. L'Inde y est Ă©galement entrĂ© en 2011 puis s'est retirĂ© en 2016. Le dernier pays a y ĂȘtre entrĂ© est la SlovĂ©nie en aoĂ»t 2020[85].
Les Ătats membres associĂ©s et leur contribution financiĂšre entre parenthĂšses sont[86] :
- France (25 %)
- Allemagne (25 %)
- Royaume-Uni (25 %)
Ils sont rejoints par des associés scientifiques qui se répartissent 25 % de la contribution :
Malgré le Brexit le Royaume-Uni souhaite poursuivre sa collaboration avec les centres de recherche comme l'institut Laue-Langevin [87]. En septembre 2021, un protocole d'accord est signé par les trois pays membres associés pour financer l'institut jusqu'en 2033[88].
AccĂšs
L'accĂšs de l'ILL et du campus EPN se situe au 71 avenue des Martyrs. En transports en commun, l'institut est desservi par le terminus de la ligne B du tramway, ainsi que par les lignes de bus C6, 22 et 54.
Notes et références
- « Paul Langan est directeur de l'ILL depuis le 1er octobre 2021. », sur ill.eu, (consulté le ).
- (en) « The European Spallation Source and Institut Laue-Langevin Explore Future Collaboration », European Spallation Source, .
- § 26-3" class="mw-reference-text">Jacrot 2010, § 26.
- Grenoble-resistance.fr, Charnier du polygone.
- Jordan Hervy, « Anniversaire de l'ILL : 50 ans de neutrons à Grenoble », sur echosciences-grenoble.fr, .
- « Dates clés », sur ill.eu (version du 17 avril 2016 sur Internet Archive).
- ipousteguy.com, RepĂšres biographiques.
- Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, no 3638, , p. 3.
- « ARILL - Association des retraitĂ©s de l'Institut Laue-Langevin : Le changement du bloc pile du rĂ©acteur de lâILL (1991-1994) », sur www.arill.fr (consultĂ© le )
- A. Freund, R. Pynn, W. G. Stirling et C. M. E. Zeyen, « Vertically focussing Heusler alloy monochromators for polarised Neutrons », Physica B+C, vol. 120,â , p. 86â90 (DOI 10.1016/0378-4363(83)90345-5, lire en ligne, consultĂ© le )
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Articles dans des revues à comité de lecture :
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Annexes
Bibliographie
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- Bernard Jacrot, « Une coopĂ©ration rĂ©ussie ? : L'Institut Laue-Langevin », La Revue pour l'histoire du CNRS, no 25,â (DOI 10.4000/histoire-cnrs.9244, lire en ligne).
Liens externes
- Site officiel
- Ressources relatives aux organisations :
- Ressource relative Ă la recherche :
- Documentaire de 1973 sur l'ILL par la chaine de télévision allemande ZDF
- Neutronsources.org
- Science and Innovation with Neutrons in Europe in 2020 (SINE2020) - projet Européen coordonné par ILL