Guerres byzantino-bulgares
Sous le nom de guerres byzantino-bulgares on regroupe les conflits qui opposĂšrent lâEmpire byzantin aux peuplades proto-bulgares dĂšs lâinstallation de celles-ci dans la pĂ©ninsule des Balkans au VIIe siĂšcle et se continuĂšrent jusquâĂ la conquĂȘte de la Bulgarie par les Turcs ottomans en 1396.
Date | 680 â 1355 (675 ans) |
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Lieu | PĂ©ninsule balkanique |
Issue |
Impasse
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Khanat bulgare du Danube Premier Empire bulgare Second Empire bulgare | Empire romain d'Orient |
Guerres byzantino-bulgares
Batailles
ArrivĂ©s dans le nord-est de la Bulgarie dâaujourdâhui dans les annĂ©es 670, les Proto-Bulgares progressĂšrent vers le sud-ouest en conquĂ©rant des territoires appartenant Ă diverses tribus slaves et Ă©tablissant leur capitale Ă Pliska. Les affrontements commencĂšrent lorsque ces Proto-Bulgares franchirent le Danube pour pĂ©nĂ©trer dans lâEmpire byzantin. Constantin IV tenta de sâopposer Ă leur intrusion mais fut dĂ©fait et dut, en 681, reconnaitre lâĂtat bulgare. Byzantins et Bulgares continuĂšrent Ă sâaffronter au cours du siĂšcle suivant jusquâĂ ce que les Bulgares conduits par Krum infligent une sĂ©rie de cuisantes dĂ©faites aux Byzantins. AprĂšs la mort de Krum en 814, son fils Omourtag nĂ©gocia une paix durable. Mais en 893, lâempereur bulgare SimĂ©on Ier, qui espĂ©rait Ă©galer Byzance en puissance, rĂ©ussit Ă vaincre les Byzantins, sans toutefois parvenir Ă rĂ©aliser son rĂȘve de sây substituer.
En 971, lâempereur byzantin Jean Ier TzimiskĂšs, profitant du fait que la Bulgarie Ă©tait en guerre avec les Russes, les PetchenĂšgues, les Magyars et les Croates, rĂ©ussit Ă sâemparer dâune grande partie du territoire et, aprĂšs avoir vaincu Boris II, sâempara de sa capitale. Ă la suite de la bataille de Kleidion en 1014, les Byzantins sous Basile II conquirent lâensemble du territoire. Des rĂ©bellions sporadiques eurent lieu en 1040 et 1041 ainsi que dans les annĂ©es 1080, sans succĂšs. Toutefois en 1185 les frĂšres ThĂ©odore (Pierre) et Ivan Assen[N 1] prirent la tĂȘte dâun mouvement contre lâEmpire byzantin alors en proie Ă des troubles dynastiques internes.
AprĂšs la chute de Constantinople aux mains des croisĂ©s en 1204, lâempereur bulgare Kaloyan tenta dâĂ©tablir des relations amicales avec les vainqueurs, mais le nouvel Empire latin rejeta ses offres dâalliance. Déçu par ce rejet, Kaloyan se tourna alors vers lâEmpire de NicĂ©e, lâun des Ătats successeurs de Byzance. MĂȘme si son neveu, Boril, fit alliance avec les Latins, les successeurs de celui-ci se rangĂšrent du cĂŽtĂ© de NicĂ©e en dĂ©pit dâattaques sporadiques de la part de cet empire qui tentait de reprendre les territoires europĂ©ens perdus. AprĂšs la reconquĂȘte de Constantinople en 1261, les Byzantins tirant avantage de la guerre civile qui rĂ©gnait en Bulgarie sâemparĂšrent dâune portion de la Thrace, mais lâempereur bulgare ThĂ©odore Svetoslav reprit les territoires perdus. Les relations entre les deux Ătats continuĂšrent Ă fluctuer jusquâĂ ce que les Turcs ottomans sâemparent de la capitale bulgare en 1396 et de Constantinople en 1453.
Khanat bulgare du Danube
Asparoukh
Les premiers affrontements entre Proto-Bulgares et Byzantins eurent lieu lorsque le troisiĂšme fils du Khan Koubrat, Asparoukh ( ? â 701), aprĂšs avoir franchi le Dniepr, lança entre 671 et 680 une sĂ©rie de raids sur les territoires au sud du Danube, soit la MĂ©sie peuplĂ©e de tribus slaves et la Thrace sous contrĂŽle byzantin, Ă©tablissant leur capitale Ă Pliska (prĂšs de lâactuel village dâAboba, Bulgarie). Lâun de ces raids se termina en 679 par la bataille dâAndrinople (Odrin en bulgare, Ădirne aujourdâhui) oĂč lâarmĂ©e byzantine fut dĂ©faite. LâannĂ©e suivante, lâempereur Constantin IV (r. -) mena une opĂ©ration terrestre et maritime contre les envahisseurs avant dâassiĂ©ger leur camp fortifiĂ© dâOngala. Mais prĂ©textant sa mauvaise santĂ©, Constantin dut quitter son armĂ©e, laquelle prise de panique fut vaincue par les Proto-Bulgares Ă Messembria (Nesseba en Bulgarie). Constantin fut forcĂ© de reconnaitre lâexistence de lâĂtat bulgare en 681 et, semble-t-il, de payer tribut pour Ă©viter de nouvelles incursions en Thrace. Vainement du reste puisque huit ans plus tard Asparoukh menait une campagne victorieuse contre la Thrace byzantine[1] - [2] - [3] - [4].
Tervel
Le khan Tervel (r. de 701 Ă 718 ou de 700 Ă 721 selon les sources) apparait pour la premiĂšre fois dans les textes byzantins en 704 lorsque lâempereur dĂ©posĂ© Justinien II se rĂ©fugia chez lui et sollicita son aide pour reconquĂ©rir son trĂŽne. Tervel accepta en Ă©change dâun pacte dâamitiĂ©, de cadeaux et dâune promesse de mariage avec sa fille. Avec une armĂ©e de 15 000 hommes, Justinien se dirigea vers Constantinople oĂč il rĂ©ussit Ă entrer en 705. Revenu sur le trĂŽne, lâempereur fit exĂ©cuter ceux qui lâavaient remplacĂ©, les empereurs Leontios et TibĂšre II, de mĂȘme que de nombreux adversaires, inaugurant ainsi un rĂ©gime de terreur. Il fit don Ă Tervel de nombreux prĂ©sents, lui accorda le titre de CĂ©sar, ce qui faisait de lui le deuxiĂšme personnage de lâempire et le premier chef dâĂtat Ă©tranger Ă recevoir un tel titre dans lâhistoire de Byzance, ainsi que possiblement des concessions territoriales dans une rĂ©gion du nord de la Thrace appelĂ©e Zagora. On ignore toutefois si la fille de Justinien, Anastasia, fut effectivement donnĂ©e en mariage Ă Tervel[5] - [6] - [7] - [8].
Mais Ă peine trois ans plus tard, Justinien II lui-mĂȘme brisa leur accord et se lança apparemment dans une opĂ©ration militaire visant Ă rĂ©cupĂ©rer le territoire cĂ©dĂ©. Tervel le dĂ©fit Ă la bataille dâAnchialos (prĂšs de lâactuelle ville cĂŽtiĂšre de PomoriĂ© en Bulgarie) en 708. Devant faire face Ă une dangereuse rĂ©bellion en Asie mineure, Justinien dut Ă nouveau se retourner vers Tervel en 711, mais cette fois Tervel ne lui accorda quâune modeste troupe de 3 000 hommes. AidĂ© par les Khazars, le gĂ©nĂ©ral Philippe parvint Ă sâemparer de Constantinople et Ă capturer Justinien quâil fit exĂ©cuter alors que ses alliĂ©s bulgares recevaient la permission de rentrer chez eux. Profitant de la confusion rĂ©gnant Ă Constantinople, Tervel envahit la Thrace en 712 et la ravagea sâavançant pratiquement jusquâaux portes de Constantinople[5] - [9] - [10].
Constantin V
AprĂšs la mort de Tervel, il semblerait que les relations entre les deux nations aient Ă©tĂ© paisibles, les textes byzantins ne faisant Ă©tat dâaucune invasion pendant le rĂšgne du khan Sevar (725-739 ?). Toutefois Ă la mort de celui-ci qui marquait lâextinction de la dynastie Dulo, une longue pĂ©riode de troubles sâabattit sur la Bulgarie, permettant aux Byzantins de consolider leurs positions. AprĂšs avoir installĂ© aux frontiĂšres de la Bulgarie les prisonniers faits lors de ses campagnes en ArmĂ©nie et en MĂ©sopotamie en 752, le nouvel empereur Constantin V (r. 741-775) conduisit entre 756 et 775 pas moins de neuf campagnes visant Ă Ă©tablir le Danube comme frontiĂšre entre les deux pays. Les frĂ©quents changements de monarques (pas moins de huit khans se partagĂšrent le trĂŽne en vingt ans) et les crises politiques constantes conduisirent la Bulgarie au bord de lâanĂ©antissement[11] - [12].
Au cours de sa premiĂšre campagne en 756, Constantin V parvint Ă dĂ©faire les Bulgares Ă deux reprises, mais en 759, Vinekh (r. 754-762 ?), alors khan des Bulgares, infligea une sĂ©vĂšre dĂ©faite aux Byzantins lors de la bataille du col de Rishki. Vinekh tenta alors de conclure une trĂȘve avec les Byzantins, mais fut assassinĂ© par les nobles bulgares. Son successeur, Teletz (r. 762-765 ?), fut dĂ©fait Ă la deuxiĂšme bataille dâAnchialos en 763. Les campagnes suivantes ne permirent pas aux deux belligĂ©rants de faire des avancĂ©es significatives, les Byzantins ne pouvant traverser les montagnes des Balkans et leur flotte ayant Ă©tĂ© anĂ©antie Ă deux reprises lors de violentes tempĂȘtes (2 600 navires furent perdus lors dâune seule de ces tempĂȘtes en 765). En 774, Constantin V put dĂ©faire des forces bulgares infĂ©rieures en nombre Ă Berzitia, mais ce devait ĂȘtre sa derniĂšre victoire. MenacĂ© dans son pays, le nouveau khan Telerig (r. 768-777) envoya des Ă©missaires Ă Constantin V indiquant son dĂ©sir de quitter la Bulgarie et de trouver refuge Ă Constantinople. Il parvint Ă inciter Constantin V Ă trahir ses propres espions prĂ©sents Ă Pliska qui furent arrĂȘtĂ©s et exĂ©cutĂ©s. La mort de Constantin en 775 empĂȘcha les nĂ©gociations dâaller plus loin[11] - [13] - [14] - [15].
Représailles manquées de Constantin VI
Le jeune empereur, Constantin VI (r. 780-797), parvint Ă se dĂ©barrasser de la tutelle de sa mĂšre, IrĂšne, en 790. Il se lança presque immĂ©diatement dans une politique de reprĂ©sailles contre les Bulgares qui avaient envahi la vallĂ©e du Strouma en 789. Toutefois le khan Kardam (777 â entre 796 et 803) parvint Ă repousser les Byzantins dâabord prĂšs dâAndrinople (aujourdâhui Ădirne en Turquie) en Thrace, puis Ă la bataille de Marcellae. Se fiant Ă de fausses rumeurs, Constantin ordonna lâattaque, mais fut bientĂŽt dĂ©fait, Kardam sâemparant de la tente impĂ©riale et des serviteurs de lâempereur. AprĂšs son retour Ă Constantinople, celui-ci dut signer un traitĂ© de paix et sâengager Ă payer un tribut annuel aux Bulgares [16] - [17].
En 796, le gouvernement impĂ©rial ignora le tribut et Kardam crut nĂ©cessaire de menacer la Thrace si les promesses nâĂ©taient pas remplies. Selon ThĂ©ophane le Confesseur, Constantin VI tourna lâexigence en ridicule, envoyant au khan bulgare des excrĂ©ments les qualifiant de « tribut adĂ©quat » et menaçant celui-ci dâenvoyer une nouvelle armĂ©e Ă Marcellae. LâarmĂ©e impĂ©riale se mit Ă nouveau en route vers le nord, et, une fois de plus, fit face aux troupes de Kardam prĂšs dâAndrinople. Les armĂ©es se firent face pendant 17 jours sans que le combat sâengage, les deux souverains ayant entrepris des nĂ©gociations. Finalement, le conflit fut Ă©vitĂ© et la paix fut conclue aux mĂȘmes conditions quâen 792[16].
Krum
Le nouveau khan de Bulgarie, Krum (r. entre 796 et 803 â 814), entreprit dâagrandir son empire et dây faire rĂ©gner lâordre en y Ă©tablissant les rudiments dâun systĂšme Ă©tatique. Il sâengagea rapidement dans une sĂ©rie dâincursions dans les Balkans, envahissant la vallĂ©e du Strouma en 807 oĂč il dĂ©fit lâarmĂ©e byzantine et capturant les sommes considĂ©rables destinĂ©es Ă payer la solde des soldats. Deux ans plus tard, il assiĂ©gea Serdica (aujourdâhui Sofia) quâil força Ă capituler, exĂ©cutant lâensemble de la garnison en dĂ©pit de sa promesse de sauf-conduit. Ceci conduisit lâempereur NicĂ©phore Ier (r. 802-811) Ă transfĂ©rer des populations dâAnatolie pour les disposer le long de la frontiĂšre et de tenter de reprendre Ă©ventuellement Serdica, tentative qui devait sâavĂ©rer finalement vaine[18] - [19].
Conflits avec Nicéphore Ier
Au dĂ©but de 811, NicĂ©phore Ier (r. 802-811) lança une expĂ©dition massive contre la Bulgarie, avançant jusquâĂ Marcellae (prĂšs de lâactuelle Karnobat en Bulgarie). LĂ , Krum tenta de parlementer le , mais NicĂ©phore Ă©tait maintenant dĂ©terminĂ© Ă poursuivre son avance. Son armĂ©e parvint Ă Ă©viter les embuscades tendues dans les passes des montagnes des Balkans et dĂ©fit une armĂ©e de 12 000 hommes qui tentait dâempĂȘcher leur avancĂ©e en MĂ©sie. Une autre armĂ©e de 50 000 hommes, assemblĂ©e Ă la hĂąte, fut Ă©galement dĂ©faite devant les murs de la capitale bulgare de Pleska qui tomba aux mains de lâempereur le [20]. LĂ , NicĂ©phore sâappropria les trĂ©sors amassĂ©s par Krum, incendia la ville et engagea son armĂ©e Ă massacrer la population. Une nouvelle tentative diplomatique de Krum fut repoussĂ©e[21] - [16] - [19].
Cependant, son armĂ©e devenant de plus en plus indisciplinĂ©e, NicĂ©phore se rĂ©solut Ă retraiter vers la Thrace. Pendant ce temps, Krum tenta de mobiliser tous les sujets disponibles, y compris les femmes, pour mettre en place des embuches dans les cols de montagnes et surprendre lâarmĂ©e byzantine sur le chemin du retour. Au lever du jour, le , les Byzantins se retrouvĂšrent coincĂ©s entre un fossĂ© et un mur de bois dans le col de Varbica. NicĂ©phore fut tuĂ© dans la bataille qui sâensuivit de mĂȘme quâune bonne partie de ses troupes. Son fils, Staurakios fut conduit en suretĂ© par la garde impĂ©riale aprĂšs avoir reçu une blessure au cou qui le laissa paralysĂ©. Si on en croit la tradition, Krum fit alors sertir le crĂąne de lâempereur dans de lâargent et sâen servit comme dâun gobelet Ă boire. Ce trait lui valut une rĂ©putation de brutalitĂ© et le surnom de « nouveau SennachĂ©rib » [22] - ž[13] - [23] - [24].
Conflits avec Michel Ier Rhangabé
Staurakios dut abdiquer aprĂšs un court rĂšgne et devait mourir des consĂ©quences de sa blessure lâannĂ©e suivante. Son successeur fut son beau-frĂšre, Michel Ier RhangabĂ© (r. 811-813). La mĂȘme annĂ©e, soit 812, Krum envahit la Thrace byzantine, sâemparant de Develt (prĂšs de Sredets en Bulgarie) et forçant la population des forteresses voisines Ă sâenfuir vers Constantinople. En position de force, il offrit de revenir au traitĂ© de paix de 776. Peu dĂ©sireux de nĂ©gocier en position de faiblesse au dĂ©but de son rĂšgne, le nouvel empereur refusa cette proposition, prenant prĂ©texte de la clause sur lâĂ©change des dĂ©serteurs. Pour mettre plus de pression sur lâempereur, Krum assiĂ©gea et captura Messembria Ă lâautomne 812[25] - [26] - [27].
En , les Bulgares envahirent Ă nouveau la Thrace; lâempereur byzantin envoya une armĂ©e qui eut dâabord le dessus. EncouragĂ© par ce succĂšs, Michel Ier rĂ©quisitionna des troupes de partout dans lâempire et se dirigea vers le nord, espĂ©rant remporter une victoire dĂ©cisive. Krum pour sa part se dirigea vers le sud en direction dâAndrinople et Ă©tablit son camp prĂšs dâAndrinople oĂč les deux armĂ©es se firent face, sans toutefois engager de combat pendant deux semaines. Finalement, le , lors de la bataille de Versinikia, les Byzantins attaquĂšrent mais furent immĂ©diatement mis en dĂ©route. Poursuivi par la cavalerie de Krum, la dĂ©route de Michel Ier fut complĂšte et Krum put sâavancer vers Constantinople devant laquelle il mit le siĂšge. DiscrĂ©ditĂ©, Michel fut forcĂ© dâabdiquer et de se retirer dans un monastĂšre, le troisiĂšme empereur byzantin Ă ĂȘtre ainsi vaincu par Krum en autant dâannĂ©es; il fut remplacĂ© par lâun de ses gĂ©nĂ©raux qui devint LĂ©on V lâArmĂ©nien (r. 813-820)[28] - [29] - [30].
Conflits avec LĂ©on V lâArmĂ©nien
LĂ©on V (r. 813-820) entreprit immĂ©diatement des nĂ©gociations avec Krum. Une rencontre fut organisĂ©e mais Ă peine arrivĂ©, Krum fut attaquĂ© par des archers byzantins et blessĂ© alors quâil tentait de sâĂ©chapper. Furieux, il ravagea les environs de Constantinople avant de retourner en Bulgarie, capturant Andrinople au passage dont il transporta la population de lâautre cĂŽtĂ© du Danube. En dĂ©pit de lâhiver qui approchait, Krum profita de la tempĂ©rature clĂ©mente pour envoyer une force de 30 000 hommes en Thrace oĂč il sâempara dâArkadioupolis (aujourdâhui LĂŒleburgaz en Turquie) faisant quelque 50 000 prisonniers. Le butin amassĂ© en Thrace enrichit considĂ©rablement Krum et les Ă©lĂ©ments dâarchitecture quâil rapporta servirent Ă la reconstruction de Pliska, probablement en grande partie grĂące Ă des artisans byzantins faits prisonniers[31] - [32].
Il devait profiter de lâhiver qui sâapprochait pour prĂ©parer une attaque massive contre Constantinople. Il mourut toutefois avant dâavoir pu mettre son projet Ă exĂ©cution le et son fils, Omurtag lui succĂ©da[33].
TraitĂ© de paix dâOmurtag
Omurtag (r. 814-831) tenta de continuer la politique dâexpansion de son pĂšre, mais une nouvelle campagne en Thrace fut arrĂȘtĂ©e par lâarmĂ©e byzantine. Les Bulgares avaient rĂ©ussi Ă sâavancer jusquâĂ Bulgarophygon (aujourdâhui Babaeski en Turquie) mais ils y furent dĂ©faits par lâempereur LĂ©on V. Omurtag ne dut son salut quâĂ la rapiditĂ© de son cheval. Sans porter un coup dĂ©cisif aux Bulgares, cette dĂ©faite sâajoutait Ă dâautres facteurs forçant Omurtag Ă la prudence : danger dâune alliance entre les empires byzantin et franc contre la Bulgarie, nĂ©cessitĂ© de consolider son emprise sur les territoires nouvellement conquis et nouvelles rĂ©bellions des tribus des steppes. En 815, un traitĂ© de paix de trente ans scellait la frontiĂšre entre les deux Ătats en Thrace (le « grand mur » entre Develt et Makrolivada passant entre Andrinople et Philippopolis), rĂ©glait le problĂšme des Slaves demeurĂ©s Ă Byzance et prĂ©voyait un Ă©change de prisonniers de guerre[34] - [35]. Le traitĂ© devait ĂȘtre respectĂ© par les deux parties et fut renouvelĂ© lors de lâaccession au trĂŽne du nouvel empereur byzantin Michel II (r. 842-867). Pendant cette pĂ©riode les Bulgares ne devaient franchir que deux fois la frontiĂšre. En 821, le gĂ©nĂ©ral Thomas le Slave, rĂ©clamant pour lui-mĂȘme le trĂŽne dont Michel sâĂ©tait emparĂ© aprĂšs le meurtre de LĂ©on V, organisa une impressionnante rĂ©bellion qui força lâempereur Ă demander lâaide lâOmurtag. Celui-ci envoya une armĂ©e qui parvint Ă dĂ©faire les rebelles lors de la bataille de Kedouktos Ă lâhiver 822 ou au printemps 823[36]. La deuxiĂšme se produisit en 836/837. AprĂšs avoir succĂ©dĂ© Ă son pĂšre, lâempereur ThĂ©ophile (r. 829-842) se hĂąta de ravager des rĂ©gions Ă lâintĂ©rieur de lâEmpire bulgare. Les Bulgares ripostĂšrent et, sous la direction dâIsbul, premier ministre de Malamir (r. 831-836) qui avait succĂ©dĂ© Ă Omurtag, rĂ©ussirent Ă se rendre jusquâĂ Andrinople. Ă la mĂȘme Ă©poque, sinon un peu plus tĂŽt, ils sâĂ©taient dĂ©jĂ rendus maitres de Philippopolis (aujourdâhui Plovdiv en Bulgarie) et de ses environs. La guerre prit fin toutefois lorsque des Slaves dans les environs de Thessalonique se rebellĂšrent contre lâEmpire byzantin en 837[37] - [38].
ThĂ©ophile sâadressa alors aux Bulgares pour tenter de mettre fin Ă la rĂ©bellion. En mĂȘme temps toutefois, il envoyait sa flotte dans le delta du Danube pour tenter dâĂ©vacuer une partie de la population qui y avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e par Krum et Omurtag. En reprĂ©sailles, Isbul ravagea les rĂ©gions cĂŽtiĂšres de Thrace et de MacĂ©doine, capturant la ville de Philippi. Cette campagne devait avoir comme rĂ©sultat lâĂ©tablissement de la souverainetĂ© bulgare sur les tribus slaves des Smoljani qui sâĂ©taient rebellĂ©s en 837.
Premier Empire bulgare
Boris Ier
En dĂ©pit de son habiletĂ© diplomatique, de ses talents de leader et du rĂŽle quâil joua dans la conversion de la Bulgarie au catholicisme, Boris Ier (r. 852-889) ne fut guĂšre un chef militaire particuliĂšrement habile, essuyant nombre de dĂ©faites aux mains des Francs, des Croates, des Serbes et des Byzantins.
Guerre de 852
En 852, Malamir mourut et Boris monta sur le trĂŽne. Presque immĂ©diatement, il se lança dans une courte campagne contre Byzance. Nous ne possĂ©dons aucune information sur cette guerre, mais il se peut quâil ait conquis certains territoires Ă lâintĂ©rieur de la MacĂ©doine[39].
Guerre de 855-856
Un nouveau conflit entre Byzance et la Bulgarie Ă©clata en 855. Cette fois ce fut lâEmpire byzantin qui chercha Ă reprendre le contrĂŽle de territoires perdus Ă lâintĂ©rieur de la Thrace, ainsi que les ports autour du golfe de Burgas sur la mer Noire. Les forces byzantines Ă©taient commandĂ©es par le jeune empereur Michel III (r. 842-867) et le CĂ©sar Bardas; elles purent reprendre Philippopolis (Plovdiv), Develtus (Zagora), Anchialos (PomoriĂ©) et Messembria (Nessebar) de mĂȘme que la rĂ©gion frontaliĂšre entre Sider et Develtus dans le nord de la Thrace[40] - [41]. Ă ce moment, Boris aux prises avec les Francs sous la conduite de Louis le Germanique et avec les Croates, ne put intervenir.
Conflits reliés à la conversion de Boris au christianisme
En 863, Boris pour des raisons probablement aussi bien politiques que religieuses dĂ©cida de se convertir au christianisme et envoya Ă cet effet une mission chez les Francs. Les Byzantins ne pouvaient accepter quâun voisin possiblement dangereux tombe de cette façon sous le contrĂŽle des Francs. AprĂšs avoir remportĂ© une Ă©clatante victoire sur les Arabes, les Byzantins jouissaient de leur pleine puissance militaire quâils dirigĂšrent contre la Bulgarie. Une flotte fut dĂ©pĂȘchĂ©e en mer Noire pendant quâune armĂ©e se disposait Ă envahir le pays par voie de terre. Le gros des troupes de Boris Ă©tant en campagne dans le nord-ouest en Moravie, Boris nâeut dâautre choix que de capituler immĂ©diatement. Il mit fin Ă lâalliance avec les Francs, permit au clergĂ© grec de venir Ă©vangĂ©liser la Bulgarie et lui-mĂȘme fut baptisĂ©, lâempereur Michel III lui servant de parrain. Ă la suite de quoi, il reprit le contrĂŽle de la rĂ©gion de Zagora [42] - [43] - [44].
Ambitions impériales de Siméon Ier
LâavĂšnement de SimĂ©on Ier (r. 893-927) devait marquer la fin de la pĂ©riode de paix qui suivit le baptĂȘme de Boris[45]. Ce furent les Byzantins qui dĂ©butĂšrent les hostilitĂ©s lorsque LĂ©on VI (r. 886-912), sous lâinfluence de sa femme ZoĂ© Zaoutzaina et de son pĂšre Stylianos ZaoutzĂšs, transfĂ©ra le marchĂ© pour les biens bulgares de Constantinople Ă Thessalonique oĂč les marchands bulgares furent soumis Ă de lourdes taxes. SimĂ©on se devait de rĂ©agir. Aussi, Ă lâautomne 894, il envahit lâEmpire byzantin par le nord, rencontrant peu dâopposition, les forces byzantines se trouvant alors dans lâest de lâAnatolie pour arrĂȘter des invasions arabes. InformĂ© de lâoffensive bulgare, LĂ©on envoya des troupes formĂ©es dâunitĂ©s stationnĂ©es dans la capitale pour contrer lâoffensive, mais celles-ci furent mises en dĂ©route quelque part dans le thĂšme de MacĂ©doine. Les Magyars rĂ©ussirent Ă battre les armĂ©es de SimĂ©on Ă deux reprises, mais en 896, elles furent vaincues Ă leur tour lors de la bataille du Buh mĂ©ridional (aujourd'hui en Ukraine). La guerre se termina la mĂȘme annĂ©e par une cuisante dĂ©faite byzantine prĂšs de Bulgarophygon en Thrace orientale. Le marchĂ© fut alors retournĂ© Ă Constantinople et les Byzantins durent payer un tribut annuel Ă la Bulgarie[46] - [47].
Au dĂ©but du Xe siĂšcle, les Arabes avaient achevĂ© la conquĂȘte de la Sicile et des pirates dĂ©vastaient les cĂŽtes de la mer ĂgĂ©e. En 904, ils sâemparĂšrent de Thessalonique. Leur but Ă©tant le pillage et non la conquĂȘte, ils se retirĂšrent immĂ©diatement; les armĂ©es de SimĂ©on firent alors leur apparition dans les parages et celui-ci ouvrit les nĂ©gociations avec Byzance. Contre la promesse de ne pas prendre Thessalonique, SymĂ©on put Ă©tendre ses frontiĂšres jusquâĂ Nea Philadelphia (NareĆĄ), quelque vingt-deux kilomĂštres au nord de Thessalonique. De plus, les Byzantins reconnurent son occupation de la plus grande partie de la MacĂ©doine prise par les Bulgares depuis le milieu du IXe siĂšcle, annexant les tribus slaves bulgaro-macĂ©doniennes Ă lâouest de leur empire[48] - [49].
La mort de LĂ©on VI le donna lieu Ă une rĂ©volution de palais Ă Constantinople. Son successeur, Constantin VII (r. 913-959), Ă©tait un fils quâil avait eu de sa quatriĂšme Ă©pouse, Zoe Karbonopsina, mariage non reconnu par lâĂglise. Le frĂšre de LĂ©on VI, Alexandre, ambitionnait de saisir le trĂŽne. Lorsque ce dernier expulsa la mĂšre de Constantin du palais, SimĂ©on y vit prĂ©texte Ă rĂ©clamer la succession de lâempire pour lui-mĂȘme afin de remplacer Byzance comme principal puissance de la rĂ©gion et, possiblement, de former un nouvel empire byzantino-bulgare. Alexandre mourut le , laissant la direction de lâempire Ă un conseil de rĂ©gence ayant Ă sa tĂȘte le patriarche Nicolas Mystikos (dĂ©posĂ© pour avoir refusĂ© de reconnaitre le quatriĂšme mariage de LĂ©on VI) et en Ă©cartant de la rĂ©gence, contre tous les usages, ZoĂ©, la mĂšre de lâempereur. Ceci donna lâoccasion Ă SimĂ©on de se diriger Ă la tĂȘte de ses troupes vers Constantinople Ă la fin juillet ou en aout 913. Les nĂ©gociations qui sâensuivirent virent les Byzantins promettre de payer les arrĂ©rages des tributs dus aux Bulgares et la promesse que Constantin VII Ă©pouserait lâune des filles de SimĂ©on. Mais, peut-ĂȘtre plus important encore, le patriarche dut « couronner » SimĂ©on, le faisant empereur. La nature de ce couronnement soulĂšve plusieurs interrogations, le patriarche nâayant pas placĂ© sur la tĂȘte de SimĂ©on une couronne (stemma), mais plutĂŽt sa mitre Ă©piscopale (epirrhiptarion). Quoi quâil en soit, Ă partir de ce moment et jusquâĂ sa mort, SimĂ©on utilisera le titre dâ « Empereur des Bulgares et des Romains »[50] - [51] - [52] - [53].
SimĂ©on retourna alors en Bulgarie. Ă Constantinople, ZoĂ© parvint Ă retourner au palais et prit le contrĂŽle des affaires en . Elle renvoya le patriarche Nicolas du gouvernement, dĂ©savoua la reconnaissance du titre impĂ©rial de SimĂ©on et rejeta le plan visant Ă ce que son fils Ă©pouse une fille de SimĂ©on. En reprĂ©sailles, SimĂ©on envahit la Thrace Ă lâĂ©tĂ© 914 et captura Andrinople. En 917, une armĂ©e byzantine sous la conduite de LĂ©on Phocas, fils de NicĂ©phore Phocas, envahit la Bulgarie avec lâaide de la flotte byzantine sous le commandement de Romain LĂ©capĂšne qui se dirigea vers les ports de la mer Noire. En route vers Messembria oĂč elles devaient recevoir des renforts transportĂ©s par mer, les forces de LĂ©capĂšne sâarrĂȘtĂšrent prĂšs du port dâAnchialos. Lorsquâil eut vent de cette invasion, SimĂ©on se hĂąta dâaller au-devant des Byzantins quâil prit par surprise Ă partir des collines avoisinantes. La bataille d'Anchialos le 20 aout 917 fut lâune des plus importantes de lâhistoire mĂ©diĂ©vale : les Bulgares dĂ©firent complĂštement les Byzantins, tuant plusieurs gĂ©nĂ©raux; Phocas lui-mĂȘme parvint toutefois Ă sâĂ©chapper et Ă fuir Ă Messembria[54]. AprĂšs cette victoire, SimĂ©on sâallia aux leaders petchenĂšgues et entreprit une offensive de grande envergure contre les territoires byzantins dâEurope sâavançant jusquâaux portes de Constantinople et affrontant LĂ©on Phocas qui Ă©tait entretemps de retour prĂšs du village de Katasyrtai tout prĂšs de la capitale[55] - [56].
Le tsar bulgare mena Ă©galement une politique agressive Ă lâendroit des principautĂ©s serbes qui Ă©taient favorables Ă Byzance. Des troupes bulgares conduites par ThĂ©odore Sigritsa et Marmais envahirent le pays, dĂ©posant au passage des souverains locaux comme Petar GojnikoviÄ et Pavle BranoviÄ[57]. Pendant ce temps, en 919 Ă Constantinople, lâamiral Romain LecapĂšne avait remplacĂ© lâimpĂ©ratrice ZoĂ© en tant que rĂ©gent du jeune Constantin VII; il fit un pas de plus en prenant le titre de coempereur en , assumant ainsi la direction de fait de lâempire. Furieux, SimĂ©on, incapable de sâemparer du trĂŽne byzantin par des moyens diplomatiques se rĂ©solut Ă recourir aux armes pour imposer sa volontĂ©. Il augmenta la pression sur Byzance de 920 Ă 922 en menant Ă lâouest des raids en Thessalie, se rendant jusquâĂ lâisthme de Corinthe et Ă lâest en Thrace, et en sâavançant jusquâaux Dardanelles quâil traversa pour assiĂ©ger la ville de Lampsacus. En 921, les forces de SimĂ©on apparurent devant Constantinople et exigĂšrent la dĂ©position de LecapĂšne. En 922, victorieux Ă Pigae, ils ravagĂšrent la Corne dâOr et sâemparĂšrent de Bizye[58] - [59].
RĂ©alisant toutefois quâil ne pourrait sâemparer de Constantinople sans une flotte, SimĂ©on envoya une dĂ©lĂ©gation chez le souverain fatimide Ubayd Allah al-Mahdi Billah en Afrique du Nord, lequel possĂ©dait une puissante force maritime. Le Fatimide accepta de lâaider et envoya ses propres reprĂ©sentants avec les dĂ©lĂ©guĂ©s bulgares pour conclure une alliance. Cependant ceux-ci furent arrĂȘtĂ©s par les Byzantins Ă Calabria; ceux-ci envoyĂšrent leur propre dĂ©lĂ©gation en Ăgypte, offrant de gĂ©nĂ©reux cadeaux pour que les Fatimides renoncent Ă cette alliance, ce Ă quoi ces derniers agrĂ©Ăšrent[60] - [61].
En Serbie, Pavle BranoviÄ, alliĂ© des Byzantins, faisait la lutte Ă son cousin Zaharija PribislavljeviÄ pour le contrĂŽle du pays. Pavle Ă©tant alliĂ© des Byzantins, SimĂ©on enrĂŽla Zaharije et lâenvoya avec une petite armĂ©e pour lutter contre son cousin lui promettant le trĂŽne sâil rĂ©ussissait. Zaharije rĂ©ussit Ă dĂ©faire son cousin et Ă prendre le contrĂŽle du pays. Toutefois, ayant passĂ© de longues annĂ©es Ă Constantinople et se souvenant dâavoir Ă©tĂ© en captivitĂ© chez les Bulgares, il se tourna bientĂŽt du cĂŽtĂ© byzantin et se mit Ă inciter les diverses tribus slaves situĂ©es le long de la frontiĂšre avec la Bulgarie Ă se rebeller. AlertĂ©, SimĂ©on envoya une petite armĂ©e qui fut battue et la tĂȘte de plusieurs gĂ©nĂ©raux furent envoyĂ©es par Zaharije Ă Constantinople[62] - [57] - [63].
Ainsi dĂ©boutĂ© Ă la fois par les Fatimides et par les Serbes, SimĂ©on chercha Ă conclure une trĂȘve avec Romain LecapĂšne. Une rencontre fut organisĂ©e sur la Corne dâOr le ; un accord de paix fut discutĂ©, mais SimĂ©on quitta lâentrevue sans rien signer ou promettre quoi que ce soit[64].
En 926, les troupes bulgares envahirent la Croatie, alliĂ©e de Byzance, oĂč sâĂ©tait rĂ©fugiĂ© Zaharije PribislavljeviÄ aprĂšs que SimĂ©on ait envoyĂ© des troupes contre son ancien alliĂ© et prit possession de lâensemble du pays. Toutefois, son armĂ©e fut sĂ©vĂšrement battue par celle du roi Tomislav de Croatie (r. vers 910-928) Ă la bataille des hauteurs de Bosnie. Le pape intervint alors pour nĂ©gocier la paix entre les deux souverains. Quoique lâarmĂ©e envoyĂ©e par SimĂ©on en Croatie ait Ă©tĂ© complĂštement dĂ©truite, il lui restait suffisamment de forces pour envisager une nouvelle agression contre Constantinople [65] - [66] - [63].
Quatorze annĂ©es de guerre ne permirent pas Ă SimĂ©on de rĂ©aliser son objectif de conquĂ©rir le trĂŽne de Byzance. Et câest alors quâil prĂ©parait une nouvelle invasion quâil mourut dâune crise cardiaque Ă Preslav le [67] - [66] - [68].
Relations entre Pierre Ier et les Byzantins
Peu aprĂšs son accession, le nouveau tsar Pierre Ier (r. 927-969) reprit les armes contre Byzance en envahissant la Thrace. AprĂšs cette dĂ©monstration de force militaire, Pierre envoya une dĂ©lĂ©gation Ă Constantinople pour conclure la paix. Les frontiĂšres furent ainsi rĂ©tablies le long des tracĂ©s fixĂ©s par les prĂ©cĂ©dents traitĂ©s de 897 et 904. Les rĂ©centes conquĂȘtes de la Bulgarie en Thrace furent remises Ă Byzance qui, en retour, reconnut le contrĂŽle bulgare sur lâintĂ©rieur de la MacĂ©doine. Une alliance matrimoniale fut conclue en vertu de laquelle Pierre obtint comme Ă©pouse Maria LĂ©capĂšne, petite-fille de Romain Ier; Constantinople consentit Ă©galement le paiement dâun tribut annuel, la reconnaissance du titre dâempereur (tsar) de Pierre et lâautonomie de lâĂglise bulgare. Cette paix devait durer jusquâen 966[69] - [68] - [70].
Lorsque Maria LĂ©capĂšne mourut au milieu des annĂ©es 960, le nouvel empereur byzantin, NicĂ©phore II Phocas (r. 963-969) refusa de payer le tribut Ă la Bulgarie, prĂ©textant que les sommes versĂ©es jusque-lĂ nâĂ©taient quâune allocation de subsistance pour la princesse cessant Ă la mort de celle-ci. Pour montrer son sĂ©rieux, il fit une dĂ©monstration de force Ă la frontiĂšre entre les deux Ătats. Comme on lui dĂ©conseillait dâenvahir directement la Bulgarie, il envoya un Ă©missaire au prince Sviatoslav Igorevich de Kiev pour inciter cet Ătat Ă envahir la Bulgarie par le nord. Sviatoslav, ravi de cette proposition, lança une puissante armĂ©e contre la Bulgarie qui dĂ©fit les Bulgares sur le Danube, sâemparant de quelque quatre-vingt forteresses en 967. LâannĂ©e suivante, Pierre Ier envoya deux de ses fils nĂ©gocier un traitĂ© de paix Ă Constantinople et, semble-t-il, servir dâotages[71] - [72] - [73].
Invasion de Sviatoslav et conquĂȘte byzantine de la Bulgarie
Lâun des deux fils de Pierre envoyĂ© Ă Constantinople Ă©tait le futur empereur Boris II (r. 969-977). Lâaccord quâil avait mission de nĂ©gocier devait mettre fin au conflit entre Byzance et la Bulgarie qui pourraient dĂšs lors unir leurs forces contre le trop puissant Sviatoslav Ier (r. 962-972) de Kiev. LâannĂ©e suivante toutefois une nouvelle invasion kiĂ©vienne devait dĂ©faire les forces bulgares, Ă la suite de quoi Pierre Ier abdiqua et se retira dans un monastĂšre. Boris reçut alors dans des circonstances quelque peu mystĂ©rieuses la permission de retourner en Bulgarie pour prendre la place de son pĂšre[74] - [75].
Boris II se rĂ©vĂ©la toutefois incapable dâarrĂȘter la progression des forces kiĂ©viennes et se trouva bientĂŽt forcĂ© de faire alliance avec Kiev pour se tourner contre les Byzantins. Une nouvelle campagne kiĂ©vienne contre la Thrace fut toutefois arrĂȘtĂ©e par le nouvel empereur byzantin Jean Ier TzimiscĂšs (r. 969-976) Ă Arcadiopolis en 970, lequel en profita pour sâavancer dans le nord. Ne pouvant fermer les cols des Balkans, Sviatoslav laissa les Byzantins progresser en MĂ©sie oĂč ils mirent le siĂšge devant la capitale Preslav. MĂȘme si KĂ©viens et Bulgares joignirent leurs forces pour dĂ©fendre la ville, les Byzantins aprĂšs avoir mis le feu aux structures de bois et aux toits avec leurs missiles, sâemparĂšrent de lâendroit. Boris II fut fait prisonnier par Jean TzimiscĂšs qui continua Ă poursuivre les KiĂ©viens jusquâĂ Drastar (aujourdâhui Silistra en Bulgarie) en affirmant ĂȘtre lâalliĂ© et le protecteur de Boris quâil traita avec le plus grand respect. Toutefois, aprĂšs que Sviatoslav ait Ă©tĂ© forcĂ© de nĂ©gocier et soit retournĂ© chez lui, TzimiscĂšs fit de mĂȘme, amenant avec lui la famille royale bulgare prisonniĂšre de mĂȘme que le trĂ©sor de lâempire. Au cours dâune cĂ©rĂ©monie en 971 Ă Constantinople, on retira officiellement Ă Boris II ses insignes impĂ©riaux pour ne lui laisser que le titre byzantin de «magistros ». Les territoires bulgares de Thrace et de MĂ©sie infĂ©rieure devinrent partie intĂ©grante de lâEmpire byzantin et furent confiĂ©s Ă des gouverneurs nommĂ©s par Constantinople; le patriarcat bulgare fut aboli [76] - [77] - [78].
Le tsar Samuel et la conquĂȘte de la Bulgarie par Basile II
La cĂ©rĂ©monie de 971 avait comme but de rendre officielle la fin de lâEmpire bulgare; toutefois, les Byzantins sâavĂ©rĂšrent incapables dâexercer un contrĂŽle effectif sur les provinces occidentales de la Bulgarie. Celles-ci continuĂšrent Ă ĂȘtre dirigĂ©es par leurs propres gouverneurs au nombre desquels se trouvait une famille aristocratique Ă la tĂȘte de laquelle se trouvaient quatre frĂšres surnommĂ©s les « ComitopouloĂŻ » (littĂ©ralement : fils du comte), nommĂ©s David, MoĂŻse, Aaron et Samuel. ConsidĂ©rĂ©s comme des rebelles par le pouvoir de Constantinople, ces quatre frĂšres se considĂ©raient plutĂŽt comme un « conseil de rĂ©gence » en lâabsence de Boris[79] - [80] - [75].
Alors que les frĂšres commençaient Ă attaquer les territoires avoisinants sous la tutelle de Constantinople, les autoritĂ©s byzantines eurent recours Ă un stratagĂšme qui permit Ă Boris II et Ă son frĂšre Romain de « sâĂ©vader », espĂ©rant que leur apparition en Bulgarie crĂ©erait une scission entre les ComitopouloĂŻ et les autres leaders bulgares. Mais alors que les frĂšres entraient dans une rĂ©gion contrĂŽlĂ©e par les Bulgares en 977, Boris II fut pris pour un noble byzantin en raison de ses habits et tuĂ© par un garde frontalier. Romain parvint toutefois Ă faire reconnaitre son identitĂ© et fut reconnu comme lâempereur lĂ©gitime. Toutefois, ayant Ă©tĂ© castrĂ© par les Byzantins pour ne plus avoir dâenfants et ne pouvant de ce fait monter sur le trĂŽne. Il appartint donc au plus jeune des frĂšres, Samuel, de prendre la tĂȘte de la rĂ©sistance contre les Byzantins[81] - [75] - [82].
Lâempire de Samuel se distinguait de lâempire de SimĂ©on par un dĂ©placement de son centre de gravitĂ© vers le sud-ouest, la nouvelle capitale ayant Ă©tĂ© Ă©tablie Ă Ohrid (aujourdâhui en RĂ©p. de MacĂ©doine du Nord) qui devint aussi le siĂšge du patriarcat bulgare rĂ©tabli aprĂšs avoir Ă©tĂ© supprimĂ© par Jean TzimiscĂšs[83]. Ăventuellement, les Byzantins rĂ©ussirent Ă se soumettre lâensemble de la Bulgarie; Samuel nĂ©anmoins rĂ©sista Ă Basile II pendant des dĂ©cennies, parvenant Ă mettre en dĂ©route lâarmĂ©e de Basile lors de la bataille des Portes de Trajan en 986[84]. La victoire de Samuel incita le pape GrĂ©goire V Ă le reconnaitre comme « tsar » et il fut couronnĂ© Ă Rome en 997.
La guerre reprit sur une grande Ă©chelle en 1002. Cette fois, lâarmĂ©e de Basile Ă©tait plus puissante et ce dernier Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă conquĂ©rir la Bulgarie une fois pour toutes. Il dĂ©ploya son armĂ©e qui venait de rentrer victorieuse aprĂšs une campagne contre les Arabes en Orient et Samuel fut forcĂ© de se retirer Ă lâintĂ©rieur du pays tout en continuant une guerre de guĂ©rilla contre les Byzantins, espĂ©rant amener ceux-ci Ă nĂ©gocier. Pendant une douzaine dâannĂ©es il parvint ainsi Ă sauvegarder lâindĂ©pendance de la Bulgarie et Ă empĂȘcher Basile de sâemparer des principales villes du pays, y compris Ohrid, la capitale[85] - [86] - [87].
Le , Basile II rĂ©ussit Ă coincer la principale armĂ©e bulgare Ă Kleidion (de nos jours dans la province de Blagoevgrad en Bulgarie) et Ă engager la bataille alors que Samuel Ă©tait absent. Ce fut une victoire Ă©clatante pour Basile II, lequel selon la lĂ©gende aurait fait aveugler 14 000 prisonniers ne laissant quâun homme sur cent avec un seul Ćil pour guider le retour de ses camarades. Ă la vue de cette misĂ©rable colonne, le tsar Samuel sâaccusant lui-mĂȘme de la dĂ©faite, aurait eu une crise cardiaque dont il serait mort moins de trois mois plus tard, le . Câest Ă la suite de cette lĂ©gende que Basile II aurait reçu le surnom de Bulgaroctone ou « Tueur de Bulgares »[88] - [89] - [90].
Ivan Vladislav
Ce qui restait de lâempire de Samuel passa Ă son fils Gavril (Gabriel) Radomir. Les dĂ©faites se succĂ©dĂšrent alors que les Byzantins sâemparaient de nombreuses forteresses du pays. En 1015, Gavril Radomir fut assassinĂ© par son cousin Ivan (Jean) Valdislav (r. 1015-1018), fils dâAaron lâun des quatre frĂšres ComitopouloĂŻ. La situation du pays Ă©tant presque dĂ©sespĂ©rĂ©e aprĂšs deux dĂ©cennies de guerre avec lâEmpire byzantin, et afin de consolider sa position, Ivan Vladislav tenta de nĂ©gocier une trĂȘve avec Basile II. Les nĂ©gociations ayant Ă©chouĂ©, il poursuivit la rĂ©sistance tentant, mais en vain de repousser les Byzantins en renforçant son armĂ©e, en reconstruisant de nombreuses forteresses et en poussant les PetchenĂšgues Ă venir Ă son aide [91] - [92] - [93].
Les forces byzantines ayant pĂ©nĂ©trĂ© fort avant dans son empire en 1016, il tenta de rallier ses forces et de consolider son pouvoir sur la cĂŽte sud-est de lâAdriatique. Ă lâhiver 1018, il commença le siĂšge de Dyrrachium (aujourdâhui Durazzo en Albanie), mais fut tuĂ© pendant une contre-attaque des dĂ©fenseurs de la citĂ© devant les murs de la ville. Ce fut la derniĂšre des grandes batailles entre le premier empire bulgare et Byzance[91] - [94].
AprĂšs la mort dâIvan Vladislav, la majeure partie de la noblesse bulgare et de la cour, y compris son Ă©pouse Maria, se soumit Ă Basile II en Ă©change de garanties pour leurs propres vies, leurs statuts et leurs biens. Une partie de la noblesse fut transfĂ©rĂ©e en Anatolie oĂč elle reçut des terres en pronoia, des titres de noblesse et, souvent, des Ă©pouses byzantines. Une faction de la noblesse et de lâarmĂ©e toutefois se rallia au fils ainĂ© dâIvan Vladislav, Presian, et continua la lutte dans la rĂ©gion de Sirmium jusquâen 1019, aprĂšs quoi il fut amenĂ© captif Ă Constantinople oĂč il reçut le titre de magistros comme lâavait Ă©tĂ© Boris II [95] - [96].
Domination byzantine
Petar (Pierre) II Delyan
Les annĂ©es 1030 furent une dĂ©cennie de sĂ©cheresse et de mauvaises rĂ©coltes. De plus les successeurs byzantins de Basile II ne firent pas preuve de la mĂȘme souplesse dans lâadministration de la Bulgarie. Il en rĂ©sulta une rĂ©volte contre les Byzantins au cours de lâĂ©tĂ© 1040, conduite par Pierre Deljan qui se disait fils de Gavril Radomir et qui sâempara du pouvoir sous le nom de Petar II Delyan (r. 1040 â 1041)[97] - [98] - [99]. Celui-ci rĂ©ussit dâabord Ă sâemparer de NiĆĄ et de Skopje en sâalliant dâabord Ă un autre leader rĂ©volutionnaire, Tihomir, qui avait dirigĂ© la rĂ©bellion dans la rĂ©gion de Durazzo, puis en lâĂ©liminant. Il se dirigea alors vers Thessalonique oĂč se trouvait lâempereur 8 (r. 1034-1041). Michel sâenfuit laissant derriĂšre lui le trĂ©sor impĂ©rial qui aboutit bientĂŽt dans les mains de Petar[100] - [101] - [102].
Les succĂšs de Petar prirent fin lorsque son cousin, Alousianos, (petit-fils dâAaron ComitopouloĂŻ et dont le pĂšre Ivan Vladislav avait assassinĂ© le pĂšre de Petar, Gavril Radomir), se prĂ©sentant comme un dĂ©serteur de la cour byzantine oĂč il vivait en disgrĂące, il vint rencontrer Petar qui le reçut chaleureusement et lui confia une partie de son armĂ©e pour attaquer Thessalonique. Une sortie des assiĂ©gĂ©s le , jour de la fĂȘte du saint patron de la ville, saint DĂ©mĂ©trios, conduisit Ă la dĂ©faite de cette armĂ©e [100].
LâannĂ©e suivante, au cours dâun diner pendant lequel Petar sâenivra, Alousianos en profita pour lui couper le nez et lâaveugler avant de le livrer Ă Michel IV. Se rĂ©clamant du sang de Samuel, il fut proclamĂ© empereur par les troupes, mais il fit dĂ©fection et, alors que son armĂ©e se prĂ©parait Ă la bataille, il retourna Ă Constantinople. Bien quâaveugle, Petar prit le commandement de ses troupes mais fut dĂ©fait par les Byzantins Ă la bataille dâOstrovo et amenĂ© Ă Constantinople oĂč il fut possiblement exĂ©cutĂ©[100].
Petar III
En 1072, les nobles bulgares se rĂ©voltĂšrent Ă Skopje contre le gouvernement byzantin sous la direction de George Voitekh (Georgi Vojteh), un descendant de la premiĂšre famille noble de la cour bulgare qui incita le roi Michel de Zeta (DioclĂ©e) Ă prĂ©senter un de ses fils comme successeur de Petar II. Le septiĂšme fils de Michel, Constantin Bodin, fut ainsi choisi et couronnĂ© Ă Skopje sous le nom de Petar III[103] - [104] - [105]. Les troupes du nouvel empereur Petar III prirent NiĆĄ et Ohrid, mais subirent une dĂ©faite Ă©crasante Ă la bataille de Kastoria. La contre-attaque byzantine prit Skopje avec l'aide de George Voitekh, qui trahit d'abord Petar III, et ensuite tenta de trahir les Byzantins, mais en vain. Dans une autre bataille, Petar III fut capturĂ© par les Byzantins et envoyĂ© prisonnier Ă Constantinople. Il y demeura prisonnier de longues annĂ©es jusquâĂ ce, vers 1078, il soit dĂ©livrĂ© par des marins vĂ©nitiens ou que sa famille ait payĂ© une importante rançon. Il succĂ©da Ă son pĂšre, Michel Ier en 1081[106].
En dĂ©pit de son antĂ©rieure opposition Ă l'Empire byzantin, Constantin Bodin soutint dâabord les Byzantins contre l'attaque de Robert Guiscard et ses Normands Ă Durazzo en 1081, mais ensuite resta inactif, permettant aux Normands prendre la ville[107]. AprĂšs la mort de Robert Guiscard en 1085, Constantin Bodin dut faire face Ă l'hostilitĂ© de l'Empire byzantin, qui rĂ©cupĂ©ra Durazzo et, pour punir le roi de DioclĂ©e d'avoir pris le parti des Normands, lança une campagne entre 1089 et 1091 qui permit de faire captif Constantin Bodin une seconde fois[N 2]. Celui-ci mourut en 1101 ou en 1108[108].
Second empire bulgare
Fondation
Afin de lutter contre les Normands, lâempereur byzantin sâĂ©tait rendu en Bulgarie recruter des hommes et distribuant des fiefs (pronoia) Ă cet effet. Ă lâautomne, ayant levĂ© suffisamment de troupes, il parvint Ă chasser les Normands des Balkans. Câest alors que deux frĂšres dâorigine valaque, ThĂ©odore (qui devait devenir le futur Pierre IV) et Ivan (Jean) Assen, se prĂ©sentĂšrent devant lâempereur Isaac II Ange (1185 â 1195 et 1203 â 1204) Ă Kypsela pour rĂ©clamer Ă leur tour une pronoia dans la rĂ©gion des montagnes du Grand Balkan. Leur demande ayant Ă©tĂ© refusĂ©e avec morgue et Ivan frappĂ© durant lâesclandre par lâoncle de lâempereur, ceux-ci retournĂšrent dans la rĂ©gion de TÄrnovo oĂč la mauvaise administration et les impĂŽts extraordinaires levĂ©s pour financer la guerre contre Guillaume II de Sicile et pour cĂ©lĂ©brer le mariage de lâempereur avec Marguerite de Hongrie avaient conduit Ă de nombreuses rĂ©voltes en pays valaque. Bulgares et Valaques dĂ©cident donc de s'allier et de faire alliance avec les Coumans et le joupan serbe Ătienne Nemanja. Ne pouvant sâemparer de la capitale historique de Preslav, ils sâĂ©tablirent dans une nouvelle capitale, TÄrnovo qui devient le centre de la rĂ©volte alors que ThĂ©odore-Pierre revĂȘtait les insignes impĂ©riaux sous le nom de Pierre IV[109] - [110] - [111].
En peu de temps les insurgĂ©s prirent le contrĂŽle des rĂ©gions formant les actuelles Bulgarie, MacĂ©doine et Serbie orientale; seules la DobrogĂ©e et la cĂŽte de la Mer Noire demeuraient hors de leur portĂ©e. Ă partir de lâĂ©tĂ© 1186, Isaac II au cours de quatre campagnes dont deux quâil dirigea lui-mĂȘme infligea plusieurs dĂ©faites aux Valaques, les repoussant au nord du Danube. Ces victoires ne rĂ©ussirent pas Ă briser les rebelles et Isaac dut se rĂ©soudre Ă nĂ©gocier. Un accord fut signĂ© Ă Lovetch en 1186 qui reconnaissait de fait le Second Empire bulgare[112] - [113]. En 1189, Pierre IV proclama son frĂšre cadet Ivan Assen corĂ©gent, ne se rĂ©servant que le nord-est du pays avec Preslav comme centre; Ivan devenait ainsi le principal souverain[114] - [115].
Pendant cette pĂ©riode, Ătienne Nemanja, grand Ćœupan de Serbie sâempara dâune partie des territoires byzantins encore soumis au gouverneur de BraniÄevo en Bulgarie[116], Ă la suite de quoi Nemanja et Pierre IV conclurent un accord contre Byzance [117]. AprĂšs sâĂȘtre emparĂ© de la « rĂ©gion oĂč le Danube rencontre la mer » (lâactuelle Dobruja)[118], Pierre IV envoya un Ă©missaire Ă Barberousse pour proposer une alliance contre les Byzantins[119]. Isaac II fit de mĂȘme, mais Barberousse, dĂ©sireux dâaller directement en Terre Sainte, rejeta les deux offres[120] - [121] - [115].
Une fois passĂ©e la troisiĂšme croisade, Isaac II dĂ©cida de porter un grand coup contre les Bulgares et une puissante armĂ©e se dirigea vers la Bulgarie oĂč elle mit le siĂšge devant TÄrnovo oĂč rĂ©gnait maintenant Ivan Assen (r. 1189-1196). Celui-ci infligea une sĂ©vĂšre dĂ©faite aux Byzantins prĂšs dâArcadiopolis (aujourdâhui LĂŒleburgaz en Turquie Ă la frontiĂšre bulgare) qui fut anĂ©antie. Les Bulgares avaient alors la voie libre pour envahir la Thrace. JusquâĂ ce jour, la chaine du Grand Balkan avait constituĂ© la frontiĂšre entre les empires bulgare et byzantin. AprĂšs la victoire dâArcadiopolis, lâenjeu devenait le sud de la Thrace, la rĂ©gion des Rhodopes et la MacĂ©doine[122] - [123].
En 1195, Isaac II prĂ©parait une sixiĂšme invasion de la Bulgarie par le sud alors que la Bela de Hongrie ferait de mĂȘme par le nord[124]. Toutefois il fut renversĂ© par Alexis III Ange (r. 1195-1203) qui, pour faire oublier ce coup dâĂtat dĂ©pensa sans compter le trĂ©sor public, alors que lâempereur romain germanique Henri VI exigeait le versement dâun tribut de 5 000 livres (rĂ©duit par la suite Ă 1600). Les Bulgares profitĂšrent de la situation pour sâenfoncer dans les Rhodopes, parvenant jusquâaux abords de Thessalonique [125].
Lorsque lâempereur Ivan Ier Assen fut assassinĂ©, son successeur Kaloyan (surnom signifiant « le beau Jean » : en bulgare ĐĐČĐ°Đœ ĐĐ°Đ»ĐŸŃĐœ, en français Ivan Kaloyan) (r. 1197-1207) continua la politique hostile Ă l'Empire byzantin et obtint l'allĂ©geance d'Ivanko, lâassassin de Ivan Assen Ier, qui avait Ă©tĂ© rĂ©compensĂ© par les Byzantins par le poste de thĂ©marque de Philippopolis[126] - [127] - [128]. AprĂšs avoir obtenu du pape Innocent III la reconnaissance de son titre dâempereur, il força Alexis III Ă en faire autant aprĂšs sâĂȘtre emparĂ© de Konstanteia (Simeonovgrad en Bulgarie) en Thrace, de Varna en 1201 et de la plus grande partie de la MacĂ©doine slave en 1202. De plus, Alexis promit de reconnaĂźtre au mĂ©tropolite de TÄrnovo le titre de patriarche de l'Ăglise bulgare et valaque, chose Ă laquelle se refusait le pape[129].
QuatriĂšme croisade
En 1204, la QuatriĂšme croisade aboutit Ă la prise de Constantinople par les croisĂ©s et Ă la crĂ©ation de l'Empire latin de Constantinople. Baudouin de Hainaut en devint l'empereur, et dĂ©cida de conquĂ©rir les anciennes terres de l'Empire byzantin, y compris le Regnum Bulgarorum et Valachorum. Les hostilitĂ©s furent dĂ©clenchĂ©es lorsque lâaristocratie grecque de Thrace, se sentant menacĂ©e par les Latins, fit appel Ă Kaloyan. Le , l'armĂ©e bulgare surprit la cavalerie latine dans le nord d'Andrinople; l'empereur Baudouin fut capturĂ©, le comte Louis de Blois tuĂ©, et le doge de Venise Enrico Dandolo tenta de ramener les restes de lâarmĂ©e Ă Constantinople, mourant d'Ă©puisement durant cette retraite. Kaloyan en profita pour conquĂ©rir Serres et Philippopolis ainsi quâune grande partie des territoires latins de Thrace et de MacĂ©doine[130] - [131] - [132].
LâinimitĂ© entre Bulgares et Latins se perpĂ©tua, Kaloyan adoptant le surnom de RĂŽmaioktonos (« Tueurs de Romains ») rĂ©fĂ©rence dĂ©risoire au titre que Basile II sâĂ©tait lui-mĂȘme appropriĂ© de Boulgaroktonos. Kaloyan mourut devant les murs de Thessalonique en 1207 dans des circonstances mystĂ©rieuses.
Boril (r. 1207-1217), fils dâune sĆur des rois Asen, Pierre et Kaloyan, lui succĂ©da et Ă©pousa la femme de son prĂ©dĂ©cesseur elle aussi coumane. Mais son autoritĂ© fut dĂšs le dĂ©part contestĂ©e de toutes parts. LâhĂ©ritier lĂ©gitime, le prince Ivan (Jean) Assen (futur Ivan Assen II), et son frĂšre Alexandre se rĂ©fugiĂšrent dans la PrincipautĂ© de Galicie-Volhynie et commencĂšrent Ă intriguer contre lui, pendant que son cousin Alexis Slave dĂ©clarait son indĂ©pendance dans les Rhodopes et pendant quâun autre neveu de Kaloyan du nom de Strez faisait de mĂȘme dans la forteresse de ProsĂȘk sur le Vardar. Avec lâaide des Serbes, ce dernier Ă©tendit son territoire Ă travers la MacĂ©doine jusquâĂ Bitola (sud-ouest de la rĂ©publique de MacĂ©doine)[133].
Boril pour satisfaire ses boyards et ses auxiliaires coumans, reprit la politique de son prĂ©dĂ©cesseur contre lâEmpire latin de Constantinople et en envahit la Thrace. LâarmĂ©e bulgaro-valaque et les Coumans furent Ă©crasĂ©s le devant Philippopolis par le nouvel empereur Henri de Hainaut[134] - [135] - [136].
En 1209, Boril conclut un accord avec ThĂ©odore Laskaris, empereur Ă NicĂ©e, et Michel, despote dâĂpire, lequel sâĂ©tait dĂ©jĂ reconnu vassal dâHenri. Au dĂ©but de 1211, les troupes de NicĂ©e traversĂšrent en Europe et mirent le siĂšge devant Constantinople. Henri, qui Ă©tait Ă Thessalonique, se hĂąta de rentrer et dĂ©fendre sa capitale. Il persuada alors le sultan dâIconium dâattaquer NicĂ©e, forçant ainsi ThĂ©odore Ă lever le siĂšge de Constantinople. Aux prises avec les Bogomils Ă lâintĂ©rieur, Boril se rĂ©vĂ©la incapable de rĂ©ussir les deux objectifs quâil sâĂ©tait fixĂ©s Ă lâextĂ©rieur : regagner les territoires perdus en Thrace et prendre Thessalonique. Henri quant Ă lui avait tout avantage Ă Ă©loigner le pĂ©ril bulgare pour faire face Ă ses autres ennemis dont les Serbes. La papautĂ© servit alors dâintermĂ©diaire et un accord fut conclu en 1213, scellĂ© par une alliance matrimoniale qui vit la fille adoptive de Boril Ă©pouser Henri de Hainaut devenu veuf[137] - [138].
Pendant ce temps une rĂ©volte se dĂ©clara en Bulgarie Ă Vidin qui sâĂ©tendit bientĂŽt au nord-ouest de la Bulgarie. En 1217 le prĂ©tendant Ivan (Jean) Assen II revint en Bulgarie appuyĂ© par une armĂ©e russe et coumane. La capitale fut prise; capturĂ©, Boril fut aveuglĂ© et finit ses jours dans un monastĂšre pendant quâIvan (Jean) Assen II (r. 1218-1241) montait sur le trĂŽne [139] - [140]. Il lui fallut une douzaine dâannĂ©es pour reprendre le devant de la scĂšne qui, pendant le rĂšgne de Boril Ă©tait passĂ© au despotat dâĂpire[141].
Habile diplomate, Ivan Assen II pratiqua une politique dâalliance matrimoniale avec pratiquement tous ses voisins. AprĂšs avoir, en 1219/1221, conclut un mariage dynastique avec Anne-Marie, la fille du roi AndrĂ© II de Hongrie, ce qui lui permet de rĂ©cupĂ©rer le banat de Craiova, le knĂ©sat slavo-valaque de TrgoviĆĄte et les villes serbes de Belgrade et BraniÄevo, il voulut renforcer vers 1229/1230 ses liens avec l'empire latin d'Orient en projetant le mariage de sa fille HĂ©lĂšne avec l'empereur Baudouin II de Courtenay. AprĂšs avoir vaincu lâĂ©phĂ©mĂšre empereur de Thessalonique, ThĂ©odore Ier Ange Doukas ComnĂšne, lors de la bataille de Klokotnica, le , il se tourna vers lâempire de NicĂ©e et, en 1235, sa fille Helena Ă©pousa le futur ThĂ©odore II Laskaris, fils de lâempereur Jean III Doukas VatatzĂšs. Cette union coĂŻncidait avec la restauration du patriarcat bulgare avec le consentement du patriarche de Constantinople en exil ainsi quâavec le siĂšge de Constantinople par les forces alliĂ©es de Jean III et dâIvan Assen II. Par la suite toutefois, les Bulgares retirĂšrent leur aide lorsquâil devint Ă©vident que ni lâEmpire latin, ni lâEmpire de NicĂ©e aux prises lâun avec lâautre, nâavaient la force nĂ©cessaire pour attaquer la Bulgarie[142] - [143] - [144] - [145].
Restauration de lâEmpire byzantin et guerres civiles en Bulgarie
Peu aprĂšs avoir restaurĂ© lâEmpire byzantin, Michel VIII PalĂ©ologue (r. 1261-1282) sâimpliqua dans la guerre civile qui faisait rage en Bulgarie entre Ivan Assen III et IvaĂŻlo, garçon de ferme qui avait pris la tĂȘte dâune rĂ©volte dans le nord-est de la Bulgarie alors ravagĂ© par les Mongols et qui, Ă la tĂȘte dâune armĂ©e de paysans, sâĂ©tait emparĂ© de la capitale TÄrnovo durant le rĂšgne de Michel Assen II encore enfant[146]. Michel VIII PalĂ©ologue dĂ©cida de porter au trĂŽne un fils de lâĂ©phĂ©mĂšre tsar Mitzo (ou Mico â diminutif de Dimintri) Assen qui vivait en exil Ă Constantinople, Ă qui il donna sa fille aĂźnĂ©e IrĂšne comme Ă©pouse. AprĂšs avoir proclamĂ© son Ă©lĂ©vation au trĂŽne sous le nom dâIvan Assen III (r. 1279-1280), il envoya plusieurs armĂ©es pour le porter au pouvoir [147] - [148]. IvaĂŻlo dĂ©fit plusieurs de ces armĂ©es, mais fut assiĂ©gĂ© pendant trois mois dans DrÄstÄr (Silistra) par les Mongols alliĂ©s de Michel VIII. Pendant ce temps, une force byzantine assiĂ©geait la capitale bulgare TÄrnovo ; la noblesse locale, leurrĂ©e par une rumeur de la mort d'IvaĂŻlo, accepta de donner le titre d'empereur Ă Ivan Assen III. Pour renforcer sa position dans TÄrnovo, Ivan Asen III maria sa sĆur Marija (Kira Marija) au noble bulgaro-couman Georges Ier Terter (r. 1280-1292). MalgrĂ© cela, il fut incapable de s'imposer dans l'ensemble de l'empire. IvaĂŻlo rĂ©apparut devant les murs de la capitale et dĂ©fit deux tentatives byzantines pour secourir Ivan Assen III. DĂ©sespĂ©rĂ©s, lâempereur et son Ă©pouse IrĂšne PalĂ©ologue s'enfuirent secrĂštement Ă Constantinople[149] - [150].
Georges Terter Ier fut alors proclamĂ© empereur. Il adopta une politique anti-byzantine et soutint Charles dâAnjou dans son offensive contre lâempire byzantin[151]. AprĂšs que son alliĂ© ait dĂ» se retirer des Balkans et que lui-mĂȘme ait dĂ» cĂ©der le nord de la MacĂ©doine aux Serbes, il signa en 1284 un traitĂ© de paix avec Constantinople, ce qui permit le retour de son fils ThĂ©odore Svetoslav qui y Ă©tait retenu comme otage[152].
Guerre de Théodore Svetoslav contre Byzance
Au XIIIe siĂšcle tant lâEmpire byzantin que lâEmpire bulgare Ă©taient en dĂ©clin et durent Ă maintes reprises soit sâallier pour faire front commun contre des envahisseurs comme les Mongols ou les Turcs, soit sâallier Ă lâun de ceux-ci contre lâautre empire. AprĂšs avoir passĂ© plusieurs annĂ©es Ă Constantinople comme otage, ThĂ©odore Svetoslav (r. 1300-1322) fut envoyĂ© de la mĂȘme façon Ă la cour du khan mongol NogaĂŻ quâil accompagna dans sa conquĂȘte de la Bulgarie oĂč il se fit proclamer empereur, demeurant le vassal des Mongols[153].
Profitant du reflux des Mongols, ThĂ©odore Svetoslav Ă©tendit ensuite progressivement son pouvoir sur la Bessarabie jusquâĂ Kilia et aux rives du Dniestr. Il prit Ă©galement lâoffensive dans le nord de la Thrace, occupant les ports byzantins de la Mer Noire de Messembria (NesebÄr) et Anchialos (Pomorie) ainsi que Sozopolis (Sozopol) et Agathopolis (Ahtopol) en 1303. Les Byzantins contre-attaquĂšrent mais ils furent dĂ©faits Ă la bataille de Skafida en 1304 oĂč lâempereur Michel IX PalĂ©ologue (r. 1294-1320) dut prendre la fuite [154].
En 1306, ThĂ©odore Svetoslav prit Ă son service les mercenaires alains en rĂ©volte contre Byzance quâil Ă©tablit sur son territoire et tenta de faire de mĂȘme avec ceux de la Compagnie catalane Ă©galement en rĂ©volte contre leur employeur. LâannĂ©e suivante, il rĂ©ussit Ă faire la paix avec Byzance qui reconnut ses conquĂȘtes et en 1320 il Ă©pousa ThĂ©odora, une fille de lâempereur associĂ© Michel IX PalĂ©ologue. Il devait par la suite rester en paix avec ses voisins jusquâĂ sa mort en 1322[154] - [155].
Guerre de Georges II Terter et de Michel III Chichman contre Byzance
Ayant succĂ©dĂ© Ă son pĂšre en 1322, Georges II Terter (r. 1322-1323) devint presque immĂ©diatement impliquĂ© dans la guerre civile qui opposait Andronic II PalĂ©ologue (r. 1282-1328) Ă son petit-fils, Andronic III PalĂ©ologue (r. 1328-1381). Profitant de la situation, Georges Terter II envahit la Thrace byzantine et, nây rencontrant pratiquement aucune rĂ©sistance, sâempara de Philippopolis lâannĂ©e mĂȘme de sa proclamation. Au cours dâune nouvelle campagne, il sâempara de plusieurs forteresses dans la rĂ©gion dâAndrinople mais il fut finalement dĂ©fait par les troupes dâAndronic III, lequel prĂ©parait une invasion de la Bulgarie lorsquâil apprit la nouvelle de la mort du tsar bulgare, apparemment de causes naturelles[156].
Une certaine confusion rĂ©gna alors en Bulgarie oĂč Michel III Chichman[N 3] (r. 1323-1330) monta sur le trĂŽne. Ce fut au tour des Byzantins de profiter de la situation suscitant dâabord un nouveau prĂ©tendant, Voysil, frĂšre de lâancien empereur Smilets (r. 1292-1298) qui avait rĂ©gnĂ© entre Georges Ier Terter et Ivan II, et se barricada Ă KrÄn, contrĂŽlant les vallĂ©es entre les montagnes des Balkans et Sredna Gora. Ils envahirent ensuite le nord de la Thrace, sâemparant de plusieurs villes importantes (Yambol, Lardea, Ktenia, Rusokastro, Anchialus, Sozopol et Agatopol)[157]. Michel III descendit alors vers le sud pour combattre les Byzantins dont une armĂ©e assiĂ©geait Philippopolis (Plovdiv)[158].
Sâil put forcer Andronic Ă retraiter, il ne put empĂȘcher les Byzantins de sâemparer de Philippopolis. En dĂ©pit de cette perte, Michel III rĂ©ussit Ă expulser Voysil et reprit le contrĂŽle du nord et du nord-est de la Thrace en 1324. Un traitĂ© de paix fut finalement conclu, ratifiant le statu quo et scellĂ© par le mariage de Michel III avec Theodora Palaiologina, la sĆur dâAndronic III qui avait Ă©tĂ© lâĂ©pouse de ThĂ©odore Svetoslav[159] - [160].
Lors du dĂ©but de la guerre civile entre Andronic II PalĂ©ologue (r. 1282-1328) et son petit-fils Andronic III PalĂ©ologue (1328-1341) les souverains de Serbie et de Bulgarie se rangĂšrent chacun dans un camp. Michel III Chichman se lia avec son beau-frĂšre le jeune Andronic et en il signa avec lui un traitĂ© qui prĂ©voyait son soutien si celui-ci lâaidait contre les Serbes partisans dâAndronic II PalĂ©ologue. AprĂšs la mort de lâempereur Andronic II PalĂ©ologue en Michel Chichman renia ses engagements et envahit la Thrace du nord avec une armĂ©e de Bulgares et de Mongols en . Le nouvel empereur Andronic III PalĂ©ologue rĂ©agit rapidement marchant avec ses groupes contre les Bulgares et sâemparant dâune forteresse frontaliĂšre. Michel III Chichman jugea alors prudent de signer un traitĂ© de non-agression Ă Andrinople en 1330[161] - [160].
Pendant cette pĂ©riode les relations avec la Serbie sâĂ©taient fortement dĂ©tĂ©riorĂ©es et le tsar Michel Chichman fut tuĂ© lorsque les bulgares furent Ă©crasĂ©s le lors de la bataille de Kjustendil par les armĂ©es Serbes de Stefan UroĆĄ III DeÄanski. Ce dernier chassa la reine ThĂ©odora Palaiologina et imposa comme tsar son neveu Ivan Stefan dont le rĂšgne sera de courte durĂ©e : les boyards hostiles Ă sa mĂšre rĂ©gente organisĂšrent un coup dâĂtat qui le remplaça par son cousin Ivan AleksandÄr, neveu de Michel III Chichman[162] - [163].
Les guerres dâIvan (Jean) Alexandre
Les relations toujours tendues entre les deux empires se dĂ©tĂ©riorĂšrent au dĂ©but des annĂ©es 1340 lorsquâIvan Aleksandre exigea des Byzantins lâextradition de son cousin Chichman, troisiĂšme fils de Michel III Chichman, menaçant ceux-ci de guerre sâils nâobtempĂ©raient pas. Cet ultimatum se retourna contre eux lorsque les Byzantins persuadĂšrent lâĂ©mir turc de Smyrne, Umur Bey, dâenvoyer sa flotte contre les Bulgares. DĂ©barquant dans le delta du Danube, les Turcs ravagĂšrent le pays avoisinants sâemparant des villes de la rĂ©gion. Ivan Alexandre rĂ©pondit en envahissant lâEmpire byzantin prĂ©textant quâil y avait Ă©tĂ© invitĂ© par les habitants dâAndrinople. Toutefois, ses troupes devaient ĂȘtre dĂ©faites Ă deux reprises par les Turcs, alliĂ©s des Byzantins[164] - [165].
Une nouvelle guerre civile devait faire rage Ă Constantinople de 1341 Ă 1347 opposant la rĂ©gence de Jean V PalĂ©ologue (r. â aout 1376; â , â ) Ă son protecteur dĂ©signĂ©, Jean VI CantacuzĂšne (r. 1347-1354). Les voisins de Byzance prirent Ă nouveau avantage de la situation, les Serbes dâĂtienne DuĆĄan se rangeant du cĂŽtĂ© de Jean VI CantacuzĂšne, les Bulgares dâIvan Alexandre du cĂŽtĂ© de Jean V et de la RĂ©gence[166]. MĂȘme si les deux pays choisirent des prĂ©tendants opposĂ©s, ils maintinrent leur alliance lâun avec lâautre. Comme prix de lâappui apportĂ© par Ivan Alexandre. La rĂ©gence de Jean V lui concĂ©da la ville de Philippopolis et neuf autres forteresses importantes des Rhodopes en 1344 [167]. Ce devait ĂȘtre le dernier grand succĂšs de la politique Ă©trangĂšre dâIvan Alexandre.
Une nouvelle guerre civile byzantine eut des répercussions sur la Bulgarie en 1352, cette fois lors du conflit opposant Mathieu CantacuzÚne à Jean V, lequel ayant atteint sa majorité, était désireux de se débarrasser de son beau-pÚre Jean VI CantacuzÚne[168].
Mathieu Assen CantacuzĂšne Ă©tait le fils de Jean VI CantacuzĂšne et dâIrĂšne Assen. En rĂ©compense pour lâappui donnĂ© Ă son pĂšre au cours de la guerre civile contre Jean V PalĂ©ologue, celui-ci sâĂ©tait vu accordĂ© la Thrace et les Rhodopes en apanage en 1347 et fut proclamĂ© coempereur en 1353 lorsque la guerre reprit entre Jean V et Jean VI. CapturĂ© par les Serbes en 1356 ou 1357, Mathieu se retrouva bientĂŽt prisonnier de Jean V qui sâempara de ses territoires. Toutefois, les Turcs, conduits par le bey Orhan, sâĂ©taient engagĂ©s aux cĂŽtĂ©s de CantacuzĂšne Ă qui ils avaient fourni 10 000 hommes. En , la cavalerie turque avait affrontĂ© les forces serbes et possiblement bulgares car Ă lâissue de la bataille livrĂ©e prĂšs de Demotika elle alla ravager la Bulgarie. CâĂ©tait la premiĂšre bataille qui allait ouvrir aux Ottomans la porte de lâEurope[169].
Fin de la Bulgarie
En 1364 une courte guerre Ă©clata Ă nouveau entre Byzance et la Bulgarie qui permit aux Byzantins de reprendre Anchialos[170]. Deux ans plus tard, lâempereur byzantin Jean V se rendit en Hongrie et dĂ©cida au retour de passer par la Bulgarie. Ivan Alexandre prit sa revanche en le faisant emprisonner. AmĂ©dĂ©e de Savoie, son cousin, vint Ă sa rescousse en lançant sa flotte contre la Bulgarie en mer Noire, sâemparant de Messembria et de Sozopolis. Ivan Alexandre dut non seulement relĂącher lâempereur, mais Ă©galement cĂ©der ces deux villes Ă Byzance. Ces pertes commerciales et territoriales devaient affaiblir encore un peu plus la Bulgarie[171] - [172].
Ă la mort dâIvan Alexandre en , son fils ainĂ© par un deuxiĂšme mariage, Ivan Chichman III (r. 1371-1396) monta sur le trĂŽne qui lui fut immĂ©diatement disputĂ© par son demi-frĂšre, Ivan Sratsimir (r. 1371-1396), nĂ© dâun mariage prĂ©cĂ©dent[173].
Ivan Chichman sâinstalla donc dans le centre de la Bulgarie avec pour capitale TÇrnovo. Peu aprĂšs son avĂšnement, les forces unies des nobles serbes menĂ©es par le roi VukaĆĄin MrnjavÄeviÄ furent vaincus par les Turcs ottomans Ă la bataille de la Marica le . Les Ottomans entrĂšrent en Bulgarie et Ivan Chichman fut forcĂ© de reconnaĂźtre la domination ottomane et d'envoyer sa sĆur Thamar (Kera Tamara) comme Ă©pouse du sultan Murad Ier en 1373 et de faire soumission Ă Murad Ier en 1376[174].
Ă lâannonce de la nomination de son frĂšre cadet comme empereur, Ivan Sratsimir fit sĂ©cession et sâinstalla Ă Vidin dont il mit lâarchevĂȘque sous la juridiction du patriarcat de Constantinople pour prouver son indĂ©pendance. En raison de sa position gĂ©ographique, Vidin Ă©tait initialement Ă lâabri des attaques des diffĂ©rents begs turcs qui ravageaient les Balkans et Ivan Sratsimir ne fit aucun effort pour venir au secours dâIvan Chichman dans sa lutte contre les Turcs. Ce nâest quâaprĂšs la chute de TÄrnovo en 1393 quâil rĂ©alisa le danger pour son propre royaume et se joignit Ă la croisade dirigĂ©e par le roi de Hongrie, Sigismond. Sans succĂšs puisquâaprĂšs la dĂ©sastreuse bataille de Nicopolis en 1396, les Ottomans marchĂšrent sur Vidin dont ils sâemparĂšrent. Ivan Sracimir fut capturĂ© et emprisonnĂ© Ă Bursa oĂč il fut probablement exĂ©cutĂ© [175] - [176].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Byzantine-Bulgarian_wars » (voir la liste des auteurs).
- Le nom exact est en bulgare : ĐĐČĐ°Đœ ĐŃĐ”Đœ I, en valaque : Ioan Asen I et en grec : ÎÏÎŹÎœ ÎÏÎÎœÎżÏ Î. Ivan est normalement rendu en français par « Jean »; le prĂ©nom Ivan continuera Ă ĂȘtre utilisĂ© tout au long de cet article pour faciliter les rĂ©fĂ©rences Ă dâautres articles de WikipĂ©dia en français. De mĂȘme, le nom Asen peut ĂȘtre orthographiĂ© de diffĂ©rentes maniĂšres; nous avons choisi « Assen » qui semble prĂ©valoir dans ces mĂȘmes articles
- Les opinions divergent sur les derniĂšres annĂ©es de Constantin Bodin. Milobar suggĂšre que celui-ci rĂ©gna sans interruption jusquâen 1108; Zlatarski croit plutĂŽt la thĂšse dâune deuxiĂšme captivitĂ©. Dâautres enfin croient que Bodin fut capturĂ© mais quâil retourna Ă Duklja pour y trouver un Ătat oĂč Raska et la Bosnie avaient fait sĂ©cession (Fine (1991) pp. 228-229
- Le nom se dit en bulgare : ĐĐžŃ Đ°ĐžĐ» III КОŃĐŒĐ°Đœ ĐŃĐ”Đœ. Nous utiliserons ici la pratique française de translitĂ©ration « Chichman »; toutefois, on trouvera dans de nombreux textes la translitĂ©ration anglo-saxonne Ć iĆĄman
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Voir aussi
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Articles connexes
- Traité byzantino-bulgare (716)
- Histoire de la Bulgarie
- Premier Empire bulgare
- Second Empire bulgare
- Maison des ComitopouloĂŻ
- Guerre byzantino-bulgare de 913-927
- SoulĂšvement de Pierre Deljan
- Traité de Tchernomen (1327)
- Premier Empire bulgare (Gouvernement et société)
- Premier Empire bulgare (Religion)