Maison des ComitopouloĂŻ
La Maison des ComitopouloĂŻ (en bulgare : ĐĐžĐœĐ°ŃŃĐžŃ ĐœĐ° ĐșĐŸĐŒĐžŃĐŸĐżŃлОŃĐ” ; en grec byzantin : ÎÎżÎŒÎ·ÏÏÏÎżÏ Î»ÎżÎč), fut la derniĂšre Ă rĂ©gner sur le Premier Empire bulgare avant sa conquĂȘte par lâempereur byzantin Basile II en 1018.
AprĂšs avoir fait prisonnier le tsar Boris II et lâavoir amenĂ© prisonnier Ă Constantinople en 971, Jean TzimiscĂšs avait rattachĂ© le territoire bulgare de Thrace Ă lâempire byzantin. Ceci ne comprenait pas toutefois la partie occidentale de la Bulgarie (MacĂ©doine). Cette partie du pays demeura donc sous la gouverne de la noblesse locale oĂč un comte (en grec « komes », dâoĂč le surnom de la famille) du nom de Nicolas, de la rĂ©gion de Sredetz (Sofia), commença Ă repousser ses frontiĂšres. Ă sa mort, ce qui Ă©tait progressivement devenu un immense territoire fut divisĂ© entre ses quatre fils : David, Aaron, MoĂŻse et Samuel. Ceux-ci Ă©taient connus collectivement comme les « cometopouloĂŻ » ou « fils du comte ».
Toutefois, les trois premiers ayant pĂ©ri lâun aprĂšs lâautre, il incomba au plus jeune, Samuel, de prendre la tĂȘte de la rĂ©sistance contre les Byzantins. Progressivement, celui-ci ajouta aux terres ancestrales lâensemble de la MacĂ©doine, la Bulgarie de Boris II, la Thessalie, lâĂpire, Dyrrachium et la majeure partie de lâAlbanie. En 997, Ă la mort du souverain bulgare lĂ©gitime, Roman, il se fit couronner tsar de Bulgarie. Son triomphe fut toutefois de courte durĂ©e et, en 1014, lâempereur byzantin Basile II dĂ©fit lâarmĂ©e bulgare prĂšs du fleuve Strymon, faisant aveugler les 14 000 survivants bulgares. Lorsquâil vit arriver les restes de son armĂ©e Ă Prilep oĂč il sâĂ©tait rĂ©fugiĂ©, Samuel eut une crise dâapoplexie et mourut deux jours plus tard.
Ce qui restait de lâempire de Samuel passa Ă son fils Gabriel Radomir qui ne put rĂ©sister Ă lâavance de Basile II. En 1018, ce dernier sâempara dâOhrid, annexa la Bulgarie Ă lâempire byzantin et dĂ©porta la famille rĂ©gnante bulgare Ă Constantinople.
Vingt ans plus tard, en 1040,le fils de Gabriel Radomir, Pierre II Deljan tenta s son tour de se rĂ©volter, mais il fut trahi par son cousin et gĂ©nĂ©ral en chef, Alusian (Alousianos), qui le fit aveugler et le livra en 1041 Ă lâempereur byzantin Michel IV.
Contexte
En 965[N 1], si lâon en croit diffĂ©rentes sources, des ambassadeurs bulgares se prĂ©sentĂšrent Ă la cour de NicĂ©phore Phocas (rĂšgne 963-969), alors empereur byzantin, pour rĂ©clamer le tribut que payait Byzance depuis le traitĂ© de 927[N 2]. Furieux de cette « insolence », lâempereur, fit fouetter les ambassadeurs avant de les renvoyer les mains vides. OccupĂ© par des rĂ©voltes en Asie mineure, il se contenta de raser quelques forteresses Ă la frontiĂšre entre les deux pays avant dâinviter les Russes Ă rĂ©gler ses comptes avec la Bulgarie[1] - [2].
Les Russes, sous la conduite du prince Sviatoslav, sâempressĂšrent de rĂ©pondre Ă lâappel, non pour conduire des razzias comme lâespĂ©rait lâempereur byzantin, mais pour Ă©tablir leur autoritĂ© sur le Danube. En deux expĂ©ditions (968 et 969) ils se rendirent maitres de la Bulgarie. Boris, le fils ainĂ© du tsar Pierre Ier, se rendit alors Ă Constantinople pour y nĂ©gocier un traitĂ© de paix, mais dut retourner dans son pays aprĂšs que son pĂšre, Ă la suite d'une crise dâĂ©pilepsie, a dĂ» abdiquer et se retirer dans un monastĂšre. ImmĂ©diatement couronnĂ©, il devint le souverain dâun pays divisĂ©, Sviatoslav occupant toujours le nord-est du pays oĂč il sâinstalla Ă Perejaslavec, comptant y dĂ©mĂ©nager sa capitale[3] - [2] - [4].
Conscient de sa faiblesse, Boris envoya des Ă©missaires Ă Constantinople en 968 pour solliciter la paix. Mais lâannĂ©e suivante, NicĂ©phore Phocas fut assassinĂ© par le gĂ©nĂ©ral Jean TzimiscĂšs (rĂšgne 969-976) qui sâempara du pouvoir et somma Sviatoslav de retourner en Russie comme le prĂ©voyait lâentente originelle. Sviatoslav, qui entretemps semble sâĂȘtre entendu avec Boris, rĂ©pondit que si les Byzantins dĂ©siraient la paix, ils devaient se retirer en Anatolie, lui laissant Constantinople. Poussant ses conquĂȘtes, il sâempara de Preslav, la capitale bulgare et continua vers le sud Ă travers la Thrace oĂč il rencontra les armĂ©es byzantines Ă Arcadiopolis (aujourdâhui LĂŒleburgaz en Turquie) situĂ©e Ă une courte distance au nord-ouest de Constantinople[5] - [6] - [7].
Cette bataille marqua le point tournant du conflit. Ă partir de ce moment, TzimiscĂšs prit lâinitiative et, en quatre mois, conquit tout lâest de la Bulgarie. Les Russes, maintenant alliĂ©s aux Bulgares, opposĂšrent une farouche rĂ©sistance, mais furent vaincus et Boris fait prisonnier. Peu aprĂšs, les Russes furent vaincus Ă Silistra (aujourdâhui Ă la frontiĂšre entre la Roumanie et la Bulgarie) et durent conclure un traitĂ© de paix leur permettant de rentrer chez eux aprĂšs avoir promis de ne plus attaquer la Bulgarie ; sur le chemin du retour, Sviatoslav devait ĂȘtre fait prisonnier par les PetchĂ©nĂšgues que les Byzantins avaient entretemps appelĂ©s Ă lâaide contre les Russes et assassinĂ©[8] - [9] - [4] - [10].
TzimiscĂšs retourna Ă Constantinople y amenant Boris et ce qui restait de la famille impĂ©riale. Bon nombre de nobles furent dĂ©portĂ©s avec leurs familles les uns Ă Constantinople oĂč ils reçurent des fonctions dans lâadministration, les autres en Anatolie oĂč des terres leur furent concĂ©dĂ©es. Il convertit la Bulgarie en six thĂšmes, regroupĂ©s sous deux ducs, ceux dâAndrinople et de Thessalonique. TzimiscĂšs abolit Ă©galement le patriarcat bulgare et mit lâĂglise sous lâautoritĂ© du patriarche de Constantinople. Pour la premiĂšre fois depuis la fin du VIIe siĂšcle, la frontiĂšre de lâempire byzantin retournait sur les bords du Danube et lâempire bulgare disparaissait de la carte. Il est important toutefois de noter que les conquĂȘtes effectives de TzimiscĂšs en 971 (de mĂȘme celles de Sviatoslav prĂ©cĂ©demment) nâimpliquaient que le nord-est du pays (environ le tiers du territoire) le long de la mer Noire. Toutes les batailles (Silistria, Perejaslavec, Preslav, Arcadiopolis, Philippopolis), sâĂ©taient dĂ©roulĂ©es dans cette partie du pays ; Ă aucun moment la rĂ©gion macĂ©donienne de la Bulgarie ne fut occupĂ©e ni par les Russes ni par les Byzantins mĂȘme si les uns et les autres pouvaient prĂ©tendre sâĂȘtre appropriĂ©s lâensemble de lâancien territoire bulgare[11] - [12] - [13].
Samuel ressuscite la Bulgarie et part en guerre contre Byzance
Lors de son retour au pays, Boris ne fit aucune tentative pour Ă©tablir son autoritĂ© sur la MacĂ©doine pas plus que les MacĂ©doniens nâavaient fait quoi que ce soit pour lâaider prĂ©cĂ©demment. Pour sa part, TzimiscĂšs, aprĂšs sa victoire sur Sviatoslav, se hĂąta de reprendre la guerre contre les Arabes et ne tenta pas non plus dâĂ©tablir son autoritĂ© sur cette rĂ©gion de collines et vallĂ©es isolĂ©es de la Bulgarie mĂȘme sâil en Ă©tait thĂ©oriquement le nouveau souverain. En pratique, le territoire Ă©tait autonome et dirigĂ© par la noblesse locale [14] - [15].
Au sein de cette noblesse, la famille dâun comte, appelĂ© Nicolas, prit graduellement de lâimportance. On ignore le nom de famille prĂ©cis de cette dynastie. Le terme « CometopouloĂŻ » est un surnom utilisĂ© par les historiens byzantins pour sây rĂ©fĂ©rer parce que le comte Nicolas Ă©tait un komes (« gouverneur » ; en grec byzantin ÎșĂłÎŒÎ·Ï, en bulgare ĐĐŸĐŒĐžŃĐ° [Komita]), vraisemblablement dans la rĂ©gion de Sredetz (nom bulgare transformĂ© par les Byzantins en Sardica ou Serdica, aujourdâhui Sofia). Selon certaines sources, la famille serait dâorigine armĂ©nienne, mais on ignore quand elle avait immigrĂ© en Bulgarie[16]. En 969, aprĂšs la conquĂȘte byzantino-russe de la Bulgarie orientale, le comte Nicolas ajouta Ă son propre comtĂ© sâĂ©tendant dâOhrid Ă Sardica dâautres territoires Ă lâouest de la riviĂšre Iskar et du fleuve Strymon. Il devait toutefois mourir peu aprĂšs et on sait seulement quâau moment de la conquĂȘte byzantine de Preslav son empire avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© divisĂ© entre ses quatre fils, David, Aaron, MoĂŻse et Samuel. David aurait assurĂ© la dĂ©fense de la Bulgarie du sud-ouest avec rĂ©sidence Ă Prespa, MoĂŻse celle de la Bulgarie du sud-est avec rĂ©sidence Ă Strumica, alors quâAaron gouvernait la rĂ©gion de Sredetz et Samuel celle de la Bulgarie du nord avec rĂ©sidence Ă Bdin (Vidin). Aucun dâeux ne portant de titre indiquant une prĂ©sĂ©ance sur les autres, ils furent conjointement appelĂ©s par les historiens byzantins « cometopouloĂŻ » ou « fils du comte »[17] - [18] - [19].
Un peu plus tard la mĂȘme annĂ©e, Boris II dĂ©chu et son frĂšre Roman retournĂšrent en Bulgarie, soit quâils aient pu rĂ©ussir Ă fuir Constantinople, soit quâils aient Ă©tĂ© relĂąchĂ©s par les Byzantins qui espĂ©raient quâune guerre civile entre les deux frĂšres et lâĂtat naissant de Samuel Ă lâouest leur permettrait de reprendre le contrĂŽle effectif de lâensemble du pays. Toutefois, Boris II devait pĂ©rir alors quâil atteignait la frontiĂšre, tuĂ© par mĂ©garde par un garde-frontiĂšre. Roman lui succĂ©da et fut proclamĂ© tsar de Bulgarie[N 3], alors que Samuel, profitant du climat dâinstabilitĂ© occasionnĂ© par la mort de Jean TzimiscĂšs et son remplacement par Basile II (rĂšgne effectif 976-1025), commença Ă repousser les frontiĂšres de son propre territoire[20] - [21] - [22].
Il fallut un certain temps avant que les Byzantins ne se rendent compte du danger. SituĂ© dans le nord-est des Balkans, lâempire de SimĂ©on avait reprĂ©sentĂ© une menace pour Constantinople en raison des invasions toujours possibles Ă travers la Thrace ; celui de Samuel, loin de Constantinople et plutĂŽt axĂ© vers lâAdriatique Ă lâouest et la GrĂšce au sud, ne reprĂ©sentait pas un danger aussi imminent[23].
Expansion de lâempire de Samuel et couronnement en 997[N 4]
Ătabli dâabord, sur une ile du lac Prespa oĂč il construisit une Ă©norme cathĂ©drale et un palais, et plus tard, Ă Ohrid, Samuel semble avoir eu pour but non de sâemparer du trĂŽne impĂ©rial de Byzance, mais de se rendre maitre de lâensemble des territoires sâĂ©tendant de Thessalonique Ă Dyrrachium (aussi appelĂ© Durazzo, aujourdâhui DurrĂ«s en Albanie), le long de lâantique Voie Egnatia oĂč il dĂ©porta nombre de prisonniers byzantins et armĂ©niens dĂšs la capture de Larissa ; il crĂ©a Ă©galement un nouveau patriarcat avec siĂšge Ă Ohrid Ă la tĂȘte duquel il mit lâancien patriarche Damien qui avait fui Preslav devant lâavance de TzimitzĂšs [24] - [25].
Samuel semble avoir commencĂ© sa politique dâexpansion dĂšs la mort de TzimiscĂšs en 976. AprĂšs sâĂȘtre emparĂ© des thĂšmes de Ras et de Moravie, il lança des raids en Thessalie en 980, sâemparant de Larissa en 986. Câest au cours dâune attaque infructueuse contre SerrĂšs que mourut son frĂšre, MoĂŻse[26] - [27].
La mĂȘme annĂ©e, Basile II, ayant rĂ©ussi Ă mĂąter ses provinces orientales dâAsie mineure, put se tourner vers les Balkans. Il sâattaqua dâabord Ă Sardica, fief dâAaron, frĂšre de Samuel. Il fit dâabord miroiter la possibilitĂ© dâune entente matrimoniale avec sa sĆur. Une fois arrivĂ©e, la jeune promise se rĂ©vĂ©la ne pas ĂȘtre une princesse. Furieux, Aaron rejeta les propositions de Basile et appela Samuel Ă son secours. Les deux frĂšres rĂ©ussirent Ă mettre en dĂ©route lâarmĂ©e de Basile lors de la bataille des Portes de Trajan en 986. Mais, furieux de constater que son frĂšre Ă©tait disposĂ© Ă comploter avec les Byzantins contre lui, Samuel fit assassiner Aaron et sa famille[28] - [29] - [N 5] - [30].
AprĂšs avoir disposĂ© dâAaron et de Basile II, Samuel se dirigea dâabord vers Thessalonique avant de sâattaquer Ă la Thessalie et au PĂ©loponnĂšse. Entre 986 et 997, Samuel rĂ©ussit Ă Ă©tendre ses possessions Ă la MacĂ©doine, Ă la Bulgarie, Ă la Thessalie, Ă lâĂpire, Ă Dyrrachium et pratiquement Ă lâensemble de lâAlbanie. Câest alors quâil dĂ©cida de se faire couronner tsar ; on ignore pourquoi il attendit jusque-lĂ , certaines sources affirmant quâil aurait pris la dĂ©cision Ă la mort du souverain lĂ©gitime, Roman [N 6] - [31] - [32].
Une fois Dyrrachium conquise et y ayant installĂ© son beau-frĂšre Ashot comme gouverneur[N 7], Samuel se tourna vers DioclĂ©e[N 8] qui, depuis la dĂ©sintĂ©gration de la Serbie, avait considĂ©rablement accru son importance, annexant les territoires de Zahumlje et Trebinje. Ne pouvant quitter lâAnatolie, Basile Ă©tait pour sa part entrĂ© en relations avec le prince Jean (ou Ivan) Vladimir. Mais celui-ci fut dĂ©fait par Samuel qui conquit Ă la fois DioclĂ©e et RaĆĄka, faisant Jean prisonnier puis le relĂąchant et le rĂ©tablissant dans son ancien domaine Ă titre de vassal[33] - [34].
Ă la fin du siĂšcle, lâĂtat de Samuel sâĂ©tendait donc sur lâensemble de lâancien empire bulgare, de la mer Noire Ă lâAdriatique, en plus de la Serbie jusquâĂ la Save infĂ©rieure, de lâAlbanie, de la MacĂ©doine du sud, de la Thessalie et de lâĂpire[N 9] - [23]. En plus de ces territoires quâil gouvernait directement, Samuel Ă©tait maintenant le suzerain des dirigeants de la DioclĂ©e, RaĆĄka (la Serbie), Trebinje, Zahumlje et dâune bonne partie de la Bosnie[35].
La controffensive de Basile II (1001-1018)
Ayant matĂ© la rĂ©volte de Bardas Phocas le Jeune et Bardas SklĂ©ros en Anatolie, Basile II put tourner ses efforts vers la Bulgarie au tournant du millĂ©naire. Conduisant lâarmĂ©e en personne, Basile mena une sĂ©rie de campagnes sâĂ©tendant quelques fois sur les douze mois de lâannĂ©e, chose rare Ă lâĂ©poque, destinĂ©es Ă prendre Samuel en tenailles par la conquĂȘte de deux rĂ©gions qui permettaient de dominer le nord de la pĂ©ninsule des Balkans : la plaine situĂ©e entre la chaine du Grand Balkan et le Danube ainsi que les hautes terres de MacĂ©doine. AprĂšs avoir repris Sardica, il envoya son armĂ©e reprendre les territoires du nord-est, y compris lâancienne capitale, Preslav. Ensuite, partant de Sardica, il se dirigea vers le sud traversant la MacĂ©doine et sâemparant de la Thessalie. Il remonta ensuite vers le nord oĂč il put reprendre Vidin aprĂšs un siĂšge de huit mois[36] - [37].
Puis, suivant le fleuve Vardar, il mit le siĂšge devant Skopje. Durant la bataille qui sâensuivit, les armĂ©es byzantines furent victorieuses, mais Samuel lui-mĂȘme rĂ©ussit Ă sâenfuir. Selon le chroniqueur SkylitzĂšs, câest Ă ce moment que Roman, frĂšre et successeur de Boris II, aurait Ă©tĂ© capturĂ© et bien traitĂ© par Basile qui fit de lui le gouverneur du thĂšme dâAbydos, poste frontalier lucratif par ses douanes[36] - [38] - [39].
Fin 1004, Basile avait reconquis prĂšs de la moitiĂ© du territoire de Samuel et tenait la MacĂ©doine en tenailles au nord par le Danube, au sud par la Thessalie. Il lui restait Ă reprendre Dyrrachium, ce quâil fit grĂące Ă la trahison dâAshot en 1005. AprĂšs une accalmie au cours de laquelle Basile semble avoir espĂ©rĂ© que Samuel accepterait de garder ses territoires tout en se reconnaissant son vassal, la campagne reprit en 1012 pour se poursuivre jusquâen 1014 lorsque Basile rĂ©ussit Ă encercler lâarmĂ©e bulgare prĂšs du fleuve Strymon. Encore une fois, Samuel rĂ©ussit Ă sâĂ©chapper et Ă gagner Prilep. Câest alors que se situe le fameux Ă©pisode qui devait confirmer le surnom de Basile, le « Bulgaroktonos (tueur de Bulgares) ». AprĂšs avoir capturĂ© les quelque 14 000 soldats de Samuel, Basile les fit tous aveugler, ne laissant quâun Ćil Ă un soldat sur cent pour que celui-ci puisse guider ses camarades. Lorsque les malheureux rĂ©ussirent Ă rejoindre Prilep, Samuel fit une crise dâapoplexie dont il devait mourir deux jours plus tard, le [40] - [41] - [42] - [43].
Ce qui restait de lâempire de Samuel passa alors Ă son fils, Gabriel Radomir, courageux et entreprenant, mais nâayant pas lâhabiletĂ© politique de son pĂšre. Lâavance byzantine Ă©tait alors devenue impossible Ă arrĂȘter ; lâun aprĂšs lâautre les commandants des diverses places fortes se rendirent et lâannĂ©e suivante (1015), Gabriel Radomir, qui avait entretemps offert de se reconnaitre vassal de Basile, fut assassinĂ© par son cousin Jean Vladislav (le fils dâAaron, frĂšre de Samuel que ce dernier avait fait assassiner) qui le remplaça sur le trĂŽne[44] - [45].
Jean Vladislav se rĂ©vĂ©la un solide adversaire et malgrĂ© un siĂšge de quatre-vingt-huit jours, Basile ne put reprendre Pernik. Le siĂšge de Kastoria au printemps ou Ă lâĂ©tĂ© 1017 fut un Ă©chec, de mĂȘme que la bataille livrĂ©e en devant les murs de Dyrrachium oĂč Jean Vladislav fut tuĂ©. Lâempereur Ă©tait entretemps rentrĂ© Ă Constantinople au dĂ©but de lâhiver ; changeant de stratĂ©gie, Basile II se dirigea lâĂ©tĂ© suivant vers Andrinople. Cette fois, la chance lui sourit : Pernik lui ouvrit ses portes de mĂȘme que lâensemble des forts le long de la Via Egnatia[46].
ArrivĂ© Ă Strumitsa, il rencontra le patriarche bulgare, David, qui lui annonça que la veuve de Samuel Ă©tait prĂȘte Ă capituler. Alors que Basile ne cherchait vraisemblablement quâĂ devenir le suzerain dâune Bulgarie qui aurait conservĂ© son autonomie, la veuve de Samuel et ses enfants lui en offrirent la pleine possession[47] - [48] - [44]. Basile annexa simplement la Bulgarie quâil divisa en trois thĂšmes, distribua le trĂ©sor de Samuel Ă ses troupes et ramena la famille de lâancien tsar Ă Constantinople tout en dĂ©portant une partie de la haute noblesse en Anatolie[49]. Mais lâainĂ© des fils de Jean Vladislav, Presijan II et deux de ses frĂšres, Aaron et Alousian, rĂ©ussirent Ă se rallier une partie de la noblesse et Ă se rĂ©fugier au mont Tomorr (aujourdâhui en Albanie). Ceux-ci durent bientĂŽt se rendre et, amenĂ©s Ă Constantinople, furent bien traitĂ©s par Basile II qui accorda Ă Presijan le titre de magistros et Ă ses frĂšres celui de patrices, Aaron devenant gouverneur militaire de Vaspurakan. Presijan sera plus tard nommĂ© stratĂšge du grand thĂšme des « Bucellaires ». Mais impliquĂ© Ă deux reprises dans des complots, il sera finalement envoyĂ© dans un monastĂšre et aveuglĂ© en 1030/1031[50].
Lâadministration de la Bulgarie aprĂšs la conquĂȘte
Autant Basile sâĂ©tait montrĂ© impitoyable dans la guerre, autant, considĂ©rant probablement que ces contrĂ©es Ă©taient trop Ă©loignĂ©es pour ĂȘtre administrĂ©es directement, il se montra gĂ©nĂ©reux dans lâorganisation de ses nouveaux territoires, mettant des Byzantins au sommet de lâorganisation gouvernementale, mais prĂ©fĂ©rant laisser Ă la partie de lâancienne noblesse qui nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©portĂ©e le soin de diriger les affaires locales. Ainsi, il permit Ă ses nouveaux sujets dâacquitter leurs impĂŽts en nature plutĂŽt quâen espĂšces comme la chose se faisait ailleurs dans lâempire[51] - [47] - [52].
Le centre de lâancien empire de Samuel fut ainsi divisĂ© en trois thĂšmes : la Bulgarie (capitale Skopje), Sirmium (capitale dans la ville du mĂȘme nom) et Paristrion (capitale Silistria). Les anciens thĂšmes qui avaient Ă©tĂ© annexĂ©s par Samuel furent rĂ©tablis : MacĂ©doine, Strymon, Nikopolis, Helladikoi, Dalmatie et duchĂ©s spĂ©ciaux de Thessalonique et Dyrrachium. Les territoires de RaĆĄka, Bosnie, Zahumlje, Croatie et DioclĂ©e demeurĂšrent gouvernĂ©s par des souverains reconnaissant la suzerainetĂ© du basileus. Ă la tĂȘte des trois thĂšmes, Basile plaça des gĂ©nĂ©raux et administrateurs byzantins nommĂ©s par lui. Mais au niveau local, Basile prĂ©fĂ©ra sâappuyer sur la moyenne aristocratie qui put rester sur ses terres, conservant ses privilĂšges et jouant un rĂŽle important dans lâadministration[53] - [54].
Basile sâappuya Ă©galement sur lâĂglise pour assurer lâadministration du pays plutĂŽt que de se fier Ă une occupation militaire. Si elle perdit son rang de patriarcat, lâĂglise bulgare demeura autocĂ©phale. De plus, Basile choisit comme nouvel archevĂȘque un ancien moine bulgare du nom de Jean[55], lequel ne fut pas placĂ© sous lâautoritĂ© du patriarche de Constantinople, mais directement sous lâempereur qui se rĂ©serva le droit de nommer ses successeurs. De plus, le nouvel archevĂȘque put garder tous ses suffragants, lesquels ne furent pas remplacĂ©s par des Slaves. Ceci lui permit dâassurer son autoritĂ© sur les Ăglises des peuples slaves du sud et de leur donner une certaine importance, leur archevĂȘque jouissant dâun rang nettement supĂ©rieur aux autres archevĂȘques soumis au patriarche de Constantinople[53] - [51].
Les successeurs de Basile II ne firent pas preuve du mĂȘme doigtĂ©. Non seulement dĂ©cidĂšrent-ils dâobliger les Bulgares Ă payer leurs impĂŽts en espĂšces, mais, Ă la mort de lâarchevĂȘque Jean en 1037, nommĂšrent-ils un Grec, le chartophylax de Sainte-Sophie LĂ©on, pour le remplacer. En 1040, Pierre II Deljan, qui se disait fils de Gabriel Radomir, tenta de ressusciter lâindĂ©pendance de la Bulgarie aidĂ© par Alousian, fils de Jean Vladislav qui vivait en semi-captivitĂ© Ă Constantinople. Ayant organisĂ© la rĂ©sistance Ă partir de Belgrade, ils rĂ©ussirent Ă prendre NiĆĄ, Skoplje, Dyrrachium, Nicopolis et Serdica, sâavançant en Thessalie jusquâĂ Demetrias (Volos). MalgrĂ© les crises dâĂ©pilepsie de plus en plus frĂ©quente et lâhydropisie qui gonflaient ses membres, Michel IV lança une contre-offensive. Mais ce fut la discorde rĂ©gnant entre Pierre et Alousian qui devait mettre un terme Ă la rĂ©volte. Alousian tendit une embuscade Ă Pierre et le livra Ă Michel IV, lequel devait sâĂ©teindre en [56] - [57] - [58].
Les annĂ©es de gouvernement erratique Ă Constantinople qui sâĂ©tendront de 1025 Ă 1081 (prise du pouvoir par Alexis Ier) permettront aux peuples slaves de reprendre force et courage. En 1072, Constantin Bodin, le fils du prince Michel de ZĂȘta (auparavant la DioclĂ©e), sera proclamĂ© tsar Ă Prizren ; la Croatie retrouvera son indĂ©pendance en 1076. En 1185, la rĂ©volte de trois frĂšres valaques, AsĂȘn, Jean et Pierre (ThĂ©odore), devait jeter les bases du Second Empire bulgare[59] - [57] - [60].
Arbre généalogique et descendance de Samuel
- Comita Nikola + Ripsimia dâArmĂ©nie
- David
- MoĂŻse
- Aaron
- Samuel de Bulgarie + Kosara de Bulgarie
- Katun Anastazya
- Theodora Kosara
- Miroslava
- Gavril Radomir
AprĂšs lâintĂ©gration de la Bulgarie dans lâEmpire byzantin, nombreux furent les descendants de Samuel Ă occuper des positions importantes aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s en Asie mineure et en ArmĂ©nie oĂč on leur donna des terres. Lâune de ses petites-filles, Catherine, devint impĂ©ratrice de Byzance. Un autre petit-fils, Pierre II Deljan tenta de restaurer lâEmpire bulgare aprĂšs une rĂ©volution en 1040-1041. Deux autres membres de la dynastie devinrent impĂ©ratrices byzantines[61], alors que divers aristocrates servirent dans lâarmĂ©e comme strategos[N 10] ou devinrent gouverneurs de diverses provinces. Par sa grand-mĂšre maternelle, Marie de Bulgarie, lâempereur Jean II descendait du tsar Ivan Vladislav.
Notes et références
Notes
- Les sources ne sâaccordent pas sur les dates et la succession des Ă©vĂšnements de cette pĂ©riode. Celles mentionnĂ©es ici suivent la chronologie de lâhistorien britannique Stokes (voir bibliographie).
- Sur lâimportance de ce traitĂ© pour les Bulgares, voir Obolensky (1971) pp. 115-117. ; les Bulgares considĂ©raient quâil sâagissait dâun tribut annuel, alors que les Byzantins y voyaient une somme versĂ©es pour lâentretien de la femme du tsar Pierre, Marie LecapĂšne, maintenant dĂ©cĂ©dĂ©e.
- Selon SkylitzĂšs, historien byzantin du XIe siĂšcle, Roman ayant Ă©tĂ© castrĂ© par les Byzantins ne pouvait devenir empereur ; le pouvoir effectif serait restĂ© entre les mains du comte Nicolas et de ses successeurs. Selon lui, Roman Ă©tait simplement gouverneur de la ville de Skopje quâil aurait remis aux Byzantins en 1004, moment oĂč il fut fait prisonnier. Selon Yahya ibn SaĂŻd, un auteur arabe chrĂ©tien Ă©galement du XIe siĂšcle, Roman aurait Ă©tĂ© acceptĂ© comme empereur mĂȘme par la famille du comte Nicolas qui lâaurait reconnu comme suzerain jusquâĂ ce quâil meure en 997 aprĂšs quoi Samuel se serait proclamĂ© empereur. Lâhistorien bulgare Zlatarski croit que Yahya se serait trompĂ© en datant la capture de Roman en 1004 ; celle-ci aurait plutĂŽt eu lieu en 991 ce qui rendrait possible un couronnement en 997.
- Les dates donnĂ©es par les deux principales sources, SkylitzĂšs et Yahya dâAntioche diffĂ©rant substantiellement, la chronologie la plus vraisemblable semble ĂȘtre celle de Stoke qui sera suivie ici.
- Selon SkylitzÚs, toute la famille aurait péri sauf un fils, Jean (ou Ivan) Vladislav, qui aurait été sauvé par le fils de Samuel, Gabriel Radomir. Tous deux joueront un rÎle important par la suite.
- Selon SkylitzĂšs, Basile nâaurait capturĂ© Roman quâen 1004, voir note prĂ©cĂ©dente.
- Ashot et la propre fille de Samuel, Miroslava, devaient trahir Samuel et, aprÚs avoir livré la ville aux Byzantins en 1005, se réfugier à Constantinople.
- Au dĂ©part nom dâune ville et dâune province romaine, correspondant Ă peu prĂšs au MontĂ©nĂ©gro moderne ; elle sera appelĂ©e ZĂȘta par la suite.
- Certains auteurs, se basant Ă la fois sur le fait que les possessions de Samuel nâavaient pas le mĂȘme centre gĂ©ographique que lâancien empire de SimĂ©on et, de plus, Ă©taient majoritairement slaves plutĂŽt que bulgares, ont voulu y voir un Ătat distinct de lâEmpire bulgare. Le fait demeure toutefois que cet Ătat prit la place du Premier Empire bulgare et que Samuel, en se proclamant tsar et en rĂ©tablissant le patriarcat bulgare, se voulait le digne successeur de SimĂ©on. [Voir Ă ce sujet Ostrogorsky (1983) p. 326.]
- Pour les titres et fonctions, voir article « Glossaire des titres et fonctions dans lâEmpire byzantin".
Références
- Fine (1983) p. 181.
- Ostrogorsky (1983) p. 317.
- Fine (1983) pp. 182-183.
- Obolensky (1971)pp. 128-130.
- Fine (1983) pp. 183-184.
- Treadgold (1997) p. 503-504.
- Norwich (1994) pp. 214-216.
- Fine (1983) pp. 185-187.
- Ostrogorsky (1983) pp. 319-320.
- Treadgold (1997) pp. 508-509.
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- Zlatarski, tableau généalogique, 831/832
Bibliographie
Sources premiĂšres
- Ljetopis Popa Dukljanina (Chronique du prĂȘtre de DioclĂ©e). Chronique mĂ©diĂ©vale dâun prĂȘtre anonyme de DioclĂ©e, compilĂ©e vraisemblablement entre la fin du XIIe siĂšcle et le XVe siĂšcle sur les dĂ©buts de lâhistoire des Slaves du Sud. Il ne semble en exister quâune version latine et une en serbo-croate.
- YahyÄ ibn SaÄ«d dâAntioche (vers 980-1066). Auteur arabe chrĂ©tien vivant Ă Antioche qui a Ă©crit une chronique en arabe couvrant la pĂ©riode 936-1034. En plus des Ă©vĂšnements dâOrient, sa chronique inclut beaucoup dâĂ©vĂšnements concernant Byzance, y compris les guerres entre Samuel de Bulgarie et Constantinople. Son « Histoire » a fait lâobjet dâune publication par Kratchkovsky, I., A. A. Vasiliev, F. Micheau, and G. Troupeau dans Patrologia Orientalis 18, 23, 47 (1924), pp. 705â833, 349â520..
- Jean SkylitzĂšs, haut fonctionnaire et historien byzantin du XIe siĂšcle originaire d'Asie Mineure dont le Synopsis Historiarum couvre la pĂ©riode 811-1057. La pĂ©riode 811-944 est en fait une reprise du Continuateur de ThĂ©ophane, seule la pĂ©riode 944-1057 est originale et, dâaprĂšs la critique moderne, passablement inadĂ©quate.
Son Ćuvre majeure est le : Empereurs de Constantinople, « Synopsis HistoriĂŽn » traduit par Bernard Flusin et annotĂ© pat Jean-Claude Cheynet Ă©ditions P.Lethilleux Paris 2003 ( (ISBN 2283604591)) pp. 338-343.
Sources secondaires
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