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SoulĂšvement de Pierre Deljan

Le soulĂšvement de Pierre Deljan (en bulgare : Đ’ŃŠŃŃ‚Đ°ĐœĐžĐ”Ń‚ĐŸ ĐœĐ° ĐŸĐ”Ń‚ŃŠŃ€ Đ”Đ”Đ»ŃĐœ - litt : le vainqueur; en grec : Î•Ï€Î±ÎœÎŹÏƒÏ„Î±ÏƒÎ· Ï„ÎżÏ… Î Î­Ï„ÏÎżÏ… ΔολÎčÎŹÎœÎżÏ‚ plutĂŽt que Î”Î”Î»Î”ÎŹÎœÎżÏ‚ [chez Psellos]) en 1040-1041 constitua une rĂ©volte des Bulgares contre le rĂ©gime de taxation mis en place par le premier ministre byzantin Jean l’Orphanotrope, frĂšre de l’empereur Michel IV et l’appauvrissement croissant des paysans. Ce fut la plus importante et la mieux organisĂ©e d’une sĂ©rie d’insurrections qui conduira au rĂ©tablissement de l’ancien Empire bulgare sous Ivan Asen Ier et son frĂšre Pierre IV en 1187.

Pierre Deljan est proclamé empereur à Belgrade (Chronique de SkylitzÚs de Madrid, XIIe siÚcle).

Contexte historique

Divisions administratives de l’Empire byzantin vers 1045.

Autant Basile II s’était montrĂ© implacable dans la guerre qui lui permit de conquĂ©rir la Bulgarie en 1018, autant il fit preuve de magnanimitĂ© dans l’administration du pays conquis. La population put continuer Ă  payer ses impĂŽts en nature comme elle le faisait auparavant[1]. Et bien que le patriarcat ait Ă©tĂ© ramenĂ© au rang d’archevĂȘchĂ©, l’Église bulgare demeura une institution nationale, relevant non du patriarche de Constantinople mais de l'empereur qui se rĂ©servait le droit de nommer l’archevĂȘque d’Ohrid[2]. Les successeurs de Basile II ne furent cependant pas si gĂ©nĂ©reux. Sous Michel IV le Paphlagonien (r. 1034 – 1041), le premier ministre et frĂšre de l’empereur, Jean l'Orphanotrophe, multiplia les maladresses. Pour payer l’armĂ©e et faire face Ă  la menace que faisaient planer les PetchenĂšgues sur le nord-est des Balkans, il exigea que les impĂŽts soient dorĂ©navant payĂ©s en argent et non plus en nature comme prĂ©cĂ©demment ; par ailleurs, le nouveau systĂšme de propriĂ©tĂ© fonciĂšre, la pronoia[3], favorisait l’accaparement des terres par des propriĂ©taires, souvent absents, qui faisaient lever les taxes par des agents prenant une part des profits. Le tout conduisit Ă  l’appauvrissement des paysans et Ă  un mĂ©contentement gĂ©nĂ©ral non seulement des Bulgares, mais aussi des populations grecques de la rĂ©gion[4] - [5]. De plus, le chef de l’Église bulgare qui, sous Basile II Ă©tait demeurĂ© un Bulgare mĂȘme s’il n’était plus patriarche, fut remplacĂ© par un Grec, le chartophylax de Sainte-Sophie, LĂ©on[6].

DĂ©buts de l’insurrection

La Bulgarie sous Pierre Deljan.

La rĂ©volte grondait : elle n’attendait plus qu’un chef. Celui-ci vint en la personne de Pierre Deljan[N 1]. Ses origines sont obscures. Lui-mĂȘme affirmait ĂȘtre le fils de l’empereur Gabriel Radomir (r. 1014 – 1015) et petit-fils de Samuel de Bulgarie (997 – 1014)[7]. Mais il se peut aussi qu’il n’ait Ă©tĂ© qu’un leader local de Belgrade assumant de telles origines pour justifier ses aspirations Ă  la couronne[8].

Sous sa direction, la rĂ©bellion partie de la rĂ©gion de Pomoravlje (bassin de la Morava), s’étendit jusqu’à Belgrade, oĂč Pierre Deljan fut proclamĂ© empereur (tsar) de Bulgarie, prenant le nom de Petar II en mĂ©moire de Pierre Ier(r. 927 – 969), premier souverain bulgare qui avait forcĂ© l’Empire byzantin non seulement Ă  lui reconnaitre le titre de « tsar » mais aussi Ă  accepter l’autonomie de l’Église bulgare[9]. Elle se dirigea ensuite vers le sud, prenant NiĆĄ et Skopje[10].

En mĂȘme temps, une autre rĂ©bellion se dĂ©clarait Ă  Dyrrachium, dans l’ouest du pays. EnvoyĂ© contre Pierre Deljan, le doux de Dyrrachium, Basile Synadus fut rĂ©voquĂ© par l’empereur sous prĂ©texte de trahison. Les troupes de Synadus se rĂ©voltĂšrent contre cette dĂ©cision et choisirent pour chef un noble bulgare du nom de Tihomir, lequel se proclama Ă©galement empereur. L’existence de deux rĂ©bellions concurrentes constituait une menace pour leur succĂšs. Deljan Ă©crivit alors Ă  Tihomir une lettre l’invitant Ă  mener une action conjointe. Lors d’une rencontre des deux groupes (probablement Ă  Skopje) Deljan s’adressa Ă  la foule, affirmant que de mĂȘme qu’il Ă©tait impossible que deux perroquets habitent un mĂȘme buisson sans discorde, il Ă©tait impossible Ă  deux empereurs de partager le mĂȘme pays. Les deux perroquets Ă©taient une allusion Ă  la maison des ComitopouloĂŻ, derniĂšre maison rĂ©gnante du premier Empire bulgare, qui arborait deux perroquets sur son blason. À l’issue de ce discours, Tihomir fut lapidĂ© par la foule et Peter Deljan demeura le seul chef de la rĂ©bellion[11]. Il put alors prendre Dyrrachium, envoyer des troupes Ă  ThĂšbes et marcher sur Thessalonique, oĂč se trouvait l’empereur Michel IV qui dut s’enfuir pendant que son chambellan, Ivats, passait du cĂŽtĂ© des rebelles avec le trĂ©sor de guerre impĂ©rial[12]. AprĂšs cette victoire, les troupes bulgares sous la conduite du voĂŻvode Kavkan pĂ©nĂ©trĂšrent profondĂ©ment Ă  l’intĂ©rieur de la Thessalie et atteignirent Corinthe. L’Albanie, l’Épire et la majeure partie de la MacĂ©doine furent ainsi conquises. À l’annonce de ces succĂšs, la population byzantine d’AthĂšnes et du PirĂ©e, Ă©galement accablĂ©e par les taxes de Jean l’Orphanotrope, se joignit Ă  la rĂ©volte : elle fut durement rĂ©primĂ©e par les mercenaires normands de l’armĂ©e impĂ©riale[13] - [14]. L’avance des rebelles causa un grand Ă©moi Ă  Constantinople, oĂč on se hĂąta de faire des plans pour mater la rĂ©volte.

La trahison d’Alousianos

Alousianos se présente au camp de Pierre Deljan (Chronique de SkylitzÚs de Madrid).

La nouvelle de la rĂ©volte bulgare atteignit rapidement l’ArmĂ©nie oĂč s’étaient rĂ©fugiĂ©s les descendants des derniers empereurs bulgares. Le plus respectĂ© d’entre eux, Alousianos, Ă©tait le deuxiĂšme fils du dernier empereur Ivan Vladislav (r. 1015–1018). Avec son frĂšre ainĂ©, Pressiyan II, il avait tentĂ© de s’opposer Ă  l’annexion de la Bulgarie par Basile II, mais avait finalement dĂ» capituler. NommĂ© gouverneur (strategos) du thĂšme de Theodosioupolis, il s’était considĂ©rablement enrichi grĂące Ă  un mariage avec une noble armĂ©nienne, mais avait perdu la confiance de Michel IV et de Jean l’Orphanotrope dans les annĂ©es 1030, Ă  la suite de quoi une partie de ses biens avait Ă©tĂ© confisquĂ©e.

Ayant appris le succĂšs de son cousin Pierre Deljan, Alousianos rĂ©ussit Ă  rejoindre d’abord Constantinople dĂ©guisĂ© en mercenaire, puis la Bulgarie en . Pierre Deljan l’accueillit d’abord avec chaleur Ă  son camp d’Ostrovo, prĂšs de Thessalonique et accepta de partager la direction des opĂ©rations avec lui. Mais durant le siĂšge de Thessalonique, la discorde s’installa entre les deux leaders. Peu aprĂšs, Alousianos avec une armĂ©e de 40 000 hommes attaqua Thessalonique, mais il fut vaincu. La dĂ©faite devait se solder par la perte de 15 000 soldats, Alousianos lui-mĂȘme laissant ses armes et son armure sur le champ de bataille ; il fut alors abandonnĂ© par les nobles bulgares[15] - [16].

Cette perte affectait grandement les forces rebelles et Deljan commença Ă  se mĂ©fier d’Alousianos, le soupçonnant d’ĂȘtre un agent double des Byzantins et d’avoir intentionnellement perdu le combat[14]. Une nuit de 1041, aprĂšs un diner oĂč Deljan s’était enivrĂ©, Alousianos trancha le nez de son rival et l’aveugla avec un couteau de cuisine. Étant du sang du tsar Samuel, Alousianos fut rapidement proclamĂ© empereur Ă  la place de Deljan par les troupes. Dans un premier temps, il prĂ©para un certain nombre d’opĂ©rations contre les Byzantins, mais fut Ă  nouveau dĂ©fait et dut fuir en toute hĂąte. La rĂ©bellion commençant Ă  s’effondrer, la famille d’Alousianos nĂ©gocia une amnistie pour lui avec l’empereur byzantin. Ainsi, Ă  l’étĂ© 1041, alors que troupes rebelles et byzantines s’apprĂȘtaient Ă  s’affronter dans une bataille dĂ©cisive, Alousianos abandonna ses troupes pour se rendre aux Byzantins[17]. Selon l’historien KĂ©kaumenos[18], les actions d’Alousianos tĂ©moignent d’une incompĂ©tence telle qu’elles devaient ĂȘtre dĂ©libĂ©rĂ©es, impliquant que celui-ci Ă©tait de connivence avec les Byzantins.

Il fut accueilli avec honneur Ă  la cour de Constantinople, oĂč il reçut le titre de « magistros », titre qui avait Ă©tĂ© accordĂ© prĂ©cĂ©demment aux empereurs bulgares dĂ©posĂ©s, Boris II en 971 et Pressiyan II en 1018. Peu aprĂšs, sa fille Ă©pousa un noble byzantin du nom de Romain DiogĂšne, qui devait plus tard accĂ©der au trĂŽne sous le nom de Romain IV[19].

Suppression de la révolte

Michel IV et ses troupes devant une barricade bulgare (Chronique de SkylitzĂšs de Madrid).

Michel IV put alors prĂ©parer une opĂ©ration d’envergure pour mettre un terme dĂ©finitif Ă  la rĂ©volte. Parmi les mercenaires de l’armĂ©e byzantine figurait le prince norvĂ©gien Harald Hardrada, qui devait devenir roi de NorvĂšge quelques annĂ©es plus tard, et 500 VarĂšgues. De Thessalonique, les Byzantins pĂ©nĂ©trĂšrent en Bulgarie et dĂ©firent les troupes bulgares Ă  Ostrovo Ă  la fin de l’étĂ© 1041. Il semble que les VarĂšgues, bien qu’en nombre restreint, aient jouĂ© un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant lors de cette bataille, leur leader Ă©tant appelĂ© dans les Ă©popĂ©es norvĂ©giennes Bolgora brennĂ­r « le destructeur de la Bulgarie » ; il devait par la suite recevoir le titre de spatarokandidatos[20]. Quant Ă  Pierre Deljan, bien qu’aveugle, il commandait les troupes bulgares ; il fut capturĂ© et, avec d’autres chefs bulgares, fit partie du cortĂšge triomphal de l’empereur lors de son retour Ă  Constantinople[21].

C’en Ă©tait fait de la rĂ©sistance. Peu aprĂšs, les voĂŻvodes Botko prĂšs de Sofia et Manuil Ivats Ă  Prilep durent Ă©galement se rendre. Pour sa part, Michel IV rentra Ă©puisĂ© de cette expĂ©dition ; il devait mourir le , le jour mĂȘme oĂč il s’était retirĂ© au monastĂšre des Saints-Anargyres[22]. Quant Ă  Alousianos, on perd alors sa trace, mais son fils Basile devint gouverneur d’Édesse et un autre fils, Samuel, commandant des troupes de l’Armeniakon[15].

Bibliographie

Sources primaires

  • Michaelis Attaliates. Historia. Opus a Wladimiro Bruneto de Presle, Instituti Gallici socio, inventum, descriptum, correctum recognovit Immanuel Bekker. Bonn, 1853 (Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae). [en ligne] https://fr.scribd.com/document/136737362/Michael-Attaliota-Historia.
  • KĂ©kaumĂ©nos. Conseils et rĂ©cits d'un gentilhomme byzantin, traduit du grec et prĂ©sentĂ© par Paolo Odorico, Toulouse, Anacharsis, 2015. (ISBN 979-1-092-01117-3).
  • Psellos. Chronographia. Paris, Les Belles Lettres, 1967.
  • SkylitzĂšs, Jean. Empereurs de Constantinople « Synopsis HistoriĂŽn » traduit par Bernard Flusin et annotĂ© pat Jean-Claude Cheynet Ă©ditions P.Lethilleux Paris 2003 (ISBN 2283604591).

Sources secondaires

  • (fr) Aslanian, Dimitrina. Histoire de la Bulgarie de l'AntiquitĂ© Ă  nos jours, Versailles, Trimontium, 2004, 2e Ă©d., 510 p. (ISBN 2-9519946-1-3).
  • (en) Blöndal, Sigfus, Benedikt S. Benedikz. The Varangians of Byzantium. Cambridge, Cambridge University Press, 1978. (ISBN 978-0-521-03552-1).
  • (en) Burg, David F. A World History of Tax Rebellions: An Encyclopedia of Tax Rebels, Revolts, and Riots from Antiquity to the Present. Taylor & Francis, 2004. (ISBN 978-0-203-50089-7).
  • (en) Cameron, Averil. The Byzantines, Blackwell Publishing, 2006, (ISBN 978-1-405-19833-2).
  • (fr) Castellan, Georges et Marie Vrinat-Nikolov, Histoire de la Bulgarie. Au Pays des Roses, Armeline, 2008 (ISBN 978-2-910-87832-0).
  • (en) Crampton, R.J. A Concise History of Bulgaria. Cambridge, Cambridge University Press, 2005 [1997]. (ISBN 978-0-521-61637-9).
  • (en) Fine, John V.A., The Early Medieval Balkans, Ann Arbor, 1983. (ISBN 978-0-472-08149-3).
  • (en) Harris, Jonathan). The Lost World of Byzantium. Yale University Press, 2015. (ISBN 978-0300178579).
  • (de) Hopf, Karl. Geschichte Griechenlands vom Beginn des Mittelalters bis auf unsere Zeit. B: Griechenland im Mittelalter und in der Neuzeit Abschnitt I-III. New York, B. Franklin, 1960, (Ă©dition originale : Leipzig 1867-1868; numĂ©risĂ© UniversitĂ© du Michigan 2006).
  • (en) Madgearu, Alexandru & Martin Gordon, The wars of the Balkan Peninsula: their medieval origins. Publisher Scarecrow Press, 2008, (ISBN 0-8108-5846-0).
  • (fr) Ostrogorsky, Georges. Histoire de l’État byzantin. Paris, Payot, 1983. (ISBN 2-228-07061-0).
  • (en) Stephanson, Paul. Byzantium's Balkan Frontier: A Political Study of the Northern Balkans, 900-1204. Cambridge University Press, 2000. (ISBN 978-0-521-77017-0).
  • (en) Treadgold, Warren. A History of the Byzantine State and Society. Stanford, CA: Stanford University Press, 1997. (ISBN 978-0-8047-2630-6).

Notes et références

Notes

  1. L’épopĂ©e de Pierre Deljan, du dĂ©but de la rĂ©volte Ă  son aveuglement, est abondamment illustrĂ©e dans la Chronique de SkylitzĂšs de Madrid conservĂ©e Ă  la BibliothĂšque nationale d’Espagne (Voir Grabar-Manoussacas, SkylitzĂšs, nos. 524-529, illustrations 255-258)

Références

  1. Campton (2005) pp. 21-22
  2. Ostrogorsky (1983) p. 337
  3. Voir Ă  ce sujet Ostrogorsky (1983) pp. 192-193
  4. Compton (2005) p. 22
  5. Ostrogorsky (1983) pp. 346-347
  6. Ostrogrosky (1983) p. 348
  7. Voir à ce sujet Zlatarsky, « Wer war Peter Deljan ? », Annales Acad. Scient. Fennicae, 27 (1932), pp. 354 et sq.
  8. Madgearu (2008) pp. 63-66
  9. Fine, (1983) pp. 160–161
  10. Stephanson (2000) p. 130
  11. Kazdhan (1991), « Deljan, Peter », vol. 1, p. 601
  12. Treadgold, (1997) pp. 587–589
  13. Hopf (1960) p. 147
  14. Fine (1983) p. 205
  15. Kazdhan (1991) « Alousianos », vol. 1, p. 70
  16. Blöndal (1978) p. 74
  17. Fine (1983), pp. 205-206
  18. Cité par Fine (1983) p. 206
  19. Fine (1983) p. 206
  20. Cité par Blöndal (1978) pp. 74 et 75
  21. Psellos, Chronographia, I, 49-50
  22. Ostrogorsky (1983) p. 349

Voir aussi

Liens internes

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