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Grand requin blanc

Carcharodon carcharias

Le Grand requin blanc (Carcharodon carcharias) est une espèce de requins de la famille des Lamnidae et de l'ordre des Lamniformes (et non des Carcharhiniformes car dépourvu de paupière nictitante). Il est le seul représentant actuel du genre Carcharodon.

Avec une taille maximale supérieure à m de long (on suppose qu'il peut atteindre une taille encore supérieure), c'est l'un des plus grands poissons prédateurs vivant actuellement dans les océans. La population des grands requins blancs a diminué de 75 % dans l’Atlantique Nord-Ouest[1].

Il est considéré comme un requin dangereux puisqu'il est responsable d'attaques contre les hommes, la grande majorité d'entre elles étant non mortelles[2]. Néanmoins, contrairement à certaines idées reçues, il n'est pas un « mangeur d'hommes » et l'homme n'est pas une proie pour lui, la plupart des attaques étant dues à une erreur d'analyse visuelle du requin. Le grand requin blanc a une alimentation très variée : pinnipèdes, poissons, tortues marines, cétacés...

Ce type de requin est connu du grand public pour avoir été le sujet du best-seller Les Dents de la mer de Peter Benchley et de son adaptation cinématographique par Steven Spielberg.

Description

Mesures

Le grand requin blanc mesure en moyenne de 4 Ă  6 m de long. Ă€ approximativement 26 ans, âge de sa maturitĂ© sexuelle, il mesure 3,50 Ă  4,10 m. Les grands requins blancs en mer MĂ©diterranĂ©e sont plus massifs que leurs cousins ocĂ©aniques. Les femelles sont matures plus tard, Ă  environ 33 ans et mesurent alors 4 Ă  6 m[3].

La taille du plus grand spécimen jamais pêché a fait l'objet d'un grand nombre de débats, de conjectures et de fausses informations[4].

Pendant des dĂ©cennies, le livre Guinness des records, ainsi que les travaux de nombreux ichtyologues, prĂ©sentaient deux spĂ©cimens comme les plus grands jamais capturĂ©s : l'un de 11 m capturĂ© dans les eaux sud australiennes près de Port Fairy dans les annĂ©es 1870, et l'un de 11,30 m capturĂ© au Nouveau-Brunswick, Canada dans les annĂ©es 1930. Richard Ellis et John E. McCosker, dans leur livre The Great White Shark (1991), dĂ©dient un chapitre entier Ă  ce sujet. Ils concluent que le plus grand spĂ©cimen jamais capturĂ© et mesurĂ© correctement devait faire 6,40 m (mesurĂ© Ă  plat sur le sol et non suspendu Ă  un filin) pour 3 324 kg. Il a Ă©tĂ© pĂŞchĂ© Ă  Cuba en 1945. Le requin blanc de 7,13 m, capturĂ© en 1987 Ă  Malte, ne devait mesurer d'après les experts qu'entre 5,55 et 6 m[5].

Concernant les records non vĂ©rifiĂ©s de plus de 10 mètres, Richard Ellis et John E. McCosker doutent de la fiabilitĂ© des mesures, notant qu'elles Ă©taient trop importantes en les comparant aux très grands requins blancs avĂ©rĂ©s que l'on a pu rĂ©pertorier. Le requin blanc de 11,30 m prĂ©tendument pĂŞchĂ© au New Brunswick (Canada) a Ă©tĂ© mal identifiĂ©, car il s'agissait d'un requin pèlerin, ayant un corps de forme similaire au requin blanc. La question du requin blanc de 11 m de Port Fairy dans les eaux australiennes a Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e dans les annĂ©es 1970, lorsque J. E. Reynolds a examinĂ© les mâchoires du requin et a conclu qu'il ne faisait que m de long. Il a suggĂ©rĂ© qu'une erreur avait Ă©tĂ© commise dans l'enregistrement original en 1870.

Pour conclure, la taille maximale est estimĂ©e Ă  7,5 m de long tout au plus, par des spĂ©cialistes comme l'Italien Alessandro de Maddalena, mais les grands requins blancs de plus de 6 mètres sont extrĂŞmement rares. Aucun grand requin blanc atteignant les 7 mètres n'a jamais Ă©tĂ© capturĂ©.

En France, à Sète, le 13 octobre 1956, une femelle est pêchée. Cette dernière mesure 5,90 mètres et pèse alors environ 2 tonnes (le muséum de Lausanne fait l'acquisition de ce spécimen ; une reproduction en plâtre est visible en ce musée[6]).

La masse du Grand requin blanc mâle varie entre 680 et 2 000 kg. Celui de la femelle est compris entre 1 000 et 1 900 kg. Ellis et McCosker Ă©crivent en ce qui concerne la masse des requins blancs et concluent qu'ils peuvent peser jusqu'Ă  3 tonnes mais notent Ă©galement que le plus lourd pesĂ© scientifiquement pesait 3,3 tonnes.


  • Un adulte vu de face.
    Un adulte vu de face.
  • Vue de profil.
    Vue de profil.
  • Le dos du poisson est sombre pour ĂŞtre discret depuis plus haut.
    Le dos du poisson est sombre pour ĂŞtre discret depuis plus haut.
  • Un spĂ©cimen entre eau et air.
    Un spécimen entre eau et air.
  • Comparaison d'un Grand requin blanc avec un homme.
    Comparaison d'un Grand requin blanc avec un homme.
  • PĂŞche d'un adulte de l'espèce.
    Pêche d'un adulte de l'espèce.

Deep Blue

« Deep Blue » est le surnom donnĂ© Ă  l'un des plus grands spĂ©cimens de requin blanc jamais observĂ©s Ă  partir de l'annĂ©e 2013. Il s'agit d'une femelle vivant au large de l'Ă®le Guadalupe (Mexique). Sa taille est estimĂ©e Ă  20 pieds, soit 6,09 mètres[7] - [8].

Ce requin femelle fascine aussi bien les scientifiques que le grand public. L'une des vidĂ©os faites en 2013 par le biologiste marin Mauricio Hoyos Padilla et mise en ligne sur YouTube en a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© vue plus de 7 millions de fois au , date de sa prĂ©sentation au JT de 20 heures de France 2.

Il s'agit d'un requin femelle, dont l'imposante taille donne Ă  penser qu'elle a environ 50 ans[7].

Or, pour mettre bas, les requins femelles se rapprochent des côtes afin de libérer leurs petits dans des eaux peu profondes, où il y a moins d'animaux prédateurs et où la nourriture est plus abondante. Mais ces zones proches des côtes sont très exposées à plusieurs menaces humaines.

En 2015, le biologiste Mauricio Hoyos Padilla et son association Pelagios-Kakunjá souhaitent donc réunir des dons pour sécuriser les endroits où les requins femelles mettent bas, en taguant les requins femelles en vue de créer une base de données permettant de développer de nouvelles stratégies de conservation près des côtes de l'île Guadalupe[9] - [10] - [11].

Nicole et Lydia

En 2004, une femelle grand requin blanc, surnommée Nicole, parcourt l'hémisphère sud. Puis en 2013, une autre femelle, surnommée Lydia, traversant l'Atlantique, devient la coqueluche des réseaux sociaux comme Deep Blue.

Morphologie générale

Squelette d'un Grand requin blanc.

Le Grand rayon blanc possède un museau conique assez long. Ses dents, tranchantes comme des lames de rasoir, sont plates, triangulaires, dentelĂ©es et peuvent mesurer 76 mm de long en maximum (60 mm dĂ©passant des « gencives »). S'il advient qu'une dent tombe, une autre de la rangĂ©e arrière (ses mâchoires sont pourvues de quatre Ă  six rangĂ©es), qui est inclinĂ©e vers l'intĂ©rieur, s'avance vers l'avant de la mâchoire pour prendre sa place. Seules les deux premières rangĂ©es sont fonctionnelles.

Les mâchoires du grand requin blanc sont impressionnantes. Elles mesurent 90 cm de large pour un spĂ©cimen de 6 mètres (il s'agit de la largeur totale, la largeur de la bouche sur un requin vivant de m Ă©tant de 60 cm).

En 2008, il a Ă©tĂ© estimĂ© que le plus gros spĂ©cimen de Grand requi. blanc rĂ©pertoriĂ© pouvait exercer une force de 18 216 N (environ 1 857 kg) entre ses mâchoires. Bien qu'elle n'ait pas Ă©tĂ© directement mesurĂ©e sur un spĂ©cimen vivant, elle constituerait nĂ©anmoins une des plus importantes du règne animal[12].

Le Grand requin blanc doit son nom Ă  la couleur blanche de sa face ventrale, contrastant avec la couleur grise de sa face dorsale.

Les fentes branchiales, très longues, n'encerclent pas la tĂŞte. Elles prĂ©cèdent les nageoires pectorales falciformes bien dĂ©veloppĂ©es, ainsi que des fossettes prĂ©caudales et de fortes carènes caudales, caractĂ©ristiques des Lamnidae. La nageoire caudale est courte, presque symĂ©trique en forme de croissant. L'espĂ©rance de vie est Ă©valuĂ©e par la pollution radioactive Ă  40 ans pour les femelles et Ă  73 ans pour les mâles[13]. Il possède entre 44 et 52 dents[3].

Le grand requin blanc possède une ouĂŻe et un odorat très sensibles. Il est capable de sentir une goutte de sang dans plus de 4,6 millions de litres d'eau et d'entendre une proie Ă  km de distance. De plus, sous le museau, des rĂ©cepteurs sensibles aux champs magnĂ©tiques lui permettent de dĂ©tecter bruits et vibrations de basses frĂ©quences Ă  plusieurs centaines de mètres. Ce sont les ampoules de Lorenzini. Elles lui permettent, entre autres, de dĂ©tecter des animaux en dĂ©tresse. Il faut Ă©galement savoir que le grand expert du grand requin blanc, Andre Hartmann (le premier homme Ă  nager et toucher le grand prĂ©dateur hors d'une cage) a dĂ©couvert qu'en touchant ces ampoules, le requin devient quasiment inoffensif et se laisse dĂ©river pendant quelques secondes le ventre Ă  la surface. Il a aussi une vue supĂ©rieure Ă  l'ĂŞtre humain. Bien qu'il ait effectivement une vue supĂ©rieure, sa vue de près reste nĂ©anmoins mauvaise, et c'est pourquoi dans certains cas une proie très proche de lui peut lui Ă©chapper, du fait qu'il ne l'aperçoit pas immĂ©diatement. Ou bien qu'il puisse confondre des objets flottants avec des proies (telles que les tortues). En revanche, sa vue de loin reste excellente et d'une très grande prĂ©cision. Il fait partie des rares espèces de poissons capable d’utiliser sa vue Ă  l’air libre : des requins blancs vivant Ă  proximitĂ© de colonies de phoques ont ainsi Ă©tĂ© vus avec la tĂŞte Ă©mergĂ©e de façon Ă  observer les phoques rĂ©fugiĂ©s sur des rochers.

Contrairement à d'autres requins, le Grand requin blanc n'a pas de paupières. C'est pourquoi il roule ses yeux en arrière lors d'une attaque.

RĂ©partition et habitat

Aire de répartition cosmopolite du grand requin blanc.
Un grand requin blanc près de l'île Guadalupe.

L'habitat du grand requin blanc est principalement cĂ´tier dans les eaux tempĂ©rĂ©es, mais il a aussi Ă©tĂ© observĂ© en zones Ă©pipĂ©lagiques dans l'ocĂ©an. C'est un amateur des eaux peu profondes, mais un spĂ©cimen a cependant Ă©tĂ© pĂŞchĂ© sur une longue ligne de 1 280 m. Il aime toutefois Ă©voluer dans plus de 30 m de fond, ce qui explique, en partie, pourquoi il y a plus d'attaques de ce requin sur les cĂ´tes oĂą l'on atteint très vite des grandes profondeurs. Il possède une facultĂ© d'adaptation aux tempĂ©ratures très importantes. Il peut rĂ©guler la tempĂ©rature de son corps jusqu'Ă  20 °C au-dessus de la tempĂ©rature ambiante, ce qui explique sa prĂ©sence dans des eaux parfois relativement froides.

Espèce cosmopolite, on trouve le grand requin blanc dans toutes les mers tempérées du globe et parfois même dans les mers tropicales, suivant probablement les migrations des baleines qui viennent y mettre bas. Il est particulièrement présent en Australie, en Afrique du Sud, en Californie ainsi que dans les Caraïbes. Le grand requin blanc est également présent dans l'océan Pacifique, notamment au large des côtes hawaiiennes[14], du Japon aux Philippines, de la Nouvelle-Calédonie à la Nouvelle-Zélande. Il a même été observé au large des côtes d'Alaska. Il serait devenu rare en mer Méditerranée, conséquence directe de l'intensification du trafic commercial entre l'Europe et l'Afrique du Nord dont la pollution engendrée perturbait son habitat, d'après un rapport de 2008 de l'ONG Greenpeace.

Il se dĂ©place le plus souvent seul ou en couple, mais jamais en colonie. S'il arrive d'observer un mĂŞme spĂ©cimen plusieurs annĂ©es de suite dans les mĂŞmes eaux, la territorialitĂ© n'a jamais pu ĂŞtre dĂ©montrĂ©e. En revanche, il semblerait que les animaux les plus grands effectuent parfois de très longs trajets. En 2005, un grand requin blanc femelle, qui a Ă©tĂ© dotĂ© d'un capteur de localisation, a traversĂ©, aller-retour, l'ocĂ©an Indien, du Cap (Afrique du Sud) jusqu'aux cĂ´tes mĂ©ridionales d'Australie. Soit un pĂ©riple de près de 10 000 km en moins de neuf mois. Une autre a effectuĂ© la traversĂ©e de l'Ă®le du Sud de la Nouvelle-ZĂ©lande Ă  la Grande barrière de corail. Les raisons de telles traversĂ©es demeurent encore très mystĂ©rieuses, car il n'y a pas de lien avec la migration des grands cĂ©tacĂ©s. Une rĂ©cente Ă©tude gĂ©nĂ©tique montre que les spĂ©cimens prĂ©sents en MĂ©diterranĂ©e sont arrivĂ©s d'Australie il y a 450 000 ans.

Biologie et Ă©cologie

Adaptations, comportements

À la différence de presque tous les poissons, cette espèce est gigantotherme (c'est-à-dire qu'elle conserve une température corporelle chaude), ce qui implique de manger plus et/ou économiser son énergie. Yuuki Watanabe et ses collègues ont récemment (publication 2019) équipé huit requins de cette espèce de balises de suivi (au large de l'Australie)[15]. Leur vitesse était généralement comprise entre 2,9 et 4,9 km/h ce qui est lent comparé à la nage jusqu'alors supposée la plus efficace pour ce requin[15].
Les requins doivent toujours se mouvoir pour alimenter leurs branchies. Les chercheurs ont noté que ces animaux plongent souvent, mais en planant, c'est-à-dire sans faire d'efforts[15]. Une hypothèse est que ce comportement lui permet de respirer en consommant aussi peu d'énergie que possible, pour ensuite mieux chasser en surface des animaux rapides et agiles tels que phoques ou gros poissons[15].

Comme de nombreux autres requins, le grand requin profite de l'ombre inversé. Il s'agit d'un camouflage passif grâce à la pigmentation plus foncée sur la face dorsale de l'animal que la face ventrale. Cette adaptation lui permet d'imiter l'obscurité des fonds marins quand on le voit du dessus et inversement quand on le voit de dessous.

Une étude de 2022[16] suggère que le grand requin blanc serait capable de faire varier la pigmentation de sa face dorsale pour optimiser son camouflage quand il est sous sa proie. Il s'agit là d'un camouflage différent de l'ombre inversé car il est actif. Grâce à une étude en laboratoire sur un bout de tissu de l'animal, il a été découvert que des hormones présentes chez cette espèces exercent une influence directe sur les mélanocytes qui sont les cellules responsables de la pigmentation. L'injection d'adrénaline contracte ces cellules ce qui éclairci les pigments. À l'inverse, avec l'injection de MSH qui est une hormone de stimulation des mélanocytes, le tissu devient plus foncé. Ce camouflage pourrait être une adaptation clé du grand requin blanc pour ses chasses en surface.

Reproduction

Son cycle de reproduction n'est pas bien connu. On estime que le mâle atteint sa maturitĂ© sexuelle Ă  26 ans et la femelle Ă  33 ans[17] - [18]. Il est ovovivipare : les Ĺ“ufs se dĂ©veloppent et Ă©closent dans l'utĂ©rus de la femelle, avec cannibalisme utĂ©rin (comme les autres lamnidĂ©s). Le temps de gestation n’est pas encore connu, car jusqu'Ă  maintenant il n'a encore jamais Ă©tĂ© observĂ© un accouplement de grand requin blanc. Il est estimĂ© entre 12 et 18 mois. La pĂ©riode de reproduction est de 2 Ă  3 ans[19]. Les jeunes grands requins blancs, Ă  la naissance, mesurent entre 1,09 et 1,60 m[3] et sont dĂ©jĂ  des prĂ©dateurs capables de survivre. Ils se reproduisent au printemps. Son espĂ©rance de vie est Ă©valuĂ©e Ă  plus de 70 ans[20].

La croissance de la population est faible, avec un taux intrinsèque d'accroissement naturel de 0,04 Ă  0,056[19].

Alimentation

Mâchoire.

Le grand requin blanc est de nature plutôt solitaire et il est rare que plusieurs individus se rassemblent pour chasser. Il se situe au sommet de la chaîne alimentaire dans l'océan juste en dessous de l'orque. Il est déjà arrivé que des orques attaquent des requins et les chassent de leur lieu de residence habituelles, notamment en Afrique du Sud[21]. Du fait de sa taille, de son métabolisme et de ses capacités physiques exceptionnelles, il n'a que très peu de concurrents, hormis l'orque. Il se nourrit de poissons de grande taille (comme le thon, l'espadon ou le tarpon), de calmars, de tortues marines, de phoques et de dauphins. Les jeunes se nourrissent exclusivement de poissons. D'après l'analyse d'émetteurs placés dans leurs estomacs, les grands requins blancs prennent un repas en moyenne tous les trois jours, d'une masse qui avoisine 3 % de leur masse corporelle. Quand les proies sont rares, ils peuvent attendre plusieurs semaines avant de s'alimenter[22].

On a observé également des attaques de grands requins blancs sur des baleines à bosse, mais, pour qu'ils s'attaquent à un cétacé de cette taille, ils doivent être dans un état de famine assez avancé[23] .

Les rares cas d'attaque sur l'homme sont plus considérés comme des « accidents », en majorité sur des surfeurs ou véliplanchistes, une forme ovoïde battant des « nageoires » à la surface et rappelant à ce prédateur sa proie favorite. Son attaque se décompose en plusieurs phases : d'abord le « coup de dents » qui va saigner la proie, le grand requin blanc n'avalant pas des quartiers de viande d'une grosse proie du premier coup. Puis, lorsque la proie est inerte, commence alors l'alimentation à proprement parler. Les attaques contre l'homme se terminent dans la majorité des cas après le coup de dents. En effet, lors de la morsure, des récepteurs situés dans la gueule « goûtent » la proie, ce qui permet au requin de savoir si celle-ci est suffisamment riche en graisse. L'homme n'apporte pas assez de graisse pour le requin ; le squale ne reconnaissant pas le goût de sa proie l'abandonne, et les rares cas mortels résultent de l'hémorragie (artère ou membre sectionnés). Il est évident que la pression exercée par la mâchoire (plus de cinquante centimètres de diamètre) et les dents coupantes comme des lames de rasoir laissent un résultat impressionnant, souvent désastreux, sur un corps humain.

La couleur du dos de l'animal varie du gris-noir (Afrique du Sud, Australie, Californie) au marron clair pour la Méditerranée, où l'on a observé un comportement alimentaire différent, peut-être une adaptation au milieu méditerranéen : des chasses de thons, de marlins, un comportement plus opportuniste et tourné vers les grands poissons plutôt que les mammifères marins devenus rares dans cette région (raréfaction du Phoque moine). Comme lui, d'ailleurs. À noter que les grands requins blancs de la région du Cap ont adopté une technique de chasse unique en son genre. Pour surprendre une otarie, le requin se met à l'affût près du fond et, après avoir repéré une proie qui s'agite en surface, s'élance comme une torpille (sa vitesse est telle qu'il bondit hors de l'eau) pour la percuter, gueule grande ouverte, et la happer en retombant. Les scientifiques ont désigné cette forme d'attaque auparavant méconnue sous le nom anglais de breaching, ce qui veut dire « créer une brèche ».

Le grand requin blanc a aussi démontré une certaine intelligence par rapport aux autres requins. Il est le seul squale à sortir la tête hors de l'eau pour observer son environnement extérieur. Certaines expériences scientifiques ont démontré qu'il était aussi capable d'apprendre des tours, à l'instar des dauphins et orques, pour obtenir du poisson. D'autres scientifiques ont réussi l'exploit de nager avec des grands requins blancs sans cage de protection, voire de s'accrocher à son aileron dorsal. Le spécialiste André Hartman s'est même permis de « caresser » le museau de grands blancs, mettant les squales en état d'immobilité tonique.

Génétique et taxonomie

Dessin d'un grand requin blanc (1838).

En 1758, Carl von Linné fut le premier à décrire le grand requin blanc, sous le nom Squalus Carcharias. Andrew Smith lui donna le nom générique de Carcharodon en 1833 et en 1873, le nom générique et le nom spécifique furent associés pour donner Carcharodon carcharias. Carcharodon vient du grec karcharos (aiguisé) et odous (dent). Le mot karcharias signifie « requin » en grec.

Le grand requin blanc est le seul représentant du genre Carcharodon. Il serait apparu au milieu du Miocène. Les premières dents fossilisées retrouvées datent de 16 millions d'années. Sa phylogénie est controversée. Certains taxonomistes font de lui un descendant direct du requin préhistorique, le Mégalodon. Selon des hypothèses plus récentes, le grand requin blanc ne serait en fait qu'un « cousin », regroupé dans la famille des Lamnidés. Cette hypothèse ferait du grand requin blanc le descendant d'Isurus hastalis, le mako préhistorique.

Son génome (qui intéresse notamment les cancérologues du fait qu'il semble protéger l'espèce des cancers) a été récemment complété et publié en 2019 par le Centre de recherche sur les requins de la fondation Save Our Seas de la Nova Southeastern University (NSU) et par l'Institut de recherche Guy Harvey (IRSH), du collège de médecine vétérinaire de l'Université Cornell et par l'aquarium de Monterey Bay [24]. Il est très long (une fois et demie plus grand que le génome humain) et il semble particulièrement riche en éléments stabilisateurs et réparateurs de l'ADN. Certains gènes pourraient aussi expliquer leur capacité à cicatriser très rapidement[24].

Le Grand requin blanc et l'homme

Danger pour l'homme

Le Grand requin blanc peut attaquer l'homme, bien que les attaques soient rares. Le nombre d'attaques est cependant difficile Ă  estimer en raison des donnĂ©es variant selon les Ă©tudes. Toutes espèces confondues entre 2007 et 2016, durant dix annĂ©es, une source amĂ©ricaine recense environ 800 attaques dans le monde entier, soit environ 80 par annĂ©e. 61 des 766 attaques Ă©taient mortelles, soit plus de 6 par annĂ©e. 23 des 61 morts l'ont Ă©tĂ© entre 2013 et 2016[25]. Les raisons conduisant le requin Ă  s'attaquer Ă  l'homme ne sont pas connues ; le manque de donnĂ©es ne permet pas d'explication fiable. Le comportement en milieu naturel des requins est Ă©galement mal connu (et peu Ă©tudiĂ©).

Néanmoins, le Grand requin blanc est l'une des espèces les plus souvent impliquées dans les attaques de requins sur l'homme[26] avec le Requin tigre et le Requin bouledogue, ce dernier étant particulièrement impliqué dans les attaques d'hommes. Cela peut s'expliquer par le fait que le territoire de chasse du Grand requin blanc inclut notamment les rivages côtiers où se concentrent les activités humaines (notamment les sports nautiques). Il peut y avoir une confusion avec les proies habituelles des Grands requins blancs (phoques ou pinnipèdes) qui induiraient des attaques.

Le comportement du Grand requin blanc vis-à-vis de l'homme n'est pas systématiquement agressif ni hostile : de nombreux plongeurs ont nagé près de Grands requins blancs sans que ceux-ci manifestent une quelconque hostilité envers eux. Sa nature réputée dangereuse est donc contestée et discutée.

Grand requin blanc de Méditerranée

ObservĂ© et connu en mer MĂ©diterranĂ©e depuis l'AntiquitĂ© (surtout en Italie, Sicile, Sardaigne, Corse[27], Tunisie, mer Adriatique, Ă®les BalĂ©ares, Libye, Grèce, cĂ´tes françaises[28], etc.), il y est toujours prĂ©sent aujourd'hui mais beaucoup plus rare, la population serait d’environ 350 individus d'après une source de 2003[29].

Les Grands requins blancs de Méditerranée se distinguent des spécimens australiens, sud-africains ou américains par la couleur de leur dos ; celle-ci tend vers le marron clair[30]. Il est parfois confondu par les plaisanciers avec le Requin pèlerin (inoffensif pour l'homme), qui lui aussi est de couleur marron sur le dos, et de taille imposante. Cependant, il est bien différent, rien qu'au niveau de sa mâchoire, son aileron, ses nageoires pectorales, son corps de forme fusiforme, son régime alimentaire et son comportement.

Des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques rĂ©centes faites par des chercheurs de la Royal Society B suggèrent que cette population serait très diffĂ©rente de la population amĂ©ricaine, mais plus proche de celle d'Australie et de Nouvelle-ZĂ©lande. En consĂ©quence, les quelques diffĂ©rences entre les requins australiens et de la MĂ©diterranĂ©e suggèrent qu'ils se sĂ©parèrent il y a 450 000 ans. Durant l'âge de glace et Ă  cause des nombreux effets du changement climatique, quelques individus d'Australie migrèrent vers l'Afrique du Sud, et, portĂ©s par les courants chauds, se dĂ©placèrent plus au nord. Certains se seraient trompĂ©s de voie migratoire, et seraient passĂ©s par le dĂ©troit de Gibraltar[31] qui Ă©tait beaucoup plus large Ă  cette Ă©poque, qu'il l'est aujourd'hui.

De 1876 Ă  2010, soit en plus d'un siècle, sont recensĂ©es 31 attaques de grands requins blancs en MĂ©diterranĂ©e. Le plus souvent, selon les spĂ©cialistes, ce prĂ©dateur mord « pour goĂ»ter », mais ne mange pas l'homme. Ce comportement est indiffĂ©rent, du point de vue des blessures infligĂ©es. Ainsi, une quinzaine de personnes attaquĂ©es sont dĂ©cĂ©dĂ©es Ă  la suite de blessures graves, essentiellement en Italie, en Tunisie, en Croatie ainsi qu'en Grèce, lĂ  oĂą ces requins sont les plus abondants. Le long des cĂ´tes françaises de MĂ©diterranĂ©e, une ou deux attaques officielles non mortelles recensĂ©es (1876-1999)[32], l'une d'entre elles date de 1998, touchant les bouteilles d'un plongeur[33] au large du Cap d'Antibes.

D'après le biologiste Nicolas Ziani, les abords des côtes françaises servent de nurserie à certains squales comme le requin gris, le requin bleu ou les grands requins blancs qui viennent accoucher en eaux profondes. Afin de suivre en temps réel leurs déplacements, savoir quand ils arrivent et quand ils repartent, l’association Ailerons a coordonné au mois d’août 2011 deux campagnes de marquage de squales au large de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales. Une fois les requins capturés, des balises satellites seront installées sur leur peau pour déterminer leur zone de migration.

En Méditerranée, la proportion infime de Grands requins dangereux en fait une menace très faible. Le Grand requin blanc, victime de sa mauvaise réputation, est répertorié comme une espèce en voie de disparition. À tel point que certains experts cherchent une manière de le réintroduire dans la nature, grâce peut-être à la création de zones spéciales[34].

Captivité

Un Grand requin blanc, Ă  l'aquarium de la baie de Monterey, 2006.

Il est extrĂŞmement difficile de conserver cet animal en aquarium ; les individus meurent gĂ©nĂ©ralement au bout de quelques mois s'ils ne sont pas relâchĂ©s. Le record de 198 jours de captivitĂ© est dĂ©tenu par l'aquarium de la baie de Monterey en Californie, qui avait accueilli une jeune femelle de 1,50 m de long entre septembre 2004 et avril 2005 dans un bassin de 16 000 mètres cubes. Après six mois de captivitĂ©, elle avait dĂ» ĂŞtre relâchĂ©e devant une agressivitĂ© de plus en plus importante et des blessures sur le museau[35]. En 2015 encore, l'aquarium de Churaumi au Japon a exposĂ© un Grand requin blanc mâle de 3,5 mètres après une capture accidentelle, mais l'animal n'a survĂ©cu que trois jours[36].

Croyance

Le Grand requin blanc est souvent considéré à tort comme un « mangeur d'hommes ».

Il a été popularisé au cinéma par la tétralogie Les Dents de la mer (titre original : Jaws), dont le premier volet est sorti en salles en 1975. Cette tétralogie a largement contribué à la terreur qu'il inspire dans l'imaginaire collectif, sentiment moyennement justifié au regard des statistiques. Cet imaginaire collectif s'inspire des recherches scientifiques, bien antérieures au cycle, qui ont considéré le Grand requin blanc comme une des rares espèces de squales dangereuses pour l'homme (cinq ou six sur plusieurs centaines) ; si minoritaires soient ces espèces au sein du groupe des squales, elles existent.

De nombreuses personnes croient encore qu'il n'est qu'une machine sanguinaire et lui attribuent beaucoup plus d'intelligence qu'il n'en possède[37]. Sa taille maximale est souvent surévaluée. Mais depuis des années, des scientifiques réhabilitent ce requin, le démystifient. Plusieurs de leurs émissions ont fait le tour du monde, montrant ce qu'est vraiment le grand requin blanc dans la réalité. Peter Benchley, l'auteur du best-seller Les Dents de la mer adapté pour le célèbre film de Steven Spielberg, a aussi défendu la cause du Grand requin blanc.

Il aura fallu des décennies avant que l'homme commence à véritablement comprendre le grand requin blanc. André Hartman, un plongeur professionnel sud-africain mondialement connu, est le premier à être sorti de la cage pour nager en sa compagnie. D'autres l'ont imité, dont Jean-Michel Cousteau et François Sarano (sur le tournage du films Océans [Perrin/Cluzaud], séquence réalisée à Guadalupe, île de la côte Pacifique mexicaine, avec une femelle).

Populations et conservation

Le grand requin blanc est aujourd'hui une espèce menacée, ajouté à l'annexe II de la CITES sur une proposition de Madagascar et de l'Australie à la CoP13[38]. La proposition se base sur la constatation d'une forte diminution des prises depuis les années 1970 (diminution > 70 %) et un faible renouvellement de la population[19]. Si le suivi de la population réelle est très difficile à évaluer, les scientifiques s'accordent pour considérer que leur nombre est en chute rapide[39]. Sa pêche est désormais interdite dans de nombreux pays comme l'Australie, l'Afrique du Sud[39], Nouvelle Zélande[40]. Mais cette interdiction est régulièrement violée car les gens ont toujours peur du Carcharodon carcharias. Les pêcheurs le pêchent pour sa viande, ses dents (vendues comme souvenirs aux touristes) mais le plus souvent pour ses ailerons. La pollution de la mer et la raréfaction de ses proies favorites ont aussi un impact très négatif. Bien que la situation du grand requin blanc soit préoccupante, il ne faut surtout pas oublier que la majorité des espèces de squales sont menacées par l'homme.

Mâchoire du Grand requin blanc à Monaco.

Notes et références

  1. « Surpêche : enquête sur une catastrophe en cours », sur parismatch.com (consulté le )
  2. « Record d'attaques de requins dans le monde en 2015 », sur www.sciencesetavenir.fr, (consulté le )
  3. R Aidan Martin et Scott Wallace, « Évaluation et rapport de situation du COSEPAC sur le grand requin blanc », Comité sur la situation des espèces en péril au Canada,‎ (lire en ligne).
  4. (en) « Great White Shark », sur National Geographic.
  5. Klimley, Peter; Ainley, David (1996). Great White Sharks: The Biology of Carcharodon carcharias. Academic Press. p. 91–108.
  6. Sète : le grand requin blanc, star du musée de zoologie de Lausanne. Midi Libre, 26 aout 2020. Lire en ligne
  7. (en) Ryan Grenoble, « This Is Deep Blue, Probably The Biggest Shark You've Ever Seen », sur huffingtonpost.com, HuffPost, (consulté le ).
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  9. http://www.leparisien.fr/environnement/video-des-images-de-deep-blue-l-un-des-plus-grands-requins-blancs-jamais-observes-14-08-2015-5010747.php%7C Des images de Deep Blue, l'un des plus grands requins blancs jamais observés (leparisien.fr, 14/08/2015).
  10. http://www.e-adrenaline.fr/eau/actualites/video-nouvelles-images-de-deep-blue-l-un-des-plus-grands-requins-blancs-au-monde/6818%7C Vidéo : Nouvelles images de Deep Blue, l'un des plus grands requins blancs au monde (e-adrenaline.fr, 14/08/2015).
  11. « Une nouvelle vidéo de Deep Blue, l'un des plus grands requins blancs jamais observés », sur Gentside Découverte (consulté le ).
  12. https://faculty.washington.edu/fishguy/Resources/Research_PDFs/2008-great-white-shark-jaw-bite.pdf
  13. (en) Li Ling Hamady, Lisa J. Natanson, Gregory B. Skomal et Simon R. Thorrold, « Vertebral Bomb Radiocarbon Suggests Extreme Longevity in White Sharks », PLOS One,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0084006, lire en ligne).
  14. Voir aussi Café des grands requins blancs
  15. Why great white sharks dawdle their days away ; To scientists’ surprise, the toothy predators fail to reach their most efficient cruising speed when swimming at the water’s surface|19 February 2019 ; J. Exp. Biol. (2019), résumé par le journal Nature
  16. « Les grands requins blancs seraient capables de changer de couleur pour tromper leurs proies », sur National Geographic, (consulté le )
  17. (en) « Great White Sharks Are Late Bloomers », sur LiveScience.com (consulté le ).
  18. (en) « Legendary Great White Shark Was Just A Teenager When Killed, New Research Reveals », sur The Inquisitr News (consulté le ).
  19. (en) « CONSIDERATION OF PROPOSALS FOR AMENDMENT OF APPENDICES I AND II », Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora, no CoP13 Prop. 32,‎ (lire en ligne).
  20. (en) Li Ling Hamady, Lisa J. Natanson, Gregory B. Skomal et Simon R. Thorrold, « Vertebral Bomb Radiocarbon Suggests Extreme Longevity in White Sharks », Plos One,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Emma Barbier, Confusion Underwater: Great White Sharks Killed, Typeost, (lire en ligne), p. 1.
  22. Yves Paccalet, La vie secrète des requins, Archipel, , p. 47.
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  24. Science Daily (2019) Great white shark genome decoded ; Huge genome reveals sequence adaptations in key wound healing and genome stability genes tied to cancer protection ; 18 février 2019, d'après un communiqué de la Nova Southeastern University et une publication du journal Proceedings of the National Academy of Sciences.
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  28. http://www.artfulangler.co.uk/fishprofiles/greatwhiteshark_jawsinmed.asp.
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  37. (en) Jennifer Viegas, « Largest Great White Shark Don't Outweigh Whales, but They Hold Their Own », sur Discovery Channel.
  38. « History of CITES listing of sharks (Elasmobranchii) | CITES », sur cites.org (consulté le ).
  39. « Le grand requin blanc sous protection », sur sciencesetavenir.fr, .
  40. (en) « Great white sharks to be protected », New Zealand Herald,‎ (ISSN 1170-0777, lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Philippe Ecalard, Le grand requin blanc, Ă©ditions Artemis, , 62 p. (lire en ligne)
  • (en) J. L. Bannister, Great Whales, Csiro Publishing, , 142 p. (lire en ligne)

Références taxinomiques

Liens externes

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