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Fabrique d'armes de Trubia

La Fabrique d’armes de Trubia, depuis 2001 filiale de la General Dynamics, est une usine d’armement implantĂ©e dans les Asturies et spĂ©cialisĂ©e dans la fabrication de chĂąssis pour chars d’assaut et pour vĂ©hicules blindĂ©s.

Real Fåbrica de Armas de Trubia (dénomination historique)
illustration de Fabrique d'armes de Trubia
La manufacture vers 1920, avec son nouveau bĂątiment administratif donnant sur la riviĂšre Trubia.

Création 1794
Dates clés Début du mandat de Francisco Elorza (1844) ; intégration dans la Empresa Nacional Santa Bårbara (1986) ; privatisation et incorporation dans la General Dynamics (2001)
Fondateurs Gouvernement espagnol
Personnages clés Fernando Casado de Torres ; Francisco Elorza
SiĂšge social Drapeau de l'Espagne Oviedo, Espagne ; Madrid (depuis 1986)
Activité Militaire, Défense
Produits Obus

L’emblĂ©matique Fabrique royale d’armes de Trubia vit le jour Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, quand le gouvernement espagnol, en guerre avec la France rĂ©publicaine, dĂ©cida de transfĂ©rer ses ateliers de production d’armes (en mĂȘme temps que les employĂ©s et leurs familles) du Pays basque, de Navarre et de Catalogne vers un emplacement plus Ă©loignĂ© de la frontiĂšre pyrĂ©nĂ©enne. Le site choisi pour accueillir la nouvelle manufacture fut la bourgade de Trubia, en considĂ©ration de la proximitĂ© de mines de fer et de charbon, de la disponibilitĂ© d’argile, et de la prĂ©sence abondante de bois et d’eau (apportĂ©e par la riviĂšre Trubia et le fleuve NalĂłn). FondĂ©e formellement en 1794, la Fabrique d’armes fut cependant bientĂŽt laissĂ©e Ă  l’abandon, aprĂšs qu’elle eut Ă©chouĂ© Ă  faire fonctionner ses hauts fourneaux, Ă  rĂ©aliser la canalisation escomptĂ©e du NalĂłn pour ses besoins logistiques, mais surtout quand le personnel dut se disperser devant l’invasion française de 1808.

La Fabrique connut un renouveau en 1844, lorsque le gouvernement lui confia la production de piĂšces d’artillerie en fer destinĂ©es Ă  pourvoir aux besoins de la marine et de la dĂ©fense cĂŽtiĂšre. Sous l’impulsion du nouveau directeur, l’ingĂ©nieur militaire Elorza, une nouvelle structure manufacturiĂšre fut mise en place, avec de nouveaux ateliers et des hauts fourneaux fonctionnels, apte Ă  accroĂźtre notablement les capacitĂ©s de production, tout en respectant des normes de qualitĂ© rigoureuses. Une Ă©cole des arts et mĂ©tiers fut crĂ©Ă©e dans l’enceinte de l’usine, la premiĂšre du genre en Espagne.

AprĂšs le dĂ©part d’Elorza en 1867, l’activitĂ© de la fabrique connut des hauts et des bas au grĂ© des dĂ©cisions politiques et des circonstances extĂ©rieures ; ainsi p. ex. la manufacture dut-elle renoncer au volet sidĂ©rurgique de son activitĂ© quand le gouvernement eut favorisĂ© la concurrence de l’acier anglais par une rĂ©duction des droits de douane, et Ă  l’inverse connut-elle une floraison lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, oĂč elle fabriqua notamment un nouvel obus de 15,5 cm (sous brevet Schneider) et des chars de combat, dont elle fut en mesure, grĂące Ă  ses propres Ă©tudes et recherches, de lancer un modĂšle espagnol. ParallĂšlement furent Ă©difiĂ©s de nouveaux ateliers, des citĂ©s ouvriĂšres en dehors de l’enceinte de l’usine, et un imposant bĂątiment administratif. La pĂ©riode de torpeur consĂ©cutive Ă  la Guerre civile de 1936-1939 fut suivie d’un regain pendant la Seconde Guerre mondiale, oĂč Trubia se vit assigner entre autres la production de matĂ©riel de dĂ©fense anti-aĂ©rienne. En dĂ©clin Ă  partir de 1950, la Fabrique d’armes fut soustraite Ă  la tutelle de l’armĂ©e et intĂ©grĂ©e dans l’entreprise publique Santa BĂĄrbara, laquelle fut finalement privatisĂ©e et vendue Ă  l’amĂ©ricaine General Dynamics en 2001.

Des pĂ©riodes de gloire de sa manufacture, le bourg de Trubia a gardĂ© des vestiges patrimoniaux, dont plusieurs ont fait l’objet de classement : ateliers de fabrication, comme autant de tĂ©moins de l’industrialisation des Asturies et de l’architecture industrielle ; lieux de rĂ©sidence (citĂ©s ouvriĂšres, villa d’officiers) ; centres de la vie sociale (casinos), etc.

Historique

Origines

En 1792, compte tenu des tensions qui rĂ©gnaient entre la monarchie bourbonnienne espagnole et la France rĂ©publicaine, et dans la perspective d’un probable conflit entre les deux pays, le Conseil d’État espagnol, rĂ©uni le sous la prĂ©sidence du roi Charles IV, affirma l'opportunitĂ© d’établir une fabrique de munitions qui soit suffisamment Ă©loignĂ©e de la frontiĂšre française, au contraire des manufactures d’armement navarraises d’Eugui et d’Orbaiceta ou de celle de San SebastiĂĄn de Muga, dans l’EmpordĂ  (province de GĂ©rone), toutes implantĂ©es Ă  proximitĂ© de la frontiĂšre, ce qui reprĂ©sentait un risque en cas de conflit avec la France[1] - [2]. (C’est du reste ce qui allait se produire effectivement, aprĂšs que l’Espagne eut en 1793 dĂ©clarĂ© la guerre Ă  la France rĂ©volutionnaire, qui venait d’exĂ©cuter le roi Louis XVI, et aprĂšs que cette guerre se fut dĂ©roulĂ©e de façon dĂ©sastreuse pour l’Espagne, qui vit ses usines d’Orbaiceta et d’Eugui ĂȘtre assiĂ©gĂ©es et prises d’assaut par les troupes françaises ; au terme du conflit, le , le gouvernement espagnol n’eut d’autre issue que de signer le traitĂ© de BĂąle et redoutait de perdre ses territoires limitrophes de la France[1].)

Plaque de mĂ©tal ayant fait partie d’un affĂ»t fabriquĂ© en 1871 Ă  Trubia et destinĂ© Ă  transporter des piĂšces d’artillerie lourdes et volumineuses). L’objet se trouve exposĂ© dans la forteresse Isabelle II (ou forteresse de La Mola), sur l’üle de Minorque.

Le , le gouvernement de Charles IV donna mission de dĂ©signer un emplacement plus sĂ»r et plus Ă©loignĂ© de la frontiĂšre, et donc plus propice Ă  l’installation d’une industrie militaire, laquelle devait ĂȘtre en mesure de satisfaire les besoins en matĂ©riel de guerre de l’armĂ©e espagnole et de la marine royale, mais sans les dĂ©fauts des autres Ă©tablissements similaires, rendus vulnĂ©rables par leur proximitĂ© avec la frontiĂšre pyrĂ©nĂ©enne. À cet effet, l’ingĂ©nieur en chef de la Marine, Fernando Casado de Torres, fut chargĂ© en aoĂ»t par les ministres de la Marine et de la Guerre de parcourir les montagnes de Santander et des Asturies en quĂȘte d’un lieu idoine pour une fabrique de munitions de gros calibre. Dans son rapport urgent, mais nĂ©anmoins fort circonstanciĂ©, remis au ministre de la Guerre le , Casado de Torres dĂ©clarait qu’ayant visitĂ© toute la rĂ©gion, « j’ai vu sur toute cette cĂŽte des parages trĂšs Ă  propos pour une telle implantation ; mais le plus adĂ©quat et celui qui rĂ©unit les plus grands avantages, me paraĂźt ĂȘtre le point d’union de la riviĂšre Trubia avec le fleuve NalĂłn ». Que Casado de Torres ait fixĂ© son choix sur ce lieu s’explique essentiellement par les considĂ©rations suivantes : la relative proximitĂ©, Ă  une cinquantaine de kilomĂštres en amont sur le NalĂłn, des mines de charbon de Langreo, qui Ă©taient gĂ©rĂ©es par la Marine et dont le produit serait Ă  acheminer par bateau vers Trubia aprĂšs rĂ©alisation d’un projet de canalisation du NalĂłn ; la prĂ©sence de minerai de fer dans les environs, en particulier Ă  Castañedo del Monte, dans les replis du mont UdriĂłn, dans les ravins de BerciĂł et sur les rives des Bascones ; par la disponibilitĂ© abondante d’argile et de sable pour les moulages ; la prĂ©sence sur les flancs de l’UdriĂłn d’abondantes quantitĂ©s de pierre calcaire et de quartz ; la profusion d’eau douce, grĂące Ă  la proximitĂ© de deux cours d’eau, lesquels, par leur forte dĂ©clivitĂ©, Ă©taient de surcroĂźt susceptibles de fournir de l’énergie hydraulique ; et la prĂ©sence du fleuve NalĂłn qui, une fois rendu navigable, servirait au transport, d’une part, du charbon en provenance de Langreo et des rives de la riviĂšre Lena, et d’autre part, des produits manufacturĂ©s Ă  destination du port de San Esteban de Pravia, situĂ© Ă  l’embouchure du fleuve[1] - [2] - [3] (dans l'actuelle commune de Muros de NalĂłn). Le se tint dans le palais du duc del Parque Ă  Oviedo une rĂ©union de techniciens, oĂč furent tracĂ©es, sur la base du rapport de Casado, les lignes maĂźtresses pour la crĂ©ation de la future manufacture[2] - [note 1].

L’étude de Casado clĂŽturĂ©e, le gouvernement dĂ©cida le transfert des installations de production d'armements et nomma pour premier directeur de la fabrique le colonel Francisco Vallejo[1]. Les projets de construction d’un canal de dĂ©rivation et d’un barrage connurent un dĂ©but de mise en Ɠuvre en 1793. Cependant, le de la mĂȘme annĂ©e, Ă  la suite de la mort sur l’échafaud du roi de France, Charles IV dĂ©clara la guerre Ă  la rĂ©publique française. En plein conflit, le , il fut finalement dĂ©cidĂ©, par voie de CĂ©dule royale, d’implanter une manufacture de munitions au confluent de la riviĂšre Trubia et du fleuve NalĂłn, ainsi que de transfĂ©rer vers les Asturies le personnel des Fabriques royales de Navarre et des manufactures d’armes portatives basques sises Ă  Placencia, Elgoibar, Ermua et Eibar, eu Ă©gard Ă  l’imparable avancĂ©e de l’armĂ©e française emmenĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Moncey Ă  travers cette zone[2]. Les fonderies d’Eugui, d’Orbaiceta et de San SebastiĂĄn de Muga furent dĂ©truites par les troupes d’occupation, et seule resta encore en activitĂ© la fabrique de canons de LiĂ©rganes (Cantabrie), laquelle toutefois dut fermer dĂ©finitivement ses portes en 1795 par suite de l’épuisement de ses rĂ©serves vĂ©gĂ©tales surexploitĂ©es[4]. C’est ainsi que vit le jour Ă  Trubia en 1794 la Real FĂĄbrica de Municiones y Armas portĂĄtiles (littĂ©r. Fabrique royale de munitions et d’armes portatives), tĂ©moignage le plus prĂ©coce de l’industrialisation des Asturies. À quelque temps de lĂ , une FĂĄbrica de Armas entra en service Ă©galement Ă  Oviedo, et en 1808, la manufacture de Trubia devint une succursale de celle d’Oviedo. D’autre part, le projet d’implantation Ă  Trubia impliquait de dĂ©placer de GuipĂșzcoa vers Trubia l’ensemble du personnel technique, maĂźtres, officiers et apprentis, mais Ă©galement leurs familles, soit plusieurs milliers de personnes. Vers le milieu du XIXe siĂšcle, l’usine de Trubia fut placĂ©e sous la tutelle des militaires[5] - [6] - [7]. Si certes le personnel serait dispersĂ© dans des bureaux situĂ©s dans des localitĂ©s autres que Trubia, la production serait l’apanage de la manufacture de Trubia, et lĂ  seul seraient construites les piĂšces et montĂ©es les armes.

Premiers balbutiements et abandon

Entre 1795 et 1796 furent Ă©rigĂ©s, pour les besoins de la Real FĂĄbrica, deux hauts fourneaux (le VolcĂĄn et l’Incendio), et en eurent lieu, lors d’une cĂ©rĂ©monie solennelle Ă  laquelle assistĂšrent l’évĂȘque d’Oviedo et le maire du concejo[note 2], les premiers essais de fusion du fer dans un fourneau alimentĂ© Ă  la coke ; l'essai cependant fut une dĂ©convenue, car on Ă©choua Ă  liquĂ©fier suffisamment le fer en vue du moulage. Compte tenu du nouveau conflit militaire qui s’était dĂ©clarĂ© en Europe, l’on dĂ©cida de recourir pour l’heure au charbon vĂ©gĂ©tal pour l’urgente fabrication de munition, sans pour autant renoncer au projet d’utilisation ultĂ©rieure du charbon minĂ©ral[8].

AprĂšs ces premiers pas, deux autres Ă©checs allaient compromettre l’avenir de la Fabrique d’armes de Trubia. Le premier est le projet de canalisation du fleuve NalĂłn, dont dĂ©pendaient les besoins de transport de la manufacture. La possibilitĂ© de rendre navigable le NalĂłn Ă©tait contestĂ©e, plus particuliĂšrement par Gaspar Melchor de Jovellanos, qui prĂ©conisait en lieu et place l’amĂ©nagement d’une route charbonniĂšre reliant la Fabrique d’armes Ă  la zone houillĂšre proche et aux ports d’AvilĂ©s, de Villaviciosa et de GijĂłn, et proposait d’autres lieux d’implantation. En , le nouveau directeur de la Fabrique d’armes, le brigadier Francisco Vallejo, se rangea au plan Casado de Torres[8]. Le mĂȘme Casado toutefois, qui, au rebours de l’opinion de Jovellanos, avait dĂ©fendu le projet de canalisation et amorcĂ© les travaux en 1793, s’avisa bientĂŽt de la non-faisabilitĂ© de ce plan, en raison des continuelles crues du fleuve, Ă  l’origine d’incessants surcoĂ»ts. Face Ă  cette situation, le gouvernement promulgua, par voie de l’Ordre royal du , le Plan d’abandon dudit projet[9] - [10].

Cependant, le vĂ©ritable pĂ©ril Ă©tait l’invasion française de 1808, qui paralysa les travaux Ă  Trubia. En 1806, la Fabrique d’armes avait eu un nouveau directeur, le lieutenant-colonel d’artillerie Ignacio GonzĂĄlez Cienfuegos y Jovellanos, qui mit en Ɠuvre, dans l’annĂ©e mĂȘme de sa nomination, un nouveau plan d’essais de combustible minĂ©ral, avec des rĂ©sultats apparemment encourageants. Mais aussitĂŽt aprĂšs l’invasion française, le personnel dut ĂȘtre rĂ©parti sur d’autres Ă©tablissements militaires, dans les Asturies et aussi Ă  travers tout le territoire espagnol, en particulier Ă  SĂ©ville et sur l’üle de Majorque, Trubia ne gardant que les ouvriers pour la production de baĂŻonnettes et de canons, sous un fonctionnement de type corporatif et sous la tutelle de la Fabrique d’armes d’Oviedo, qui fut rĂ©organisĂ©e en 1812. Ainsi s'acheva la premiĂšre phase de l'histoire de la Fabrique d’armes de Trubia, phase marquĂ©e par l’échec des hauts fourneaux et par l’erreur de la canalisation du NalĂłn, et suivie de plusieurs annĂ©es d’abandon[8] - [11].

Mandat de Francisco Antonio Elorza (1844-1867)

En 1843, au lendemain de la PremiĂšre Guerre carliste, le gouvernement espagnol, dĂ©sireux de combler le retard de l’Espagne vis-Ă -vis du reste de l’Europe dans le domaine de l’industrie sidĂ©rurgique et, plus spĂ©cialement, en matiĂšre de canons de marine, de batteries cĂŽtiĂšres et d'artillerie pour places fortes, chargea l’officier d’artillerie de rĂ©serve, Francisco Antonio Elorza y Aguirre, de rĂ©diger un mĂ©moire sur la situation de la Fabrique d’armes de Trubia et sur les solutions possibles en vue d’en ranimer l’activitĂ©, en particulier en Ă©largissant ses missions Ă  la fabrication de canons, par la mise en Ɠuvre de la technologie alors moderne de la fonte[8].

Buste d'Elorza dans la manufacture de Trubia.

En 1844, au terme d’une longue pĂ©riode d’incertitude, le directeur gĂ©nĂ©ral de l’artillerie, le lieutenant-colonel Javier Azpiroz, proposa au gouvernement de rĂ©tablir la Fabrique d’armes de Trubia, ainsi que d’étendre ses assignations de production Ă  la fonderie de piĂšces d’artillerie de fer afin de pourvoir aux besoins de la marine et de la dĂ©fense cĂŽtiĂšre. Un Ordre royal du dĂ©crĂ©ta le rĂ©tablissement de la manufacture de Trubia, tandis que le fut nommĂ© directeur le mĂȘme Francisco Elorza, — alors lieutenant-colonel, mais hissĂ© dans la suite au rang de gĂ©nĂ©ral —, qui saura donner une forte impulsion Ă  la manufacture de Trubia[11]. Elorza, formĂ© dans l’AcadĂ©mie d’artillerie Ă  Palma de Majorque, avait Ă©tĂ© persĂ©cutĂ© par Ferdinand VII et contraint d’émigrer, situation qu’il mit Ă  profit pour parcourir toute l’Europe en faisant halte prĂ©cisĂ©ment dans les pays en pointe dans le domaine des techniques industrielles ; ses visites aux aciĂ©ries en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni avaient fait de lui l’un des ingĂ©nieurs espagnols les plus compĂ©tents[12].

DotĂ© de talent d’organisateur et d’une notoire capacitĂ© de travail, Elorza s’attela sans tarder Ă  sa tĂąche, donnant ordre de dĂ©molir les vieux fourneaux et mettant en place une nouvelle structure manufacturiĂšre apte Ă  produire des canons en fonte du meilleur niveau[13]. En application des rĂ©centes directives, les capacitĂ©s de production de la manufacture s’accrurent progressivement, grĂące Ă  de nouveaux ateliers (tels que celui d’artillerie, joyau de l’architecture industrielle) et une puissance rehaussĂ©e, pendant que l’on construisait deux nouveaux hauts fourneaux (le Daoiz et le Velarde)[14]. Ainsi, cinq ans aprĂšs l’arrivĂ©e d’Elorza Ă  Trubia, un nouveau haut fourneau Ă  coke, le Daoiz, entra-t-il en activitĂ©, qui permit de fondre, pour la premiĂšre fois en Espagne et de façon pleinement satisfaisante, un canon d’artillerie de 68 livres ; l’autre fourneau fut lui aussi mis en marche cette mĂȘme annĂ©e 1849. Furent construits Ă©galement, entre autres, un atelier de perçage et de meulage, un atelier de fabrication de projectiles, un atelier de fabrication d’armes Ă  feu, un atelier de construction mĂ©canique, deux ateliers de limage, ainsi que des ateliers de moulage, de serrurerie, de ferronnerie, de menuiserie et de carrosserie. On Ă©rigea aussi un four Ă  chaux, et plus d’une douzaine de fourneaux de production de coke, en plus d’une aciĂ©rie pour la fabrication d’acier fondu, laquelle venait alors d’avoir commencĂ© en Espagne. Dans les alentours de Trubia, des explorations et forages en profondeur furent effectuĂ©s en quĂȘte de minerai de fer, puis les meilleurs sites sĂ©lectionnĂ©s pour exploitation, parmi lesquels se dĂ©tachent en particulier les sites de Castañedo et de BerciĂł, tous deux situĂ©s dans l’actuel concejo de Grado[13].

La Fabrique d’armes fit l’acquisition de mines de charbon Ă  Riosa, et des nĂ©gociations furent engagĂ©es pour raccorder Trubia au rĂ©seau de chemin de fer, encore que ce projet soit restĂ© longtemps encore dans l’expectative[15]. En attendant, pour rĂ©pondre aux besoins logistiques, tant en ce qui concerne le transport des produits finis manufacturĂ©s Ă  Trubia que pour l’acheminement de matiĂšres premiĂšres, on rĂ©alisa enfin, avec un considĂ©rable retard par rapport aux plans Ă©laborĂ©s Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, un ensemble de ponts sur le Trubia et le NalĂłn. Furent amĂ©nagĂ©es Ă©galement la route de Trubia Ă  Oviedo, ainsi que plusieurs routes reliant la manufacture aux mines de fer et de charbon[13].

Plan de la manufacture (1870). Les ateliers occupent la rive gauche (occidentale) de la riviÚre Trubia. Sur la rive opposée, remarquer les trois rangées de maisons de la cité ouvriÚre de Junigro. Le confluent du Trubia et du fleuve Nalón se situe un peu en aval.

Elorza s’employa Ă  rehausser les normes de qualitĂ© applicables dans son institution, notamment en ordonnant la tenue rĂ©guliĂšre et rĂ©glementĂ©e d’essais sur les matĂ©riels fabriquĂ©s. Ainsi les Ă©preuves comparatives entre les produits issus de la fabrique et les fabrications Ă©trangĂšres Ă©taient-elles devenues monnaie courante Ă  Trubia, et se soldaient du reste souvent Ă  l’avantage de la manufacture, ce dont tĂ©moigna de façon particuliĂšrement Ă©loquente le canon de 12 cm fabriquĂ© Ă  Trubia en 1855, celui-ci se rĂ©vĂ©lant capable de rĂ©sister Ă  5 100 tirs, face Ă  la durĂ©e de vie officielle des piĂšces s’établissant Ă  cette Ă©poque Ă  700. Certes, l’atelier d’artillerie connut quelque difficultĂ© Ă  s’adapter aux avancĂ©es technologiques, notamment le rayage des tubes de canon. Par ailleurs, avec la mise en Ɠuvre des plans de rĂ©novation, il Ă©tait entrĂ© dans les habitudes de la Fabrique d’armes de Trubia de tisser des relations avec d’autres pays, se traduisant entre autres par la constitution de nombre de commissions d’étude chargĂ©es de se mettre au fait des expĂ©riences internationales. À l’occasion, l’on eut aussi recours Ă  du matĂ©riel ou Ă  du personnel spĂ©cialisĂ© venus de l’étranger pour soutenir les activitĂ©s de la manufacture[13]. De l’annĂ©e 1878 date le premier canon de 15 cm en fonte produit Ă  Trubia Ă  l’aide de matĂ©riaux intĂ©gralement d’origine espagnole, Ɠuvre de Fernando Álvarez de Sotomayor[12].

Au XIXe siĂšcle, les produits de Trubia faisaient bonne impression Ă  l’étranger, comme l’attestent les mĂ©dailles et diplĂŽmes d’honneur obtenus par les Ă©chantillons (de minerais, de produits finis) prĂ©sentĂ©s lors d’expositions internationales, entre autres Ă  Paris en 1855 (oĂč les spĂ©cimens de Trubia obtirent une mĂ©daille de 1re classe), Ă  Londres en 1862 (mĂ©daille de bronze), Ă  Vienne en 1873 (mĂ©daille et diplĂŽme de mĂ©rite dans le groupe 1), Ă  Philadelphie en 1876 (trois diplĂŽmes, pour des Ă©chantillons de coke, de fer forgĂ© et d’acier fondu), Ă  Paris de nouveau, en 1878 (mĂ©daille d’argent ou Ă©quivalent, pour un canon de fer Ă  tube rayĂ© de 16 cm), Ă  Boston en 1883-1884 (mĂ©daille d’or pour des lingots de fer et d’acier), etc.[16]

Sous le mandat d’Elorza prĂ©valait un modĂšle mixte de dĂ©veloppement urbain (c’est-Ă -dire intĂ©grant amĂ©nagements industriels et zones de rĂ©sidence), dans le cadre duquel virent le jour, dans un premier temps encore tout auprĂšs des installations manufacturiĂšres, le palais de la direction, les villas d’officier, les casernements pour ouvriers, une cantine, des places et des allĂ©es arborĂ©es. Pour hĂ©berger la main-d’Ɠuvre ouvriĂšre, et compte tenu de l’exiguĂŻtĂ© de l’enceinte de l’usine, l’on entreprit par la suite d’édifier les premiĂšres citĂ©s ouvriĂšres en dehors de ladite enceinte, notamment, sur la rive droite de la riviĂšre Trubia, le quartier de Junigro, qu'un pont reliait Ă  la manufacture[15] - [17].

École des arts et mĂ©tiers

Buste de la reine Isabelle II, réalisé en 1846 sous la direction de Charles Bertrand dans la manufacture de Trubia.

Trubia est redevable Ă  Elorza de la fondation en 1850 de la premiĂšre en date des Ă©coles d'arts et mĂ©tiers d’Espagne (en espagnol Escuela de Artes y Oficios), voire la premiĂšre de ce genre en Europe, qui allait faire figure de parangon en la matiĂšre jusqu’à la fin du XXe siĂšcle[15] - [18], Ă  savoir la cĂ©lĂšbre Escuela de Aprendices (littĂ©r. École d’apprentis), crĂ©Ă©e pour permettre aux enfants des travailleurs de la Fabrique d’armes de se former dans ceux des mĂ©tiers dont la manufacture allait avoir besoin dans les annĂ©es postĂ©rieures[12]. À partir de 1846, la manufacture commença Ă  recruter des maĂźtres europĂ©ens spĂ©cialisĂ©s dans la fabrication de matĂ©riel militaire pour former les apprentis. Les disciplines enseignĂ©es Ă©taient fort diverses, allant de la fonderie et de la construction mĂ©canique Ă  l’arithmĂ©tique et au dessin technique, en passant pas les beaux-arts. Une grande attention Ă©tait vouĂ©e Ă  la section statues, bustes et ornements de l’atelier de moulage, oĂč des apprentis Ă©taient formĂ©s sous la direction technique de spĂ©cialistes europĂ©ens, parmi lesquels on note en particulier le maĂźtre belge Charles Bertrand, qui signa un contrat avec la manufacture en 1846 Ă  LiĂšge[19]. Les quelque 120 promotions de cette Ă©cole (copiĂ©e depuis par d’autres villes d’Espagne) totalisent plus de 4 000 Ă©lĂšves qui, sortis de l'Ă©tablissement aprĂšs une formation thĂ©orique et pratique et dispersĂ©s sur tout le territoire national, mais aussi Ă  l’étranger, et fort prisĂ©s pour leurs compĂ©tences professionnelles, allaient ĂȘtre appelĂ©s Ă  occuper de hauts postes dans l’industrie.

DerniÚres décennies du XIXe siÚcle

Dans les annĂ©es suivant le dĂ©part d’Elorza, la production Ă  Trubia connut une forte chute, entraĂźnant, entre autres choses, l’extinction dĂ©finitive en 1866 du dernier haut fourneau et la cessation complĂšte de l’activitĂ© sidĂ©rurgique, par quoi il fallut dĂ©sormais envisager l’achat d’acier Ă  l’industrie privĂ©e. À cette cessation d'activitĂ© concourut aussi la baisse des droits de douane, qui avait rendu plus difficile la concurrence avec le lingot anglais. À cela, il y a lieu d’ajouter encore la guerre civile consĂ©cutive Ă  la rĂ©volution de 1868, par suite de laquelle l’État espagnol fut mis dans l’incapacitĂ© de continuer Ă  verser les fonds nĂ©cessaires au dĂ©veloppement de la manufacture de Trubia et qui fut ainsi la cause de ce que l’Espagne fut Ă  la traĂźne des progrĂšs techniques rĂ©alisĂ©s ailleurs en Europe. AprĂšs que la situation politique se fut stabilisĂ©e, il apparut que seuls des investissements considĂ©rables pourraient permettre Ă  Trubia de s’adapter aux nouvelles techniques et aux nouveaux armements. Cependant, faute d’imputation budgĂ©taire spĂ©cifique pour ces rĂ©formes, celles-ci durent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es sur le budget annuel de la manufacture elle-mĂȘme, parallĂšlement avec la production ordinaire, en consĂ©quence de quoi le processus d’adaptation se prolongea indĂ»ment dans le temps[15] - [19].

Pendant ces annĂ©es, la production Ă  Trubia pourvoyait essentiellement Ă  l’artillerie de littoral, aux forteresses des zones frontaliĂšres et aux vaisseaux de guerre. BientĂŽt commencĂšrent Ă  ĂȘtre construits en Espagne les premiers canons de 24 cm Ă  chargement par la culasse. Ces innovations techniques nĂ©cessitĂšrent de profondes transformations sur le site de Trubia, tant dans le but de rehausser la capacitĂ© spatiale de ses ateliers que de remĂ©dier Ă  la raretĂ© et Ă  l’obsolescence de ses Ă©quipements[15] - [19]. Ainsi, entre 1879 et 1891, les ateliers existants furent-ils modernisĂ©s et de nouveaux ateliers construits, ce qui accrut la surface de production. L’une des principales avancĂ©es cependant Ă©tait que l’on se remit Ă  fabriquer de l’acier, que Trubia fournissait ensuite aux autres manufactures espagnoles. Durant cette mĂȘme pĂ©riode, le chemin de fer parvint enfin jusqu’à Trubia, faisant de la localitĂ© un important nƓud de communications[15], et la Fabrique d’armes allait disposer dĂ©sormais, pour le transport du matĂ©riel, de km de voies ferrĂ©es faisant la jonction entre ses ateliers et la ligne gĂ©nĂ©rale, laquelle courait de la gare de Trubia Ă  Oviedo[20].

Terrain d'essai pour matériel d'artillerie (gravure de 1885).

Il fut alors dĂ©cidĂ© par les autoritĂ©s espagnoles de privilĂ©gier l’usage d’acier (au dĂ©triment du bronze, promu par Franz von Uchatius) pour le programme de fabrication d’artillerie. L’État voulut dans un premier temps confier la mise Ă  exĂ©cution dudit programme Ă  l’industrie privĂ©e, mais face Ă  l’absence de candidats, finit par en charger l’usine de Trubia. Toutefois, il fallut attendre jusqu’en 1892 avant de voir enfin satisfaites les requĂȘtes de mise Ă  niveau technique de la manufacture asturienne, mise Ă  niveau qui entraĂźna une rĂ©organisation dĂ©cisive de l'usine, la mettant en mesure de fabriquer chaque annĂ©e 40 canons, un nombre Ă©gal d’affĂ»ts et 4 000 projectiles, soit une production totale d’un millier de tonnes de matĂ©riel de guerre l’an. La FĂĄbrica de Trubia s'Ă©tendait Ă  ce moment sur une superficie de 20 ha et consommait annuellement 2 500 tonnes de fer et 12 000 de houille[20]. L’établissement accordait une importance particuliĂšre Ă  l’évaluation et aux essais du matĂ©riel qui entrait et sortait des ateliers, y compris, dans le cas des fers et des aciers, des analyses chimiques et des tests mĂ©caniques rigoureux. Sur le terrain d’essai destinĂ©s aux canons, on tirait sur la montagne proche ou dans une galerie de sable de 50 mĂštres d’épaisseur[20]. Enfin, la fabrique disposait, sous le ressort direct de la sous-direction, outre d’une section de comptabilitĂ©, Ă©galement d’une salle de dessin industriel et d’une copieuse bibliothĂšque. MĂ©ritent une mention spĂ©ciale, dans ces annĂ©es-lĂ , les crĂ©ations nouvelles qui virent le jour Ă  Trubia grĂące Ă  quelques concepteurs espagnols, comme le capitaine d’artillerie Fernando Álvarez de Sotomayor (nouvelle piĂšce lĂ©gĂšre d’artillerie), l’artilleur Salvador DĂ­az Ordóñez (nouveau canon et nouveau systĂšme de batterie cĂŽtiĂšre) ou le lieutenant-colonel de marine JosĂ© GonzĂĄlez Hontoria (armements Ă  canon rayĂ© pour vaisseaux de guerre)[20].

Pendant la guerre de Cuba, le ministĂšre de la Guerre rĂ©solut, dans le sillage de la rĂ©forme de 1892, d’installer Ă  Trubia les Ă©quipements nĂ©cessaires Ă  la fabrication d’artillerie cĂŽtiĂšre jusqu’à un calibre maximal de 25 cm ; Ă  cette fin, de nouveaux ateliers durent ĂȘtre construits[21].

PremiÚre moitié du XXe siÚcle : incertitudes et nouvel essor

À la suite de la dĂ©faite espagnole de 1898, il y eut de nouvelles incertitudes quant au destin futur de la Fabrique d’armes de Trubia, Ă  telle enseigne qu’en 1900, une sociĂ©tĂ© hispano-française se montra intĂ©ressĂ©e Ă  acquĂ©rir la manufacture en s’engageant Ă  Ă©laborer et produire dans ses ateliers tout le matĂ©riel militaire nĂ©cessaire pour mettre le pays en Ă©tat de dĂ©fense, avec la collaboration d’ingĂ©nieurs et d’ouvriers français. L’État espagnol cependant rejeta cette proposition, par voie du DĂ©cret royal du , en invoquant le statut d’entreprise stratĂ©gique de la Fabrique. Le fut promulguĂ©e la loi protectionniste dite loi Maura-FerrĂĄndiz[15] - [21], par laquelle l’Espagne se proposait de reconstruire sa flotte de guerre aprĂšs le dĂ©sastre de 1898. Dans ce cadre, la Fabrique d’armes de Trubia se vit chargĂ©e de mettre au point des canons Ă  l’usage des batteries des cuirassĂ©s. De mĂȘme, on entreprit d’amĂ©liorer les ateliers de fonderie d’acier et d’en construire d’autres Ă  neuf, notamment pour la production d’affĂ»ts et d’outils, pendant que les ateliers furent pourvus d’un parc de machines plus puissant et d’un appareillage de prĂ©cision[21].

L’éclatement de la PremiĂšre Guerre mondiale provoqua un nouvel essor de l’industrie militaire, auquel la Fabrique d’armes de Trubia ne resta pas Ă©trangĂšre, ce qui se traduisit par de nouveaux ateliers et bĂątiments administratifs, de nouveaux quartiers d’habitation ouvriers, et aussi, dĂšs le dĂ©but du siĂšcle, mais plus particuliĂšrement sous la dictature de Primo de Rivera, par le renouveau que connut la politique sociale de l’usine en faveur de ses travailleurs et de leurs familles ; ainsi fut mise en place dans la localitĂ© de Trubia un ensemble d’équipements de services, tels que le remarquable casino (centre culturel et social avec thĂ©Ăątre, salle de billard, une bibliothĂšque bien fournie, des services sociaux
), une place de marchĂ© d’allure avant-gardiste, une cantine pour ouvriers au mobilier trĂšs fonctionnel, une maison de bains, avec Ă©tuve de dĂ©sinfection et buanderie mĂ©canique, une infirmerie et un hĂŽpital d’urgence dotĂ© d’équipements modernes, y compris un appareil de rayons X Ă  l’intention des ouvriers et de leurs familles[22] - [23]. Trubia faisait ainsi figure d’un bourg singulier, diffĂ©rent de ceux du reste de l’Espagne, puisque dotĂ© d’un thĂ©Ăątre, d’une Ă©cole de langues Ă©trangĂšres, d’une chorale polyphonique et d’un orchestre de musique.

Dans le quartier du Soto — sur la rive gauche de la riviĂšre, au-dedans de l'enceinte de la fabrique, un peu en aval du bĂątiment administratif (soto = frange verdoyante bordant une riviĂšre) — furent Ă©difiĂ©s les logements du personnel de direction, le casino des ingĂ©nieurs et une Ă©glise, en mĂȘme temps qu'y fut amĂ©nagĂ© un petit parc. Il s’agit de la pĂ©riode la plus prospĂšre de Trubia ; mais plus tard, dans les annĂ©es 1950, la ville fut entraĂźnĂ©e dans une inexorable dĂ©cadence, qui persista au delĂ  de l’an 2000, mĂȘme si depuis lors la FĂĄbrica de Armas de Trubia connut des extensions et des remaniements. En dĂ©pit de ces transformations, le site de l’entreprise reste un lieu d’intĂ©rĂȘt comme tĂ©moin reprĂ©sentatif de l’architecture Ă  l’aube du XXe siĂšcle[24].

Sur le plan industriel, on mit en marche la fabrication, sous brevet Schneider, d’un nouvel obus de 15,5 cm, modĂšle 1917. Son efficacitĂ©, dont la dĂ©monstration sera faite lors de la campagne au Maroc, lui assura une longĂ©vitĂ© de production dans l’usine de Trubia jusque dans les annĂ©es 1960. Une des nouveautĂ©s militaires apparues pendant la PremiĂšre Guerre mondiale Ă©tait le char de combat, dont la fabrication requit des installations nouvelles, construites sur les terrains de l’ancien centre d’essais. Tout en reproduisant les modĂšles Ă©trangers dont l’efficacitĂ© avait Ă©tĂ© Ă©prouvĂ©e dans la guerre, l’atelier des chars de combat mena dans le mĂȘme temps ses propres Ă©tudes et recherches, et fut Ă  mĂȘme de lancer, avec les moyens d’expĂ©rimentation appropriĂ©s, un modĂšle proprement espagnol. En effet, en 1925, le capitaine d’artillerie Carlos Ruiz de Toledo conçut, sur la base du char français Renault FT-17, un projet de char lĂ©ger pour infanterie, le modĂšle Trubia 75 H-P, sĂ©rie A, Ă  tir rapide, qui, approuvĂ© en 1927, fut le premier en son genre produit en Espagne. Dans le domaine de l’artillerie Ă©galement surgirent Ă  cette Ă©poque des projets d’origine espagnole, aboutissant Ă  des matĂ©riels lĂ©gers et dĂ©montables, de mĂȘme niveau que la production dans le reste de l’Europe[21]. Dans la dĂ©cennie 1930, la Fabrique d’armes occupait un espace de plus de 300 000 mĂštres carrĂ©s, dont un cinquiĂšme de surface bĂątie. Des efforts notables furent dĂ©ployĂ©s pour doter l’usine de fourneaux de derniĂšre gĂ©nĂ©ration[25].

Lors de la grĂšve insurrectionnelle asturienne d’, les rĂ©volutionnaires s’emparĂšrent de la Fabrique d’armes de Trubia dans la journĂ©e du et mirent la main sur le stock d’armements prĂ©sent sur le site. Parmi les piĂšces d’artillerie, ils se saisirent, en raison de leur maniement aisĂ© et de leur lĂ©gĂšretĂ©, de 16 canons de type RamĂ­rez de Arellano, de 40 mm, qu’ils mirent Ă  contribution immĂ©diatement contre les forces de l’armĂ©e rĂ©guliĂšre assiĂ©gĂ©e dans Oviedo[25].

Au dĂ©clenchement du soulĂšvement militaire de , JosĂ© Franco MussiĂł, colonel directeur de la manufacture de Trubia, reçut l’ordre de son supĂ©rieur immĂ©diat, le colonel rebelle Aranda, commandant gĂ©nĂ©ral des Asturies, de dĂ©fendre l’usine contre les attaques des syndicats ouvriers, opposĂ©s Ă  l’insurrection militaire. Le directeur dĂ©daigna cet ordre et maintint la production de l’usine sous la supervision d’un ComitĂ© ouvrier de guerre. Toutefois, la production fut peu efficace, par suite des perturbations dans l’organisation consĂ©cutives Ă  la situation de guerre et en raison du bombardement des ateliers par l’aviation ennemie. Le , les forces du camp nationaliste venues d’Oviedo se rendirent maĂźtres de la Fabrique de Trubia[25]. Le suivant, Ă  sept heures du matin, dans le contexte des actes de vengeance et de purge faisant suite Ă  la conquĂȘte militaire des Asturies par les troupes nationalistes pendant la Guerre civile, tous les officiers d’artillerie qui avaient Ă©tĂ© Ă  la tĂȘte de l’usine de Trubia furent passĂ©s par les armes[26] - [note 3].

Dans les annĂ©es de la guerre civile, le principal matĂ©riel fabriquĂ© Ă©tait des obus Schneider de 105 et 155 mm, qui n’avaient rien Ă  envier, pour ce qui est de l’efficience sur le champ de bataille, au matĂ©riel Ă©tranger fourni par les alliĂ©s des deux camps[25].

La Guerre civile terminĂ©e, la production de la Fabrique d’armes se ralentit, mais fut rĂ©activĂ©e en urgence en 1940 pour faire face Ă  la demande rĂ©sultant du nouveau conflit mondial, demande oĂč occupait une place particuliĂšrement importante le matĂ©riel de dĂ©fense anti-aĂ©rienne conçu par l’Allemagne et centrĂ© sur le mythique 88/56, qui allait ĂȘtre fabriquĂ© en Espagne. En , l’Espagne obtint de la sociĂ©tĂ© Krupp la licence de fabrication de ce canon antiaĂ©rien, encore qu’elle ne l’ait pas eue en exclusivitĂ©. Avec cet Ă©quipement, Trubia entrait de plain-pied dans les systĂšmes d’artillerie modernes, lesquels certes excluaient que la production puisse se faire intĂ©gralement sur le seul site de Trubia, cette industrie essentiellement mĂ©tallurgique exigeant en effet le recours Ă  la sous-traitance et Ă  des contrats avec rĂ©partition des tĂąches[27].

RĂ©organisation du secteur espagnol de l’armement et privatisation (avril 2001)

En 1941 fut fondĂ© l’Institut national de l'industrie (Instituto Nacional de Industria, acronyme INI), dont l’un des buts Ă©tait de relancer l’industrie espagnole d’armement. À l’initiative ce cet institut furent mises sur pied la Empresa Nacional BazĂĄn de construcciones navales en 1947, le Centre d’études techniques des matĂ©riaux spĂ©ciaux (Centro de Estudios TĂ©cnicos de Materiales Especiales, CETME) en 1949, et l’Empresa Nacional Santa BĂĄrbara de Industrias Militares (ENSB) en 1959, cette derniĂšre absorbant un grand nombre de manufactures militaires, mais non encore celle de Trubia, qui demeurait pour l’heure au pouvoir de l’armĂ©e[28] - [29]. L’usine de Trubia, alors surdimensionnĂ©e, occupant des espaces volumineux, souffrait d’une faiblesse de la demande et nĂ©cessitait d'importants investissements, mais disposait en contrepartie de l’atout d’un personnel hautement qualifiĂ© et d’excellentes communications[28].

Trubia participa, aux cĂŽtĂ©s d’autres Ă©tablissements industriels, Ă  l’élaboration d’armes d’infanterie, tels que des tubes lanceurs de projectiles et des lance-grenades anti-char 60/22. Trubia intervint aussi dans la fabrication de la grenade Ă  fusil Energa, de la mitrailleuse Alfa, des pistolets-mitrailleurs Parinco et du nouveau fusil d'assaut CETME. Depuis les annĂ©es 1970, Trubia prenait part, conjointement Ă  la FĂĄbrica de SĂ©ville, Ă  la production de canons sans recul de 106 mm, ainsi qu’à la production de roquettes de diffĂ©rents types[29]. La tutelle directe du ministĂšre de la DĂ©fense sur la Fabrique d’armes de Trubia prit fin le , lorsque le Conseil des ministres dĂ©cida de l’incorporer, au mĂȘme titre que les usines homologues de Murcie et de Valladolid, dans l’Empresa Nacional Santa BĂĄrbara, appartenant au groupe de l’INI[28] - [29].

En 1997, au bout de plusieurs annĂ©es d’incertitude, il fut convenu d’un plan visant Ă  assurer la viabilitĂ© de l’entreprise, par un redimensionnement, par le renforcement de la recherche et dĂ©veloppement, et par la mise en Ɠuvre d’un plan d’investissement en vue d’amĂ©liorer sa compĂ©titivitĂ©. Pourtant, les vĂ©ritables desseins du gouvernement Aznar Ă©taient autres, et en 2001, Santa BĂĄrbara fut privatisĂ©e et vendue Ă  la multinationale amĂ©ricaine General Dynamics Combat System Group pour un montant de 5 millions d’euros[28]. D’aprĂšs l’entreprise, le plan d’intĂ©gration mis au point par elle aurait pour objectif de maintenir l’emploi et l’activitĂ© industrielle. En pourtant, la direction annonça la fermeture de la Fabrique d’armes de La Vega (municipalitĂ© d’Oviedo) et son transfert vers Trubia, ce qui sera chose faite en octobre de la mĂȘme annĂ©e. En , l’entreprise annonça un rĂ©ajustement assorti d’un plan social (ERE) affectant 289 personnes, dont 55 allaient ĂȘtre licenciĂ©s, Ă  l’encontre des engagements pris par la firme[30]. Au sein du groupe, l’usine de Trubia est spĂ©cialisĂ©e dans la fabrication de chĂąssis pour chars d’assaut et pour vĂ©hicules blindĂ©s[31].

Valeur patrimoniale

La crĂ©ation de la manufacture dĂ©termina une vive croissance de la bourgade de Trubia, oĂč furent Ă©rigĂ©s plusieurs Ă©difices remarquables, emblĂ©matiques de la puissance Ă©conomique qui y rĂ©gnait autrefois, et dont bon nombre sont encore debout, en dĂ©pit du dĂ©clin engagĂ© Ă  partir des annĂ©es 1950. Il y a lieu de distinguer les Ă©difices sis sur le site industriel mĂȘme et ceux bĂątis en dehors de l’enceinte de la manufacture Ă  partir de 1844.

Ont Ă©tĂ© retenus comme constitutifs d’un patrimoine de valeur et proposĂ©s pour classement : 16 Ă©difices au total appartenant Ă  l’ensemble historique de la Fabrique d’armes, en plus de tout le patrimoine mobilier, documentaire, artistique, technique, etc. ; et un total de 7 Ă©lĂ©ments pour ce qui concerne le quartier de Junigro, sur la rive opposĂ©e de la riviĂšre Trubia. À ceux-ci s’ajouteraient 19 autres propositions d’inscription Ă  l’Inventaire, rĂ©partis autour de la zone Ă  protĂ©ger suggĂ©rĂ©e et dotĂ©s de valeur historique, morphologique et paysagĂšre (avec une attention particuliĂšre aux citĂ©s ouvriĂšres), et dont la date de crĂ©ation s’échelonne de la fin du XIXe siĂšcle Ă  la fin du XXe siĂšcle, ainsi que les infrastructures ferroviaires, de voirie ou hydroĂ©lectriques[32].

Sur le site industriel

L’historienne de l’art Natalia Tielve GarcĂ­a a dĂ©clarĂ© que « [...] la Fabrique royale d’armes de Trubia est le tĂ©moignage le plus prĂ©coce du patrimoine industriel des Asturies qui nous ait Ă©tĂ© lĂ©guĂ© et l’un des tĂ©moins les plus intĂ©ressants du patrimoine de l’industrialisation en Espagne ». Dans le mĂȘme sens, la section espagnole du ComitĂ© international pour la conservation du patrimoine industriel (TICCIH-España) souligne qu’au fil de trois siĂšcles, du XVIIIe au XXIe siĂšcle, les manufactures d’armes de Trubia et de La Vega ont jouĂ© un rĂŽle des plus importants, notamment un rĂŽle fondateur, dans l’histoire industrielle des Asturies. Le professeur GermĂĄn Ojeda va jusqu’à qualifier Trubia de « cathĂ©drale du patrimoine industriel espagnol »[33].

Chapelle Sainte-Barbe (sise au dedans de l'enceinte de la manufacture d'armes).

Sur le site industriel mĂȘme, qui, de forme trĂšs allongĂ©e, s’étire le long de la riviĂšre Trubia (et le long de la route AS-228) sur une longueur de prĂšs de 1 500 m, selon une direction sud-ouest / nord-est, s’alignent successivement, d’amont en aval, les monuments remarquables suivants :

  • le batiment administratif, dit « Ă©difice principal », construit selon des plans de Joaquin ArgĂŒelles, prĂ©sentant sur le quai de la riviĂšre une longue façade gouttereau entrecoupĂ©e de frontons hansĂ©atiques, dont en particulier une porterie centrale monumentale (classĂ© ; ravalement en 2018) ;
  • l’atelier d’artillerie, datant de 1847-1850 (classĂ©) ;
  • la rĂ©sidence des ingĂ©nieurs, surnommĂ© « le palais », auparavant rĂ©sidence du directeur ;
  • la villa du directeur, datant de 1916 (classĂ©) ;
  • le casino (cercle privĂ©) des ingĂ©nieurs, datĂ© 1927 (classĂ©) ;
  • les viviendas pareadas (± lotissements concertĂ©s), situĂ©s un peu en retrait de la route (classĂ©s) ;
  • la chapelle de la Fabrique d’armes ;
  • l’École des arts et mĂ©tiers (dite aussi des apprentis), datĂ©e 1850, de style nĂ©oclassique[34].

En dehors de l’enceinte de la Fabrique d’armes

AprĂšs l’arrivĂ©e de Francisco Elorza Ă  la tĂȘte de la manufacture d’armes, on construisit, hors de l’enceinte de l’usine, le coron de Junigro, propriĂ©tĂ© de la Fabrique d’armes et premiĂšre citĂ© ouvriĂšre des Asturies. ComposĂ©e de trois rangĂ©es de maisons construites vers 1850, la citĂ© de Junigro occupe un terrain sur la rive droite de la riviĂšre Trubia, en face de la manufacture. Le nom de la citĂ©, dont on trouve dĂ©jĂ  mention dĂšs la premiĂšre Ă©poque de l’entreprise, remonterait, selon certaines thĂ©ories, Ă  la venue des armuriers basques et aurait pour racine la locution basque « jon igaro », avec le sens approximatif de « sur l’autre cĂŽtĂ© », en rĂ©fĂ©rence Ă  sa situation par rapport aux ateliers de fabrication, avec lesquels la citĂ© Ă©tait originellement reliĂ©e par un pont de bois ; celui-ci fut plusieurs fois remaniĂ© par la suite, jusqu’à adopter sa forme actuelle. Le premier de ces blocs de maisons, dĂ©nommĂ© « de la riviĂšre » (del RĂ­o, entre les rues Elorza et Espinosa), dont l’aspect et la structure d’origine ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s, a surgi d’abord comme une maison-forge, hĂ©bergeant des ateliers au rez-de-chaussĂ©e et les logements ouvriers Ă  l’étage ; aujourd’hui, c’est une enfilade d’habitations occupant les deux niveaux et caractĂ©risĂ©es par l’encadrement en brique de ses ouvertures et par la prĂ©sence, aux fenĂȘtres du premier, de garde-corps en fer, ouvrages de ferronnerie d’art rĂ©alisĂ© dans la Fabrique d’armes. La rangĂ©e dit « du milieu » (del Medio, entre les rues Espinosa et Fonsdeviela) date de 1940, l’original ayant Ă©tĂ© dĂ©truit par un bombardement lors de la Guerre civile ; outre des logements, le bloc renfermait autrefois aussi une « Goutte de lait », dispensaire pour femmes enceintes et nouveau-nĂ©s, sur l’idĂ©e du pĂ©diatre français LĂ©on Dufour. La troisiĂšme rangĂ©e du coron enfin (entre les rues Fonsdeviela et Cubillo), dĂ©nommĂ©e « du coteau » (del Monte), ne consistait Ă  l’origine qu’en un rez-de-chaussĂ©e, auquel fut ajoutĂ© un Ă©tage en 1907, dotĂ© sur toute sa longueur d’une remarquable galerie en bois et en fer[35].

En plus de sa fonction rĂ©sidentielle, Junigro faisait aussi office de centre de services, avec une place de marchĂ© (1918), un casino (Ă©galement de 1918, centre culturel et social, rĂ©cemment rebaptisĂ© Cercle ouvrier) et quelques jolis bĂątiments scolaires conçus en 1904 par Juan Miguel de la Guardia. D’autres Ă©lĂ©ments n’ont pu ĂȘtre prĂ©servĂ©s, comme l’économat, la cantine ou la coopĂ©rative ouvriĂšre, tous disparus Ă  l’aube du XXIe siĂšcle.

Notes et références

Notes

  1. En 1788, Casado de Torres avait fait partie d’une dĂ©lĂ©gation d’espionnage industriel envoyĂ©e en Angleterre, et Ă©tait dĂšs le dĂ©but de la dĂ©cennie 1790 devenu le principal promoteur de l’usage du charbon minĂ©ral (plutĂŽt que vĂ©gĂ©tal) pour la fonderie de canons et de munitions de fer. Les graves problĂšmes de dĂ©forestation provoquĂ©s en Navarre par l’exploitation du charbon vĂ©gĂ©tal appelaient une solution de rechange, sous les espĂšces de charbon minĂ©ral, dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©e ailleurs en Europe. L’emploi de la houille comme combustible en haut fourneau requĂ©rait sa cokisation (pour en Ă©liminer le soufre et les impuretĂ©s), d’oĂč l’intĂ©rĂȘt de Casado pour les gisements de charbon nouvellement dĂ©couverts dans les Asturies. Cf. A. ValdĂ©s (2009), p. 66.
  2. Trubia, qui appartient aujourd’hui Ă  la municipalitĂ© d’Oviedo, ressortissait Ă  cette Ă©poque Ă  la paroisse de Grado.
  3. Ce sont, nommément : le directeur et commandant militaire de Trubia, le colonel José Franco Mussió ; le commandant Manuel Espiñeira Cornide ; les capitaines Ernesto Gonzålez-Reguerín Suårez-Cantón, Ignacio Cuartero Larrea, Hilario Sanz de Cenzano y Pinillos, José Bonet Molina et Luis de la Revilla y de la Fuente ; et enfin, le lieutenant Luis Alau y Gómez Acebo.

Références

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  2. A. Valdés (2009), p. 66.
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  6. (es) Alberto Echaluce, « Buscando sus antepasados en Trubia. Mela Villar ha logrado dar con el paradero de sus familiares, que nunca pudieron regresar a Eibar », El Diario Vasco, San SebastiĂĄn, Sociedad Vascongada de Publicaciones, S.A.,‎ (lire en ligne).
  7. N. Tielve GarcĂ­a (2010), p. 137-139.
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  9. M. A. Huerta Nuño (2015), p. 82-83.
  10. (es) InĂ©s Paniagua, « Oviedo estudia recrear el encendido del primer alto horno de Trubia », La Voz del Trubia, Grado,‎ (lire en ligne).
  11. M. A. Huerta Nuño (2015), p. 83.
  12. (es) Emilio Montero Herrero, « Fernando Álvarez de Sotomayor y Flores », sur Diccionario biogråfico español, Madrid, Real Academia de la Historia, (consulté le ).
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  15. M. A. Huerta Nuño (2015), p. 85.
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  17. N. Tielve GarcĂ­a (2019).
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Bibliographie

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  • (es) Manuel Antonio Huerta Nuño, « FĂĄbrica de Armas de Trubia. De la destrucciĂłn a la desafecciĂłn », Cuadiernu (DifusiĂłn, investigaciĂłn y conservaciĂłn del patrimonio cultural), Santo Adriano (Asturies), AsociaciĂłn Sociocultural La Ponte, no 3,‎ , p. 75-97 (ISSN 2444-7765, lire en ligne).
  • (es) FĂĄbrica de Armas de Trubia 1794-2019 : Actas del ciclo de conferencias con motivo de los 225 años de la FĂĄbrica de Armas de Trubia y 175 de la llegada del general Elorza (ouvrage collectif, sous la coordination de Manuel Antonio Huerta Nuño), Oviedo, Real Instituto de Estudios Asturianos, , 327 p. (ISBN 978-8412312294).
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  • (es) Aurelio ValdĂ©s, Patrimonio en defensa. Jornadas sobre el Patrimonio HistĂłrico, TĂ©cnico y Industrial en el ĂĄmbito militar, SĂ©ville, DirecciĂłn General de Relaciones Institucionales de la Defensa & Instituto Andaluz del Patrimonio HistĂłrico (IAPH), , 97 p. (lire en ligne), « Historia de la FĂĄbrica de Armas de Trubia », p. 63-74.

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