Despotat d'Ăpire
Le despotat dâĂpire (en grec moderne : ÎΔÏÏÎżÏÎŹÏÎż ÏÎ·Ï ÎÏΔίÏÎżÏ ) fut lâun des Ătats grecs successeurs de lâEmpire byzantin aprĂšs la conquĂȘte de Constantinople et la mise en place de l'Empire latin d'Orient sur les terres principales de l'Empire byzantin par la quatriĂšme croisade en 1204. FondĂ© par Michel ComnĂšne Doukas, le nouvel Ătat se voulut, Ă lâinstar de lâempire de NicĂ©e et de lâempire de TrĂ©bizonde, le successeur lĂ©gitime de lâEmpire byzantin. Centre de rĂ©sistance et havre pour les rĂ©fugiĂ©s grecs contre les envahisseurs latins aprĂšs la dĂ©faite, il ne rĂ©intĂ©gra lâempire restaurĂ© quâen 1323. Grec par ses origines, puis italien, serbe et albanais par conquĂȘte, il tenta de maintenir son identitĂ© jusquâĂ sa chute aux mains des Ottomans en 1479.
(el) ÎΔÏÏÎżÏÎŹÏÎż ÏÎ·Ï ÎÏΔίÏÎżÏ
1204â1479
Statut | Autocratie, successeur local de l'Empire byzantin |
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Capitale | Arta, Ioannina de 1358 Ă 1416 |
Langue(s) | Grec, Albanais |
Religion | Grecque orthodoxe |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
CentrĂ© sur la province dâĂpire et lâAcarnanie, au nord-ouest de la GrĂšce, et sur la partie occidentale de la MacĂ©doine grecque, il sâĂ©tendait Ă©galement en une mince bande sur la Thessalie et de la GrĂšce occidentale jusquâĂ Naupacte (aujourdâhui LĂ©pante) au sud. Sous ThĂ©odore ComnĂšne Doukas et lâĂ©phĂ©mĂšre empire de Thessalonique, le despotat sâĂ©tendit pour incorporer briĂšvement la partie centrale de la MacĂ©doine ainsi que la Thrace jusquâĂ Didymotique et Andrinople (aujourdâhui Edirne).
Appellation
LâĂpire (littĂ©ralement « terre ferme ») byzantine recouvrait les deux provinces romaines dâĂpire ancienne, depuis le golfe dâArta et Nicopolis jusquâĂ Bouthrotos (aujourdâhui Butrint en Albanie), et dâĂpire nouvelle avec les villes dâAvlona, Apollonia et Dyrracheion au nord. La population Ă©tait essentiellement grecque dans lâĂpire ancienne et plutĂŽt albanaise dans lâĂpire nouvelle[1]. Bien que lâon donne traditionnellement Ă ce territoire le nom de « despotat » et Ă son souverain celui de « despote », lâune et lâautre appellation sont abusives.
Ni le fondateur, Michel Ier ComnĂšne Doukas (rĂšgne de 1205 Ă 1215), ni son successeur ThĂ©odore ComnĂšne Doukas (rĂšgne de 1215 Ă 1230), ne portĂšrent le titre de « despote ». Les premiers souverains Ă©pirotes portĂšrent plutĂŽt le titre dâarkon (archonte) ou simplement de kyrios (seigneur). Le premier Ă porter celui de despote fut Michel II ; il lui fut octroyĂ© par son oncle, Manuel ComnĂšne Doukas, dans les annĂ©es 1230, lequel continuait Ă sâintituler « empereur de Thessalonique » mĂȘme si cet empire avait Ă©tĂ© anĂ©anti par le tsar bulgare Jean (ou Ivan) Asen II (rĂšgne de 1218 Ă 1241). Comme ce titre, le plus Ă©levĂ© de la hiĂ©rarchie aulique, ne pouvait ĂȘtre dĂ©cernĂ© que par l'empereur, c'Ă©tait pour lui une façon de perpĂ©tuer lâĂ©phĂ©mĂšre empire fondĂ© par son frĂšre, ThĂ©odore. Par la suite, ce titre fut octroyĂ© lĂ©galement par lâempereur Jean III VatatzĂšs et impliquait une notion de soumission fĂ©odale[2] - [3]. AprĂšs le XIIe siĂšcle, le titre de despote fut traditionnellement concĂ©dĂ© par les empereurs Ă des membres de la famille impĂ©riale, gĂ©nĂ©ralement Ă leurs fils envoyĂ©s gouverner un apanage dont ils percevaient les revenus et quâils dirigeaient de façon quasi indĂ©pendante.
Parler du « despotat dâĂpire » nâest pas exact non plus, le terme de « despote » Ă©tant un qualificatif qui sâappliquait au titulaire sans impliquer de juridiction gĂ©ographique. Dans le cas de lâĂpire, on voit le terme de despotat associĂ© Ă une entitĂ© gĂ©ographique Ă partir du XIVe siĂšcle dans les sources occidentales. Il fut Ă©galement utilisĂ© en Bulgarie au XIIIe siĂšcle et en Serbie au siĂšcle suivant[4] - [N 1]. Ni lâĂpire, ni la MorĂ©e, ni les autres apanages similaires ne furent hĂ©rĂ©ditaires ; lâempereur se rĂ©serva toujours le droit dây intervenir lorsquâil le jugeait nĂ©cessaire et renouvela lâoctroi du titre Ă chaque souverain, lequel ne put dĂšs lors prĂ©tendre ĂȘtre lâhĂ©ritier de son pĂšre. Il serait donc plus logique de parler de « despote en Ăpire »[5].
Histoire
Création (1205-1216)
LâĂtat Ă©pirote fut crĂ©Ă© en 1205 par Michel Ier ComnĂšne Doukas[N 2]. Il Ă©tait le fils illĂ©gitime du sebastocrator Jean Doukas et cousin des empereurs Isaac II et Alexis III Ange. Dâabord otage de FrĂ©dĂ©ric Barberousse dans les annĂ©es 1190, il devint doux et anagrapheus[N 3] du thĂšme de Mylasa et Melanoudion en Asie Mineure (aujourdâhui Turquie). TombĂ© en disgrĂące sous Alexis III (empereur de 1195 Ă 1203), il retourna Ă Constantinople alors que les croisĂ©s sâapprĂȘtaient Ă en faire la conquĂȘte. AprĂšs la chute de la ville, il servit Boniface de Montferrat, mais ayant perdu la MorĂ©e (PĂ©loponnĂšse) aux mains des Latins Ă la bataille de lâoliveraie de Kountouros[N 4], il se sĂ©para de lui et se dirigea vers lâĂpire oĂč il prit le contrĂŽle du thĂšme de Nicopolis, toujours dirigĂ© par le gouverneur byzantin Senacherim. Il renversa celui-ci et, aprĂšs sa mort, Ă©pousa sa fille ou sa veuve, ce qui lui apporta des biens importants dans la rĂ©gion. Ayant eu soin de laisser en place les autoritĂ©s locales et de respecter les biens de lâĂglise, il fut rapidement acceptĂ© par la population et lâĂpire devint sous sa gouverne un centre de rĂ©sistance contre les Latins. BientĂŽt les rĂ©fugiĂ©s de Constantinople, de la Thessalie et du PĂ©loponnĂšse affluĂšrent Ă Arta, la capitale de la province[6] - [7].
DĂ©sireux dâaffermir lâEmpire latin de Constantinople, Henri de Flandre (rĂšgne 1206-1216), successeur du premier empereur latin, exigea que Michel fasse allĂ©geance Ă lâempire. Officiellement, ceci fut rĂ©alisĂ© sous forme dâune alliance matrimoniale, la fille de Michel Ă©pousant le frĂšre de lâempereur, Eustace, en 1209[8]. Toutefois, assurĂ© de ses positions dans les montagnes dâĂpire, Michel joua ses adversaires les uns contre les autres au grĂ© des circonstances. Afin dâennuyer ThĂ©odore Lascaris, souverain de lâempire de NicĂ©e, il paya la rançon de son cousin, lâempereur dĂ©posĂ© Alexis III, et lâenvoya au sultan Kay Khusraw qui dĂ©sirait envahir lâEmpire de NicĂ©e[9]. Pendant ce temps, des parents de Boniface de Montferrat ayant Ă©levĂ© des prĂ©tentions sur lâĂpire, Michel sâallia en 1210 aux VĂ©nitiens qui sâĂ©taient appropriĂ©s Dyrrachion et Corfou en vertu de la partition de lâEmpire byzantin en 1204 et leur proposa dâadministrer lâĂpire en leur nom[N 5]. Lâalliance avec les VĂ©nitiens ne dura guĂšre. En 1213, Michel reprit Dyrrachion et y ajouta Corcyre (aujourdâhui Corfou) lâannĂ©e suivante, en plus de sâemparer des ports du golfe de Corinthe. La mĂȘme annĂ©e, la mort du prince bulgare Strez (en) lui permit dâĂ©largir son territoire vers la MacĂ©doine[10]. Sa progression fut arrĂȘtĂ©e lorsquâHenri de Flandre, aprĂšs avoir battu les Bulgares, marcha sur Thessalonique oĂč il installa son frĂšre Eustace comme gouverneur. Michel Ier crut alors prudent de renoncer Ă ses prĂ©tentions : il maria sa fille Ă Eustace et fit soumission Ă Henri de Flandre[11] - [1].
Michel Ier voulut faire valoir lâindĂ©pendance de son Ătat non seulement sur le plan politique, mais Ă©galement sur le plan religieux. RĂ©fugiĂ© Ă Didymotique (Thrace) aprĂšs la chute de Constantinople, le patriarche ĆcumĂ©nique Jean X Kamateros avait refusĂ©, soit en raison de son grand Ăąge, soit quâil ne voulait pas abandonner ses compatriotes, lâinvitation de ThĂ©odore Lascaris de le rejoindre Ă NicĂ©e, mais avait permis Ă ses suffragants de le faire[12]. AprĂšs son dĂ©cĂšs en 1206, ThĂ©odore Lascaris rĂ©unit un synode Ă NicĂ©e qui Ă©lit Michel IV Autorianos « patriarche ĆcumĂ©nique en exil Ă NicĂ©e », laissant ainsi entendre que seul lâEmpire de NicĂ©e Ă©tait le successeur lĂ©gitime de lâEmpire byzantin. Michel rompit alors ses liens avec lâĂglise orthodoxe et fit allĂ©geance au pape[13]. Mais, en raison de la cruautĂ© manifestĂ©e Ă lâendroit de prĂȘtres faits prisonniers lors de lâinvasion du royaume de Thessalonique, le pape Innocent III (pape 1198-1216) lâexcommunia, mettant ainsi un terme Ă la courte alliance avec lâĂglise catholique[N 6].
Sa carriĂšre devait ĂȘtre brutalement interrompue en 1215 lorsque Michel fut assassinĂ© par un de ses serviteurs. Son demi-frĂšre, ThĂ©odore, lui succĂ©da.
Conflits avec lâEmpire de NicĂ©e et la Bulgarie (1216-1242)
Enfant lĂ©gitime contrairement Ă Michel, et probablement dans la trentaine, ThĂ©odore Ier Ange Doukas ComnĂšne (despote 1215, emp. de Thessalonique 1224-1230) avait en commun avec son frĂšre une totale absence de scrupules. DĂ©sirant agrandir ses possessions et chasser les Latins de Thessalonique dâabord, de Constantinople ensuite, ThĂ©odore commença par mettre fin Ă la guerre avec les Serbes et, aprĂšs avoir assurĂ© sa frontiĂšre nord par une sĂ©rie dâalliances avec les Albanais, il attaqua les Bulgares auxquels il prit la ville dâOhrid et la vallĂ©e de lâAxios (ou Vardar). Henri de Flandre, qui sâĂ©tait alliĂ© aux Bulgares pour faire contrepoids Ă lâalliance entre lâempereur latin et les Turcs, marcha contre lui mais mourut Ă Thessalonique au printemps 1216. Son successeur, Pierre de Courtenay qui, arrivant de Rome, voulait rejoindre Constantinople par voie de terre, tomba dans une embuscade tendue par ThĂ©odore dans les montagnes lâannĂ©e suivante. Lâempereur dĂ©signĂ© fut capturĂ© de mĂȘme que lâensemble de son armĂ©e. On croit gĂ©nĂ©ralement que ThĂ©odore le fit exĂ©cuter, car on nâentendit plus jamais parler de lâempereur qui fut prĂ©sumĂ© mort. AprĂšs quoi ThĂ©odore se dirigea vers le sud et força les Latins Ă abandonner la Thessalie[10].
AprĂšs avoir conquis SerrĂšs en 1221, ThĂ©odore se trouvait maitre de lâensemble du territoire du royaume de Thessalonique, Ă lâexception de la ville elle-mĂȘme. Lâoccasion allait lui ĂȘtre fournie avec le dĂ©cĂšs Ă brĂšve intervalle de lâempereur de NicĂ©e, ThĂ©odore Lascaris, et de celui de TrĂ©bizonde, Alexis ComnĂšne. Refusant de reconnaitre leurs successeurs comme souverains de lâEmpire byzantin, ThĂ©odore attaqua Thessalonique qui fit appel Ă lâempereur latin. Pris entre deux feux, le nouvel empereur Robert de Courtenay (emp. latin 1219-1228) envoya une partie de ses forces au sud aider les frĂšres Lascaris qui, Ă NicĂ©e, disputaient le trĂŽne Ă Jean VatatzĂšs (emp. 1221-1254), et lâautre partie au nord pour reprendre SerrĂšs (MacĂ©doine centrale) et dĂ©livrer Thessalonique. La victoire de Jean III VatatzĂšs Ă NicĂ©e força les Latins Ă abandonner le siĂšge de SerrĂšs ; Thessalonique nâeut dâautre choix que de se rendre en 1225. Lors dâun rassemblement Ă Arta, les notables dâĂpire acquiescĂšrent au projet de ThĂ©odore de se faire couronner « empereur des Romains », disputant ainsi ce titre aux empereurs de NicĂ©e et de TrĂ©bizonde. Le haut clergĂ© pour sa part Ă©tait divisĂ© : le mĂ©tropolite de Thessalonique, fidĂšle au patriarche de Constantinople en exil Ă NicĂ©e, refusant de couronner ThĂ©odore, celui-ci fit alors appel au mĂ©tropolite DĂšmĂštrios Chomatenos, quâil avait promu en 1217 « mĂ©tropolite dâOhrid et de toute la Bulgarie ». Avec Jean Apokaukos, mĂ©tropolite de Naupacte, et Georges BardanĂšs, mĂ©tropolite de Corfou, les trois mĂ©tropolites soutenaient que lâEmpire byzantin Ă©tant tombĂ© aux mains des croisĂ©s, le despotat dâĂpire Ă©tait pleinement justifiĂ© Ă former un Ătat indĂ©pendant[14] - [15] - [16].
LâĂ©phĂ©mĂšre « Empire de Thessalonique » ne devait durer que trois ans, mais sâĂ©tendit pendant cette courte pĂ©riode de Dyrrachion Ă Andrinople et dâOhrid au golfe de Corinthe. En 1230, ThĂ©odore dĂ©cida dâattaquer la Bulgarie, espĂ©rant dĂ©poser le tsar Jean II Asen (vers 1190-1241) qui lui barrait la route de Constantinople. Mal lui en prit, car les forces bulgares dĂ©firent ThĂ©odore lors de la bataille de Klokotnitca (1230) ; ThĂ©odore fut capturĂ©, emmenĂ© en captivitĂ© en Bulgarie et aveuglĂ© par le tsar bulgare qui envahit la Thrace, la MacĂ©doine (y compris Ohrid) et le Nouvel Ăpire. Le tsar exigea Ă©galement que le pouvoir soit confiĂ© au frĂšre de ThĂ©odore, Manuel, qui continua Ă porter le titre dâempereur Ă Thessalonique mĂȘme sâil Ă©tait en fait vassal du tsar bulgare et si le territoire de lâempire se rĂ©duisait aux environs de Thessalonique et Ă la Thessalie. Le fils de Michel Ier, qui avait Ă©tĂ© exilĂ© aprĂšs la mort de son pĂšre, Michel II ComnĂšne Doukas, put revenir dâexil et sâinstaller Ă Arta oĂč il devait rĂ©gner sur lâAncien Ăpire jusquâĂ sa mort en 1266[17].
RelĂąchĂ© en 1237, ThĂ©odore sâempara de nouveau de Thessalonique dont il chassa son frĂšre Manuel et installa son fils, Jean ComnĂšne Doukas (en), sur le trĂŽne[N 7]. La fin Ă©tait toutefois proche. En 1242, Jean III Doukas VatatzĂšs, maintenant solidement installĂ© Ă NicĂ©e, marcha sur Thessalonique et obligea le fils de ThĂ©odore Ă reconnaitre la souverainetĂ© de lâEmpire de NicĂ©e, Ă abandonner toute prĂ©tention au titre impĂ©rial et Ă reprendre son titre traditionnel de despote. Lâ« Empire de Thessalonique » fut divisĂ© entre les trois frĂšres : Jean demeurait avec son pĂšre Ă Thessalonique, alors que lâancien empereur Manuel obtenait la Thessalie et quâun troisiĂšme frĂšre, Constantin (en), continuait Ă rĂ©gner en Acarnanie et Ătolie[18]. DĂ©mĂ©trios (en), frĂšre de Jean, lui succĂ©da pendant quatre ans, mais fut bientĂŽt dĂ©posĂ© par Jean VatatzĂšs qui lâemmena en captivitĂ© et annexa Thessalonique Ă lâEmpire de NicĂ©e[17].
LâĂpire vassal de NicĂ©e, puis de Constantinople (1242-1267)
La rivalitĂ© entre lâĂpire et lâEmpire de NicĂ©e ne devait pas cesser pour autant. ThĂ©odore, qui sâĂ©tait retirĂ© au chĂąteau de Vodena (aujourdâhui Ădesse) sur la nouvelle frontiĂšre entre lâĂpire et lâEmpire de NicĂ©e, encouragea Michel II ComnĂšne Doukas (despote 1230- mort entre 1266 et 1268) Ă reprendre les prĂ©tentions au trĂŽne impĂ©rial en Europe. Au dĂ©but, le mariage de Michel II avec une princesse de la famille impĂ©riale de NicĂ©e lui avait permis dâĂ©tablir des relations cordiales avec Jean III Doukas VatatzĂšs, lequel lui confĂ©ra en 1249 la dignitĂ© de despote, titre utilisĂ© pour la premiĂšre fois de façon officielle. Ces bonnes relations permirent Ă Jean III VatatzĂšs dâobtenir la neutralitĂ© de lâĂpire pendant quâil partait Ă la conquĂȘte de Thessalonique[19].
La bonne entente ne devait pas durer. En 1256, Michel II entra en conflit avec le successeur de Jean III, ThĂ©odore II Lascaris (emp. 1254-1258)[N 8], qui lui avait demandĂ© de lui remettre Dyrrachion reconquise par lâEmpire de NicĂ©e. Mais pendant que l'armĂ©e Ă©pirote s'avançait vers Thessalonique, le roi Manfred Ier de Sicile (roi 1258-1266) s'emparait de Dyrrachion et de Berat. Michel II saisit lâoccasion pour conclure une alliance Ă la fois avec Manfred de Sicile et Guillaume II de Villehardouin, prince dâAchaĂŻe, donnant Ă chacun dâeux lâune de ses filles en mariage et « cĂ©dant » en dot Ă Manfred les villes de la cĂŽte dont celui-ci sâĂ©tait dĂ©jĂ emparĂ©, du cap Rodon Ă Buthrot, ainsi que lâile de Corfou[20] - [21] - [22].
Lâalliance entre les trois princes permit Ă Michel II de se sentir assez fort pour entrer en guerre contre lâEmpire de NicĂ©e et se diriger vers Thessalonique, Ă©tape obligatoire vers Constantinople. LâEmpire de NicĂ©e Ă©tait alors affaibli par la mort de ThĂ©odore II Lascaris en aoĂ»t 1258, lequel laissait le trĂŽne Ă un enfant de huit ans, Jean IV (1258-1261). La rĂ©gence fut assumĂ©e par Michel PalĂ©ologue, le futur Michel VIII (emp. 1261-1282), lequel dĂ©pĂȘcha une armĂ©e sous le commandement de son frĂšre, Jean PalĂ©ologue, au secours de Thessalonique. La bataille, qui devait sceller lâavenir du despotat dâĂpire et ouvrir la porte au rĂ©tablissement de lâEmpire byzantin se dĂ©roula en septembre 1259 Ă PĂ©lagonia dans lâouest de la MacĂ©doine. La bataille opposant Michel II et Guillaume II aux forces nicĂ©ennes se termina par la dĂ©faite totale des coalisĂ©s : Guillaume II fut capturĂ© et passa trois ans en prison pendant que Michel II devait se rĂ©fugier Ă CĂ©phalonie chez les Orsini, qui devaient jouer un grand rĂŽle au siĂšcle suivant dans lâhistoire du despotat[22].
Dans le despotat dâĂpire, seuls rĂ©sistaient la ville dâIoannina et le port de Vonitsa[23] - [24] - [25]. Sâensuivit une trĂȘve dâune annĂ©e pendant laquelle Michel II se rĂ©concilia avec son fils Jean de Thessalie qui lâavait abandonnĂ© sur le champ de bataille de PĂ©lagonia et, avec lui, revint en Ăpire, reprit Arta, dĂ©livra Ioannina et envahit la Thessalie. Michel PalĂ©ologue ne poussa pas son avantage, ayant les yeux plutĂŽt fixĂ©s sur Constantinople. En 1261, Michel PalĂ©ologue envoya le gĂ©nĂ©ral Alexis Strategopoulos reconnaitre les alentours de lâancienne capitale impĂ©riale. Celui-ci ayant remarquĂ© lâabsence de dĂ©fenseurs (lâarmĂ©e latine et la flotte de Venise Ă©tant partis conquĂ©rir lâile de Daphnusie), sâempara de la ville oĂč Michel VIII put faire son entrĂ©e triomphale trois semaines plus tard[26] - [27].
LâĂpire entre Constantinople et le royaume de Naples (1267-1317)
Ayant atteint son objectif, Michel VIII put se tourner contre lâĂpire. En 1264, son armĂ©e progressa jusquâĂ Thessalonique. Michel II dut cĂ©der et la paix fut scellĂ©e lâannĂ©e suivante par le mariage de son fils et hĂ©ritier, NicĂ©phore, avec la niĂšce de Michel VIII, Anne PalĂ©ologue CantacuzĂšne. NicĂ©phore (despote 1267-1297) reçut alors le titre de despote que seul lâempereur de Constantinople pouvait octroyer et succĂ©da Ă son pĂšre en 1267 dans la « Vieille Ăpire » : lâĂpire perdait son indĂ©pendance pour jouir dâune autonomie interne dans le cadre de lâempire. La « Nouvelle Ăpire » avec Dyrrachion demeura aux mains de Constantinople alors que la Thessalie fut confiĂ©e Ă Jean Doukas qui reçut le titre de sebastocrator (titre le plus Ă©levĂ© aprĂšs celui de despote)[28].
Les Latins nâavaient toutefois pas abandonnĂ© leurs prĂ©tentions sur lâEmpire byzantin. ExilĂ©, le dernier empereur latin de Constantinople, Baudouin II de Courtenay (1217-1273), avait concĂ©dĂ© par le traitĂ© de Viterbe (1267) Ă Charles Ier dâAnjou (roi 1266-1285) la suzerainetĂ© Ă©ventuelle de Corfou et de lâĂpire en Ă©change de son aide pour la reconquĂȘte de Constantinople[29]. Charles profita de lâĂ©lection dâun pape français qui lui Ă©tait favorable, Martin IV (pape 1281-1285), pour susciter une nouvelle « croisade » dirigĂ©e non plus contre les musulmans, mais contre Michel VIII, accusĂ© de ne pas avoir mis en Ćuvre lâunion entre les Ăglises catholique romaine et orthodoxe (deuxiĂšme concile de Lyon, 1274), quâil nâavait acceptĂ©e que pour se prĂ©munir contre une telle croisade. Charles jouissait de lâappui indirect du sebastocrator Jean de Thessalie qui avait rĂ©uni un concile anti-unioniste pour nuire Ă son voisin dâĂpire. Croyant pouvoir reconquĂ©rir une vĂ©ritable libertĂ©, NicĂ©phore Ier dâĂpire sâallia avec Charles dâAnjou dont il se dĂ©clara vassal et reprit Bouthrot Ă lâempereur pour la remettre Ă Charles. AprĂšs sâĂȘtre emparĂ© de Dyrrachion[N 9], avoir envahi lâAlbanie et sâĂȘtre emparĂ© dâAvlona, les troupes de Charles furent battues en 1281 par celles de Michel VIII devant la forteresse de Berat ; les VĂȘpres siciliennes en 1282 forcĂšrent les Angevins Ă se retirer des Balkans pendant que les forces de Michel VIII sâemparaient de lâAlbanie au dĂ©triment de NicĂ©phore[28] - [30] - [N 10].
La « croisade » angevine se terminait par un Ă©chec. RĂ©aliste, NicĂ©phore se tourna Ă nouveau vers Constantinople et livra Ă lâempereur Andronic II (emp. 1282-1328) le bouillant Michel, fils du sebastocrator Jean, ravivant ainsi lâhostilitĂ© entre lâĂpire et la Thessalie qui, comme elle, oscillait entre la soumission Ă Constantinople et lâalliance avec lâOccident[31].
Cette alliance avec Constantinople devait Ă nouveau ĂȘtre abandonnĂ©e en 1292 lorsque les troupes dâAndronic II durent fuir devant celles de Charles II d'Anjou qui avait succĂ©dĂ© Ă son pĂšre et sâĂ©tait alliĂ© au prince dâAchaĂŻe, Florent de Hainaut. Une nouvelle alliance avec le royaume de Naples fut scellĂ©e cette fois par le mariage de la fille de NicĂ©phore, Thamar, avec le fils de Charles II, Philippe de Tarente (1278-1332), lequel revendiquait lâensemble des « possessions angevines » en GrĂšce. Ayant adoptĂ© le titre de « despote de Romanie et seigneur du royaume dâAlbanie », Philippe prit la tĂȘte dâune coalition contre Constantinople qui rĂ©ussit en 1295 Ă reprendre Dyrrachion. Par ailleurs, Thamar lui apportait en dot Naupacte (LĂ©pante) et diverses forteresses qui lui donnaient le contrĂŽle du golfe de Corinthe et de celui dâAmbracie oĂč Ă©tait situĂ©e Arta. Ă toutes fins pratiques, lâĂpire passait sous la tutelle du royaume de Naples[31] - [32] - [33].
NicĂ©phore mourut en 1296, laissant comme hĂ©ritier un fils mineur, Thomas. La rĂ©gence fut assurĂ©e par la veuve de NicĂ©phore, Anne PalĂ©ologue CantacuzĂšne, laquelle, en raison des liens de famille, se tourna vers Constantinople. En 1304, Philippe de Tarente, devenu prince dâAchaĂŻe aprĂšs la dĂ©position du prince Philippe de Savoie et de sa femme Isabelle de Villehardouin, exigea que Thomas lui prĂȘte hommage, ce que refusa la rĂ©gente arguant que le titre de despote ayant Ă©tĂ© octroyĂ© par lâempereur, ce dernier Ă©tait dĂšs lors le seul Ă qui Thomas pouvait rendre hommage. Sâensuivit une nouvelle guerre au cours de laquelle Philippe tenta de sâemparer de lâĂpire. Si le territoire put rĂ©sister et maintenir son indĂ©pendance, Anne dut cĂ©der Ă Philippe le port de Vonitza, Naupacte et Bouthrot. Pour se prĂ©munir contre le royaume de Naples, deux mariages furent conclus qui ramenaient thĂ©oriquement et lâĂpire et la Thessalie dans lâorbite de Constantinople, celui de Thomas dâĂpire avec la fille de Michel IX, Anne PalĂ©ologue, en 1307 et du sebastocrator Jean II de Thessalie avec une fille illĂ©gitime dâAndronic II[31]. En 1312, Philippe divorça de Thamar, abandonna ses prĂ©tentions sur lâĂpire et revendiqua plutĂŽt lâEmpire latin de Constantinople Ă titre dâhĂ©ritage de sa nouvelle Ă©pouse, Catherine II de Valois, descendante du dernier empereur latin de Constantinople, Baudouin II.
Un nouveau basculement des alliances devait toutefois se produire lorsquâAndronic II nomma SyrgiannĂšs Philantropenos PalĂ©ologue, petit-neveu par sa mĂšre de Michel VIII, commandant des forces militaires de Berat. Ambitieux et dĂ©nuĂ© de scrupules, celui-ci quitta Berat, sâempara de Vonitsa en 1314 et attaqua Arta en fĂ©vrier 1315 oĂč il dĂ©vasta les propriĂ©tĂ©s dâun marchand vĂ©nitien. Furieux de voir sa capitale ravagĂ©e par les troupes impĂ©riales, Thomas emprisonna sa femme Anne PalĂ©ologue et dĂ©clara que la paix avec Constantinople avait Ă©tĂ© rompue, Ă la suite de quoi lâempereur, dont les relations avec Venise Ă©taient ainsi mises en pĂ©ril, dĂ©clara Thomas rebelle et ennemi de Constantinople. En 1318, Venise interdisait Ă ses marchands de faire affaire avec lâĂpire. Voyant sa situation politique et Ă©conomique sĂ©rieusement compromise, Thomas se tourna Ă nouveau vers Philippe de Tarente. Philippe fut ravi de ce revirement de situation, mais ne put guĂšre en profiter, car avant la fin de lâannĂ©e Thomas Ă©tait assassinĂ© par son cousin, Nicolas Orsini de CĂ©phalonie. Tout comme Jean II, le sĂ©bastocrator de Thessalie, il ne laissait aucun descendant : la dynastie des ComnĂšne Doukas sâĂ©teignait avec eux[31] - [34] - [35].
Retour Ă lâautoritĂ© de Byzance (1318-1339)
Le comtĂ© de CĂ©phalonie Ă©tait la plus ancienne possession des Latins dans lâancien Empire byzantin. Cette ile grecque de la mer Ionienne avait Ă©tĂ© conquise en 1185 sous Guillaume II de Sicile et Ă©chut aux VĂ©nitiens lors du partage de lâEmpire byzantin en 1204. Elle resta gouvernĂ©e aprĂšs le partage par la famille Orsini qui Ă©tait Ă sa tĂȘte depuis 1194. Cette famille avait crĂ©Ă© des liens avec lâĂpire depuis 1227 alors quâune fille (ou niĂšce) de Michel Ier, Anna Theodora Angelina, avait Ă©pousĂ© le comte Maio II. En 1318, le comte Nicolas crut le moment arrivĂ© de sâemparer de lâĂpire[36].
AprĂšs avoir fait assassiner son cousin Thomas, Nicolas Orsini Ă©pousa Anne, sa veuve, se convertit Ă la religion orthodoxe, puis fit allĂ©geance Ă Andronic II qui lui confĂ©ra le titre de despote. Son territoire Ă©tait rĂ©duit Ă Arta, la capitale, au sud de lâĂpire et Ă lâAcarnanie, alors que Constantinople occupait Ioannina, Berat et Avlona (aujourdâhui Vlora en Albanie), que Venise dĂ©tenait Dyrrachion et que Philippe de Tarente sâemparait des iles de CĂ©phalonie, dâIthaque et de Zakynthos. En 1323, Nicolas fut assassinĂ© par son frĂšre, Jean II, Ă qui Andronic II confĂ©ra le titre de despote Ă condition quâil gouverne lâĂpire en tant que domaine impĂ©rial. Les Angevins pour leur part continuaient toujours Ă affirmer leurs droits sur la GrĂšce ; leurs partisans Ă la cour dâArta considĂ©raient une alliance avec ceux-ci moins humiliante quâune allĂ©geance Ă Constantinople. Jean II fut assassinĂ© en 1335, laissant le pouvoir Ă son fils mineur, NicĂ©phore II (despote 1335-1337 et 1356-1359), sous la rĂ©gence dâAnne PalĂ©ologue qui se dit prĂȘte Ă accepter lâautoritĂ© de Constantinople pourvu que son fils soit reconnu comme despote. En 1337, Andronic III (1328-1341), dĂ©cidĂ© Ă mettre fin aux prĂ©tentions indĂ©pendantistes des Ătats du nord, reprit le contrĂŽle de la Thessalie en 1332-1333, mit fin Ă la rĂ©bellion de SyrgiannĂšs Ă Thessalonique et, aprĂšs avoir soumis lâAlbanie, arriva en Ăpire Ă la tĂȘte dâune armĂ©e composĂ©e en partie de Turcs. Anne se vit obligĂ©e de capituler sans condition. Le despotat retournait ainsi Ă lâempire sous la direction dâun gouverneur (kephale) nommĂ© par Constantinople, Jean Ange. Au terme de lâaccord, NicĂ©phore II devait ĂȘtre fiancĂ© Ă la fille de Jean CantacuzĂšne. PlutĂŽt que de contracter ce mariage, NicĂ©phore sâenfuit en Italie avec lâaide de lâaristocratie dĂ©sireuse de maintenir lâindĂ©pendance de lâĂtat Ă©pirote. Il rĂ©sida quelque temps Ă la cour de Catherine II de Valois qui tenta de faire valoir ses titres en appuyant une brĂšve rĂ©volte dans le PĂ©loponnĂšse. Andronic III revint dans le pays avec Jean CantacuzĂšne en 1339. NicĂ©phore, qui Ă©tait revenu entre-temps en Ăpire et devait alors ĂȘtre ĂągĂ© de quatorze ans, fut persuadĂ© quâil nâavait dâautre choix que de reconnaitre lâautoritĂ© du basileus. Il accepta Ă©galement dâĂ©pouser Marie CantacuzĂšne, reçut le titre de panhypersebastos, titre quelque peu infĂ©rieur Ă celui de despote, et quitta lâĂpire pour Constantinople avec ses beaux-parents en 1340 : lâĂpire, la Thessalie et la MacĂ©doine faisaient Ă nouveau partie de lâEmpire byzantin. Seules Naupacte et Vonitsa en Acarnanie demeuraient possessions angevines[37] - [38] - [39] - [40].
LâĂpire aux mains des Serbes, des Albanais et des Italiens (1340-1429)
Ă Constantinople, Andronic III ne devait pas survivre Ă sa victoire et mourut lâannĂ©e suivante. Son hĂ©ritier, Jean V PalĂ©ologue, nâavait que neuf ans. La guerre civile qui opposa la mĂšre de Jean V PalĂ©ologue (1332-1391), Anne de Savoie, Ă lâancien Grand Domestique dâAndronic III, Jean VI CantacuzĂšne (1295-1383) pour la rĂ©gence devait rĂ©veiller les tendances indĂ©pendantistes en Ăpire, laquelle avec la Thessalie se rangea aux cĂŽtĂ©s de Jean CantacuzĂšne. Celui-ci nomma son cousin, Jean Ange, dĂ©jĂ gouverneur dâArta, gouverneur des deux rĂ©gions. Câest du reste dans le document (chrysobulle) portant sa nomination quâapparait pour la premiĂšre fois en grec le nom de despotat (despoton)[37] - [41].
Les Albanais qui contrĂŽlaient dĂ©jĂ Berat et Avlona progressĂšrent vers lâAcarnanie. Pour leur part, les Serbes profitĂšrent de cette guerre civile pour avancer en MacĂ©doine et dans le nord de lâĂpire. Stefan UroĆĄ IV DuĆĄan (1308-1355), qui avait donnĂ© aide et assistance Ă Jean CantacuzĂšne au dĂ©but de la guerre civile et avait adoptĂ© en 1346 le titre dâ« empereur des Serbes et des Grecs », marcha sur lâĂpire, lâAcarnanie et lâĂtolie en 1348 pendant que son gĂ©nĂ©ral, Preljub, occupait la Thessalie. NicĂ©phore II profita Ă©galement de la guerre civile pour sâenfuir de Constantinople et revenir en Ăpire en 1356 oĂč il rĂ©gna pendant trois ans et deux mois. En dĂ©pit de succĂšs initiaux, il mourut en tentant dâĂ©touffer une rĂ©volte albanaise.
DivisĂ©e en un despotat dâIoannina et un despotat dâArta en 1348, lâĂpire se fractionna aprĂšs la dissolution de lâEmpire serbe et la mort de NicĂ©phore II en de nombreux territoires oĂč roitelets et seigneurs de la guerre serbes, albanais et italiens se combattaient mutuellement, engageant de plus en plus de mercenaires turcs dans les rangs de leurs armĂ©es. AprĂšs la mort de Stefan DuĆĄan, lâĂpire Ă©chut Ă son demi-frĂšre, SymĂ©on-SiniĆĄa PalĂ©ologue, lequel laissa la gouverne du territoire Ă des seigneurs albanais pendant que lui-mĂȘme sâinstallait en Thessalie et qu'Ioannina passait Ă son beau-frĂšre, Thomas PreljuboviÄ (1367-1384). Arta fut Ă partir de ce moment gouvernĂ©e par des Albanais : Pierre Losha de 1359 Ă sa mort en 1374 et Jean Spata jusquâen 1399. Celui-ci Ă©tant mort sans hĂ©ritier, le pouvoir passa Ă son frĂšre, Sgouros Bua Spata, puis au petit-fils de Gjin, Maurice (ou Muriki) Spata, qui combattit Carlo Tocco jusquâĂ sa mort en 1414 ou 1415[42] - [43] - [44].
Lorsque Thomas PrejulboviÄ mourut Ă Ioannina, sa veuve Maria Angelina Ă©pousa un noble aristocrate et aventurier florentin, Esau deâ Buondelmonti qui Ă©tait venu en Ăpire comme « condottiere » et avait Ă©tĂ© emprisonnĂ© par Thomas PeljuboviÄ. Il reçut les insignes de despote de Jean V en 1385. Pour combattre les Albanais, il dut chercher lâappui des Ottomans dont il devint le vassal lâannĂ©e aprĂšs avoir jurĂ© fidĂ©litĂ© Ă lâempereur byzantin. Pendant ce temps grandissait dans la rĂ©gion le pouvoir dâun autre Italien, Carlo Tocco, fils et successeur du comte de CĂ©phalonie, Leonardo. Ă la mort dâEsau, les habitants dâIoannina appelĂšrent Carlo Ă leur secours pour les dĂ©fendre Ă la fois contre les Albanais et les Turcs dont lâavance progressait depuis la bataille de Kosovo en 1389. En 1415, Carlo rĂ©ussit Ă sâemparer dâArta et reçut de lâempereur Manuel II (emp. 1391-1425) le titre de despote. Les despotats dâIoannina et dâArta Ă©taient ainsi rĂ©unifiĂ©s ; Ă ceux-ci sâajoutaient lâAcarnanie et les iles de CĂ©phalonie, Ithaque, Zante et Leucade que Tocco contrĂŽlait dĂ©jĂ . En 1417, les Ottomans sâemparaient de Vlora, Kanina, Berat et Gjirokastra, gouvernant ainsi le reste de lâĂpire[45] - [46].
La conquĂȘte turque (1429-1479)
Carlo Tocco fut le dernier despote dâune Ăpire rĂ©unifiĂ©e. Lorsquâil mourut en 1429, ses possessions furent partagĂ©es entre sa veuve, le fils de son frĂšre LĂ©onardo (Carlo II) et trois de ses fils illĂ©gitimes. Carlo II Tocco (1429-1448) demeura seigneur (et non plus despote) dâArta et des Iles, mais dut se reconnaitre vassal des Turcs tout comme les habitants dâIoannina oĂč lâĂ©vĂȘque et les Ă©diles municipaux se rendirent en 1430 Ă Sinan Beg, beglerbeg de RoumĂ©lie, pour conserver leurs privilĂšges. Arta suivit en 1449, Angelokastron en 1460 et finalement Vonitsa en 1479. La famille Tocco dut se replier sur les iles dâoĂč Ă©tait partie leur aventure en GrĂšce continentale ; le despotat dâĂpire avait vĂ©cu[45] - [47].
Survol historique
ĂvĂšnements marquant de lâhistoire de lâĂpire. | |
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Avril 1204 | Les croisĂ©s sâemparent de Constantinople. Chute et partition de lâEmpire byzantin. |
Automne 1204 | Michel ComnĂšne Doukas prend le pouvoir Ă Arta et fonde lâĂtat dâĂpire. |
1212 | ConquĂȘte dâune partie de la Thessalie lors dâune guerre contre le royaume latin de Thessalonique. |
1213-1214 | Guerre contre la rĂ©publique de Venise. Les Ăpirotes conquiĂšrent Dyrrachion et Corfu. |
1214 | Expansion en MacĂ©doine. Prise dâOhrid. |
DĂ©but 1215 | Assassinat de Michel Ier. Son frĂšre lui succĂšde. ThĂ©odore Il pousse son neveu Michel II Ă lâexil. |
1216 | DĂšmĂštrios Chomatianos devient archevĂȘque dâOhrid. |
1217 | Capture et assassinat de lâempereur latin dĂ©signĂ©, Pierre de Courtenay. |
1217-1224 | Guerre de conquĂȘtes de ThĂ©odore en MacĂ©doine. |
dĂ©cembre 1224 | Prise de Thessalonique. Fin des possessions latines sur la cĂŽte nord de la mer ĂgĂ©e. |
1225 | ThĂ©odore prend le titre impĂ©rial et se fait couronner par le mĂ©tropolite DĂšmĂštrios Chomatianos avant de se diriger vers la Thrace et de sâemparer dâAndrinople ; grande extension de lâĂtat Ă©pirote ; alliance avec les Bulgares. |
1230 | ThĂ©odore se retourne contre les Bulgares et subit la dĂ©faite lors de la bataille de Klokotnitca ; le despote est emprisonnĂ© et son Ătat divisĂ© : Ăpire, Thessalonique, Thessalie et Acarnanie. En Ăpire, Michel II prend le pouvoir. |
1241 | GrĂące Ă un hĂ©ritage, Michel II ajoute la Thessalie de façon pacifique Ă son Ătat. |
1251 | DĂ©mĂȘlĂ©s militaires avec lâEmpire de NicĂ©e qui est en passe de devenir lâĂtat le plus puissant de la rĂ©gion ; combats pour la MacĂ©doine septentrionale, lâAlbanie moyenne et la Thessalie. |
1257 | Manfred de Sicile attaque lâĂpire. Il sâempare de Corfou et de plusieurs autres ports et fortifications dans le nord du pays. |
1259 | AprĂšs la bataille de PĂ©lagonia, lâĂpire est dĂ©finitivement surpassĂ© par son concurrent grec, lâEmpire de NicĂ©e, et ne sera plus quâune petite puissance. |
Juillet 1261 | Lâempereur Michel VIII PalĂ©ologue conquiert Constantinople et ressuscite lâEmpire byzantin. LâĂpire demeure un Ătat indĂ©pendant. |
1268 | Mort de Michel II et division de la succession. Son fils NicĂ©phore Ier lui succĂšde en Ăpire. Son demi-frĂšre, Jean, hĂ©rite de la Thessalie. |
AprĂšs 1268 | DĂ©mĂȘlĂ©s et changements dâallĂ©geance avec les rois angevins de Naples et lâEmpire byzantin ; perte de la plupart des territoires au nord dâIoannina. |
1297 | Mort de Nicéphore Ier ; son fils mineur, Thomas, lui succÚde. |
DĂ©but du XIVe siĂšcle. | Des tribus albanaises sâinfiltrent en Ăpire ; de nombreux Albanais sâenrĂŽlent dans lâarmĂ©e Ă©pirote. |
1318 | Nicolas Orsini, comte de CĂ©phalonie, assassine son oncle Thomas et se proclame souverain dâĂpire. |
1323 | Nicolas est assassiné par son frÚre Jean qui lui succÚde mais perd Céphalonie. |
1335 | Mort de Jean. Son fils mineur, Nicéphore II, lui succÚde. |
1340 | Lâempereur Andronic III dĂ©fait NicĂ©phore II et transforme lâĂpire indĂ©pendante depuis un siĂšcle en province byzantine. |
1348 | Le tsar serbe Ătienne DuĆĄan conquiert lâĂpire. Il en confie le gouvernement Ă son demi-frĂšre, SimĂ©on UroĆĄ. |
1355 | Mort dâĂtienne DuĆĄan et dĂ©sintĂ©gration de la Serbie. La confusion qui sâensuit permet Ă NicĂ©phore II de reprendre le pouvoir. |
1359 | Nicéphore II tombe au combat contre les Albanais qui instaurent des gouvernements indépendants à Arta, Lépante et Angelokastron. Siméon reprend le pouvoir à Ioannina. |
1366 | Thomas PreljuboviÄ devient gouverneur de Ioannina et aprĂšs la mort de SimĂ©on en 1370 devient seul souverain. |
1385 | Esau Buondelmonti devient despote Ă Ioannina. Il est le premier prince Ă©pirote Ă ĂȘtre vassal du sultan alors que sâĂ©tend le pouvoir des Ottomans. |
1417-1479 | LâĂpire est progressivement intĂ©grĂ©e Ă lâEmpire ottoman. |
Les souverains dâĂpire
Dynastie des ComnĂšne Doukas
- Michel Ier ComnĂšne Doukas (1205-1214)
- Théodore ComnÚne Doukas (1214-1230), empereur à Thessalonique (1225-1227)
- Michel II ComnĂšne Doukas (1230-1271)
- Nicéphore Ier ComnÚne Doukas (1271-1297)
- Thomas Ier ComnĂšne Doukas (1297-1318)
Dynastie des Orsini
- Nicolas Orsini (1318-1323)
- Jean II Orsini (1323-1335)
- Nicéphore II Orsini (1335-1337 et 1356-1359)
Dynastie des NemanjiÄ
- Siméon Uroƥ Paléologue (1359-1366), « empereur des Serbes et des Grecs »
- Thomas Preljubovic (1367-1384), despote
- Marie Angelina Doukas Paléologue (1384-1385), « basilissa »
Dynastie des Buondelmonti
- EsaĂč de' Buondelmonti (1385-1411)
- Giorgio de' Buondelmonti (1411)
Dynastie des Tocco
- Charles Ier Tocco (1411-1429)
- Charles II Tocco (1429-1448), chute de Ioannina 1430
- LĂ©onard Tocco (1448-1479), chute dâArta 1449 et dâAngelokastron 1460.
Notes et références
- (en)/(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Despotate of Epirus » (voir la liste des auteurs) et en allemand « Despotat Epirus » (voir la liste des auteurs).
Notes
- En dĂ©cembre 1347, Ătienne DuĆĄan de Serbie signa une chrysobulle pour le monastĂšre de la Grande Laure du mont Athos du titre dâ « empereur des Serbes et des Romains et du despotat des territoires de lâouest », allusion possible Ă lâĂpire ; voir Nicol 1984, p. 129.
- Il est souvent appelĂ© Michel Ier Angelos dans les sources modernes mĂȘme sâil nâutilisa jamais lui-mĂȘme ce nom. Le prestige de la famille Ange Ă©tant moindre que celui des familles Doukas et ComnĂšne, despotes dâĂpire et empereurs de Thessalonique adoptĂšrent plutĂŽt le nom de Doukas.
- Pour les titres et les fonctions, voir lâarticle « Glossaire des titres et fonctions dans lâEmpire byzantin ».
- Lâidentification du « Michel » qui commandait les troupes grecques et de Michel ComnĂšne Doukas a Ă©tĂ© mise en doute par Raymond-Joseph Loenertz (voir bibliographie).
- La concession vĂ©nitienne de 1212 lui accordait le duchĂ© de Nicopolis, les provinces dâIoannina, Bagenitia, Drynoupolis et Koloneia.
- Pour le rĂŽle de lâĂglise orthodoxe dans le conflit entre NicĂ©e et lâĂpire, voir Hussey 1986, p. 206-211.
- Selon la coutume byzantine, ThĂ©odore, aveuglĂ©, ne pouvait lui-mĂȘme ĂȘtre empereur.
- Celui-ci Ă©tait le fils de Jean VatatzĂšs mais utilisait plutĂŽt le nom de sa mĂšre, Lascaris.
- Dyrrachion avait été abandonnée par les troupes de Constantinople aprÚs le séisme de 1271.
- Câest Ă cette Ă©poque que les Ă©lites albanaises, favorisĂ©es par Michel VIII, font leur apparition dans la vie politique et que la population albanaise commence Ă devenir majoritaire dans cette rĂ©gion ; voir Laiou et Morrisson 2011, p. 317.
Références
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Bibliographie
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Deux chroniques nous sont parvenues datant de la fin du despotat :
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- la Chronique des Tocco pour la période 1375-1422 :
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