Ăpire romaine et byzantine
L'Ăpire romaine et byzantine fut d'abord une province de lâEmpire romain (en latin : Provincia Epiri; en grec ancien : áŒÏαÏÏία ጚÏΔίÏÎżÏ ) couvrant Ă lâorigine la rĂ©gion de lâAncienne Ăpire. AnnexĂ©e par Rome en 167 av. J.-C. Ă la suite de la troisiĂšme guerre macĂ©donienne, elle fut dâabord intĂ©grĂ©e dans la province de MacĂ©doine qui regroupait lâensemble du monde hellĂ©nique sur le continent. Son port de Bouthroton servit de base navale Ă CĂ©sar qui projetait dây Ă©tablir une partie de ses vĂ©tĂ©rans aprĂšs la guerre civile. Ce fut toutefois Auguste qui rĂ©alisa ce vĆu aprĂšs la victoire dâActium. Ă la suite de la division de la province de MacĂ©doine en 27 av. J.-C., elle fit partie de la province dâAchaĂŻe jusquâĂ ce que Trajan en fasse une province Ă part entiĂšre entre 103 et 114 ap. J.-C., laquelle fut divisĂ©e en deux (lâAncienne et la Nouvelle Ăpire) lors de la rĂ©forme administrative de DioclĂ©tien.
Ă la suite de la division de lâEmpire romain entre une partie occidentale et une partie orientale, lâĂpire se retrouva dans cette partie qui devait devenir lâEmpire byzantin. Ă partir de cette Ă©poque, elle fut lâobjet dâinvasions rĂ©pĂ©tĂ©es de la part de tribus barbares : Wisigoths, Vandales et Antes se succĂ©deront, si bien que vers la fin du VIe siĂšcle, la majeure partie de la GrĂšce, y compris lâĂpire, Ă©tait tombĂ©e aux mains des Avars et de leurs alliĂ©s slaves, obligeant une bonne partie de la population Ă quitter la rĂ©gion.
Ce nâest que vers la fin du VIIe siĂšcle que Constantinople put reprendre progressivement le contrĂŽle de la rĂ©gion en commençant par les iles Ioniennes. Le retour des anciens occupants et lâĂ©tablissement de nouveaux colons grĂące au dĂ©veloppement de lâagriculture et de lâĂ©levage au siĂšcle suivant permirent de retrouver le cours de la vie traditionnelle. Un siĂšcle plus tard, au moins cinq Ă©vĂȘchĂ©s avaient Ă©tĂ© rĂ©tablis alors quâĂ la fin du VIIIe siĂšcle et au IXe siĂšcle, trois thĂšmes y Ă©taient crĂ©Ă©s : Dyrrachium, Nikopolis et CĂ©phalonie.
Histoire
ConquĂȘte de lâĂpire par Rome
SituĂ©e dans le nord-ouest de la GrĂšce, lâĂpire Ă©tait une rĂ©gion montagneuse sâĂ©tendant du Pinde Ă la mer Ionienne. Son importance venait de sa riche rĂ©gion cĂŽtiĂšre, voie de communication essentielle entre Rome et le reste de la GrĂšce[1].
Consciente de cette importance, Rome avait maintenu une prĂ©sence militaire en Ăpire depuis la PremiĂšre guerre macĂ©donienne (214 Ă 205 av. J.-C.) qui lâavait opposĂ©e au royaume de MacĂ©doine sous le rĂšgne de Philippe V (r. 221 â 179 av. J.-C.). Depuis ce temps et pendant les DeuxiĂšme (200-197 av. J.-C.) et TroisiĂšme (172 â 168 av. J.-C.) guerres macĂ©doniennes, lâĂpire avait servi de porte dâentrĂ©e des troupes romaines en GrĂšce. Au cours de cette derniĂšre guerre, la Ligue Ă©pirote jusque-lĂ neutre, se divisa, les Molosses se rangeant du cĂŽtĂ© des MacĂ©doniens, les Thesprotes et les Chaoniens appuyant les Romains[2]. Les consĂ©quences de cette guerre furent dĂ©sastreuses pour lâĂpire : quelque 150 000 Molosses furent rĂ©duits en esclavage et la rĂ©gion tomba sous la domination de Rome.
Le centre de lâĂpire ne devait pas se relever avant la pĂ©riode byzantine, mais la rĂ©gion cĂŽtiĂšre continua Ă prospĂ©rer. Le statut exact de lâĂpire entre 167 et 146 av. J.-C. demeure incertain, mais en 146 av. J.-C., elle fut incorporĂ©e dans la province romaine de MacĂ©doine regroupant outre lâĂpire, la Thessalie, une partie de lâIllyrie, la PĂ©onie et la Thrace (lâensemble du monde hellĂ©nique continental). Au cours de la guerre civile de CĂ©sar, ce dernier utilisa Bouthroton (aujourdâhui Butrint en Albanie) comme base navale et fit par la suite des plans pour y Ă©tablir une colonie destinĂ©e Ă ses vĂ©tĂ©rans. Ces plans devaient ĂȘtre repris par Auguste qui y crĂ©a effectivement une colonie pour ses propres vĂ©tĂ©rans aprĂšs sa victoire sur Marc Antoine Ă la bataille dâActium[3]. De nouveaux rĂ©sidents sây fixĂšrent si bien que la ville se dĂ©veloppa et put se doter dâun aqueduc, de bains romains, dâun forum et dâun nymphĂ©e[N 1]. Durant cette pĂ©riode, la population de la ville doubla[4] et de nouvelles structures furent Ă©rigĂ©es prĂšs de celles qui existaient dĂ©jĂ notamment prĂšs de lâamphithĂ©Ăątre et du temple dâAsclĂ©pios[5]. Auguste devait sĂ©parer lâĂpire et lâAchaĂŻe de la MacĂ©doine en 27 av. J.-C., lâĂpire faisant partie de la province dâAchaĂŻe jusquâentre 104 et 117 ap. J.-C. lorsque Trajan en fit une province sĂ©natoriale Ă part entiĂšre et la mit sous lâautoritĂ© dâun procurator Augusti[6]. La nouvelle province sâĂ©tendait alors du golfe dâAulon (aujourdâhui VlorĂ« en Albanie) et des monts CĂ©rauniens au nord jusquâau fleuve AchĂ©loos au sud; elle comprenait Ă©galement les Ăźles Ioniennes de Corfou, Leucade, Ithaque, CĂ©phalonie et Zante[6].
Ancienne et Nouvelle Ăpire
DioclĂ©tien (r. 284 â 305) devait procĂ©der Ă une refonte en profondeur de lâadministration territoriale de lâempire : les provinces furent morcelĂ©es en entitĂ©s plus petites et regroupĂ©es en douze diocĂšses gĂ©rĂ©s par des vicaires. Dans ce processus, lâĂpire fut divisĂ©e en deux, toutes deux faisant partie du diocĂšse de MĂ©sie. LâĂpire traditionnelle dans le sud porta le nom dâAncienne Ăpire (en grec ancien : ΠαλαÎčᜰ áŒŹÏΔÎčÏÎżÏ; en latin : Epirus Vetus) avec comme capitale Nikopolis et la Nouvelle Ăpire (Epirus Nova) eut comme capitale Dyrrachium. Bien que le territoire de la Nouvelle Ăpire ne correspondĂźt pas Ă lâĂpire traditionnelle telle que dĂ©crite par les anciens gĂ©ographes et habitĂ©e principalement par des populations illyriennes, le nom reflĂšte le fait que, sous la domination romaine, un phĂ©nomĂšne dâhellĂ©nisation Ă©tait en cours, des tribus Ă©pirotes quittant le sud pour sâinstaller au nord[6].
Les deux provinces Ă©pirotes demeurĂšrent partie du diocĂšse de MĂ©sie jusquâĂ ce que celui-ci soit divisĂ© vers 369 en diocĂšses de MacĂ©doine et de Dacie; les deux provinces furent alors incorporĂ©es dans le diocĂšse de MacĂ©doine[7]. Au IVe siĂšcle lâĂpire Ă©tait encore profondĂ©ment paĂŻenne. Lâempereur Julien (r. 361-363) qui avait rejetĂ© le christianisme et le prĂ©fet du prĂ©toire, Claudius Mamerinus lui accordĂšrent leur protection en rĂ©duisant les taxes et en reconstruisant sa capitale, Nikopolis [8].
PĂ©riode byzantine
Ă la mort de lâempereur ThĂ©odose Ier en 395 et la sĂ©paration de lâempire, lâĂpire devint partie de lâEmpire romain dâOrient[8]. Ă partir de ce moment, elle devint le thĂ©Ăątre dâinvasions par nombre de tribus barbares successives. LâannĂ©e mĂȘme de la mort de ThĂ©odose, Alaric devenu roi des Wisigoths envahit et pilla la Thrace, la MacĂ©doine et le PĂ©loponnĂšse, mettant Ă sac les prestigieuses citĂ©s grecques et vendant leurs habitants comme esclaves. Les Wisigoths devaient demeurer en Ăpire jusquâen 401; ils y reviendront de 406 Ă 440 alors que les deux frĂšres Honorius (r. 384-423, empereur romain d'Occident) et Arcadius (r. 395 â 408, empereur romain d'Orient) se disputaient le contrĂŽle de certains territoires Ă la limite des Empires d'Occident et d'Orient, notamment la prĂ©fecture d'Illyrie[9]. LâĂpire devient alors partie de cet enjeu et en 407, Ă la suite de la fermeture des ports d'Italie aux navires venant d'Orient, le chef Alaric prit possession de la province au nom d'Honorius[8]. Mais les ambitions dâAlaric allaient bien au-delĂ de la province et, en 409, Alaric mit de nouveau le siĂšge devant la « Ville Ă©ternelle ».
LâĂpire demeura toutefois, en thĂ©orie du moins, partie de lâEmpire romain dâOrient. Ă partir de 467, les iles ioniennes et les cĂŽtes de lâĂpire furent le thĂ©Ăątre dâincursions de la part des Vandales qui avaient conquis les provinces dâAfrique du Nord et y avaient Ă©tabli leur propre royaume dont la capitale Ă©tait Carthage. Ils sâemparĂšrent de Nikopolis en 474 pour faire pression sur lâempereur ZĂ©non (r. fĂ©vrier 474 â janvier 475; 476-491). Ils pillĂšrent Ă©galement lâile ionienne de Zante (Zakynthos), tuant bon nombre de ses habitants et rĂ©duisant les autres en esclavage[10].
En 479, lâĂpire nouvelle fut ravagĂ©e, cette fois, par les Ostrogoths que lâempereur ZĂ©non avait tentĂ© de dresser contre les Goths de Thrace[10]. Lorsque lâempereur proposa de crĂ©er un nouveau royaume fĂ©dĂ©rĂ© en Dacie, au nord du Danube, les Goths tentĂšrent de sâemparer de Dyrrachium (aujourdâhui DĂŒrres en Albanie), mais furent repoussĂ©s par les forces impĂ©riales[11].
En 517, ce furent les GĂštes ou les Antes qui atteignirent la GrĂšce, y compris lâAncienne Ăpire[10]. Dans son « Histoire secrĂšte » lâhistorien byzantin Procope de CĂ©sarĂ©e soutient que sous le rĂšgne de Justinien Ier, les barbares firent des incursions dans les Balkans presque chaque annĂ©e ; les historiens contemporains croient quâil sâagit dâune exagĂ©ration, un seul raid slave dans les environs de Dyrrachium en 548/549 ayant Ă©tĂ© documentĂ©[10]. Toujours selon Procope, le roi ostrogoth Totila envoya en 551 sa flotte ravager les cĂŽtes de lâĂpire pour couper les lignes de communication byzantines avec lâItalie pendant la guerre avec les Goths au cours de laquelle les Byzantins tentĂšrent de sâemparer de son royaume [12]. Pour rĂ©pondre Ă ces incursions, mais aussi pour rĂ©parer les destructions provoquĂ©es par deux terribles tremblements de terre en 522, Justinien entreprit un vaste programme de reconstruction et de rĂ©paration des forts : Hadrianopolis fut reconstruite, bien que sur une moindre Ă©chelle, et renommĂ©e Justinianopolis ; Euroea fut rebĂątie plus Ă lâintĂ©rieur, ce qui correspondrait Ă la crĂ©ation de Ioannina. Enfin, toujours selon Procope, pas moins de trente-six petites forteresses de lâAncienne Ăpire, la plupart non identifiĂ©es de nos jours, furent soient construites, soit reconstruites[12].
ConquĂȘte par les Slaves et reconquĂȘte byzantine
Vers la fin du VIe siĂšcle, la majeure partie de la GrĂšce, y compris lâĂpire, Ă©tait tombĂ©e aux mains des Avars et de leurs alliĂ©s slaves. La Chronique de Monemvasia situe la chose en 587, ce qui semble confirmĂ© par le fait que bon nombre de siĂšges Ă©piscopaux avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©s par leurs Ă©vĂȘques en 591. Ainsi, vers 590, lâĂ©vĂȘque, le clergĂ© et la population dâEuroea abandonnĂšrent leur ville apportant avec eux les reliques de leur saint patron, Donat, pour se rĂ©fugier Ă CassiopĂ©e de Corfou[13].
La restauration de lâautoritĂ© byzantine se fit graduellement en commençant par les iles. CĂ©phalonie Ă©tait certainement sous contrĂŽle byzantin vers 702 lorsque Philippicus BardanĂšs y fut exilĂ©. Ce retour graduel est Ă©galement attestĂ© par la participation dâĂ©vĂȘques locaux aux conciles se tenant Ă Constantinople : alors que seul lâĂ©vĂȘque de Dyrrachium avait Ă©tĂ© prĂ©sent aux conciles ĆcumĂ©niques de 680/681 et de 692, un siĂšcle plus tard les Ă©vĂȘques de Dyrrachium, de Nikopolis, de Corfou, de CĂ©phalonie et de Zante Ă©taient prĂ©sents au DeuxiĂšme Concile de NicĂ©e de 787[14].
Sur le plan administratif, bien que la date exacte de la crĂ©ation du thĂšme de CĂ©phalonie demeure un mystĂšre, on peut la situer au milieu ou Ă la fin du VIIIe siĂšcle[15] - [16]. Le thĂšme de Nikopolis (dont la capitale Ă©tait Nauplie), fondĂ© au cours de la deuxiĂšme moitiĂ© du IXe siĂšcle, probablement aprĂšs 886 sous le rĂšgne de l'empereur LĂ©on VI le Sage (r. 886-912) recouvrait ce qui avait Ă©tĂ© lâAncienne Ăpire. Le thĂšme de Dyrrachium, Ă©galement fondĂ© au IXe siĂšcle, couvrait pour sa part ce qui avait Ă©tĂ© la Nouvelle Ăpire. LâautoritĂ© byzantine sur ces territoires continuera jusquâĂ la QuatriĂšme Croisade de 1204[17] - [18] - [19] - [20].
Ăconomie et population
La Via Egnatia construite au IIe siĂšcle av. J.-C. qui partait de Dyrrachium et se rendait Ă Constantinople en traversant les Balkans constituait un atout Ă©conomique majeur dont tira partie la province, en particulier les villes du nord[21]. En raison Ă la fois de sa rĂ©putation pour lâĂ©levage de troupeaux et de sa proximitĂ© de la pĂ©ninsule italienne, lâĂpire devint un centre dâexportation de bovins et de chevaux, ces derniers Ă©tant particuliĂšrement prisĂ©s Ă Rome pour les courses de charriots[22].
LâĂpire attira Ă©galement nombre dâimmigrants italiens en raison de son potentiel agricole qui conduisit Ă la crĂ©ation de grandes propriĂ©tĂ©s et de villes importantes[23].
Selon le Synecdemus dâHiĂ©roclĂšs[N 2], rĂ©digĂ© vers 527/528, mais reflĂ©tant probablement la situation telle quâelle existait dans la premiĂšre moitiĂ© du Ve siĂšcle, lâAncienne Ăpire comprenait onze citĂ©s :
- Nicopolis, la capitale,
- Euroea
- Hadrianopolis (aujourdâhui Dropull en Albanie)
- Appon
- Anchiasmos (aujourdâhui Saranda en Albanie)
- Bouthrotum (aujourdâhui Butrint en Albanie)
- Photike
- Corfu (lâĂźle)
- Itaque (lâĂźle)
La nouvelle Ăpire dont la capitale Ă©tait Dyrrachium comptait pour sa part neuf citĂ©s, non spĂ©cifiĂ©es[24].
- Ruines de Butrint
- Amphithéùtre romain de Butrint
- Basilique chrétienne, Butrint
- Amphithéùtre romain de Dyrrachium
- Bastion du chĂąteau de Dyrrachium Ă©rigĂ© par lâempereur Anastase
- Nymphée de Nikopolis
- MosaĂŻque de la villa romaine de Manius Antoninus Ă Nikopolis
Notes et références
Notes
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Epirus (Roman province) » (voir la liste des auteurs).
- Fontaine publique monumentale, se composant d'un ou plusieurs bassins entourés d'une façade ornementale à étages multiples, le tout orné de sculptures et de jeux d'eau.
- Catalogue des divisions administratives de l'Empire byzantin comprenant une liste des cités de chacune d'elles. Il énumÚre plus de neuf cents villes de l'Empire byzantin classées dans les 64 provinces, approximativement par ordre géographique.
Références
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- Soustal & Koder (1981) p. 48
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- Soustal & Koder (1981) p. 51
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- Pertusi (1952), pp. 174-175
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Bibliographie
Sources primaires
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