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Dodone

Dodone (en grec ancien et grec moderne Δωδώνη / Dôdốnê) est un sanctuaire oraculaire dédié à Zeus et à la Déesse-Mère, révérée sous le nom de Dioné. Les prêtres et les prêtresses du bosquet sacré interprétaient le bruissement des feuilles de chêne sous le vent.

Dodone
Nom local
(grc) Δωδώνη
Géographie
Pays
Périphérie
District régional
Dème
Coordonnées
39° 32′ 47″ N, 20° 47′ 16″ E
Fonctionnement
Statut
Patrimonialité
Site archéologique de Grèce (d)
Histoire
Dissolution
Carte
Localisation du sanctuaire de Dodone.

Il est situé en Épire sur les pentes du mont Tomaros au sud du lac Pamvotida, à 22 km au sud de Ioannina. C’est le plus vieil oracle grec, d'après Hérodote, remontant peut-être au IIe millénaire av. J.-C., et l’un des plus célèbres avec ceux de Delphes et d’Ammon. Étant très à l’écart de la Grèce des cités (Thèbes, Athènes, Sparte, etc.), il pâtit du développement de l’oracle de Delphes à l'époque classique mais reste néanmoins important jusqu’à l’époque romaine.

Le mât du navire Argo, qui a transporté les Argonautes à la recherche de la Toison d'or, est réputé construit à partir d'un chêne de la forêt sacrée de Dodone.

Les origines légendaires de l’oracle

Hérodote rapporte une tradition sur l’oracle de Dodone, qu'il avait déjà entendue à Thèbes en Égypte[1] - [2] :

« Les prêtresses des Dodonéens rapportent qu’il s’envola de Thèbes en Égypte deux colombes noires ; que l’une alla en Libye, et l’autre chez eux ; que celle-ci, s’étant perchée sur un chêne, articula d’une voix humaine que les destins voulaient qu’on établît en cet endroit un oracle de Zeus ; que les Dodonéens, regardant cela comme un ordre des dieux, l’exécutèrent ensuite. Ils racontent aussi que la colombe qui s’envola en Libye commanda aux Libyens d’établir l’oracle d'Ammon, qui est aussi un oracle de Jupiter. Voilà ce que me dirent les prêtresses des Dodonéens, dont la plus âgée s'appelait Preuménia ; celle d'après, Timarété ; et la plus jeune, Nicandra. Leur récit était confirmé par le témoignage du reste des Dodonéens, ministres du temple[3]. »

La vallée de Dodone au temps des premières fouilles (Carapanos 1878, pl. I, détail).

Le récit mythologique vaut surtout pour le lien qu’il fait entre les deux grands oracles de Zeus, celui d’Ammon dans l’oasis de Siwah en Libye, et celui de Dodone[4]. Il semble montrer aussi qu’à l’origine, le service de la divinité est l’apanage de prêtresses, et que l’institution de prêtres est postérieure. On sait en effet par Strabon que ce sont les prêtresses qui délivraient les réponses de l’oracle, sauf dans le cas où il s’agissait de Béotiens. Les prêtresses de Zeus sont les trois Peleiades (en grec αἱ πελειάδες, "colombes") nommées par Hérodote, Preuménia, Timarété et Nicandre[5].

Au VIIIe siècle, à l’époque d’Homère, elles sont rejointes par des prêtres de Zeus, les Selles (en grec οἱ Σελλοί). Dans l’œuvre d'Homère, Dodone apparaît en effet deux fois dans l'Iliade[6] - [7] :

« τῷ δ’ Ἐνιῆνες ἕποντο μενεπτόλεμοί τε Περαιβοὶ' / οἳ περὶ Δωδώνην δυσχείμερον οἰκί’ ἔθεντο »

« (...) commandaient les Éniènes, les vaillants Perrhèbes, / qui s’étaient établis dans l’âpre pays de Dodone (...) »

  • Dans la prière qu'Achille adresse à Zeus alors que Patrocle s'apprête à affronter Hector, dans l’Iliade, XVI, 231-235[8] :

« Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε Πελασγικὲ τηλόθι ναίων / Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου, ἀμφὶ δὲ Σελλοὶ / σοὶ ναίουσ’ ὑποφῆται ἀνιπτόποδες χαμαιεῦναι »

« Zeus tout-puissant, Dodonéen, dieu lointain, Pélasgique, / qui règnes sur Dodone, en ce rude pays des Selles / devins aux pieds jamais lavés, qui couchent sur le sol ! (...) »

Dans l’Odyssée, Homère montre encore Ulysse s’y rendre pour consulter l’oracle sur les moyens de retourner à Ithaque (Chant XIV, 327 ; chant XIX, 296-298) :

« τὸν δ’ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο' / ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι / ὅππως νοστήσει’ Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον »

« (...) il me disait qu’[Ulysse] était allé à Dodone / pour apprendre du grand Chêne la volonté de Zeus / et pour savoir comment il rentrerait dans la terre d'Ithaque (...) »

Ce sont donc les Selles qui, maintenant un contact rituel permanent avec la terre, interprétaient la parole de Zeus. Celle-ci leur parvenait de plusieurs manières : le bruissement des feuilles du Chêne sacré, le bruit causé par un ou plusieurs chaudrons de bronze (selon les époques, voir infra), et peut-être aussi le vol de colombes, si on interprète ainsi l'étymologie des péléiades[8].

Histoire du sanctuaire

Sanctuaire de Dodone vu du théâtre.

L’archéologie n’a pas encore apporté de réponse satisfaisante sur la date de création du sanctuaire. Aucune trace d’établissement néolithique n’a pour l’instant été trouvée à Dodone. Les plus anciennes traces archéologiques d’occupation (céramique, épées et couteaux de bronze) datent de l’époque mycénienne et ne sont pas antérieures au XVe siècle av. J.-C.[8]. Le culte de Zeus Dodonéen serait arrivé en Épire avec les Thesprotes à l’Helladique récent vers 1200 av. J.-C. Mais il existait alors déjà sur le site un culte chtonien pré-hellénique d’une déesse de l’abondance et de la fertilité liée aux racines du grand chêne. Les deux divinités, le dieu ouranien du tonnerre et de l’orage, et la divinité chtonienne de la végétation forment ainsi à Dodone un couple révéré sous les noms de Zeus Naïos (littéralement « Zeus résidant ») et Dioné Naïa (la forme féminine du nom Zeus), en relation avec un chêne sacré[8].

Bien qu’excentré par rapport à la Grèce des cités, l’oracle jouit d’une grande renommée dès le VIe siècle : il est régulièrement consulté par les Athéniens qui lui envoient une ambassade annuelle. Sophocle le mentionne dans les Trachiniennes[9] et Eschyle dans Prométhée enchaîné[10]. Le roi de Lydie Crésus[11] le consulte, de même plus tard, que les Spartiates Agésilas et Lysandre[12].

Cette célébrité ne se traduit pas par un programme architectural ambitieux, contrairement à ce qui se passe pour le sanctuaire de Delphes, qui supplante progressivement Dodone comme la source principale des oracles pour les cités grecques. Au IVe siècle av. J.-C. encore, le sanctuaire semble se réduire à un modeste temple érigé auprès du chêne sacré.

L’apogée du sanctuaire correspond à celle du royaume d’Épire sous le règne de Pyrrhus qui, entre 297 et 272 av. J.-C. reconstruit presque tous les édifices de Dodone, sur une échelle monumentale plus en rapport avec son rôle de sanctuaire national épirote : le temple de Zeus, ceux d’Héraclès et de Thémis bénéficient de ses largesses, ainsi que les édifices civiques, le bouleuterion et le prytanée. C’est aussi Pyrrhus qui fait construire le théâtre pour accueillir les concours dramatiques et musicaux accompagnant la fête des Naïa en l’honneur de la triade constituée par Zeus et ses deux parèdres, Dioné et Thémis.

Inscription oraculaire sur une lamelle de plomb (Carapanos 1878, pl. XL, 1).

La mort soudaine de Pyrrhus à Argos en 272 av. J.-C. et l'affaiblissement du royaume d’Épire qui s’ensuit, pris dans l’étau constitué par ses deux puissants voisins, la Macédoine à l’est et l’Étolie au sud, entraînent le déclin du sanctuaire. En 219-218 av. J.-C., il est pillé par les Étoliens sous le commandement de leur nouveau stratège Dorimaque, qui fait détruire le temple de Zeus, mais épargne, semble-t-il, le Chêne sacré. L’historien romain Polybe[13] est la source indirecte de cette information : il précise que les Étoliens brûlèrent le sanctuaire, sauf la Hiéra Oikia qu’ils démantelèrent. Selon l'archéologue S. Dakaris[14], la différence de traitement s’explique par la volonté de ne pas risquer de brûler le Chêne sacré, ce qui aurait constitué un sacrilège beaucoup plus important. Les fouilles de la Hiéra Oikia ont montré l'absence de niveau de destruction par incendie à cette époque, ce qui paraît confirmer le témoignage de Polybe de Mégalopolis. Le jeune roi de Macédoine Philippe V, allié des Épirotes, venge le sacrilège en mettant à sac la capitale fédérale étolienne Thermos l’année suivante (218). Avec le butin pris sur les Étoliens, il fait ensuite reconstruire le sanctuaire de Dodone et y ajoute un stade pour les jeux annuels. Le sanctuaire ne se relève jamais tout à fait du sac étolien, d’autant plus qu’il est une nouvelle fois détruit un demi-siècle plus tard, cette fois par les Romains, lors de la Troisième guerre de Macédoine (-168-167 av. J.-C.) - les fouilles du temple de Zeus n’ont pas découvert d'éléments permettant de confirmer cette destruction[15]. On retrouve ensuite mention du sanctuaire dans les sources à l’occasion de l’invasion de la Grèce par les armées de Mithridate VI en 88. Lorsque Octave séjourne en Épire lors de la guerre contre Marc Antoine en 31 av. J.-C., il fait probablement reconstruire en partie le sanctuaire que le géographe contemporain Strabon décrit comme ruiné. C’est aussi à l’époque impériale que le théâtre est transformé en arène. L’empereur Hadrien visite l’oracle vers 132, de même que Pausanias[16], peu après. Le festival des Naïa est toujours célébré vers 240[15].

La ruine définitive de l’oracle intervient en 391 lorsque le Chêne sacré est coupé à la suite des édits de Théodose Ier interdisant les cultes païens. Ce n’est toutefois pas la fin de l’occupation du site : la construction, en partie sur les vestiges du temple d’Héraclès, d’une grande basilique chrétienne au Ve siècle témoigne de l’occupation de Dodone dans l’Antiquité tardive, de même que la mention de la ville dans la liste de Hiéroclès, géographe du VIe siècle, et la présence de plusieurs évêques de Dodone aux conciles œcuméniques, notamment celui d’Éphèse en 431.

Organisation du sanctuaire

Plan du sanctuaire de Dodone (d’après Sotirios Dakaris (el) 1996).

Le sanctuaire était clos dès la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. par une enceinte prolongeant dans la vallée les fortifications de l'acropole (plan, no 1). Cette dernière englobe le sommet de la petite colline (altitude : 350 m) dominant le site. Construite en appareil isodome, l’acropole était le refuge fortifié de la cité des Dodonéens, garni de 10 tours quadrangulaires, et accessibles par deux entrées, l’une au nord-est, l’autre au sud-est. Elle possédait une citerne pour alimenter les habitants en eau en cas de siège. À partir des angles sud-ouest et sud-est de l’acropole, deux courtines descendaient dans la vallée pour enclore l’aire du sanctuaire. Trois portes y étaient percées, dont deux, à l’est et au sud (hors plan), étaient protégées par des tours. La porte ouest (plan no 19) dut être déplacée vers l'ouest (no 18) lors de la phase d’agrandissement du sanctuaire au début du IIIe siècle av. J.-C., pour dégager l’espace suffisant à la construction du bouleuterion (no 4) et du prytanée (no 6). La nouvelle courtine occidentale (no 17) les contournait pour venir rejoindre le bâtiment identifié à la maison des prêtres (no 5).

Les édifices de culte

Les différents monuments du sanctuaire étaient répartis au pied de la colline dans cet espace fortifié. Au centre se trouvait le téménos de Zeus Dodonéen, la Hiéra Oikia (ἡ Ἱερά Οἰκία, « Maison sacrée », plan no 11) mentionnée par Polybe (IV, 67, 3)[17]. La plus ancienne phase monumentale identifiée est un petit temple rectangulaire (20,80 × 19,20 m) construit dans la première moitié du IVe siècle à côté du chêne sacré, lorsque les Molosses prennent le contrôle du sanctuaire thesprote. Il n’y avait alors pas de clôture, mais le chêne était entouré d’une série de trépieds supportant des chaudrons de bronze en contact les uns avec les autres : lorsque l’on heurtait l’un d’eux, le son était réverbéré par toute la série. C’est ce bruit que les prêtres interprétaient, avec celui du vent dans les feuilles, comme manifestant la volonté de Zeus. Des fragments de chaudron remontant au VIIIe siècle ont été retrouvés, confirmant cette tradition et l’ancienneté de l'oracle.

Au milieu du IVe siècle, le téménos est matérialisé par un mur de maçonnerie. Les chaudrons ont alors laissé la place à un dispositif plus sophistiqué : au sommet d’une colonne s’élevait une statue de bronze représentant un jeune garçon (une offrande des Corcyréens) tenant un fouet à trois chaînes d’astragales. Le vent agitait ces chaînes contre un chaudron de bronze disposé lui aussi sur une colonne, produisant là encore un son continu, interprété par les prêtres pour répondre aux questions qui leur étaient posées[18]. Celles-ci étaient transmises sur des lamelles de plomb, dont les fouilles ont mis au jour un grand nombre.

Téménos de Zeus Dodonéen.

Sous le règne du roi Pyrrhus, le mur de clôture est remplacé par un portique ionique sur trois côtés de la cour, en pi, entourant le chêne. En guise d’offrande de reconnaissance au dieu, Pyrrhus fait suspendre sur les colonnades les boucliers romains pris lors de sa victoire d’Héraclée en 280 av. J.-C.[18] — le Musée national d’Athènes possède le fragment de l’un de ces boucliers, identifié par un fragment d’inscription. Il réitéra ce geste en 274 av. J.-C. après une victoire sur Antigone II Gonatas, comme l’atteste cette fois une inscription trouvée au bouleuterion.

Après le démantèlement systématique de la Hiéra Oikia par les Étoliens en 219 av. J.-C., le Macédoniens font reconstruire le sanctuaire sur une échelle plus grandiose : le temple est un édifice tripartite (pronaos, naos, adyton) tétrastyle ionique[15].

Plusieurs temples secondaires entouraient la Hiéra Oikia. Au Nord-Est, se trouvait le premier temple de Dioné (plan no 13), un petit monument doté d'un pronaos tétrastyle ionique abritant, à l'arrière de la cella la statue de la déesse[19]. On sait de manière indirecte que le temple existait déjà dans la seconde moitié du IVe siècle : les Athéniens y envoyaient chaque année une ambassade honorer la statue de Dioné, une pratique qu’Olympias, la mère d'Alexandre le Grand condamna comme une ingérence dans les affaires du royaume molosse d’Épire, qu’elle gouverna entre 330 et 324 av. J.-C. Le sanctuaire est abandonné après sa destruction en 219 av. J.-C. : un nouveau temple de Dioné est construit une dizaine de mètres plus au Sud (plan no 12). Il s’agit d’un petit temple prostyle tétrastyle ionique comprenant un pronaos et une cella[20].

Entre ces deux temples et la porte Est de l'enceinte se trouvait le temple d’Héraclès (plan no 14), élevé sous le règne de Pyrrhus (297-272 av. J.-C.) en l'honneur du héros considéré comme l’ancêtre mythique de la dynastie des Argéades, la maison royale de Macédoine : celle-ci était alliée à la dynastie éacide d’Épire depuis le mariage d’Olympias et de Philippe II de Macédoine. C'est un petit temple tétrastyle dorique — le seul du sanctuaire — qui fut détruit en 219 av. J.-C. puis reconstruit en partie avec des matériaux pillés à Thermos. Il fut en partie recouvert par la basilique paléochrétienne dans l’Antiquité tardive. Le temple a pu être identifié grâce à la découverte d’un métope représentant Héraclès contre l’Hydre de Lerne, ainsi que par diverses offrandes. Une base d’autel découverte à l'Est du temple lui est probablement associée[21].

Deux autres temples ont été mis au jour à l’ouest de la Hiéra Oikia : le temple de Thémis (no 10) est très proche par son plan du nouveau temple de Dioné[22]. L’association cultuelle des deux déesses parèdres de Zeus est confirmée par une inscription oraculaire de plomb, datée de la première moitié du IIIe siècle, qui mentionne cette triade qualifiée de dieux naïens.

Un peu plus loin au sud-ouest, un dernier édifice cultuel (no 8) est identifié à un temple d’Aphrodite : le culte de cette déesse est attesté à Dodone par une inscription ainsi que par des offrandes de petites statuettes d’argile la représentant tenant dans sa main droite une colombe devant sa poitrine. Deux tambours de colonne provenant de ce temple ont été remployés dans l’édifice voisin (no 9), de fonction inconnue, à l'époque romaine[22].

Les édifices civiques

Bouleutérion de Dodone
Bouleutérion de Dodone

Le plus grand édifice intra muros du sanctuaire est le bouleuterion (plan no 4) construit au début du IIIe siècle av. J.-C. à côté du théâtre[23]. C’est une grande salle rectangulaire (43,60 × 32,35 m) précédée en façade d’une stoa dorique. Le toit de cette imposante construction était supporté par huit colonnes ioniques disposées en trois rangées dans la salle. Il fut toutefois nécessaire de renforcer les murs par 14 contreforts pour supporter la pression du toit. C’était le lieu de réunion des membres du conseil (bouleutes) de la cité des Dodonéens : ils prenaient place sur des bancs de pierre dont il reste quelques traces en place, sur le côté nord. Les orateurs prenaient place dans la partie sud de la pièce, où on a aussi retrouvé en place un autel dédié à Zeus Naïos et Bouleus, un élément décisif dans l’identification fonctionnelle du bâtiment. L’auteur de cette dédicace était un certain Charops fils de Machatas, un Thesprote mentionné par Plutarque pour avoir aidé Flamininus lors de la campagne de 198 av. J.-C. contre Philippe V de Macédoine[24].

À l’extérieur du bouleuterion, le long de sa façade est, ont été trouvées quatre bases gravées de décrets honorifiques de la Ligue épirote. L’objet de deux d’entre eux était de récompenser, en leur élevant une statue de bronze, des généraux pour avoir combattu, l’un les Illyriens vers 230 av. J.-C., l’autre les Éacides, au moment de la proclamation de la république épirote (entre 234 et 168 av. J.-C.). Divers fragments de ces statues ont été retrouvés à proximité des bases.

L’autre grand édifice civique, le prytanée (plan no 6 et 7) était à quelque distance au sud du bouleuterion, de l’autre côté de la voie sacrée et de l’ancienne porte ouest des remparts qu’il fallut déplacer pour construire ce monument[25]. C’est dans ce bâtiment que se réunissaient les prytanes et les archontes, les magistrats supérieurs de Dodone, et qu’étaient conservées les archives de leurs décisions. Le bâtiment, ordonné autour d’une cour péristyle, fut agrandi à la fin du IIIe siècle par l’adjonction d’une série de petites pièces carrées sur son côté nord : cet agrandissement fut très probablement rendu nécessaire par l’extension de la Ligue épirote vers le sud à cette époque. Détruit en 167 av. J.-C., il fut tant bien que mal réparé, mais la partie nord resta en ruine[26].

Les édifices de spectacle : le théâtre et le stade

Théâtre de Dodone.

Les deux édifices les plus massifs de Dodone sont situés à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire, sur les pentes sud-ouest de la colline.

Le théâtre (plan no 2) est l’un des plus vastes de Grèce, avec une capacité estimée à 25 000 spectateurs[27]. Il fut construit sous le règne de Pyrrhus (entre 297 et 272 avant J.-C.)[28] sur les pentes sud de la colline, pour accueillir la fête quadriennale des Naïa. La colline n’étant pas assez large pour cet édifice, un mur de soutènement fut construit pour retenir le remblai, renforcé en façade par des contreforts massifs, d’apparence similaire à des tours, qui contribuent à l’apparence monumentale impressionnante de la façade. L’auditorium est divisé par des allées (diazomata) en trois zones respectivement de 9, 15 et 21 rangées de sièges, elles-mêmes séparées par des escaliers en 9 secteurs (cunei) dans la partie inférieure, et 18 dans la partie supérieure. Les rangées inférieures de sièges étaient réservées aux titulaires du privilège de proédrie[29].

Elles furent supprimées, de même que le proskenion et la façade de l’édifice de scène, lors de la transformation du théâtre en arène à l’époque augustéenne : on construisit alors un mur haut de 2,80 m pour convertir l'orchestra en une vaste arène ovale, où pouvaient être organisés des combats de bêtes sauvages sans danger pour le public.

Au sud-ouest du théâtre se trouve le stade (plan no 3), comportant 21 ou 22 rangées de sièges, et construit au début du IIIe siècle av. J.-C. pour accueillir les jeux athlétiques qui accompagnaient la fête des Naïa[30].

Théâtre de Dodone ; à gauche, gradins et emplacement du stade.

Exploration archéologique

Plan du sanctuaire après les premières fouilles (Carapanos 1878, pl. II).

Le site est visité et décrit par les voyageurs (Leake, Pouqueville) au début du XIXe siècle, sans toutefois être identifié avec l’oracle : Pouqueville croit y retrouver la cité antique de Passaron (en)[31], ce que rejette Leake qui estime que les ruines sont celles d'un hiéron et non d'une cité[32] ; les deux auteurs placent Dodone à d'autres endroits.

Les premières fouilles systématiques du sanctuaire ont lieu dès 1873-1875 sous la direction de l’antiquaire et homme politique Constantin Carapanos[33] : entreprises sur une échelle considérable, elles dégagent l’essentiel des structures sur une surface de 20 000 m2, mais n’atteignent pas partout les niveaux d’occupation — pour le bonheur des archéologues postérieurs. Elles permettent toutefois, grâce à la découverte de décrets épirotes gravés sur des plaques de bronze, ainsi que de nombreuses lamelles de plomb oraculaires, de confirmer l’identification du site avec le célèbre sanctuaire oraculaire. La mise au jour d’un dépôt important de ce matériel dans les ruines de la basilique paléochrétienne conduit alors l’archéologue à l’identifier à tort avec le temple de Zeus.

Les fouilles reprennent une première fois après 1921 sous l’égide de la Société archéologique d'Athènes, dirigées par G. Sotériadès, et doivent s’arrêter en raison de la guerre gréco-turque (1919-1922). Après une première série de campagnes en 1929-1932, c’est l’archéologue D. Évangélidès qui relance de façon décisive l’exploration systématique du site après la création de l’autorité archéologique régionale, la XIIe Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques d’Épire[33] : dans les années 1950, il poursuit la fouille du sanctuaire, dont il montre la continuité de fonctionnement depuis l’âge du bronze jusqu'à l’Antiquité tardive. Après sa disparition, c’est son collaborateur S. Dakaris qui reprend la direction des fouilles, de nouveau avec le concours (depuis 1981) de la Société archéologique, jusqu’à sa mort en 2004.

Notes et références

  1. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], II, 55.
  2. Dakaris 1996, p. 6.
  3. Extrait de la traduction de Larcher (1850), accessible en ligne.
  4. Dakaris 1996, p. 6-9.
  5. Dakaris 1996, p. 9.
  6. Le texte grec des extraits d’Homère provient du TLG Canon ; la traduction française provient de la traduction de Frédéric Mugler pour La Différence, parue en 1989.
  7. Autre lien vers le texte grec : Hodoi Elektronikai
  8. Dakaris 1996, p. 7.
  9. Sophocle, Les Trachiniennes [détail des éditions] [lire en ligne], 1164 et suiv.
  10. Eschyle, Prométhée enchaîné [détail des éditions] [lire en ligne], 829 et suiv.
  11. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], I, 46. Il s’agit de la célèbre consultation des oracles par Crésus pour déterminer s’il devait faire la guerre à la Perse. La réponse de Zeus Dodonéen n’est pas conservée.
  12. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XIV, 3. Lysandre aurait essayé de corrompre la prêtresse de Zeus pour obtenir une réponse favorable. L'anecdote figure aussi chez Plutarque (Vie de Lysandre) qui précise la devoir à Éphore de Cumes.
  13. Polybe, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 67, 3.
  14. Dakaris 1996, p. 15.
  15. Dakaris 1996, p. 16.
  16. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], I, 17, 5.
  17. Dakaris 1996, p. 13-15.
  18. Dakaris 1996, p. 14.
  19. Dakaris 1996, p. 18-19.
  20. Dakaris 1996, p. 19.
  21. Dakaris 1996, p. 19-20.
  22. Dakaris 1996, p. 20.
  23. Dakaris 1996, p. 20-21.
  24. Dakaris 1996, p. 21.
  25. Dakaris 1996, p. 22-28.
  26. Dakaris 1996, p. 28.
  27. Dakaris 1996, p. 30-33.
  28. Georges Daux, Chroniques des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce, École française d'Athènes, (présentation en ligne)
  29. Dakaris 1996, p. 33.
  30. Dakaris 1996, p. 33-34.
  31. François Pouqueville, « Voyage dans la Grèce », p. 404-415.
  32. (en) William Martin Leake, « Travels in Northern Greece », p. 263-268.
  33. Dakaris 1996, p. 11.

Voir aussi

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  • Dodone, sur Wikimedia Commons

Bibliographie

  • (fr) Homère (trad. Robert Flacelière), L’Iliade, Paris, Éditions Gallimard, (1re éd. 1955) (ISBN 2-07-010261-0)
  • (en) Yves Béquignon, « Dodona », dans Princeton Encyclopedia of Classical Sites, (lire en ligne), p. 279-280
  • (en) Sotirios Dakaris, Dodona, Athènes, , 2e éd. (ISBN 960-214-124-7). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Constantin Carapanos, Dodone et ses ruines, Paris, Hachette, (lire en ligne).
  • (en) H. W. Parke, The Oracles of Zeus : Dodona, Olympia, Ammon, Oxford, .
  • (el) B. Petrakou, Δωδώνη, Τὸ Ἔργον τῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας κατὰ τὸ 2004, Athènes, , p. 38-44.
  • (en) J. H. Philpot, The Sacred Tree, Courier Dover, (ISBN 0-486-43612-8).
  • É. Lhôte, Les lamelles oraculaires de Dodone, Genève, Droz, , 454 p. (ISBN 2-600-01077-7).

Articles connexes

Liens externes

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