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Colonisation basque des Amériques

La colonisation basque des AmĂ©riques a lieu de 1517 ou peut-ĂȘtre plus tĂŽt, jusqu'en 1767. Elle consiste principalement en des postes saisonniers de pĂȘche Ă  la morue et de chasse Ă  la baleine, dans le golfe Saint-Laurent et les environs.

Toponymes basques en Amérique

Histoire

Origines

La premiÚre trace écrite sur les Basques et les baleines date de 670 avec la vente de 40 pots d'huile de baleine par des Basques du Labourd[1]. Les Basques chassent la baleine, surtout le long des cÎtes du golfe de Gascogne, dÚs le IXe siÚcle[2]. Ils apprirent les techniques de base de chasse des Vikings ou Normands[1] venus piller la Vasconie citérieure en 844[3]. Un document viking note d'ailleurs la présence de baleiniers basques à 500 milles à l'Est du Groenland en 1412[1]. Du XVIe au XVIIe siÚcle, ils envoient aussi des expéditions hivernales sur les cÎtes des Asturies et de Galice[2].

Ports basques

Vue panoramique du littoral labourdin et de ses ports

Les ports basques Ă  l'origine des campagnes de pĂȘche puis de la colonisation en AmĂ©rique du Nord se situent sur la cĂŽte du Labourd. Les principaux Ă©tant ceux de Saint-Jean-de-Luz, Ciboure et Bayonne.

Monopole basque (1530-1580)

Loewen et Delmas divisent la colonisation basque en quatre périodes.

Établissement et stratĂ©gie

La premiĂšre expĂ©dition basque rĂ©pertoriĂ©e Ă  Terre-Neuve a lieu en 1517 mais c'est seulement Ă  partir des annĂ©es 1530 que l'on peut identifier un Ă©tablissement rĂ©gional[4]. Contrairement Ă  une idĂ©e rĂ©pandue, les Basques ne se sont pas rapprochĂ©s graduellement du continent amĂ©ricain en poursuivant les baleines mais s'y sont rendus directement[2]. Ce n'est pas l'extermination des baleines d'Europe qui explique la prĂ©sence des chasseurs au Labrador[2]. Ce sont toutefois les techniques et le commerce dĂ©veloppĂ©s dans leurs expĂ©ditions de pĂȘche Ă  la sardine en Irlande ou de chasse Ă  la baleine sur leurs cĂŽtes qui permettent aux Basques d'Ă©tablir un monopole lucratif au Labrador[2]. Par contre, les pĂȘcheurs de morue bretons ont frĂ©quentĂ© ces eaux avant les Basques, au plus tard Ă  partir de 1536, et ce sont via des Bretons que les Basques ont eu connaissance de la riche population de cĂ©tacĂ©s[2].

Sites de pĂȘche des Basques aux XVIe et XVIIe siĂšcles.

Les Basques pĂȘchent alors la morue au Sud de l'Ăźle, dans la baie de Plaisance[4], Ă  la baie St. Mary's et Ă  Trepassey, ainsi qu'Ă  l'est, Ă  des endroits comme Saint-Jean de Terre-Neuve et Renews[5]. Un deuxiĂšme site de pĂȘche est rĂ©pertoriĂ© au dĂ©troit de Belle-Isle, entre le Labrador et Terre-Neuve, vers 1535[5]. Une troisiĂšme rĂ©gion frĂ©quentĂ©e par les pĂȘcheurs est le dĂ©troit de Canso, dans l'actuelle Nouvelle-Écosse, vers les annĂ©es 1560[5].

Le Français Jacques Cartier fonde l'Ă©tablissement de Charlesbourg-Royal en 1541 ; les assureurs et la marine espagnole questionnent les pĂȘcheurs basques au sujet de ses dĂ©placements[5]. Les pĂȘcheurs chassent parfois la baleine mais la premiĂšre expĂ©dition organisĂ©e pour la chasse n'a lieu qu'en 1543[5]. Il semble que la station baleiniĂšre de Buitres, ou Red Bay de nos jours, soit ainsi fondĂ©e en rĂ©action de la fondation d'une colonie française, et Charlebourg-Royal est en fait abandonnĂ©e la mĂȘme annĂ©e[5]. On remarque que les Basques n'occupent que les dĂ©troits donnant accĂšs au golfe du Saint-Laurent[5]. Cela correspond Ă  l'arrĂȘt de l'avancĂ©e des Français vers l'Ouest Ă  partir de 1535 telle que remarquĂ©e par l'historien britannique David Beers Quinn et pourrait en fait ĂȘtre, selon Loewen et Delmas, le reflet d'une stratĂ©gie espagnole dans le contexte de la rivalitĂ© entre la France, l'Angleterre et l'Espagne[5]. La traversĂ©e de l'Atlantique doit mĂȘme ĂȘtre approuvĂ©e par l'AmirautĂ© espagnole Ă  Saint-SĂ©bastien[5]. Les navires basques sont imposants pour l'Ă©poque, ils sont armĂ©s de canons, sont compris dans la rĂ©serve navale espagnole et certains membres d'Ă©quipage sont rĂ©putĂ©s ĂȘtre farouches[5]. Les Français ne fondent aucun Ă©tablissement durant les trois dĂ©cennies suivantes[5].

Une chaloupe récupérée au site de Red Bay, et exposée au musée local.

Les chasseurs continuent de pĂȘcher Ă  la fin de l'Ă©tĂ©, avant la migration des baleines[6]. C'est du poste de Buitres dont il reste le plus de preuves Ă©crites, dont celles mentionnant le naufrage du San Juan en 1563, l'hiver dĂ©sastreux de 1576-1577 et un testament signĂ© peu aprĂšs par un Basque mourant, le premier document du genre Ă©crit au Canada[7]. Les documents couvrent surtout la pĂ©riode de 1548 Ă  1588, et le dernier hiver passĂ© par les Basques Ă  cet endroit fut en 1603[7].

Guerre entre Français et Espagnols

Les Basques français, quoique fabriquant des bateaux plus petits, sont aussi expĂ©rimentĂ©s que les Basques espagnols, et envoient vraisemblablement des expĂ©ditions avant les annĂ©es 1540[8]. Les guerres d'Italie, opposant la France et l'Espagne, se transposent au dĂ©troit de Belle-Isle. En 1554, des navires basques du Labourd et de Bordeaux basĂ©s Ă  Buitres attaquent des Basques du Guipuscoa et de Biscaye Ă  Saint-Modeste-Ouest[9]. AprĂšs la signature des traitĂ©s du Cateau-CambrĂ©sis en 1559, les navires du Guipuskoa et de Biscaye augmentent en nombre alors qu'il n'y en a presque plus du Labourd[9]. Johannes de Gaberie, de Saint-Jean-de-Luz, rĂ©siste toutefois et passe l'hiver de 1562 Ă  1563 dans un port non dĂ©terminĂ©[9]. Son bateau est attaquĂ© par un autre provenant de Biscaye, de nombreux membres d'Ă©quipage sont tuĂ©s et l'huile est volĂ©e[9]. Il intente tout de mĂȘme un procĂšs et prĂ©pare une autre expĂ©dition en 1565 mais on ne sait pas s'il est retournĂ© Ă  Terre-Neuve[9]. Cette derniĂšre bataille marque donc le dĂ©but du monopole des Basques espagnols dans le dĂ©troit de Belle-Isle[9].

Un autre capitaine de Saint-Jean-de-Luz, un certain Zabaleta, pĂȘche de 1565 Ă  1607 Ă  Charlos Cove, dans l'actuelle Nouvelle-Écosse[10].

Opposition des Anglais

Au cours des annĂ©es 1570, les pĂȘcheries basques en AmĂ©rique embauchent plus de six mille personnes et nĂ©cessitent plus de deux cents bateaux[5]. À Buitres, ce sont 900 marins qui viennent Ă  bord de 15 bateaux Ă  chaque Ă©tĂ©[11]. Le surplus de production d'huile est vendue en Angleterre[9]. La plupart des historiens remarquent tout de mĂȘme un dĂ©clin progressif de la chasse Ă  la baleine alors que Proulx dĂ©montre qu'elle est subite, autour de 1579, passant de 30 voyages en une seule annĂ©e Ă  13 dans toute la dĂ©cennie 1580[9]. Plusieurs thĂ©ories expliquent cette chute, dont le refroidissement du climat, le dĂ©clin de la population de baleines ou la faillite des assureurs en 1572[9] - [10]. Un autre facteur important est les attaques des Inuits, qui se dĂ©placent au Sud du Labrador et qui semblent s'opposer farouchement Ă  la prĂ©sence basque[8]. Trois attaques sont rĂ©pertoriĂ©es entre 1575 et 1618, rĂ©sultant en plusieurs morts ; les Montagnais sont alors les alliĂ©s des Basques et tentent de les avertir[8]. Finalement, les attaques des pirates anglais et danois dans le golfe du Saint-Laurent et plus tard dans le fleuve Saint-Laurent, mieux documentĂ©es, contribuent non seulement Ă  un changement des trajets empruntĂ©s par les baleiniers mais aussi au dĂ©clin de l'industrie[8].

Loewen et Delmas soutiennent en fait que c'est l'opposition des Anglais au monopole espagnol qui explique ce dĂ©clin[9]. Les marchands basques sont de plus en plus victimes de menaces dans les ports anglais, et les Anglais planifient leur propres voyages de chasse en Moscovie[9]. En 1578, le capitaine Anthony Parkhurst prĂ©sente un rapport sur les pĂȘcheries basques au palais de Westminster et propose de fortifier les postes de chasse du dĂ©troit de Belle-Isle afin d'en prendre le contrĂŽle[9]. Probablement conscients que le commerce de l'huile de baleine finance le contrĂŽle du dĂ©troit, les parlementaires votent l'interdiction d'importer l'huile basque le [9]. À la mĂȘme Ă©poque, les Basques abandonnent les postes de la cĂŽte atlantique de Terre-Neuve au profit des Anglais[10].

La saison de chasse de 1578 est ruinĂ©e, et celle de 1579 doit ĂȘtre annulĂ©e[10]. De nouvelles expĂ©ditions de chasse sont organisĂ©es en 1582 mais l'AmirautĂ© force les bateaux Ă  se rendre dans les Antilles, afin d'y compenser les pertes causĂ©es par les corsaires anglais et danois[10]. Les commanditaires rĂ©pliquent par une poursuite mais finissent par se plier Ă  la dĂ©cision[10]. L'impact sur l'Ă©conomie du Guizpukoa est important et se fait sentir jusqu'en 1585[10]. Selon Loewen et Delmas, le monopole absolu des Basques entre 1543 et 1579 reste un point tournant dans l'histoire du Canada[10].

DĂ©placement dans le golfe du Saint-Laurent (1580-1630)

MalgrĂ© la destruction de l'industrie du dĂ©troit de Belle-Isle, les Basque restent mais s'Ă©tablissent plus Ă  l'Ouest, dans le golfe du Saint-Laurent. Ils sont parmi les premiers EuropĂ©ens Ă  s'y Ă©tablir et occupent des sites stratĂ©giques[6]. Les historiens se sont surtout concentrĂ©s sur leurs activitĂ©s commerciales mais la pĂȘche est toujours florissante[12]. Les frĂšres Hoyarsabal, de Saint-Jean-de-Luz, installent des baleiniers et des marchands dans l'estuaire du Saint-Laurent, aussi tĂŽt qu'en 1581[6]. Des traces ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes Ă  l'Ăźle aux Basques et sur la CĂŽte-Nord entre Chafaud-aux-Basques et Les Escoumins[6]. Les Escoumins est abandonnĂ© entre 1607 et 1611 tandis que Chafaud-aux-Basques est encore occupĂ© en 1632 ; il se peut toutefois que leur utilisation soit intermittente[6].

Deux navires s'échouent dans la baie de Saint-Georges, au Sud-Ouest de Terre-Neuve, en 1591 ; c'est la premiÚre mention d'une présence basque à cet endroit[13].

Deux batailles ont lieu entre des Basques et des corsaires anglais pour le contrĂŽle de la chasse du morse aux Ăźles de la Madeleine, la derniĂšre fois en 1597[13].

La baie des Chaleurs, sĂ©parant de nos jours le QuĂ©bec au Nord du Nouveau-Brunswick au Sud, commence Ă  ĂȘtre exploitĂ©e au tournant du XVIIe siĂšcle. Les pĂȘcheurs de morue s'installent sur la rive nord, Ă  PercĂ©, tandis que les chasseurs de baleine vont Ă  Miscou[6]. Ces derniers entretiennent aussi un poste de traite au nom de la Compagnie de Caen[6]. Le principal actionnaire, le capitaine Raymond de Laralde, a de bonnes relations avec l'explorateur français Samuel de Champlain[6]. Il y a vraisemblablement un mĂ©tissage entre les Basques et les Micmacs, donnant naissance Ă  la population appelĂ©e les « Canadiens », avec des noms basques et des maniĂšres « Ă  l'europĂ©enne », se dĂ©plaçant en chaloupes basques et gardant les stations de chasse et de pĂȘche durant l'hiver[6]. L'Ă©tablissement des Canadiens est identifiĂ© sous le nom de Pichiguy dans une carte de 1689, et situĂ© sur la rive nord de la baie de Caraquet[6].

Dans le dĂ©troit de Belle-Isle, les chasseurs s'installent plus Ă  l'ouest, aussi loin que Chisedec - Sept-Îles de nos jours - en 1626[13].

Des agents de la Compagnie de Caen et de la Compagnie des Cent associĂ©s s'opposent aux marchands basques Ă  Tadoussac, Miscou et en Acadie[13]. Des marchands de Saint-Jean-de-Luz rĂ©pliquent en contestant le monopole français Ă  la Cour[13]. La Cour juge que les Basques doivent arrĂȘter de faire le commerce de fourrure de castor mais ils ne se soumettent Ă  cette dĂ©cision qu'en 1626[13]. Les marchands du Labourd sont ceux s'opposant le plus vivement Ă  la dĂ©cision[13]. Samuel de Champlain soupçonne en fait certains capitaines d'ĂȘtre Espagnols et profite de ses contacts et des tensions entre les Basques des diffĂ©rentes rĂ©gions mais cela mĂšne Ă  une tentative d'assassinat ; les historiens ne s'entendent pas sur le point de vue de Champlain sur les Basques[13]. En 1627, le roi Louis XIII de France dĂ©crĂšte l'ouverture de la chasse et de la pĂȘche Ă  tous ses sujets[13].

Les Basques partent chasser au Svalbard en 1612, attirĂ©s par la plus grande quantitĂ© de baleines et la distance plus courte[12]. Ils connaissent toutefois un affrontement violent avec les Anglais en 1613[8]. Ils tentent tout de mĂȘme de chasser dans la mer du Nord au cours des annĂ©es suivantes sans grands succĂšs, ce qui porterait tout de mĂȘme Ă  croire que la chasse au Labrador n'est plus assez bonne[8].

Un certain Juanchou, de Miscou, organise le rapatriement des Français aprÚs l'attaque de Québec par les frÚres Kirk en 1628[6]. Raymond de Laralde pille quant à lui Ferryland, l'établissement des Anglais à Terre-Neuve[12]. Lorsque la France reprend le contrÎle de la Nouvelle-France en 1632, De Laralde se rend directement à Québec pour forcer Louis Kirk à rendre l'établissement[12].

ApogĂ©e de la pĂȘche Ă  la morue (1630-1713)

C'est la pĂ©riode la moins bien connue des historiens et des archĂ©ologues, notamment Ă  cause de la guerre de Trente Ans[14]. À la suite de l'interdiction du commerce de fourrure, les marchands de Saint-Jean-de-Luz ne montrent que peu d'intĂ©rĂȘt pour la chasse Ă  la baleine[14]. Les Basques restĂ©s dans le golfe du Saint-Laurent s'intĂ©ressent ensuite presque exclusivement Ă  la pĂȘche, et entretiennent de relations cordiales avec les Français[12], alors que la Nouvelle-France connaĂźt son expansion maximale[14]. Vers 1632, les Basques trouvent plus sĂ©curitaire de chasser la baleine dans des endroits plus Ă©loignĂ©s du golfe, dont Ekuanitshit et Les Escoumins sur la CĂŽte-Nord[8].

Les pĂȘcheurs de morue se divisent en deux groupes, ceux du Labourd opĂ©rant sur la rive Sud du golfe, entre GaspĂ© et le cap Breton[15]. On ne dispose toutefois pas de preuves Ă©crites de leur prĂ©sence au cap Breton, Ă  l'Ăźle du Prince-Édouard et dans la baie des Chaleurs mais on sait que le dĂ©troit de Canso est un repĂšre gĂ©ographique important[15]. On note toutefois leur prĂ©sence aux Ăźles de la Madeleine en 1663 et Ă  PercĂ© Ă  deux reprises[15]. Ils partagent certaines installations avec des pĂȘcheurs français provenant surtout de Saint-Malo, notamment Ă  PaspĂ©biac et Ă  l'Ăźle Bonaventure, ainsi que dans la PĂ©ninsule acadienne Ă  Caraquet et Shippagan[8] - [14].

Le deuxiĂšme groupe, en provenance du Guipuscoa et de la Biscaye, s'Ă©tablit sur la rive Ouest de Terre-Neuve et dans la Basse-CĂŽte-Nord[8] - [14]. Leur prĂ©sence est mieux connue, grĂące au travail des gĂ©ographes de l'Ă©poque pour le compte du gouvernement français[14] ainsi que des documents des consultations de l'AmirautĂ© espagnole en 1697[16]. Plaisance devient la capitale de la Terre-Neuve française en 1662 et continue d’accueillir des pĂȘcheurs de ces trois provinces basques[14].

DĂ©clin (1713-1760)

Situation aprÚs le traité d'Utrecht (1713)

Ces chasseurs et pĂȘcheurs continuent leurs activitĂ©s en sĂ©curitĂ© jusque vers la fin du XVIIIe siĂšcle, mais l'industrie n'est dĂ©jĂ  plus considĂ©rĂ©e comme importante du cĂŽtĂ© espagnol[8]. Les Basques français continuent toutefois d'effectuer des voyages de chasse au sud du Labrador au cours du XVIIIe siĂšcle, souvent Ă  partir de la forteresse de Louisbourg[17]. Des seigneuries sont mĂȘme accordĂ©es au sud du Labrador Ă  des marchands quĂ©bĂ©cois[17].

À partir de 1689 les guerres intercoloniales entre la France et l'Angleterre rendent difficiles les activitĂ©s des Basques. Le traitĂ© d'Utrecht (1713) qui attribue Terre-Neuve au Royaume-Uni ruine la pĂȘche Ă  la morue et provoque la dĂ©cadence de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure.

Le traité de Paris (1763) qui abandonne la Nouvelle-France au Royaume-Uni (sauf Saint-Pierre-et-Miquelon) prive définitivement les ports basques de leur influence en Amérique du Nord.

Politique

Le Pays Basque est divisĂ© entre la France et l'Espagne. Pourtant, les traitĂ©s de Bonne Correspondance reconnaissent formellement les relations commerciales entre les diffĂ©rentes provinces basques, et permettent notamment d'Ă©viter les tensions en cas de guerre. Ils sont approuvĂ©s au niveau provincial avant d'ĂȘtre reconnus par Madrid et Paris[15]. La tolĂ©rance des Français envers la prĂ©sence de Basques espagnols dans le golfe du Saint-Laurent dĂ©montrent la reconnaissance de leurs droits acquis[15].

Organisation, financement et commerce

Pasaia de nos jours.

C'est principalement la baleine boréale qui est chassée[5]. De grands chaudrons de cuivre permettent de bouillir jour et nuit de la graisse, en tout plus de mille barils de graisse pour chaque voyage[7]. De six à neuf mille barils sont préparés chaque année à Red Bay, auxquels s'ajoutent les huit à neuf mille barils provenant d'autres stations baleiniÚres comme Saint-Modeste et Chateau Bay[7]. La sain ou graissa de baleina est vendue comme lumera, autrement dit elle sert à l'éclairage, ou bien elle est mélangée à du goudron avec lequel on enduit de la filasse pour le calfatage les bateaux[8]. Elle est aussi utilisée dans certaines industries textiles[8]. Des cargos remplis d'huile sont envoyés à Bristol, à Londres ou vers les Flandres[8].

Maquette d'une reconstitution des fours de fonte d'huile de baleine au musée de Red Bay.

La chasse et la pĂȘche, de mĂȘme que les victuailles apportĂ©es d'Europe fournissent une alimentation variĂ©e et abondante aux Basques[18]. La chasse Ă  la baleine est trĂšs rentable et devient rapidement un succĂšs[8]. Les expĂ©ditions les plus importantes nĂ©cessitent un grand capital et seuls certains banquiers peuvent se permettre d'investir dans cette entreprise[18]. Un secteur d'assurances bien organisĂ©, ainsi que l'industrie sidĂ©rurgique et de construction navale en expansion rendent ces expĂ©ditions possibles[18]. Le gouvernement espagnol finance la construction et la rĂ©paration de bateaux, tout en favorisant le commerce vers l'Angleterre[5]. Le Pays basque est en effet dĂ©jĂ  bien implantĂ© comme lieu d'Ă©change de la laine castillane vers les Flandres ou des produits locaux comme le fer vers le Sud[18] et, avec l'ouverture des empires coloniaux espagnols et portugais, les navires basques ne font en gĂ©nĂ©ral que de deux Ă  trois voyages vers le Labrador, avant d'ĂȘtre envoyĂ©s vers les Antilles[8]. Le principal port d'embarquement des baleiniers, qu'ils soient espagnols ou français, est Pasaia, en Espagne, bien que Bordeaux soit aussi utilisĂ©[17]. La plupart des cours d'eau sont Ă©vitĂ©s Ă  cause des bancs de sable Ă  leur embouchure mais se sont sur ces derniers que les chantiers navals sont installĂ©s[17]. Le chanvre, les cordes et les voiles proviennent surtout de Bretagne et de Flandres mais le fer et le chĂȘne sont exploitĂ©s en grande quantitĂ© au Pays basque[17].

Influences culturelles

De nombreux Ă©changes culturels ont eu lieu au bord de la baie des Chaleurs entre les Basques et les Micmacs[6].

Pidgin basco-algonquin

Le basco-algonquin était un pidgin parlé par des baleiniers basques et les peuples de langues algonquiennes tels que les Micmacs[19], les Montagnais et les Inuits du Labrador dans la région du détroit de Belle-Isle et le Nord du golfe du Saint-Laurent vers l'océan Atlantique.

Des éléments du basque sont préservés dans la langue micmaque[6].

Religion et symboles

Lorsque Jacques Cartier rencontre les Micmacs lors de son premier voyage en 1534, ceux-ci portent une croix Ă  leur cou, signifiant un contact plus ancien avec le christianisme[19]. De plus, les Micmacs dĂ©corent leurs canots et leurs paniers avec un symbole qui se trouve Ă  ĂȘtre le lauburu, ou croix basque. Ce dernier est un symbole important du peuple basque, qui considĂšrent l'avoir inventĂ©[20].

Le drapeau non officiel de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que ses armoiries, incorporent le drapeau basque[21].

  • Les coureurs des bois ont une croix basque sur l'avant du canoĂ«.
    Les coureurs des bois ont une croix basque sur l'avant du canoë.
  • Drapeau de Saint-Pierre-et-Miquelon (le drapeau basque est celui en haut Ă  gauche).
    Drapeau de Saint-Pierre-et-Miquelon (le drapeau basque est celui en haut Ă  gauche).
  • Armoiries de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Armoiries de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Patrimoine naval

De petits chantiers navals produisant des bateaux en bois existent toujours au Pays basque[17]. Dans diverses localitĂ©s, des linteaux de portes comptent toujours des gravures de galions utilisĂ©s pour la chasse au Labrador[17]. Selma Huxley Barkham note l'esprit de continuitĂ©, en ce que les outils trouvĂ©s dans les fouilles archĂ©ologiques au Labrador sont identiques Ă  ceux utilisĂ©s de nos jours, et que plusieurs problĂšmes mentionnĂ©s dans les textes anciens sont semblables Ă  ceux connus par les pĂȘcheurs labradoriens de nos jours[17].

Toponymie

De nombreux toponymes au Canada, dont une centaine au Québec[22], proviennent de la langue basque ou rappellent leur présence. Souvent, l'ùge du toponyme n'est pas connue[10]. On dénombre des lieux comme Barachois, l'ßle aux Basques, Port-aux-Basques[22]. De nombreux autres lieux portent des noms comme Originac, Original ou Orignaux, provenant du mot basque oregnac, désignant l'orignal (connu comme l'élan en Europe)[22]. De plus, selon Koldo Mitxelena, le nom de Gaspé serait une déformation du basque gerizpe ou kerizpe, qui signifie « abri »[22]. Une municipalité régionale de comté du Québec est par ailleurs dénommée Les Basques, empruntant son nom à l'ßle aux Basques[23].

À Terre-Neuve-et-Labrador de nombreux toponymes cĂŽtiers ont une origine basque comme Portuchoa (Port-aux-Choix), Oportuportu (Port-au-Port), Aingura Charra (Ingornachoix Bay), Cadarrai (Codroy), Placencia (Placentia), d'autres sont une traduction du basque comme Sen Iango Irla (Île Saint-Jean[24]), Sen Iango Portua (Saint John Harbour), Baya ederra (Bonne Baie), Barbot Chillo (Barbace Cove) et plusieurs ont tout simplement changĂ© de nom comme Granbaya (DĂ©troit de Belle Isle), Tres Irlac (Bays of Islands), Sascot Portu (Port-aux-Basques), Oporporteco Barrachoa (Serpentine River)[25].

En Nouvelle-Écosse, des localitĂ©s comme Arichat, Baie Aspy, Baleine Harbour, Petit-de-Grat, Gabarus, Ingonish, Scatarie, Spanish Bay rappellent la prĂ©sence basque[10].

Archéologie

Le site de l'Ăźle Saddle, oĂč fut dĂ©couverte l'Ă©pave du San Juan (l'Ă©pave sur la photo est celle du Bernier, Ă©chouĂ© en 1956).

Les archĂ©ologues et les historiens s'intĂ©ressent Ă  la prĂ©sence basque en AmĂ©rique Ă  partir des annĂ©es 1970, Brad Lowen et Vincent Delmas affirmant mĂȘme que nous possĂ©dons dĂ©sormais une vaste comprĂ©hension d'Ă©poques, lieux ou outils spĂ©cifiques mais qu'il manque une vĂ©ritable comprĂ©hension de l'ensemble de leur prĂ©sence[26]. Bien que les ruines des stations baleiniĂšres soient souvent connues depuis longtemps, elles ont souvent Ă©tĂ© confondues avec celles d'autres cultures, notamment les Vikings[18]. La volumineuse documentation parfois trĂšs dĂ©taillĂ©e de l'inventaire des bateaux, ou de procĂšs, permet toutefois d'identifier de nombreux objets comme Ă©tant basque[18]. L'attention est toutefois surtout portĂ©e sur les sites de chasse Ă  la baleine, alors que les postes de pĂȘche Ă©taient pourtant plus nombreux, une situation expliquĂ©e aisĂ©ment par les ruines et ossements plus visibles dans les stations baleiniĂšres[6]. Vers 1982, l'Ă©pave du galion San Juan est dĂ©couverte Ă  Red Bay par des archĂ©ologues de Parcs Canada, en se basant sur des documents retrouvĂ©s Ă  Valladolid et Ognate par Salma Huxley Barkham. C'Ă©tait alors la plus ancienne Ă©pave dĂ©couverte au Canada[7]. PrĂšs de l'Ă©pave furent aussi dĂ©couverts un grand nombre d'os de baleines, vraisemblablement transportĂ©s Ă  cet endroit pour ne pas polluer le site de transformation de la graisse[7]. De nombreuses tuiles courbĂ©es rouges ont aussi Ă©tĂ© dĂ©couvertes sur tous les sites ; celles-ci Ă©taient utilisĂ©es pour construire les toits protĂ©geant les fours Ă  graisse, ou encore les abris[7].

Pour la pĂ©riode d'avant 1580, seuls des stations baleiniĂšres du dĂ©troit de Belle-Isle ont Ă©tĂ© fouillĂ©es, et aucun poste de pĂȘche Ă  la morue[10]. Au sud de Terre-Neuve, seul le site de Plaisance a Ă©tĂ© fouillĂ©, et seulement pour la pĂ©riode de la fin du XVIIe siĂšcle[10]. Brad Loewen et Vincent Delmas souhaitent la localisation et l'exploration de sites comme celui de Caraquet afin de mieux comprendre les Ă©changes entre Basques et AmĂ©rindiens, ainsi que de sites de pĂȘche Ă  la morue au sud de Terre-Neuve[27].

Commémoration

La station baleiniĂšre de Red Bay devient un lieu historique national le et un site du patrimoine mondial de l'Unesco en 2013.

Notes et références

Notes

    Références

    1. Kurlansky 2001, p. 43-64
    2. Barkham 1984, p. 515
    3. Les villes pillées sont Bayonne Dax, Saint-Sever, Aire-sur-l'Adour, Tarbes, Lescar, Oloron. Jean-Louis Davant (préf. Lorea Uribe Etxebarria), Histoire du peuple basque, Bayonne; Donostia, Elkar argitaletxea, coll. « Collection Histoire », , 11e éd. (1re éd. 1970), 352 p. (ISBN 9788497835480 et 8497835484, OCLC 49422842), p. 71
    4. Loewen et Delmas 2012, p. 359
    5. Loewen et Delmas 2012, p. 361
    6. Loewen et Delmas 2012, p. 371-372
    7. Barkham 1984, p. 516
    8. Barkham 1984, p. 518
    9. Loewen et Delmas 2012, p. 362
    10. Loewen et Delmas 2012, p. 363
    11. Loewen et Delmas 2012, p. 364
    12. Loewen et Delmas 2012, p. 374
    13. Loewen et Delmas 2012, p. 373
    14. Loewen et Delmas 2012, p. 378
    15. Loewen et Delmas 2012, p. 379
    16. Loewen et Delmas 2012, p. 380
    17. Barkham 1984, p. 519
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    19. « Les Micmacs au XVIIe siÚcle. Les premiers contacts », sur Encyclobec (consulté le )
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    Voir aussi

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