Tillia tepe
Tillia tepe, Tilia tepe, Tillya tepe, ou TillÄ tapa ou « le tertre dâor »[1], ou « la colline de lâor » est un site archĂ©ologique de la Bactriane afghane situĂ© dans la province de DjĂŽzdjĂąn Ă proximitĂ© de ChĂ©berghĂąn et fouillĂ© en 1978 par une Ă©quipe soviĂ©to-afghane dirigĂ©e par lâarchĂ©ologue russo-grec Viktor Sarianidi, un an avant lâinvasion soviĂ©tique de lâAfghanistan de 1979.
Tillia tepe | ||
Aphrodite de Bactriane, or et turquoise, 5,0 Ă 2,6 cm[Inv 1]. | ||
Localisation | ||
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Pays | Afghanistan | |
CoordonnĂ©es | 36° 42âČ 00âł nord, 65° 47âČ 13âł est | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Afghanistan
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Les fouilles du tell de lâĂąge du bronze ont permis de dĂ©gager un trĂ©sor de plus de 21 000 piĂšces diverses dans six sĂ©pultures (cinq femmes et un homme), dont des Ă©lĂ©ments de joaillerie trĂšs raffinĂ©s et datĂ©s des environs du Ier siĂšcle av. J.-C. Parmi les Ă©lĂ©ments mis au jour, des milliers de piĂšces dĂ©couvertes sont en or, en turquoise ou en lapis-lazuli. Le tout constitue selon Jean-François Jarrige « un Ă©blouissant ensemble de parures oĂč se mĂȘlent l'art des steppes, l'iconographie grĂ©co-romaine, des objets indiens et des miroirs chinois du tout dĂ©but du Ier siĂšcle de notre Ăšre »[2]. Les fouilles ont livrĂ© une « extraordinaire moisson d'objets, Ă©blouissants par leur matiĂšre et leur raffinement, mais plus prĂ©cieux encore par tout ce qu'ils suggĂšrent de contacts » selon Pierre Chuvin[3]. Le trĂ©sor est un « prĂ©cieux tĂ©moignage d'un monde ouvert depuis longtemps aux Ă©changes commerciaux »[4] et en mĂȘme temps le « prototype mĂȘme du trĂ©sor archĂ©ologique oriental »[5].
Les dĂ©couvertes faites alors ne se limitent pas au trĂ©sor : le site livra quantitĂ© dâautres Ă©lĂ©ments importants pour la connaissance historique. Bien des questions restent cependant en suspens comme lâidentitĂ© des personnes inhumĂ©es ainsi ou les influences diverses qui transparaissent dans les Ćuvres mises au jour.
L'histoire du pays rattrape la fabuleuse découverte archéologique : « le contexte chaotique des années 1980, qui emporte l'Afghanistan dans la tourmente de vingt années de guerre, allait créer le mythe, celui de l'or de Bactriane sur fond de guerres civiles et de luttes fratricides »[6].
AprĂšs sa dĂ©couverte le trĂ©sor est considĂ©rĂ© comme perdu pendant les conflits que subit lâAfghanistan : la guerre et lâoccupation soviĂ©tique puis la guerre civile qui se poursuit jusquâĂ ce que les Talibans soient chassĂ©s du pouvoir Ă Kaboul par l'intervention amĂ©ricaine de l'automne 2001. Cette pĂ©riode a Ă©tĂ© particuliĂšrement dĂ©vastatrice, non seulement pour les populations mais aussi pour le patrimoine culturel du pays dont les sites archĂ©ologiques et le musĂ©e national qui perd la plus grande partie de ses collections.
Le trĂ©sor est redĂ©couvert en 2003, il bĂ©nĂ©ficie depuis lors dâun Ă©clairage international lors dâexpositions organisĂ©es Ă lâĂ©tranger dont Ă Paris, au MusĂ©e national des arts asiatiques - Guimet, en 2006-2007. Il est prĂ©vu que lâor de Bactriane prendra place dans un nouveau musĂ©e Ă Kaboul non encore Ă lâordre du jour du fait de lâinstabilitĂ© chronique que connaĂźt le pays.
Les dĂ©couvertes sont essentielles, car il sâagit lĂ selon lâexpression de l'archĂ©ologue VĂ©ronique Schiltz dâun « chaĂźnon manquant entre la fin dâAĂŻ Khanoum, la citĂ© grecque de lâOxus dĂ©truite par les nomades, et la naissance du grand empire kouchan, construit, lui, par les nomades »[7] et d'« un tĂ©moin majeur de l'identitĂ© afghane et de toute l'Asie centrale »[8].
Ătymologie et localisation
Tillia tepe est située en Bactriane, région dont le bassin est constitué par le fleuve Amou-Darya, antique Oxus, et partagée entre les actuels Afghanistan, Ouzbékistan et Tadjikistan[9]. Les vallées possÚdent des oasis avec un systÚme d'irrigation précoce dÚs avant le IIe millénaire av. J.-C., muni de barrages et de canaux. La région possÚde donc dÚs la plus haute antiquité un « potentiel agricole »[10] et est une région de passage des voies commerciales venant d'Inde et de Chine[11].
La plaine du Nord de l'Afghanistan actuel et bordant le fleuve Amou-Daria « est parsemée de monticules, qui sont les restes d'établissements anciens », parcourus et explorés au moins superficiellement depuis les temps immémoriaux par les populations locales en vue de recueillir divers vestiges. Ces tertres sont baptisés de « noms évocateurs dans les langues persanes ou turques locales », ainsi « colline des infidÚles », « colline de l'or » ou « colline des bijoutiers »[12]. Le site de Tillia tepe consiste avant les fouilles en une butte artificielle haute de quatre mÚtres[13] et est ouvert sur la steppe[14].
La ville fortifiĂ©e d'Emchi tepe, Ă 5 km au nord-est de la moderne ChĂ©berghĂąn sur la route dâAkcha, est seulement Ă 500 m de la dĂ©sormais cĂ©lĂšbre nĂ©cropole de Tillia tepe et est Ă proximitĂ© des premiers contreforts de l'Hindou Kouch[15]. Le site dâEmchi tepe a livrĂ© un palais, une citadelle et des remparts, et fut actif de lâĂ©poque grĂ©co-bactrienne Ă lâĂšre kouchane[16].
La ville actuelle de ChĂ©berghĂąn est situĂ©e Ă environ 100 km Ă lâouest de Bactres[16] - [17].
Histoire
Histoire de la région
La rĂ©gion est un pĂŽle important dĂšs l'Ă©poque achĂ©mĂ©nide entre le VIe et le IVe siĂšcle av. J.-C.[18]. La conquĂȘte par Alexandre le Grand vers 331 av. J.-C. a laissĂ© peu de traces. Les Bactriens se rallient au conquĂ©rant macĂ©donien en 327 av. J.-C. lorsque ce dernier Ă©pouse une de leurs princesses et engage dans son armĂ©e des contingents locaux[18]. Par la suite, elle est soumise aux SĂ©leucides puis appartient au royaume grĂ©co-bactrien[15] aprĂšs la sĂ©cession du gouverneur macĂ©donien de la province en 246 av. J.-C., Diodote[18]. La Bactriane s'Ă©tend au sud de l'Hindou Kouch sous le rĂšgne de DĂ©mĂ©trios vers 200-190 av. J.-C.[19]. Le royaume grĂ©co-bactrien rĂ©siste aux tentatives de conquĂȘte des SĂ©leucides ou du pouvoir parthe, maĂźtre du plateau iranien vers 160 av. J.-C[18]. La civilisation grecque s'implante profondĂ©ment comme en tĂ©moignent les fouilles rĂ©alisĂ©es Ă AĂŻ Khanoum[18] et laisse des « traces indĂ©lĂ©biles dans la culture des populations locales »[20].
Les nomades, dont les Yuezhi, chassés des confins de la Chine par les Xiongnu[14], vers 175 av. J.-C.[21], atteignent le fleuve Oxus et renversent le royaume gréco-bactrien vers le milieu du IIe siÚcle av. J.-C. ou vers 130 av. J.-C. selon Chuvin[18]. Ils ont dans leur sillage expulsé les Saces, leur mouvement global étant lié à la pression d'autres peuples[21].
La question de l'identité des nomades responsables de la chute est complexe, déduite de quelques maigres éléments dans Strabon (XII, 8, 2) et également dans quelques sources chinoises qui évoquent seulement les Yuezhi[21]. Strabon nomme sans doute Tochares le peuple yuezhi[22].
Aï Khanoum tombe vers 145 av. J.-C. et le rÚgne d'HélioclÚs, ultime souverain de la Bactriane grecque, s'achÚve en 130 av. J.-C.[21]. En 129 av. J.-C., Zhang Qian décrit les Yuezhi sur la rive droite de l'Oxus mais non occupant la Bactriane, « conquise sur les Grecs par d'autres ethnies nomades »[23].
La période connaßt des invasions successives dans toute la région et jusqu'en Chine, qui cherche à s'en protéger par la Grande Muraille de Chine[6]. De nombreux peuples nomades arrivent sur la frontiÚre orientale de l'empire parthe à partir du dernier tiers du IIe siÚcle av. J.-C.[24] Parmi ces peuples, les Saces ou Sacarauques s'installent en particulier dans la province de Seistan, « tribus non yueh-chih gravitant dans l'orbite de l'empire parthe », et alternant avec ce pouvoir parthe entre alliances et rivalités[25].
Des principautés indo-grecques se maintiennent au sud de l'Hindou Kouch et au Pendjab jusqu'au début de l'Úre commune[18], jusque à environ 20 ap. J.-C[21]..
Les nomades ayant atteint le fleuve Oxus et prenant la suite du royaume grĂ©co-bactrien fondent cinq principautĂ©s dont l'une portait le nom de « Kuei Shuang » qui donne Kouchan par la suite[26]. Emchi tepe est peut-ĂȘtre la rĂ©sidence d'un gouverneur de province[27]. Pour Bernard, les occupants de Tillia tepe sont des nomades sĂ©dentarisĂ©s de la rĂ©gion de Sheberghan dont la rĂ©sidence Ă©tait localisĂ©e Ă Emshi tepe[28]. Cependant le mĂȘme considĂšre qu'au milieu du Ier siĂšcle ap. J.-C. « un domaine (...) Ă©chappait encore Ă l'emprise de ce qui Ă©tait en train de devenir l'empire kushan »[29].
Les Kouchans finissent par s'emparer de la rĂ©gion et fondent avec leur empire une « culture proprement kouchane nĂ©e d'un mĂ©lange de traditions grĂ©co-bactrienne, chinoise, indienne et perse »[30]. L'empire kouchan est « le premier grand empire nomade » : il s'Ă©tend de l'Inde du Nord et l'Afghanistan jusqu'Ă l'Asie centrale[19], mĂȘme si l'histoire Ă©vĂ©nementielle en est assez largement mĂ©connue[18].
Histoire du site
La butte artificielle qui abritait les sĂ©pultures faisait trois[15] Ă quatre mĂštres de hauteur et une centaine de mĂštres de diamĂštre. LâĂ©difice fouillĂ© possĂ©dait des salles Ă colonnes et une muraille, le tout en brique[16]. LâĂ©tablissement, un temple, est datĂ© dans cette phase de la fin de lâĂąge du bronze et du dĂ©but de lâĂąge du fer[31], vers 1600 av. J.-C.[13] Il y avait un autel en forme de croix. L'Ă©tablissement est utilisĂ© pendant 500 ans[13].
Le site du temple est occupĂ© ensuite par un habitat pendant une brĂšve pĂ©riode puis abandonnĂ©. Les tombes sont amĂ©nagĂ©es dans les ruines au dĂ©but de lâĂšre commune[32]. Des monnaies dĂ©couvertes dans les nĂ©cropoles autorisent une datation entre 100 av. J.-C. et 100 apr. J.-C.[15], soit entre la fin du Royaume grĂ©co-bactrien et l'Empire kouchan[13]. Cette Ă©poque correspond Ă une « pĂ©riode obscure et mystĂ©rieuse » pour la rĂ©gion selon Sarianidi[15].
Redécouverte
LâarchĂ©ologue Viktor Sarianidi, « spĂ©cialiste de l'Ăąge du bronze »[6], et son Ă©quipe dĂ©butent des fouilles dans la rĂ©gion en 1968[33]. La mission comprend outre Viktor Sariadini l'archĂ©ologue afghan (et dĂ©sormais franco-afghan) ZemaryalaĂŻ Tarzi[32]. Ils explorent la rive gauche de lâOxus afin de complĂ©ter des travaux entrepris en OuzbĂ©kistan et au TurkmĂ©nistan[16], et les plaines de loess du Nord de l'Afghanistan Ă partir de 1969[34]. Ils ouvrent le site appelĂ© Tillia tepe durant lâhiver 1978-1979[16] aprĂšs en avoir commencĂ© l'Ă©tude en 1970 selon Dupaigne[13]. Un repĂ©rage a lieu en 1977. Les tessons de poterie collectĂ©s alors sont immĂ©diatement perçus comme spĂ©cifiques[15]. La fouille est exemplaire de prĂ©cision, en dĂ©pit des difficultĂ©s liĂ©es au contexte politique[32].
Le , l'Ă©quipe souhaite fermer le chantier du fait de la faiblesse des rĂ©sultats obtenus[4]. Elle se poursuit cependant, avec de grands rĂ©sultats. La fouille de la premiĂšre sĂ©pulture commence le 15 novembre[13] - [15]. Les fouilles livrent, outre le matĂ©riel en mĂ©taux prĂ©cieux, des ossements humains qui furent Ă©tudiĂ©s par des laboratoires dâanthropologie, des Ă©lĂ©ments de tissu, « les Ă©lĂ©ments de deux arcs, les vestiges dâun trĂŽne pliant et bien dâautres Ă©lĂ©ments plus prĂ©cieux pour qui cherche Ă comprendre que les plus prĂ©cieux bijoux »[35]. Le dĂ©couvreur qualifie sa trouvaille de « dĂ©couverte du siĂšcle »[13].
Les archĂ©ologues travaillent « en Bactriane afghane tant que cela [est] possible »[9]. Le , les objets sont transportĂ©s Ă Kaboul[8]. Viktor Sarianidi quitte lâAfghanistan en fĂ©vrier[7]. Cependant, en dĂ©cembre 1979, lâinvasion de lâAfghanistan par lâURSS empĂȘche la reprise des fouilles[32]. MalgrĂ© tout, des Ă©lĂ©ments semblables Ă ceux trouvĂ©s lors des fouilles continuent d'affluer chez les marchands d'antiquitĂ©s, Ă Peshawar ou mĂȘme sur Internet au dĂ©but des annĂ©es 2000[8], preuve de fouilles clandestines[13], peut-ĂȘtre dans la septiĂšme tombe du site, « suscitant toutes les convoitises et toutes les rumeurs »[36].
Certains éléments sont exposés au Musée national afghan de Kaboul en 1980, puis transférés au palais Kouti Baghtcheh en 1985[37].
Le responsable de la mission dirige un inventaire photographique en 1982 suivi dâune riche publication en 1985 sous le titre « lâOr de la Bactriane ». La fouille est publiĂ©e en 1989 sous le titre « Le temple et la nĂ©cropole de Tillia tepe »[32].
Certains éléments des fouilles sont exposés au Musée de Kaboul en 1988[13].
Perte et nouvelle redécouverte : le trésor retrouvé
En 1988, du fait d'une sĂ©curitĂ© dĂ©gradĂ©e Ă Kaboul, les responsables du MusĂ©e national proposent au PrĂ©sident de la RĂ©publique Mohammed Nadjibullah le transfert d'Ćuvres, parmi lesquelles le trĂ©sor de Tillia tepe, dans des lieux sĂ©curisĂ©s[38]. Elles sont enfermĂ©es dans les coffres de la Banque d'Afghanistan, l'Arg[37], sous le palais prĂ©sidentiel de Kaboul, et « le secret a Ă©tĂ© bien gardĂ© »[39], mĂȘme si « certains Afghans ont Ă©tĂ© torturĂ©s et tuĂ©s pour ne pas avoir rĂ©vĂ©lĂ© la cachette »[8].
Le trĂ©sor disparaĂźt et cet « Ă©vanouissement [est] suspect aux yeux du grand public qui croit le trĂ©sor Ă tout jamais perdu sur fond de rivalitĂ© entre blocs (...), et de luttes de factions, de manipulation de l'information »[6]. En 1988, la rumeur que le trĂ©sor a quittĂ© l'Afghanistan, volĂ© par les SoviĂ©tiques, circule. Elle est relayĂ©e par Le Monde dans un article publiĂ© le 15-16 mai[40]. La mĂȘme rumeur circule au moment du retrait de l'armĂ©e soviĂ©tique d'Afghanistan en mars 1989[13]. Bien d'autres rumeurs circulent en particulier dans les annĂ©es 1990, « parlant de leur vol, de leur vente sur le marchĂ© noir et mĂȘme de leur fonte »[37].
L'annĂ©e 1989 est la derniĂšre annĂ©e oĂč le trĂ©sor de Tillia tepe est vu[41], il est ensuite cru perdu durant un quart de siĂšcle, jusqu'Ă l'ouverture des coffres de la Banque centrale d'Afghanistan[2]. Une exposition d'une journĂ©e de quelques objets avait cependant eu lieu en 1991 au palais Kouti Baghtcheh[37].
Une vérification des scellés a lieu en 2002 et l'information de la sauvegarde de la majeure partie des piÚces du trésor de Tillia tepe est rendue publique en 2003 par les autorités afghanes[37]. Selon Dupaigne, le contrÎle des scellés a lieu le et un inventaire fait en juin 2004, financé par la National Geographic Society[13]. 1 100 objets sont alors portés manquants[8].
La présentation du trésor est prévue pour une grande exposition au musée Guimet à Paris puis dans diverses autres grandes villes. La sortie des piÚces précieuses est refusée dans un premier temps par les parlementaires afghans puis acceptée. Les retards s'accumulent et les objets ne parviennent à Paris que le . Les restaurateurs du musée Guimet doivent remettre en état un certain nombre d'objets[2] et l'exposition de certaines piÚces a lieu du au [13]. Les objets sont exposés à la National Gallery of Art à Washington du 25 mai au 7 septembre 2008 et le périple continue jusqu'en 2015 au moins, en particulier du fait de l'impossible exposition dans le nouveau Musée national afghan, toujours en suspens du fait de la difficile normalisation du pays.
Site archéologique
Temple
Le site est daté de l'ùge du fer[6]. Les premiers sondages effectués par les archéologues révÚlent le pavement de briques, les piliers et le mur d'enceinte. Le temple comporte un autel, destiné sans doute au culte pré-zoroastrien[4]. La date de sa construction est estimée aux alentours de la fin du IIe millénaire av. J.-C., et il est utilisé durant 500 ans[15]. Un village de l'ùge de fer a également été dégagé par l'équipe des archéologues soviéto-afghans[4].
Le temple est complÚtement détruit par un incendie au IVe siÚcle av. J.-C., et y succÚde un village sur ses ruines mentionné par les troupes gréco-macédoniennes[5].
Description générale de la nécropole
Les personnes inhumées sont cinq femmes et un homme, un guerrier d'une trentaine d'années[36] : ce dernier ainsi que deux femmes (tombe VI et III) sont enterrés dans les anciens murs du temple, sur la partie haute du tertre, et ce sont leurs sépultures qui ont livré le plus de mobilier archéologique. Les autres sont localisées au pied de la butte et une sépulture est bien moins richement dotée que les autres, dénommée Cendrillon par Sarianidi[42].
Rien ne marque en Ă©lĂ©vation l'emplacement de chacune des tombes[17], qui sont modestes[43], « simple fosse couverte dâun plafond de bois et comblĂ©e de terre par-dessus, et, posĂ© Ă mĂȘme le sol ou lĂ©gĂšrement surĂ©levĂ©, un cercueil sans couvercle quâentourait un drap »[44]. Selon le responsable de la fouille, cette modestie est liĂ©e Ă un souhait de discrĂ©tion pour Ă©viter les pillages. Les inhumations auraient eu lieu la nuit selon Sarianidi[27]. Schiltz considĂšre pour sa part que le choix dâune butte est celui dâun groupe nomade en voie de sĂ©dentarisation ou en migration et nâappelle donc pas dâautre explication « lâessentiel Ă©tant, selon la coutume nomade, dâinstaller la sĂ©pulture dans un tertre », « il faut simplement voir lĂ lâindice de nomades dĂ©stabilisĂ©s dans leurs circuits habituels, dĂ©possĂ©dĂ©s de leurs lieux de sĂ©pultures ancestraux, et sans doute aussi privĂ©s de tributaires ou alliĂ©s nĂ©cessaires pour dĂ©placer les tonnes de terre quâexige lâĂ©dification dâun kourgane »[44].
Les fosses font une taille de deux mĂštres sur un mĂštre cinquante et sont creusĂ©es deux mĂštres sous terre[36]. Des crampons de fer fixaient le cercueil Ă la terre, et le sommet Ă©tait muni de rondins de bois[27]. Les vĂȘtements des dĂ©funts, qui ont presque totalement disparu[45] Ă©taient en coton ou en soie, les tombes des personnages les plus importants contenaient une couronne[15]. Il y avait des couvertures sur lesquelles Ă©taient cousus des disques d'or et d'argent[13]. Une des tombes, celle de l'homme[36], contenait sur un bord une tĂȘte de cheval[27]. « Les dĂ©funts Ă©taient dĂ©posĂ©s Ă©tendus sur le dos, vĂȘtus d'habits richement brodĂ©s et de perles et ornĂ©s de petites plaques d'or »[15]. 21 618 objets d'or, d'argent et d'ivoire ont Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©s lors des fouilles[46] - [43] (21 813 selon Dupaigne[13]), dont sont conservĂ©s 20 587 Ă©lĂ©ments, les autres ayant Ă©tĂ© perdus car non mis Ă l'abri dans les lieux sĂ©curisĂ©s[37]. Chaque tombe comportait de 2 500 Ă 4 000 objets selon Dupaigne[13], et jusqu'Ă 5 000 selon Schiltz[47].
Mobilier retrouvé dans les tombes
« Le nombre et la variété [des] objets sont tels que les spécialistes de différents pays ont dit de ce trésor qu'il était la découverte du siÚcle » selon Sarianidi, parmi ces objets on trouve de la « vaisselle précieuse, flacons en verre coloré, et surtout armes d'apparat et bijoux »[3] :
- colliers de boules creuses avec perles et turquoises ;
- bracelets d'or massif ;
- bagues avec pierres précieuses et intailles, camées[3] ;
- boucles en or ;
- poignards et ceintures en or ;
- plaques d'or Ă motifs dionysiaques[3] ;
- miroirs en argent avec caractĂšres chinois ou au manche en ivoire ;
- peigne indien en ivoire[3] ;
- pierres avec dieux grecs ou animaux fantastiques ;
- pendentifs divers ;
- peignes en ivoire d'origine indienne ;
- fermoirs d'or anthropomorphes[15] ;
- bagues ornées de représentations d'Athéna[3] ;
- statuette d'Aphrodite, qui porte au milieu du front une marque, « signe indien de caste ou de mariage »[48] - [30] ;
- obole d'Héraios liée aux Yuezhi[42].
Les nombreuses plaques martelĂ©es en relief portent des motifs et Ă©taient destinĂ©es Ă ĂȘtre cousues sur les vĂȘtements[13]. Les personnages portaient des couronnes, avaient des coupes en mĂ©tal prĂ©cieux, et les coiffes Ă©taient parfois munies de pendentifs imposants[13]. On trouve aussi colliers, bracelets, bagues avec intailles, poignards, ceintures, fermoirs, pierres gravĂ©es, miroirs en argent chinois avec idĂ©ogrammes datĂ©s de l'Ă©poque des Hans, intailles grecques avec motifs divins[13]. Une des tombes a livrĂ© un miroir en bronze posĂ© sur la poitrine du dĂ©funt[48]. De nombreuses pierres dures Ă©taient issues d'importation[8].
Tombe 1
PremiÚre tombe découverte, la fosse mesure lors des fouilles 2,50 m sur 1,30 m pour une profondeur de 2 m, et abritait le corps d'une jeune femme ùgée de 20 à 30 ans et mesurant 1,58 m[49].
La femme portait sur les Ă©paules un manteau ou une cape, retenu par des agrafes rondes en or. L'ensemble des Ă©lĂ©ments de dĂ©cors de vĂȘtements cousus retrouvĂ©s lors de la fouille tĂ©moigne du « caractĂšre raffinĂ© et somptueux de la parure ». Les bractĂ©es d'or, turquoise, lapis-lazuli et ambre dessinaient sur les vĂȘtements un motif complexe[49]. La dĂ©funte avait Ă©galement dans sa tombe un nĂ©cessaire d'instruments de toilette, une boĂźte Ă poudre, une corbeille Ă maquillage[49].
Les fouilles ont livrĂ© sept appliques dites Homme au dauphin, Ă©lĂ©ments de coiffe selon Sarianidi ou ornements de vĂȘtement[49]. Les personnages sont des « crĂ©ature[s] anguipĂšde[s] » Ă tĂȘte humaine et yeux en amande, Ă queue de poisson et avec un poisson autour du cou ainsi qu'une rame Ă la main[49]. Les personnages Ă©taient sans doute aussi pourvus d'ailes[50]. Les appliques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es selon la technique de l'estampage, mais pas Ă partir d'une mĂȘme matrice car certains dĂ©tails varient sur les diverses plaques[50]. Un personnage anguipĂšde similaire a Ă©tĂ© retrouvĂ© Ă Begram (un exemplaire est conservĂ© au MusĂ©e Guimet)[50]. La reprĂ©sentation est une divinitĂ© aquatique, et les dauphins sont souvent reprĂ©sentĂ©s dans l'art grec, mais l'Ćuvre Ă©voque davantage les poissons du fleuve Oxus, un silure ou une sorte d'esturgeon[50]. La divinitĂ© est peut-ĂȘtre une reprĂ©sentation du fleuve Oxus mais le parallĂšle est plus vraisemblablement selon Schiltz la « jeune fille serpent (...), la fille du fleuve BorysthĂšne (le Dniepr) et la mĂšre de tous les Scythes » dont la forme est faite d'emprunts aux reprĂ©sentations grecques de « dĂ©esses aux rinceaux »[50] - [51]. La « crĂ©ature qui procĂšde de la terre et de l'eau » possĂšde un « pouvoir rĂ©gĂ©nĂ©rateur sur les forces de la Nature » et l'homme au dauphin « a Ă coup sĂ»r partie liĂ©e avec la maĂźtrise des eaux fertilisantes »[50].
La sépulture était ornée entre autres éléments d'or d'agrafes[Inv 5], d'un ornement de cheveux[Inv 6], d'une broche[Inv 7], de diverses sortes de bractées et de rosettes à six pétales qui pour leur part ornaient le haut de la robe, au niveau de la poitrine[49].
Un Ornement cylindrique en tambour d'or, turquoise, grenat et nacre[Inv 8] a peut-ĂȘtre servi de boucle d'oreille, (un objet semblable retrouvĂ© Ă Pazyryk a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© comme tel), ou d'ornement de coiffure, les mĂšches de cheveux pouvant passer par les trous prĂ©sents dans l'objet. Cet usage n'Ă©tait pas originel, car l'objet prĂ©sente des traces d'adaptation Ă une nouvelle utilisation[53].
De plus les fouilles ont livré un miroir chinois datable du Ier siÚcle av. J.-C.[54] et une monnaie d'époque parthe du Ier siÚcle av. J.-C.[36], ou du premier quart du Ier siÚcle selon Schiltz, obole de Sanab Héraios que devait tenir la défunte dans la main[49].
Tombe 2
La seconde tombe découverte est localisée « au-delà de la muraille nord du temple », à 2 m de profondeur et mesure 3 m de long sur 1,60 m de large. Le cercueil portait lors de la découverte des restes d'enduit de plùtre et était enveloppé d'un drap. L'orientation du corps de la défunte, une jeune femme de 20 à 30 ans, correspond à celle observée chez les Alains présents dans la plaine du Don à partir du milieu du Ier siÚcle[53].
La jeune femme est revĂȘtue lors de son inhumation d'un haut bonnet conique, « les hautes coiffures pointues sont quasiment la rĂšgle dans l'ensemble du monde nomade, de l'AltaĂŻ Ă l'Oural »[53] : le bonnet scythe dont elle est coiffĂ©e est muni d'une Pendeloque avec dĂ©esse aux animaux[1] - [36]. Le personnage fĂ©minin, demi-nu, tient un fruit d'une main et est sans doute une divinitĂ© liĂ©e Ă la fertilitĂ©. Outre des oiseaux qui ornent les angles du bijou, d'autres animaux possĂšdent des tĂȘtes de loups et des queues de poisson[15]. Le diadĂšme comporte des « arbres de vie stylisĂ©s » avec les oiseaux, et ce motif a Ă©tĂ© reconnu sur le diadĂšme du trĂ©sor de Novotcherkassk et Ă©galement dans les nĂ©cropoles princiĂšres corĂ©ennes de Silla[55]. La sĂ©pulture a livrĂ© des bracelets Ă tĂȘte d'antilope de 8,5 cm sur 6,3 cm. L'animal est reprĂ©sentĂ© de façon stylisĂ©e et en mouvement. Les bracelets, portant des traces d'usure, n'avaient donc pas qu'une finalitĂ© funĂ©raire, et sont « typiques de l'art des nomades »[53]. Des Ă©lĂ©ments similaires sont connus en particulier au sein des Ă©lĂ©ments exposĂ©s du trĂ©sor de l'Oxus.
Une des plus belles piĂšces dĂ©couvertes sur le site, toutes sĂ©pultures confondues, est un pendentif de coiffe reprĂ©sentant un prince avec deux dragons, « figure scythe typique »[54] : le prince porte une couronne et a une longue chevelure, il porte une marque au milieu du front. Il s'appuie sur deux dragons ailĂ©s Ă tĂȘte de cheval. Les personnages reprĂ©sentĂ©s portent des incrustations de turquoises, de lapis-lazuli et de cornaline[15]. Le personnage, vĂȘtu d'un caftan[56], possĂšde un visage aux traits mongoloĂŻdes avec une marque au milieu du front, peut-ĂȘtre d'influence indienne[48] et une couronne similaire Ă celle retrouvĂ©e dans la tombe 3 de Pazyryk mais aussi prĂ©sente dans les monarchies achĂ©mĂ©nide et sassanide[56]. Les dragons, pattes en arriĂšre, sont similaires aux reprĂ©sentations animaliĂšres des Scythes[30], « selon un schĂ©ma typique de l'art des steppes »[56]. Le bijou a Ă©tĂ© baptisĂ© MaĂźtre qui combat les dragons par le fouilleur et appartient Ă un « schĂ©ma iconographique traditionnel, trĂšs ancien en Orient dans ses variantes masculines comme fĂ©minines, du MaĂźtre ou de la MaĂźtresse des Animaux ». Les formes utilisĂ©es tĂ©moignent selon Schiltz d'« une façon de s'approprier l'espace et une connivence avec lui qui constituent la quintessence mĂȘme de l'esprit nomade »[56]. Le bijou avait un anneau de suspension et des chaĂźnettes et des pendeloques, ainsi on peut dire qu'il Ă©tait mobile[56].
La défunte portait des bagues dont une avec une représentation d'Athéna[Inv 16], sans doute un cachet. La déesse est représentée avec un casque gréco-bactrien, une lance et un bouclier[53]. Une autre bague représentant la déesse était également présente[Inv 11], mais avec des incohérences dans les représentations des détails[53]. Selon Sarianidi cela indique une création par des artisans locaux « qui avaient déjà oublié la forme canonique »[57].
Parmi les Ă©lĂ©ments de dĂ©cor de vĂȘtements, il faut faire une place de choix Ă une paire d'agrafes qui prĂ©sentent des Ăros assis sur un dauphin, « nus et potelĂ©s ». Les Amours sont couronnĂ©s, ailĂ©s, et les poissons ont la tĂȘte ronde et sont munis de nombreuses alvĂ©oles[56]. « L'orfĂšvre bactrien ne possĂ©dait qu'une connaissance imparfaite de son sujet » et les poissons figurĂ©s sont ceux prĂ©sents dans le fleuve Oxus[30]. Pour Schiltz, le poisson reprĂ©sentĂ© est un silure[56].
Une statuette appelĂ©e Aphrodite kouchane orne la dĂ©funte au niveau de la poitrine. Un Amour pourvu d'un arc est situĂ© Ă la droite de la dĂ©esse qui est pourvue d'ailes de papillon qui sont celles de PsychĂ© et d'un turban. En outre, des laniĂšres se croisent entre les seins de la dĂ©esse, fixations des ailes ou chaĂźnes ornementales de poitrine connues dans le Gandhara et Ă©galement Ă Rome. La dĂ©esse est figurĂ©e debout, alors que dans le mĂȘme temps l'artiste a fait figurer des colonnes, montants d'un trĂŽne[56]. Les dĂ©esses ailĂ©es Ă©taient trĂšs populaires dans le panthĂ©on local avant l'arrivĂ©e des troupes d'Alexandre le Grand, et la statuette est l'« exemple de l'union des traditions locales bactriennes et des traditions Ă©trangĂšres grecques »[58].
La fouille de la sĂ©pulture a permis de dĂ©gager de nombreux Ă©lĂ©ments jadis cousus aux vĂȘtements : figurines de musiciens, amulettes, appliques, nombreux types de bractĂ©es[53]. Certains Ă©lĂ©ments de parure Ă©taient pourvus de motifs de succession de disques incrustĂ©s d'alvĂ©oles. Ils Ă©taient soit cousus soit portĂ©s en colliers[59]. Les amulettes, « petits pendentifs en or ou en pierres serties », Ă©taient supposĂ©es pourvues de pouvoirs, dont l'efficacitĂ© Ă©tait liĂ©e aux formes, aux images reprĂ©sentĂ©es mais aussi aux pierres utilisĂ©es, « aux vertus rĂ©putĂ©es protectrices »[59]. La sĂ©pulture a livrĂ© deux petites figures de musiciens[Inv 17], peut-ĂȘtre nus, et munis d'un luth ou d'un oud. Les musiciens avaient un grand rĂŽle dans le monde nomade, comparable aux aĂšdes, particuliĂšrement lors des cĂ©rĂ©monies. Les fouilles de Pazyryk ont livrĂ© des reprĂ©sentations d'un instrument Ă cordes similaire Ă celui trouvĂ© Ă Tillia tepe, outre des tambours[59].
Un miroir chinois[36] et un tube en or, « sorte de sceptre »[53], étaient également présents dans la sépulture et la défunte portait sur les jambes une corbeille contenant des appliques avec une hache de fer et des couteaux, et à ses pieds un récipient en argent[53].
Tombe 3
La tombe est situĂ©e non loin du sommet de la colline artificielle, et dans un mur de brique du temple. Le cercueil Ă©tait entourĂ© de cuir ou d'un drap ornĂ© de disques en or et le sol de la fosse avait contenu une natte[59]. La tombe a Ă©tĂ© perturbĂ©e par des souris[36], rongeurs qui ont beaucoup dĂ©placĂ© les artefacts, et selon Schiltz « il y a fort Ă parier que c'est la prĂ©sence d'ornements ainsi entraĂźnĂ©s vers l'extĂ©rieur qui a valu au tertre son nom de Colline d'or ». Les Ă©lĂ©ments retrouvĂ©s dans la sĂ©pulture, bijoux et ornements de coiffe, laissent Ă penser que la tombe Ă©tait occupĂ©e par une femme dont les vĂȘtements Ă©taient « Ă coup sĂ»r trĂšs richement ornĂ©s », ainsi mĂȘme les chaussures de la dĂ©funte Ă©taient ornĂ©es d'une feuille d'or[60]. Les semelles en or[Inv 18] avaient un usage funĂ©raire ou Ă©taient un signe aristocratique, du fait que l'Ă©lite marchait sur des tapis[61]. La sĂ©pulture Ă elle seule contenait environ 5 000 des objets en or dĂ©gagĂ©s sur le site[47].
Quatre médaillons sont ornés d'un buste de personnage avec au cou un torque et pourvus de pendeloques[Inv 19]. Selon Schitz, il s'agirait d'une évocation de Dionysos jeune[47]. On ne connaßt pas l'emplacement précis des médaillons sur le costume de la défunte[59].
Un peigne, en ivoire, de type indien, a été retrouvé[36] - [Inv 20]. Les peignes appartiennent au mobilier funéraire nomade fréquemment trouvé au cours des fouilles archéologiques. à Tillia tepe, les chercheurs n'en ont retrouvé qu'un seul, l'origine est déduite de sa matiÚre et de ses motifs ornementaux[61].
Un pendentif de chevelure est ornĂ© de deux protomĂ©s de chevaux[Inv 21], selon un motif trĂšs ancien en Orient ainsi que dans une sociĂ©tĂ© oĂč la cavalerie est importante. Le mĂȘme motif a Ă©tĂ© dĂ©couvert sur une selle en cuir de Pazyryk, mais la dĂ©couverte de Tillia tepe fait voir les chevaux de 3/4 Ă la maniĂšre grecque mĂȘme si la composition est fort maladroite[61].
Une monnaie de TibĂšre[36], un aureus[3] frappĂ© en Gaule, est datĂ©e peut-ĂȘtre des annĂ©es 16-21 et pas aprĂšs 37[42] - [Inv 22]. La monnaie porte au revers une reprĂ©sentation de Livie, mĂšre de TibĂšre et Ă©pouse d'Auguste, en dĂ©esse de la paix[61]. Dans la mĂȘme tombe a Ă©tĂ© trouvĂ©e une monnaie parthe de Mithridate II de 124-87 av. J.-C., qui devait ĂȘtre placĂ©e dans la main de la dĂ©funte[Inv 23] - [47]. La monnaie, peut-ĂȘtre frappĂ©e Ă Nisa, porte sur le droit un roi barbu avec un diadĂšme, sur le revers un personnage en costume parthe avec un arc[61]. La prĂ©sence de ces deux types de monnaies « invite Ă ĂȘtre prudent et Ă ne pas sous-estimer la durĂ©e de circulation d'une monnaie »[42]. Les monnaies de TibĂšre sont connues en Inde centrale et du sud[62] et une pareille monnaie peut toutefois dater l'inhumation[63]. La dĂ©couverte de Tillia tepe est la premiĂšre de ce type en Asie centrale[64].
Les archĂ©ologues ont retrouvĂ© plusieurs paires d'agrafes destinĂ©es Ă fermer un vĂȘtement Ă©pais[59]. Parmi celles-ci, une Ă dĂ©cor de guerriers, datĂ© de 170-145 av. J.-C.[36]. Les agrafes sont Ă peu de chose prĂšs symĂ©triques. On y voit un guerrier avec un bouclier, une Ă©pĂ©e au cĂŽtĂ© gauche et une lance dans un dĂ©cor avec des vĂ©gĂ©taux et des animaux. Ces Ă©lĂ©ments (d'armement mais aussi de parure propre au milieu militaire et monarchique) sont grecs ou grĂ©co-bactriens comme ceux prĂ©sents sur les monnaies des rois de Bactriane, tel Eucratide. L'attache de l'Ă©pĂ©e est caractĂ©ristique du monde nomade. De mĂȘme, le dĂ©cor du cadre relĂšve d'« une esthĂ©tique animaliĂšre parfaitement Ă©trangĂšre Ă l'art grec, celle de l'art des steppes »[47]. Une autre paire d'agrafes figure un Amour chevauchant un dauphin[Inv 25], reprĂ©sentĂ© dĂ©pourvu d'ailes et dans une attitude conquĂ©rante. Il tient Ă la main un objet figurĂ© au moyen d'une pierre mais perdue. Le poisson semble comme dans les reprĂ©sentations retrouvĂ©es dans la tombe no 2 ĂȘtre un silure[47].
Un miroir chinois en argent était situé sur la poitrine de la défunte[59] et un autre miroir à manche d'ivoire était également présent dans la sépulture[47].
La tombe a livré aussi des récipients et des fragments de nécessaires de toilette en faïence, argent et ivoire, parmi lesquels un pot à fard[Inv 26] - [47] et une boßte cylindrique à couvercle pourvue d'une inscription grecque portant le poids de l'objet dont un parallÚle a été trouvé dans une sépulture sarmate sur la Volga[66].
Bien d'autres bijoux figurent dans les dĂ©couvertes, dont une paire de bracelets[Inv 27] et des Ă©pingles Ă cheveux[Inv 28]. Une bague Ă intaille figure une scĂšne de sacrifice[Inv 29] avec un homme tenant un rameau face Ă un autel, un thyrse et un pilier ornĂ© d'une guirlande[61]. Une intaille est ornĂ©e d'un bĆuf Ă bosse[Inv 30] en jade[67]. Il y avait aussi un collier et un bijou ovale avec une reprĂ©sentation d'AthĂ©na debout et casquĂ©e[Inv 31], qui pouvait ĂȘtre cousu et Ă©tait peut-ĂȘtre un Ă©lĂ©ment d'une bague-cachet[67].
Hormis les bijoux ont été découvertes dans la sépulture des dents de requin fossiles montées en pendentif[Inv 32], considérées selon la tradition nomade comme des « langues de serpent pétrifiées » ayant un grand pouvoir magique[67].
Tombe 4
La sépulture du seul homme retrouvé est placée dans l'épaisseur des vestiges du mur du temple. La fosse mesurée lors des fouilles fait une longueur de 2,70 m sur 1,30 m pour une profondeur de 1,80 m. à 0,40 m de profondeur les fouilleurs ont trouvé un crùne et des os de jambes d'un cheval, vestiges d'un banquet funéraire ou d'un sacrifice. Le cercueil était tapissé de cuir peint de motifs et orné de bractées d'or[67].
Le défunt, ùgé d'une trentaine d'années[64], mesurait 1,70 m à 1,85 m, et « prÚs de 2 m » selon Schiltz, une grande taille pour l'époque[68].
Le costume a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par le fouilleur qui considĂšre que l'homme Ă©tait vĂȘtu d'une chemise et d'un caftan sur un pantalon, cependant les derniĂšres Ă©tudes y voient une veste longue. Le vĂȘtement Ă©tait richement ornĂ© d'appliques et bractĂ©es, tout comme les chaussures[67]. Le costume Ă©tait typique de ceux des cavaliers des steppes[64].
La tĂȘte Ă©tait posĂ©e sur un oreiller en soie et une phiale[Inv 33] en or avec 32 cannelures. Une inscription figure son poids, 41 statĂšres tĂ©tradrachmes, l'unitĂ© du statĂšre valant 15,56 gr[69]. HĂ©rodote Ă©voque la phiale comme « signe ou un symbole du pouvoir royal scythe »[70]. Les femmes des sĂ©pultures III et VI disposaient aussi de vases en mĂ©tal sous leur tĂȘte[69].
La sépulture a livré des boucles de chaussure ornées d'un homme sur un char tiré par des dragons[Inv 35]. Le char est pourvu d'un baldaquin[33], ou dais, forme connue à Persépolis ou Aï Khanoum mais aussi dans la Chine des Han et chez les nomades Xiongnu[71]. La tombe a livré un siÚge de cuir sur un montant métallique, tel un « trÎne mobile »[67].
La fouille a permis de mettre au jour en outre une reprĂ©sentation de bouquetin, Ă©lĂ©ment de « coiffure de parade »[36]. L'ornement de coiffure est en forme d'arbre de vie[Inv 36] - [69]. Un mouflon debout[Inv 37] figurait sur la chevelure[67]. Le mouflon est prĂ©sentĂ© avec un grand rĂ©alisme, et d'« un raffinement supĂ©rieur Ă celui de l'art des steppes »[8] - [71]. Les sabots sont pourvus d'anneaux pour en faire l'« Ă©lĂ©ment terminal d'une haute coiffure ». DerriĂšre la tĂȘte de l'animal un systĂšme d'attache permet d'envisager un Ă©lĂ©ment de parure en matiĂšres plus fragiles, bois ou en cuir. Des statuettes de bois ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans des tombes scythes gelĂ©es de l'AltaĂŻ et au Kazakhstan. L'homme d'Issik en particulier Ă©tait muni d'une image de mouflon en or sur sa coiffure, de mĂȘme la Collection sibĂ©rienne de l'Ermitage conserve des statuettes qui ont pu avoir une fonction similaire[71], mais dont on ignore la provenance exacte.
La sĂ©pulture a livrĂ© une ceinture de parade, « un des attributs du pouvoir royal »[71], avec 8 chaĂźnettes d'or et 9 mĂ©daillons en relief qui reprĂ©sentent un personnage assis sur une panthĂšre, peut-ĂȘtre Dionysos[8]. Chaque Ă©lĂ©ment a Ă©tĂ© fait sĂ©parĂ©ment puis intĂ©grĂ© Ă la ceinture qui se fermait par deux agrafes. Les mĂ©daillons, s'ils portent la mĂȘme scĂšne, sont divers dans les dĂ©tails, la panthĂšre, la selle, le personnage sont reprĂ©sentĂ©s avec des diffĂ©rences sensibles[71]. Le personnage semble presser son sein pour en sortir du lait, « geste Ă©minemment fĂ©minin » et tĂ©moignage de « confusion, collusion ou bricolage entre plusieurs images », Dionysos, la dĂ©esse Nana, voire ArtĂ©mis ou une dĂ©esse de la fĂ©conditĂ©[71].
La sĂ©pulture a livrĂ© des plaques avec panthĂšre[Inv 38] et des plaques en Ă©cusson dont une qui porte des fauves ailĂ©s en position verticale mordant un cheval[Inv 39]. Si le thĂšme est assurĂ©ment scythe, le traitement rĂ©aliste et certains dĂ©tails (pelage, criniĂšre) rappellent l'art grĂ©co-scythe[72]. Une autre plaque du mĂȘme type montre une panthĂšre ailĂ©e sur le dos d'une antilope effondrĂ©e[Inv 40]. La scĂšne est typique de l'art des steppes[69].
Des Ă©lĂ©ments d'un baudrier ou destinĂ©s Ă fixer des armes ont Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©s[67], sans doute des ornements de courroie, avec pour certains des motifs animaliers fantastiques : une crĂ©ature enroulĂ©e sur elle-mĂȘme se mord la queue[Inv 41], des crĂ©atures Ă tĂȘte de rapace[Inv 42] - [Inv 43]. La courroie Ă©tait en cuir et les vestiges montrent des traces d'usure[71].
Les armes sont toutes de type nomade[73] et « proclament Ă l'Ă©vidence son statut de chef »[67] : deux arcs, deux carquois pourvus de pointes de flĂšches en fer, une Ă©pĂ©e sarmate[3] et longue[73]. Les armes enterrĂ©es avec le dĂ©funt Ă©taient riches : poignards, dagues, fourreaux en or aux incrustations de turquoises, ceinture en or tressĂ©[36]. Elles sont destinĂ©es Ă la parade et Ă ĂȘtre vues, et l'homme est muni des « insignes symboliques du pouvoir »[73].
- Fourreau aux trois couteaux, bronze, or et turquoise, 26 cm. Poignard au manche d'ivoire à l'intérieur[Inv 45].
L'un des Ă©lĂ©ments mis au jour est un revĂȘtement de fourreau Ă forme quadrilobĂ©e[Inv 44], destinĂ©e Ă fixer l'arme Ă la ceinture et Ă la cuisse et connue Ă partir du IIIe siĂšcle av. J.-C. en Asie mais absent de l'art kouchan. Le poignard est pourvu d'une lame de fer[3] et le fourreau, en bois revĂȘtu de cuir et pourvu d'un placage en or, est ornĂ© d'une « file de crĂ©atures monstrueuses, bĂȘtes ailĂ©es et cornues (...), queues fouettant l'air, griffes puissantes et gueules en train de mordre »[55]. Au milieu d'incrustations rondes, l'arme prĂ©sente un riche dĂ©cor animalier d'animaux fantastiques : des fauves ailĂ©s s'affrontent, et « tout contribue Ă crĂ©er une impression d'agressivitĂ© et d'invincible dynamisme ». Ce dĂ©cor prend place dans le contexte des Iraniens des steppes du « cycle de la vie et de la mort »[74]. Un ours debout tenant dans sa gueule un pampre orne le pommeau de l'arme. Le revers porte un arbre de vie. Dans le contexte de Tillia tepe, l'objet est une « arme d'apparat » et un « signe extĂ©rieur d'appartenance hĂ©rĂ©ditaire Ă l'aristocratie nomade »[74]. Un fourreau de mĂȘme forme est reprĂ©sentĂ© Ă Nemrud Dagh, dans l'empire parthe, Ă Palmyre, en Susiane et en ĂlymaĂŻde[55]. Des fourreaux de mĂȘme forme ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans l'AltaĂŻ en particulier, dans des sĂ©pultures nomades mais non yuehzies, l'usage chez les Parthes Ă©tant liĂ© selon Bernard Ă soit les origines nomades de ce peuple, soit les contacts avec les nomades des confins orientaux de leur empire[75].
Un second revĂȘtement de fourreau porte deux dragons[Inv 45] et possĂšde un Ă©tui Ă dagues multiples[73]. Le fourreau possĂšde deux lobes sur les cĂŽtĂ©s ; au milieu prend place un poignard, et sur l'arriĂšre un autre fourreau contient deux poignards plus petits[74]. Deux animaux fantastiques se battent, l'un est un dragon ailĂ© et l'autre a une ramure de cerf[74]. Le rebord s'orne de cĆurs et d'un motif gĂ©omĂ©trique avec la prĂ©sence du motif indien de la svastika[74]. Si le dragon appartient Ă la tradition chinoise, des dĂ©tails sont achĂ©mĂ©nides ou grecs. « L'objet est sans doute l'un de ceux qui reflĂštent de la façon la plus Ă©clatante la diversitĂ© des composantes en jeu dans l'art de Tillia tepe »[74].
Il y a également dans la panoplie du défunt un poignard à scÚne de combats d'animaux[Inv 46]. L'arme est un akinakÚs, arme courte connue déjà chez les Sakas figurée en particulier sur l'Apadana de Persépolis et disposant d'une lame de fer. Le manche est pourvu d'un motif d'acanthe à nervure incisée présent sur les chapiteaux d'Aï Khanoum[74].
La monnaie d'or « avec l'homme à la roue et le lion rugissant »[36] - [Inv 47] est considérée comme une médaille indienne[67]. Un homme sur le droit est en train de pousser une roue à huit rayons, avec une inscription en kharosthi signifiant « celui qui met en mouvement la roue de la Loi »[69]. Le revers porte un lion avec la patte soulevée, un symbole bouddhique (nandipada) et une inscription disant « Le Lion qui a chassé la peur ». Selon Schiltz « il semble qu'on ait là la plus ancienne représentation du Bouddha selon une modalité qui n'est pas encore celle de l'iconographie bouddhique traditionnelle »[69].
L'homme portait un pectoral avec un dĂ©cor de guerrier[Inv 48], datĂ© 170-145 av. J.-C.[36] Un camĂ©e est incrustĂ©, figurant un homme avec un « profil au nez droit, grec, aux lĂšvres molles, capricieuses ». Selon Sarianidi, il pourrait s'agir du portrait du roi EuthydĂšme Ier, portĂ© par le roi lui-mĂȘme et « le camĂ©e a Ă©tĂ© fait par un artisan grĂ©co-bactrien et (...) a Ă©tĂ© le trophĂ©e d'un des chefs nomades qui ont dĂ©vastĂ© le royaume grĂ©co-bactrien ». Il a Ă©tĂ© par la suite intĂ©grĂ© au pectoral fait Ă part[76]. Selon Bernard, le camĂ©e « n'est pas une relique de la pĂ©riode grecque (...) rĂ©utilisĂ©e en pendentif sur le collier »[77], il s'agit d'un camĂ©e fabriquĂ© selon la technique grĂ©co-bactrienne, malgrĂ© « la mĂ©diocritĂ© de la facture »[78]. Le collier est d'une forme connue chez les souverains indo-parthes d'Arachosie et du Penjab de la premiĂšre moitiĂ© du Ier siĂšcle[77], dont GondopharĂšs[69]. Le camĂ©e et le collier sont « un emblĂšme du pouvoir »[69], le souverain se prĂ©sente comme un « continuateur de la dynastie Ă©teinte »[77].
Une intaille figure les HĂ©raclides tirant au sort les royaumes[Inv 49] dans une cruche[76] ou une amphore. Trois guerriers entourent un aigle juchĂ© sur une colonne, et Ă proximitĂ© d'un autel Ă Zeus. La reprĂ©sentation est peut-ĂȘtre liĂ©e au rappel du mode d'accĂšs au pouvoir par le dynaste enterrĂ© lĂ [69]. « Tout dĂ©signe le cavalier devenu chevalier, le dynaste soucieux de confirmer son empire en usant des signes de la royautĂ© sĂ©dentaire sans rien renier d'une filiation nomade dont il devait s'enorgueillir »[67].
Tombe 5
La tombe no 5, située au nord de la colline, était creusée dans le mur d'enceinte achéménide. La fosse mesure lors de sa découverte environ 2 m sur 0,80 m et 1,65 m de profondeur[72]. Le cercueil en est monoxyle, creusé dans un tronc massif, « comme c'est (...) la rÚgle dans l'Altaï ». Un drap recouvert d'ornements l'entourait. La défunte était une adolescente ou une jeune femme d'environ 20 ans[72].
Les vĂȘtements de la dĂ©funte n'Ă©taient pas ornĂ©s de bractĂ©es ou d'appliques mais uniquement de petites perles, et le mobilier dĂ©couvert est trĂšs modeste, cette tombe est « la moins riche de celles qui ont Ă©tĂ© fouillĂ©es »[72].
L'intaille en calcĂ©doine[Inv 50] est dĂ©corĂ©e d'un griffon bondissant similaire aux reprĂ©sentations de cette crĂ©ature tant dans l'art grĂ©co-scythe que l'art macĂ©donien[72], « animal fantastique [qui] Ă©voque le monde grec et le monde iranien, mais Ă©galement l'AltaĂŻ oĂč selon HĂ©rodote il garde les mines d'or »[79] - [36]. Selon Schitz l'objet, datĂ© du IVe siĂšcle av. J.-C., est bien plus vieux que la date des sĂ©pultures, c'est peut-ĂȘtre une intaille grĂ©co-bactrienne voire grĂ©co-perse et rĂ©utilisĂ©e, mĂȘme abĂźmĂ©e, comme ornement de collier[72]. Pour sa part, l'intaille en argent et malachite[Inv 51] porte l'image d'une Victoire qui brandit une couronne de la main gauche et dont la main droite porte une palme[72].
Le bracelet Ă extrĂ©mitĂ©s coulissantes[Inv 52] constitue le « montage sur un bracelet d'objets de rĂ©cupĂ©ration » divers et en lien avec la magie[72]. La dĂ©funte est accompagnĂ©e Ă©galement de boucles d'oreilles en cĆur[Inv 53] et d'anneaux de chevilles[Inv 54].
L'Ă©lĂ©ment le plus riche de la tombe Ă©tait un collier polychrome[Inv 55], de couleur vive, composĂ© de deux types de pendentifs et destinĂ© Ă ĂȘtre cousu sur le bord de la robe[72].
La tombe a également livré une pendeloque en forme de lion[Inv 56], des amulettes, et d'autres éléments : un miroir en argent, un étui, une corbeille, un récipient en argent, un tube qu'il faut sans doute considérer comme ayant eu la fonction de sceptre[72].
Tombe 6
La tombe no 6 est située dans le couloir du temple et la fosse est irréguliÚre, de 3 m sur 2,50 m ; à son sommet sa taille passe à 2,50 m sur 1,2 m. Une natte était placée au-dessus d'un cercueil de planches en bois sans couvercle et entouré de draps pourvus d'ornements d'or[80].
L'occupante, une jeune femme d'environ 20 ans et de 1,52 m, a eu le crĂąne volontairement dĂ©formĂ© selon les Ă©tudes anthropologiques effectuĂ©es sur les ossements, pratique qui a Ă©galement Ă©tĂ© retrouvĂ©e lors des fouilles archĂ©ologiques du site de Koktepe. Elle Ă©tait vĂȘtue d'une robe ou d'une tunique sur des pantalons, le vĂȘtement Ă©tant richement ornĂ© de bractĂ©es et appliques, de mĂȘme que ses chaussures[80].
Une couronne en or à décor d'oiseaux[Inv 57] - [36] a été découverte dans la tombe. Cette « somptueuse coiffe nomade » est démontable et pourvue d'un décor d'arbres et d'oiseaux qui déploient leurs ailes. Les arbres figurent des arbres de vie. Le type de couronne est spécifiquement nomade et n'est connu ni dans le monde grec, ni chez les Parthes et ni chez les Kouchans. En revanche, des exemples similaires ont été retrouvés dans les fouilles de Silla en Corée[80] et au IVe siÚcle av. J.-C. dans l'actuel Kazakhstan[46].
Dans la sépulture, les archéologues ont retrouvé une monnaie d'époque parthe en or dans la main de la défunte[Inv 61] et une monnaie en argent dans la bouche, destinée au passage du Styx selon Sarianidi[36]. Sur le droit la monnaie en or présente un roi coiffé d'une tiare et au revers un personnage tenant un arc[81]. Cette monnaie tenue dans la main est une imitation locale, d'un atelier de Margiane[80], des monnaies arsacides en particulier de GotarzÚs Ier. Elle est différente des monnaies de cette époque habituellement en bronze et en argent. Cela signale le caractÚre de prestige de la frappe de monnaie pour les roitelets locaux[81]. Elle est aussi un témoignage de l'appartenance de l'Ouest de l'Afghanistan à l'empire parthe au début de l'Úre commune[63].
Les plaques-fermoirs avec Dionysos et Ariane chevauchant un animal[Inv 58] avaient comme fonction de fermer le vĂȘtement. Elles comportent un silĂšne aux cĂŽtĂ©s des divinitĂ©s, une NikĂ© tient une couronne au-dessus du couple divin[55]. L'animal que chevauche le dieu est une crĂ©ature indĂ©terminĂ©e, Ariane est placĂ©e en amazone. Dionysos possĂšde des traits asiatiques et porte une couronne, tout comme sa compagne. Il tend une coupe au silĂšne qui tient un rhyton[80] et qui est le « compagnon inĂ©vitable de toutes les scĂšnes dionysiaques »[82]. « Incontestablement d'inspiration grecque »[80], cette iconographie dĂ©montre « l'immense succĂšs en Asie centrale -et plus loin vers l'est- de l'imagerie dionysiaque »[55]. La complicitĂ© du couple tĂ©moigne de l'importance du rĂŽle de la femme dans la sociĂ©tĂ© nomade, « peut-ĂȘtre ce couple chevauchant enlacĂ© signifiait-il Ă la dĂ©funte sa propre dignitĂ© d'Ă©pouse princiĂšre, et, dans la mort, sa propre apothĂ©ose »[80]. Le tapis de selle reprĂ©sentĂ© est proprement nomade, et l'animal, crĂ©ature dans laquelle on trouve du lion, du bouc, du dragon, est un « bel exemple [des] monstres composites chers Ă l'art des steppes »[80]. Les agrafes rappellent « les magnifiques exemples grecs de l'art de la bijouterie »[82].
L'applique dite Aphrodite de Bactriane ornait le centre du vĂȘtement de la dĂ©funte. Elle reprĂ©sente une femme « sensuelle et pulpeuse »[8] munie d'ailes et torse nu, qui tient sa hanche de la main droite tandis que la main gauche retient le vĂȘtement. Elle a les jambes courtes et un ventre saillant[58]. Le genou gauche pliĂ© produit un effet de drapĂ© mouillĂ© sur les jambes. Les ornements, dont les nombreux bracelets qui ornent les bras de la divinitĂ© et des Ă©lĂ©ments physiques, comme le point central du front, le visage rond, l'attitude, Ă©loignent des canons hellĂ©nistiques et interrogent sur l'identitĂ© de la divinitĂ© reprĂ©sentĂ©e[80]. Selon Sarianidi, ce sont les canons nomades de la beautĂ© qui ont Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©s[57].
La paire de pendentifs au motif MaĂźtresse des animaux[Inv 62] sont des plaques en or et turquoise dont le cadre comporte aux angles supĂ©rieurs un oiseau, sans doute un rapace, et une tĂȘte de poisson aux angles infĂ©rieurs. Dans toute l'Ćuvre « l'animal (...) traduit l'ordonnancement du monde ». La femme, presque nue, est peut-ĂȘtre pourvue d'ailes. Schiltz la voit comme la parĂšdre au MaĂźtre aux dragons. Deux animaux sont prĂ©sents Ă ses cĂŽtĂ©s, tĂȘte en bas, loup ou chien mais pourvus d'une nageoire, et Ă©galement Ă la queue Ă l'apparence vĂ©gĂ©tale. La dĂ©esse pose la main droite sur la panse d'un animal et de l'autre elle tient un fruit, pomme ou grenade, « dans un geste d'offrande ». L'identification prĂ©cise de la divinitĂ© est complexe, cependant la prĂ©sence de vĂ©gĂ©tal et d'animal Ă©voque une divinitĂ© en relation avec « la notion de fĂ©conditĂ©, de fertilitĂ© et de renouveau qui fonde la vision du monde de l'ensemble des peuples iraniens, et tout particuliĂšrement des nomades »[81].
Divers bijoux paraient la dĂ©funte : des boucles d'oreilles ornĂ©es d'un Amour[Inv 63] qui portent des traces d'usure[81], une bague avec intaille[Inv 64], une paire de bracelets Ă tĂȘte de lion cornu[Inv 2] (il existe des bracelets similaires dans la Collection sibĂ©rienne et Ă Taxila)[81], divers Ă©lĂ©ments de parure[Inv 65], des ornements de chevelure[Inv 59], un collier[Inv 60] avec perles et motifs en rosette incrustĂ©s de turquoise[81].
La femme, dite princesse au miroir chinois[1] - [36] avait un miroir en argent sur la poitrine, et un autre Ă manche en ivoire. La tombe a livrĂ© Ă©galement divers Ă©lĂ©ments formant un nĂ©cessaire de toilette et de maquillage[80] et un sceptre. Sarianidi y voit une personne d'un « statut social Ă©minent », peut-ĂȘtre une princesse scythe[58].
Interprétation
Identification des occupants
L'identification des personnes inhumées est « le problÚme historique majeur que pose la nécropole »[14], et la question n'est pas encore tranchée définitivement, aucune des diverses hypothÚses proposées n'emportant l'adhésion des spécialistes de la question.
L'anthropologie ne peut guĂšre aider car les squelettes Ă©taient en mauvais Ă©tat de conservation, mĂȘme si les tombes Ă©taient restĂ©es inviolĂ©es[15]. Cinq femmes entourent un homme : vu la richesse de la sĂ©pulture de ce dernier, on considĂšre qu'il s'agissait d'un prince, ĂągĂ© d'une trentaine d'annĂ©es, et accompagnĂ© d'une princesse et de ses suivantes[83]. Les dĂ©funts auraient appartenu Ă une famille princiĂšre[64].
Les femmes ont Ă©tĂ© enterrĂ©es sans doute en mĂȘme temps que l'homme, « pour l'accompagner dans l'au-delà »[13], mĂȘme si l'on ne peut Ă©tablir la chronologie des ensevelissements[42]. Certains Ă©lĂ©ments plaident en faveur d'un ensevelissement synchrone : les tombes sont constituĂ©es de façon semblable, le mobilier est similaire[28]. HĂ©rodote Ă©voque longuement dans le livre IV de L'EnquĂȘte la civilisation scythe, et en particulier les rites funĂ©raires aux paragraphes IV, 71 et IV, 72. Il indique que les princes scythes Ă©taient accompagnĂ©s au moment du dĂ©cĂšs en guise d'hommage, « il est donc fort possible, et mĂȘme assez vraisemblable, que nous ayons affaire lĂ Ă un prince se faisant accompagner dans la mort par les femmes de sa suite »[63] - [84].
Les vĂȘtements sont restituĂ©s Ă partir des Ă©lĂ©ments d'ornements retrouvĂ©s[73]. L'homme Ă©tait vĂȘtu d'un caftan et d'une jupe relevĂ©e en son milieu selon Chuvin[3], d'une veste, d'un caftan et d'un pantalon selon Schiltz[73]. Selon Bernard l'homme avait les jambes entourĂ©es d'un vĂȘtement qui imite « la robe perse qui constituait la tenue cĂ©rĂ©monielle des souverains achĂ©mĂ©nides », vĂȘtement prĂ©sent Ă©galement sur le pendentif du MaĂźtre des animaux[24]. Les femmes avaient des vĂȘtements diffĂ©rents du fait de leur statut social diffĂ©rent, mais elles Ă©taient toutes vĂȘtues d'une robe sur un pantalon, type de vĂȘtement rĂ©pandu encore de nos jours[73]. Les cinq femmes Ă©taient vĂȘtues de « longs vĂȘtements partiellement conservĂ©s »[58].
L'identification prĂ©cise des occupants des tombes pose problĂšme, mĂȘme s'il s'agissait de nomades ou de personnes d'ascendance nomade rĂ©cente[55]. Selon Dupaigne, les tombes sont une nĂ©cropole de membres d'« une population d'origine scythique (...) famille rĂ©gnante locale »[13]. Sarianidi Ă©voque une « famille rĂ©gnante locale » sans prĂ©ciser davantage[15], si ce n'est que l'Ă©poque correspond Ă la fondation de l'empire kouchan[48] et que les tombes appartiennent Ă une famille princiĂšre nomade[5]. Plus loin le mĂȘme considĂšre qu'« il y a (...) lieu de penser que la nĂ©cropole appartenait Ă la famille des Yue-Chih qui fonda la dynastie du Kouchan »[27]. Il considĂšre que les occupants des sĂ©pultures Ă©taient des « membres de la dynastie royale, dont les pĂšres et les grands-pĂšres avaient passĂ© au feu et Ă l'Ă©pĂ©e toute la Bactriane »[20]. Cette hypothĂšse de l'inventeur du site a Ă©tĂ© battue en brĂȘche par un certain nombre de spĂ©cialistes.
Il nâest pas certain selon Schiltz que les occupants du site aient Ă©tĂ© des « nomades Yuezhi venus des confins chinois » et ancĂȘtres de lâempire kouchan[7]. Bernard met en avant les similitudes des dĂ©couvertes de Tillia tepe avec les sites yuezhis fouillĂ©s par les archĂ©ologues soviĂ©tiques, mais considĂšre qu'il s'agit lĂ d'« un fond de traditions culturelles, communes Ă tous ces peuples de la steppe, renforcĂ© par un rĂ©seau de connexion de toutes sortes qui s'Ă©tait tissĂ© entre eux »[24]. Selon Gorshenna et Rapin, « les dĂ©funts appartenaient sans doute au clan le plus mĂ©ridional des nomades scytho-sarmates, rivaux des Yue-chi et des premiers Kouchans »[1]. Chuvin, avec Bernard[24], pense pour sa part que ce sont des « descendants de nomades de l'ouest de la Bactriane, sans doute des Saces [Sakas ou Sacarauques selon Schiltz] gravitant dans l'orbite de l'Empire parthe mais Ă©galement Ă©troitement liĂ©s au monde sarmate »[55], peut-ĂȘtre d'origine locale[14]. Les Sakas « nomadisent de l'Oural et l'AltaĂŻ » et un de ses clans aurait Ă©tĂ© Ă l'origine de la nĂ©cropole de Tillia tepe selon Cambon[85]. Bernard considĂšre que mĂȘme si les gens de Tillia tepe ne sont ni saces ni Sacarauques, « d'une tribu dont le nom ne nous serait pas parvenu (...), c'est de leur cĂŽtĂ© nĂ©anmoins qu'il faudrait son appartenance ethnique et culturelle et non du cĂŽtĂ© des Yue-Chih des sources chinoises »[86].
Le clan et les territoires des « gens de Tillia tepe » sont inconnus, et « le mystÚre demeure »[85]. Les nomades étaient trÚs nombreux et difficiles à identifier précisément parfois[14]. La richesse des bijoux féminins évoque selon Sarianidi une population autrefois nomade, « puisque c'est seulement parmi les nomades que les femmes jouissaient d'un statut privilégié »[27]. Une sépulture d'une princesse nomade, « proche de celle de Tilla tepe »[87], a été découverte par une mission archéologique franco-ouzbÚque à Koktepe, non loin de Samarcande[88].
Les vestiges matériels laissés par les maßtres de Tillia tepe témoigne d'un « monde nomade maßtre de la route de l'or qui provient de l'Altaï » et « au centre d'un vaste réseau d'échanges dont les ramifications apparaissent trÚs lointaines »[89].
Objets aux influences multiples témoignant d'une société raffinée
Cambon Ă©nonce que « [l]es piĂšces sont l'Ă©cho d'une sociĂ©tĂ© nomade oĂč luxe et raffinement riment avec tolĂ©rance, curiositĂ© pour des mondes inconnus »[85]. L'ensemble des piĂšces d'orfĂšvrerie « montre un monde nomade Ă©clectique et ouvert, qui joue de la curiositĂ© pour des mondes diffĂ©rents et cultive la beautĂ© »[89].
Sarianidi considĂšre que les bijoux sont « d'un haut niveau d'Ă©laboration technique »[27]. La qualitĂ© technique de l'orfĂšvrerie est saluĂ©e par Schiltz, en particulier la granulation et l'incrustation[90]. La plupart des objets seraient issus d'un mĂȘme atelier[91].
Sarianidi y voit une influence de l'Asie mineure et de l'art achĂ©mĂ©nide hellĂ©nisĂ©[64], en particulier les reprĂ©sentations animales rĂ©alistes[92]. Les objets d'or ressemblent Ă ceux retrouvĂ©s Ă Ninive, dans le royaume parthe, qui s'Ă©tendit jusqu'Ă ChĂ©berghĂąn[30]. Ils possĂšdent des « motifs hellĂ©nisants » mais sont plus sĂ»rement des « Ćuvres composites »[93].
Les reprĂ©sentations animales de Tillia tepe, « animaux lovĂ©s sur eux-mĂȘmes formant un cercle ou bien dessinant un nĆud, liĂ©s les uns aux autres et se mordant furieusement les pattes ou la queue », sont pour leur part liĂ©s Ă ceux prĂ©sents dans les dĂ©couvertes des kourganes de SibĂ©rie, plus prĂ©cisĂ©ment du Haut-AltaĂŻ[30]. Les objets retrouvĂ©s et la prĂ©sence Ă proximitĂ© de la ville de TanaĂŻs de chameau bactrien signalent les mouvements vers l'ouest des Sarmates et les contacts entre le sud de la Russie et l'Asie centrale[55].
Les reprĂ©sentations peuvent Ă©galement avoir un sens grec et aussi une rĂ©sonance dans la statuaire bactrienne du IIe millĂ©naire av. J.-C., Ăąge du bronze local, oĂč une divinitĂ© est sur un trĂŽne ou un dragon. Dans la mĂȘme thĂ©matique, une reprĂ©sentation de divinitĂ© assise sur un lion peut reprĂ©senter Ă la fois CybĂšle et une divinitĂ© ailĂ©e bactrienne[30].
Sarianidi signale que « les compositions rigides, frontales » sont inférieures au plan esthétique aux productions gréco-bactriennes[27]. Sont présents dans les motifs « d'étranges malentendus visuels », sont manquants des éléments de décor, ce qui surprend[91]. Les éléments retrouvés montrent un éloignement du réalisme grec, leurs « formes mortes et figées derriÚre lesquelles il est difficile de reconnaßtre les anciennes traditions gréco-bactriennes »[76].
Au-delĂ de la richesse des ornements, Schiltz Ă©nonce que « plus secret est le rĂ©seau de traditions, d'inspirations, d'influences, qui en sous-tend les formes et les dĂ©cors »[73]. Cambon considĂšre le « monde nomade beaucoup plus raffinĂ©, beaucoup plus Ă©clectique, bien plus hellĂ©nisĂ© qu'on ne s'y attendait »[6]. Le mĂȘme pointe le cĂŽtĂ© insaisissable, avec des objets datables de 170-145 av. J.-C., du Ier siĂšcle av. J.-C., et avec une dĂ©couverte numismatique du Ier siĂšcle de notre Ăšre avec la monnaie de TibĂšre[36]. Schiltz date la nĂ©cropole du premier ou du deuxiĂšme quart du Ier siĂšcle[63]. Les dĂ©couvertes au mobilier le plus proche ont Ă©tĂ© effectuĂ©es dans des nĂ©cropoles sarmates du sud de l'Oural et du nord du Caucase, donc bien Ă l'ouest de Tillia tepe. Cette prĂ©sence est peut-ĂȘtre due selon Chuvin Ă la pression des Kangju vers le nord-ouest qui entraĂźne le mouvement vers l'ouest des Sarmates puis des Alains[55].
RĂ©gion sous influences culturelles diverses
« Plus encore que la richesse de leurs sĂ©pultures, la diversitĂ© des traditions, steppique, grecque, parthe, chinoise, indienne, qui s'y entrecroisent, est tout Ă fait remarquable » selon Chuvin[55]. « L'art de Tillia tepe est un art mĂȘlĂ© » selon Schiltz[91] et un « vĂ©ritable syncrĂ©tisme religieux et culturel »[58]. Selon Cambon, « la synthĂšse que suggĂšre Tillia tepe (...) allie la Chine Ă la MĂ©diterranĂ©e, en passant par les steppes »[89].
La rĂ©gion a Ă©tĂ© le creuset d'une fusion de deux cultures, la culture grecque et la culture bactrienne[15], les items prĂ©sentant « un amalgame de thĂšmes mythologiques et de motifs d'origine diverse »[48]. Le royaume grĂ©co-bactrien « conditionna durant des nombreux siĂšcles l'histoire de nombreux peuples d'Asie centrale »[20]. Les nomades qui l'ont dĂ©truit « ont assimilĂ© rapidement les acquis des artistes grĂ©co-bactriens qui eux-mĂȘmes avaient adoptĂ© ceux de la culture grecque », selon Sarianidi l'art mixte « a pu subjuguer le cĆur de ces nomades qui se mirent Ă suivre les modes grecques et oubliĂšrent peu Ă peu la culture et l'art scythe »[76].
Les personnages représentés sur les éléments dégagés présentent divers types raciaux : certains sont bridés et de type mongoloïde, d'autres aux visages ronds et lÚvres épaisses s'apparentent aux premiers habitants de Bactriane. Des profils sont pour leur part de type grec[30].
La monnaie qui Ă©tĂ© dĂ©couverte dans la bouche d'un squelette dĂ©note « une forte influence de la religion grecque avait remplacĂ© quelques-uns des anciens rituels funĂ©raires des nomades »[13] - [27]. La prĂ©sence d'un crĂąne de cheval sur une des tombes rappelle les rites des Scythes, de mĂȘme que le tumulus avait la forme d'un kourgane « oĂč l'on enterrait leurs ancĂȘtres avec d'Ă©normes tas de chevaux sacrifiĂ©s rituellement »[27]. Les trouvailles de Tillia tepe sont proches des dĂ©couvertes grĂ©co-scythes rĂ©alisĂ©es sur le Bosphore et en Russie du sud selon Cambon[6]. Les Scythes « se retrouvent au carrefour de la route maritime et de la route terrestre »[36].
Les trouvailles dénotent une influence gréco-romaine, gréco-bactrienne, parthe du Khorassan, et scythe du Haut-Altaï[13]. La région était soumise alors à « des influences culturelles nombreuses et variées »[15]. Les trouvailles chinoises ou d'influence indienne « rappellent que cette région était traversée par la grande route de la soie, qui allait de la Chine à la Méditerranée »[30]. La culture locale constitue un « mélange original de styles et de civilisations d'origines diverses » et les objets retrouvés sont « les premiers exemples d'un art hellénistique résultant du mélange de la tradition artistique gréco-romaine avec celle de l'Asie centrale »[30]. Bernard qualifie la découverte de « version centrale asiatique de l'art gréco-scythe totalement originale »[29].
Le trĂ©sor « illustre parfaitement une sociĂ©tĂ© nomade cultivĂ©e et ouverte aux autres mondes, de l'Eurasie Ă l'ExtrĂȘme-Orient »[64] - [92]. Le trĂ©sor de Tillia tepe « fait entrevoir des liens inconnus jusque-lĂ , Ă©voquant dans une dĂ©bauche d'or et de luxe barbare les kourganes scythes de la Russie du Sud, tout en suggĂ©rant aussi des rapports avec les couronnes de la CorĂ©e du temps des Trois Royaumes »[19]. Chuvin qualifie cette dĂ©couverte de « synthĂšse artistique » tĂ©moignant d'une « grande richesse et oĂč la diversitĂ© des nations et des croyances Ă©tait respectĂ©e »[93]. Pour Schiltz, le trĂ©sor de Tillia tepe a donnĂ© « la plus grande leçon de ce merveilleux ensemble : que tout art est alliage, et que de cet alliage, c'est la terre afghane qui a Ă©tĂ© le creuset »[14], pour Sarianidi « la force d'un art vĂ©ritable ignore les frontiĂšres gĂ©ographiques et plus encore politiques car il appartient Ă l'humanitĂ© »[76]. Cambon rĂ©sume le message dĂ©livrĂ© par la dĂ©couverte selon lui, « Tillia tepe, c'est d'abord un jeu d'Ă©cho, un jeu de rĂ©sonances infinies et lointaines qui couvre l'Eurasie »[89].
NumĂ©ros dâinventaire au musĂ©e national afghan de Kaboul
- M.K. 04.40.9
- M.K. 04.40.5
- M.K. 04.40.303
- M.K. 04.40.298
- M.K. 04.40.301
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- M.K. 04.40.299
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- M.K. 04.40.108
- M.K. 04.40.111
- M.K. 04.40.116
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- M.K. 04.40.174
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- M.K. 04.40.110
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- M.K. 04.40.47
Notes et références
- Gorshenina et Rapin 2001, p. 95.
- Cambon et Jarrige 2007, p. 19.
- Chuvin 1999, p. 70.
- Guadalupi 2008, p. 132.
- Crancon 2007, p. 28.
- Cambon 2007, p. 164.
- Schiltz 2007, p. 69.
- Guadalupi 2008, p. 137.
- Chuvin 1987, p. 96.
- Chuvin 1987, p. 97.
- Chuvin 1987, p. 97-98.
- Dupaigne 2007, p. 273-274.
- Dupaigne 2007, p. 274.
- Schiltz 2007, p. 77.
- Sarianidi 1979, p. 29
- Schiltz 2007, p. 70
- Schiltz 1994, p. 320.
- Chuvin 1987, p. 98.
- Cambon 2002, p. 31
- Sarianidi 1999, p. 76.
- Bernard 1987, p. 758
- Bernard 1987, p. 759
- Bernard 1987, p. 758-759
- Bernard 1987, p. 766.
- Bernard 1987, p. 766-767
- Sarianidi 1979, p. 29-31
- Sarianidi 1979, p. 31
- Bernard 1987, p. 763
- Bernard 1987, p. 768
- Sarianidi 1979, p. 32
- Schiltz 2007, p. 70-71.
- Schiltz 2007, p. 71.
- Guadalupi 2008, p. 130.
- Dupaigne 2007, p. 273.
- Schiltz 2007, p. 71-72.
- Cambon 2007, p. 165
- Cambon et Jarrige 2007, p. 35.
- Cambon et Jarrige 2007, p. 31.
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- Cambon et Jarrige 2007, p. 20.
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- Schiltz 2007, p. 73.
- Cambon et Jarrige 2007, p. 34.
- Schiltz 2007, p. 72.
- Schiltz 2007, p. 74-75.
- Guadalupi 2008, p. 134.
- Schiltz 2007b, p. 275.
- Sarianidi 1979, p. 30
- Schiltz 2007b, p. 270.
- Schiltz 2007b, p. 271.
- HĂ©rodote, IV, 9
- Cambon et Jarrige 2007, p. 167.
- Schiltz 2007b, p. 272.
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- Chuvin 1999, p. 71.
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- Schiltz 2007, p. 74.
- Guadalupi 2008, p. 136.
- Cambon et Jarrige 2007, p. 182.
- Schiltz 2007b, p. 275-276.
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- Schiltz 1994, p. 321.
- Schiltz 2007b, p. 280.
- Hérodote, IV, 5 et 10 référence donnée par Schiltz 2007b, p. 280.
- Schiltz 2007b, p. 278.
- Schiltz 2007b, p. 281.
- Schiltz 2007, p. 75.
- Schiltz 2007b, p. 279.
- Bernard 1987, p. 765
- Sarianidi 1999, p. 80.
- Bernard 1987, p. 764
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- Schiltz 2007b, p. 283.
- Sarianidi 1999, p. 79.
- Cambon et Jarrige 2007, p. 128
- Voir à ce sujet cette étude du texte d'Hérodote avec des explications des rites scythes et des lieux cités
- Cambon 2007b, p. 295.
- Bernard 1987, p. 767-768
- Gorshenina et Rapin 2001, p. 124.
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Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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