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Oxyde mixte de baryum, de cuivre et d'yttrium

Les oxydes mixtes de baryum, de cuivre et d'yttrium, notĂ©s YBaCuO ou YBCO, sont des cĂ©ramiques connues pour ĂȘtre des supraconducteurs Ă  haute tempĂ©rature et ont Ă©tĂ© les premiers matĂ©riaux identifiĂ©s prĂ©sentant un phĂ©nomĂšne de supraconductivitĂ© au-dessus de la tempĂ©rature d'Ă©bullition de l'azote liquide, soit 77,36 K (−195,79 °C). Ils ont Ă©tĂ© dĂ©couverts en 1986 par Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander MĂŒller[5]. La plupart de ces oxydes ont pour formule gĂ©nĂ©rale YBa2Cu3O7–ή, souvent notĂ©e Y123, mais d'autres prĂ©sentent des rapports Y:Ba:Cu diffĂ©rents, tels que YBa2Cu4Ox (Y124), Y2Ba4Cu7Ox (Y247), ou encore Y2Ba2Cu2Ox (Y222). Ils font partie de la famille plus gĂ©nĂ©rale des oxydes mixtes de baryum, de cuivre et de terre rare, notĂ©e REBCO.

Oxyde mixte de baryum, de cuivre et d'yttrium

Supraconducteur YBaCuO de la TTÜ
__ Y3+ __ Ba2+ __ Cu2+ __ O2−
Maille cristalline des matériaux YBaCuO
Identification
No CAS 107539-20-8
No ECHA 100.121.379
No CE 619-720-7
PubChem 21871996 (Y2Ba2Cu2O7)
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule Ba2Cu3O7YYBa2Cu3O7–ή
Masse molaire[1] 666,194 ± 0,025 g/mol
Ba 41,23 %, Cu 28,62 %, O 16,81 %, Y 13,35 %,
Propriétés physiques
Masse volumique 6,3 g/cm3[2] - [3]
Précautions
SGH[4]
SGH07 : Toxique, irritant, sensibilisant, narcotique
Attention
H315, H319, H335, P302+P352 et P305+P351+P338

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Historique

En , soit 75 ans aprĂšs la dĂ©couverte de la supraconductivitĂ© en 1911, Georg Bednorz et Karl MĂŒller, travaillant chez IBM Ă  Zurich, ont dĂ©couvert que certains oxydes semi-conducteurs deviennent supraconducteurs Ă  35 kelvins (−238 °C), considĂ©rĂ©e comme une tempĂ©rature relativement Ă©levĂ©e. En particulier, l'oxyde mixte de baryum, de cuivre et de lanthane (LBCO), Ă  structure pĂ©rovskite dĂ©ficiente en oxygĂšne, se sont rĂ©vĂ©lĂ©s prometteurs. En 1987, Bednorz et MĂŒller ont reçu le prix Nobel en physique pour ce travail.

À partir de lĂ , Maw-Kuen Wu et ses Ă©lĂšves, Ashburn et Torng, Ă  l'universitĂ© d'Alabama Ă  Huntsville en 1987, et Paul Chu (en) et ses Ă©lĂšves Ă  l'universitĂ© de Houston en 1987, ont dĂ©couvert que l'YBCO avait une tempĂ©rature critique de 93 K (le premier Ă©chantillon Ă©tait Y1,2Ba0,8CuO4). Leurs travaux ont rapidement menĂ© Ă  un nouveau supraconducteur, inaugurant une nouvelle Ăšre dans la science de la matiĂšre et de la chimie.

YBCO fut le premier matĂ©riau Ă  ĂȘtre supraconducteur au-dessus de 77 K, point d’ébullition de l'azote liquide. Tous les matĂ©riaux dĂ©veloppĂ©s avant 1986 devenant supraconducteurs seulement Ă  la tempĂ©rature de l’hĂ©lium liquide (4,2 K) ou de l’hydrogĂšne liquide (20,28 K) - la plus haute Ă©tait atteinte par le Nb3Ge Ă  23 K. Le principal intĂ©rĂȘt de la dĂ©couverte de l'YBCO est le coĂ»t trĂšs bas de la substance utilisĂ©e pour le refroidissement en dessous de la tempĂ©rature critique.

SynthĂšse

Un oxyde mixte de baryum, de cuivre et d'yttrium Ă  l'Ă©tat relativement pur a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© pour la premiĂšre fois par chauffage d'un mĂ©lange des carbonates des mĂ©taux le constituant sur une plage de tempĂ©ratures s'Ă©tendant de 1 000 Ă  1 300 K[6] - [7], suivant la rĂ©action :

4 BaCO3 + Y2(CO3)3 + 6 CuCO3 + (1/2 – ÎŽ) O2 ⟶ 2 YBa2Cu3O7–ή + 13 CO2.

Les préparations modernes d'YBCO reposent sur les oxydes et nitrates correspondants[7].

Les propriĂ©tĂ©s supraconductrices de YBa2Cu3O7–ή sont sensibles Ă  la valeur de ÎŽ, qui reprĂ©sente l'Ă©cart Ă  la stƓchiomĂ©trie en oxygĂšne. Seuls les matĂ©riaux pour lesquels on observe 0 ≀ ÎŽ ≀ 0,65 sont supraconducteurs en-dessous de la tempĂ©rature critique Tc ; pour ÎŽ ≈ 0,07, la supraconductivitĂ© est observĂ©e jusqu'Ă  une tempĂ©rature de 95 K[7] et jusqu'Ă  un champ magnĂ©tique de 120 T pour B orthogonal aux plans CuO2 et 250 T pour B parallĂšle aux plans CuO2[8].

Les propriétés de ces matériaux dépendent également de la méthode de cristallisation utilisée ainsi que de la qualité du frittage. La supraconductivité est d'autant meilleure que les joints de grains sont alignés par recuit et trempe étroitement contrÎlés.

Il existe de nombreuses autres méthodes de synthÚse des céramiques YBCO, comme le dépÎt chimique en phase vapeur[6] - [7] (CVD), les procédés sol-gel[9] et les procédés par aérosols[10]. Ces procédés alternatifs demandent également un frittage soigné pour produire un supraconducteur de qualité.

La dĂ©couverte que l'acide trifluoroacĂ©tique CF3COOH empĂȘche la formation de carbonate de baryum BaCO3 a ouvert la voie Ă  d'autres procĂ©dĂ©s. Le dĂ©pĂŽt chimique en solution permet notamment de produire de longs rubans de YBCO[11]. Cette approche rĂ©duit la tempĂ©rature nĂ©cessaire Ă  l'obtention de la phase souhaitĂ©e aux environs de 700 °C et ne requiert pas de travailler sous vide, ce qui la rend Ă©conomiquement plus intĂ©ressante.

Structure

(en) Maille cristalline de YBa2Cu3O7–ή indiquant la localisation des ions Y et Ba.

Les cĂ©ramiques YBCO cristallisent en une structure pĂ©rovskite lamellaire riche en dĂ©fauts cristallins. La limite de chaque couche est dĂ©finie par des plans constituĂ©s d'unitĂ©s CuO4 planes carrĂ©es partageant leurs quatre sommets. Ces plans peuvent parfois ĂȘtre lĂ©gĂšrement plissĂ©s[6]. Des rubans formĂ©s d'unitĂ©s CuO2 partageant deux sommets sont perpendiculaires aux plans CuO4. Les atomes d'yttrium se trouvent entre les plans CuO4, tandis que les atomes de baryum se trouvent entre les rubans CuO2 et les plans CuO4 (voir schĂ©ma). Dans la littĂ©rature, on parle Ă©galement de plans CuO2 et de chaĂźnes CuO pour dĂ©signer les plans CuO4 et les rubans CuO2.

PolyÚdres de coordination des centres métalliques dans YBCO[7] - [12]
Unité YO8 cubiqueUnité BaO10Unité CuO4
plane carrée
Unité CuO5
pyramidale à base carrée
Maille cristalline
YBa2Cu3O7–ή
Plan CuO4 plisséRubans CuO2

Bien que YBa2Cu3O7 soit un composĂ© chimique dĂ©fini ayant une stƓchiomĂ©trie et une structure spĂ©cifiques, les substances ayant moins de sept atomes d'oxygĂšne par maille Ă©lĂ©mentaire sont des composĂ©s non stƓchiomĂ©triques. Leur structure dĂ©pend de leur teneur en oxygĂšne. Cet Ă©cart Ă  la stƓchiomĂ©trie est notĂ© ÎŽ dans la formule chimique YBa2Cu3O7–ή. Lorsque ÎŽ = 1, les sites O(1) des couches Cu(1) sont vides et la structure cristalline est tĂ©tragonale avec le groupe d'espace P4mm (no 99)[13]. Cette structure est isolante et ne prĂ©sente pas de supraconductivitĂ©. L'accroissement du taux d'oxygĂšne dans le cristal permet de combler des lacunes O(1). Lorsque ÎŽ < 0,65 (donc lorsque les mailles Ă©lĂ©mentaires comptent au moins 6,35 atomes d'oxygĂšne par atome d'yttrium), il se forme des chaĂźnes CuO le long de l'axe b du cristal. Les variations d'amplitude le long de l'axe b modifient la structure cristalline pour la rendre orthorhombique, avec pour paramĂštres cristallins a = 382 pm, b = 389 pm et c = 1 168 pm lorsque ÎŽ = 0[14]. La supraconductivitĂ© est observĂ©e pour ÎŽ < 0,2, oĂč le groupe d'espace est Pmmm (no 47)[13], avec un optimum pour ÎŽ = 0,07.

Les expĂ©riences avec d'autres Ă©lĂ©ments substituĂ©s sur les sites du cuivre et du baryum ont montrĂ© que la conduction intervient dans les plans Cu(2)O tandis que les chaĂźnes Cu(1)O(1) agissent comme rĂ©servoirs de charges en fournissant des porteurs pour les plans. Ce modĂšle ne dĂ©crit cependant pas correctement la supraconductivitĂ© du Pr123[15], analogue du Y123 au prasĂ©odyme. La conduction dans les plans CuO4 rend la conductivitĂ© de ces matĂ©riaux fortement anistrope, avec une variation d'un ordre de grandeur entre l'axe c et le plan (a, b). Cette anisotropie est encore plus grande dans les autres cuprates de la mĂȘme famille, avec un trĂšs faible transfert de charges entre les plans.

On retrouve cette anisotropie dans d'autres paramĂštres de la supraconduction, aussi bien pour la profondeur de pĂ©nĂ©tration λ, avec les valeurs λab ≈ 150 nm contre λc ≈ 800 nm, que pour la longueur de cohĂ©rence (en) Ο, avec les valeurs Οab ≈ 2 nm contre Οc ≈ 0,4 nm. Bien que la longueur de cohĂ©rence soit cinq fois plus Ă©levĂ©e dans les plans (a, b) que le long de l'axe c, elle reste assez faible comparĂ©e Ă  d'autres supraconducteurs tels que le niobium, oĂč l'on a Ο ≈ 40 nm. Cela signifie que la supraconductivitĂ© des cĂ©ramiques Y123 est davantage susceptible d'ĂȘtre localement rompue par des dĂ©fauts cristallins de la taille d'une maille cristalline ou par des interfaces telles qu'un joint de macle. Cette sensibilitĂ© rend la fabrication de supraconducteurs YBCO dĂ©licate et rend ces matĂ©riaux sensibles Ă  la dĂ©gradation, notamment sous l'effet de l'humiditĂ©.

Traitements de surface

Les traitements de surface des matĂ©riaux conduisent souvent Ă  des propriĂ©tĂ©s amĂ©liorĂ©es, voire nouvelles. Des matĂ©riaux YBCO traitĂ©s en surface ont permis d'en limiter la corrosion, d'y lier des polymĂšres, de prĂ©parer des structures supraconducteur organique / isolant / supraconducteur Ă  haute tempĂ©rature, et de rĂ©aliser des jonctions tunnel stratifiĂ©es mĂ©tal / isolant / supraconducteur[16]. Ces matĂ©riaux molĂ©culaires en couches minces sont produits par voltampĂ©romĂ©trie cyclique. On a pu produire des matĂ©riaux YBCO avec des couches d'alkylamines, d'arylamines et de thiols de stabilitĂ© variable. On a proposĂ© que les groupes amine agissent comme des bases de Lewis et se lient aux sites Cu superficiels agissant comme des acides de Lewis Ă  la surface de YBa2Cu3O7–ή pour former des liaisons covalentes de coordination stables.

Application

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) A. Knizhnik, G. E. Shter, G. S. Grader, G. M. Reisner et Y. Eckstein, « Interrelation of preparation conditions, morphology, chemical reactivity and homogeneity of ceramic YBCO », Physica C: Superconductivity, vol. 400, nos 1-2,‎ , p. 25-35 (DOI 10.1016/S0921-4534(03)01311-X, Bibcode 2003PhyC..400...25K, lire en ligne)
  3. (en) I. Grekhov, L. Delimova, I. Liniichuk, A. Lyublinsky, I. Veselovsky, A. Titkov, M. Dunaevsky et V. Sakharov, « Growth mode study of ultrathin HTSC YBCO films on YBaCuNbO buffer », Physica C: Superconductivity, vol. 324, no 1,‎ , p. 39-46 (DOI 10.1016/S0921-4534(99)00423-2, Bibcode 1999PhyC..324...39G, lire en ligne)
  4. Fiche Sigma-Aldrich du composé Yttrium barium copper oxide powder, consultée le 11 novembre 2021.
  5. (en) J.G. Bednorz et K.A. MĂŒller, « Possible high Tc superconductivity in the Ba−La−Cu−O system », Zeitschrift fĂŒr Physik B, vol. 64, no 2,‎ , p. 189–193 (DOI 10.1007/BF01303701).
  6. (en) C. E. Housecroft et A. G. Sharpe, Inorganic Chemistry, Prentice Hall, , 2e Ă©d., 949 p. (ISBN 978-0-13-039913-7, lire en ligne).
  7. (en) Norman N. Greenwood et Alan Earnshaw, Chemistry of the Elements, 2e Ă©d., Butterworth-Heinemann, 1997. (ISBN 978-0-08-037941-8)
  8. (en) T. Sekitani, N. Miura, S. Ikeda, Y. H. Matsuda et Y. Shiohara, « Upper critical field for optimally-doped YBa2Cu3O7−ή », Physica B: Condensed Matter, vol. 346-347,‎ , p. 319-324 (DOI 10.1016/j.physb.2004.01.098, Bibcode 2004PhyB..346..319S, lire en ligne)
  9. (en) Yang-Kook Sun et In-Hwan Oh, « Preparation of Ultrafine YBa2Cu3O7-x Superconductor Powders by the Poly(vinyl alcohol)-Assisted Sol−Gel Method », Industrial & Engineering Chemistry Research, vol. 35, no 11,‎ , p. 4296-4300 (DOI 10.1021/ie950527y, lire en ligne)
  10. (en) Derong Zhou, « Yttrium Barium Copper Oxide Superconducting Powder Generation by AN Aerosol Process (PhD Thesis) », Dissertation Abstracts International, vol. 52, no 03,‎ , p. 1671 (Bibcode 1991PhDT........28Z)
  11. (en) O. Castaño, A. Cavallaro, A. Palau, J. C. GonzĂĄlez, M. Rossell, T. Puig, F. Sandiumenge, N. Mestres, S. Piñol, A. Pomar et X. Obradors, « High quality YBa2Cu3O7 thin films grown by trifluoroacetates metalorganic deposition », Superconductor Science and Technology, vol. 16, no 1,‎ , p. 45-53 (DOI 10.1088/0953-2048/16/1/309, Bibcode 2003SuScT..16...45C, lire en ligne)
  12. (en) A. Williams, G. H. Kwei, R. B. Von Dreele, I. D. Raistrick et D. L. Bish, « Joint x-ray and neutron refinement of the structure of superconducting YBa2Cu3O7−x: Precision structure, anisotropic thermal parameters, strain, and cation disorder », Physical Review B, vol. 37, no 7960,‎ , p. 7960-7962 (PMID 9944122, DOI 10.1103/PhysRevB.37.7960, Bibcode 1988PhRvB..37.7960W, lire en ligne)
  13. (en) PaweƂ Pęczkowski, Piotr Zachariasz, Marcin Kowalik, Ryszard Zalecki et Cezariusz Jastrzębski, « Characterization of the superconductor-multiferroic type materials based on YBa2Cu3O7-ή–YMnO3 composites », Ceramics International, vol. 45, no 15,‎ , p. 18189-18204 (DOI 10.1016/j.ceramint.2019.06.137, lire en ligne)
  14. (en) Paola Benzi, Elena Bottizzo et Nicoletta Rizzi, « Oxygen determination from cell dimensions in YBCO superconductors », Journal of Crystal Growth, vol. 269, nos 2-4,‎ , p. 625-629 (DOI 10.1016/j.jcrysgro.2004.05.082, Bibcode 2004JCrGr.269..625B, lire en ligne)
  15. (en) Kunihiko Oka, Zhigang Zou et Jinhua Ye, « Crystal growth of superconductive PrBa2Cu3O7−y », Physica C: Superconductivity, vol. 300, nos 3-4,‎ , p. 200-206 (DOI 10.1016/S0921-4534(98)00130-0, Bibcode 1998PhyC..300..200O, lire en ligne)
  16. (en) Feng Xu, Kaimin Chen, Richard D. Piner, Chad A. Mirkin, Jason E. Ritchie, John T. McDevitt, Michael O. Cannon et David Kanis, « Surface Coordination Chemistry of YBa2Cu3O7-ÎŽ », Langmuir, vol. 14, no 22,‎ , p. 6505-6511 (DOI 10.1021/la980143n, lire en ligne)
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