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Supraconducteur organique

Un supraconducteur organique est un composĂ© organique synthĂ©tique supraconducteur Ă  basse tempĂ©rature. Les supraconducteurs organiques prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt non seulement d'un point de vue fondamental pour la comprĂ©hension de la supraconductivitĂ© et l'Ă©tude de systĂšmes modĂšles expliquant l’origine de celle-ci, mais aussi pour des problĂšmes pratiques, car les composĂ©s organiques sont principalement constituĂ©s de carbone et d’hydrogĂšne qui font partie des Ă©lĂ©ments les plus abondants sur Terre contrairement au cuivre ou Ă  l'osmium couramment utilisĂ©s dans les oxydes supraconducteurs inorganiques.

Description

De nombreux matĂ©riaux peuvent ĂȘtre qualifiĂ©s de supraconducteurs organiques. Ceux-ci comprennent les sels de Bechgaard et les sels de Fabre, qui sont des matĂ©riaux Ă  la fois quasi monodimensionnels et quasi bidimensionnels, tels que le complexe de transfert de charge Îș-BEDT-TTF2X, les composĂ©s λ-BETS2X, des composĂ©s d'intercalation de graphite et des matĂ©riaux tridimensionnels tels que les fullerĂšnes dopĂ©s aux alcalins.

En 1979, Klaus Bechgaard a synthétisé le premier supraconducteur organique (TMTSF)2PF6 (la classe des supraconducteurs organiques a été nommée ainsi aprÚs sa découverte) avec une température de transition de TC = 0,9 K, à une pression externe de 11 kbar[1].

En 2007, la température critique la plus élevée atteinte pour un supraconducteur organique à une pression standard était de 33 kelvins, observée dans le fullerÚne RbCs2C60 dopé aux alcalins[2] - [3].

Sels unidimensionnels de Fabre et de Bechgaard

Les sels de Fabre sont composĂ©s de tĂ©tramĂ©thyltĂ©trathifulvalĂšne (TMTTF) et les sels de Bechgaard de tĂ©tramĂ©thyltĂ©trasĂ©lenafulvalĂšne (TMTSF). Ces deux molĂ©cules organiques sont similaires sauf que les atomes de soufre du TMTTF sont remplacĂ©s par des atomes de sĂ©lĂ©nium dans le TMTSF. Les molĂ©cules sont empilĂ©es en colonnes (avec une tendance Ă  la dimĂ©risation) sĂ©parĂ©es par des anions. Les anions typiques sont par exemple PF6− ou AsF6− octaĂ©driques ou encore ClO4− ou ReO4− tĂ©traĂ©driques.

Ces deux types de matériaux sont quasi monodimensionnels à la température ambiante et ne conduisent que le long des empilements de molécules. Ils partagent un diagramme de phase trÚs riche contenant un ordre antiferromagnétique, un ordre de charge, un état d'onde de densité de spin, un croisement dimensionnel et bien sûr une phase de supraconductivité.

Un seul sel de Bechgaard s'est révélé supraconducteur à pression ambiante, à savoir le (TMTTF)2ClO4 avec une température de transition de TC = 1,4 K[4]. Plusieurs autres sels deviennent supraconducteurs uniquement sous pression externe[5]. La pression externe à appliquer pour amener la plupart des sels de Fabre à la supraconductivité est si élevée que, dans des conditions de laboratoire, la supraconductivité n'a été observée que dans un composé. Une sélection de la température de transition et de la pression externe correspondante de plusieurs supraconducteurs organiques unidimensionnels est indiquée dans le tableau ci-dessous.

Matériel TC (K) pext (kbar)
(TMTSF)2SbF6 0,36 10,5
(TMTSF)2PF6 1,1 6,5
(TMTSF)2AsF6 1,1 9,5
(TMTSF)2ReO4 1,2 9,5
(TMTSF)2TaF6 1,35 11
(TMTTF)2Br 0,8 26

(BEDT-TTF)2X bidimensionnel

BEDT-TTF est la forme abrĂ©gĂ©e du bisĂ©thylĂšnedithio-tĂ©trathiafulvalĂšne couramment rĂ©duit Ă  ET. Ces molĂ©cules forment des plans qui sont sĂ©parĂ©s par des anions. Le schĂ©ma des molĂ©cules dans les plans n'est pas unique, mais plusieurs phases diffĂ©rentes se dĂ©veloppent, en fonction de l'anion et des conditions de croissance. Les phases importantes concernant la supraconductivitĂ© sont les phases α et Ξ pour lesquelles les molĂ©cules s'ordonnent dans une structure en arĂȘte de poisson et les phases ÎČ et surtout Îș qui s’ordonnent dans une structure en damier, les molĂ©cules Ă©tant dimĂ©risĂ©es dans la phase Îș[6]. Cette dimĂ©risation rend les phases Îș spĂ©ciales car elles ne sont pas Ă  moitiĂ© remplies, ce qui les conduit Ă  la supraconductivitĂ© Ă  des tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es par rapport aux autres phases.

La quantitĂ© d'anions possibles sĂ©parant deux feuilles de molĂ©cules d'ET est presque infinie. Il existe des anions simples tels que le I3−, des polymĂšres tels que le trĂšs cĂ©lĂšbre Cu[N(CN)2]Br et des anions contenant des solvants, par exemple le Ag(CF3)4·112DCBE. Les propriĂ©tĂ©s Ă©lectroniques des cristaux Ă  base de ET sont dĂ©terminĂ©es par sa phase de croissance, son anion et par la pression externe appliquĂ©e. La pression externe nĂ©cessaire pour amener un sel ET de l'Ă©tat fondamental isolant Ă  un Ă©tat supraconducteur est beaucoup plus faible que celle requise pour les sels de Bechgaard. Par exemple, le Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Cl n'a besoin que d'une pression d'environ 300 bars pour devenir supraconducteur, ce qui peut ĂȘtre obtenu en plaçant un cristal dans une graisse gelant en dessous de 0 °C et fournissant ensuite une contrainte suffisante pour induire la transition supraconductrice[7]. Les cristaux sont trĂšs sensibles, ce qui peut ĂȘtre observĂ© de maniĂšre impressionnante dans le α-(ET)2I3 laissĂ© plusieurs heures au soleil (ou, mieux, dans un four Ă  40 °C). AprĂšs ce traitement, on obtient αtrempĂ©-(ET)2I3 qui est supraconducteur.

Les diagrammes de phase des sels Ă  base d'ET sont moins bien renseignĂ©s et connus dans la littĂ©rature scientifique que ceux des sels de Fabre ou de Bechgaard. De tels diagrammes de phase ne dĂ©pendent pas seulement de la tempĂ©rature et de la pression (c'est-Ă -dire de la largeur de bande), mais Ă©galement des corrĂ©lations Ă©lectroniques. En plus de l'Ă©tat fondamental supraconducteur, ces matĂ©riaux prĂ©sentent un ordre de charge, de l'antiferromagnĂ©tisme ou restent mĂ©talliques jusqu'aux tempĂ©ratures les plus basses. Un composĂ© est mĂȘme prĂ©dit pour ĂȘtre un liquide de spin.

Les tempĂ©ratures de transition les plus Ă©levĂ©es Ă  la pression ambiante et Ă  la pression externe se trouvent toutes les deux dans les phases Îș avec des anions trĂšs similaires. Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Br devient supraconducteur Ă  TC = 11,8 K Ă  pression ambiante[8] et une pression de 300 bars entraĂźne la formation de Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Cl deutĂ©rĂ© d'un Ă©tat antiferromagnĂ©tique Ă  un Ă©tat fondamental supraconducteur avec une tempĂ©rature de transition de TC = 13,1 K. Le tableau ci-dessous se limite Ă  quelques exemples de supraconducteurs de cette classe. Pour plus d'autres supraconducteurs, voir la rĂ©fĂ©rence 1.

Matériau TC (K) pext (kbar)
ÎČH-(ET)2I3 1,5 0
Ξ-(ET)2I3 3,6 0
k-(ET)2I3 3,6 0
α-(ET)2KHg(SCN)4 0,3 0
α-(ET)2KHg(SCN)4 1,2 1,2
ÎČ''-(ET)2SF5CH2CF2SO3 5,3 0
Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Cl 12,8 0,3
Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Cl deutĂ©rĂ© 13,1 0,3
Îș-(ET)2Cu[N(CN)2]Br deutĂ©rĂ© 11,2 0
Îș-(ET)2Cu(NCS)2 10,4 0
Îș-(ET)4Hg2,89Cl8 1,8 12
ÎșH-(ET)2Cu(CF3)4‱TCE 9,2 0
ÎșH-(ET)2Ag(CF3)4‱TCE 11,1 0

On peut trouver encore plus de supraconducteurs en modifiant légÚrement les molécules ET, en remplaçant les atomes de soufre par du sélénium (BEDT-TSF, BETS) ou par de l'oxygÚne (BEDO-TTF, BEDO).

Certains supraconducteurs organiques bidimensionnels des familles Îș-(ET)2X et λ(BETS)2X sont candidats Ă  la phase de Fulde-Ferrell-Larkin-Ovchinnikov (FFLO) lorsque la supraconductivitĂ© est supprimĂ©e par un champ magnĂ©tique externe[9].

Notes et références

  1. JĂ©rome, Mazaud, Ribault et Bechgaard, « Superconductivity in a synthetic organic conductor (TMTSF)2PF 6 », Journal de Physique Lettres, vol. 41, no 4,‎ , p. 95–98 (DOI 10.1051/jphyslet:0198000410409500, lire en ligne)
  2. Lebed, A. G. (Ed.) (2008). The Physics of Organic Superconductors and Conductors. Springer Series in Materials Science, Vol. 110.
  3. Singleton et Mielke, « Quasi-two-dimensional organic superconductors: A review », Contemporary Physics, vol. 43, no 2,‎ , p. 63 (DOI 10.1080/00107510110108681, Bibcode 2002ConPh..43...63S, arXiv cond-mat/0202442).
  4. (en) Klaus Bechgaard, Kim Carneiro, Malte Olsen, Finn Berg Rasmussen et Claus S. Jacobsen, « Zero-Pressure Organic Superconductor: Di-(Tetramethyltetraselenafulvalenium)-Perchlorate », Phys. Rev. Lett., vol. 46, no 13,‎ , p. 852 (lire en ligne)
  5. (en) S.S.P. Parkin, M. Ribault, D. Jerome et K. Bechgaard, « Superconductivity in the family of organic salts based on the TMTSF molecule: (TMTSF)2X (X=ClO4, PF6, AsF6, SbF6, TaF6) », Journal of Physics C: Solid State Physics, vol. 14, no 34,‎ , p. 5305 (lire en ligne)
  6. (en) G.Visentini, A.Painelli, A.Fortunelli et A.Girlando, « Îș-Phase organic superconductors: the dimer model », Synthetic Metals, vol. 103, nos 1-3,‎ , p. 1995 (lire en ligne)
  7. (en) S. Mohan, Advances in High Temperature Superconductors and their applications, MJP Publisher, , 232 p., p. 102
  8. (en) Aravinda M. Kini, Urs Geiser, Hau H. Wang et K. Douglas Carlson, « A new ambient-pressure organic superconductor, kappa-(ET)2Cu[N(CN)2]Br, with the highest transition temperature yet observed (inductive onset Tc = 11.6K, resistive onset = 12.5 K) », Inorganic Chemistry, vol. 29, no 14,‎ , p. 2555 (lire en ligne)
  9. Shimahara, H. (2008) "Theory of the Fulde-Ferrell-Larkin-Ovchinnikov State and Application to Quasi-Low-Dimensional Organic Superconductors", in The Physics of Organic Superconductors and Conductors

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