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Marion Joffle

Marion Joffle, nĂ©e en mars 1999 Ă  Flers, est une nageuse de l'extrĂȘme, premiĂšre Française Ă  parcourir 1000 mĂštres en eau glacĂ©e[1]. ClassĂ©e dans le top 10 mondial de la natation en eau froide (0 Ă  5 degrĂ©s), elle est surnommĂ©e « Le Pingouin Souriant »[2].

Marion Joffle
Image illustrative de l’article Marion Joffle
Marion Joffle, le « Pingouin Souriant »
Informations
Nages Brasse, Nage libre, Papillon
PĂ©riode active Actuelle
Nationalité Française
Naissance
Lieu Flers (France)
Taille 1,67 m
Club Neptune club de Lisieux
Entente Nautique Caennaise
EntraĂźneur Pierre Bailly,
Philippe Fort
Mathias Faride
PalmarĂšs
Ch. du monde grand bassin 11 7 6
Distinctions
Record du monde 50m Brasse Ice Swimming Record du monde 100m Brasse Ice Swimming

Biographie

Marion Joffle est nĂ©e Ă  Flers dans l'Orne et a grandi Ă  Lisieux dans le Calvados Ă  partir de l'Ăąge de 6 ans[3]. À 5 ans, elle contracte un sarcome Ă©pithĂ©lioĂŻde, un cancer des tissus mous. Une tumeur s’est logĂ©e dans son majeur droit. Elle est prise en charge au service pĂ©diatrique de l’institut Curie Ă  Paris. Son doigt est amputĂ©e, elle entre alors en rĂ©mission[4]. En 2007, alors qu'elle est en vacances dans le Sud de la France, elle dĂ©couvre l'univers aquatique grĂące Ă  un Ă©norme toboggan dans lequel elle ne peut aller parce qu'elle ne sait pas encore nager. De retour Ă  Lisieux, elle commence Ă  prendre des leçons pour pouvoir faire du toboggan aquatique. La piscine lui plait Ă©normĂ©ment et elle participe Ă  ses premiĂšres compĂ©titions en 2008. Elle a ainsi un dĂ©clic avec l’eau car elle aime s’y sentir portĂ©e, ne pas avoir Ă  porter le poids du corps et s’y amuser, mais aussi le cĂŽtĂ© calme et serein du milieu aquatique[3]. Elle s’inscrit alors comme sociĂ©taire du Neptune club de Lisieux[5]. L’absence de son majeur Ă  la main droite ne la gĂšne pas pour brasser l’eau. Elle a appris Ă  nager sans et ses autres doigts se sont rapprochĂ©s naturellement[6].

À 12 ans, vivant entre Lisieux et Caen la semaine pour ses entrainements[3], Marion Joffle dĂ©couvre la nage en eau libre Ă  Granville dans la Manche, en participant au Tour du Roc sur 1 km. Pas vraiment sereine au dĂ©but, elle se dĂ©couvre finalement une nouvelle passion : la nage en libertĂ©[3]. Elle se sent bien dans ce nouveau milieu, hors des murs. C'est Philippe Fort, son entraineur de l'Entente nautique caennaise qui lui a fait connaĂźtre l’eau libre ainsi que la nage hivernale (ou « ice swimming », le nom de la discipline au niveau international). Il lui apprend Ă  nager dans les eaux froides[7]. À partir de ce moment, elle augmente les distances en eau libre chaque annĂ©e jusqu’à arriver en 2016 Ă  25 km lors des championnats de France d’eau libre oĂč elle termine deuxiĂšme[3]. En eau douce comme en pleine mer, la jeune Normande accumule les podiums. À 17 ans, toujours en 2016, elle participe aux 24 Heures de natation de Lausanne en Suisse oĂč elle dĂ©couvre l’épreuve deux jours avant. Elle nage 60,05 km en vingt heures et trente minutes et dĂ©croche le record absolu de la compĂ©tition. Cette annĂ©e lĂ , elle se rend Ă©galement sur la Presqu'Ăźle de Crozon dans le FinistĂšre, pour participer au Tour de Morgat Ă  la nage organisĂ© par les nageurs locaux. Elle rĂ©ussit Ă  terminer le parcours de 3,7 km, une premiĂšre fĂ©minine[5].

Le projet de traverser la Manche Ă  la nage nait en 2017[3]. Le matin du Ă  10 h, la nageuse lexovienne part de la plage Saint-Jean Ă  TrĂ©boul-Douarnenez, pour une tentative de la traversĂ©e Ă  la nage de la baie de Douarnenez vers Morgat dans le cadre d'un entraĂźnement pour la traversĂ©e de la Manche. Elle doit cependant abandonner pour la premiĂšre fois, victime de la froideur de l'eau de la mer d’Iroise estimĂ©e Ă  environ 11 °C[5]. En effet, au bout de trois heures de nage, elle commence Ă  ne plus sentir ses extrĂ©mitĂ©s, en particulier au niveau des chevilles. Quand son entraĂźneur du club de Lisieux, Pierre Bailly, lui dit qu'il reste 8 km sur 22, la jeune Normande dĂ©cide d'abandonner sa tentative. DĂ©cision que son entraĂźneur juge Ă©galement plus prudente, tout comme sa mĂšre, restĂ©e sur le bateau et qui suit sa fille partout dans ses compĂ©titions. D'autant qu'il n'y a lĂ  aucun vĂ©ritable enjeu sportif[5].

Le Ă  Veitsbronn en Allemagne, Marion Joffle devient la premiĂšre Française Ă  parcourir 1.000 m en nage hivernale dans une eau Ă  1,7 °C lors du Ice Swimming German Open. Elle devient Ă©galement la plus jeune nageuse du monde Ă  avoir nagĂ© le 1000 mĂštres, la discipline reine de l’épreuve[8]. Dans ces conditions extrĂȘmes, sa vue a diminuĂ© au bout de 800 m. La Normande n’arrive alors plus Ă  fermer la bouche qui est paralysĂ©e, et elle boit beaucoup d’eau froide. Elle mettra deux semaines Ă  retrouver les sensations au bout de ses doigts[7]. Au mois de mars suivant, elle fĂȘte ses 19 ans aux championnats du monde de Winter swimming Ă  Tallinn en Estonie et rafle deux titres de championne du monde dans les eaux de la mer Baltique[8]. C'est Ă  cette occasion que se rĂ©vĂšle sa spĂ©cialitĂ© : nager dans une eau proche de 0 degrĂ©[4].

Le à Vichy, elle devient la premiÚre championne de France de nage hivernale avec un record personnel (donc record de France) en prime de 14 minutes et 06 secondes. L'épreuve a lieu dans le bassin découvert du stade aquatique de Vichy Communauté avec une eau à 4,8°C[7].

À la mi-mars 2019, lors des championnats du monde Ă  Mourmansk dans le nord de la Russie, elle nage dans une eau Ă  seulement un degrĂ© et dĂ©croche le titre mondial sur 50 mĂštres brasse, la mĂ©daille d’argent sur 100 mĂštres brasse et la mĂ©daille de bronze au 50 mĂštres papillon. Elle termine au pied du podium de l’épreuve reine, le 1 000 mĂštres nage libre[9].

Le samedi , Marion Joffle est prĂ©sente lors de la Trace Nocturne Ă  Trouville-sur-Mer en qualitĂ© de marraine de l’association Hell’eau la Vie, nĂ©e pour l’aider Ă  rĂ©aliser son rĂȘve et se mobiliser pour offrir un don Ă  l’institut Curie en faveur des enfants du service dans lequel elle a Ă©tĂ© suivie durant une dizaine d’annĂ©es. Marion rĂ©cupĂšre ainsi des fonds grĂące Ă  diffĂ©rents challenges, parmi lesquels celui prĂ©vu pour 2020 qui consistera Ă  traverser la Manche Ă  la nage. Pendant que les 300 concurrents participent Ă  la Trace Nocturne aux alentours de 22h00, elle s’est prĂȘtĂ©e au jeu d’un “bain de minuit” avant l’heure, en maillot de bain, histoire de maintenir sa condition physique dans une eau relativement chaude pour elle, puisqu'elle approchait les 15°C.

Lors des championnats du monde 2020 en SlovĂ©nie, Marion Joffle remporte deux mĂ©dailles d'or, avec Ă  la clĂ© un record du monde absolu sur 50 mĂštres brasse (37’’24)[2] - [10].

Du 4 au , la nageuse licenciĂ©e Ă  l'Entente nautique caennaise remporte cinq titres de championne du monde de nage en eau glacĂ©e Ă  Glogow en Pologne. Au cours de ces trois jours, elle brille dans une eau glaciale proche de zĂ©ro degrĂ© et remporte les titres mondiaux sur 500 et 1 000 mĂštres nage libre, 50 mĂštres brasse, 100 mĂštres brasse toutes catĂ©gories et 50 mĂštres papillon. Elle rĂ©ussit mĂȘme Ă  dĂ©crocher le record du monde du 100 mĂštres brasse en eau glacĂ©e avec un temps d'1 minute et 24 secondes[2].

DĂ©but mai de la mĂȘme annĂ©e, la jeune Normande tente de couvrir les 1 609 mĂštres de l’« Ice Mile », le Mille nautique dans les eaux Ă  -1 degrĂ© de l’Arctique, le Graal de la nage hivernale. En maillot de bain au cƓur d’un paradis blanc, elle s'attaque Ă  un rĂȘve qu'elle a depuis des annĂ©es, et ce malgrĂ© quelques semaines alitĂ©es durant l'hiver Ă  cause d’une infection bactĂ©rienne Ă  l'estomac qui a provoquĂ© une insuffisance rĂ©nale. Au cours de ce fĂącheux incident de santĂ©, elle ne mange rien. La reprise est difficile car elle a perdu beaucoup de poids. Du gras, bien utile pour nager en eau froide, la Caennaise n'en a donc pas vraiment Ă  revendre, ayant perdu de la masse graisseuse et surtout du muscle. Mais cela n'altĂšre guĂšre sa motivation. Elle revient progressivement Ă  son poids de forme, tout en s'offrant des passages de plus en plus longs dans l'eau froide[11].

AprĂšs une escale Ă  Oslo, son avion atterrit Ă  Longyearbyen, sur la piste de l'aĂ©roport du Svalbard, l'archipel norvĂ©gien situĂ© prĂšs du PĂŽle Nord. Longyearbyen est la ville la plus au nord du monde oĂč 2 000 habitants cohabitent avec les rennes sauvages, se dĂ©placent en motoneige ou bien en traĂźneaux tirĂ©s par des chiens[11]. La Normande est accompagnĂ©e d'une dizaine de nageurs spĂ©cialisĂ©s. Elle est la seule Française. Avant de tenter le “Mile”, Marion Joffle effectue un test afin de prendre ses marques et de se mesurer Ă  ces eaux nordiques. Cet essai se rĂ©vĂšle ĂȘtre un peu compliquĂ©. Initialement, les athlĂštes devaient nager Ă  cĂŽtĂ© d’un glacier. Ils prennent la mer vers 9h30, mais aprĂšs 2/3 heures de navigation, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas nager car l’eau est proche des -2 degrĂ©s et surtout que c’est le terrain de chasse des morses. Le danger est trop important. Les nageurs de l’extrĂȘme finissent par s’immerger Ă  leur retour au port vers 18 heures. Marion Joffle couvre Ă  peine 200 mĂštres. Un court moment hors du temps qui lui permet cependant de prendre confiance pour la suite. C’est la premiĂšre fois qu'elle nage dans une eau nĂ©gative. Elle a dĂ©jĂ  nagĂ© dans une eau Ă  seulement un degrĂ© lors des championnats du monde Ă  Mourmansk en 2019, mais en plongeant dans l’eau norvĂ©gienne, elle ressent immĂ©diatement la diffĂ©rence car trois degrĂ©s d’écart cela fait beaucoup. Le froid mord encore plus. Le plus difficile Ă  supporter n’est pas l’eau mais l’air extĂ©rieur qui est vraiment glacial. L’eau qui reste sur les bras et les mains Ă  la sortie des flots gĂšle plus rapidement la peau. Marion Joffle a Ă©galement l’impression que ses doigts gonflent et s’alourdissent mais ce n'est toujours pas suffisant pour lui faire regretter sa venue en Arctique. Deux jours plus tard, dans l'excitation du moment, elle ne ressent ni peur ni regrets. Seulement vĂȘtue d'un maillot de bain, de lunettes et d'un bonnet aux couleurs de son club de Caen, elle attend son tour dans une chambre chauffĂ©e, entourĂ©e des autres aventuriers. Son dĂ©part est prĂ©vu Ă  13 heures mais les deux nageurs de la sĂ©rie prĂ©cĂ©dente mettent plus longtemps que prĂ©vu Ă  effectuer leur tentative ce qui provoque le dĂ©calage de son dĂ©part. Une attente un peu trop longue qui induit un choc thermique peu recommandĂ© quand elle sort enfin. La pression monte finalement quand elle voit les deux premiers nageurs sortir de l’eau. Ils ont le regard dans le vide et ne parlent plus. Ils doivent mĂȘme ĂȘtre soutenus. Bien que ce soient deux hommes bien portants, leur souffrance est visible, ce qui inquiĂšte un peu Marion Joffle. Elle vient tout juste de revenir Ă  son poids de forme aprĂšs une infection bactĂ©rienne. Or, dans cette discipline, chaque kilogramme de graisse ou de muscle compte. Qu’importe, elle sait que sa force est sa vitesse, ce qui lui permet de rester moins longtemps dans l’eau[9]. Dans beaucoup de disciplines sportives, chaque seconde compte. Ici, elles sont vitales car le temps passĂ© dans l’eau affecte le corps entier. Plus les nageurs sont immergĂ©s, plus leur vie est en danger. Au dĂ©part, elle plonge sagement. Puis cinq longues secondes s’écoulent avant que son dĂ©part soit enfin donnĂ©. La nageuse qui part Ă  ses cĂŽtĂ©s n’est pas prĂȘte. ConcentrĂ©e mais statique, Marion Joffle attend son heure, avant de s â€˜Ă©lancer. Le dĂ©but de sa course se passe bien. Elle essaie de nager le plus calmement possible sans ĂȘtre trop lente. AprĂšs trois tours, elle garde une cadence impressionnante malgrĂ© la tempĂ©rature nĂ©gative. Elle a de bonnes sensations et ressent mĂȘme la chaleur des rayons du soleil, avec le sourire aux lĂšvres pour montrer Ă  son assistant que tout va bien. Elle supporte bien en effet de ne plus sentir ses mains et ses pieds[9]. Mais passĂ© le premier kilomĂštre, la Française ressent une fatigue soudaine et commence Ă  perdre en luciditĂ© tandis que sa nage ralentie. Ses notions de temps et d’espace ralentissent Ă©galement. Elle commence hĂ©las Ă  nager sous l’eau et plus vraiment Ă  la surface. Elle n’arrive plus tout Ă  fait Ă  savoir ce qu'elle est en train de faire tout en ayant conscience d’avaler de l’eau. AprĂšs 1 550 mĂštres, elle n’arrive plus Ă  dissocier l’air de l’eau et cela fait dĂ©jĂ  plus d’une demi-heure qu’elle lutte dans les eaux norvĂ©giennes. Il ne lui reste que 50 mĂštres pour boucler son dĂ©fi lorsque de l’eau commence Ă  entrer dans ses poumons. Son Ă©quipe rapprochĂ©e plonge alors pour la secourir. Tant pis pour le Mile. Ils transportent Marion Joffle en urgence dans la chambre chaude car elle est dĂ©jĂ  en hypothermie sĂ©vĂšre avec une tempĂ©rature corporelle Ă  30-33 degrĂ©s[11]. Ils la sĂšchent et la massent pour rĂ©chauffer son corps pendant plus de deux heures au cour desquelles elle frĂŽle l’inconscience. La Normande ne sait plus trop oĂč elle est, et se met Ă  parler en anglais. Elle prend l’organisateur pour sa mĂšre et le prend dans ses bras en lui disant : « Mother, mother, mother, I love you ! »[9]. Il lui faudra ainsi deux bonnes heures pour revenir Ă  elle. Tout le reste de la journĂ©e, elle tousse pour Ă©vacuer l’eau restant dans ses poumons. Le lendemain, elle est clouĂ©e au lit avec de la fiĂšvre. Rien de grave car elle est sauvĂ©e et n'aura aucune sĂ©quelles malgrĂ© un engourdissement dans les avant-bras et les mains pendant quelques jours aprĂšs la course. Quand elle demande enfin le rĂ©sultat et qu'on lui annonce qu'elle a Ă©chouĂ© si prĂšs du but, elle ressent une pointe de dĂ©ception, mais pas de regret. Elle garde une grande satisfaction et le plaisir qu'elle a eu Ă  se baigner dans cette eau, un moment exceptionnel et une victoire sur elle-mĂȘme[9]. Le lendemain de son formidable dĂ©fi, la jeune femme s'offre une sortie en traĂźneau Ă  chiens[11].

À son retour en France, avant de s'octroyer une semaine de repos puis d’attaquer une nouvelle saison, avec notamment un 33 km en riviĂšre et un 20 km dans l'optique de se prĂ©parer Ă  son dĂ©fi suivant, la traversĂ© de la Manche fin aoĂ»t 2022, Marion Joffle doit subir une sĂ©rie d'examens mĂ©dicaux : Ă©lectrocardiogramme, bilan des masses corporelles et Ă©preuve d'effort. Un “check-up” complet qu’exige sa discipline, et surtout nĂ©cessaire car elle a beaucoup puisĂ© dans ses rĂ©serves lors de cette Ă©preuve arctique. Cela permet de voir aussi s’il y a des carences quelque part. Ce suivi mĂ©dical est vital dans une discipline aussi engagĂ©e que la natation hivernale en eau glacĂ©e. Par la suite, Marion Joffle n’a pu s’empĂȘcher d’aller nager pour se rassurer et parcourir 1 700 mĂštres pour se dire qu'elle a fait plus de 1 609 mĂštres[9].

À l’étĂ© 2022, Marion Joffle s’entraĂźne Ă  Hermanville-sur-Mer pendant plusieurs semaines pour son grand dĂ©fi, la traversĂ©e de la Manche Ă  la nage, au cours desquelles elle parcoure 50 Ă  60 km hebdomadaires, avec des grosses charges en bassin, une sortie de 33 km en riviĂšre, un test d’effort de six heures et 19 km en mer : « de petites expĂ©riences pour avoir un gros kilomĂ©trage dans les bras », commente-t-elle[6].

« Si le mental est lĂ , le physique peut suivre. L’Ice-mile m’a rendue plus forte. Ça m’a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique. Je suis du genre Ă  prendre la vie en positif, donc ça peut le faire[6]. »

— Marion Joffle Ă  propos de sa traversĂ©e de la Manche Ă  la nage.


Le dimanche , aprĂšs cinq annĂ©es de prĂ©paration, Marion Joffle s'Ă©lance enfin et rĂ©ussi sa fameuse traversĂ©e. Elle devait partir d’une plage situĂ©e entre Folkestone et Douvres en Angleterre[6], mais c’est depuis les eaux du port de Douvres qu’elle s’élance finalement, tĂŽt dans la matinĂ©e. Elle traverse le bras de mer en 9 heures et 22 minutes pour atteindre les cĂŽtes françaises au Cap Gris-Nez sur la CĂŽte d’Opale prĂšs de Wissant dans le Pas-de-Calais, peu avant 17 h[12], en battant de 20 minutes le prĂ©cĂ©dent record fĂ©minin Ă  seulement 23 ans[13]. Celui-ci Ă©tait dĂ©tenu par la Nordiste Marion Hans et datait de 1994[14]. La jeune Normande a pu rĂ©alisĂ© cette performance avec quelques pauses ravitaillement mais sans pouvoir agripper le bateau qui l’accompagnait[6]. Elle a eu la chance aussi de ne pas dĂ©river jusqu’au cap Blanc Nez avec les courants car cela eu pour consĂ©quence d’augmenter la distance de 35 km Ă  70 km, de dix heures Ă  bien plus[6]. DĂšs sa sortie de l’eau, elle enlace sa mĂšre qui l’attend sur les rochers prĂšs du bord. Marion Joffle, ambassadrice de l’association Les bagouz’ Ă  Manon[10], s’est lancĂ©e dans cet exploit afin de rĂ©colter des fonds pour l’Institut Curie qui lutte contre les cancers pĂ©diatriques, avec une cagnotte Leetchi mise en ligne. Elle tire sa motivation du cancer qu'elle a elle-mĂȘme contractĂ© durant son enfance, et qu'elle a rĂ©ussi Ă  vaincre au prix de l'amputation d'un doigt[12]. Initialement, elle devait faire cette traversĂ©e le mais avec l’annonce de la quatorzaine en Angleterre Ă  cause de la pandĂ©mie de Covid-19, elle et son Ă©quipe ont dĂ» reporter le projet[3]. De plus, ce pĂ©riple a dĂ» se faire des rives de l'Angleterre vers l'Hexagone puisqu'il est interdit de la rĂ©aliser depuis les cĂŽtes françaises pour des raisons administratives. Cela a induit le recours aux services d’un bateau anglais, plus onĂ©reux[5]. Pour finir cette aventure sur une note ubuesque, Marion doit repartir dans la foulĂ©e en Angleterre par bateau, parce qu’elle a traversĂ© la Manche Ă  la nage ; elle n’a donc pas traversĂ© la mer lĂ©galement, avec un passeport. Elle est donc obligĂ©e de repartir pour ensuite reprendre le ferry et revenir revoir sa Normandie[15].

En plus de ses vingt heures d’entraĂźnement hebdomadaires, elle s’immerge pendant 10 Ă  15 minutes, deux fois par semaine, dans un bac Ă  eau froide (de 2 et 6 °C) rempli de glaçons et installĂ© par son club au bord de la piscine de Caen, afin d'acclimater son corps[7]. RĂ©guliĂšrement, elle s’octroie aussi quelques longueurs, Ă  l'aube, dans le lac de Pont-l’ÉvĂȘque dans le Calvados[4].

« L’eau froide a beaucoup de bienfaits sur la santĂ© mentale, cela nous donne une sorte de dopamine. J’étais trĂšs heureuse aprĂšs l’Arctique, parfois un peu trop[16]. »

— Marion Joffle, Ă  propos de sa passion pour l’« Ice Swimming »


Marion Joffle est heureuse de faire partie de la famille du “ice swimming” que la FĂ©dĂ©ration internationale de natation aimerait voir devenir discipline olympique aux jeux d’hiver. La Normande, qui Ă©tait jusque-lĂ  la seule française Ă  avoir bouclĂ© 20 longueurs de 50 mĂštres en eau froide, a Ă©tĂ© rejointe dans le giron de la nage hivernale par quatre autres nageuses hexagonales : ValĂ©rie Giros (Club des Vikings de Rouen), Marine Ribot (Paris aquatique), LĂŠtitia Clabe et Joelle Brette (Aqualove sauvetage Montpellier)[7].

Par ailleurs, Marion Joffle est Ă©galement Ă©tudiante en sports (Staps en Ă©ducation motricitĂ©) ainsi que maĂźtre-nageuse vacataire au stade nautique de Caen[4] oĂč elle s'entraine. Elle passe le plus clair de son temps dans l’eau ou Ă  la piscine Ă  l’Entente Nautique de Caen, mais ne vit pas de son sport qui est une vraie passion pour elle, ce qui lui demande Ă©normĂ©ment de sacrifices. DĂšs qu'elle le peut, elle va Ă©galement sur les marchĂ©s pour sensibiliser les gens Ă  ses projets car elle n’a de cesse de se poser des dĂ©fis, soutenue par la Conseil dĂ©partemental du Calvados[3] - [10].

Le lundi , Marion Joffle nage 1,6 km dans les eaux glacĂ©es du lac Tislit au Maroc. La nageuse normande boucle ainsi la premiĂšre Ă©tape de son dĂ©fi de nager un « Ice Mile » sur chacun des sept continents du globe : l’Afrique, l’Asie, l’AmĂ©rique, l’OcĂ©anie, l’Europe, l’Arctique et l’Antarctique. DĂšs potron-minet, Ă  plus de 2200 m d'altitude, dans l’eau Ă  4,5°C du Lac Tislit, elle boucle son parcours d’1,6 km en 27’41” et Ă©tablit un nouveau record de France. Le plus difficile pour elle lors de cette Ă©preuve, c'est la respiration car elle n'a pas l'habitude de l'altitude. Les virages sont Ă©galement compliquĂ©s Ă  nĂ©gocier parce qu'il s'agit d'un parcours de 100 m entre deux bouĂ©es[17].

« C'était magique, le cadre était incroyable ! Quand on a commencé, il y avait du brouillard, on ne voyait pas du tout devant nous, et puis d'un coup le soleil s'est levé et le cadre est devenu magnifique. »

— Marion Joffle, Ă  propos de la premiĂšre Ă©tape de son dĂ©fi au Lac Tislit au Maroc[17].

La lutte contre le cancer, source de sa motivation

Campagne annuelle nationale « Une Jonquille Contre le Cancer » organisĂ©e par l’Institut Curie.

Le cancer que Marion Joffle a eu pendant son enfance a Ă©tĂ© dĂ©terminant dans tous les dĂ©fis qu'elle s'est ensuite lancĂ©s. Mais ce n'est pas la maladie qui a fait son choix pour la natation car elle aurais plongĂ© de toute façon. Petite, elle accepte facilement cette maladie car Ă  6 ans elle ne se rend pas bien compte de la gravitĂ©[3]. L'Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur pour Marion Joffle, est de voir les autres enfants sous traitement chimiothĂ©rapique ou amputĂ©s. De son cĂŽtĂ©, elle perd un doigt, le majeur droit, puis est suivie de prĂšs pendant plus d'une dizaine d'annĂ©es car son sarcome Ă©pithĂ©lioĂŻde, ou cancer des tissus mous, est une maladie orpheline Ă  fort risque de rĂ©cidive. Mais c'est l’image des autres enfants qui la pousse Ă  se dĂ©passer tous les jours. C'est lorsqu'elle accepte sa diffĂ©rence qu'elle commence Ă  rĂ©aliser des projets un peu fous comme le 25 km de nage en eau libre alors qu'elle vient Ă  peine de finir sa rĂ©mission[3].

Rapidement, elle associe ses dĂ©fis Ă  l’Institut Curie pour lequel elle se bat, comme par exemple la traverser la Manche Ă  la nage, nĂ©e de son combat pour la vie et contre le cancer. Sans cette maladie, Marion Joffle aurait eu un parcours de nageuse classique, beaucoup moins singuliĂšre. La maladie lui a donnĂ© envie de se dĂ©passer et de voir jusqu’oĂč elle pouvait aller. Nager en eau froide lui a permis de tester ses limites et de vivre de nouvelles Ă©motions en milieu aquatique[3].

Distinctions et soutiens

  • En 2016, Marion Joffle est rĂ©compensĂ©e au titre des Podiums & TrophĂ©es du Calvados
  • En 2017, elle est dĂ©signĂ©e Coup CƓur sportif du dĂ©partement du Calvados
  • À partir de 2019, elle est soutenue au titre du dispositif Jeunesse du dĂ©partement du Calvados[10].

Articles connexes

Vidéographie

Notes et références

  1. Chloe Joudrier, « Marion Joffle, cette championne de nage en eau glacĂ©e qui veut traverser la Manche », www.geo.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Baptiste Allaire, « Normandie. Marion Joffle, quintuple championne du monde de nage en eau glacĂ©e », www.lamanchelibre.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. Totoche, « Marion Joffle et Pierre Louis Attwell : ce rĂȘve bleu
 », emag.calvados.fr,‎ 00-00-0000 (lire en ligne, consultĂ© le )
  4. DaphnĂ© Cagnard-Budiman, « Marion Joffle, une sportive au mental d’acier qui nage dans des eaux Ă  moins de 5 degrĂ©s », www.ouest-france.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Fanch An Hennaff, « Marion Joffle. « Je recommencerai ! » », www.letelegramme.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Esteban Pinel, « La jeune nageuse calvadosienne Marion Joffle Ă  l’assaut des eaux de la Manche », www.leparisien.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  7. Olivier Rezel, « Nage hivernale : Marion Joffle, reine de la glace Ă  Vichy », www.lamontagne.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Julien Lagarde, « La nageuse de Lisieux Marion Joffle aux championnats du monde de nage d'hiver », actu.fr/normandie/lisieux,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. ChloĂ© Joudrier, « Marion Joffle au paradis blanc », www.ffnatation.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Calvados le dĂ©partement, « La nageuse qui n'a jamais froid », www.calvados.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  11. David FrottĂ©, « Pourquoi la Normande Marion Joffle a Ă©tĂ© stoppĂ©e Ă  50 mĂštres d'un exploit inĂ©dit dans les eaux glacĂ©es de l'Arctique ? », france3-regions.francetvinfo.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  12. Paul Guyo, « La nageuse de Lisieux, Marion Joffle, a rĂ©ussi la traversĂ©e de la Manche Ă  la nage », www.ouest-france.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Christophe, « Marion Joffle : nouveau record pour la traversĂ©e de la Manche ! », www.nageurs.com,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  14. Philippe Dufresne, « Natation. La Normande Marion Joffle explose le record de France de la traversĂ©e de la Manche Ă  la nage », www.paris-normandie.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  15. Cyrielle Le HouĂ«zec et François Duval, « "Je pense dĂ©jĂ  au prochain dĂ©fi" (Marion Joffle) », www.francebleu.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. ClĂ©mence Pille, « TraversĂ©e de la Manche : la nageuse de Caen Marion Joffle s'attaque Ă  l'Everest de la natation », actu.fr/normandie/caen,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  17. Calvados le dĂ©partement, « Nouvel exploit de la nageuse Marion Joffle dans un lac glacĂ© du Maroc », france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/calvados,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
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