AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Marché du travail en France

Le marché du travail désigne l'opération de rencontre entre les offres et les demandes d'emplois, étudié par l'économie.

En France, le marchĂ© du travail prĂ©sente Ă  la fois des similitudes avec les autres pays de l'OCDE et des diffĂ©rences, telle qu’un pourcentage Ă©levĂ© de salariĂ©s payĂ©s au salaire minimum (le SMIC) et un problĂšme fort de dualitĂ© entre un secteur protĂ©gĂ© et un second secteur sur lequel se concentrent la flexibilitĂ© et la prĂ©caritĂ©. La France partage cette forte segmentation avec l'Italie et l'Espagne[1]. Les marchĂ©s du travail des pays Anglo-saxons se caractĂ©risent par une flexibilitĂ© du travail plus importante et par une moins grande segmentation des parcours professionnels et des filiĂšres de recrutement. Au contraire, selon l'OCDE, il est plus facile de licencier un salariĂ© en France qu'en Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas[2].

Le marchĂ© du travail est trĂšs actif : pour Pierre Cahuc[3] chaque jour environ 10 000 emplois sont dĂ©truits et 10 000 emplois sont crĂ©Ă©s. Ce phĂ©nomĂšne de destruction crĂ©atrice n’est pas spĂ©cifique Ă  la France. Pour Pierre Cahuc il y aurait quelque pertinence Ă  invoquer une loi des 15 % qui s’énoncerait de la maniĂšre suivante : « Ă  l’échelle d’une nation, chaque annĂ©e environ 15 % des emplois disparaissent et chaque annĂ©e environ 15 % d’emplois nouveaux apparaissent »[4]. NĂ©anmoins, la dualitĂ© mentionnĂ©e plus haut a conduit rĂ©cemment Claude Picart[5] Ă  diviser par deux les flux d'emplois estimĂ©s par Pierre Cahuc : la loi des 15 % valable aux États-Unis deviendrait en France celle des 7 Ă  8 %. Partant de ces constats, des Ă©conomistes insistent sur le fait que la persistance d'un taux de chĂŽmage Ă©levĂ© en France tient Ă  des problĂšmes structurels et rĂ©glementaires qui expliqueraient Ă©galement pour partie le faible dynamisme de la croissance française depuis 1994 (le taux de croissance français a Ă©tĂ© de 1994 Ă  2004 infĂ©rieur en moyenne de plus d’un point Ă  celui des États-Unis[6]).

Le traitement thĂ©orique du fonctionnement du marchĂ© du travail est fait par l’économie du travail, branche Ă  la fois macroĂ©conomique et microĂ©conomique.

Quelques données sur le marché du travail en France

La force de travail

Créations d'emplois salariés en France dans l'industrie (rouge), la construction (bleu) et le secteur tertiaire (jaune).

La population active (c’est-Ă -dire les personnes ayant un emploi et les personnes Ă  la recherche d’un emploi) constitue le facteur travail. La population active occupĂ©e, c'est-Ă -dire ayant un emploi compte 24,9 millions personnes en 2005, contre 22,3 millions en 1995, soit une augmentation d’environ 12 % en 10 ans (2,686 millions). Le nombre de chĂŽmeurs « au sens du BIT » est de 2,717 millions en 2005, contre 2,899 millions en 1995[7]. La majoritĂ© de cette croissance de l’emploi a eu lieu au cours de la derniĂšre pĂ©riode de taux de croissance du PIB Ă©levĂ©, en haut de cycle Ă©conomique, de 1997 Ă  2001 : 1,9 million d’emplois supplĂ©mentaires[8], soit environ 70 % de la progression. Comment se rĂ©partit la population active occupĂ©e et de quel potentiel de travail dispose la France ?

RĂ©partition du facteur travail

Entre 1954 et 2005, la part des agriculteurs dans la population active est passĂ©e de 26,7 % Ă  2,6 % et celle des entrepreneurs individuels de 12 % Ă  6,04 %. Aussi, de nos jours, les non-salariĂ©s reprĂ©sentent moins de 10 % de la population active. Les employĂ©s forment la catĂ©gorie socioprofessionnelle la plus importante (29,02 %) suivis des ouvriers (23,9 %), des professions intermĂ©diaires (23,06 %), des cadres supĂ©rieurs et professions libĂ©rales (14,7 %)[9]. En 2003, la France comptait 5 032 000 fonctionnaires (environ 20 % de la population active occupĂ©e) dont 2 543 000 dans la fonction publique d’État, 1 523 000 dans les collectivitĂ©s territoriales et 966 000 dans les Ă©tablissements hospitaliers[10].

Le potentiel de travail

La durée annuelle moyenne de travail des salariés en France est la deuxiÚme plus faible des pays de l'OCDE (aprÚs l'Allemagne), et inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE (en rouge).

En 2002, la durĂ©e annuelle de travail des employĂ©s en France Ă©tait une des plus faibles parmi les pays de l'OCDE, Ă  1 545 heures ; elle Ă©tait de 1 815 heures aux États-Unis, de 1 707 heures au Royaume-Uni (mais dans ce cas la part de l’emploi Ă  temps partiel Ă©tait plus forte qu’en France), de 1 444 heures en Allemagne, de 1 807 heures en Espagne[11]. ParallĂšlement, la France employait peu deux tranches d’ñge : les jeunes de 15 Ă  24 ans (en 2002, taux d’emploi de 23,3 % contre 55 % aux États-Unis, 61 % au Royaume-Uni, 36,6 % en Espagne) et les personnes de 55 Ă  64 ans (en 2002, taux d’emploi de 34,2 % contre 59,5 % aux États-Unis, 53,3 % au Royaume-Uni et de 39,7 % en Espagne). Si l’on ajoute que la France avait en 2002 un taux de chĂŽmage standardisĂ© de 8,7 % contre 5,8 % aux États-Unis et 5,1 % au Royaume-Uni, on peut dire que la France utilisait peu le potentiel de travail dont elle disposait.

La productivitĂ© justifie-t-elle cette modeste utilisation de la main-d'Ɠuvre ? Si l'on considĂšre la productivitĂ© par heure de travail, la France est quasiment championne du monde de la productivitĂ©, comme a pu l'Ă©crire un peu ironiquement le journal Les Echos[12]. Pour Gilbert Cette, la situation est plus complexe. Pour lui, notre bonne productivitĂ© horaire viendrait du faible nombre d’heures travaillĂ©es et de l’éviction du marchĂ© du travail des moins productifs, en particulier les plus jeunes et les plus ĂągĂ©s. Si l'on tenait compte de ces facteurs, la productivitĂ© horaire française serait plus faible que celle des États-Unis. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, pour cet auteur, la faible utilisation de la main-d’Ɠuvre et une productivitĂ© horaire structurelle plus faible expliqueraient que le PIB par habitant de la France soit de 25 % infĂ©rieur Ă  celui des États-Unis[13].

Le nombre d'emplois

Ce marché est lié à la création et à la destruction d'emplois.

Au bilan de l'annĂ©e 2014, l'INSEE annonce la destruction, en France, de 74 000 emplois[14].

En 2019, d'aprĂšs une Ă©tude de l'Observatoire des inĂ©galitĂ©s, quelque 5,4 millions d’emplois en France sont interdits aux immigrĂ©s non-europĂ©ens, soit plus d’un emploi sur cinq[15].

Chaque annĂ©e, environ 150 000 offres d’emplois ne trouveraient pas preneur, ce qui ne signifie pas qu’aucun candidat ne s’est prĂ©sentĂ© (les entreprises concernĂ©es reçoivent en moyenne 5 CV. D'aprĂšs des agents de PĂŽle emploi : « Pourquoi certaines offres d’emplois ne sont pas pourvues ? On le sait trĂšs bien. Parfois, les employeurs laissent l’annonce, mĂȘme s’ils ont trouvĂ© quelqu’un. Soit par nĂ©gligence, soit consciemment. Pour les boĂźtes d’intĂ©rim, cela fait un vivier Ă  intĂ©rimaires. Surtout, la plupart de ces annonces viennent de secteurs et mĂ©tiers qui ne paient pas. Les rĂ©munĂ©rations sont trop basses par rapport au niveau de qualification demandĂ©. Ou bien les temps de travail sont hyper-fractionnĂ©s, et trĂšs courts. » D'autre part, certaines annonces sont fantaisistes, voire illĂ©gales[16].

La rémunération du travail

La rémunération du travail sera étudiée selon deux grands axes : la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée et la répartition de la masse salariale entre les salariés.

La part de la rémunération dans la valeur ajoutée

La rĂ©munĂ©ration du travail au sens global rĂ©sulte du partage de la valeur ajoutĂ©e, c’est-Ă -dire de la rĂ©partition de la richesse produite par les entreprises. Outre l’entreprise elle-mĂȘme qui a besoin de garder une part de la richesse produite pour investir et se dĂ©velopper, quatre groupes d’agents Ă©conomiques se partagent cette richesse, par ordre d'importance : les salariĂ©s, les administrations publiques, les crĂ©anciers, et les actionnaires.

Dans les annĂ©es 1970, la part de la valeur ajoutĂ©e attribuĂ©e aux salariĂ©s est montĂ© Ă  des niveaux historiquement haut, notamment sous l'effet de la crise laminant les marges et les profits des entreprises et stimulant des politiques keynĂ©siennes de relance favorables aux salaires. Les effets dĂ©cevant de ces politiques ont conduit Ă  adopter dans les annĂ©es 1980 des politiques de "compĂ©titivitĂ©", ramenant la part de la valeur ajoutĂ©e attribuĂ©e aux salariĂ©s Ă  des niveaux plus habituels. Cette part, qui Ă©tait au dĂ©but des annĂ©es 1970 un peu infĂ©rieure Ă  70 %, a dĂ©passĂ© ce seuil de 1975 Ă  1985. Depuis cette date, elle oscille entre 66 % et 69 % de la valeur ajoutĂ©e[17]. D’aprĂšs les experts du CERC[18], la stabilitĂ© de la part des salaires dans la valeur ajoutĂ©e dans les annĂ©es 1993-2005, malgrĂ© l’introduction des trente-cinq heures, s’expliquerait par des gains de productivitĂ© horaire, par des allĂ©gements de cotisations patronales et par un ralentissement de la progression des salaires nets.

Ces évolutions à court et moyen terme du partage de la valeur ajoutée s'inscrivent dans la singuliÚre constance de cette valeur sur le long terme. En effet, les travaux empiriques menés par des économistes tels que Keynes ou plus récemment Thomas Piketty[19] montrent que celles-ci semble suivre une loi de répartition 2/3-1/3 en faveur des salaires depuis au moins un siÚcle.

Au sein de la rémunération du travail, on distingue trois grandes catégories : le salaire net, les cotisations "salariales" (qui, ajoutées au salaire net, forment le salaire brut), et les cotisations "patronales". La situation est complexe car les organismes sociaux[20] qui gÚrent les cotisations (sécurité sociale, Unedic) fournissent des services (assurance chÎmage, retraite, etc.) aux salariés, services qui constituent une forme de rémunération indirecte (notion de "salaire différé") et qui varient dans le temps.

Part dans la masse salariale des sociétés197019801990199520002005
Part des salaires nets71,1 %65,1 %60,4 %58,2 %59 %59,1 %
Part des cotisations salariales5,1 %9,1 %12,4 %14,6 %15,4 %16,1 %
Part des cotisations patronales23,3 %25,9 %27,2 %27,2 %25,6 %24,8 %
Source : Insee comptes nationaux et rapport du CERC de 2006

Entre 1970 et 2005, la part des cotisations salariales dont la rémunération est passée de 5,1 % en 1970 à 16,1 % en 2005. Cette hausse des cotisations sociales et donc à la protection sociale a résulté de l'adaptation du systÚme social à ses besoins de financement, que les problÚmes sur le marché de l'emploi ont aggravé (plus il y a de chÎmeurs et d'inactifs, moins il y a de cotisations et plus il y a de dépenses). Mais cette hausse, qui pÚse sur les coûts salariaux et donc sur l'offre d'emploi, a été perçue comme suffisamment défavorable à l'emploi pour qu'on développe des politiques d'"exonération de charges". La part des cotisations patronales, relativement stable, baisse depuis 1993 avec une forte décélération entre 1999 et 2000, sans doute liée à ces exonérations de charge.

Aussi, la part des salaires nets (c’est-Ă -dire l’argent dont dispose rĂ©ellement le salariĂ©) dans la rĂ©munĂ©ration globale, est passĂ©e de 71,1 % Ă  59,1 %, alors que le salaire brut Ă©voluait peu (de 76,2 % Ă  75,2 %).

Globalement, la part de la valeur ajoutée perçue directement par les salariés diminue depuis les années 1990, tandis qu'augmente celle des cotisations sociales perçues par les administrations publiques au sens large.

Des revenus du travail inégaux

La rĂ©partition des salaires est marquĂ©e par trois grandes tendances : d’une part, des salariĂ©s en nombre de plus en plus grand perçoivent une rĂ©munĂ©ration du travail qui se rapproche du SMIC (15,1 % des salariĂ©s Ă©taient payĂ©s au SMIC au (hors secteur agricole et interim)[21]) ; d’autre part, l’écart entre les trĂšs hauts cadres, appelĂ©s aux États-Unis CEO (Chief Executive Officer), et les autres employĂ©s s’accroĂźt ; enfin le phĂ©nomĂšne de travailleurs pauvres existe en France mais n’est pas liĂ© au niveau du salaire horaire, mais au faible temps de travail effectuĂ© (travail Ă  temps partiel). Selon l’Insee, « les inĂ©galitĂ©s de salaire journalier diminuent partout ou restent Ă  peu prĂšs stables. »[22].

En 2004, le salaire mĂ©dian mensuel Ă  temps complet (c’est-Ă -dire que la moitiĂ© des salariĂ©s Ă  temps complet percevait un salaire infĂ©rieur Ă  ce salaire, et l’autre moitiĂ© un salaire supĂ©rieur) s’élevait Ă  1 849 euros[23], tandis que le SMIC en 2006 Ă©tait de 1 254 euros[24]. Fin 2003, le salaire net mensuel moyen d'un employĂ© du privĂ© Ă©tait de 1 226 euros, celui d'un ouvrier de 1 326 euros. Dans le public, le salaire moyen mensuel d'un employĂ© et d'un ouvrier Ă©tait de 1 550 euros[25]. En 2006 si les revenus nets moyens des catĂ©gories ouvriĂšres et intermĂ©diaires de la fonction publique d'État et hospitaliĂšre (catĂ©gories B et C) restaient supĂ©rieurs Ă  ceux obtenus dans le privĂ©, les revenus des cadres de la fonction publique (catĂ©gorie A) Ă©taient, eux, infĂ©rieurs en moyenne Ă  ceux des cadres du privĂ©. Un des facteurs explicatifs est la comptabilisation du personnel enseignants, dont les revenus net annuels sont trĂšs infĂ©rieurs Ă  ceux des autres cadres de la fonction publique (2 319 euros net par mois contre 3 518 euros net par mois) dans la catĂ©gorie A de la fonction publique[26]. De 1998 Ă  2004, le salaire moyen net annuel a augmentĂ© de 0,6 % l’an en France contre 0,9 % en Allemagne. Les employĂ©s ont Ă©tĂ© les grands perdants, leur salaire annuel net moyen ayant rĂ©gressĂ© de 0,2 % l’an[27]. L’inflation ayant Ă©tĂ© sur la pĂ©riode supĂ©rieure Ă  l’augmentation des salaires nets moyens explique peut-ĂȘtre la trĂšs grande sensibilitĂ© des salariĂ©s Ă  la hausse des prix et leur sentiment de perte de pouvoir d'achat. Autre diffĂ©rence persistante, la diffĂ©rence de rĂ©munĂ©ration hommes / femmes. En 2000, le salaire moyen d'une femme travaillant Ă  temps complet reprĂ©sentait 81,6 % de celui des hommes[28].

En 1965, un CEO gagnait 25 fois le salaire moyen d’un ouvrier ; ce chiffre est passĂ© Ă  56 fois en 1989 et Ă  116 fois en 1997[29]. En 2005, le rapport entre un PDG et un salariĂ© serait aux États-Unis de 1 Ă  411[30]. En France[31], le rapport entre les rĂ©munĂ©rations annuelles en Ă©quivalent temps complet des 10 % les mieux payĂ©s et les 10 % les moins payĂ©s est de 3,4, un des taux les plus Ă©levĂ©s d’Europe : la SuĂšde est Ă  2 et le Royaume-Uni Ă  3,2[32]. Ces chiffres ne traduisent que partiellement la rĂ©alitĂ© : en effet, les Ă©carts se sont surtout accrus entre les salaires d’un tout petit nombre de dirigeants et les autres, phĂ©nomĂšne encore amplifiĂ© par les attributions de stock-options (processus qui permet au dirigeant d’acheter des actions Ă  bas prix pour l’intĂ©resser Ă  l'Ă©volution du cours de l'action de leur entreprise). Dans une Ă©tude rĂ©cente[33], portant sur la pĂ©riode 1966-2001, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, ont montrĂ© qu'aux États-Unis le revenu mĂ©dian a progressĂ© de 11 %, le revenu des 10 % les plus riches de 58 %, celui des 1 % les plus riches de 121 %, celui des 0,1 % les plus riches de 236 % et celui des 0,01 % les plus riches de 617 %.

En France, les 10 % de salariĂ©s aux revenus du travail les plus Ă©levĂ©s ont une durĂ©e annuelle de travail 3,3 fois supĂ©rieure Ă  celle des 10 % des salariĂ©s aux revenus les plus faibles. Ceux-ci ne travaillent en moyenne que 13 semaines par an contre 51 semaines pour les mieux payĂ©s ; de mĂȘme leur temps de travail hebdomadaire moyen est d’environ 22 heures contre 38 heures. Aussi, si en France le rapport des taux de salaire horaire est de 2,8, le rapport de revenu entre les 10 % de salariĂ©s les mieux payĂ©s et les 10 % les moins bien payĂ©s est de 13,4 du fait des diffĂ©rences de durĂ©e de travail. Ce rapport est encore plus marquĂ© (de 1 Ă  18) chez les femmes[34].

Selon Eurostat, l’office statistique de l’Union europĂ©enne, la part de femmes en activitĂ© professionnelle et pauvres en France est passĂ©e de 5,6 % Ă  7,3 % entre 2006 et 2017. l'ONG Oxfam France souligne que « La France compte plus de deux millions de travailleurs pauvres et traverse une crise sans prĂ©cĂ©dent de son modĂšle social. La situation est prĂ©occupante pour les femmes »[35].

Une forte segmentation Ă  la Doeringer et Piore

Les Ă©conomistes, Ă  la suite notamment des travaux de Doeringer et Piore de 1971, distinguent un secteur protĂ©gĂ© oĂč les salaires sont Ă©levĂ©s et les emplois stables et un second secteur oĂč les salaires sont plus faibles et les rotations d’emploi frĂ©quentes. Une des caractĂ©ristiques principales du secteur protĂ©gĂ© est la constitution en son sein d’un marchĂ© du travail interne (voir ThĂ©orie des insiders-outsiders).

En France, peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme faisant partie du secteur protĂ©gĂ© les fonctionnaires : fonction publique d'État, fonction publique territoriale (collectivitĂ©s territoriales) et fonction publique hospitaliĂšre. Ces secteurs offrent l'emploi Ă  vie pour les titulaires, favorisent la promotion interne (entre les catĂ©gories de fonctionnaire) et possĂšdent leurs propres systĂšmes de formation (pour les catĂ©gories A, les plus connues sont l'ENA, les Écoles de la SantĂ©, l'École nationale de la magistrature, et partiellement, les Écoles normales supĂ©rieures et l'École Polytechnique, etc.). Font Ă©galement partie du systĂšme protĂ©gĂ©, mais de façon moins parfaite, les employĂ©s des grandes entreprises françaises du CAC 40, qui pratiquent peu de grand plans sociaux de licenciement et privilĂ©gient la gestion du personnel sur la durĂ©e (par exemple, gel des embauches pendant quelques annĂ©es).

La question de savoir pourquoi de tels systĂšmes prennent naissance et perdurent a longtemps intriguĂ© les Ă©conomistes. Dans le cas français, marquĂ© par une longue tradition administrative, il semble trĂšs probable que la notion de salaire d’efficience liĂ©e au risque moral explique en partie les choses. En effet, quand la dĂ©cision d’un fonctionnaire peut engendrer des gains ou des pertes importants, il faut Ă©viter qu’il ne cĂšde Ă  la tentation d’éventuels corrupteurs. Il y a donc intĂ©rĂȘt Ă  le payer et Ă  lui assurer une carriĂšre qui le dissuade de cĂ©der aux tentations. Ayant peu de chances de trouver un emploi similaire qui, sur la durĂ©e, lui rapporte autant, tant pĂ©cuniairement qu’en termes de prestige social, il aura intĂ©rĂȘt Ă  rester honnĂȘte. Si cette explication semble valable pour l’administration des finances, qui a Ă©tĂ© longtemps une des matrices de l’administration française, elle semble peu pertinente pour ce qui constitue actuellement la majoritĂ© des emplois de la fonction publique. Dans ce cas, une autre version du salaire d’efficience semble plus pertinente. En effet, dans ces secteurs, les personnes travaillent en Ă©quipe et il est difficile d’observer leur productivitĂ©, par ailleurs il est requis assez souvent un travail en continu qui exige de ne pas recourir Ă  une grande rotation du personnel.

Par contre, la thĂ©orie du capital humain semble ne pas pouvoir rendre compte de cette diffĂ©renciation, les Ă©tudes n'ayant pas montrĂ© de diffĂ©rences notables entre les salariĂ©s des deux secteurs[36]. Si la notion de capital humain est peu explicative, il est remarquable, au niveau sociologique, que les personnes qui le peuvent vont mobiliser leur capital social pour rentrer dans les grandes Ă©coles administratives qui, en France, sont la voie d’accĂšs aux classes dirigeantes.

En gĂ©nĂ©ral un systĂšme dual semble conduire Ă  un chĂŽmage persistant[37]. Les salaires du secteur protĂ©gĂ© Ă©tant plus Ă©levĂ©s que ceux du second secteur, les gouvernements sont tentĂ©s d’agir sur le SMIC pour rĂ©duire les Ă©carts, mais ce faisant ils dĂ©truisent des emplois, les salariĂ©s apportant moins Ă  l'entreprise que le salaire minimum ne pouvant ĂȘtre embauchĂ©s. De plus, une hausse du SMIC entraĂźne Ă  son tour une hausse des salaires du secteur protĂ©gĂ©. Par ailleurs, des Ă©tudes[38] semblent montrer que le secteur protĂ©gĂ© prĂ©fĂšrerait embaucher des chĂŽmeurs plutĂŽt que des salariĂ©s du secteur secondaire ; aussi, ceux qui veulent vraiment intĂ©grer le secteur primaire paraissent avoir intĂ©rĂȘt Ă  se mettre sur liste d’attente en restant au chĂŽmage. Une Ă©tude rĂ©cente de l'Insee rĂ©alisĂ©e par Claude Picart[39] a montrĂ© que si le secteur protĂ©gĂ© Ă©tait aux yeux des salariĂ©s trĂšs attractif c'Ă©tait aussi celui qui crĂ©ait le moins d'emploi[40]. Par ailleurs, cette Ă©tude souligne que la flexibilitĂ© n'est pas Ă©galement partagĂ©e et qu'elle est supportĂ©e pour l'essentiel par les mĂȘmes personnes : 6 % des salariĂ©s effectuent 55 % des mobilitĂ©s individuelles[41].

Évolution des formes d'emploi salariĂ©

En 2005, 19,2 millions de personnes travaillaient en contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e (CDI), 1,7 million en contrat Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e (CDD) et 600 000 comme intĂ©rimaires[42]. La part des emplois Ă  durĂ©e limitĂ©e (intĂ©rimaires, contrats Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e, contrats aidĂ©es et apprentis) est passĂ©e de 3,9 % de l'ensemble en 1985 Ă  10,6 % en 2005[43].

La France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE (en rose) quant au nombre de salariés à temps partiel.
Part de temps partiel dans l'emploi en %AllemagneÉtats-UnisFranceRoyaume-Uni
Année 200521,8 %12,8 %13,6 %23,6 %
Source : Gilbert Cette, "Europe-États-Unis : qui est le plus productif ?" Alternatives Ă©conomiques, juillet-, p. 77

Évolution comparĂ©e des taux de chĂŽmage en France et dans d'autres pays

Taux de chĂŽmage en France, dans l’UE-15, et pour les pays du G7 donnĂ©es trimestrielles c.v.s. (corrigĂ©es des variations saisonniĂšres), 1967 - 2006. Source : OCDE.

Le taux de chĂŽmage traduit un dĂ©sĂ©quilibre sur le marchĂ© de travail : toute la main d'Ɠuvre disponible ne trouve pas Ă  s'employer ou refuse les emplois existants. Le graphique joint montre qu'Ă  partir de 1984, le taux de chĂŽmage en France s'Ă©loigne de celui du taux moyen de chĂŽmage de l'OCDE qui tend Ă  dĂ©croĂźtre.

Taux de chÎmage harmonisé19831985199019951997200020032006
Danemark8,4 %6,7 %7,2 %6,7 %5,2 %4,3 %5,4 %3,9 %
Allemagne8,1 %8,0 %7,8 %8,0 %9,3 %7,5 %9,3 %9,8 %
France7,7 %9,6 %8,5 %11,1 %11,5 %9,1 %9,5 %9,5 %
Royaume-Uni10,8 %11,2 %6,9 %8,5 %6,8 %5,3 %4,9 %5,3 %
Source : Eurostat, données annuelles. Consulté le .

La France, en 1983, avait un taux de chÎmage inférieur à celui du Danemark et du Royaume-Uni. Par contre à partir de la fin des années 1980, la situation s'inverse. Le Danemark et le Royaume-Uni devront attendre la seconde moitié des années 1980 pour passer sous le seuil de 6 %. La France, de son cÎté, a systématiquement, depuis la fin des années 1980, un taux de chÎmage supérieur à ces pays.

Les analyses du déséquilibre du marché du travail

Le marchĂ© du travail en France souffre d’un dĂ©sĂ©quilibre persistant qui se traduit par un chĂŽmage important, trĂšs largement au-dessus du chĂŽmage frictionnel (ou chĂŽmage de mobilitĂ©), c’est-Ă -dire de celui liĂ© au fait qu’il y a toujours un nombre important de personnes qui sont entre deux emplois. Les Ă©conomistes se sont interrogĂ©s sur les raisons pour lesquelles la France Ă©tait l’un des pays oĂč le taux de chĂŽmage ne semble pas pouvoir descendre au-dessous de 8,5 %. Cela les a amenĂ©s Ă  affiner leurs Ă©tudes et Ă  mieux prendre en compte les pratiques des pays oĂč le taux de chĂŽmage est plus faible.

Les barriĂšres Ă  l’entrĂ©e

DĂ©claration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et Ă©gaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent ĂȘtre fondĂ©es que sur l'utilitĂ© commune

Une barriĂšre Ă  l’entrĂ©e est un obstacle de nature soit juridique (numerus clausus, autorisation administrative d’exercer, licence, nombre d’annĂ©es d’études et sĂ©lection trĂšs poussĂ©e, monopole d’État...), soit Ă©conomique (nĂ©cessitĂ© de produire en grande quantitĂ© pour atteindre des Ă©conomies d’échelle), soit technologique (lorsqu’il est nĂ©cessaire de possĂ©der une technologie difficile d’accĂšs). Si les barriĂšres Ă  l’entrĂ©e sont faibles, il y aura sur le marchĂ© une plus grande concurrence qui favorisera non seulement la baisse des prix, mais aussi l’innovation et la productivitĂ© dont des Ă©tudes rĂ©centes[44] ont montrĂ© qu’elles avaient des effets positifs Ă  la fois sur l’emploi et sur les chances de survie des entreprises.

La France se heurte Ă  des problĂšmes de barriĂšres Ă  l’entrĂ©e, lointain avatar des privilĂšges et des corporations de l’Ancien RĂ©gime. En 1959, Jacques Rueff, mĂ©content que le plan de stabilisation Pinay-Rueff n’ait pas traitĂ© le problĂšme des « corporatismes intĂ©rieurs », reçut mission de rĂ©diger avec Louis Armand un « Rapport sur les obstacles Ă  l’expansion Ă©conomique » qui, si l’on en croit Chelini[45] ne fut guĂšre suivi. Dans leur Rapport au ministre de l’Économie et des Finances et de l'Industrie, et au ministre de l’Emploi, du Travail et de la CohĂ©sion sociale dit « Rapport Cahuc-Kramarz », Pierre Cahuc et Francis Kramarz ont, pour partie (car leur Ă©tude ne touche pas que ce problĂšme), Ă©tĂ© conduits aux mĂȘmes constats.

Les rapports rĂ©cents ont Ă©galement conduit Ă  constater que l’emploi dans les services Ă©tait plus faible en France qu’ailleurs. Cahuc et Kramarz[46] notent que si « la France avait le mĂȘme taux d’emploi que les États-Unis dans le commerce, l’hĂŽtellerie et la restauration, elle aurait 3,4 millions d’emplois supplĂ©mentaires ; la mĂȘme comparaison avec les Pays-Bas aboutit Ă  1,8 million d’emplois ». Pour expliquer ces diffĂ©rences, les auteurs mettent en exergue les rĂšglementations qui restreignent l’entrĂ©e dans ces secteurs. Pour la profession de chauffeur de taxis, soumise Ă  une licence, – et qui Ă©taient dĂ©jĂ  dans le collimateur de Jacques Rueff –, la situation est Ă  peu prĂšs identique. En Irlande qui, en 1999, Ă©tait dans une situation assez similaire Ă  celle de la France, une modification de la rĂ©glementation a permis de multiplier le nombre de taxis par 3,5 en moins de cinq ans[47].

Dans les services spĂ©cialisĂ©s d’avenir exigeant des savoir-faire Ă©levĂ©s et potentiellement crĂ©ateurs d’emplois de bons niveaux, la situation est la mĂȘme. Les professions juridiques sont trĂšs rĂ©glementĂ©es, ce qui pĂšse sur leur compĂ©titivitĂ©, sur l'innovation de leur offre et gĂȘne la constitution d'entreprises ayant la taille critique qui leur permettrait de concurrencer leurs homologues Ă©trangĂšres. Il en est de mĂȘme dans le domaine comptable, le diplĂŽme d'expert-comptable requiert de 7 Ă  8 ans contre 5 Ă  6 dans les autres pays. Un rapport de l’IHS (Institut fĂŒr Höhern Studien) pour la communautĂ© europĂ©enne a Ă©tabli un indicateur de barriĂšres Ă  l’entrĂ©e tenant compte des exigences de diplĂŽme, des voies d'entrĂ©e, des numerus clausus, de la possibilitĂ© de recourir Ă  la publicitĂ© etc. pour quelques professions. On peut voir, dans le tableau ci-dessous, que dans deux secteurs oĂč le Royaume-Uni dĂ©tient des positions fortes, la comptabilitĂ© et les professions juridiques, les barriĂšres Ă  l’entrĂ©e sont moindres qu’en France.

Indicateur des barriÚres à l'entrée pour quelques professions
PaysProfessions comptablesProfessions juridiquesArchitectesIngénieursPharmaciens
Allemagne6,16.54.57.45,7 %
France5,86,63,107,3
Italie5,16,46,26,48,4
Royaume-Uni3,04.0004.1
SuĂšde3,32,40012
Sources : IHS et Cahuc & Kramarz, 2004, p. 87

Dans le domaine du commerce, le rapport Cahuc & Kramarz[44] cite une Ă©tude de Marianne Bertand et Francis Kramarz[48] ainsi que des articles d’auteurs de diffĂ©rents pays tendant Ă  montrer qu’une plus grande ouverture des hypermarchĂ©s est Ă  la fois crĂ©atrice de plus d’emplois et de baisse des prix. Ici, ce qui est trĂšs clairement visĂ©, c’est la loi Royer de 1973 qui d'aprĂšs ces Ă©conomistes aurait coĂ»tĂ© 1 300 emplois par an. Par ailleurs, on estime que la loi Galland a conduit Ă  un surplus d'inflation de 0,1 Ă  0,2 point par an[49] (voir Secteur de la grande distribution).

Le rapport Camdessus est en gĂ©nĂ©ral moins explicite que le rapport Cahuc & Karmarz sur les points que nous venons d’aborder. Par contre, il Ă©voque un sujet qui avait donnĂ© lieu au dĂ©but des annĂ©es 1960 Ă  une forte opposition entre Jacques Rueff et Wilfrid Baumgartner, alors gouverneur de la Banque de France[50] : l’élimination des distorsions sur les marchĂ©s bancaires et financiers. Si la libĂ©ralisation financiĂšre a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© effectuĂ©e dans les annĂ©es 1980, il resterait, selon les rapporteurs, Ă  mieux drainer l'Ă©pargne vers le capital-risque en supprimant les distorsions fiscales qui la poussent vers les placements obligataires.

Le salaire minimum en France

En France, le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) a été créé le . Son montant était fixé par la commission supérieure des conventions collectives. Il a été remplacé, le , par le Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) fixé par le gouvernement.

Depuis l’article de Stigler de 1946[51], les Ă©conomistes connaissent les avantages et inconvĂ©nients d’un salaire minimum horaire, les Ă©tudes rĂ©centes n’ayant modifiĂ© qu’à la marge les conclusions de cet article. Dans un marchĂ© de concurrence pure et parfaite, pour attirer de la main-d'Ɠuvre les employeurs seraient obligĂ©s de fixer des taux de salaire pratiquement Ă©gaux Ă  la productivitĂ© des salariĂ©s qu’ils recrutent. Mais dans la rĂ©alitĂ©, comme chercher du travail demande des efforts et du temps, les salariĂ©s ne sont pas Ă  mĂȘme de nĂ©gocier au mieux leur salaire, aussi l’entreprise peut les rĂ©munĂ©rer Ă  un taux qui peut ĂȘtre assez largement infĂ©rieur[52] Ă  leur productivitĂ©. Dans ce cas, le salaire minimum horaire contribue Ă  rĂ©duire l'Ă©cart et incite un plus grand nombre de personnes Ă  venir sur le marchĂ© du travail ce qui est positif pour la croissance Ă©conomique. Par contre si le taux de salaire horaire est fixĂ© plus haut que la productivitĂ© des salariĂ©s, alors les entreprises auront tendance Ă  licencier ces personnes ou Ă  ne pas les embaucher. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, la situation Ă©tait assez diffĂ©rente sur ce point en France et aux États-Unis.

En France, il n’existe pas de statistiques sur ce que pensent les Ă©conomistes sur certaines questions clĂ©s comme aux États-Unis. Mais la lecture d’études semblait montrer qu’un nombre important d’économistes reconnus avaient tendance Ă  considĂ©rer qu’en France ce seuil a Ă©tĂ© largement dĂ©passĂ©. Cahuc et Zylberberg[53] notaient en 2004, qu’en France, en , en tenant compte des allĂ©gements de charges, le coĂ»t du travail horaire au niveau du salaire minimum Ă©tait de 65 % supĂ©rieur Ă  celui des États-Unis. L’Insee a montrĂ© en 2000 qu’« une augmentation de 10 % du Smic dĂ©truirait environ 290 000 emplois [...] Ă  long terme »[54].

Un niveau Ă©levĂ© du salaire horaire minimum a l’avantage de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s des salariĂ©s travaillant Ă  temps plein. En France, le rapport entre les salaires entre les 10 % de salariĂ©s Ă  temps plein les mieux payĂ©s et les 10 % les moins bien payĂ©s est passĂ© de 3,5 en 1950 Ă  4,1 en 1966, puis Ă  2,8 en 2002, alors qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, il est passĂ© de 3,5 en 1982 Ă  4,3 en 1995[55]. Par contre, en France le nombre de chĂŽmeurs est plus Ă©levĂ© et les experts du CERC notent que les salariĂ©s ayant les revenus annuels les plus bas travaillent trĂšs peu de temps par an, ce qui fait que les diffĂ©rences de revenus ne sont pas de 1 Ă  2,8 mais de 1 Ă  13, comme nous l’avons dĂ©jĂ  vu. Des Ă©conomistes, et l’OCDE, soulignent que les inĂ©galitĂ©s de revenus peuvent ĂȘtre corrigĂ©es d’une meilleure maniĂšre, au moyen de versement de revenu complĂ©mentaire comme la prime pour l'emploi (PPE) ou le Revenu de solidaritĂ© active (RSA), sans provoquer les effets nĂ©gatifs d’un salaire minimum trop Ă©levĂ© qui bride la crĂ©ation d’emplois.

Pour Ă©viter que les hommes politiques Ă©lus ne soient tentĂ©s de monter le SMIC au-dessus du taux de productivitĂ© des salariĂ©s, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait envisagĂ© d’en donner la gestion Ă  une autoritĂ© indĂ©pendante. En effet, la faiblesse et la dĂ©magogie des hommes politiques fait intervenir ceux-ci au moyen de « coup de pouce » plus souvent qu'une bonne gestion des choses ne l'exigerait. À nouveau, Nicolas Sarkozy envisage en 2007 de confier la fixation du SMIC Ă  une autoritĂ© indĂ©pendante, Ă  l’image de la Low pay commission britannique.

Segmentation contrats à durée déterminée, contrats à durée indéterminée et contrat unique

Les usines du Creusot

Dans la thĂ©orie des marchĂ©s contestables, deux problĂšmes se posent pour qu’un marchĂ© soit concurrentiel : les barriĂšres Ă  l’entrĂ©e et les barriĂšres Ă  la sortie. Les barriĂšres Ă  la sortie, dans le cas de l’industrie, ce sont les coĂ»ts irrĂ©cupĂ©rables que doit supporter une entreprise dans le cas oĂč elle quitte le marchĂ©. La notion de barriĂšres Ă  la sortie appliquĂ©e au marchĂ© du travail conduit Ă  montrer que le coĂ»t du licenciement, lors de la sortie du salariĂ©, pĂšse sur les embauches que rĂ©alisent les entreprises. Cette idĂ©e sous-tend, nous semble-t-il, le travail pionnier en France d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole. Pour eux, la dualitĂ© contrat Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e (CDD), contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e (CDI) proviendrait d’un effet de seuil « c’est-Ă -dire [de] l’augmentation des coĂ»ts de la protection de l’emploi[56] » qui, dans leur modĂšle, semble essentiellement venir des coĂ»ts inhĂ©rents aux procĂ©dures longues et lourdes des licenciements Ă©conomiques (« incertitude juridique »). Leur solution est double. D’une part, le juge n’interviendrait plus dans les licenciements Ă©conomiques, les salariĂ©s touchant uniquement les allocations chĂŽmage, auxquelles ils ont droit, d’un organisme Ă©galement chargĂ© de les aider Ă  se reclasser. D’autre part, pour responsabiliser les entreprises et pour leur faire supporter une partie des coĂ»ts qu’elles font supporter Ă  la collectivitĂ©, celles-ci devraient verser dans ces cas un supplĂ©ment de cotisations.

Cette idĂ©e sera reprise et modifiĂ©e dans le rapport Cahuc Kramarz de 2004. Ces auteurs notent que les lois sur les licenciements collectifs sont souvent dĂ©tournĂ©es et qu’elles ne bĂ©nĂ©ficient qu’à ceux qui sont les mieux informĂ©s des procĂ©dures. Cela les amĂšne Ă  vouloir fiscaliser et d’une certaine maniĂšre Ă  Ă©tatiser la gestion du chĂŽmage ou de la pĂ©riode de transition entre deux emplois lĂ  oĂč le rapport Blanchard Tirole suggĂ©rait des modes de gouvernance plus innovants. Par ailleurs, Cahuc et Karmarz proposent qu'en cas de licenciement une indemnitĂ© soit versĂ©e au salariĂ© et que parallĂšlement l'entreprise s'acquitte d’une contribution de solidaritĂ© proportionnelle Ă  la rĂ©munĂ©ration totale perçue entre la date de signature du contrat et la date de rupture. LĂ  aussi, on peut prĂ©fĂ©rer l’idĂ©e suggĂ©rĂ©e, mais non retenue in fine par le rapport de Blanchard et Tirole, d’un taux de cotisation variable suivant les entreprises, un peu Ă  la maniĂšre de ce qui existe en France en matiĂšre de cotisation d’accidents du travail. C’est dans cette version que les experts du CERC[57] estiment intĂ©ressante la proposition de Blanchard et Tirole.

Le point faible de ces rapports rĂ©side dans le fait que s’ils examinent les licenciements pour faute des salariĂ©s et les licenciements Ă©conomiques, ils oublient les licenciements arbitraires. Aussi, trĂšs vite les juristes vont mettre en garde contre l’abandon du contrĂŽle judiciaire sur le motif rĂ©el et sĂ©rieux du licenciement et rappeler l’existence de norme juridique internationale. Les rapporteurs du CERC[58] seront Ă©galement trĂšs rĂ©servĂ©s sur la notion de contrat unique et prĂ©fĂšreront, dans une dĂ©marche voisine mais diffĂ©rente, prĂ©coniser un rapprochement des droits associĂ©s aux diffĂ©rents contrats.

Ces travaux semblent avoir partiellement Ă©tĂ© Ă  l'origine du Contrat premiĂšre embauche (CPE) et du Contrat nouvelles embauches (CNE). Concernant la dualitĂ© contrat Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e, contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e deux grandes courants de pensĂ©e, assez proches par ailleurs, semblent s’affronter. D’un cĂŽtĂ© les partisans du contrat unique, souvent des Ă©conomistes et d’un autre cĂŽtĂ© ceux qui tels les rapporteurs du CERC (plus proches des syndicats) et certains juristes voudraient resserrer l’utilisation des CDD, notamment des CDD d’usage, et amĂ©liorer les CDD sur le plan de la protection sociale, de la formation et de l’accĂšs au logement.

Incitations et aides au retour à l’emploi

Un des problĂšmes en France est le faible diffĂ©rentiel qui peut exister parfois entre les revenus issus des transferts sociaux que l’on touche hors activitĂ© et les salaires d'activitĂ© les plus bas, menant Ă  des trappes Ă  inactivitĂ©. Une enquĂȘte de l’Insee montre que, parmi les personnes qui ont repris une activitĂ©, 11 % des personnes interrogĂ©es rĂ©pondent avoir perdu financiĂšrement Ă  occuper un emploi et 21 % rĂ©pondent que leur situation est identique[59].

La prime pour l’emploi (PPE) crĂ©Ă©e en visait Ă  Ă©viter ce piĂšge Ă©conomique. Toutefois, par rapport aux dispositifs Ă©trangers, ce systĂšme serait complexe, peu lisible par les bĂ©nĂ©ficiaires et peu incitatif, car pas assez ciblĂ© sur les populations en ayant le plus besoin : les foyers avec un ou plusieurs enfants[60]. Concernant l’indemnisation du chĂŽmage, une Ă©tude[61] montre que le taux de reprise d’emplois entre 1986 et 1992 s’accĂ©lĂšre Ă  la fin de la pĂ©riode d’indemnisation ou lorsque celle-ci commence Ă  baisser, ce que confirme les expĂ©riences Ă©trangĂšres.

Deux propositions s'opposent à ce sujet: d'un cÎté, certains préconisent des sanctions et des contrÎles de recherche d'emploi, et des aides liées à la recherche d'emploi (telles que le RSA de Martin Hirsch); de l'autre, certains préconisent de mettre en place une allocation universelle, inconditionnée, à la fois pour des motifs d'ordre économique et de justice.

Travail et croissance

La croissance potentielle[62], c’est-Ă -dire la croissance qu’une Ă©conomie est capable de soutenir sans tensions correctrices, est dĂ©terminĂ©e par les facteurs travail et capital. Des Ă©tudes menĂ©es Ă  la fin des annĂ©es 1950 et au dĂ©but des annĂ©es 1960 par Robert Solow (voir modĂšle de Solow) aux États-Unis et par Jean-Jacques CarrĂ©, Paul Dubois et Edmond Malinvaud ont montrĂ© que de 1951 Ă  1969 les facteurs travail et capital productif n’expliquaient que 2,6 % des 5 % de croissance[63]. Le surplus vient d'une troisiĂšme composante, appelĂ©e parfois facteur rĂ©siduel ou productivitĂ© globale des facteurs, constituĂ©e du progrĂšs technique, de l’amĂ©lioration de la gestion des entreprises et des Ă©conomies, et du capital humain. Ces Ă©tudes ont conduit les Ă©conomistes Ă  s'intĂ©resser davantage au progrĂšs technique et plus gĂ©nĂ©ralement Ă  ce troisiĂšme facteur. C'est dans ce cadre qu'a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e, depuis la fin des annĂ©es 1970, la thĂ©orie de la croissance endogĂšne. Ici, le progrĂšs technique n'est plus considĂ©rĂ© comme une donnĂ©e exogĂšne, mais au contraire comme une donnĂ©e endogĂšne, c’est-Ă -dire dĂ©pendant Ă  la fois d’investissements dans l'Ă©ducation des individus (Robert Lucas) et de dĂ©penses faites en matiĂšre de recherche et dĂ©veloppement (Robert Barro) et d'infrastructures. Ces thĂ©ories (croissance endogĂšne et thĂ©orie plus classique - capital, travail - dont elle est, pour partie, un raffinement) sous-tendent les trois grands axes de rĂ©flexion actuels sur le travail : le problĂšme de la quantitĂ© de travail, la formation de la main-d'Ɠuvre et enfin le problĂšme du lien entre travail et progrĂšs technique. La qualitĂ© des insitutions (respect de l’État de droit, efficacitĂ© des administrations, lutte contre la corruption, dialogue social...) est Ă©galement Ă©voquĂ©e comme favorisant la croissance, et expliquant le sous-dĂ©veloppement des Pays en dĂ©veloppement (voir Économie des institutions).

Croissance potentielle et force de travail

Si, de nos jours, les Ă©conomistes et les politiques sont tellement focalisĂ©s par la croissance potentielle, comme en tĂ©moignent les nombreux rapports disponibles dont certains (Rapport du CERC de 2006, Rapport rĂ©alisĂ© par un groupe de travail dirigĂ© par Michel Camdessus) ont Ă©tĂ© faits de façon bipartisane[64], c’est que la France dĂ©croche en matiĂšre de croissance vis-Ă -vis des autres pays de l’OCDE. De 1993 Ă  2005, le taux moyen de croissance de la France a Ă©tĂ© de 2,1 % par an contre 2,9 % au Royaume-Uni et 3,2 % aux États-Unis[65]. Si l’on calcule l’évolution du PIB de 1994 Ă  2004, celui des États-Unis a augmentĂ© de 45 % environ et celui de la France de 25 %, soit un Ă©cart de 20 points[6].

Le rapport Camdessus[66] est pessimiste sur la croissance potentielle en France qu’il voit passer, si rien n'est fait, de 2,25 % Ă  1,5 % ou 1,75 % par an, d'ici dix ans. Deux causes majeures sont avancĂ©es pour expliquer le dĂ©crochage de la croissance en France : le dĂ©ficit de travail et le poids et l’inefficacitĂ© de la sphĂšre publique[67]. Concernant le premier point, ce rapport marque un tournant dans l’approche, par des personnes proches des sphĂšres du pouvoir, du problĂšme de l’emploi[68]. En effet, alors que jusque-lĂ  le chĂŽmage Ă©tait vu comme une fatalitĂ© rĂ©sultant d’un excĂšs de main-d'Ɠuvre par rapport aux besoins, ici, comme chez Gilbert Cette, c’est le manque de main-d'Ɠuvre au travail qui explique en partie l'Ă©cart de croissance de la France par rapport Ă  d'autres grands pays industriels. Il s'agit lĂ  d'une inflexion forte dans l'approche du travail en France. En effet jusque lĂ , les politiques de l'emploi peu ou prou reposaient sur l'approche en termes de masse fixe de travail connue sous le nom de sophisme d'une masse fixe de travail (en anglais : lump of labour fallacy) qui veut que dans un pays il y ait une quantitĂ© d’emplois dĂ©terminĂ©e et fixe de travail qu’il conviendrait de partager au mieux. C'est ainsi qu'en France on a longtemps tendu Ă  Ă©loigner du marchĂ© du travail les plus jeunes et les plus ĂągĂ©s ainsi qu’à rĂ©duire le temps de travail, par exemple par le passage aux 35 heures[69].

Si l’on s’interroge sur les raisons de ce revirement, il faut certainement tenir compte des performances dĂ©cevantes, tant en termes de chĂŽmage que de croissance, des politiques suivies en France comparĂ©es aux rĂ©sultats obtenus par les autres grands pays industriels (Allemagne exceptĂ©e, mais depuis ce pays a changĂ© de cap Ă  partir du mandat du chancelier Gerhard Schröder, et par ailleurs le pays a dĂ» affronter la rĂ©unification qui a lourdement pesĂ© sur la croissance et les finances publiques). Quoi qu’il en soit, ce rapport semble en phase avec l'analyse de nombreux Ă©conomistes tels que Paul Krugman[70] ou Pierre Cahuc[71], mĂȘme si certains altermondialistes tel RenĂ© Passet[72], sont trĂšs critiques. En fait, l’opposition vient du sens de la corrĂ©lation : est-ce que le plein emploi vient de la croissance ou est-ce que la mise en activitĂ© de plus de personnes entraĂźne la croissance ?

De nos jours, la thĂšse selon laquelle l’emploi total dĂ©pend de la population qui souhaite travailler a largement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e par les faits. Souvent sont citĂ©s en exemples, l’arrivĂ©e des rapatriĂ©s d’AlgĂ©rie en France ou l’afflux d’immigrants cubains en Floride (exode de Mariel[73]) sont deux arrivĂ©es importantes de main-d'Ɠuvre n’ayant pas conduit Ă  une hausse du chĂŽmage. Un article d’Angrist et Kugler (2003), comparant les effets d’un afflux d’immigrĂ©s aux États-Unis et en Allemagne, montre qu’ils ont des effets diffĂ©rents et moins favorables en Europe du fait du degrĂ© de protection de l’emploi et de rigiditĂ©s dans le secteur productif marchand[74].

Certains Ă©conomistes[75] raisonnant dans le cadre prĂ©cĂ©dent, montrent que la diminution de la population française en Ăąge de travailler Ă  partir de 2006-2008 ne permettra pas, Ă  elle seule, de faire diminuer le chĂŽmage, puisque la diminution de main-d'Ɠuvre devrait entraĂźner une diminution d'emplois.

Travail et Formation

Bùtiment universitaire place du Panthéon (Paris I et Paris II)

Pour les nouvelles thĂ©ories de la croissance, la formation et les savoir-faire sont devenus des atouts trĂšs importants, Ă  la fois pour la croissance Ă©conomique et au niveau individuel pour trouver un travail. Des Ă©conomistes Theodore W. Schultz et Gary Becker ont Ă©laborĂ© la notion de capital humain pour souligner l’importance pour une personne d’investir dans sa propre formation. Mais, la volontĂ© ne suffit pas, il faut aussi des structures adaptĂ©es. Si la France consacre des moyens importants Ă  l’enseignement primaire et secondaire (4,2 %) du PIB en 2002 — en Europe seule la SuĂšde fait mieux (4,6 %) —, en revanche elle ne consacre que des moyens relativement modestes Ă  l’enseignement supĂ©rieur et l’universitĂ© semble ĂȘtre le parent pauvre. Globalement les Ă©tablissements supĂ©rieurs français sont mal situĂ©s dans les classements internationaux des centres d'enseignement supĂ©rieur (comme le classement de Shanghai). Cette situation est dramatique lorsqu’une majoritĂ© d’économistes voient dans le progrĂšs technique et l’économie de la connaissance[76] un des moteurs principaux de la croissance et de la richesse des pays. Globalement, le secteur de l’enseignement supĂ©rieur est entrĂ© dans une phase de rĂ©flexion sur la maniĂšre de mieux assurer ses missions et d’atteindre un meilleur rang mondial. Toutefois, son cloisonnement et sa spĂ©cialisation trĂšs poussĂ©e, entre d’une part l’universitĂ© destinĂ©e Ă  fournir des chercheurs et un personnel spĂ©cialisĂ© et d'autre part les grandes Ă©coles destinĂ©es Ă  former des ingĂ©nieurs et des dirigeants ne semble pas favoriser l’interdisciplinaritĂ© nĂ©cessaire Ă  la recherche et Ă  la sociĂ©tĂ© de l’innovation.

Travail et progrĂšs technique

En gĂ©nĂ©ral, pour les Ă©conomistes, le progrĂšs technique dĂ©truit Ă  court terme des emplois dans un secteur, car il est fait appel Ă  moins de main-d’Ɠuvre pour produire une mĂȘme quantitĂ© de biens ou services. Par contre, Ă  long terme et dans l’économie en gĂ©nĂ©ral, le progrĂšs technique est crĂ©ateur d’emplois[77]. En effet, les gains induits par la hausse de la productivitĂ© sont partagĂ©s (fordisme) entre les entreprises, les salariĂ©s qui voient leur salaire augmenter et les consommateurs qui voient le prix des produits baisser (voir par exemple sur ce point la baisse des prix, ces derniĂšres annĂ©es, des ordinateurs portables). Ce mĂ©canisme conduit Ă  une hausse de la demande et donc Ă  la mise en Ɠuvre de nouvelles unitĂ©s de production qui induit Ă  son tour une hausse de la demande de travail.

Par ailleurs, le progrĂšs technique conduit Ă  l’apparition de nouveaux secteurs comme le montre au cours des annĂ©es 2000 le dĂ©veloppement du secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC). Les nouveaux produits et la maĂźtrise de nouvelles technologies sont importants pour maintenir de hauts salaires Ă  ceux qui travaillent, et joue un rĂŽle sur la compĂ©titivitĂ© des produits français. Rappelons ici que de 2000 Ă  2005 le commerce extĂ©rieur a fait perdre en moyenne 0,5 point de croissance annuelle, alors qu’il en a fait gagner 1 Ă  l’Allemagne[78]. Une consĂ©quence du progrĂšs technique est qu'une partie de la main-d’Ɠuvre doit passer d’un secteur Ă  l’autre, phĂ©nomĂšne que Alfred Sauvy a appelĂ© la thĂ©orie du dĂ©versement. Ces mutations impliquent que les salariĂ©s soient formĂ©s tout au long de leur vie et que les jeunes reçoivent des formations adĂ©quates, ce que tentent de faire le systĂšme scolaire et les organismes de formation continue et de soutien aux chĂŽmeurs.

Université Stanford : vue du campus.

En France et en Europe[79] hors SuĂšde et Danemark, la recherche est un peu nĂ©gligĂ©e et le lien recherche-entreprise qui permet de profiter Ă  plein du progrĂšs technique est usuellement considĂ©rĂ© comme n'Ă©tant pas ce qui se fait de mieux. Le CNRS est vu comme trop rigide. D’une façon gĂ©nĂ©rale, l’effort de recherche et dĂ©veloppement en France est supĂ©rieur Ă  celui de l’Union Ă  15 (2,2 % du PIB en 2004 contre 1,9 %), mais loin des pays comme la SuĂšde (3,7 % du PIB) ou la Finlande (3,5 % du PIB), deux pays qui ont connu de 1993 Ă  2005 une forte croissance[80]. Pour faire Ă©voluer les choses, l'Union EuropĂ©enne a dĂ©fini en 2000 la stratĂ©gie de Lisbonne qui vise Ă  faire en 2010 de l’Europe « l’économie de la connaissance la plus performante et la plus dynamique du monde ». Pour l'instant, le bilan est pour le moins dĂ©cevant pour la France.

En France, la rĂ©flexion sur ce point a commencĂ© un peu plus tard et a dĂ©bouchĂ© sur la mise en place, dans une vision trĂšs dirigiste, de pĂŽles de compĂ©titivitĂ© qui visent Ă  mieux intĂ©grer les universitĂ©s dans le tissu Ă©conomique de maniĂšre qu’elles aient un rĂŽle d’entraĂźnement similaire Ă  celui de l’UniversitĂ© Stanford sur la Silicon Valley. Pour l'heure, ces pĂŽles semblent pĂ©nalisĂ©s par la tradition Ă©tatique française oĂč la haute fonction publique ne se perçoit pas comme servant de soutien technique Ă  la sociĂ©tĂ© mais comme Ă©tant son guide, ce qui crĂ©e des tensions[81] entre les reprĂ©sentants de l'État et les autres partenaires.

La qualité de vie au travail

C'est un sujet dont s'occupe dans les grandes entreprises les CHSCT. L'apprĂ©ciation de la qualitĂ© de vie au travail est partiellement subjective. Elle varie selon les mĂ©tiers, les contextes (modĂšles d’organisation du travail notamment). Elle a Ă©voluĂ© dans le temps.
L'Ă©panouissement au travail dĂ©pend de nombreux facteurs, dont le sens donnĂ© au travail, plus ou moins perçu ou partagĂ© par le travailleur, la charge de travail[82], le rythme de travail[83], la plus ou moins grande pĂ©nibilitĂ© du travail, la charge mentale[84] - [85] - [86], les craintes sur l'avenir de son emploi[87], les risques professionnels et risques psychosociaux[86], une « reconnaissance» de soi et du travail bien fait, par les tiers et la collectivitĂ©, juste rĂ©munĂ©ration[88] ; l'absence d'ordres contradictoires[89], une certaine autonomie ou « latitude dĂ©cisionnelle » et possibilitĂ© de crĂ©ativitĂ© (possibilitĂ© d'explorer, apprendre, dĂ©velopper, appliquer et lĂ©guer des savoirs et savoir-faire
 Des indicateurs de santĂ© au travail, les statistiques d'accidents du travail ou concernant le taux de suicide par mĂ©tier, ou encore les enquĂȘtes faites par les sociologues, sociopsychologues ou psychologues du travail apportent des donnĂ©es plus objectives.
Au dĂ©but du XXIe siĂšcle en France, selon les statistiques disponibles : 1/5 des salariĂ©s disposait Ă  la fois de temps, d’informations claires, de possibilitĂ© de coopĂ©rer, de collĂšgues disponibles, d'un matĂ©riel et d’une formation adaptĂ©e[90], et 13 % des salariĂ©s disaient travailler « d’une façon qui heurte leur conscience professionnelle » (Samotrace 2009).

Les salariĂ©s sont de plus en plus nombreux Ă  se rendre au travail malgrĂ© des problĂšmes de santĂ© physique ou mentale. La France est le pays d’Europe au taux de prĂ©sentĂ©isme le plus Ă©levĂ©[91].

La sociologue Isabel Boni-Le Goff observe que dans certaines professions (hĂŽtesse de l’air, rĂ©ceptionniste, etc) les salariĂ©es doivent rĂ©aliser « une performance de genre Ă©rotisĂ©e pour construire une relation privilĂ©giĂ©e avec des clients qui sont plutĂŽt des hommes», ce qui peut notamment se traduire par le port imposĂ© des talons. « Plus on est en bas de l’échelle sociale, plus ces attentes sont sexistes et contraignantes », ajoute-elle. En France, le code du travail ne contient aucun article interdisant Ă  un employeur d’obliger une salariĂ©e Ă  porter des talons[92].

Notes et références

  1. Francesco Giavazzi, Alberto Alesina, « Le libĂ©ralisme est-il de gauche ? », Telos (« lire en ligne »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)).
  2. « Les recettes du vieux monde en Ă©chec », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. Cahuc, 2005, p. 17
  4. Cahuc, 2005, p. 19
  5. Picart, 2007, p. 7-9
  6. Camdessus, 2004, p. 242
  7. Alternatives économiques no 70, 4°trimestre 2006, p. 94
  8. Rapport du CERC, 2006, p. 80
  9. (chiffres : Clerc, 2004, p. 92 et France portail social 2005/2006, Insee)
  10. (Chiffres : Delberghe, 2006, p. 9)
  11. chiffres : Cette, 2005
  12. Les Échos du 7/11/2005, article de Jean-Marc Vittori, « La productivitĂ© française une lĂ©gende Ă  revisiter »
  13. « Ainsi, l'Ă©cart d'environ 25 % du PIB par habitant de la France ou de l'Union europĂ©enne par rapport aux États-Unis s'explique, pour respectivement 5 Ă  10 points et 15 Ă  20 points, par une productivitĂ© horaire structurelle plus faible, le reste de l'Ă©cart venant d'une durĂ©e du travail et d'un taux d'emploi plus faibles » (Cette, 2005, p. 16)
  14. LibĂ©ration Destruction de 74 000 emplois en 2014 http://www.liberation.fr/economie/2015/03/11/en-2014-74-000-emplois-ont-ete-detruits-en-france_1218655
  15. « En France, les pauvres vivent 13 ans de moins que les riches », sur www.lefigaro.fr,
  16. Nolwenn Weiler, « Vacances aux Bahamas, chÎmage mieux rémunéré que le travail : des agents PÎle emploi répondent aux clichés », sur Bastamag,
  17. Chiffres : rapport du CERC, 2006, p. 43-46
  18. Rapport du CERC no 7, 2006, p. 43
  19. Piketty T. Les hauts revenus en France au XXe siĂšcle. 2001. Grasset. p. 59
  20. gĂ©rĂ©s par les partenaires sociaux (patrons et syndicats) sous tutelle de l’État
  21. « SynthĂšses premiĂšres informations »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), DARES, mars 2007
  22. « Le revenu salarial et ses composantes, Ă©volution et inĂ©galitĂ©s de 1978 Ă  2005 », Les salaires en France - Édition 2007, p. 46, Insee
  23. Les salaires dans les entreprises en 2004 Julien Pouget et Anne Skalitz, dĂ©partement de l’Emploi et des revenus d’activitĂ©, Insee
  24. (Chiffres : Alternatives économiques no 70, 4°trimestre 2006, p. 11)
  25. Guibert & Mercier, 2006, p. 44
  26. Comparaison de rémunération entre cadres du public et du privé iFRAP (lire en ligne).
  27. Le Monde du 29-09-07," L’augmentation des salaires en France ne profite pas aux employĂ©s"
  28. Dorival Camille, "Salaires hommes-femmes : le grand écart", Alternatives économiques no 233 février 2005, p. 31
  29. Lionel Steinmann, L’Expansion du 6 au 19 janvier 2000
  30. Article de Maguy Day, Le Monde du 1er septembre 2006
  31. Article de Lucie Robequain, Les Echos du 20 novembre 2006
  32. CERC, 2006, p. 111
  33. Thomas Piketty et Emmanuel Saez, The Evolution of Top Incomes, Working Paper, 2006, National Bureau of Economic Research, nous sommes partis du compte rendu d’Eric Le Boucher dans l’article du Monde des 11&12 mars 2007, Le Vainqueur prend tout. Dans ce mĂȘme article, le lecteur peut lire que les 0,1 % les plus riches aux États-Unis possĂšdent 5 % de la richesse du pays contre 0,5 % en 1971 et 4,5 % en 1916
  34. Chiffres, CERC, 2006, p. 118-119
  35. « Les « travailleuses pauvres » sont de plus en plus nombreuses », sur La Croix, (consulté le )
  36. Perrot, 1998, p. 95
  37. Perrot, 1998, p. 96
  38. Sur ces points, voir Les nouvelles théories du marché du travail, Anne Perrot, p. 99-104
  39. Picart, 2007, p. 31
  40. Picart, 2007, p. 29
  41. Picard 2007, p. 28. Voir aussi la note de Verel Lire en ligne.
  42. tableau Insee
  43. TEF 1998 Ă  2006, Insee
  44. Cahuc et Kramarz, 2004, t.2, p. 74-78
  45. Chelini, 2001
  46. Cahuc et Kramarz, 2004, t.2, p. 67
  47. DarbĂ©ra, Richard, OĂč vont les taxis ?, Éditions Descartes & Cie, Collection « UrbanitĂ©s », Paris, dĂ©cembre 2009, 270 p., p. 163
  48. « Does Entry Regulation Hinder Job Creation ? Evidence from the French Retail Industry », Bertrand Marianne, Kramarz Francis, 2002/4, Quarterly Journal of Economics, CXVII
  49. Rapport Camdessus, 2004, p. 155
  50. Chélini, 2001
  51. Voir Cahuc, 2004, p. 66-76
  52. Cahuc, 2004, p. 71
  53. Cahuc et Zylberberg, 2004, p. 74
  54. « Une dĂ©composition du non-emploi en France », Économie et Statistique, no 331, 2000, Insee
  55. Benoit Ferandon, Cahiers français, no 311
  56. Blanchard Tirole, 2003, p. 10
  57. Cerc 2005, p. 115
  58. Cerc 2005, p. 116-124
  59. Cahuc et Zylberberg, 2004, p. 89
  60. Cahuc et Zylberberg, 2004, p. 100
  61. Brigitte Dormont, Denis FougÚre et Ana Prieto, « the Effect of The Time Profile of Unemployment Insurance Benefits on Exit from Unemployment », CREST working Paper, 2000, cité in Cahuc et Zylberberg, 2004, p. 115
  62. Usuellement, les politiques Ă©conomiques conjoncturelles visent Ă  aligner le PIB sur le PIB potentiel. Augmenter le PIB potentiel ressort de politiques structurelles.
  63. MontoussĂ© Marc, 2003, "La croissance"', p. 71, in Cahiers français no 315, "Comprendre lâ€˜Ă©conomie", La Documentation Française
  64. c'est-à-dire incluant de façon plus ou moins formelle experts et partenaires sociaux
  65. Rapport du CERC, 2006, p. 34
  66. 2004, p. 172
  67. Rapport Camdessus, p. 27–29
  68. Ce revirement a été précédé par une réflexion scientifique comme en témoignent les travaux de Pierre Cahuc, de Francis Kramatz, d'André Zylberberg, de Gilbert Cette et d'autres. Sur cette inflexion en 2005, on pourra lire l'article d'Eric Le Boucher, « L'échec de la lutte contre le chÎmage : il est temps d'ouvrir les yeux », Le Monde du 07/03/05
  69. Les plus jeunes ont été incités à poursuivre des études et les plus anciens ont été fortement incités à quitter le travail trÚs tÎt notamment par des dispositifs de préretaites. Sur le travail des jeunes voir « Bringing the French Unemployment Picture Into Focus », Paul Romer, 2006
  70. Voir article de Krugman, « Lumps of Labor », 2003, New York Times
  71. Voir Cahuc, 2005, p. 45-64
  72. René Passet, « Nous ne travaillons pas assez ? Quelle erreur économique », Le Monde du 16&17/01/2005
  73. Voir analyse dans Cahuc, 2004, p. 47-50
  74. Sur ce point on pourra voir l’article du blog Ă©conoclaste (lire en ligne).
  75. On pourra aussi se reporter Ă  l’article de Bardier GĂ©rard et Delaigue Alexandre, "Emploi : le choc dĂ©mographique ne rĂ©sout rien", Le Monde du 14/11/06.
  76. Rapport Camdessus, 2004, p. 75
  77. Voir l'article progrĂšs technique
  78. Rapport CERC, 2006, p. 36
  79. Rapport CERC, 2006, p. 38
  80. Chiffres : rapport CERC, 2006, p. 38
  81. Sur ce point, on pourra voir : Delaune J.-Y, 2005, « PĂŽles de compĂ©titivitĂ© : revoir la copie », Les Échos 7/12/05
  82. MoliniĂ© A .F, Volkoff S, La charge de travail, deuxiĂšme sĂ©rie de rĂ©sultats : enquĂȘte sur les conditions de travail, 1978, Bulletin mensuel des statistiques du travail et de l’emploi no 84 1980, la Documentation française.
  83. Bué J., Cristofari M.F, Contraintes et rythmes de travail des salariés à temps partiel ; Travail et Emploi no 27, mars 1986 1986, la Documentation française.
  84. Cézard M., Dussert F., Gollac M., Les facteurs de pénibilité mentale au travail ; PremiÚres informations no 265 1992, la Documentation française / Dares.
  85. CĂ©zard M., Hamon-Cholet S, Travail et charge mentale PremiĂšres synthĂšses 99-07 no 27.1 1999, Dares
  86. MinistĂšre (français) du travail, Chapitre La charge mentale au travail (RĂ©sultats dĂ©taillĂ©s des enquĂȘtes conditions de travail de 1984 Ă  2005), in EnquĂȘtes Conditions de travail 1984-2005 : rĂ©sultats dĂ©taillĂ©s, 31 aoĂ»t 2011
  87. DARES, Souhaits et crainte sur l’avenir de son emploi en 2005 (xls - 75,5 ko)
  88. MinistĂšre du travail, Impact de la façon de travailler sur la rĂ©munĂ©ration et la carriĂšre en 2005 (xls - 75 ko)
  89. MinistĂšre du travail, Recevoir des ordres contradictoires en 1998 et 2005 (xls - 78,5 ko)
  90. EnquĂȘtes Conditions de travail 1984-2005 : rĂ©sultats dĂ©taillĂ©s
  91. « Le présentéisme ferait perdre des milliards d'euros aux employeurs », sur Slate.fr,
  92. Emeline Paillasseur, « Port des talons au travail : «Plus on est en bas de l’échelle, plus les attentes sont sexistes» », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Sources statistiques

Autre

  • Antonmattei, Paul-Henri, « L’odyssĂ©e du contrat de travail ? », Droit Social no
  • Angrist J.D, Kugler A.D., “Productive or counter-productive ? Labour Market institutions and the effects of immigration on EU Natives”, The Economic Journal, June 2003 [lire en ligne]
  • Askenazy Philippe, 2004, Les dĂ©sordres du travail, Le Seuil
  • BarthĂ©lĂ©my Jacques, Cette Gilbert, "RĂ©former et simplifier le droit du travail via un rĂŽle accru du droit conventionnel", Droit Social no
  • Blanchard, Olivier, Tirole, Jean, 2003, Protection de l'emploi et procĂ©dures de licenciement, La documentation française [lire en ligne]
  • Buda R., 2011, "SĂ©ries longues d'emploi salariĂ© rĂ©gional sectoriel français 1967–2006", Document de travail UniversitĂ© de Paris-Ouest Nanterre-La DĂ©fense, 68 p.
  • Cahuc, Pierre, Kramarz, Francis, 2004, De la prĂ©caritĂ© vers la mobilitĂ© : vers une SĂ©curitĂ© sociale professionnelle, ed. La documentation française [lire en ligne]
  • Cahuc Pierre, Zylberberg, AndrĂ©, 2003, Micro-Ă©conomie du marchĂ© du travail, La DĂ©couverte.
  • Cahuc, Pierre, Zylberberg, AndrĂ©, 2005, Le ChĂŽmage, FatalitĂ© ou nĂ©cessitĂ© ?, Flammarion.
  • Camdessus, Michel, 2004, Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France, La documentation Française. [lire en ligne]
  • Rapport du Cerc no 7, 2006, La France en Transition 1993-2005, La Documentation Française. [lire en ligne]
  • Clerc, Denis, 2004, DĂ©chiffrer l’économie, La DĂ©couverte.
  • Cette, Gilbert, 2005, ProductivitĂ© : Les États-Unis distancent l’Europe dans les annĂ©es 1990 paru dans le numĂ©ro 299 de la revue Futurible repris dans ProblĂšmes Ă©conomiques du
  • Delberghe, Michel, 2006, Le gouvernement veut profiter des dĂ©parts Ă  la retraite des fonctionnaires, Le Monde du
  • Doeringer P. et Piore M., 1971, Internal Labor Markets and Manpower Analysis, Lexington (Mass.).
  • Guibert Philippe, Mergier Alain, 2006, Le descendeur social, Fondation Jean-JaurĂšs. [lire en ligne]
  • Morvan Patrick, "La chimĂšre du contrat de travail unique, la fluiditĂ© et la crĂ©ativitĂ©", Droit Social no 2006
  • Perrot, Anne, 1998, Les nouvelles thĂ©ories du marchĂ© du travail, La DĂ©couverte.
  • Picart Claude, 2007, Flux d'emploi et de main-d'Ɠuvre en France : un rĂ©examen, Document de travail Insee [lire en ligne]
  • Olivier Cousin, Pourquoi la rentabilitĂ© Ă©conomique tue le travail, Le Bord de l’eau, Lormont, 2019, 216 pages.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.