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Liberté d'expression

La liberté d'expression est le droit reconnu à l'individu de faire connaßtre le produit de sa propre activité intellectuelle à son entourage[1].

Elle procĂšde de la facultĂ© de communiquer entre humains. Celle-ci a longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un simple phĂ©nomĂšne naturel conditionnant la vie sociale, avant d'ĂȘtre solennellement Ă©rigĂ©e en libertĂ© individuelle, aujourd'hui juridiquement garantie mais en rĂ©alitĂ© encadrĂ©e.

Histoire

De tout temps, l'expression des idĂ©es, principalement sous sa forme verbale, mais aussi par l'Ă©crit, a suscitĂ© l'intĂ©rĂȘt des penseurs. À l'origine, elle Ă©tait avant tout considĂ©rĂ©e comme un Ă©lĂ©ment essentiel du processus de structuration sociale permettant d'atteindre les idĂ©aux suprĂȘmes de vĂ©ritĂ©, de perfection et de justice.

Faculté de s'exprimer, phénomÚne social

Ainsi dĂšs les VIe et Ve siĂšcles avant l'Ăšre chrĂ©tienne, en Chine, si certaines des maximes attribuĂ©es Ă  Lao Tseu semblaient surtout inciter le sage Ă  mener une vie purement intĂ©rieure sans exprimer ses idĂ©es[2], Confucius recommandait l'attitude inverse aux ĂȘtres supĂ©rieurement Ă©voluĂ©s, affirmant qu'il leur incombait de faire Ɠuvre de pĂ©dagogue en enseignant les lois du ciel au peuple[3], car « l'homme parfait ne se borne pas Ă  se perfectionner lui-mĂȘme et s'arrĂȘter ensuite; c'est pour cette raison qu'il s'attache aussi Ă  perfectionner les autres ĂȘtres »[4].

Dans sa rĂ©flexion sur la dĂ©termination des valeurs sociales, l'AntiquitĂ© grĂ©co-romaine, considĂ©rant l'expression orale comme une forme naturelle de communication sonore propre Ă  la sociĂ©tĂ© humaine, accordera elle aussi une place essentielle Ă  son usage, dont le procĂ©dĂ© du dialogue platonicien offre une illustration patente. Ainsi, pour Aristote : « La nature, qui ne fait rien en vain, n'a dĂ©parti qu'Ă  l'homme seul le don de la parole qu'il ne faut pas confondre avec les sons de la voix. Ceux-ci ne sont que l'expression des sensations agrĂ©ables ou dĂ©sagrĂ©ables dont les autres animaux sont susceptibles comme nous. La nature leur a donnĂ© un organe bornĂ© Ă  ce seul effet, mais nous avons de plus qu'eux, sinon la connaissance dĂ©veloppĂ©e, au moins tous le sentiment obscur du bien et du mal, de l'utile et du nuisible, du juste et de l'injuste ; objets pour la manifestation desquels nous a Ă©tĂ© principalement accordĂ© l'organe de la parole. C'est ce commerce de la parole qui est le lien de toute sociĂ©tĂ© domestique et civile »[5]. CicĂ©ron, persuadĂ© que le premier principe naturel de la sociĂ©tĂ© rĂ©sidait dans « le commerce de la raison et de la parole », considĂ©rait lui aussi que « c'est en s'instruisant les uns les autres, en se communiquant leurs pensĂ©es, en discutant, en portant des jugements, que les hommes se rapprochent et forment une certaine sociĂ©tĂ© naturelle. Rien ne nous distingue davantage des bĂȘtes : dans quelques-unes nous reconnaissons la force, comme dans les chevaux et les lions mais jamais nous ne leur attribuons l'Ă©quitĂ©, la justice, la bontĂ©, parce qu'elles n'ont ni la raison, ni la parole »[6].

DĂ©jĂ  Ă  cette Ă©poque, l'expression des idĂ©es Ă©tait considĂ©rĂ©e diffĂ©remment en fonction de la valeur prĂȘtĂ©e Ă  leur contenu, puisqu'on estimait que celles imposĂ©es Ă  l'aide d'arguments fallacieux alors qu'elles Ă©taient mauvaises ou injustes pouvaient s'avĂ©rer nuisibles pour la sociĂ©tĂ©. Ainsi, Platon, recensant les dĂ©fauts des systĂšmes politiques de l'Ă©poque, dĂ©nonçait les courtisans qui par leurs conseils intĂ©ressĂ©s induisaient en erreur les gouvernants[7]. Aristote analysait les multiples facteurs susceptibles d'affecter la vĂ©ritĂ© des discours et affirmait que « celui qui fait un mauvais usage de cette puissance de la parole peut faire beaucoup de mal »[8]. CicĂ©ron lui aussi, bien qu'ayant initialement assurĂ© que l'Ă©loquence ferait triompher le bon et le juste[9], n'en reconnaissait pas moins par la suite qu'il Ă©tait possible qu'un homme utilise la parole sans se soucier de la morale et du devoir, ce qui le rendait « inutile Ă  lui-mĂȘme, et nuisible Ă  sa patrie »[10].

Si on estimait que le risque d'un mauvais usage de la parole ne justifiait pas qu'on l'interdise, puisque selon Aristote, une telle objection pouvait « ĂȘtre Ă©galement dirigĂ©e contre toutes les bonnes choses, et surtout contre ce qu'il y a de plus utile, comme la force, la santĂ©, les richesses, l'art militaire »[11], on n'en admettait pas moins qu'un traitement diffĂ©rent soit rĂ©servĂ© Ă  l'expression selon son contenu et selon son auteur.

Le ProcÚs de Socrate, poursuivi et condamné pour avoir tout à la fois corrompu la jeunesse, méprisé les dieux de la Cité et tenté de leur en substituer de nouveaux, illustrait bien les risques encourus à exprimer des conceptions heurtant les titulaires du pouvoir.

Platon en avait conclu que les dirigeants des citĂ©s grecques n'avaient pas la sagesse nĂ©cessaire Ă  l'exercice de leurs fonctions, et qu'Ă  l'Ă©poque il fallait absolument « quand on veut combattre pour la justice et si l'on veut vivre quelque temps, se confiner dans la vie privĂ©e et ne pas aborder la vie publique »[12]. Aussi, dans La RĂ©publique, prĂŽnait-il un schĂ©ma de CitĂ© idĂ©ale dans laquelle la magistrature suprĂȘme devait ĂȘtre confiĂ©e Ă  une aristocratie de philosophes spĂ©cialement recrutĂ©s et formĂ©s, dĂ©tenteurs de la connaissance puisqu'ils « contemplent les choses dans leur essence »[13]. Un tel mode d'organisation impliquait lui aussi une inĂ©galitĂ© de traitement entre gouvernants et gouvernĂ©s dans l'usage des facultĂ©s d'expression. En effet, Ă  la diffĂ©rence des philosophes, la masse du peuple, faute d'apprĂ©hender les « essences », Ă©tait rĂ©putĂ©e incapable de sagesse. Platon estimait qu'elle ne pouvait juger que « sur l'apparence »[14], et ne lui prĂȘtait donc pas de vĂ©ritables « connaissances », mais des « opinions », c'est-Ă -dire « quelque chose d'intermĂ©diaire entre la science et l'ignorance »[15]. Aussi, les critiques et suggestions qu'elle ne manquerait pas de formuler ne pouvaient qu'ĂȘtre illĂ©gitimes et dangereuses[16], et pour prĂ©server le bon fonctionnement des institutions les magistrats devaient les ignorer, alors qu'eux-mĂȘmes Ă©taient autorisĂ©s, « pour tromper l'ennemi ou les citoyens dans l'intĂ©rĂȘt de l'État »[17], Ă  utiliser le mensonge, en revanche interdit aux citoyens.

Durant quelques siĂšcles, on continuera Ă  apprĂ©cier la transmission des idĂ©es par rĂ©fĂ©rence Ă  la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger des valeurs sociales, essentiellement religieuses, considĂ©rĂ©es comme suprĂȘmes. Ainsi, pour Saint Augustin, les discussions autour de la foi en Dieu Ă©taient toujours vaines et oiseuses[18] puisque l'homme aspirant Ă  vivre selon lui-mĂȘme vit en rĂ©alitĂ© selon le mensonge alors que seul Dieu est la VĂ©ritĂ©[19].

C'est Ă  partir de la Renaissance que dans un contexte d'exacerbation des tensions interconfessionnelles, le courant humaniste, amplifiĂ© par le dĂ©veloppement de l'imprimerie, s'efforcera de prĂ©senter l'expression des convictions comme un moyen d'accomplissement personnel et d'Ă©mancipation de l'individu en plaidant notamment pour la tolĂ©rance dans l'approche de la diffĂ©rence des croyances religieuses. Ainsi, au moment mĂȘme oĂč commencent les guerres de religion, SĂ©bastien Castellion, thĂ©ologien protestant originaire du Bugey, constatant que les deux camps tĂ©moignaient de la mĂȘme violence fanatique[20], les adjurait de ne pas utiliser la force contre ceux qu'ils jugeaient hĂ©rĂ©tiques, et de leur rĂ©sister «par parole s'ils n'usent que de parole», en citant en exemple les Turcs, qui considĂ©raient leurs sujets indĂ©pendamment de leur religion[21]

En 1651, dans un chapitre XI (De la diffĂ©rence des maniĂšres) de son LĂ©viathan, Hobbes, analysant les conditions devant permettre aux hommes de «vivre en paix et en harmonie»[22] constatait avec rĂ©alisme que leur manque de jugement[23] les porte Ă  s'en remettre Ă  des ambitieux sachant se donner une apparence de sagesse en maniant Ă©loquence et flatterie, appuyĂ©es par la «rĂ©putation militaire »[24]. Aussi Ă©voquait-il avec beaucoup de pragmatisme la diffusion des idĂ©es, en insistant sur la prudence et la discrĂ©tion avec lesquelles elles devaient ĂȘtre exprimĂ©es[25], et surtout sur le relativisme des jugements qu'elles pouvaient susciter. Dans la version initiale (en anglais) de l'ouvrage, il constatait que « 
l'on donne diffĂ©rents noms Ă  une seule et mĂȘme chose selon la diffĂ©rence des passions individuelles. Ainsi, ceux qui approuvent une opinion particuliĂšre l'appellent Opinion, mais ceux qui ne l'approuvent pas l'appellent HĂ©rĂ©sie; et pourtant le mot hĂ©rĂ©sie ne signifie rien de plus qu'opinion particuliĂšre, avec seulement une nuance de colĂšre plus marquĂ©e »[26].

Le mouvement dit des «LumiĂšres» contribuera Ă  l'essor et Ă  la diffusion de ces conceptions valorisant la place de l'individu dans le systĂšme social, pour aboutir Ă  la consĂ©cration de la libertĂ© d'expression comme norme juridique.« Sans la libertĂ© de blĂąmer il n’est pas d’éloge flatteur ». La cĂ©lĂšbre rĂ©plique de Figaro, personnage principal du Mariage de Figaro de Beaumarchais, fait de cet auteur une figure phare de la libertĂ© d’expression[27].

Droit de s'exprimer, liberté individuelle

Statue de George Orwell par Martin Jennings devant le siÚge de la BBC à Londres. L'inscription sur le mur cite l'avant-propos d'Orwell dans La Ferme des animaux (1945) : « Si la liberté a un sens, elle signifie le droit de dire aux autres ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre. »

En 1784, Kant observait que « les LumiĂšres sont pour les gens l'issue Ă  leur propre irresponsabilité  », car selon lui, l'apport essentiel de la pĂ©riode Ă©tait la possibilitĂ© offerte aux sujets d'exprimer leur opinion, mĂȘme en critiquant les lois[28]. Il considĂ©rait en effet que la libertĂ© Ă©tait un droit innĂ© (naturel) de l'individu[29], et comprenait notamment la libertĂ© de pensĂ©e et son corollaire la libertĂ© d'expression[30].

Dans la pensée kantienne, la liberté n'est cependant pas sans limites. Celles-ci sont d'abord d'ordre moral. Ainsi, si dans leurs relations entre eux, les individus peuvent s'exprimer librement, l'usage de propos tels que mensonge, médisance, raillerie, est contraire à la «vertu» parce que manquant de respect à autrui[31].

Les restrictions sont aussi d'ordre juridique, car si le droit naturel pose pour principe la libertĂ© individuelle, il l'assortit des bornes logiquement nĂ©cessaires Ă  sa conservation, la libertĂ© n'existant qu'«en tant qu'elle peut s'accorder, suivant une loi gĂ©nĂ©rale, avec la libertĂ© de chacun». Ainsi, les rĂšgles de droit rĂ©gissant la communication entre individus peuvent s'accommoder de la pratique moralement condamnable du mensonge, mais seulement tant qu'elle ne porte pas «directement atteinte au droit d'autrui», par exemple Ă  ses biens[32]. De mĂȘme, le droit dont disposent naturellement les gouvernĂ©s de critiquer les gouvernants ne va pas jusqu'Ă  les dispenser de leur obĂ©ir, mĂȘme lorsqu'ils deviennent oppressifs, car pour Kant, admettre le contraire serait remettre en cause le fondement mĂȘme du systĂšme juridique[33].

En 1859, John Stuart Mill s'inspirera des mĂȘmes principes dans son essai De la libertĂ©, devenu un des ouvrages de rĂ©fĂ©rence du libĂ©ralisme[34], mais entretemps, le droit d'exprimer ses convictions aura Ă©tĂ© formellement consacrĂ© comme libertĂ© individuelle par des textes solennels Ă  valeur de norme juridique.

Consécration dans les textes nationaux

Allemagne

La liberté d'expression est proclamée en Allemagne, par la Loi fondamentale du 23 mai 1949[35].

Loi fondamentale pour la République fédérale d'Allemagne (1949)

« Article 4 de la Loi Fondamentale Allemande [Liberté de croyance, de conscience et de profession de foi]

  1. La liberté de croyance et de conscience et la liberté de professer des croyances religieuses et philosophiques sont inviolables.
  2. Le libre exercice du culte est garanti.
  3. Nul ne doit ĂȘtre astreint contre sa conscience au service armĂ© en temps de guerre. Les modalitĂ©s sont rĂ©glĂ©es par une loi fĂ©dĂ©rale. »

« Article 5 de la Loi Fondamentale Allemande [Liberté d'opinion]

  1. Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l'écrit et par l'image, et de s'informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous. La liberté de la presse et la liberté d'informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. Il n'y a pas de censure.
  2. Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois générales, dans les dispositions légales sur la protection de la jeunesse et dans le droit au respect de l'honneur personnel.
  3. L'art et la science, la recherche et l'enseignement sont libres. La liberté de l'enseignement ne dispense pas de la fidélité à la constitution. »

Canada

La liberté d'expression est prévue à l'alinéa 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est cité dans un grand nombre de décisions et son impact dans la société est trÚs important.

Chine

Les libertés de religion, de culte et d'expression sont proclamées en Chine dans la constitution de 1982[36].

Espagne

Les libertés de religion, de culte et d'expression sont reconnues en Espagne par la Constitution du 27 décembre 1978[37].

France

La liberté d'expression est un droit constitutionnel reconnu à tout citoyen français. Parmi les pays occidentaux, le droit français est l'un des systÚmes juridiques qui prévoit davantage d'exceptions à la liberté d'expression.

Dans son article 10, la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen pose que : « Nul ne doit ĂȘtre inquiĂ©tĂ© pour ses opinions, mĂȘme religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public Ă©tabli par la Loi. » Dans l'article 11, la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen pose aussi que : « La libre communication des pensĂ©es et des opinions est un des droits les plus prĂ©cieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, Ă©crire, imprimer librement, sauf Ă  rĂ©pondre de l'abus de cette libertĂ© dans les cas dĂ©terminĂ©s par la loi. »

La loi de 1881 sur la liberté de la presse reconnaßt la liberté d'expression dans toutes formes de publications sauf dans quatre cas déjà prévus dans le code pénal.

Le délit de provocation publique à la haine raciale institué par l'article 1er de la loi Pleven de 1972 a été inséré à l'article 24 alinéa 5 de la loi sur la liberté de la presse du .

La Loi Gayssot 1990 contre les opinions révisionnistes criminalise les propos négationnistes concernant l'existence des crimes contre l'humanité commis par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale qui furent définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg.

La Loi contre les contenus haineux sur Internet prévoit la suppression des contenus jugés haineux des réseaux sociaux, plateformes collaboratives et moteurs de recherche sous 24 h sous peine d'amende. Cette loi (dite loi Avia) a été votée par l'Assemblée nationale puis rejetée par le Conseil constitutionnel en raison de violations à la liberté d'expression que cette loi impliquait[38].

États-Unis

En Amérique, en 1669 déjà, quelques articles des « Constitutions fondamentales de Caroline » de 1669[39], ébauche d'organisation gouvernementale préparée par les grands propriétaires fonciers de la colonie avec le concours de John Locke, garantissaient la liberté religieuse et encadraient l'expression des opinions[40], mais le texte était demeuré au stade de projet. Vingt ans plus tard, en Angleterre, les monarques Guillaume III et Marie II avaient dû concéder au Parlement le Bill des droits de 1689 reconnaissant, entre autres le droit de pétition et la liberté d'expression des parlementaires.

AmorcĂ© un siĂšcle plus tĂŽt, le mouvement s’accĂ©lĂ©ra le , lorsque la colonie amĂ©ricaine de Virginie se dota d'une « DĂ©claration des droits »[41] garantissant entre autres les libertĂ©s de la presse[42] et de religion[43].

Si ces principes n'ont Ă©tĂ© mentionnĂ©s ni dans la DĂ©claration d'indĂ©pendance adoptĂ©e trois semaines plus tard Ă  Philadelphie par les dĂ©lĂ©guĂ©s des treize colonies anglaises en rupture avec leur mĂ©tropole, ni dans le texte initial de la Constitution dont elles se dotĂšrent en 1787, ils ont Ă©tĂ© expressĂ©ment repris en septembre 1789 dans un document qui aprĂšs ratification deux ans plus tard par leurs lĂ©gislatures, constitue la DĂ©claration des droits des États-Unis. Ce texte comprend dix amendements[44], dont le premier dispose: «Le CongrĂšs ne fera jamais de loi concernant la fondation d'une religion ou interdisant le libre exercice de celle-ci, ou limitant la libertĂ© de parole ou de la presse, ou le droit du peuple de se rassembler pacifiquement pour demander au Gouvernement la rĂ©paration des torts».

DĂ©claration des droits - 1er Amendement (1791)

« Le CongrÚs n'adoptera aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d'adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. »

Mexique

Les libertés de religion, de culte et d'expression sont proclamées au Mexique par la Constitution de 1917[45].

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni, contrairement Ă  la majoritĂ© des dĂ©mocraties telles que les États-Unis ou la plupart des a-pays EuropĂ©ens, n'a pas d'amendement ou de document Ă©crit et formel sur la libertĂ© d'expression. Il existe une constitution, mais celle-ci elle est qualifiĂ©e de "non Ă©crite" ou "non codifiĂ©e"[46].

Russie

Il en fut ainsi dans l'Empire russe, avec les articles 79 et 81 de la constitution que le tsar avait dĂ» concĂ©der Ă  ses sujets le [47], et par contrecoup en Finlande, reconnue autonome sous forme de Grand duchĂ© par une loi organique du [48]. Par la suite, les articles 124 et 125[49] de la constitution de l'URSS de 1936 prĂ©voiront des dispositions analogues[50], de mĂȘme que les articles 28 et 29[51] de la Constitution de la fĂ©dĂ©ration de Russie.

Suisse

En Suisse, la Constitution fĂ©dĂ©rale prĂ©voit que « La libertĂ© d’opinion et la libertĂ© d’information sont garanties. Toute personne a le droit de former, d’exprimer et de rĂ©pandre librement son opinion. Toute personne a le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources gĂ©nĂ©ralement accessibles et de les diffuser » (article 16)[52].

Traités internationaux

Aujourd'hui, tous les textes fondant les ordres juridiques nationaux ou supranationaux consacrent solennellement le principe de la libertĂ© d'expression comme droit essentiel de l'homme, en reconnaissant gĂ©nĂ©ralement son existence en tant que source de droits et d’obligations juridiques, mais sans prĂ©juger de sa mise en Ɠuvre concrĂšte.

DĂ©claration universelle des droits de l'homme (art. 18 et 19)

« Article 18 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. »

« Article 19 - Tout individu a droit Ă  la libertĂ© d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas ĂȘtre inquiĂ©tĂ© pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de rĂ©pandre, sans considĂ©rations de frontiĂšres, les informations et les idĂ©es par quelque moyen d'expression que ce soit. »

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. Le droit à l'objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en régissent l'exercice. »

Convention européenne des droits de l'homme (art. 9 et 10)

Selon la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, saisie par un tĂ©moin de JĂ©hovah pour une requĂȘte concernant la violation de l'article 9 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme (libertĂ© de religion), a considĂ©rĂ© le que l'objection de conscience n'Ă©tait pas un droit garanti par la Convention et dĂ©pendait par consĂ©quent des rĂ©glementations de chaque État[53].

Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

En Afrique, ce sont les articles 8 et 9[54] de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée à Nairobi le , qui garantissent liberté de religion et d'expression.

Mise en Ɠuvre

Hacivat (Ă  droite) : - Que signifient ces chaĂźnes ?
Karagöz (à gauche) : - Cela s'appelle la « liberté dans les limites de la loi », Hacivat.
Dessin satirique du journal turc Hayùl sur la suppression de la liberté d'expression dans l'Empire ottoman, février 1877.

Les conditions dans lesquelles s'applique la liberté d'expression sont ambivalentes.

  • D'une part elle est considĂ©rĂ©e comme fondamentale, car conditionnant l'exercice d'autres libertĂ©s. Ainsi, les juridictions supĂ©rieures, aussi bien supranationales que nationales, consacrent son importance en des termes analogues. Pour la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, elle «constitue l'un des fondements essentiels d'une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, l'une des conditions primordiales de son progrĂšs et de l'Ă©panouissement de chacun»[55]. En France, selon le Conseil Constitutionnel, elle est «d’autant plus prĂ©cieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertĂ©s»[56]. Le Conseil d'État, dans une formule synthĂ©tisant les deux prĂ©cĂ©dentes, considĂšre que «l'exercice de la libertĂ© d'expression est une condition de la dĂ©mocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertĂ©s»[57].
  • D'autre part, les rĂšgles qui en posent solennellement le principe en lui confĂ©rant un large champ d'application l'assortissent aussi de nombreuses possibilitĂ©s de limitations, elles aussi virtuellement trĂšs Ă©tendues, et largement utilisĂ©es[58].

Champ d'application Ă©tendu

Le champ d'application de la libertĂ© d'expression est aujourd'hui conçu trĂšs largement. On considĂšre en effet qu'elle est en cause non seulement lorsqu'un individu diffuse sa pensĂ©e directement en utilisant les techniques de communication habituelles mais aussi chaque fois que son comportement peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme rĂ©vĂ©lant implicitement une option intellectuelle. En outre, on l'assortit de corollaires, eux-mĂȘmes Ă  l'origine de nouvelles extensions.

Moyens de diffusion directe

L'exercice de la libertĂ© d'expression ne se limite pas Ă  l'usage de moyens classiques tels la parole, l'Ă©crit et l'imprimĂ©, mais englobe Ă©galement toutes les techniques modernes de tĂ©lĂ©communication. Ainsi, les activitĂ©s de radiodiffusion doivent elles aussi la garantir grĂące Ă  une organisation et un fonctionnement adĂ©quats, exigence imposant par exemple qu'elles ne relĂšvent plus d'un monopole d'État, considĂ©rĂ© comme une restriction «non nĂ©cessaire dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique» selon un arrĂȘt rendu par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme Ă  propos de l'Autriche[59].

La Cour applique les mĂȘmes principes Ă  l'accĂšs Ă  internet, en estimant que son blocage abusif viole la libertĂ© d'expression garantie par l'article 10 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme[60]. En France, compte tenu de son importance «pour la participation Ă  la vie dĂ©mocratique et l'expression des idĂ©es et des opinions», le Conseil constitutionnel a jugĂ© qu'il ne peut ĂȘtre supprimĂ© par une autoritĂ© administrative[61]. Selon certains auteurs, tels le spĂ©cialiste des rĂ©seaux numĂ©riques Benjamin Bayart[62], la juriste Agathe Lepage[63] et le philosophe Guillaume Cazeaux[64] Internet serait mĂȘme dans l'histoire le premier vrai moyen permettant de rendre effective la libertĂ© d'expression, auparavant restĂ©e largement virtuelle.

Modes d'expression implicites

Il est possible que sans utiliser les techniques classiques de communication lui permettant d'exprimer expressĂ©ment ses idĂ©es, un individu les extĂ©riorise par son seul comportement. Ainsi, certaines actions telles la participation Ă  une rĂ©union[65], Ă  une manifestation[66], Ă  une association[67] ou Ă  une activitĂ© d'enseignement[68], la crĂ©ation et l'exposition d'une Ɠuvre d'art[69], le port d'un vĂȘtement ou d'un signe distinctif[70], voire un acte de provocation tel l'outrage au drapeau ou Ă  l'hymne national[71] peuvent-ils ĂȘtre revendiquĂ©s comme l'affirmation implicite de convictions ou de choix, donc comme modalitĂ©s d'exercice de la libertĂ© d'expression.

Cet argument est en gĂ©nĂ©ral considĂ©rĂ© comme subsidiaire, voire superfĂ©tatoire, si le comportement est directement rattachable Ă  d'autres droits ou libertĂ©s spĂ©cifiquement garantis: ce sont eux qui alors sont principalement en cause[72]. Si ce n'est pas le cas, la rĂ©fĂ©rence Ă  la libertĂ© d'expression s'avĂšre en revanche dĂ©terminante. Par exemple, c'est Ă  celle-ci que la Cour europĂ©enne des droits de l'homme a rattachĂ© l'exposition d'un tableau controversĂ© en considĂ©rant que «ceux qui crĂ©ent, interprĂštent, diffusent ou exposent une Ɠuvre d'art contribuent Ă  l'Ă©change d'idĂ©es et d'opinions indispensable Ă  une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique. D'oĂč l'obligation, pour l'État, de ne pas empiĂ©ter indĂ»ment sur leur libertĂ© d'expression»[73]. De mĂȘme, le Conseil d'État français a reconnu qu'incriminer pĂ©nalement la profanation du drapeau tricolore est bien une atteinte Ă  la libertĂ© d'expression[74].

RĂšgles corollaires

MĂȘme si les termes de l'article 11 de la DĂ©claration française de 1789 n'Ă©voquaient que l'expression des «pensĂ©es» et «opinions», Ă  l'Ă©poque dĂ©jĂ , la libertĂ© Ă©tait conçue plus largement comme s'Ă©tendant Ă  la diffusion de tout message, mĂȘme de simple information, et comme impliquant non seulement le droit de l'Ă©mettre, mais aussi celui de le recevoir[75]. Depuis, son champ d'application a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© par les textes[76], et surtout complĂ©tĂ© par un certain nombre de principes d'interprĂ©tation extensifs issus des juridictions aussi bien nationales que supranationales, qui les prĂ©sentent comme des corollaires permettant de garantir son efficience. Ainsi, au fil de sa jurisprudence, la Cour europĂ©enne des droits de l'homme a-t-elle eu l'occasion d'admettre que la libertĂ© d'expression s'appliquait Ă  la publication de photographies, que la notion d'«information» pouvait s'Ă©tendre Ă  la divulgation d'Ă©lĂ©ments de la vie privĂ©e des personnes ayant une notoriĂ©tĂ© publique[77], et que le droit d'affirmer ses convictions impliquait aussi celui de tenter de convaincre autrui de les adopter[78].

De ces corollaires, le plus important est celui du pluralisme, d'abord incidemment Ă©voquĂ©, avec la tolĂ©rance et l'esprit d'ouverture, comme condition d'une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique par la Cour EDH[79], puis Ă©rigĂ© par la suite au rang de rĂšgle Ă  part entiĂšre, «dont l’État est l’ultime garant»[80].

Ce principe impose en premier lieu que la libertĂ© d'expression s'applique indiffĂ©remment quel que soit le contenu du message diffusĂ©. Ainsi, pour la Cour EDH, elle «vaut non seulement pour les « informations » ou « idĂ©es » accueillies avec faveur ou considĂ©rĂ©es comme inoffensives ou indiffĂ©rentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiĂštent »[81]. De mĂȘme, pour la Cour suprĂȘme des États-Unis, «une des fonctions principales de la libertĂ© d'expression est d'inviter au dĂ©bat. Elle peut vraiment servir au mieux ce noble objectif quand elle provoque un Ă©tat de trouble, crĂ©e un mĂ©contentement envers les situations Ă©tablies, ou mĂȘme pousse les gens Ă  la colĂšre»[82].

En second lieu, le pluralisme impose que les possibilitĂ©s concrĂštes d'expression soient ouvertes sans discrimination Ă  toutes les tendances. En France, s'alignant sur la dĂ©marche de la Cour, les juridictions suprĂȘmes l'ont consacrĂ© avec valeur supĂ©rieure. Ainsi, dans l'audiovisuel, selon le Conseil constitutionnel, la libertĂ© d'expression de l'article 11 de la DĂ©claration de 1789 ne peut ĂȘtre effective que moyennant le respect du « pluralisme des courants d’expression socioculturels », qui « est en lui-mĂȘme un objectif de valeur constitutionnelle »[83]. De mĂȘme, le Conseil d'État en fait une libertĂ© fondamentale dont la protection relĂšve du rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ©[84].

Dans le domaine de la presse, le Conseil Constitutionnel a jugĂ© que «le pluralisme des quotidiens d'information politique et gĂ©nĂ©rale (
) constitue un objectif de valeur constitutionnelle», qui justifie par exemple une aide exceptionnelle de 13 millions de francs au journal L'HumanitĂ© menacĂ© de disparition[85].

C'est aussi comme corollaire de la libertĂ© d'expression qu'a Ă©tĂ© consacrĂ© en France par le Conseil constitutionnel «le droit pour chacun de choisir les termes jugĂ©s par lui les mieux appropriĂ©s Ă  l’expression de sa pensĂ©e». Sur ce fondement, a Ă©tĂ© censurĂ©e une loi prĂ©tendant faire prĂ©valoir l'article 2 de la Constitution selon lequel «la langue de la RĂ©publique est le Français», en interdisant de maniĂšre trop gĂ©nĂ©rale le recours Ă  une terminologie Ă©trangĂšre[86].

Si tous ces facteurs semblent confĂ©rer Ă  la libertĂ© d'expression un champ d'application quasiment illimitĂ©, son exercice n'en est pas moins susceptible d'ĂȘtre Ă©troitement encadrĂ©. Aussi, dans un contexte socio-politique globalement favorable Ă  la promotion des libertĂ©s, ce sont les multiples restrictions dĂ©coulant de cet encadrement qui suscitent surtout discussions et commentaires.

Exercice strictement encadré

Le premier amendement Ă  la constitution des États-Unis ne prĂ©voit pas de rĂ©serves aux diverses modalitĂ©s de la libertĂ© d'expression qu'il proclame, mais demeure isolĂ©. En effet, les autres textes affirmant les mĂȘmes droits les assortissent de possibilitĂ©s de restriction, notamment par la loi. Ainsi, aprĂšs avoir posĂ© le droit Ă  la libertĂ© d'expression, l'article 10.2 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme prĂ©cise que : « L'exercice de ces libertĂ©s comportant des devoirs et des responsabilitĂ©s peut ĂȘtre soumis Ă  certaines formalitĂ©s, conditions, restrictions ou sanctions prĂ©vues par la loi, qui constituent des mesures nĂ©cessaires, dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, Ă  la sĂ©curitĂ© nationale, Ă  l'intĂ©gritĂ© territoriale ou Ă  la sĂ»retĂ© publique, Ă  la dĂ©fense de l'ordre et Ă  la prĂ©vention du crime, Ă  la protection de la santĂ© ou de la morale, Ă  la protection de la rĂ©putation ou des droits d'autrui, pour empĂȘcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autoritĂ© et l'impartialitĂ© du pouvoir judiciaire. » Au-delĂ  des diffĂ©rences de formulation adoptĂ©es dans les textes nationaux[87], il apparaĂźt que les limites susceptibles d'ĂȘtre posĂ©es dans ce cadre se rattachent Ă  deux fondements complĂ©mentaires : la protection des individus et des communautĂ©s, et celle des intĂ©rĂȘts publics, qui engendrent de nombreuses difficultĂ©s en offrant de multiples possibilitĂ©s de restriction, parfois dĂ©noncĂ©es comme sources de censure arbitraire et souvent Ă  l'origine de litiges portĂ©s devant les tribunaux.

Protection des individus et des communautés

Déjà, Kant, recensant « les devoirs envers les autres hommes, considérés simplement comme hommes », insistait sur le nécessaire respect d'autrui, et, parmi les vices susceptibles d'y porter atteinte, citait les abus de la liberté d'expression[88]. Aujourd'hui, celle-ci ne peut en principe légalement s'exercer que si elle ne nuit pas aux droits et libertés d'une ou de plusieurs personnes déterminées ou déterminables.

Puisque les textes et la jurisprudence concordent pour définir largement la protection de l'individu, le droit comprend de nombreux cas dans lesquels celle-ci doit prévaloir.

  • En premier lieu, si la libertĂ© d'expression implique le droit pour chacun de diffuser toutes opinions et informations, mĂȘme dĂ©rangeantes, leur contenu ne peut en principe causer aux tiers un dommage jugĂ© anormal.

Ainsi, il est impossible de s'en rĂ©clamer lorsque son usage constitue une diffamation[89], porte atteinte Ă  la prĂ©somption d'innocence d'un accusĂ©[90], divulgue des informations confidentielles sur la santĂ©[91] ou sur la vie privĂ©e et familiale de notabilitĂ©s[92]. De mĂȘme, la publication d'images portant gravement atteinte Ă  la dignitĂ© des victimes de crimes ou de dĂ©lits n'est possible qu'avec leur accord[93].

À ces restrictions, dĂ©jĂ  sources d'abondants contentieux, s'ajoute encore l'interdiction des comportements provocateurs heurtant Ă  l'excĂšs la susceptibilitĂ© des individus ou des communautĂ©s auxquelles ils appartiennent. Kant, citant des exemples de vices susceptibles de porter atteinte au respect d'autrui, dĂ©nonçait la raillerie, « penchant Ă  tourner les autres en ridicule » qu'il qualifiait de « mĂ©chancetĂ© » et distinguait de la simple plaisanterie, qu'il admettait[94]. L'encadrement juridique de la libertĂ© d'expression s'inspire des mĂȘmes principes et pose Ă  la moquerie et Ă  la dĂ©rision des limites d'une rigueur variable selon les circonstances. Ainsi, en France, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a qualifiĂ© d'injure le jeu de mots fait par Jean-Marie Le Pen ajoutant au nom du ministre Michel Durafour l'Ă©pithĂšte « crĂ©matoire »[95]. En revanche, la Cour europĂ©enne des droits de l'homme a jugĂ© contraire Ă  l’art. 10 de la Convention l'interdiction d'exposer en Autriche un photomontage reprĂ©sentant des personnalitĂ©s, dont des hommes politiques autrichiens, dans des postures Ă©quivoques[96].

Si en gĂ©nĂ©ral, dans les sociĂ©tĂ©s se rĂ©clamant du libĂ©ralisme, la satire et le persiflage sont communĂ©ment admis lorsqu'ils s'exercent aux dĂ©pens des convictions politiques il n'en est pas de mĂȘme lorsqu'ils mettent en cause la foi religieuse, que d’aucuns Ă©prouvent parfois le besoin de heurter en se rĂ©clamant des libertĂ©s d'expression ou de crĂ©ation artistique et culturelle, et parfois mĂȘme d'un droit au blasphĂšme[97].

Dans les rĂ©gimes thĂ©ocratiques comme dans ceux oĂč existe une religion d'État, ces comportements sont gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©s comme offensant Ă  la fois la divinitĂ© et la communautĂ© de ses fidĂšles, et peuvent ĂȘtre trĂšs sĂ©vĂšrement sanctionnĂ©s. Ainsi, dans nombre de pays musulmans, le blasphĂšme est puni de mort.

En revanche, les régimes adoptant une attitude neutre à l'égard des religions en n'en reconnaissant officiellement aucune ne peuvent logiquement se poser directement en défenseurs des divinités outragées. La plupart ne s'en réservent pas moins une faculté d'intervention indirecte, en général au nom de la protection de la liberté de leurs citoyens, à la fois sur un plan individuel, puisque les attaques contre les convictions des croyants peuvent remettre en cause leur liberté de choix, et sur un plan collectif, puisque leur communauté peut se sentir offensée, voire stigmatisée.

Dans un contexte d'exacerbation des tensions autour des questions de religion, les solutions adoptĂ©es s'efforcent aujourd'hui d'opĂ©rer de maniĂšre nuancĂ©e une difficile conciliation en mĂ©nageant la sensibilitĂ© religieuse tout en ne restreignant pas Ă  l'excĂšs la libertĂ© d'expression. Ainsi, statuant sur des affaires relatives Ă  divers États europĂ©ens, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme, dans des arrĂȘts gĂ©nĂ©ralement controversĂ©s, a admis que les croyants ont le droit de « ne pas ĂȘtre insultĂ©s dans leurs sentiments religieux par l’expression publique des vues d’autres personnes », et donc que des crĂ©ations artistiques, voire de simples opinions, jugĂ©es provocatrices Ă  l'Ă©gard des religions peuvent ĂȘtre censurĂ©es[98].

En Irlande l'article 36 de la loi sur la diffamation de 2009 (Defamation Act) officialise et punit d’une amende de 25 000 euros le dĂ©lit de « blasphĂšme », lequel s’applique Ă  toutes les religions et dĂ©finit le blasphĂšme d’une façon particuliĂšrement large : « Des propos grossiĂšrement abusifs ou insultants sur des Ă©lĂ©ments considĂ©rĂ©s comme sacrĂ©s par une religion, et choquant ainsi un nombre substantiel de fidĂšles de cette religion. » La loi prĂ©cise que « les juges tiendront compte de la valeur littĂ©raire, artistique, politique, scientifique ou acadĂ©mique des propos tenus », sans pourtant prĂ©voir d’exception artistique[99].

En France, le systĂšme judiciaire tend Ă  faire prĂ©valoir la laĂŻcitĂ© en ne censurant qu'exceptionnellement l'exercice de la libertĂ© d'expression sur les questions religieuses. Ainsi, si en 1976 le Conseil d'État a admis implicitement que le visa d'exploitation d'un film pourrait ĂȘtre refusĂ© s'il Ă©tait de nature Ă  heurter gravement les sentiments et les consciences des catholiques, il a jugĂ© que Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot ne remplissait pas cette condition et que son interdiction Ă©tait illĂ©gale[100]. De mĂȘme, la Cour de Cassation admet bien « l'intĂ©rĂȘt lĂ©gitime » des associations ayant pour objet de protĂ©ger les sentiments religieux de leurs membres Ă  agir pour les dĂ©fendre[101], mais rejette leurs recours au fond lorsque les publications accusĂ©es d'y porter atteinte se bornent Ă  heurter leur susceptibilitĂ©. Par exemple, elle a jugĂ© que des dessins satiriques tournant en dĂ©rision avec une grande vulgaritĂ© la religion catholique ne constituent ni l'infraction pĂ©nale de provocation Ă  la haine raciale ni une faute civile[102]. De mĂȘme, statuant Ă  propos d'une affiche publicitaire s'inspirant avec une certaine libertĂ© de la reprĂ©sentation de la CĂšne par LĂ©onard de Vinci, elle a estimĂ© que la parodie incriminĂ©e ne constituait pas une injure Ă  l'Ă©gard des catholiques[103]. Faisant application des mĂȘmes principes, le Tribunal correctionnel, puis la Cour d'appel de Paris, tout en jugeant qu'une caricature du prophĂšte Mahomet pouvait prĂ©senter un caractĂšre choquant pour les musulmans, ont considĂ©rĂ© qu'elle ne constituait pas pour autant une injure, et relaxĂ© le rĂ©dacteur en chef du journal qui l'avait publiĂ©e[104].

En revanche, la Cour de Cassation condamne la diffusion d'idĂ©es qu'elle juge de nature Ă  inciter Ă  la haine Ă  l'Ă©gard d'une religion et ses adeptes. Ainsi, elle a qualifiĂ© de diffamation Ă  l'Ă©gard de la communautĂ© chrĂ©tienne un article virulent sur l'encyclique Veritatis Splendor imputant au catholicisme des tendances antisĂ©mites et une responsabilitĂ© indirecte dans les massacres nazis (mais son auteur, Paul Giniewski, a fait censurer cet arrĂȘt par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme)[105]. Les attaques contre l'Islam tendant Ă  se multiplier dans les mĂ©dias, le contentieux qu'elle ne manqueront pas d'engendrer sera intĂ©ressant Ă  analyser.

  • En second lieu si la libertĂ© d'expression implique le droit non seulement d'affirmer ses convictions, mais aussi de tenter de convaincre autrui de les adopter, il n'autorise pas pour autant Ă  violer la libertĂ© individuelle des personnes sollicitĂ©es en exerçant sur elles des pressions et manƓuvres susceptibles de porter atteinte Ă  leur libre arbitre.

Ainsi, en , lors de la grÚve des verriers de Carmaux, c'est, selon la presse de l'époque, pour atteinte à la liberté du travail des ouvriers dits « jaunes » que « la femme Fréjet » tentant de les persuader de ne pas se rendre à l'usine a été poursuivie devant le tribunal de simple police[106].

L'application de cette restriction soulĂšve des difficultĂ©s particuliĂšres en matiĂšre religieuse. En effet, les religions apportent une explication totale du monde et des prĂ©ceptes fondĂ©s sur la foi auxquels on adhĂšre parce qu’on les tient pour la VĂ©ritĂ©. D’oĂč la tentation d'en tĂ©moigner Ă  titre d’exemple pour autrui et de persuader les tiers de s'y rallier, puisque la conversion peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme bĂ©nĂ©fique Ă  la fois pour la grandeur de la divinitĂ© et pour le salut du nouveau fidĂšle. Statuant Ă  propos de la rĂ©pression de l’action des TĂ©moins de JĂ©hovah en GrĂšce, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme a adoptĂ© une solution nuancĂ©e en jugeant Ă  la fois que le « droit de manifester sa religion » implique l’existence d’un droit « d’essayer de convaincre son prochain », mais aussi qu'il faut distinguer entre la « vraie Ă©vangĂ©lisation », seule lĂ©gitime, et le « prosĂ©lytisme abusif » qui n’en est qu’« une corruption, ou une dĂ©formation » et peut ĂȘtre interdit[107]. Il appartient donc aux autoritĂ©s compĂ©tentes de veiller Ă  la dĂ©licate conciliation entre le droit des croyants de propager leur foi et le respect de la libertĂ© de conscience des individus. Ainsi, si dans l'affaire Kokkinakis, la Cour a jugĂ© que la GrĂšce avait portĂ© une atteinte injustifiĂ©e Ă  la libertĂ© d'exprimer sa religion garantie par l'article 9 de la convention, en France, le Tribunal administratif de Versailles a jugĂ© lĂ©gal le retrait de l'agrĂ©ment d'une assistante maternelle se livrant au prosĂ©lytisme en faveur d'une secte[108].

ImpĂ©ratifs gĂ©nĂ©raux de l'intĂ©rĂȘt public

Lorsqu'il n'est pas possible d'invoquer la protection de l'individu pour limiter l'exercice de la libertĂ© d'expression, il peut l'ĂȘtre sur d'autres fondements. En effet, si, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, chacun est libre en son for intĂ©rieur de penser et croire ce qu’il veut, l'extĂ©riorisation de ces pensĂ©es et croyances est parfois considĂ©rĂ©e comme nuisible Ă  l'ordre social. Ainsi, Ă  l'occasion de la grĂšve des verriers de Carmaux, Ă©voquĂ©e plus haut, si le tribunal a relaxĂ© de la poursuite pour entrave Ă  la libertĂ© du travail « la femme FrĂ©jet » exhortant les non grĂ©vistes, il l'a malgrĂ© tout condamnĂ©e Ă  quatre jours de prison pour « bruits injurieux dans la rue »[109], alors qu'un ouvrier criant « Vive la sociale! » Ă©tait arrĂȘtĂ© et condamnĂ© pour « tapage nocturne »[110].

Commentant les Ă©vĂšnements de Carmaux, l'auteur germaniste Henri Lasvignes dans sa prĂ©face Ă  L'Unique et sa propriĂ©tĂ© observait dĂ©jĂ  en 1900 que « la loi est d'une ambiguĂŻtĂ© jĂ©suitique sur les faits qui constituent une atteinte Ă  la libertĂ© »[111]. Il apparait en effet que bien que considĂ©rĂ© comme le modĂšle dĂ©mocratique le plus accompli, le rĂ©gime dit de l'État de droit pose de nombreuses limites Ă  la libertĂ© d'expression au nom d'objectifs jugĂ©s essentiels Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  la qualitĂ© de la vie sociale. Si ces restrictions existent Ă  des degrĂ©s divers dans tous les ordres juridiques, la France fait par tradition partie des États qui en usent le plus[112]. Sans tenter d'en Ă©tablir un catalogue exhaustif, qui s'avĂ©rerait trop fastidieux, on peut en recenser quelques-unes parmi les plus courantes, en les classant en fonction de leurs buts.

Défense des institutions et de leurs représentants
  • En premier lieu, cet objectif est invoquĂ© pour placer le pouvoir et ses titulaires Ă  l'abri des critiques en sanctionnant leurs Ă©ventuels dĂ©tracteurs sous couvert de protĂ©ger la stabilitĂ© des institutions.

Au temps de l'Empire romain, par exemple, c'était devenu la fonction essentielle du crimen maiestatum, infraction créée sous la République pour punir les complots contre le régime, et servant surtout désormais à réprimer tout comportement considéré comme un affront à la majesté de l'empereur.

Par la suite, ce modÚle sera repris dans les monarchies, le plus souvent sous l'appellation de crime de lÚse-majesté. Ainsi, la France de l'Ancien Régime connaßtra le « crime de lÚse majesté humaine au second chef », acte tendant à « blesser la majesté du Prince sans la détruire » en « attaquant l'honneur et la dignité du Prince par paroles, par écrit, ou voie de fait »[113].

De mĂȘme, au Japon, sous l'Ăšre Meiji, aprĂšs deux « ordonnances de presse » de 1873 et de 1875 doublĂ©es d'une « loi de diffamation » visant surtout a protĂ©ger la famille impĂ©riale et l'appareil d'État, en 1911 sous prĂ©texte d'un complot contre l'empereur, vingt-six condamnations Ă  mort pour crime de lĂšse-majestĂ© (daygyaku jiken) seront prononcĂ©es, notamment contre des journalistes, anĂ©antissant le mouvement socialiste et sa presse[114].

Aujourd'hui encore, dans la plupart des États, des dispositions spĂ©ciales permettent de sanctionner les formes d'expression considĂ©rĂ©es comme outrageantes pour les titulaires du pouvoir ou leur entourage, et sont utilisĂ©es avec une frĂ©quence variable selon les circonstances et l'orientation autoritaire ou libĂ©rale du rĂ©gime. Ainsi, en ThaĂŻlande, l'article 8 de la constitution de 2007 protĂšge la personne du Roi[115], et l'article 112 du Code pĂ©nal punit de 15 ans de prison diffamation, insultes ou menaces au roi, Ă  la reine, Ă  l'hĂ©ritier du trĂŽne ou au rĂ©gent - voire plus loin[116]. En Arabie saoudite, la « Loi pĂ©nale relative aux crimes terroristes et Ă  leur financement » entrĂ©e en vigueur le dĂ©finit comme actes de terrorisme les actions qui « menacent l'unitĂ© de l'Arabie Saoudite, troublent l'ordre public, ou diffament la rĂ©putation de l’État ou le roi », formule susceptible d'englober toute manifestation d'opposition[117]. En Espagne, « quiconque calomnie ou injurie le Roi ou l’un quelconque de ses ascendants ou descendants, la Reine consort ou le consort de la Reine, le RĂ©gent ou un membre de la RĂ©gence, ou le Prince ou la Princesse des Asturies, dans l’exercice de ses fonctions ou en raison ou Ă  l’occasion de celles-ci, est puni de la peine d’emprisonnement de six mois Ă  deux ans si la calomnie ou l’injure est grave, et de celle d’amende de six Ă  douze mois si elle ne l’est pas »[118]. En Pologne, le code pĂ©nal prĂ©voit le dĂ©lit d'insulte Ă  chef d'État Ă©tranger et sur ce fondement, le , un tribunal de Varsovie a condamnĂ© Ă  une amende l'auteur de l'article d'un magazine satirique dĂ©crivant le Pape Jean-Paul II comme « un vieillard impotent offrant un spectacle d'horreur au public
 »[119]. En France, la loi du sur la libertĂ© de la presse a prĂ©vu dans ses articles 30, 31 et 33[120] un rĂ©gime spĂ©cifique de protection contre diffamation et injure au profit des principales autoritĂ©s de l'État, qui dĂšs l'origine n'a pas pour autant empĂȘchĂ© de violentes attaques contre certaines institutions[121]. Ces dispositions existent toujours dans la version actuelle de la loi[122], mais avec valeur plutĂŽt symbolique. En effet, la Cour europĂ©enne des droits de l'homme considĂšre qu'« une protection accrue par une loi spĂ©ciale en matiĂšre d’offense n’est, en principe, pas conforme Ă  l’esprit de la Convention »[123], puisque les notabilitĂ©s, quelles qu'elles soient, peuvent « faire sanctionner les atteintes Ă  leur honneur, ou Ă  leur rĂ©putation, ou encore les propos injurieux tenus Ă  leur encontre, dans les conditions de droit reconnues Ă  toute personne »[124].

Ainsi, « l'intĂ©rĂȘt d'un État de protĂ©ger la rĂ©putation de son propre chef d'État (
) ne saurait justifier de confĂ©rer Ă  ce dernier un privilĂšge ou une protection spĂ©ciale vis-Ă -vis du droit d'informer et d'exprimer des opinions Ă  son sujet. Penser autrement ne saurait se concilier avec la pratique et les conceptions politiques d'aujourd'hui »[125].

Certains États tirent les consĂ©quences de cette jurisprudence en modifiant leur lĂ©gislation dans un sens plus libĂ©ral. Ainsi, dĂ©savouĂ©e Ă  de nombreuses reprises par la Cour, la France a finalement abrogĂ© les dispositions initiales de la loi du crĂ©ant les dĂ©lits d'offense au prĂ©sident de la RĂ©publique (article 26), d'offense commise publiquement Ă  chef d'État Ă©tranger (article 36) et d'outrage commis publiquement Ă  diplomate (article 37)[126].

Lorsque subsiste un rĂ©gime protecteur dĂ©rogatoire et que la Cour est saisie de recours contre des condamnations, de maniĂšre pragmatique, elle ne remet pas en cause l'existence des dispositions spĂ©cifiques protectrices des notables, mais contrĂŽle strictement leur application en considĂ©rant que « s’il est tout Ă  fait lĂ©gitime que les institutions de l’État soient protĂ©gĂ©es par les autoritĂ©s compĂ©tentes en leur qualitĂ© de garantes de l’ordre public institutionnel, la position dominante que ces institutions occupent commande aux autoritĂ©s de faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pĂ©nale ». Ainsi, elle a jugĂ© contraire Ă  l'article 10 sur la libertĂ© d'expression la peine de prison prononcĂ©e en Espagne contre un parlementaire basque ayant lors d'une confĂ©rence de presse dĂ©clarĂ© que le roi, en tant que chef suprĂȘme des armĂ©es, Ă©tait « le responsable des tortionnaires » et protĂ©geait la torture[127].

  • En second lieu, la protection des institutions, et plus spĂ©cialement de leur dignitĂ© et de leur neutralitĂ©, est aussi invoquĂ©e pour justifier l'obligation couramment appelĂ©e devoir de rĂ©serve imposĂ©e aux agents publics.

En effet, si ceux-ci bĂ©nĂ©ficient en principe au mĂȘme titre que les autres citoyens de la libertĂ© d’opinion et de conscience, Ă  raison de leur qualitĂ© de reprĂ©sentants des personnes publiques, leur libertĂ© d'expression est gĂ©nĂ©ralement soumise Ă  des contraintes particuliĂšres, variables selon leur niveau hiĂ©rarchique et l'État qui les emploie.

Ainsi, en Turquie, le statut des militaires prĂ©voyant la sanction des comportements rĂ©vĂ©lateurs d'« opinions politiques illĂ©gales, subversives, sĂ©paratistes, intĂ©gristes et idĂ©ologiques », un colonel a pu ĂȘtre lĂ©galement mis Ă  la retraite d'office pour islamisme radical[128]. En Grande-Bretagne, le Code de la fonction publique (Civil service)[129] Ă©nonce une liste de « principes gĂ©nĂ©raux de conduite » interdisant notamment aux agents de la Couronne les comportements ou activitĂ©s tĂ©moignant de partialitĂ© ou nuisant de maniĂšre significative au fonctionnement ou Ă  l'image de l'administration.

Aux États-Unis, les fonctionnaires bĂ©nĂ©ficient comme tous les citoyens de la libertĂ© d'expression prĂ©vue par le Premier amendement, et en 1968, la Cour suprĂȘme a jugĂ© qu'ils peuvent contribuer au dĂ©bat public en allant jusqu'Ă  critiquer leur propre administration sur des sujets d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral[130]. Ainsi, une Cour d'appel de circuit a annulĂ© le refus de renouveler l'embauche d'une assistante d'Ă©cole maternelle noire ayant critiquĂ© publiquement Ă  plusieurs reprises le systĂšme scolaire, alors que les premiers juges avaient dĂ©cidĂ© que la question Ă©tait bien d'intĂ©rĂȘt public, mais que l'objectif d'Ă©viter les tensions sur les questions raciales Ă  l'Ă©cole devait l’emporter sur la libertĂ© de parole[131]. Toutefois, en 2006, la Cour suprĂȘme a restreint la portĂ©e de sa jurisprudence initiale[132] en dĂ©cidant que le Premier amendement n'est invocable que si le fonctionnaire s'exprime en tant que citoyen comme les autres, et non dans le cadre de ses fonctions officielles. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme une rĂ©gression obligeant les fonctionnaires au loyalisme, au dĂ©triment des lanceurs d'alerte.

En France, la loi du portant droits et obligations des fonctionnaires[133] leur garantit dans son article 6 la liberté d'opinion et de religion, mais n'évoque pas la liberté d'expression. Celle-ci doit s'exercer, aussi bien dans leurs fonctions que hors du service, sous certaines conditions.

Dans l'exercice de leurs fonctions, les agents publics doivent faire preuve de neutralitĂ© quelles que soient leurs propres convictions, en s’abstenant de toute manifestation susceptible d’en tĂ©moigner. Ainsi, un professeur d'histoire exprimant en cours ses doutes sur les massacres commis par les nazis a pu ĂȘtre lĂ©galement suspendu d'enseignement[134].

Hors de leur service, les agents publics sont en principe des citoyens comme les autres, libres d’agir, de s’exprimer, d’adhĂ©rer, de militer, avec, cependant, l'obligation d'observer retenue et dignitĂ©. Ainsi a pu ĂȘtre rĂ©trogradĂ© un policier syndicaliste critiquant la politique gouvernementale en termes outranciers[135], et mis Ă  la retraite d'office par le Conseil supĂ©rieur de la magistrature un avocat gĂ©nĂ©ral de la Cour de Cassation auteur, dans un article d'une revue syndicale, d'un jeu de mots douteux visant un de ses collĂšgues juifs[136]. En outre, les hauts fonctionnaires, titulaires d’emplois Ă  la discrĂ©tion du gouvernement, sont tenus Ă  un certain loyalisme. Ainsi a Ă©tĂ© jugĂ©e lĂ©gale la rĂ©vocation d’une chargĂ©e de mission pour les droits de la femme qui avait critiquĂ© la politique du gouvernement, puisque pour le Conseil d'État, elle s'Ă©tait « dĂ©partie du devoir de rĂ©serve qui s'impose Ă  tout agent public, et spĂ©cialement Ă  un agent appelĂ© Ă  collaborer directement avec le prĂ©fet du dĂ©partement »[137].

Proscription des idées et doctrines jugées pernicieuses
Le Cardinal et la Nonne, Egon Schiele (1912). En 1912, Egon Schiele est condamnĂ© pour ses Ɠuvres outrageantes aux bonnes mƓurs ; une centaine de ses peintures, majoritairement des nus, sont confisquĂ©es par le tribunal dĂ©partemental.

MalgrĂ© le pluralisme prĂ©valant dans les rĂ©gimes se rĂ©clamant de la dĂ©mocratie, certaines thĂšses sont parfois considĂ©rĂ©es comme susceptibles de produire des effets nĂ©fastes sur l'ordre social, notamment lorsqu’elles en remettent en cause des fondements jugĂ©s intangibles. En dĂ©pit de leur contenu choquant, on peut cependant juger prĂ©fĂ©rable de les laisser s’exprimer librement pour les combattre activement, en combinant tolĂ©rance et pĂ©dagogie, plutĂŽt qu'interdire leur diffusion en risquant de pousser leurs tenants Ă  la fois Ă  se poser en victimes d'une censure et Ă  les propager par des voies dĂ©tournĂ©es extralĂ©gales. C'est gĂ©nĂ©ralement la solution retenue dans les pays anglo-saxons, notamment aux États-Unis, oĂč la Cour SuprĂȘme veille avec constance Ă  faire prĂ©valoir la libertĂ© d'expression. Ainsi a-t-elle notamment dĂ©clarĂ© contraires au Premier amendement une loi d'État sanctionnant la profanation du drapeau amĂ©ricain[138], la condamnation d'un membre du Ku Klux Klan appelant Ă  la « revanche » [sic] contre les juifs et les AmĂ©ricains d'origine africaine[139], ou celle de militants homophobes troublant les funĂ©railles des homosexuels en portant des pancartes injurieuses et en leur promettant l'enfer[140].

Nombre de Pays/États n'adoptent cependant pas ce type de dĂ©marche et disposent d'une lĂ©gislation leur permettant de rĂ©primer la diffusion des idĂ©es jugĂ©es dĂ©lĂ©tĂšres. Par exemple, dans son titre 12 consacrĂ© aux « crimes ou dĂ©lits contre la paix publique », le Code pĂ©nal suisse contient un article 261 bis punissant ceux qui publiquement auront « incitĂ© Ă  la haine ou Ă  la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ; (
) propagĂ© une idĂ©ologie visant Ă  rabaisser ou Ă  dĂ©nigrer de façon systĂ©matique les membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion ; (
) par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre maniĂšre, abaissĂ© ou discriminĂ© d’une façon qui porte atteinte Ă  la dignitĂ© humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion » ou niĂ©, minimisĂ© grossiĂšrement ou cherchĂ© « Ă  justifier un gĂ©nocide ou d’autres crimes contre l’humanitĂ© »[141]. Des dispositions analogues existent au Royaume Uni, oĂč le Public Order Act de 1986 punit dans ses articles 18 et suivants les paroles, Ă©crits et comportements de nature Ă  inciter Ă  la haine raciale largement entendue comme « dĂ©finie par rĂ©fĂ©rence Ă  la couleur, la race, la nationalitĂ© (y compris la citoyennetĂ©) ou les origines ethniques ou nationales »[142].

En France, l'article 24 de la loi du [143] sur la presse punit notamment, entre autres comportements, tous « cris et chants sĂ©ditieux profĂ©rĂ©s dans des lieux ou rĂ©unions publics », et, quelles qu’en soient les formes, l’apologie des meurtres, pillages, incendies, viols, crimes de guerre. C'est sur son fondement que la Cour de Cassation a validĂ© la condamnation du gĂ©nĂ©ral Aussaresses, auteur d'un ouvrage sur la guerre d'AlgĂ©rie relatant de tels actes et les prĂ©sentant comme justifiĂ©s[144]. En 1990, un article 24 bis a Ă©tĂ© ajoutĂ© Ă  la loi pour sanctionner la diffusion des thĂšses dites nĂ©gationnistes remettant en cause la rĂ©alitĂ© des crimes nazis.

L'application de ce rĂ©gime rĂ©pressif aux thĂšses jugĂ©es condamnables suscite de nombreuses difficultĂ©s, et donne lieu Ă  des solutions juridictionnelles nuancĂ©es s'efforçant de tenir compte du contexte particulier Ă  chaque affaire, et notamment des intentions des personnes poursuivies. Ainsi, la Cour de Cassation a jugĂ© que si l'emploi par Jean-Marie Le Pen de l’expression « point de dĂ©tail » Ă  propos de l’extermination dans les chambres Ă  gaz n'est pas une infraction pĂ©nale, elle n'en constitue pas moins « une faute au sens de l’article 1382 du Code civil » justifiant l'octroi de 100 000 F d'indemnitĂ©s Ă  six associations de dĂ©portĂ©s[145]. Elle a Ă©galement dĂ©cidĂ© que si la contestation du nombre des victimes de l'holocauste n'entre pas en principe dans le champ de l'article 24 bis de la loi de 1881, c'est seulement sous rĂ©serve d'une minoration outranciĂšre et de mauvaise foi[146].

La Cour EuropĂ©enne des droits de l'homme a dĂ©cidĂ© que l'expression de certaines idĂ©es ne peut ĂȘtre sanctionnĂ©e que lorsqu'elle tĂ©moigne d'une vĂ©ritable intention de les promouvoir, et non d'un simple souci d'information, mĂȘme si la diffĂ©renciation ne s'avĂšre pas toujours aisĂ©e. Elle a ainsi jugĂ© qu'un journaliste condamnĂ© pour avoir dans une Ă©mission de radio, diffusĂ© les propos racistes de personnes interviewĂ©es, n'avait pas eu l'intention de faire la propagande de leurs thĂšses[147]. En revanche, elle a estimĂ© que la contestation des crimes nazis est un dĂ©tournement du droit Ă  la libertĂ© d’expression Ă  des fins contraires Ă  la lettre et Ă  l’esprit de la Convention, et que les nĂ©gationnistes condamnĂ©s sont irrecevables Ă  invoquer devant elle la violation de l'article 10[148]. Elle n'a par contre pas adoptĂ© la mĂȘme position Ă  propos de la nĂ©gation du gĂ©nocide armĂ©nien, en admettant Ă  la fois la recevabilitĂ© et le bien fondĂ© du recours d'un Turc condamnĂ© pour l'avoir contestĂ© en Suisse[149].

Les subtilitĂ©s de la jurisprudence sur le nĂ©gationnisme et le dĂ©bat rĂ©current sur l’opportunitĂ© d’incriminer d'autres manifestations de la libertĂ© d'expression tels les propos affirmant l’inĂ©galitĂ© des races ou critiquant les religions mettent en lumiĂšre la difficultĂ© de pĂ©naliser l'extĂ©riorisation des idĂ©es jugĂ©es nuisibles.

Protection de l'ordre public

Présenté sommairement, l'ordre public est l'état idéal d'une société dans laquelle la combinaison de mesures préventives et au besoin répressives permet qu'il n'existe aucun trouble majeur. Il est aujourd'hui entendu extensivement puisqu'il englobe non seulement la sécurité physique, mais aussi des aspects immatériels tels la moralité, ou la dignité de la personne humaine[150]. Afin de le garantir, une multitude de réglementations, généralement dites de police, encadrent toutes les activités, parfois en les interdisant[151], parfois en les soumettant à autorisation[152] ou déclaration préalable, parfois en les laissant libres, mais toujours en réservant aux autorités publiques une faculté d'intervention.

Ainsi, quelles que soient ses modalités d'exercice, la liberté d'expression peut-elle faire l'objet au nom d'un ordre public parfois utilisé comme prétexte commode, de restrictions dont faute d'établir le catalogue exhaustif il est possible de présenter quelques exemples.

Au Royaume Uni, le Public Order Act de 1986 réglemente les manifestations dans ses articles 11 et suivants en prévoyant la possibilité de leur interdiction en cas de risque de troubles sérieux à l'ordre public ((serious public disorder)[153].

Aux États-Unis, si en rĂšgle gĂ©nĂ©rale la Cour suprĂȘme n'admet que trĂšs restrictivement les recours des particuliers contre l'exercice de la libertĂ© d'expression mĂȘme lorsqu'ils le jugent dĂ©rangeant, elle laisse aux autoritĂ©s publiques une assez large marge d'apprĂ©ciation pour l'encadrer au nom de la dĂ©fense de l'ordre public. Ainsi, dans un arrĂȘt de principe du , Miller v. California, elle a exclu du bĂ©nĂ©fice du 1er amendement les publications obscĂšnes, qui peuvent donc ĂȘtre interdites par les États. Elle a Ă©galement jugĂ© qu'afin d'Ă©viter d'Ă©ventuels risques de troubles, l'État du Texas peut sans violation du 1er amendement refuser aux nostalgiques de l'ancienne ConfĂ©dĂ©ration d'apposer sur leurs vĂ©hicules des plaques d'immatriculation ornĂ©es de son drapeau[154]. De mĂȘme, le , elle a refusĂ© d'examiner le recours de l'American Defense freedom initiative contre le refus opposĂ© par le comtĂ© de King (État de Washington) d'autoriser sur les bus publics une campagne publicitaire affichant les photographies des visages de seize terroristes arabes prĂ©sumĂ©s, en estimant que la prĂ©vention des rĂ©actions susceptibles de rĂ©sulter de la stigmatisation des minoritĂ©s devait l'emporter sur l'application du 1er amendement[155].

En France, mĂȘme si leur nombre tend Ă  se rĂ©duire[156], les rĂ©glementations offrant aux pouvoirs publics l'occasion d'allĂ©guer la dĂ©fense de l'ordre public pour restreindre la libertĂ© d'expression sont encore nombreuses.

Certaines activitĂ©s d'expression publique telles la communication audiovisuelle[157], l'exploitation d'un film[158], sont subordonnĂ©es Ă  autorisation; d'autres, telles les manifestations[159], la publication de pĂ©riodiques destinĂ©s Ă  la jeunesse[160], sont soumises Ă  dĂ©claration; d'autres encore, les plus nombreuses, telles la publication d'un journal[161] ou une reprĂ©sentation thĂ©Ăątrale, peuvent s'exercer sans formalitĂ©s prĂ©alables. Quel que soit le rĂ©gime dont elles relĂšvent, toutes peuvent ĂȘtre suspendues ou interdites pour des motifs liĂ©s Ă  un ordre public apprĂ©ciĂ© tantĂŽt nationalement, tantĂŽt localement, comme le montrent, entre autres, quelques exemples tirĂ©s de l'abondante jurisprudence administrative sur la question.

Ainsi, au plan national, les Ă©missions de la station de radio Skyrock ont Ă©tĂ© temporairement suspendues pour propos contraires Ă  l'ordre public et Ă  la dignitĂ© humaine aprĂšs qu'un de ses animateurs se fut rĂ©joui Ă  quatre reprises sur l’antenne du meurtre d’un policier par des malfaiteurs[162], et le visa accordĂ© au film Baise-moi a Ă©tĂ© annulĂ©, sa simple interdiction aux mineurs de 16 ans et l'avertissement dont il Ă©tait assorti Ă©tant jugĂ©s insuffisants compte tenu du « message pornographique et d’incitation Ă  la violence » dont il Ă©tait porteur[163]. De mĂȘme, a Ă©tĂ© reconnue lĂ©gale une circulaire du ministre de l'IntĂ©rieur faisant le point sur les possibilitĂ©s d'interdiction d'un spectacle de l'humoriste DieudonnĂ© susceptible de porter atteinte Ă  la dignitĂ© de la personne humaine[164].

Sur le plan local, une manifestation sur le parvis de Notre-Dame de Paris des adversaires de l'avortement a pu ĂȘtre interdite, le rassemblement en ces lieux Ă©tant « de nature Ă  troubler l'ordre public »[165]. De mĂȘme, Ă  une Ă©poque oĂč les juges administratifs admettaient encore que la moralitĂ© d'un film pouvait s'apprĂ©cier diffĂ©remment selon les localitĂ©s, Le Feu dans la peau a pu lĂ©galement ĂȘtre interdit de projection Ă  Nice[166].

Il convient cependant d'observer que le contrĂŽle juridictionnel tendant en gĂ©nĂ©ral Ă  faire prĂ©valoir la libertĂ© d'expression, les mesures la restreignant sont dans la majoritĂ© des cas dĂ©clarĂ©es injustifiĂ©es, ou disproportionnĂ©es aux troubles qu'elles prĂ©tendent Ă©viter, et donc illĂ©gales. Ainsi, a Ă©tĂ© annulĂ©e l'interdiction de toute manifestation par la communautĂ© tibĂ©taine lors de la visite du prĂ©sident chinois Ă  Paris, le risque de « porter atteinte aux relations internationales de la RĂ©publique » n'Ă©tant pas une menace Ă  l'ordre public[167]. De mĂȘme a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e illĂ©gale l'interdiction d'un spectacle de DieudonnĂ© Ă  Cournon-d'Auvergne[168].

Circonstances exceptionnelles diverses

Dans les situations de crise, les rĂšgles habituelles de la lĂ©galitĂ© s'effacent gĂ©nĂ©ralement au bĂ©nĂ©fice d'autoritĂ©s disposant de pouvoirs exorbitants leur permettant entre autres de contrĂŽler la diffusion des informations et des opinions. Ainsi, lors de la guerre d'AlgĂ©rie, le Conseil d'État avait admis implicitement que compte tenu de la situation, le prĂ©fet d'Alger aurait pu faire saisir des journaux afin de prĂ©venir les troubles susceptibles de rĂ©sulter de leur diffusion[169]. En pĂ©riode de conflit armĂ©, la lĂ©gislation française sur l'Ă©tat de siĂšge issue de la loi du reprise par l'article L 2121-7 4° du Code de la dĂ©fense habilite l'autoritĂ© militaire Ă  « interdire les publications et les rĂ©unions qu'elle juge de nature Ă  menacer l'ordre public ». Ainsi ont Ă©tĂ© systĂ©matiquement occultĂ©es durant les deux guerres mondiales toutes les nouvelles jugĂ©es susceptibles d'affecter le moral des combattants et de la population, telle celle de l'accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne. On trouve une bonne illustration de la maniĂšre dont s'exerçait la censure dans deux articles du Journal de Rouen relatifs Ă  un autre accident ferroviaire survenu le prĂšs de Serqueux, dans laquelle ont pĂ©ri un grand nombre de permissionnaires anglais. Le premier rend compte de l'accident[170] et le second de la cĂ©rĂ©monie des obsĂšques[171].

Notes et références

  1. article Freedom of speech,'Encyclopédie de philosophie de l'université Stanford.
  2. Voir par exemple :Lao Tseu traduit par Jules Besse, Ă©d. Leroux, Paris, 1909 « Qui pourrait se flatter d'en savoir plus long que les autres et de faire bĂ©nĂ©ficier le monde d'un savoir certain ? seulement le fou qui croirait s'ĂȘtre mis dans la tĂȘte et possĂ©der Ă  fond la Doctrine » (p. 156) ; « La vĂ©ritĂ©, exprimĂ©e, n'est pas belle. De belles paroles sont incapables de dire la vĂ©ritĂ©. Les plus beaux raisonnements, exprimĂ©s, n'ont rien de dĂ©cisif. EĂ»t-on Ă  dire quelque chose de dĂ©cisif, il serait impossible de le faire passer pour excellent [
] La saintetĂ© consiste Ă  emmagasiner un minimum d'idĂ©es » (p. 162).
  3. Voir: Doctrine de Confucius ou Les quatre livres de philosophie morale et politique de la Chine, trad. G. Pauthier, Ă©d. Garnier, Paris, 1921, p. 56-57.
  4. Ibid., p. 59.
  5. Politique d'Aristote, trad. Charles Millon, Ă©d. Artaud, Paris, 1803, p. 10-11.
  6. Traité des devoirs, traduction fr. par E. Sommer, éd. Hachette, Paris, 1877, p. 46.
  7. Voir par exemple: RĂ©publique, Livre IV, p. 145-146.
  8. La rhétorique d'Aristote, trad. N. Bonafous, éd. Durand, Paris, 1856, Livre I, chapitre I, p. 11; voir également Livre II, chapitre I, p. 139 et s.
  9. Voir par exemple: PensĂ©es de CicĂ©ron, trad. par Louis Leroy, tome 2, Éd. Lamy, Paris, 1802,p. 22 et s.
  10. Traité de l'invention Livre premier Rhétorique, ou de l'invention oratoire, I, p. 5-6).
  11. Ibid. p. 11.. Dans le mĂȘme registre, CicĂ©ron affirmait qu'Ă  la diffĂ©rence de celui utilisant la parole sans sagesse, « celui qui se revĂȘt des armes de l'Ă©loquence, non pour attaquer, mais pour dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de son pays (lui semblait) aussi utile Ă  l'État qu'Ă  lui-mĂȘme, et le meilleur des citoyens » (Ibid.).
  12. Dans son Apologie de Socrate (Apologie de Socrate; Criton; PhĂ©don, trad. E. Chambry, Éd. Garnier, Paris, 1992, p. 44).
  13. RĂ©publique, Livre V, p. 224.
  14. Ibid. p. 218.
  15. Ibid. p. 221
  16. Platon fait dire Ă  Socrate: « As-tu jamais entendu quelqu'un de ceux dont se compose la foule prouver autrement que par des raisons ridicules et pitoyables que ce qu'il estime bon et honnĂȘte est tel en effet? »(Ibid, Livre VI, p. 240-241).
  17. L'État ou la RĂ©publique de Platon, trad. A. Bastien, Ă©d. Garnier, Paris, 1879, Livre troisiĂšme, p. 91.
  18. La CitĂ© de Dieu, Livre II chapitre I: Les disputes n'auraient point de fin si l'on rĂ©pondait toujours, p. 329-330: « Si l'esprit faible de l'homme, au lieu de rĂ©sister hardiment aux vĂ©ritĂ©s les plus claires, voulait se soumettre aux enseignements d'une saine doctrine, jusqu'Ă  ce que, par sa foi et son humilitĂ©, il obtint de Dieu la grĂące nĂ©cessaire pour le guĂ©rir, ceux qui jugent sainement et s'expliquent avec facilitĂ©, n'auraient pas le besoin de longs discours pour rĂ©futer l'erreur. Mais parce que cette maladie et cette extravagance est plus grande aujourd'hui que jamais, et que les hommes, par un excĂšs d'aveuglement ou d'opiniĂątretĂ©, soutiennent les propositions les plus dĂ©raisonnables, comme si c'Ă©tait la raison et la vĂ©ritĂ© mĂȘmes, on est souvent obligĂ©, quoiqu'on y ait satisfait pleinement, et autant qu'un homme le doit attendre d'un autre, de s'Ă©tendre beaucoup sur des choses fort claires (
). Et nĂ©anmoins, si nous voulions toujours rĂ©pondre Ă  ceux qui nous rĂ©pondent, quand finiraient nos contestations ? ».
  19. Livre XIV p. 481.
  20. Il reprochait notamment à Calvin d'avoir fait exécuter Michel Servet pour un désaccord sur l'interprétation de la Bible (voir: Philippe Joutard, « Les combattants des LumiÚres », L'Histoire, avril 2015).
  21. Conseil à la France désolée, auquel est montré la cause de la guerre présente et le remÚde qui y pourroit estre mis, et principalement est avisé si on doit forcer les consciences, 1562, p. 91.
  22. Léviathan ou La matiÚre, la forme et la puissance d'un état ecclésiastique et civil, trad. R. Anthony, éd. Giard, Paris, 1921, Tome I, De l'Homme p. 150.
  23. Qu'il attribuait à une « ignorance des marques de la sagesse et des bonnes intentions»
  24. Ibid. p. 159.
  25. Dans un chapitre sur les « vertus communĂ©ment appelĂ©es intellectuelles », il affirmait : (
) « 
dans le laisser-aller voulu de l'esprit et dans une sociĂ©tĂ© familiĂšre, on peut s'amuser des sons et des significations Ă©quivoques des mots : mais dans un Discours ou en public, ou devant des personnes inconnues, ou devant ceux Ă  qui on doit le respect, tout jeu de mots est tenu pour sottise; et ce qui fait la diffĂ©rence est seulement le manque de discrĂ©tion »(ibid. p. 105).
  26. (ibid. p. 160).
  27. « Les figures de la liberté d'expression : Beaumarchais - Histoire - Le blog », sur lecrayon.net (consulté le ).
  28. Dans le court texte «Qu'est-ce que les LumiÚres?» publié dans le Berlinische Monatsschrif du 30 septembre 1784 (voir Beantwortung der Frage: Was ist AufklÀrung?, Berlinische Monatsschrif 1784 , 2 , p. 481-494).
  29. Voir : Emmanuel Kant :ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine du droit suivis d'un Essai philosophique sur la paix perpĂ©tuelle et d'autres petits Ă©crits relatifs au droit naturel, trad. J. Barni, A. Durand Ă©d., Paris, 1853, p. 55-56.
  30. « Certes, on dit : la libertĂ© de parler, ou d'Ă©crire peut nous ĂȘtre retirĂ©e par un pouvoir supĂ©rieur mais absolument pas celle de penser. Toutefois, quelles seraient l'ampleur et la justesse de notre pensĂ©e, si nous ne pensions pas en quelque sorte en communautĂ© avec d'autres Ă  qui nous communiquerions nos pensĂ©es et qui nous communiqueraient les leurs! On peut donc dire que ce pouvoir extĂ©rieur qui dĂ©robe aux hommes la libertĂ© de communiquer en public leurs pensĂ©es, leur retire aussi la libertĂ© de penser »(« Que signifie s'orienter dans la pensĂ©e ? », texte publiĂ© en octobre 1786 dans le Berlinische Monatsschrift, traduction de Jean-François Poirier et Françoise Proust, dans Emmanuel Kant, Vers la paix perpĂ©tuelle
 et autres textes, Paris, Flammarion, 1991, p. 69; original consultable sur Berlinische Monatsschrift, p. 304-330.
  31. Voir par exemple: ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine de la vertu (seconde partie de la MĂ©taphysique des mƓurs), suivis d'un TraitĂ© de pĂ©dagogie et de divers opuscules relatifs Ă  la morale, trad. Jules Barni, Ă©d. A. Durand, Paris, 1855, p. 150.
  32. ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine du droit
, p. 55-56 prĂ©citĂ©.
  33. Voir notamment le texte de 1784 prĂ©citĂ© et Emmanuel Kant :ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine du droit suivis d'un Essai philosophique sur la paix perpĂ©tuelle et d'autres petits Ă©crits relatifs au droit naturel, prĂ©citĂ©, p. 178-180, qui dĂ©nient au peuple le droit de rĂ©sistance Ă  l'oppression.
  34. John Stuart Mill : Pour la liberté, trad. Paul Lemaire, éd. Hatier, Paris, 1925. Voir par exemple chapitre premier, p. 10.
  35. (articles 4 et 5).
  36. articles 35 et 36.
  37. Articles 16 et 20.
  38. « Loi Avia : les raisons de la censure par le Conseil constitutionnel », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consultĂ© le )
  39. Voir: Fundamental constitutions of Carolina (en).
  40. Voir Les constitutions fondamentales de Caroline du 1er mars 1669 et notamment les articles 97, 103, 109, sans doute directement rédigés par Locke.
  41. DĂ©claration des droits de la Virginie du 12 juin 1776.
  42. Section 12: « La libertĂ© de la presse est un des principaux remparts de la libertĂ© et ne peut jamais ĂȘtre restreinte, sauf par un gouvernement despotique ».
  43. Section 16 : « La religion (
) et la maniĂšre de la pratiquer, ne peuvent ĂȘtre commandĂ©s que par la raison et les convictions, et non par la force et la violence, et en consĂ©quence tous les hommes ont droit au libre exercice de leur religion, selon les prĂ©ceptes de leur conscience
 ».
  44. Voir : .
  45. Articles 6 et 24.
  46. MĂ©lanie Patin, « LA LIBERTE D’EXPRESSION AU ROYAUME UNI », sur Enseignement Moral Civique PĂ©dagogie (consultĂ© le )
  47. Texte consultable sur :.
  48. Annuaire de législation étrangÚre, Paris, 1907, p. 586
  49. Textes consultables sur: .
  50. Assorties en outre de la mise à disposition de moyens matériels concrets
  51. Texte consultables sur: .
  52. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (état le 1er janvier 2020).
  53. Bayatyan c. ArmĂ©nie (requĂȘte no 23459/03), communiquĂ© du greffier.
  54. Consulter
  55. ArrĂȘt du 25 janvier 2007, Vereinigung Bildender KĂŒnstler c. Autriche.
  56. Décision du 29 juillet 1994, considérant n° 5.
  57. Ordonnance de référé du 9 janvier 2014, à propos de l'interdiction d'un spectacle de l'humoriste Dieudonné.
  58. Ainsi, en France, selon les articles 10 et 11 de la DĂ©claration de 1789, les libertĂ©s de manifester et communiquer pensĂ©es et opinions s'exercent-elles dans le cadre de la loi, qui dĂ©termine les cas dans lesquels leur usage est abusif ou porte atteinte Ă  l'ordre public; de mĂȘme, les alinĂ©as 2 des articles 9 et 10 de la Convention europĂ©enne des droits de l'homme prĂ©voient une liste potentiellement large de restrictions « nĂ©cessaires dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique ».
  59. ArrĂȘt du 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c/ Autriche.
  60. CEDH 18 décembre 2012, Ahmed Yildirim c/ Turquie.
  61. Conseil constitutionnel, décision du 10 juin 2009.
  62. Benjamin Bayart, La Bataille Hadopi, Éditions In Libro Veritas, , p. 67 : « Internet est l'avancĂ©e technique qui a permis, enfin, l’exercice rĂ©el de la libertĂ© d'expression. La presse, on s'en rend compte avec le recul, ne fournissant au fond que la libertĂ© d'accĂ©der Ă  l'information. ».
  63. Agathe Lepage, L'opinion numérique, Paris, Dalloz, , p. 140 : « Si, en droit, c'est la loi de 1881 qui a véritablement donné corps au principe de la liberté d'expression, dans les faits c'est l'Internet qui confÚre à celle-ci sa pleine mesure. ».
  64. Guillaume Cazeaux, OdyssĂ©e 2.0 : la dĂ©mocratie dans la civilisation numĂ©rique, Paris, Armand Colin, , 320 p. (ISBN 978-2-200-28948-5, prĂ©sentation en ligne), p. 104 : « Avant l'avĂšnement du web participatif, il fallait nĂ©cessairement passer par la presse pour s'exprimer face Ă  un large public. Autant dire que l'immense majoritĂ© des citoyens n'avaient pas cette opportunitĂ©. [
] Depuis le dĂ©but du XXIe siĂšcle, le web permet l'irruption dans l'espace public de ce peuple au nom duquel les pouvoirs - politique et mĂ©diatique - ont toujours voulu parler, et qu'ils ont pris l'habitude d'infantiliser, en contrĂŽlant sa prise de parole. ».
  65. Par exemple pour assister Ă  un spectacle sujet Ă  polĂ©mique de l'humoriste DieudonnĂ©: voir l'ordonnance de rĂ©fĂ©rĂ© du Conseil d'État prĂ©citĂ©e du 9 janvier 2014.
  66. Le Conseil constitutionnel la rattache au «droit d'expression collective des idées et des opinions», qu'il déclare liberté constitutionnellement garantie(décision du 18 janvier 1995).
  67. Voir par exemple pour le refus d'adhérer à une association à objet contraire aux convictions des intéressés : CEDH 29 avril 1999, Chassagnou c/ France.
  68. Voir par exemple Ă  propos de l'activitĂ© d'enseignement religieux d'un prĂȘtre espagnol mariĂ©: CEDH, 12 juin 2014, FernĂĄndez MartĂ­nez c. Espagne.
  69. Ainsi, pour la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, le droit d'exposer un tableau relĂšve de l'article 10 sur la libertĂ© d'expression (ArrĂȘt du 2 janvier 2007, Vereinigung Bildender KĂŒnstler c/ Autriche)
  70. Par exemple le port d'un foulard par une musulmane (Conseil d'État, avis du 27 novembre 1989;CEDH 10 novembre 2005, Leyla ƞahin c. Turquie) ou d'un turban par un sikh (Conseil d'État, 15 dĂ©cembre 2006, Association United Sikhs).
  71. Voir par exemple les considérants 99 à 106 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 mars 2003.
  72. C'est par exemple la dĂ©marche adoptĂ©e par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme Ă  propos des atteintes aux libertĂ©s de religion et d'association (garanties respectivement par les articles 9 et 11 de la Convention)(Voir notamment ses arrĂȘts Chassagnou c/France, Leyla áčąahin c/ Turquie prĂ©citĂ©s et S.A.S. c/ France du 1er juillet 2014, n° 163).
  73. Dans l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de 2007, Vereinigung Bildender KĂŒnstler c/ Autriche.
  74. En considĂ©rant toutefois qu'en l'espĂšce, compte tenu de ses modalitĂ©s, elle n'Ă©tait pas excessive (arrĂȘt du 19 juillet 2011).
  75. C'est d'ailleurs pourquoi les premiers constituants américains avaient insisté sur la liberté de la presse en lui accordant une protection spécifique.
  76. Ainsi l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme évoque-t-il «la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées»
  77. Son arrĂȘt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette-Filipacchi AssociĂ©s c/ France, rendu Ă  propos d'une nouvelle affaire relative aux souverains monĂ©gasques, est significatif (notamment dans ses paragraphes 88 et 89).
  78. CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c/ GrÚce(considérant 31).
  79. Dans l'affaire Handyside c/ Royaume Uni du 7 décembre 1976 (paragraphe 49).
  80. CEDH 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres c/ Autriche, précité (paragraphe 38); voir également la décision (d'irrecevabilité) de la Cour du 1er décembre 2005, Vérités santé pratique SARL c/ France à propos du retrait de l'aide à la presse à une publication en raison du contenu de ses articles.
  81. Formule utilisée par la Cour dans l'affaire Handyside précitée (paragraphe 49).
  82. ArrĂȘt du 21 juin 1989, Texas v. Johnson, 491 U. S. 397, 408–409 (1989).
  83. Conseil constitutionnel, DĂ©cision du 21 janvier 1994, (considĂ©rant no 3): «la libre communication des pensĂ©es et des opinions, garantie par l’art.11 de la DĂ©claration de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas Ă  mĂȘme de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privĂ© que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractĂšre diffĂ©rent ».
  84. Ordonnance de référé du 24 février 2001, Tibéri : « le principe du caractÚre pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion est une liberté fondamentale »).
  85. Décision no 2000-441 DC du 28 décembre 2000 (considérant no 18).
  86. Conseil Constitutionnel, décision du 29 juillet 1994, précité, considérant no 6.
  87. Consistant parfois en une énumération assez détaillée, telle celle de l'article 1er alinéa 2 de la loi française du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication énonçant les restrictions possibles à la liberté de communication électronique.
  88. ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine de la vertu, prĂ©citĂ©, p. 147 et s..
  89. Voir par exemple l'arrĂȘt de la Cour suprĂȘme du Royaume Uni du 21 mars 2012, Flood c/ Times Newspapers Limited Ă  propos d'un article de presse prĂ©sentant un policier du service britannique des Ă©trangers comme coupable de corruption.
  90. Voir par exemple l'arrĂȘt du Conseil d'État du 8 juin 1979, Chabrol et SA films La BoĂ©tie, suspendant l'autorisation d'exploitation du film « Les Noces rouges » inspirĂ© d'une affaire criminelle jusqu'Ă  la tenue du procĂšs d'assises, sa projection pouvant « prĂ©judicier aux droits de l'accusĂ© ».
  91. Ainsi, dans un arrĂȘt du 16 juillet 1997, la Cour de cassation a considĂ©rĂ© comme manifestement illicites les rĂ©vĂ©lations sur la maladie du PrĂ©sident Mitterrand faites par son ancien mĂ©decin dans le livre « Le grand secret ».
  92. Voir par exemple Ă  propos de celle du prince de Monaco, l'arrĂȘt prĂ©citĂ© de la Cour europĂ©enne des droits de l'homme du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette-Filipacchi AssociĂ©s c/ France. Aux États-Unis, la Californie s'est dotĂ©e le 30 septembre 2014 d'une loi AB-1256 (dite antipaparazzi) dont le caractĂšre restrictif risque d'ĂȘtre censurĂ© par la Cour suprĂȘme pour violation du 1er amendement.
  93. Article 35 quater de la loi du 29 juillet 1881; voir Ă©galement l'arrĂȘt de la Cour EDH du 14 juin 2007, Hachette Filipacchi associĂ©s c. France, Ă  propos de la publication par l'hebdomadaire Paris-Match de la photographie du corps du prĂ©fet Érignac assassinĂ© en Corse.
  94. ÉlĂ©ments mĂ©taphysiques de la doctrine de la vertu, prĂ©citĂ©, p. 149.
  95. ArrĂȘt du 20 octobre 1992.
  96. ArrĂȘt du 25 janvier 2007, Vereinigung Bildener KĂŒnstler c. Autriche prĂ©citĂ©.
  97. « Charlie Hebdo, c'est « le droit au blasphÚme » (Malka) », Le Figaro, 12 janvier 2015, lire en ligne.
  98. ArrĂȘt du 20 septembre 1994, Otto Preminger Institut c/ Autriche (considĂ©rant 48), Ă  propos de la saisie d’un film d’aprĂšs une piĂšce d’Oscar Panizza, Le Concile d’amour, jugĂ©e blasphĂ©matoire; voir Ă©galement dans le mĂȘme sens l'arrĂȘt du 25 novembre 1996, Wingrove c/ Royaume-Uni, Ă  propos de l'interdiction d'une vidĂ©o sur sainte ThĂ©rĂšse d'Avila, elle aussi jugĂ©e blasphĂ©matoire, et celui du 13 septembre 2005, I.A. c/ Turquie, Ă  propos de la condamnation pour blasphĂšme de l'Ă©diteur turc d'un ouvrage critiquant les religions et plus spĂ©cialement l'Islam en des termes jugĂ©s injurieux pour le ProphĂšte.
  99. Consulter.
  100. CE Ass. 24 janvier 1975 Ministre de l'information.
  101. ArrĂȘt du 14 novembre 2000, Alliance gĂ©nĂ©rale contre le racisme et pour le respect de l'identitĂ© française et chrĂ©tienne (AGRIF), rendu Ă  propos d'un ouvrage dont la couverture reprĂ©sentait une femme nue crucifiĂ©e surmontĂ©e de l'inscription « INRI »
  102. ArrĂȘt du 8 mars 2001, AGRIF.
  103. ArrĂȘt du 14 novembre 2006.
  104. TGI de Paris, 22 mars 2007, SociĂ©tĂ© des Habous et des Lieux saints de l'Islam c/ Val, D. 2007 p. 1023; et arrĂȘt de la Cour d'appel de Paris du 12 mars 2008; dans un jugement du 22 octobre 2002, le Tribunal correctionnel de Paris avait dĂ©jĂ  relaxĂ© l'Ă©crivain Michel Houellebecq, incriminĂ© pour des propos jugĂ©s offensants par des associations musulmanes.
  105. ArrĂȘt du 14 juin 2000, censurĂ© comme violation de la libertĂ© d'expression (Giniewski c. France, arrĂȘt du 31 janvier 2006.
  106. Le Radical du 4 octobre 1895, p. 2.
  107. CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c/ GrÚce(les citations sont tirées des considérants 31 et 48).
  108. Tribunal administratif de Versailles, 7 février 1997, Mme Gohier.
  109. Voir La Croix du 5 octobre 1895, p. 2.
  110. Voir Le Gaulois du 7 octobre 1895, p. 3.. Jean JaurÚs s'était solidarisé du mouvement.
  111. L'Unique et sa propriété, Paris, 1900, éd. La revue blanche, p. XXV.
  112. Ainsi, depuis 1959, elle a Ă©tĂ© condamnĂ©e 33 fois pour violation de la libertĂ© d'expression par la Cour europĂ©enne des droits de l'homme et est selon les sources le troisiĂšme (La libertĂ© d’expression est-elle menacĂ©e en France ?, Kim Biegatch et Laurent Guimier, europe1.fr, 10 janvier 2014), ou le quatriĂšme (Et si la France n'Ă©tait plus le pays des libertĂ©s ?, lepoint.fr, 19 dĂ©cembre 2013) pays le plus condamnĂ©.
  113. J-A. Tournerie, « L'attentat de Damiens: suites judiciaires en Touraine » Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique de Touraine, 1994, p. 243-258. L’Église avait aussi obtenu que soit lourdement sanctionnĂ© le « crime de lĂšse-majestĂ© divine », puisque « si le crime de lĂšse-majestĂ© humaine est puni par des tourments inexprimables, quels ne doivent pas ĂȘtre ceux de cet autre insensĂ© qui s'attaque Ă  l'ĂȘtre suprĂȘme? » (voir Maxwell, Joseph: Le Concept social du crime : son Ă©volution, Ă©d. F. Alcan, Paris, 1914, p. 154.
  114. Selon l'article 10 de l'ordonnance de presse du 19 octobre 1873 « Il est interdit de dénigrer le régime, de critiquer les lois nationales, et de faire valoir le droit étranger au détriment du droit japonais ». Voir: Christiane Séguy: Histoire de la presse japonaise, PUOF, Paris, 1993, not. p. 118, 120, 123, 274 et 308.
  115. « Le roi doit ĂȘtre intronisĂ© dans une position de culte vĂ©nĂ©rĂ© et sa personne est inviolable. Nul ne doit exposer le roi Ă  aucune accusation ou action ».
  116. Laurence Defranoux, « En ThaĂŻlande, la junte invente le crime de lĂšse-majestĂ© pour offense au chien royal », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne).
  117. Elle a Ă©tĂ© notamment complĂ©tĂ©e par un dĂ©cret royal 44 dont l'article 1er condamne le fait « d’appeler Ă  la pensĂ©e athĂ©e, sous quelque forme que ce soit, ou de remettre en cause les fondements de la religion islamique sur lesquels repose ce pays ».
  118. Article 490-3 du Code pénal espagnol.
  119. Voir.
  120. Consulter.
  121. Voir par exemple le numéro 406 de L'Assiette au beurre du 4 janvier 1909 sur « les Sénateurs ».
  122. Consulter.
  123. CEDH 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, considérant 55.
  124. 25 juin 2002, Colombani et autres c. France, considérant 69.
  125. CEDH 26 juin 2007, Artun et GĂŒvener c. Turquie, considĂ©rant 31.
  126. Consulter la version originale (JORF du 30 juillet 1881).
  127. ArrĂȘt du 15 mars 2011, Otegi Mondragon prĂ©citĂ©, considĂ©rants 58 Ă  62.
  128. Cour EDH, 1er juillet 1997, Kalaç c/ Turquie
  129. Consulter.
  130. ArrĂȘt du 3 juin 1968, Pickering v/ Board of education.
  131. ArrĂȘt du 25 aoĂ»t 1993.
  132. Dans un arrĂȘt du 30 mai 2006, Garcetti v. Ceballos.
  133. Consulter.
  134. ArrĂȘt du Conseil d'État du 22 novembre 2004.
  135. ArrĂȘt du Conseil d’État du 23 avril 1997.
  136. ArrĂȘt du Conseil d'État du 18 octobre 2000.
  137. ArrĂȘt du Conseil d'État du 28 juillet 1993.
  138. ArrĂȘt du 21 juin 1989, Texas c. Johnson.. Les mouvements patriotiques n'ont cependant pas dĂ©finitivement renoncĂ© Ă  remettre en cause cette jurisprudence et proposent rĂ©guliĂšrement un amendement Ă  cet effet.
  139. Selon elle, les propos incriminĂ©s « ne visaient pas Ă  inciter ou Ă  favoriser un acte illĂ©gal imminent » et n'Ă©taient pas « susceptibles d'inciter ou de produire cette action » (ArrĂȘt du 6 juin 1969, Brandenburg v. Ohio).
  140. ArrĂȘt du 2 mars 2011,Snyder v. Phelps (texte intĂ©gral de la dĂ©cision dans le recueil de la Cour, vol 562, p. 443-475).
  141. Consulter.
  142. Consulter.
  143. Reprenant les termes d'un décret du 18 juillet 1791 de l'Assemblée nationale concernant les peines à prononcer contre les personnes qui provoqueront le meurtre, le pillage, l'incendie, ou conseilleront désobéissance à la loi et insulteront la force publique en fonctions.
  144. ArrĂȘt de la chambre criminelle du 7 dĂ©cembre 2004.
  145. ArrĂȘt du 18 dĂ©cembre 1995.
  146. ArrĂȘt du 17 juin 1997: l'Ă©valuation du nombre de morts Ă  Auschwitz Ă  125 000 est une minoration de mauvaise foi.
  147. ArrĂȘt du 23 septembre 1994, Jersild c. Danemark.
  148. ArrĂȘt du 24 juin 2003, Roger Garaudy c. France.
  149. ArrĂȘt du 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse (notamment paragraphes 279 Ă  281).
  150. Pour le Conseil d'État « le respect de la dignitĂ© de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public »(arrĂȘt du 27 octobre 1995).
  151. Par exemple, c'est par rĂ©fĂ©rence Ă  « une conception renouvelĂ©e de l’ordre public, pris dans sa dimension « non matĂ©rielle » », que le projet de loi Ă  l'origine de l'interdiction du port de la burqua dans l'espace public justifiait cette mesure.
  152. Régime équivalant juridiquement à une interdiction assortie de dérogations.
  153. Consulter.
  154. ArrĂȘt du 18 juin 2015, Walker v. Texas Division, Sons of Confederate Veterans Inc. et autres.
  155. Voir les deux opinions dissidentes: American Defense freedom initiative et autres.
  156. Ainsi, aprĂšs que dans un arrĂȘt 17 juillet 2001 rendu Ă  propos de l'interdiction d'un ouvrage sur l'autonomisme basque la Cour europĂ©enne des droits de l'homme eut censurĂ© le rĂ©gime de contrĂŽle renforcĂ© sur les publications Ă©trangĂšres de l'art. 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, le dĂ©cret du 4 octobre 2004 y a mis fin.
  157. (articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986)
  158. Article L 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée.
  159. Article L 211-1 du Code de la sécurité intérieure.
  160. Article 5 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
  161. Article 5 de la loi du 29 juillet 1881.
  162. ArrĂȘt du Conseil d'État du 20 mai 1996, SociĂ©tĂ© Vortex.
  163. ArrĂȘt du Conseil d'État du 30 juin 2000.
  164. ArrĂȘt du Conseil d'État du 9 novembre 2015, Association gĂ©nĂ©rale contre le racisme et pour le respect de l'identitĂ© française chrĂ©tienne et DieudonnĂ© M'Bala M'Bala.
  165. ArrĂȘt du Conseil d'État du 30 dĂ©cembre 2003, Association SOS tout petits.
  166. ArrĂȘt du Conseil d'État du 19 dĂ©cembre 1959.
  167. ArrĂȘt du Conseil d'État du 12 novembre 1997.
  168. ArrĂȘt du Conseil d'État du 6 fĂ©vrier 2015.
  169. ArrĂȘt du 24 juin 1960. La saisie a cependant Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e illĂ©gale, car opĂ©rĂ©e selon une procĂ©dure irrĂ©guliĂšre.
  170. Journal de Rouen du 15 février 1917, p. 1.
  171. Journal de Rouen du 17 février 1917, p. 2.

Voir aussi

Bibliographie

  • Joanna Krzeminska-Vamvaka, Freedom of commercial speech in Europe, Hambourg, Verlag Dr Kovac, 2008.
  • Paul Starr, The creation of the media, New York, Basic Books, 2004.
  • Pietro Semeraro, L'esercizio di un diritto, GiuffrĂš ed., Milan, 2009.
  • La libertĂ© d’expression aux États-Unis et en Europe, sous la direction de Élisabeth Zoller, Paris, Ă©d.Dalloz, 2008)
  • Philippe Val, Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Paris, Grasset, 2008.
  • Madeleine Villard, La libertĂ© d'expression dans l'histoire, communication du Ă  l'AcadĂ©mie du Var, Bulletin de l'AcadĂ©mie du Var, 2001, pp. 137-148.
  • Le Parisien avec l'AFP, « Affaire Mila: Macron rĂ©affirme le “droit au blasphĂšme“ et son soutien Ă  la jeune fille », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  • « BlasphĂšme en France : frontiĂšre entre libertĂ© d'expression et dĂ©lit raciste », sur observatoirepharos.com, 2020

Articles connexes

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