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La RĂ©publique

La RĂ©publique (en grec ΠΔρ᜶ Ï€ÎżÎ»ÎčÏ„Î”ÎŻÎ±Ï‚ / PerĂŹ politeĂ­as, « Ă  propos de l'État / de la CitĂ© » ou ΠολÎčÏ„Î”ÎŻÎ± / politeĂ­a, « La CitĂ©/L'État ») est un des dialogues de Platon, qui porte principalement sur la vertu individuelle de justice et la justice dans la CitĂ©. On considĂšre que ce dialogue fait partie du genre littĂ©raire de l'utopie.

La RĂ©publique
Auteur Platon
Pays AthĂšnes (GrĂšce)
Genre Dialogue philosophique
Version originale
Langue Grec ancien
Titre ΠολÎčÏ„Î”ÎŻÎ±
Version française
Traducteur Georges Leroux / Victor Cousin
Éditeur Les Belles Lettres
Collection Collection des universités de France
Lieu de parution Paris
Papyrus d'Oxyrhynque LII 3679 contenant des fragments de La RĂ©publique de Platon, IIIe siĂšcle

Platon fait la critique de la démocratie dans sa dégénérescence en démagogie et en tyrannie à cause de l'attrait qu'exerce le prestige du pouvoir. Il s'agit de l'ouvrage le plus connu et le plus célÚbre de Platon, en raison, notamment, du modÚle de vie communautaire exposé et de la théorie des formes que Platon y expose et défend.

PrĂ©sentation de l'Ɠuvre

Personnages du dialogue

Lieu

Le dialogue a lieu au Pirée, dans la maison de Céphale de Syracuse[3].

Place dans l'Ɠuvre de Platon

Dans le TimĂ©e, Platon soutient que le TimĂ©e, le Critias et l'Hermocrate s'inscrivent dans la suite de la RĂ©publique[4]. L'hypothĂšse la plus crĂ©dible de nos jours est que ce livre a Ă©tĂ© Ă©crit dans une pĂ©riode qui va de la fondation de l'acadĂ©mie en -387 Ă  son retour de Syracuse vers -370[5]. Il s'agit donc d'une Ɠuvre du milieu de la vie du philosophe.

Problématique centrale du livre et stratégie

MĂȘme si ce livre traite de mĂ©taphysique et d'Ă©pistĂ©mologie ainsi que de la relation entre rhĂ©torique, poĂštes et philosophe, pour Eric Brown (philosophe), son objet principal relĂšve de la politique et de l'Ă©thique. Platon dans ce livre veut rĂ©pondre Ă  une question « est-il toujours mieux d'ĂȘtre juste qu'injuste »[6].

RĂ©sumĂ© de l’Ɠuvre

Discussion avec CĂ©phale sur la vieillesse et la justice

Socrate, Glaucon et Adimante sont en train de rentrer Ă  AthĂšnes depuis le PirĂ©e[7]. PolĂ©marque invite Socrate chez son pĂšre, CĂ©phale. Socrate est intĂ©ressĂ© par ce que CĂ©phale, qui est trĂšs vieux, a Ă  dire sur la vieillesse ; comme Ă  son habitude, il loue les vertus de la conversation. Il dit qu'il « faut s’informer auprĂšs d[es personnes ĂągĂ©es], comme auprĂšs de gens qui nous ont devancĂ© sur une route que nous devrons aussi parcourir ».

Le vieux CĂ©phale est d'abord interrogĂ© par Socrate sur la maniĂšre dont il supporte la vieillesse. CĂ©phale se montre critique Ă  l'Ă©gard des autres vieillards qui sont aigris au sujet de la vieillesse. Selon lui, la vieillesse est une dĂ©livrance, car elle permet d'Ă©chapper aux pulsions sexuelles qui dominent les jeunes gens. Il cite Sophocle qui avait dit, au sujet de l’amour, « c'est avec la plus grande satisfaction que je l'ai fui, comme dĂ©livrĂ© d'un maĂźtre rageur et sauvage »[8].

Socrate fait remarquer Ă  CĂ©phale que sa richesse a peut-ĂȘtre une part dans l'apprĂ©ciation de sa vieillesse, car on vit mieux lorsque l'on est aisĂ©. CĂ©phale rĂ©pond que le bien suprĂȘme que la richesse lui a procurĂ© a Ă©tĂ© d'avoir le luxe de vivre une vie sans actes rĂ©prĂ©hensibles (comme l'escroquerie, le vol, ou de ne pas honorer les dieux). Sa richesse lui ayant permis de ne pas vivre dans la tromperie et dans le mensonge, et de rendre Ă  chacun ce que chacun lui avait profitĂ©, il a une vie juste, et n'a donc pas Ă  craindre l'HadĂšs[9].

Cette remarque de CĂ©phale soulĂšve une interrogation au sujet de la nature de la justice. Pour CĂ©phale, elle semble se rĂ©sumer Ă  n'ĂȘtre que l'absence de tromperie et de mensonge ; la justice est une justice-dette, dans le sens oĂč justice serait faite lorsqu'Ă  chacun lui est rendu ce qui a Ă©tĂ© prĂȘtĂ©, et lorsqu'un homme dit la vĂ©ritĂ©. Socrate contre-argumente en disant que si un ami, sain d'esprit, nous prĂȘte une arme, puis qu'il devient un jour fou et nous demande de la lui rendre, alors il ne serait pas juste de lui rendre son arme.

CĂ©phale quitte la conversation car il doit aller faire une offrande aux dieux.

Discussion avec Polémarque sur la justice comme dette

PolĂ©marque remplace alors son pĂšre dans la conversation. S’appuyant sur les poĂšmes de Simonide, PolĂ©marque affirme que ce qui est juste, c’est de rendre aux autres ce qu’il convient de leur rendre. Socrate lui fait remarquer que Simonide n'avait pas pensĂ© au cas de la folie. Dans ce cas spĂ©cifique, convient PolĂ©marque, il serait en effet injuste de rendre Ă  un ami son arme[10].

PolĂ©marque dĂ©veloppe donc une deuxiĂšme dĂ©finition, oĂč il mobilise la distinction entre l'ami et l'ennemi : la justice, c'est de faire du bien Ă  ses amis et faire du mal Ă  ses ennemis[11]. Or, contrairement au mĂ©decin, qui est compĂ©tent pour guĂ©rir les malades parce qu’il connaĂźt l’art de la mĂ©decine, il apparaĂźt Ă  l’examen de Socrate que le juste, qui connaĂźt l’art de la justice, ne possĂšde aucune compĂ©tence spĂ©cifique en tant qu’il est juste. Quelqu’un doit donc toujours pouvoir faire mieux que lui dans l’accomplissement de ce qu’on requiert qu’il accomplisse spĂ©cifiquement pour « rendre son dĂ» » Ă  un ami ou un ennemi. Cela constitue une rĂ©ponse inacceptable : c’est dire que la justice ne s’applique que dans les cas oĂč le juste se fait confier des biens, mais jamais lorsqu’il agit ou utilise ces biens[12]

Socrate affirme ensuite que celui qui connaĂźt un art a autant la capacitĂ© de s’occuper de l’objet de son art que celle de faire l’inverse. Si la justice de PolĂ©marque permet de garder un objet en sĂ©curitĂ©, elle rend donc aussi le juste capable d’ĂȘtre un voleur. Pour ces raisons, Socrate se croit autorisĂ© Ă  condamner la morale traditionnelle, bien que PolĂ©marque conserve sa position[13].

Socrate formule une nouvelle objection : comme on se trompe parfois en disant de telle ou telle personne qu’elle est bonne ou mauvaise, il se pourrait qu’on tienne pour un ami une personne mauvaise et qu’on soit contraint, par justice, de l’avantager. PolĂ©marque clarifie alors sa position, affirmant qu’il n’est juste de faire du bien Ă  ses amis et du mal Ă  ses ennemis qu’à la condition que ses amis soient rĂ©ellement bons et ses ennemis rĂ©ellement mauvais[13].

Or, se demande Socrate, la justice autorise-t-elle vraiment qu’on cause du tort Ă  autrui ? AprĂšs avoir posĂ© ce nouveau problĂšme, Socrate recourt Ă  trois analogies pour montrer que nuire est l’Ɠuvre de l’homme injuste, et que ce faisant, la justice ne peut pas autoriser qu’on cause du tort Ă  autrui[14]. La position de PolĂ©marque se trouve ainsi rĂ©futĂ©e, et Socrate appelle son interlocuteur Ă  ne pas se soumettre Ă  l'autoritĂ© qui Ă©mane de Simonide[13].

Discussion avec Thrasymaque sur la justice politique

Thrasymaque, qui est un sophiste, interrompt brusquement le dialogue pour invectiver Socrate. Il considÚre que celui-ci s'est donné le beau rÎle en n'étant qu'un questionneur et non pas un répondant, ce qui est la position la plus facile à tenir. Il propose à Socrate de lui révéler ce qu'est la justice, à condition qu'il le paie. Socrate refuse, n'ayant pas assez d'argent. Glaucon et ses amis paient à la place de Socrate afin d'entendre la thÚse de Thrasymaque, selon lequel la justice est ce qui est le plus avantageux au plus fort[15].

Socrate questionne la dĂ©finition de la force. S'il s'agit d'un lutteur, qui s'entraĂźne et mange de la viande, alors chacun peut ĂȘtre fort. Thrasymaque doit donc dĂ©velopper sa thĂšse : la force est la force politique, car le gouvernement d'une citĂ© est ce qu'il y a de plus fort. Les dĂ©mocraties, selon lui, crĂ©ent des lois favorables au peuple, les aristocraties, aux aristocrates, et les tyrans, Ă  eux-mĂȘmes[16].

Thrasymaque est toutefois coincĂ© par un contre-argument de Socrate : les gouvernants ne sont pas infaillibles ; or, les gouvernants font les lois ; il est donc possible qu'ils mettent par erreur en place des lois qui iraient contre leur propre intĂ©rĂȘt. Il serait alors juste, selon ce raisonnement, que les faibles suivent les rĂšgles qui sont dĂ©savantageuses aux plus forts, ce qui est illogique.

Socrate soutient que les gouvernants ont pour objectif le bien des gouvernĂ©s, comme le mĂ©decin a en vue le bien du malade. Thrasymaque contre-argumente en mobilisant l'exemple du berger, qui n'aurait que son propre bien en vue, et non celui des moutons. Socrate rĂ©pond alors que le mĂ©decin n'est pas un homme d'affaires, ni un boucher : le vrai berger, comme le vrai mĂ©decin, a le bien-ĂȘtre de ses bĂȘtes Ă  l'esprit.

Socrate soutient que tout art a un objet ; cet objet est diffĂ©rent et infĂ©rieur Ă  cet art qui lui est utile. Mais il doit en ĂȘtre ainsi de l'art politique : l'homme politique, qui a le pouvoir, travaille Ă  l'encontre des citoyens. Thrasymaque nie qu'il en soit ainsi : le but de tous les hommes, ce qui rend vraiment heureux, c'est de mettre la puissance aux services des citoyens et des intĂ©rĂȘts de celui qui la possĂšde. L'injustice est sage et vertueuse[17].

L'injuste, selon Socrate, en cherchant Ă  dominer tout le monde, prouve que cette notion est pourvue de vices et d'ignorance. Au contraire, c'est la justice qui est sagesse et vertu ; elle est donc plus puissante que l'injustice, car il n'y a rien de plus puissant que la sagesse. Cette justice, Ă©tant une vertu, c'est-Ă -dire un dĂ©veloppement naturel des fonctions de l'ĂȘtre, rend heureux. Le bonheur de l’ñme est attachĂ© Ă  la justice, Ă  la perfection de ses actions, perfection dans le domaine de l’excellence[18].

Socrate remarque que, dans cette discussion, l’on n’a pas commencĂ© par dĂ©finir la justice ; on a cherchĂ© si la justice Ă©tait science et vertu, si elle Ă©tait utile. Mais il faut commencer par chercher Ă  dĂ©terminer l'essence de la justice.

Glaucon : la vie juste et l'anneau de GygĂšs

Socrate s'apprĂȘte Ă  achever la conversation lorsque Glaucon lui demande de continuer. Il considĂšre en effet que Socrate n'a pas traitĂ© de la nature de la justice. Glaucon propose de soutenir sa propre dĂ©finition. Selon lui, il y a trois types de biens : les biens recherchĂ©s pour eux-mĂȘmes (ex : la joie, la voluptĂ©) ; les biens recherchĂ©s Ă  la fois pour eux-mĂȘmes et pour les bienfaits qui les accompagnent (ex : la vue, la santĂ©) ; et les biens pĂ©nibles, mais utiles, recherchĂ©s pour leurs avantages (ex : la gymnastique, les « professions lucratives »).

Pour Socrate, la justice fait partie du deuxiĂšme type de bien. Glaucon rĂ©plique que « ce n'est pas l'avis de la plupart des hommes, qui mettent la justice au rang des biens pĂ©nibles qu'il faut cultiver pour les rĂ©compenses et les distinctions qu'ils procurent, mais qu'on doit fuir pour eux-mĂȘmes parce qu'ils sont difficiles ».

Afin de soutenir une thĂšse commune, Glaucon va expliquer pourquoi certains pensent qu’il est possible qu'il vaille mieux pratiquer l’injustice que la justice. Il dit que l'on n'aime jamais la justice pour elle-mĂȘme, mais qu'on la pratique parce que les lois nous retiennent de subir l’injustice — raison que reprendra La Rochefoucauld. On est moral uniquement par peur de la sanction. Afin d'Ă©tayer cela, il fait appel Ă  la lĂ©gende de l'anneau de GygĂšs. Un berger dĂ©couvre un anneau qui lui permet de devenir invisible. N'Ă©tant plus soumis Ă  la crainte de la justice, il tue le roi et Ă©pouse la reine. Pour Glaucon, aucun homme n'aurait agit diffĂ©remment. Il conclut que ceux qui pratiquent la justice agissent par impuissance de commettre l’injustice.

Il argumente ensuite en comparant les modes de vie de l’homme juste et de l’homme injuste. L’homme injuste pourra faire semblant d'ĂȘtre juste, et il sera louĂ© pour son apparente justesse ; tandis que le juste, s'il ne peut pas se crĂ©er une apparence, cela pourra le conduire Ă  la dĂ©considĂ©ration, voire Ă  la mort. L'injuste peut faire de la politique, car il n'hĂ©sitera pas Ă  tromper les gens.

Adimante et l'apparence de justice

Le frĂšre de Glaucon, Adimante, intervient Ă  son tour pour enfoncer le clou. Il considĂšre que l'on ne recherche la justice que pour la rĂ©putation que celle de l'homme juste lui procure. Il est d'autant moins tentant d'ĂȘtre juste que les poĂštes soulignent que la justice est un chemin difficile et que les dieux peuvent accabler les hommes justes. Adimante appelle Socrate Ă  rĂ©agir afin qu’il vienne au secours du concept de justice.

Réfutation de Socrate : la justice au sein de la Cité et les Gardiens

Socrate propose de répondre à ses amis de maniÚre différente. Considérant que l'on voit mieux les lettres écrites en grand que celles écrites en petite taille, il décide de traiter de la justice dans la Cité, car celle-ci représente, à l'échelle macro, l'individu. Chercher la nature de la justice, c'est chercher la nature de la justice politique.

Le philosophe commence ainsi par une explication de l'origine de la citĂ©. Pour lui, les individus fondent la citĂ© parce qu’ils savent qu’ils ne se suffisent pas Ă  eux-mĂȘmes, et parce qu’ils ont des besoins plus facilement atteints en citĂ©. La division du travail permet de remplir les besoins ; la nature nous fait assez diffĂ©rents pour que chacun ait une place diffĂ©rente.

Socrate dĂ©crit comment une citĂ© se peuple par tous ces mĂ©tiers, puis comment elle s’ouvre Ă  l’exportation et Ă  l’importation. Il lui faut un marchĂ© pour acheter et vendre, « d'oĂč la nĂ©cessitĂ© d'avoir une agora et de la monnaie, symbole de la valeur des objets Ă©changĂ©s ». Socrate distingue ensuite cette citĂ©, qui est saine, de la citĂ© malsaine. Cette derniĂšre est grossie « d’une multitude de gens que le luxe seul introduit dans les États ». Elle accueille une multiplication morbide des besoins, du superflu. Pour corriger ses excĂšs, cette citĂ© accueille des mĂ©decins. Comme elle a besoin de grandir pour nourrir sa population superflue, elle doit faire la guerre.

L’État a donc besoin de soldats. Il faut, dit Socrate, que ce soient des soldats de profession (car un individu ne saurait ĂȘtre bon Ă  deux mĂ©tiers diffĂ©rents), qu’ils soient courageux, doux avec leur peuple mais rude avec les ennemis, et surtout, il doit ĂȘtre philosophe, c'est-Ă -dire avoir envie d’apprendre, car c’est par la connaissance que l’on distingue l’ami de l’ennemi face Ă  un inconnu.

Le dĂ©bat traite ensuite de l'Ă©ducation que doivent avoir ces Gardiens. Ils conviennent qu'il faut, dans leur Ă©ducation, les arts des Muses et la gymnastique. Les arts des Muses arrivent en premier. Ce sont, notamment, les fables qu’on raconte aux enfants. Mais Socrate dit qu'il faudra les censurer, les purger de certains Ă©lĂ©ments nĂ©fastes, lorsque les dieux et les hĂ©ros sont mal reprĂ©sentĂ©s, lorsqu'ils sont montrĂ©s en train de commettre des actes monstrueux ; en bref, lorsque ces histoires invitent Ă  la discorde, Ă  la dissidence.

Socrate insiste sur le rĂŽle pĂ©dagogique des rĂ©cits. PrĂ©cisant Ă©galement que c'est durant la jeunesse que se forment les opinions les plus durables, il montre l'importance que les dieux et les hĂ©ros forment des « modĂšles » de comportement. Dans l'objectif d'Ă©duquer les futurs citoyens qui participeront et façonneront la vie de la citĂ©, il apparaĂźt alors nĂ©cessaire de contrĂŽler les « histoires » sur lesquelles se fondent les principes moraux de la sociĂ©tĂ©, comme celles des poĂštes HomĂšre et HĂ©siode. Il faudra donc qu'elles mettent en scĂšne les dieux exclusivement comme des exemples Ă  suivre. Dans cette ambition, Socrate soutient qu'il faut rĂ©former les histoires, et censurer les passages oĂč dieux et hĂ©ros agissent autrement que dans le sens du bien commun.

« Car le jeune homme n'est pas capable de discriminer entre ce qui est intention cachée et ce qui ne l'est pas : en revanche les impressions qu'à son ùge il reçoit dans ses opinions tendent à devenir difficiles à effacer et immuables. C'est sans doute précisément pourquoi il faut accorder une grande importance à ce que les premiÚres choses qu'ils entendent soient des histoires racontées de la façon la plus convenable possible pour amener à l'excellence[19]. »

— Platon, La RĂ©publique, 378 d-378 e.

Partant du postulat que les dieux sont des ĂȘtres parfaits et qu'ils sont exclusivement bons, Socrate propose deux principes dont il faut s'inspirer pour crĂ©er des lois contrĂŽlant les rĂ©cits. PremiĂšrement, les dieux ne sont responsables que du bien, et ne peuvent ĂȘtre la cause des maux de quelqu'un. Il faut alors prĂ©ciser dans les histoires que le mauvais ne peut ĂȘtre le rĂ©sultat de l'action des dieux, ou bien s'il l'est, il s'agit forcĂ©ment d'un juste chĂątiment, et que cette punition a donc Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans la poursuite d'un but bĂ©nĂ©fique. DeuxiĂšmement, les dieux ne se mĂ©tamorphosent pas. Les divinitĂ©s Ă©tant parfaites, toute modification de leur personne reviendrait Ă  attĂ©nuer leur perfection. De plus, chacun, homme comme dieu, recherche la vĂ©ritĂ©, et fuit le faux. Preuve de plus pour Platon qu'il apparaĂźt inconcevable qu'un dieu se mĂ©tamorphose, encore moins dans le but de mener des actions mesquines[20].

« Donc le dieu est un ĂȘtre parfaitement simple et vrai, Ă  la fois en actes et en paroles, et lui-mĂȘme ne se modifie pas ni ne cherche Ă  Ă©garer les autres, ni par des apparences, ni par des paroles[21]. »

— Platon, La RĂ©publique, 382 d.

DĂšs lors, il vaudrait mieux bannir les poĂštes de la citĂ© : « Il vaudrait mieux les ensevelir dans un profond silence, ou s’il est nĂ©cessaire d’en parler, le faire avec tout l’appareil des mystĂšres, devant un trĂšs petit nombre d’auditeurs, aprĂšs leur avoir fait immoler, non pas un porc, mais quelque victime prĂ©cieuse et rare, afin de rendre encore plus petit le nombre des initiĂ©s ».

L'Ă©ducation artistique des gardiens

Socrate est relancé par Glaucon. Le philosophe va donc traiter de l'éducation à donner aux futurs gardiens de la Cité idéale qu'ils tentent d'établir.

Le premier sujet abordĂ© est celui de la poĂ©sie, ou des arts des Muses. Socrate considĂšre qu'il faut les censurer. La premiĂšre raison est qu'elles reprĂ©sentent l'HadĂšs comme un lieu de souffrances, ce qui doit ĂȘtre Ă©vitĂ© Ă  tout prix, car cette reprĂ©sentation n'est « ni vrai[e] ni utile Ă  de futurs guerriers »[22]. Il est dit Ă  ce sujet que les poĂštes seront priĂ©s « de ne point trouver mauvais que nous les effacions »[23]. Plus gĂ©nĂ©ralement, la mort doit ĂȘtre indiffĂ©rente Ă  l'homme qui doit vivre libre et par consĂ©quent craindre plus que tout l'esclavage. Ainsi, les passages de l'Iliade par exemple, exposant les lamentations d'Achille, doivent ĂȘtre censurĂ©s, car ils montrent les hĂ©ros dans des postures indignes de l'homme courageux que doit crĂ©er la CitĂ©.

Le mensonge doit ĂȘtre interdit dans la CitĂ©, et rĂ©servĂ© aux seuls chefs - dans l'intention de faire le bien, Ă©videmment. De plus, la tempĂ©rance Ă©tant une des vertus essentielles, on ne peut laisser les guerriers aimer les richesses, la nourriture ou le vin - et il faut donc, ici encore, avoir recours Ă  la censure.

Finalement, il est formellement interdit de montrer une quelconque faiblesse des dieux ou des hĂ©ros, qui doivent ĂȘtre des modĂšles pour les hommes. De mĂȘme, on ne peut tolĂ©rer ceux qui prĂ©tendent dans leurs Ă©crits que les injustes sont heureux au contraire des justes.

Vient ensuite un examen de la forme des discours poĂ©tiques, qui peuvent ĂȘtre soit entiĂšrement fictifs, soit rĂ©alistes, ou encore mĂ©langer ces deux genres. Or, dans la CitĂ©, chaque homme a un unique rĂŽle bien dĂ©terminĂ© Ă  jouer. Ainsi on ne peut laisser les gardiens s'accoutumer Ă  des formes d'imitations, ou mĂȘme Ă  des mĂ©langes avec du rĂ©alisme « parce qu'il n'y a point chez nous d'homme double ni multiple »[24]. Seul l'honnĂȘte homme doit ĂȘtre reprĂ©sentĂ©, sous une forme aussi austĂšre que possible, car dans cette CitĂ©, on « vise Ă  l'utilitĂ© »[25].

Vient alors l'Ă©tude de la maniĂšre de chanter le texte poĂ©tique, et de la maniĂšre de l'accompagner. Pour rester cohĂ©rent avec les choix prĂ©cĂ©dents, on ne peut accepter ni une harmonie plaintive, ni molle ; par consĂ©quent, les seuls instruments utiles - et donc acceptĂ©s - dans la CitĂ© seront la lyre et la cithare, et aux champs, la syrinx. Avec ces dispositions, « nous avons, sans nous en apercevoir, purifiĂ© la citĂ© que, tout Ă  l'heure, nous disions adonnĂ©e Ă  la mollesse »[26]. Il reste toutefois Ă  poursuivre en ce sens par l'Ă©tude des rythmes, qui doivent ĂȘtre propices Ă  la vie rĂ©glĂ©e et courageuse. Une telle censure est Ă©tendue Ă  tous les domaines artistiques et mĂȘme Ă  l'artisanat; ne doivent ainsi ĂȘtre admis dans la CitĂ© que ceux qui crĂ©eront de belles choses, car elles proviennent nĂ©cessairement du Bien, et sont ainsi les seules dignes. Le MĂ©nexĂšne a un lien avec le Livre III de La RĂ©publique, notamment au sujet du mĂ©pris socratique des liturgies. Adimante et Socrate dĂ©finissent et scindent le discours utile du discours imitatif. La participation est l'un des concepts platoniciens abordĂ©s.

Est ensuite abordĂ© briĂšvement[27] le problĂšme de l'amour, qui doit, afin d'ĂȘtre vĂ©ritable, s'Ă©loigner tant que possible de l'amour sensuel. Socrate aborde la mĂ©decine en tant que moyen de conserver la santĂ©, et fait une recommandation d'aprĂšs le mĂ©decin HĂ©rodicos, dont on ne sait dire si elle est humoristique ou non. Un rapport est fait entre la recherche de la vertu et la richesse grĂące Ă  une citation de Phocylide de Milet[28] - [Note 1].

Le choix de ceux qui doivent gouverner et l'allégorie des métaux

Au livre III, il est Ă©galement question du mensonge racontĂ© au peuple afin que ne se perde pas la perfection de la citĂ©. On dira au peuple qu'il vient de la Terre, et qu'il doit la protĂ©ger comme si c'Ă©tait sa mĂšre. De plus, comme chacun vient de la Terre, il possĂšde une Ăąme mĂȘlĂ©e soit d'or, soit d'argent, soit de fer ou de bronze qui le destine Ă  une fonction sociale (le groupe de Gardien de la citĂ© est faite d'un mĂ©lange avec de l'or, le guerrier est constituĂ© d'un mĂ©lange avec de l'argent, et celui qui est fait d'un mĂ©lange de fer ou de bronze devient cultivateur ou artisan). Une "transmutation" d'un mĂ©tal vers un autre est rare mais possible par filiation ; Il est question de renvoyer chez les siens un rejeton de cuivre ou d'argent qui devait naĂźtre d'un gardien (or), et inversement si un rejeton d'argent ou d'or naissait chez un cultivateur (fer, bronze), il devait ĂȘtre envoyĂ© chez les gardiens.

Retour au problĂšme de la justice chez les citoyens

Adimante intervient dans la conversation pour soulever ce qui lui semble ĂȘtre un problĂšme : s'ils vivent sans biens, les gardiens ne pourront pas ĂȘtre heureux. Socrate rĂ©pond que « le bonheur doit appartenir au plus haut degrĂ© Ă  l’état tout entier » : la citĂ© idĂ©ale doit crĂ©er une harmonie du bonheur[29].

La citĂ© idĂ©ale doit, pour Socrate, ne jamais ĂȘtre dans l'excĂšs. Il ne faut pas que ses citoyens soient trop riches, car alors ils arrĂȘteront de travailler et deviendront gras ; il ne faut pas non plus qu'ils soient trop pauvres, car alors ils n'auront pas de quoi travailler. La tempĂ©rance est ainsi une des vertus principales de la citĂ© parfaite. La nĂ©cessitĂ© d'un Ă©quilibre est d'autant plus importante que les citĂ©s dans lesquelles il y a des Ă©carts entre riches et pauvres sont des citĂ©s en conflit.

L'Ă©tablissement d'une citĂ© juste doit passer par l'Ă©ducation des enfants. DĂšs le plus jeune Ăąge, tout ce qui est bon doit leur ĂȘtre enseignĂ©, car « l'Ă©lan donnĂ© par l'Ă©ducation dĂ©termine tout ». Il convient d'interdire la nouveautĂ©, car les idĂ©es nouvelles entraĂźnent la sĂ©dition. Ce travail pĂ©dagogique Ă©tant fait, la citĂ© idĂ©ale n'aura pas besoin d'avoir trop de lois, car les honnĂȘtes gens trouveront par eux-mĂȘmes les prĂ©ceptes pratiques nĂ©cessaires aux affaires et Ă  la justice. Socrate remarque qu'un grand nombre de prĂ©ceptes est aussi peu efficace pour une citĂ© malade qu'un grand nombre de remĂšdes pour un malade qui ne veut pas changer de type de vie.

Énonciation des quatre vertus cardinales de la CitĂ©

Socrate énonce alors les quatre vertus de la cité. Elle est parfaitement bonne si elle est sage, courageuse, tempérée et juste.

La sagesse s’appuie sur la connaissance et les bons conseils. « C’est par ce qui tient la tĂȘte et commande, qu’un Ă©tat fondĂ© selon la nature doit, dans son ensemble, ĂȘtre sage. ». Le courage, lui, concerne les soldats : « C’est par une partie de lui-mĂȘme qu’un Ă©tat est courageux, pour la raison qu’en cette partie, il possĂšde une vertu propre Ă  sauvegarder d’une façon constante le jugement sur les choses Ă  craindre et sur leur nature, choses et nature des choses qui sont ce qu’a dĂ©crĂ©tĂ© le lĂ©gislateur au cours de l’éducation ». La tempĂ©rance, qui est le fait des classes laborieuses, doit Ă©quilibrer le tout. Le respect des lois doit permettre « la sauvegarde de l’opinion crĂ©Ă©e par la loi, au moyen de l’éducation, concernant les choses mĂȘmes qui sont Ă  craindre et leur nature ».

La tempĂ©rance est « une sorte d’arrangement ordonnĂ©. C’est une maĂźtrise Ă  l’égard de certains plaisirs et dĂ©sirs ». Il s’agit, d’une certaine maniĂšre, d’ĂȘtre plus fort que soi-mĂȘme. Il en est pour l’État comme pour l’ñme : la meilleure partie doit avoir autoritĂ© sur la partie la plus faible. Ainsi le petit nombre, dominĂ© par la pensĂ©e doit guider le grand nombre, qui est dominĂ© par les dĂ©sirs. La tempĂ©rance est harmonie : elle se dĂ©ploie sur l’État tout entier de façon qu’il y ait « identitĂ© d’opinion entre ceux qui commandent et ceux qui sont commandĂ©s sur le point de savoir quels sont ceux Ă  qui le commandement doit appartenir. » La tempĂ©rance doit lier sagesse et courage.

La justice « c’est ce qui confĂšre Ă  la tempĂ©rance, le courage et la sagesse, la capacitĂ© de se produire et garantit la sauvegarde de leur existence ». La justice dans l’individu est comparable Ă  la justice dans un État : « entre un homme juste et un Ă©tat juste, il n’y aura aucune diffĂ©rence par-rapport Ă  la forme elle-mĂȘme de la justice
 »

Justice dans l’individu et analyse du dĂ©sir

« Chaque dĂ©sir n’est dĂ©sir que de chacune des choses dont il est naturellement le dĂ©sir ; mais que l’objet en ait telle ou telle autre qualitĂ©, ce sont lĂ  des circonstances surajoutĂ©es. »[30]

L'Ăąme possĂšde deux fonctions: l'une est raisonnante, l'autre dĂ©sirante (irraisonnĂ©e). La fonction raisonnante doit commander Ă  la partie impĂ©tueuse. La fonction mĂ©diatrice, ou tempĂ©rance, doit soutenir le parti de la raison. L’injustice est prĂ©sentĂ©e comme une maladie de l’ñme : c’est une dissension qui s’élĂšve dans les trois fonctions. On ne peut pas dire qu’il est plus avantageux de commettre l’injustice. Les cinq modes de constitution politique prĂ©sentent les cinq modes possibles de l’ñme. Un danseur montre les trois parties de l’ñme[31] : l'irascible, lorsqu'il reprĂ©sente la colĂšre; le concupiscible, quand il joue les rĂŽles d'amoureux, et le raisonnable, lorsqu'il met un frein Ă  chaque passion. Le raisonnable est dissĂ©minĂ© dans toutes les parties de la danse, comme le toucher dans tous les autres sens, en se proposant pour but la beautĂ© et la grĂące des mouvements.

La justice au niveau individuel, c'est donc lorsque la partie pensante (le Noûs) domine la partie concupiscible (l'Epithumétikon, ou epithumia) par la médiation de la partie irascible (le Thumos).

Socrate et la communauté des femmes et des enfants

Socrate continue de parler des constitutions, en les Ă©numĂ©rant, lorsqu’Adimante, Thrasymaque et Glaucon l’arrĂȘtent. Ils considĂšrent qu’il ne s’est pas attardĂ© sur un aspect qu’ils considĂšrent comme essentiel : celui de la communautĂ© des femmes et des enfants. Le philosophe a en effet, plus tĂŽt, exposĂ© assez rapidement son idĂ©al de mise en commun des femmes et des enfants. Selon lui, dans la citĂ© idĂ©ale, « les femmes de nos guerriers seront communes toutes Ă  tous : aucune d’elles n’habitera en particulier avec aucun d’eux ; de mĂȘme les enfants seront communs, et les parents ne connaĂźtront pas leurs enfants, ni ceux-ci leurs parents »[32].

Socrate admet qu’il ne s’est pas Ă©talĂ© sur le sujet car il considĂšre que c’est une idĂ©e Ă  la rĂ©alisation improbable. PressĂ© de s’exprimer plus, il explore tout de mĂȘme l’idĂ©e. Il se montre tout d'abord en faveur de l'Ă©ducation des femmes, car « si donc nous exigeons des femmes les mĂȘmes services que des hommes nous devons les former aux mĂȘmes disciplines ». Il se rend bien compte que l’idĂ©e apparaĂźt ridicule pour le moment, mais remarque que certaines idĂ©es qui sont ridicules un jour, peuvent devenir parfaitement normales le lendemain. Il donne l'exemple de la gymnastique, qui fut raillĂ©e lorsque les crĂ©tois, puis les lacĂ©dĂ©moniens, s’y mirent.

Au sujet des rĂŽles et de femmes, Socrate soutient qu'« il n’est point dans un État de fonction exclusivement affectĂ©e Ă  l’homme ou Ă  la femme, Ă  raison de leur sexe ; mais les deux sexes participent des mĂȘmes facultĂ©s ; et la femme, ainsi que l’homme, est appelĂ©e par la nature Ă  toutes les fonctions ». Il considĂšre cependant que « en toutes [fonctions], la femme est infĂ©rieure Ă  l’homme ». Comme elles sont de constitution plus faibles que les hommes, les femmes prendront moins part aux activitĂ©s de la guerre[32].

Il s'exprime au sujet des familles. Elles doivent ĂȘtre rĂ©glĂ©es par la citĂ©. Les mariages doivent avoir lieu entre 20 et 40 ans pour les femmes, et jusqu’à 55 ans pour les hommes. Ils doivent ĂȘtre arrangĂ©s par l’État (tirage au sort truquĂ© habilement par les magistrats) pour que les gens de l’élite restent avec les gens de l’élite et se reproduisent entre eux. Il se montre donc en faveur d'une suppression des familles : personne ne devra savoir qui a engendrĂ© qui, et les enfants seront mis en commun. Socrate soutient des positions eugĂ©nistes. Il considĂšre qu'il faut Ă©carter les enfants difformes, afin que « le troupeau atteigne la plus haute perfection »

La vie de la citĂ© devra se faire en commun. Seront partagĂ©s les logements, les repas, et personne ne possĂšdera quoi que ce soit qui ne sera pas Ă  tous. Ensemble ils se mĂȘleront dans les gymnases ce qui en vertu d'une nĂ©cessitĂ© naturelle, les poussera Ă  s'unir. NĂ©anmoins il ne s'agit pas d'instituer des pratiques impies, il faut donc donner au mariage le caractĂšre le plus sacrĂ© possible. Ces mariages auront lieu entre les meilleurs comme entre les plus mĂ©diocres, et il est impensable d'accoupler le mĂ©diocre et le meilleur. En effet, la reproduction entre ces sujets d'Ă©lites visent Ă  assurer une progĂ©niture apte Ă  perpĂ©tuer l'excellence de leurs parents.

AprÚs cet exposé, il s'agit pour Platon à travers la bouche de Socrate, de montrer que cette constitution est bien la meilleure de toutes pour la cité : Pour une cité, le mal le plus grand est celui qui la déchire et la morcelle, le bien le plus grand celui qui lui assure l'unité. Or l'expression individuelle du plaisir et de la peine est ce qui morcelle la cité, lorsque certains trouvent motifs à se réjouir de ce que d'autres rejettent. Au contraire l'expression commune du plaisir et de la peine lie l'ensemble des citoyens.

Applications aux lois et Ă  la guerre

Platon dĂ©veloppe une comparaison entre l'individu et la citĂ©, tous deux prĂ©sentĂ©s comme des organismes unifiĂ©s, sujets de plaisirs et de souffrances communes. Il s'agit selon Gregory Vlastos d’une homologie de structure qui repose sur le pouvoir de la raison de commander aux autres parties, c'est-Ă -dire Ă  l'Ăąme et au corps. Une telle citĂ© a nĂ©cessairement de bonnes lois. Ce que les citoyens possĂ©deront le plus en commun, c'est ce qu'ils dĂ©signeront comme « ce qui est Ă  moi », et c'est parce qu'ils possĂ©deront en commun qu'ils auront une parfaite communautĂ© de peine et de plaisir. Du fait qu'ils ne possĂ©deront rien en privĂ©, ils seront exempts de discorde et de toutes les dissensions qui affectent une vie humaine ordinaire.

L'Ă©ducation guerriĂšre des enfants occupe une place importante. Les enfants vigoureux seront emmenĂ©s dans les campagnes qui ont toutes les chances d'ĂȘtre victorieuses, afin qu'ils puissent par l'observation se familiariser avec les choses de la guerre et ĂȘtre dynamisĂ©s par les exemples de bravoure et de courage que la troupe rĂ©compense par une sĂ©rie de distinctions : d'abord les couronnes, ensuite le salut du guerrier de la main droite, ensuite une rĂ©compense d'ordre Ă©rotique, le baiser, destinĂ©s Ă  rendre les guerriers plus Ă©nergiques. Bien que le modĂšle de la communautĂ© implique les femmes, le rapport Ă©voquĂ© est d'ordre homosexuel. Dans le cadre de la campagne militaire, le rapport sexuel semble autorisĂ©, le verbe philĂȘsai impliquant aussi bien le baiser que l'union sexuelle qu'il est interdit de refuser Ă  l'homme victorieux qui le dĂ©sire. Les morts seront honorĂ©s avec de grands Ă©gards, dĂ©clarĂ©s appartenir Ă  la « race d'or » qui, dans l'idĂ©ologie fondatrice, dĂ©signe les gardiens-dirigeants, leur mĂ©moire sera pieusement vĂ©nĂ©rĂ©e.

D'autre part, dans sa conception de la guerre, Platon s'inscrit en faux avec les coutumes de son Ă©poque : les Grecs ne devront pas possĂ©der d'esclaves grecs, les morts ennemis ne devront pas ĂȘtre dĂ©pouillĂ©s, il sera interdit de dĂ©vaster la terre et d'incendier les maisons. Seul le pillage de la rĂ©colte sera tolĂ©rĂ©. En effet, il s'agit de distinguer la guerre et la dissension. La guerre est un conflit entre des Ă©trangers, la dissension une hostilitĂ© entre des proches. Or, les Grecs sont des proches, et il est impensable de se comporter envers des proches comme envers des barbares.

Théorie et pratique de la cité idéale : le ressort du philosophe roi

La derniĂšre partie du livre cherche Ă  dĂ©terminer de quelle maniĂšre cette constitution politique peut en venir Ă  exister. Socrate commence par distinguer l'application concrĂšte (prĂąxin) du discours thĂ©orique (lexeos) plus Ă  mĂȘme de saisir la vĂ©ritĂ© que la pratique, une position que Socrate avoue d'emblĂ©e ĂȘtre contestable.

En rĂ©alitĂ©, il s'agit d'une recherche par approximation, l'idĂ©al par son essence mĂȘme, ne peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© que d'une maniĂšre approximative ; chercher comment on peut s'approcher du modĂšle est le moyen le plus sĂ»r pour le rĂ©aliser. Il ne faudrait d'ailleurs changer qu'une seule chose : rĂ©ussir Ă  faire coĂŻncider pouvoir politique et philosophie.

L'institution de cette nouvelle royauté, qui n'est pas le gouvernement d'un seul mais est plurielle, est en rupture complÚte avec les gouvernements royaux de l'époque grecque. La royauté du philosophe roi sera la royauté de la raison et s'exercera aussi bien dans l'ùme que dans la cité.

Socrate et Glaucon vont s'attacher Ă  dĂ©finir les philosophes. Cette dĂ©finition s'ouvre par l'Ă©vocation du caractĂšre Ă©rotique du tempĂ©rament philosophique, qui vise Ă  mettre en relief le dĂ©sir et l'amour qui prĂ©sident tous deux Ă  l'activitĂ© philosophique, le philosophe « possĂ©dĂ© du dĂ©sir de sagesse [
] aime le spectacle de la vĂ©ritĂ© ». Socrate explique alors ce qu'il entend par cette derniĂšre expression.

Le beau Ă©tant l'opposĂ© du laid, il s'agit de deux choses diffĂ©rentes qui sont chacune une. De toutes les formes on peut dire la mĂȘme chose, chacune paraĂźt multiple parce qu'elle manifeste partout en communautĂ© avec les actions et les corps. En ce sens, il faut distinguer ceux qui apprĂ©cient les belles choses et ceux qui goĂ»tent le beau en soi, ces derniers Ă©tant rares. Celui qui pense que le beau en soi est quelque chose de rĂ©el, celui-lĂ  vit Ă  l'Ă©tat de veille. Sa pensĂ©e est connaissance car elle est pensĂ©e de quelqu'un qui connaĂźt.

La connaissance s'Ă©tablit sur ce qui est et la non-connaissance sur ce qui n'est pas. L'opinion se rattache Ă  une chose qui est diffĂ©rente de celle du savoir. Les capacitĂ©s constituent un certain genre d'ĂȘtre grĂące auxquelles nous pouvons nous-mĂȘmes ce que nous pouvons. Deux capacitĂ©s qui se rattachent au mĂȘme objet et qui effectuent le mĂȘme rĂ©sultat sont en fait une seule capacitĂ©. La connaissance et l'opinion sont des capacitĂ©s diffĂ©rentes car ce qui est infaillible n'est pas identique Ă  ce qui ne l'est pas. Si c'est ce qui est qui est connu, alors ce qui est opinĂ© est autre que ce qui est. Pourtant ce qui est opinĂ© ne se confond pas avec ce qui n'est pas, qui se rapporte Ă  l'ignorance. L'opinion se trouve alors entre l'ignorance et la connaissance. Ceux qui ont de l'affection pour des choses sans les connaĂźtre en soi sont donc des personnes sujets Ă  l'opinion, ceux qui ont de « l’affection pour cela mĂȘme qui en chaque chose est, il faut les appeler amis de la sagesse, philosophes ».

La destinée du philosophe et les sophistes

Socrate soutient que, dans la citĂ© idĂ©ale, ce sont les philosophes qui prĂ©sident Ă  la coopĂ©ration harmonieuse de tous les citoyens, et les philosophes seuls sont « reconnus capables de veiller Ă  la garde des lois et des institutions » du fait qu'ils possĂšdent quatre vertus caractĂ©ristiques : l'amour de la vĂ©ritĂ©, la tempĂ©rance, le courage, et l'intelligence. « N’est-ce pas Ă  des hommes semblables, perfectionnĂ©s par l’éducation et l’expĂ©rience, et Ă  eux seuls, que tu confieras le gouvernement de l’État ? »[33]

Adimante objecte que les philosophes dont parle Socrate sont rares, car en rĂ©alitĂ© le philosophe est au mieux un personnage inutile Ă  la citĂ©, et au pire un personnage nuisible : « On voit en fait ceux qui s’appliquent Ă  la philosophie, et qui, aprĂšs l’avoir Ă©tudiĂ©e dans leur jeunesse pour complĂ©ter leur Ă©ducation, ne l’abandonnent pas, mais s’y attachent trop longtemps, devenir pour la plupart des personnages bizarres, pour ne pas dire tout Ă  fait insupportables ; tandis que ceux d’entre eux qui semblent avoir le plus de mĂ©rite, ne laissent pas de devoir Ă  cette Ă©tude que tu nous vantes, l’inconvĂ©nient d’ĂȘtre inutiles Ă  la sociĂ©tĂ©. »[34]

La question est ainsi posĂ©e de savoir s’il serait bien souhaitable, comme le laisse entendre Socrate, de faire des philosophes les gardiens de la citĂ© idĂ©ale, sachant que la plupart d’entre eux sont soit inutiles soit pervers.

Socrate rĂ©pond dans un premier temps Ă  la question de l’inutilitĂ© des philosophes en arguant que « le traitement qu’éprouvent les sages dans les États est quelque chose de si fĂącheux qu’on ne voit rien de semblable. »[35] Pour Ă©tayer son argument, Socrate utilise la mĂ©taphore du navire : les membres d'Ă©quipage disputent le gouvernail au capitaine qu'ils jugent ne pas ĂȘtre assez bon navigateur et, ne connaissant eux-mĂȘmes rien Ă  l'art de la navigation, se rendent maĂźtres du vaisseau et le conduisent « comme de pareils gens peuvent le conduire »[36], c’est-Ă -dire au naufrage. C'est bien parce que les matelots « ne comprennent pas qu'un vrai pilote doit Ă©tudier les temps, les saisons, le ciel, les astres, les vents, et tout ce qui appartient Ă  cet ordre de connaissances »[37] qu'ils estiment que le capitaine en poste est « un homme qui perd son temps Ă  contempler les astres » et « un bel esprit incapable de leur ĂȘtre utile. »[38] Socrate reconnaĂźt dans cette mĂ©taphore la maniĂšre dont les États traitent les philosophes, et rĂ©fute par lĂ  mĂȘme l’objection d’Adimante selon laquelle les philosophes seraient inutiles.

Socrate explique dans un second temps que c’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’ils ne sont pas estimĂ©s Ă  leur juste valeur et qu’ils ne sont pas employĂ©s en consĂ©quence que les philosophes peuvent devenir pervers. L’éducation joue un rĂŽle primordial dans le dĂ©veloppement du naturel philosophique, et une mauvaise Ă©ducation peut avoir des consĂ©quences dĂ©lĂ©tĂšres : « Si donc le philosophe dont nous avons tracĂ© le caractĂšre naturel, reçoit l’enseignement qui lui convient, c’est une nĂ©cessitĂ© qu’en se dĂ©veloppant il parvienne Ă  toutes les vertus : si, au contraire, il tombe sur un sol Ă©tranger, y prend racine et s’y dĂ©veloppe, c’est une nĂ©cessitĂ© qu’il produise tous les vices. »[39] La mauvaise Ă©ducation est donc la cause principale de la corruption du naturel philosophique, et certains philosophes deviennent effectivement pervers car « une nature excellente, avec un rĂ©gime contraire, devient pire qu’une nature plus mĂ©diocre. »[40]

Selon Socrate, ce sont les sophistes qui sont les premiers provocateurs de la perversitĂ© des philosophes, en cela qu’ils enseignent aux jeunes gens les raisonnements spĂ©cieux et utilitaires qui sont le propre de la sagesse populaire. « Tous ces simples particuliers, docteurs mercenaires, que le peuple appelle sophistes et qu’il regarde comme ses concurrents et ses rivaux, n’enseignent autre chose que ces opinions mĂȘmes professĂ©es par la multitude dans les assemblĂ©es nombreuses, et c’est lĂ  ce qu’ils appellent sagesse. »[41]

Or donc Socrate rĂ©pond Ă  Adimante en soutenant que la multitude est responsable de l'inutilitĂ© des philosophes qu'elle ne sait pas reconnaĂźtre comme supĂ©rieurs, et les sophistes responsables de leur perversitĂ©, car ils appellent sagesse les opinions inconsĂ©quentes de la multitude. Dans ces conditions, il est impossible que les philosophes ne soient pas blĂąmĂ©s par le peuple et Ă©chappent au naufrage commun : en raison de quoi ils attirent sur la philosophie les reproches injustes formulĂ©s par Adimante qui accuse ses adhĂ©rents, pour les uns, de n’ĂȘtre bons Ă  rien et, pour les autres, d’ĂȘtre des misĂ©rables. Socrate, toutefois, prĂ©cise que c’est « faute d’avoir vĂ©cu sous une forme convenable de gouvernement »[42] que le philosophe ne remplit pas sa haute destinĂ©e : « Suppose un gouvernement pareil, le philosophe va grandir encore et devenir le sauveur de l’État et des particuliers. »[42] Est ainsi posĂ©e la question de savoir quelle serait la meilleure forme de gouvernement ou, Ă  tout le moins, celle qui conviendrait Ă  l’épanouissement du philosophe.

Le philosophe-roi assure le salut de la cité

Selon Socrate, le gouvernement idĂ©al est celui qui se conduit avec la philosophie de maniĂšre qu'elle ne pĂ©risse pas, celui qui « trouve le moyen de conserver dans notre État le mĂȘme esprit qui avait Ă©clairĂ© et dirigĂ© le lĂ©gislateur dans l'Ă©tablissement des lois. »[43]

Pour ce faire, Socrate propose de prĂ©parer soigneusement les enfants et les jeunes gens au service de la philosophie, de sorte Ă  initier doucement le peuple Ă  l’amour de la vĂ©ritĂ© : « Si le peuple parvient Ă  sentir une fois la vĂ©ritĂ© de ce que nous disons sur les philosophes, persistera-t-il Ă  leur en vouloir, et refusera-t-il de croire avec nous qu’un État ne sera heureux qu’autant que le dessin en aura Ă©tĂ© tracĂ© par ces artistes qui travaillent sur un modĂšle divin ? »[44]

De cette maniĂšre, la corruption du philosophe ne sera plus une fatalitĂ©, et il s’en trouvera finalement certains qui se sauveront et parviendront Ă  dessiner les lois et les institutions de la citĂ©. Le peuple, dĂ©sormais convaincu que le projet des philosophes est effectivement le plus avantageux, ne rĂ©pugnera pas Ă  se soumettre. Socrate et Adimante s’entendent pour conclure que « si [leur] plan de lĂ©gislation vient Ă  s’exĂ©cuter, il est excellent ; et que si l’exĂ©cution en est difficile, du moins n’est-elle pas impossible. »[45]

Or, la connaissance dont dispose le philosophe, et grĂące Ă  laquelle il peut lĂ©gitimement prĂ©tendre au pouvoir, Ă  devenir le gardien de l’État, est l’idĂ©e du Bien, « l’objet de la plus sublime des connaissances »[46], selon Socrate, et Ă  laquelle « la justice et les autres vertus qui rĂ©alisent cette idĂ©e empruntent leur utilitĂ© et tous leurs avantages. »[46] L’argument repose sur l'idĂ©e que « le juste et l’honnĂȘte ne trouveront pas un digne gardien dans celui qui ignorera leur rapport avec le Bien, et que nul n’aura de l’honnĂȘte et du juste une connaissance exacte sans la connaissance antĂ©rieure du Bien. »

Idée du Bien, la plus haute des connaissances

Socrate poursuit en Ă©lucidant la question de la nature du Bien[47]. D’abord, une chose est bonne en tant qu’elle participe de l’idĂ©e du Bien en soi, de la mĂȘme maniĂšre qu’une chose est belle en tant qu’elle participe de l’idĂ©e du Beau en soi. L’idĂ©e du Bien est donc le concept du Bien, c’est-Ă -dire la reprĂ©sentation mentale abstraite, gĂ©nĂ©rale et stable, qui comprend toutes les rĂ©alitĂ©s particuliĂšres qui se rapportent Ă  l’idĂ©e du Bien.

Ensuite, il faut convenir que « nous disons des choses particuliĂšres qu’elles sont l’objet des sens et non de l’esprit, et des idĂ©es qu’elles sont l’objet de l’esprit et non des sens »[48], c’est-Ă -dire que les idĂ©es ne sont pas des objets sensibles, mais bien plutĂŽt des objets intelligibles, des rĂ©alitĂ©s qui ne peuvent ĂȘtre saisies que par la pensĂ©e. Par ailleurs, de la mĂȘme maniĂšre que la lumiĂšre du Soleil sert d’intermĂ©diaire entre l’Ɠil et l’objet, l’idĂ©e du Bien rĂ©pand la lumiĂšre de la vĂ©ritĂ© sur les objets du monde intelligible : « Ce que le Bien est dans la sphĂšre intelligible, par rapport Ă  l’intelligence et Ă  ses objets, le Soleil l’est dans la sphĂšre visible, par rapport Ă  la vue et Ă  ses objets. »[49]

Le corollaire de cette analogie Ă©tant que l’idĂ©e de Bien n’est pas la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme mais bien plutĂŽt le principe de la vĂ©ritĂ©, au mĂȘme titre que le Soleil n’est pas la lumiĂšre mais le principe de la lumiĂšre, son origine premiĂšre et absolue. Socrate explique Ă  Adimante : « Tiens donc pour certain que ce qui rĂ©pand sur les objets de la connaissance la lumiĂšre de la vĂ©ritĂ©, ce qui donne Ă  l’ñme qui connaĂźt la facultĂ© de connaĂźtre, c’est l’idĂ©e du Bien. ConsidĂšre cette idĂ©e comme le principe de la science et de la vĂ©ritĂ© en tant qu’elles tombent sous la connaissance ; et quelque belles que soient la science et la vĂ©ritĂ©, tu ne te tromperas pas en pensant que l’idĂ©e du Bien en est distincte et les surpasse en beautĂ©. »[50] En dĂ©finitive, la nature du Bien est d’ĂȘtre l’origine premiĂšre et absolue des objets qui peuplent le monde intelligible, de mĂȘme que l’essence de toutes les vĂ©ritĂ©s accessibles par la pensĂ©e.

Socrate termine en faisant le lien entre l’idĂ©e du Bien et la dialectique. Sur la base de la distinction entre monde sensible et monde intelligible, il propose une hiĂ©rarchie des objets de pensĂ©e selon leur degrĂ© de clartĂ©, c’est-Ă -dire « selon qu’ils participent plus ou moins Ă  la vĂ©ritĂ©. »[51]

En premier lieu, il convient de distinguer au sein du monde sensible les objets et leurs images ; les objets sont les choses elles-mĂȘmes, et les images sont leurs reprĂ©sentations perceptibles. Autrement dit, au niveau le plus bas se trouve les images, qui sont les ombres et reflets, apprĂ©hendĂ©s par l’imagination, des choses elles-mĂȘmes ; tandis que les choses elles-mĂȘmes, que reprĂ©sentent ces images, qu’il s’agisse d’animaux, de plantes ou d’autres choses, se situent Ă  un niveau supĂ©rieur de clartĂ©, participent davantage Ă  la vĂ©ritĂ©.

En second lieu, et Ă  un niveau encore supĂ©rieur de clartĂ©, il y a le monde intelligible. Le monde intelligible est aussi divisĂ© en deux, avec les objets mathĂ©matiques d’une part, et les idĂ©es d’autre part. Les objets mathĂ©matiques, d’abord, s’obtiennent « en se servant des donnĂ©es du monde visible que nous venons de diviser, comme d’autant d’images, en partant de certaines hypothĂšses, non pour remonter au principe, mais pour descendre Ă  la conclusion »[52] ; les idĂ©es, ensuite, s’obtiennent au contraire en allant « de l’hypothĂšse jusqu’au principe qui n’a besoin d’aucune hypothĂšse, sans faire aucun usage des images comme dans le premier cas, et en procĂ©dant uniquement des idĂ©es considĂ©rĂ©es en elles-mĂȘmes. »[53]

Les idĂ©es sont les objets de pensĂ©es qui participent le plus Ă  la vĂ©ritĂ©, « ce sont celles que l’ñme saisit immĂ©diatement par la dialectique, en faisant des hypothĂšses, qu’elle regarde comme telles et non comme des principes, et qui lui servent de degrĂ©s et de points d’appui pour s’élever jusqu’à un premier principe qui n’admet plus d’hypothĂšse. »[53]

La dialectique est alors prĂ©sentĂ©e comme l’unique moyen de remonter d’hypothĂšse en hypothĂšse jusqu’à un principe rĂ©ellement anhypothĂ©tique, c’est-Ă -dire dotĂ© d’un degrĂ© de certitude absolu qui ne suppose plus aucune condition, une connaissance pure, lĂ  oĂč la mathĂ©matique dĂ©duit des hypothĂšses d’autres hypothĂšses jusqu’à une conclusion, qui reste malgrĂ© tout hypothĂ©tique. À la dialectique correspond l’intelligence pure ; Ă  la mathĂ©matique, la connaissance raisonnĂ©e ; Ă  la chose sensible, la foi ; Ă  l’image, la conjecture. Chacune correspondant Ă  un degrĂ© diffĂ©rent de la vĂ©ritĂ©.

Livre VII

Socrate poursuit son analogie entre l'idée du Bien et le Soleil dans l'allégorie de la caverne, par laquelle il explique que l'esprit doit se libérer du monde sensible pour rejoindre le monde intelligible. La sortie de la caverne, c'est-à-dire l'élévation vers le monde des Idées, est un voyage pénible que tout philosophe-roi en puissance doit impérativement entreprendre. Socrate termine en présentant la formation exigeante par laquelle un tel cheminement intellectuel est possible.

Allégorie de la caverne

Socrate demande Ă  Glaucon de s’imaginer des hommes captifs dans une caverne, enchaĂźnĂ©s dos Ă  la sortie, et ne voyant du monde extĂ©rieur que les ombres d’objets ayant Ă©tĂ© placĂ©s derriĂšre eux et que la lumiĂšre d’un feu projette sur la paroi qui leur fait face.

Le philosophe est celui qui brise ses chaĂźnes, tourne la tĂȘte pour regarder ce qui se cache derriĂšre lui, puis sort de la caverne et s’expose effectivement au monde extĂ©rieur. Il est celui qui s’arrache aux images, accĂšde au monde rĂ©el et affronte la lumiĂšre Ă©blouissante du Soleil, comprenant par lĂ  mĂȘme que l’intĂ©rieur de la caverne n’est qu’un reflet dĂ©formĂ© du monde rĂ©el qu'est le monde intelligible. Cette Ă©lĂ©vation implique une remise en question radicale Ă  laquelle se rattache une certaine souffrance, au sens oĂč on ne peut vĂ©ritablement connaĂźtre sans laisser derriĂšre une part de soi.

« L’antre souterrain, c’est ce monde visible : le feu qui l’éclaire, c’est la lumiĂšre du soleil : ce captif qui monte Ă  la rĂ©gion supĂ©rieure et la contemple, c’est l’ñme qui s’élĂšve dans l’espace intelligible. VoilĂ  du moins quelle est ma pensĂ©e, puisque tu veux la savoir. »[54]

La sortie de la caverne est donc la métaphore de la dialectique ascendante présentée au Livre VI.

La philosophie est thĂ©orĂ©tique : elle considĂšre tous les ĂȘtres et la divinitĂ©[55]. Un art, imitatif, ne considĂšre qu'un objet en particulier : Les enseignements de la philosophie se prĂ©occupent de l’ñme[55]. L’allĂ©gorie de la caverne est certainement un hĂ©ritage de l'enseignement pythagoricien incitant les ĂȘtres humains Ă  lĂącher prise face Ă  leur perception de base, cela, au moins dans tous les domaines qu'il est possible d'approcher de maniĂšre scientifique. Mais, plus encore, l'allĂ©gorie enseigne Ă  ne s'attacher Ă  aucune certitude dĂ©finitive, puisque, Ă  aucun moment, l’homme ne peut percevoir la rĂ©alitĂ© de ce qui lui est Ă  jamais cachĂ©. En rĂ©alitĂ©, il ne s'agit donc pas d'une mĂ©thodologie pour une dĂ©marche scientifique, mais d'une dĂ©marche proprement philosophique et mĂ©taphysique qui le place face Ă  l'infini.

Formation du philosophe-roi

Or donc, Socrate soutient que le philosophe est celui qui s’élĂšve intellectuellement grĂące Ă  la dialectique ascendante jusqu’à contempler l’idĂ©e du Bien, et que c’est la raison pour laquelle il est le meilleur des gardiens possibles pour les lois et institutions de la citĂ©, car « il faut enfin avoir les yeux sur cette idĂ©e pour se conduire avec sagesse dans la vie privĂ©e ou publique »[56]. La formation requise pour parvenir Ă  la contemplation de l’idĂ©e du Bien est exigeante et comprend cinq phases.

En premier lieu, le philosophe-roi aura Ă©tĂ© initiĂ© pendant son enfance Ă  l’arithmĂ©tique, la gĂ©omĂ©trie et l’astronomie, en mĂȘme temps qu’il aura pratiquĂ© la gymnastique et la musique. La gymnastique et la musique car elles communiquent « Ă  l’ñme non pas une science, mais un certain accord par le sentiment de l’harmonie, et une certaine rĂ©gularitĂ© de mouvements par l’influence du rythme et de la mesure »[57] ; l’arithmĂ©tique en tant qu’elle dĂ©veloppe la capacitĂ© d’abstraction, « la conversion de l'Ăąme de l’ordre des choses vers la vĂ©ritĂ© et l'essence »[58] ; la gĂ©omĂ©trie car elle est un savoir universel, « la connaissance de ce qui est toujours »[59] ; l’astronomie en tant qu’ « une connaissance exacte des saisons, des mois, des annĂ©es n’est pas moins nĂ©cessaire au guerrier qu’au laboureur et au pilote »[60].

D’aprĂšs Socrate, l’arithmĂ©tique, la science des nombres, est la premiĂšre des sciences prescrites ; la gĂ©omĂ©trie, science des surfaces, est la deuxiĂšme ; et l’astronomie, science des corps cĂ©lestes, est la troisiĂšme, mais devrait ĂȘtre la quatriĂšme. En effet, et en toute logique, aprĂšs la science des surfaces et avant la science des corps en mouvement devrait ĂȘtre enseignĂ©e la science des solides et des volumes, Ă  savoir la physique. Or, la physique n’existant pas Ă  l’époque, et bien que Socrate pressente qu’une telle science finira par se dĂ©velopper, il ne l’inclut pas dans son cursus de formation du philosophe-roi.

La premiĂšre phase, qui s’étend de l’enfance Ă  la fin de l’adolescence, consiste ainsi en l’apprentissage de ces trois sciences qui prĂ©parent les esprits Ă  la dialectique, mais il est primordial que ces enseignements ne soient pas contraignants et que les enfants s’instruisent en jouant, « parce que l’homme libre ne doit rien apprendre en esclave. Que les exercices du corps soient forcĂ©s, le corps n’en profite pas moins que s’ils Ă©taient volontaires ; mais les leçons qui entrent de force dans l’ñme n’y demeurent pas »[61].

La deuxiĂšme phase dure deux ou trois ans et consiste Ă  sĂ©lectionner les jeunes gens qui auront fait montre des meilleures capacitĂ©s d’apprentissage pour les soumettre Ă  une Ă©ducation physique intense et les confronter Ă  la rĂ©alitĂ© de la guerre, « les rendre spectateurs du combat, les approcher mĂȘme de la mĂȘlĂ©e, lorsqu’on le pourra sans danger, et leur faire en quelque maniĂšre goĂ»ter le sang, comme on fait aux jeunes chiens de meute »[62].

La troisiĂšme phase commence Ă  la vingtiĂšme annĂ©e de ceux des jeunes gens qui auront Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s les plus honorables Ă  la fois dans l’étude des sciences et dans celle de la guerre. Pendant dix ans les jeunes gens devront Ă©tudier ensemble et en profondeur les mĂȘmes sciences auxquelles ils auront Ă©tĂ© initiĂ©s isolĂ©ment, « afin qu’ils saisissent sous un point de vue gĂ©nĂ©ral et les rapports que ces sciences ont entre elles et la nature de l’ĂȘtre »[63].

La quatriĂšme phase ne concerne que l’élite des jeunes trentenaires ayant suivi le cursus ainsi prescrit. Socrate explique Ă  Glaucon : « Lorsqu’ils auront atteint l’ñge de trente ans, tu devras en former une Ă©lite nouvelle pour leur accorder de plus grands honneurs, et tu distingueras, en les Ă©prouvant par la dialectique, ceux qui, sans s’aider de leurs yeux ni des autres sens, pourront s’élever jusqu’à la connaissance de l’ĂȘtre par la seule force de la vĂ©ritĂ© »[64]. Ainsi s’agit-il de la phase la plus ardue, et de celle qui justifie la rudesse de la sĂ©lection. Les jeunes gens sĂ©lectionnĂ©s se consacrent entiĂšrement Ă  la dialectique ascendante pendant cinq annĂ©es durant, jusqu’à parvenir Ă  la contemplation de l’idĂ©e du Bien qui leur permettra ensuite de toujours juger ce qui est bon et juste pour la citĂ©.

La cinquiĂšme et derniĂšre phase est un retour dans la caverne : les philosophes de trente-cinq ans environ devront prendre des responsabilitĂ©s publiques, qu’il s’agisse d’emplois militaires ou civils, et travailler parmi leurs concitoyens pendant quinze annĂ©es supplĂ©mentaires, de sorte Ă  acquĂ©rir une expĂ©rience professionnelle respectable, incarnant la droiture : « Il te faudra mettre Ă  l'Ă©preuve la fermetĂ© de leur rĂ©sistance Ă  ce qui, de tous cĂŽtĂ©s, les attire »[65].

Parvenus Ă  cinquante ans, une fois le cursus achevĂ©, les hommes et femmes ainsi formĂ©s pourront lĂ©gitimement prĂ©tendre aux postes les plus Ă©levĂ©s pour la gestion des affaires de la citĂ© et deviendront les dignes gardiens de l’État, eux-mĂȘmes en charge non seulement d’administrer le peuple, mais aussi de former leurs successeurs. C’est lĂ , selon Socrate, le gouvernement idĂ©al de la citĂ© idĂ©ale, et cette formation exigeante en cinq phases « le plus prompt et le plus sĂ»r moyen d’établir le gouvernement dont nous avons parlĂ©, et de le rendre prospĂšre et trĂšs avantageux au peuple chez lequel il sera formĂ© »[66].

Cinq classes de gouvernement

Platon considÚre qu'il y a cinq classes de gouvernements ; Socrate et Glaucon font l'examen des cinq types de régime politique, analysent chaque régime en particulier, et montrent comment l'on passe de l'un à l'autre :

  • la premiĂšre, l'aristocratie, qui est celle oĂč les personnes les plus recommandables sous les rapports moraux commandent ;
  • la seconde, la timocratie, qui est celle oĂč le pouvoir est entre les mains des ambitieux[Note 2] ;
  • la troisiĂšme, l'oligarchie, qui est celle oĂč l'Ă©tat n'a qu'un petit nombre de chefs ;
  • la quatriĂšme, la dĂ©mocratie, qui est celle oĂč le peuple a toute autoritĂ© ;
  • la cinquiĂšme, la tyrannie, qui est la derniĂšre et la pire.

La timocratie: Socrate prévoit que, naturellement, son aristocratie finira par se corrompre, se dégrader, perdre de son unité. Alors, les « races de fer et de bronze », les artisans, vont chercher la richesse, ce qui va amener la création de la propriété privée. Ce mode de fonctionnement politique diffÚre de l'aristocratie par le fait que le pouvoir ne sera pas donné aux sages. De plus, les citoyens seront plus incités à guerroyer, et ils recherchent le profit. Cette constitution est « un mélange complet de bien et de mal »[67]. Le citoyen sera plus arrogant, brutal envers les esclaves et doux envers les hommes libres.

Ce rĂ©gime devient oligarchique quand, du fait d'une recherche effrĂ©nĂ©e du profit, une petite partie de la population devient trĂšs riche alors que l'autre se paupĂ©rise radicalement. Du moment que les habitants de la citĂ© dĂ©cident que seuls les plus riches pourront participer aux affaires publiques, il y a oligarchie (du grec ancien ολÎčÎłÎżÏ‚, qui veut dire « peu »). Bien entendu, les riches Ă©tablissent leur constitution par la force. Outre que les plus riches sont considĂ©rĂ©s Ă  tort comme les plus habiles Ă  gouverner, le principal dĂ©faut de cette citĂ© est sa division interne : « une citĂ© des riches, une citĂ© des pauvres, habitant dans un mĂȘme lieu et conspirant constamment les uns contre les autres. »[68]. Le citoyen, quant Ă  lui, se prĂ©sente sous un jour respectable, mais il ne cherche au fond que la richesse.

Les pauvres remarquent bien vite que les riches ne le sont « que du fait de la lĂąchetĂ© des pauvres »[69]. Ils dĂ©cident donc de les chasser ou de les dĂ©pouiller, et construisent un rĂ©gime dĂ©mocratique. Ce rĂ©gime favorise la libertĂ© et l'Ă©galitĂ©, « le pouvoir de faire tout ce qu'on veut »[70]. Il n'y a aucune obligation : celui qui est habile pour gouverner ne le fait que s'il le veut, la guerre et la paix ne sont conclues que selon l'opinion des citoyens. Socrate parle mĂȘme de criminels qui ne seraient pas poursuivis et se promĂšneraient en toute libertĂ© dans la ville[71]. N'importe qui peut faire n'importe quoi, il n'y a plus aucune spĂ©cialisation. Le citoyen s'occupe Ă  satisfaire ses plaisirs non nĂ©cessaires, il se lance de temps en temps dans la politique quand l'envie lui en prend. Il est Ă  l'image de la citĂ©: il fait ce qu'il lui plaĂźt, ce qui l'amuse.

La libertĂ© et l'Ă©galitĂ© entraĂźnent des troubles, les enfants ne respectent plus leurs parents[72]. On assiste Ă  une division de la citĂ© en trois classes : les paresseux qui passent leur temps Ă  s'occuper des affaires publiques, ceux qui ont su tirer parti de la libertĂ© de commercer et se sont enrichis, et les travailleurs qui ne s'occupent pas des affaires politiques. Ce dernier groupe est le plus nombreux. Au milieu de l'anarchie qui s'installe, le tyran va apparaĂźtre, se prĂ©sentant tout d'abord comme un protecteur. Se sentant soutenu par la masse, et le pouvoir lui montant Ă  la tĂȘte, il s'assure le soutien des classes moyennes en promettant de redistribuer les richesses en leur faveur. AidĂ© par le peuple, il lui demande des gardes du corps. « Il clame qu'il n'est pas un tyran, il se rĂ©pand en promesses, aussi bien en privĂ© qu'en public, il libĂšre les gens de leurs dettes, et il redistribue la terre au peuple et Ă  ceux de son entourage, et Ă  tous il se montre agrĂ©able et plein de douceur. »[73]. Ensuite, il provoque des guerres, pour que les citoyens aient besoin d'un chef. Dans ces guerres, il s'arrange pour que ceux qui meurent soient ceux qui nourrissent le plus des idĂ©es de libertĂ©. Ce n'est qu'ensuite qu'il sera reconnu comme tyran. Mais la peur de mourir et l'argent calment ceux qui pourraient le renverser.

Livre IX

Il faut maintenant examiner le caractĂšre de l'homme tyrannique lui-mĂȘme. Il est dĂ©bauchĂ©, il recherche sans cesse les plaisirs de toutes sortes, au dĂ©triment de ses parents et de ses enfants s'il le faut. Il est soumis Ă  la « tyrannie d'Éros ». C'est aussi le plus misĂ©rable des hommes. Paradoxalement, il n'est pas libre, mais esclave de ses passions.

Socrate dĂ©cide ensuite de rĂ©capituler. Les hommes seront le plus heureux en aristocratie, un peu moins en timocratie, encore moins en oligarchie, et ainsi de suite avec la dĂ©mocratie et la tyrannie. Selon lui, il y a trois parties dans l’ñme : la partie rationnelle ou intellect, le NoĂ»s (ÎœÎżáżŠÏ‚), la partie qui recherche la bravoure et les honneurs[Note 3], et la partie infĂ©rieure (áœČπÎčÎžÏ…ÎŒÎŻÎ±), qui ne cherche que la jouissance. C'est comme si l'homme Ă©tait une crĂ©ature formĂ© d'un homme, d'un lion, et d'une crĂ©ature affreuse polymorphe (polymorphe car l’homme a plusieurs dĂ©sirs, souvent contradictoires). Le sage a su affirmer la supĂ©rioritĂ© de l’homme, tout en faisant en sorte d'endormir les autres parties. C'est l'homme de la citĂ© idĂ©ale. Les citoyens des autres rĂ©gimes ont, au contraire, Ă©veillĂ© les parties animales. Ils ont donc une vie dĂ©sordonnĂ©e, et ne seront pas heureux.

Socrate insiste encore sur un point : le philosophe est le mieux placĂ© pour juger de ce qui rend vraiment heureux. En effet, « les raisonnements sont l’instrument par excellence du philosophe »[74] : il est le meilleur pour juger. De plus, tous les hommes sont soumis aux dĂ©sirs nĂ©cessaires des parties animales, ils doivent tous les satisfaire. Alors, le philosophe a une expĂ©rience de ce que peut apporter le plaisir venant des parties animales. Par contre, les autres hommes n'ont jamais essayĂ© de rĂ©flĂ©chir, ils n'ont donc aucune idĂ©e de la satisfaction que peut apporter la contemplation de la vĂ©ritĂ©. Seul le philosophe est apte Ă  comparer les diffĂ©rentes sortes de plaisirs, puisqu'il les a tous connus. C'est lui le mieux placĂ© pour savoir comment ĂȘtre heureux.

Quant Ă  savoir si la CitĂ© adviendra : « Il en existe peut-ĂȘtre un modĂšle dans le ciel pour celui qui souhaite le contempler et, suivant cette contemplation, se donner Ă  lui-mĂȘme des fondations. Que cette citĂ© existe quelque part, ou qu'elle soit encore Ă  venir, cela ne fait d'ailleurs aucune diffĂ©rence, car cet homme ne rĂ©aliserait que ce qui appartient Ă  cette citĂ©, et Ă  nulle autre. »[75].

Bannissement de la poésie

Dans ce livre, Platon se livre Ă  la censure de la poĂ©sie, par l'excĂšs de force de son pouvoir, son langage sĂ©ducteur. La poĂ©sie, imitative, doit ĂȘtre rejetĂ©e absolument, car elle dĂ©forme l’esprit de l’auditoire par la transmission de passions qui contaminent l'Ăąme et fait de mauvais citoyens. La poĂ©sie doit ĂȘtre rĂ©formĂ©e et censurĂ©e ; l'exclusion de la poĂ©sie n'est pas complĂšte : on conserva les dithyrambes (Ă©loges des Dieux) et les Ă©popĂ©es. Socrate prĂ©voit qu'Ă  certaines conditions, la poĂ©sie doit ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©e Ă  des fins vertueuses afin de ne pas gĂąter l'Ăąme du citoyen. Les raisons de l'exclusion sont pratiques et politiques. Elle Ă©veille des sentiments et s'adresse Ă  la partie la plus « excitable » de notre Ăąme ; le poĂšte sait que l'Ăąme aime ĂȘtre Ă©mue ; imitateur, le poĂšte s'oublie au profit de ce qu'il transmet. L’émotion, la passion rend la reprĂ©sentation des poĂštes dangereuse par le plaisir provoquĂ© de s'identifier Ă  son propre sort. Un premier rĂŽle du bannissement de la poĂ©sie est l'amollissement de l'Ăąme et que l'on est, dans les arts, dans un dĂ©tournement de la vĂ©ritĂ© en soi. Pour Platon, les imitateurs n'atteignent pas la vĂ©ritĂ© ; le philosophe doit apprĂ©hender la rĂ©alitĂ© selon la raison : les philosophes sont aidĂ©s par une faveur divine. Platon interroge les poĂštes. HomĂšre n'a jamais Ă©tĂ© ni lĂ©gislateur, ni chef de guerre. Ils ne sont donc que les imitateurs qui n'atteignent pas la vĂ©ritĂ©. Le charme de la poĂ©sie rĂ©sulte d'un ornement de mots, qui vise Ă  imiter l'objet choisi pour sujet. La philosophie n'est pas un savoir pragmatique, ce qui l'oppose au poĂšte.

Ce bannissement de la poĂ©sie est reliĂ© directement au rejet de la mimĂ©sis. La mimĂšsis est une imitation du rĂ©el et non la vĂ©ritĂ© mĂȘme. La poĂ©sie comme genre littĂ©raire accĂšs sur une esthĂ©tique propre Ă  un embellissement de la vie, que ce soit au niveau des sentiments d'une personne ou d'actions. Il y a aussi avec la poĂ©sie l'idĂ©e de plaire; un poĂšme raconte la beautĂ© sans nĂ©cessairement la vivre. Ce livre rejette avec plus de ferveur que le livre II et III la place de la mimĂšsis comme illusion.

ImmortalitĂ© de l’ñme

Il y a quelque chose qu'on appelle bien (ce qui sauve et est avantageux) et quelque chose qu'on appelle mal (ce qui dĂ©truit et corrompt toutes choses). Il y a un bien et un mal pour chaque chose ; c'est donc le mal naturel de chaque ĂȘtre qui le dĂ©truit et rien d'autre n'est en mesure de le corrompre. Tous les vices de l'Ăąme (injustice, indiscipline, lĂąchetĂ©, ignorance
) la rendent mauvaise mais ils ne la dĂ©truisent pas. Et il serait paradoxal d'affirmer que la dĂ©fectuositĂ© d'un autre ĂȘtre puisse dĂ©truire quelque chose alors que sa propre dĂ©fectuositĂ© ne le peut pas. Quand un ĂȘtre ne pĂ©rit ni sous l'effet d'un mal qui lui est Ă©tranger, ni sous le sien propre, il est Ă©vident qu'il est immortel. L'Ăąme est donc immortelle. L'Ăąme n'est pas hĂ©tĂ©rogĂšne. Il ne faut pas la considĂ©rer dans l'Ă©tat de dĂ©chĂ©ance qui rĂ©sulte de son union avec le corps qui la rend semblable Ă  ProtĂ©e aux multiples visages, mais dans son Ă©tat le plus pur, c'est-Ă -dire portĂ©e vers son amour de la sagesse. Seul cet Ă©tat nous permet de savoir si elle est une ou composĂ©e de multiples parties.

Pour Socrate, qui analyse l’ñme, et commente la mĂ©tempsycose, Glaucos reprĂ©sente l’ñme, qu’il faut considĂ©rer dans l'Ă©tat de dĂ©gradation causĂ© par son sĂ©jour dans le corps ; elle est dĂ©gradĂ©e mais pure.

Mythe d’Er le Pamphylien

Le livre s'achĂšve par le mythe d’Er, destinĂ© Ă  entretenir chez les auditeurs la foi en l’immortalitĂ© de l'Ăąme, afin de les sauver de la dĂ©chĂ©ance en les reliant Ă  la philosophie[76].

Er Ă©tait originaire de Pamphylie et avait pour pĂšre ArmĂ©nios. Il fut retrouvĂ© mort aprĂšs une bataille, mais revint Ă  la vie sur le bĂ»cher funĂ©raire, car il avait reçu l'ordre des juges suprĂȘmes d'ĂȘtre le « messager de l'au-delĂ  ». Ainsi Er ressuscita-t-il pour raconter son expĂ©rience de l'autre monde aux vivants en leur faisant une description du voyage des Ăąmes. Il donna le moyen de jauger les Ăąmes en fonction de leurs actions, et offrit l'exemple du sort qu'avait dĂ» subir ArdiĂ©e le Grand, prĂ©cipitĂ© au Tartare pour ses fautes. AprĂšs avoir reçu leur dĂ» pendant mille ans — le juste mĂ©ritera un traitement juste et l'injuste un passage de mille ans dans le Tartare — les voyageurs sont appelĂ©s Ă  marcher dans la plaine de LĂ©thĂ© pendant douze jours. Au bout de ce pĂšlerinage, ils aboutissent devant la lumiĂšre cĂ©leste et le fuseau de NĂ©cessitĂ©. De lĂ , les Ăąmes peuvent contempler la lumiĂšre jaillissante. Ce fuseau repose sur les genoux de sa propriĂ©taire. À cĂŽtĂ© d'elle, se trouvent les Moires, trois femmes assises sur des trĂŽnes, LachĂ©sis, ClĂŽthĂŽ et Atropos, cousant les temps de la vie — respectivement passĂ©, prĂ©sent, futur — en touchant le fuseau. Les Ăąmes doivent ensuite se placer en ligne pour choisir leur existence. Une multitude d'options s'offrent Ă  elles, tant humaines qu'animales. À ce sujet, Er dĂ©crit la manie des Ăąmes Ă  choisir des conditions « pitoyables, ridicules et Ă©tranges ». Les Ăąmes qui effectuent de tels choix deviennent cruelles et tyranniques : considĂ©rĂ©es comme incurables, elles finiront par souffrir la torture au Tartare pour l'Ă©ternitĂ©. LachĂ©sis donna ensuite Ă  chacun un dĂ©mon[Note 4]. Ce dĂ©mon a pour mission de nous guider dans l'existence et notamment de nous aider Ă  opĂ©rer les choix les plus difficiles. La derniĂšre Ă©tape avant de se rĂ©incarner est d'aller au fleuve AmĂ©lĂšs, pour en boire son eau. Cet acte a pour effet d'effacer la mĂ©moire des gens. Ainsi, Ă  la naissance, personne ne soupçonne ce qui s'est passĂ© dans l'au-delĂ .

Socrate conclut en affirmant que le fait d'enseigner ce mythe, dont la croyance doit ĂȘtre immĂ©diatement appelĂ©e par la dĂ©monstration philosophique, permet Ă  quiconque de vouloir faire la justice de toutes les maniĂšres avec le secours de la raison. C'est ainsi que nous trouverons bonheur et succĂšs dans notre vie. Le philosophe, c'est celui qui vit le mieux, qui vit de la façon la plus heureuse, par opposition Ă  ceux qui se consacrent aux activitĂ©s guerriĂšres ou artisanales.

L’objet pour Platon au Livre X de La RĂ©publique est de penser la justice sĂ©parĂ©ment de la rĂ©compense, qui est bienvenue, mais secondaire ; selon le pseudo-Aristote[77], le quotidien de l'esclave se rĂ©sume Ă  trois mots « le travail, la discipline et la nourriture ». XĂ©nophon conseille de traiter les esclaves comme des animaux domestiques : les punir en cas de dĂ©sobĂ©issance et de les rĂ©compenser en cas de bonne conduite[78].

Analyse des thĂšmes

Les dieux

Tout comme dans le MĂ©nĂ©xĂšne et le Critias, Platon montre une hostilitĂ© pour la reprĂ©sentation anthropomorphique qui accepte la querelle entre les dieux. Il cherche effectivement Ă  rĂ©futer l'idĂ©e selon laquelle les dieux pourraient se comporter comme des hommes, c'est-Ă -dire usant de moyens malhonnĂȘtes pour poursuivre des buts immoraux.

Histoire de la publication

Architecture concentrique ou en arceau

Plusieurs maniĂšres de concevoir l'architecture de la RĂ©publique ont Ă©tĂ© proposĂ©es. L'hypothĂšse d'une « composition concentrique » ou structure « en arceau » ou encore en « grandes voĂ»tes »[79] de ce dialogue dont la justice constituerait le foyer d'Ă©quilibre, a fait l'objet de nombreux commentaires. La forme rĂ©pond ici au fond. Ce procĂ©dĂ© de construction du type ABCBA relĂšve de ce que la critique littĂ©raire qualifie de « composition concentrique », Ă  distinguer de la composition circulaire du type ABCDA comme la sphĂšre creuse de la sphĂšre armillaire. Il a pour vocation de mettre en valeur l’élĂ©ment dĂ©cisif sur lequel porte le discours. Certaines remarques de Georges Leroux placĂ©es en ouverture de son Ă©dition de l'Ɠuvre rĂ©sument cette hypothĂšse :

« On dĂ©gagera cependant mieux la structure gĂ©nĂ©rale de la RĂ©publique si, laissant de cĂŽtĂ© provisoirement une lecture linĂ©aire, on se reprĂ©sente l'ouvrage comme une sĂ©rie de huit enchĂąssements mutuellement inclusifs, dont le centre est formĂ© par le grand texte de la dialectique sur la justice au Livre IV[80], oĂč vient culminer toute la recherche. Cette suite de morceaux qui se rĂ©pondent par couples fait apparaĂźtre une structure oĂč se reflĂšte clairement la dĂ©pendance rigoureuse du politique et du mĂ©taphysique. La justice s'est perdue dans le trouble de l'histoire et la dĂ©chĂ©ance des rĂ©gimes politiques, tout autant que dans la corruption des Ăąmes individuelles, et la philosophie va se recentrer sur elle pour en ressaisir l'essence. Le schĂ©ma suivant rĂ©sume la structure qui expose la progression de l'argument central du dialogue vers l'essence de la justice et ses consĂ©quences sur l'analyse de l'histoire et sur le bonheur du juste. Cette structure montre la symĂ©trie entre l'ouverture et la fin de l'Ɠuvre, de mĂȘme que la rigueur du cheminement dialectique vers le cƓur de l'Ɠuvre, la justice de l'Ăąme[81]. »

Et le commentateur d’en extraire l’organisation schĂ©matisĂ©e comme suit (voir annexe 1). De cette exposition que propose Georges Leroux de la structure « en miroir »[82] de la RĂ©publique, structure dialectique, peut ĂȘtre induite une reprĂ©sentation plus « architecturale » – aussi plus suggestive – du plan de l’Ɠuvre[83]. Une reprĂ©sentation dont le mĂ©rite serait de relever plus ostensiblement le caractĂšre littĂ©ralement « central » que la thĂ©matique de la justice revĂȘt aux yeux de Platon (voir annexe 2)[84].

Unité du livre X

L'unitĂ© interne de ce livre a souvent Ă©tĂ© questionnĂ©e. Des philosophes comme H.Gauss ont vu en ce livre un appendice aux neuf autres livres[85]. Il serait mĂȘme selon certains plus tardif, et Platon y aurait mis tout ce qui ne se rangeait pas aisĂ©ment dans les autres livres de la RĂ©publique. D'autres encore y voient le travail d'un Ă©diteur qui aurait maladroitement achevĂ© le texte incomplet de Platon.

Histoire des différentes éditions

Manuscrit en latin de 1401

C’est l’un des ouvrages les plus Ă©tendus de Platon. Dans la classification de Thrasylle de MendĂšs, il occupe la deuxiĂšme place de la huitiĂšme tĂ©tralogie. Le livre est divisĂ© en dix parties ; cette division est peut-ĂȘtre due Ă  des critiques d’Alexandrie. Selon CicĂ©ron[86], la RĂ©publique de Platon est le premier livre de philosophie politique grecque. AristoxĂšne accuse Platon d’avoir copiĂ© les Antilogikoi ou le Peri politeias de Protagoras[87], et Aulu-Gelle rapporte dans ses Nuits Attiques[88] que les deux premiers livres furent d’abord Ă©ditĂ©s seuls et que XĂ©nophon y opposa sa CyropĂ©die. La premiĂšre Ă©dition des dialogues rĂ©unis de La RĂ©publique date de 315 av. J.-C., Ă  l’initiative de l’AcadĂ©mie[89]. Du « naturel philosophe », Platon donne le trait caractĂ©ristique dans La RĂ©publique[90] : il y a « dĂ©sir de connaĂźtre et amour du savoir, ou philosophie ». Et cette activitĂ© consiste Ă  chercher le Vrai, le Beau, le Juste, donc des valeurs, des normes, des principes, des idĂ©aux, par-delĂ  les choses sensibles, cela avec une sagesse et dans une perception globales. D'une part, « le philosophe a envie de sagesse, non d'une sagesse et pas d'une autre, mais de la totalitĂ© de ce qu'elle est »[91].

Postérité

Philosophie de l'Ă©ducation

Dans son traitĂ© de philosophie de l'Ă©ducation, Émile ou De l'Ă©ducation, Jean-Jacques Rousseau loue la RĂ©publique. Il en retient principalement les passages sur l'Ă©ducation des enfants. Il Ă©crit : « Voulez-vous prendre une idĂ©e de l'Ă©ducation publique, lisez la RĂ©publique de Platon. Ce n'est point un ouvrage de politique, comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leurs titres : c'est le plus beau traitĂ© d'Ă©ducation qu'on ait jamais fait »[92].

Critiques

Georg Wilhelm Friedrich Hegel critique, dans les Principes de la philosophie du droit, la proposition platonicienne de la mise en commun des biens. Il considĂšre la propriĂ©tĂ© comme ce par quoi la personne en tant que sujet de droit s'objective. Il Ă©crit ainsi que « idĂ©e de l'État platonicien contient une injustice vis-Ă -vis de la personne en la rendant incapable, par une mesure gĂ©nĂ©rale, de propriĂ©tĂ© privĂ©e », et que « la reprĂ©sentation d'une fraternitĂ© des hommes, pieuse ou amicale ou mĂȘme forcĂ©e avec communautĂ© des biens et suppression de la propriĂ©tĂ© privĂ©e, peut se prĂ©senter facilement Ă  une mentalitĂ© qui mĂ©connaĂźt la nature de la libertĂ© »[93].

Inspirations

Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien est possiblement inspiré du Livre II et du mythe de l'anneau de GygÚs[94].

RĂ©Ă©critures

Alain Badiou a publié en 2012 une réécriture de l'ouvrage, intitulée La République de Platon.

En 2021, Jean Harambat en propose sa version sous la forme d'une bande dessinĂ©e intitulĂ©e La RĂ©publique : d'aprĂšs l'Ɠuvre de Platon[95].

Réinterprétations

En 2019, William Néria réinterprÚte le mythe de la caverne à la lumiÚre de la philosophie de Platon pour en restituer la signification originale, dans un ouvrage intitulé : Le mythe de la caverne. Platon face à Heidegger.

Éditions

  • Consulter la liste des Ă©ditions de cette Ɠuvre .

Notes et références

Notes

  1. La richesse est l'un des Biens extérieurs chez Platon.
  2. Régime de CrÚte et de Lacédémone
  3. En grec ancien : ΞυΌός.
  4. Chez les Grecs, le mot « démon » n'a aucune connotation diabolique ; le démon est en fait le « gardien de notre ùme », notre génie intérieur.

Références

  1. Livre II : 357a
  2. Platon, La république [328b-328c]. Voir 360a-340b pour l'intervention de Clitophon
  3. Platon, Les lois, la RĂ©publique: dialogues biographiques et moraux..., V. Lecou, (lire en ligne)
  4. Leroux, p. 22.
  5. Leroux, p. 24.
  6. PlatoEP, p. 1.
  7. Monique Dixsaut, Études sur la RĂ©publique de Platon, Vrin, (ISBN 978-2-7116-1815-6, lire en ligne)
  8. Georges Leroux (trad. du grec ancien), La RĂ©publique, Paris, Flammarion, , 810 p. (ISBN 978-2-08-138669-3), p. 329 b-c.
  9. Platon, ƒuvres de Platon, accompagnĂ©es de notes, d'arguments et de tables analytiques, SociĂ©tĂ© du PanthĂ©on littĂ©raire, (lire en ligne), note 1
  10. (en) J. Clerk Shaw, Plato's Anti-hedonism and the Protagoras, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-04665-8, lire en ligne)
  11. Georges Leroux (trad. du grec ancien), La RĂ©publique, Paris, Flammarion, , 810 p. (ISBN 978-2-08-138669-3), p. 332 a-b
  12. Julia Annas, Introduction Ă  la RĂ©publique de Platon, Paris, Presses universitaires de France, , 473 p. (ISBN 978-2-13-046681-9), p. 35
  13. Julia Annas, Introduction Ă  la RĂ©publique de Platon, Paris, Presses universitaires de France, , 473 p. (ISBN 978-2-13-046681-9), p. 40
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Annexes

Bibliographie

Éditions
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Études
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  • Franck Fischer, « La nature formelle du symbolisme dans la caverne (RĂ©publique VII) », Laval thĂ©ologique et philosophique, nos 59-1,‎ , p. 35-67 (lire en ligne)
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  • Jean-François Pradeau (dir.), « La psychologie politique de la RĂ©publique », dans Platon et la citĂ©, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Philosophies », (lire en ligne), p. 61-97.
  • (it) Collectif (prĂ©f. Mario Vegetti), La Repubblica di Platone nella tradizione antica, Napoli, Bibliopolis, (ISBN 88-7088-303-5)

Radiographie

AdĂšle Van Reeth, « Platon ? La RĂ©publique, c’est lui ! - sĂ©rie en 8 Ă©pisodes sur La RĂ©publique », sur Les Chemins de la philosophie, France Culture, .

Articles connexes

  • Philosophie politique
  • Mimesis
  • Un systĂšme non-P, nouvelle humoristique de science-fiction dans laquelle l'auteur imagine que les États-Unis ne choisiraient plus leurs dirigeants parmi les Ă©lites intellectuelles, mais parmi les gens « les plus moyens » (d'oĂč la signification du titre : systĂšme non platonicien).

Liens externes

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