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LĂ©on Brunschvicg

LĂ©on Brunschvicg, nĂ© dans le 2e arrondissement de Paris le et mort Ă  Aix-les-Bains le , est un philosophe des sciences et historien de la philosophie français idĂ©aliste de tendance kantienne et spinozienne. Époux de la fĂ©ministe et sous-secrĂ©taire d'État Ă  l'Éducation CĂ©cile Brunschvicg, il est le fondateur en 1893, avec Xavier LĂ©on et Élie HalĂ©vy, de la Revue de mĂ©taphysique et de morale.

Biographie

Léon Brunschvicg est élÚve d'Alphonse Darlu au lycée Condorcet[2], comme Marcel Proust, qu'il a cÎtoyé en outre durant l'adolescence[3].

Il entre Ă  l'École normale supĂ©rieure (promotion 1888 Lettres), est reçu premier Ă  l'agrĂ©gation de philosophie[4] (1891) et devient professeur Ă  Lorient (1891), puis Ă  Tours (1893), au lycĂ©e Corneille de Rouen (de 1895 Ă  1900), oĂč Alain lui succĂšdera, et ensuite au lycĂ©e Condorcet (1900) et au lycĂ©e Henri IV (1903), Ă  Paris[5].

Léon Brunschvicg, philosophe féministe[6], membre de la Ligue des droits de l'homme[6], puis vice-président de la Ligue des électeurs pour le suffrage des femmes[7] se marie avec Cécile Kahn en 1899 ; ils ont, de 1901 à 1919, quatre enfants[6].

Entre 1900 et 1940 il se fait connaßtre comme un philosophe idéaliste, voire intellectualiste ; il est le représentant de ce que l'on a appelé le courant idéaliste français.

Nommé maßtre de conférences de philosophie à la Sorbonne en 1909 puis professeur adjoint en 1920 et professeur d'histoire de la philosophie moderne en 1927[5], il y enseigne pendant trente ans et est entre autres le directeur de thÚse de Jean CavaillÚs[8] en 1937 et de Raymond Aron (Introduction à la philosophie de l'histoire) en 1938.

Il participe en 1929 au deuxiÚme cours universitaire de Davos[9], avec de nombreux autres intellectuels français et allemands.

En 1919 [10], il devient membre de l'Académie des sciences morales et politiques.

Au cours de sa carriÚre il collabore avec de nombreuses revues telles que les Annales de l'Université de Paris, le Chronicon Spinozarum, le Bulletin de l'Union pour la vérité, Scientia, la Revue des deux mondes, la Revue de Paris, la Revue des cours et conférences, la Revue d'histoire de la philosophie, la Revue philosophique, le Bulletin de la société française de philosophie et la Revue de métaphysique et de morale. Il anime également la Société française de philosophie et plusieurs congrÚs internationaux de philosophie[5].

Sous l'Occupation, Brunschvicg doit quitter son poste Ă  la Sorbonne et partir en zone libre pour Ă©chapper aux nazis qui le traquent en raison de ses origines juives[11] - [12]. Il se rĂ©fugie dans le sud de la France Ă  Aix-en-Provence[11] - [13]. Il y vit tranquillement en commençant l'Ă©bauche de ce qui allait ĂȘtre son dernier ouvrage Descartes et Pascal, lecteurs de Montaigne[11]. Mais aprĂšs l'occupation allemande de la zone libre, Ă  partir de 1943 sa femme et lui doivent se cacher[11].

En , il meurt Ă  l'Ăąge de 74 ans, Ă©vĂšnement auquel la presse donne trĂšs peu d'Ă©cho[2].

ƒuvre

Avec Henri Bergson, LĂ©on Brunschvicg s'annonça, dĂšs 1897, comme l'un des philosophes français majeurs de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle. À la SociĂ©tĂ© française de philosophie (fondĂ©e en 1901 par Xavier LĂ©on), Ă  la Sorbonne et partout oĂč il fut reçu, Brunschvicg ne laissa personne indiffĂ©rent. Avec ses amis connus au lycĂ©e (notamment Élie HalĂ©vy) ainsi qu'un grand nombre de ses collĂšgues (AndrĂ© Lalande, Émile Meyerson), il participa Ă  ce que l'on appelle encore aujourd'hui l'idĂ©alisme français.

Brunschvicg dĂ©veloppa Ă  partir de la « mĂ©thode rĂ©flexive », un « idĂ©alisme critique ». Pour lui, l'acte de l'esprit s'exprime dans les vĂ©ritĂ©s scientifiques : philosophie et science vont en couple. Le grand concept brunschvicgien par excellence est celui de jugement dont il expose la thĂ©orie dans sa thĂšse La ModalitĂ© du jugement. C'est le jugement qui, dans la rĂ©flexion scientifique, constitue le cƓur de la philosophie rĂ©flexive de Brunschvicg. À partir de ce jugement, qui donne la signification pleine et entiĂšre de la conscience intellectuelle, Brunschvicg va pouvoir rendre compte d'une philosophie de l'esprit : la genĂšse de l'esprit c'est le progrĂšs du savoir sous la forme des sciences ; et Brunschvicg sera l'un des rares philosophes du siĂšcle dernier Ă  tenter une rĂ©flexion tenant conjointement les sciences (mathĂ©matiques, physique, biologie) et l'Esprit.

D'autre part, l'engagement politique de Brunschvicg, humaniste, ne fait que dĂ©couvrir le message central de son Ɠuvre : l'universalisme de la Raison. L'Ɠuvre brunschvigienne, qui comporte une somme considĂ©rable d'ouvrages et d'articles, vient d'ĂȘtre complĂ©tĂ©e grĂące Ă  la restitution par la Russie Ă  sa famille en 2001 de nombreuses notes inĂ©dites.

Critique

LĂ©on Brunschvicg est, avec son contemporain Henri Bergson, la cible principale du pamphlet Les Chiens de garde (1932) de Paul Nizan, pour qui il reprĂ©sente le modĂšle du philosophe bourgeois indiffĂ©rent aux rĂ©alitĂ©s sociales : « On voit mal les raisons que M. Brunschvicg aurait eues de pencher vers des idĂ©es dangereuses » (p. 64). Lucien Febvre, en 1948, voyait en Brunschvicg le reprĂ©sentant d’une vieille gĂ©nĂ©ration universitaire, nourrie aux classiques et pleine d’érudition, mais Ă  la pensĂ©e « rĂ©trĂ©cie »[14] - [15].

À quoi Raymond Aron rĂ©pond : « Nos professeurs ne mĂ©ritaient pas ces injures pour le seul crime de n'ĂȘtre pas rĂ©volutionnaires. Pourquoi auraient-ils dĂ» l'ĂȘtre[16] ? ».

Postérité

  • L'Institut mĂ©moires de l'Ă©dition contemporaine conserve dans ses archives[17] les documents remis en 1997 par les ayants droit de LĂ©on Brunschvicg, ainsi que les documents spoliĂ©s par les troupes d'Occupation allemande en France pendant la seconde Guerre mondiale, emportĂ©s Ă  Prague puis Ă  Moscou par l'ArmĂ©e rouge Ă  la fin de la guerre et rendus par la Russie en 2001. Ce fonds Brunschvicg de 54 boĂźtes d'archives et 8 imprimĂ©s est principalement constituĂ© par sa correspondance ainsi que par les manuscrits d'un bon nombre des textes publiĂ©s par LĂ©on Brunschvicg tout au long de sa carriĂšre.
  • François Chaubet, « LĂ©on Brunschvicg, destin d’un philosophe sous l’Occupation », dans Pascal Mercier et Claude PĂ©rez, DĂ©placements, dĂ©rangements, bouleversement : Artistes et intellectuels dĂ©placĂ©s en zone sud (1940-1944), Actes du colloque organisĂ© par l'universitĂ© de Provence, l'universitĂ© de Sheffield, la bibliothĂšque de l'Alcazar (Marseille) les 3-4 juin 2005 (lire en ligne).
  • Le colloque De Brunschvicg Ă  Bachelard, organisĂ© par Mauro Carbone, Miguel de Beisteguiet et FrĂ©dĂ©ric Worms Ă  l'École normale supĂ©rieure, en [18], avec la discussion, entre Anastasios Brenner et Philippe Binant, autour de Jules Vuillemin.

Ouvrages

Envoi de L. Brunschvicg Ă  Maurice Halbwachs sur La raison et la religion (1939).
(Ouvrage conservé à la BibliothÚque de sciences humaines et sociales Paris Descartes-CNRS).
Ouvrages doctrinaux publiés du vivant de l'auteur
Ouvrages historiques
  • Spinoza, Paris, FĂ©lix Alcan, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1894.
  • Qua ratione Aristoteles metaphysicam vim syllogismo inesse demonstravit, Paris, Alcan, 1897.
  • Pascal, pensĂ©es et opuscules, Paris, Hachette, 1897 - Prix Saintour de l’AcadĂ©mie française en 1898.
  • ƒuvres complĂštes de Blaise Pascal (14 volumes), Paris, Hachette, 1904-1914.
  • Reproduction en phototypie du manuscrit des PensĂ©es de Pascal, Paris, Alcan, 1905.
  • Spinoza et ses contemporains, Paris, FĂ©lix Alcan, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1923.
  • Le gĂ©nie de Pascal, Paris, Hachette, 1924.
  • Pascal, Paris, Rieder, 1932.
  • Descartes, Paris, Rieder, 1937.
  • Descartes et Pascal, lecteurs de Montaigne, Paris, La BaconniĂšre, NeuchĂątel, 1942; Brentano's, New-York - Paris.
Ouvrages posthumes
  • HĂ©ritage des mots. HĂ©ritage d'idĂ©es [Raison. ExpĂ©rience. LibertĂ©. Amour. Dieu. Âme], Paris, PUF, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1945.
  • L'esprit europĂ©en, La BaconniĂšre, NeuchĂątel, 1947.
  • Agenda retrouvĂ©, 1892-1942, Paris, Éditions de Minuit, 1948.
  • Le philosophe de l'esprit, Paris, PUF, 1950.
  • Écrits philosophiques, tome I : L'humanisme de l'occident, Descartes, Spinoza, Kant, Paris, PUF, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1949.
  • De la vraie et de la fausse conversion, suivi de la querelle de l'athĂ©isme, Paris, PUF, 1951.
  • Écrits philosophiques, tome II : L'orientation du rationalisme, Paris, PUF, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1954.
  • Écrits philosophiques, tome III : Science-religion, Paris, PUF, coll. «BibliothĂšque de philosophie contemporaine», 1958.

Notes et références

  1. « https://portail-collections.imec-archives.com/ark:/29414/a0114540787131ZSeHI »
  2. Pierre Albertini, « Les juifs du lycée Condorcet dans la tourmente », VingtiÚme SiÚcle : Revue d'histoire, n°92, 2006/4, p. 81-100.
  3. George Painter, Marcel Proust, Paris, Mercure de France, , tome I, p. 80.
  4. Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960.
  5. Christophe Charle, « 15. Brunschvicg (LĂ©on) », Publications de l'Institut national de recherche pĂ©dagogique, vol. 2, no 2,‎ , p. 44–45 (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Muriel Pichon, Cécile Brunschvicg née Kahn, féministe et ministre du Front populaire, Archives Juives 2012/1 (Vol. 45), pages 131 à 134.
  7. ‘'CĂ©cile Brunschvicg. Militante fĂ©ministe, premiĂšre femme ministre (1877-1946), sur 8mars.info.
  8. Vie de Jean CavaillÚs, Société des Amis de Jean CavaillÚs.
  9. Sophie Nordmann, SĂ©minaire de philosophie juive contemporaine, confĂ©rence de l’annĂ©e 2011-2012.
  10. « Les acadĂ©miciens de 1832 Ă  nos jours – Section I », sur AcadĂ©mie des Sciences Morales et Politiques, (consultĂ© le )
  11. Chaubet, Actes du colloque.
  12. LĂ©on Brunschwicg : l’Ɠuvre et l'homme, p. 13.
  13. LĂ©on Brunschwicg : l’Ɠuvre et l'homme, p. 12.
  14. Lucien Febvre, Esprit européen et philosophie, Annales. Economies, sociétés, civilisations. 3e année, n. 3, 1948. pp. 297- 301.
  15. Romain Pudal, La difficile réception de la philosophie analytique en France, Revue d'Histoire des Sciences Humaines 2004/2, pages 69 à 100.
  16. Raymond Aron, MĂ©moires, Robert Laffont, paris, 1983, p. 60.
  17. « IMEC : fonds Léon Brunschvicg », sur portail-collections.imec-archives.com (consulté le ).
  18. « De Brunschvicg Ă  Bachelard », sur École normale supĂ©rieure, 6 et 7 fĂ©vrier 2009.

Bibliographie

  • Maria Vita Romeo, « Le Pascal de LĂ©on Brunschvicg », Revue de MĂ©taphysique et de Morale,‎ , p. 321-336
  • RenĂ© Boirel, Brunschvicg : Sa vie, son Ɠuvre avec un exposĂ© de sa philosophie, Paris, PUF, .
  • Marcel Deschoux, La Philosophie de LĂ©on Brunschvicg, Paris, PUF, .
  • Laurent Fedi, « L’esprit en marche contre les codes : philosophie des sciences et dĂ©passement du kantisme chez LĂ©on Brunschvicg », dans L. Fedi et J.-M. Salanskis (dir.), Les Philosophies françaises et la science : dialogue avec Kant, Lille, ENS Ă©ditions, coll. « Cahiers d’Histoire et de Philosophie des Sciences » (no 50), , p. 119-142.
  • Paul Nizan, Les Chiens de garde, Paris, Les Éditions Rieder, .
  • « LĂ©on Brunschwicg : l’Ɠuvre et l'homme », Revue de mĂ©taphysique et de morale, vol. 50, nos 1-2,‎ , numĂ©ro spĂ©cial.
  • Emmanuel LĂ©vinas « L'agenda de LĂ©on Brunschwicg », Evidences, vol. 50, no 2,‎ , Reproduit dans Emmanuel LĂ©vinas, Difficile libertĂ©, Paris, Le Livre de poche, .

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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