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Ordre public

L'ordre public est l'état social correspondant à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité publiques. Le terme de paix publique renvoie également à cet état social.

Il existe deux types d'ordre public[1] :

  • l'ordre public de direction, qui protĂšge l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ;
  • l'ordre public de protection, qui protĂšge les plus vulnĂ©rables, en gĂ©nĂ©ral d'une partie forte, comme le consommateur ou le non professionnel face au professionnel, ou le locataire face au bailleur.

Ainsi, une norme d'ordre public est une rÚgle impérative que les parties ne peuvent écarter, généralement au nom de la protection des parties faibles.

Trouble à l'ordre public en droit français

En droit français, l'ordre public est principalement défini à l'article 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, à savoir comme étant « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques »[2]. Le respect de ces notions relÚve alors de ce que l'on appelle le pouvoir de police générale, dont dispose par exemple le maire ou le préfet.

Le trouble à l'ordre public est donc l'atteinte portée à la paix publique. La notion fait souvent référence à un danger ou à une atteinte aux libertés des autres citoyens ; elle peut également renvoyer plus simplement à une atteinte à la quiétude d'autrui.

Il peut s'agir :

ArrĂȘts notoires

  • Conseil d'État, 18 dĂ©cembre 1959, SociĂ©tĂ© Les Films LutĂ©tia[3] : par cet arrĂȘt, le Conseil d'État a permis la prise en considĂ©ration de la moralitĂ© publique dans la perspective du maintien de l'ordre public, sous rĂ©serve cependant de l’existence de circonstances locales particuliĂšres. Le Conseil d'État a ainsi reconnu licite l'intervention du maire de Nice, qui, au nom de ses pouvoirs de police, avait interdit la diffusion du film Le Feu dans la peau sur le territoire de sa commune Ă  raison du caractĂšre immoral dudit film et de circonstances locales particuliĂšres, prĂ©judiciables Ă  l'ordre public.
  • Conseil d'État, 27 octobre 1995, arrĂȘt Morsang-sur-Orge[4] : par cet arrĂȘt, le Conseil d'État a intĂ©grĂ© Ă  la dĂ©finition de l'ordre public la notion de dignitĂ© humaine. Celle-ci doit toujours ĂȘtre protĂ©gĂ©e, au nom de l'ordre public. Le Conseil d'État a ainsi reconnu licite l'intervention de la maire de Morsang-sur-Orge, qui, au nom de ses pouvoirs de police, avait interdit un spectacle de lancer de nains sur sa commune.

Norme d'ordre public

Une norme d'ordre public est une rĂšgle impĂ©rative que les parties ne peuvent Ă©carter et qui rĂ©pond Ă  des exigences fondamentales ou Ă  des intĂ©rĂȘts primordiaux tels que la libertĂ© syndicale ou la sĂ©curitĂ© des personnes. Par exemple, malgrĂ© le principe de la libertĂ© contractuelle, les contrats sont soumis Ă  certaines rĂšgles, par exemple l'obligation de repos hebdomadaire du salariĂ©, que les contractants, mĂȘme s'ils sont d'accord entre eux, ne peuvent Ă©carter. Une rĂšgle d'ordre public peut ĂȘtre invoquĂ©e par un juge dans le rĂšglement d'un litige, mĂȘme si aucune des deux parties ne l'a invoquĂ©e.

Approche différente en common law

La notion d'ordre public est propre au systĂšme du droit romano-civiliste et n'est pas vĂ©ritablement utilisĂ©e par les juges de common law. Cette diffĂ©rence s'explique par le fait que le systĂšme civiliste est beaucoup plus axĂ© sur le consentement : soit un contrat a force obligatoire car les parties y ont consenti et ne peuvent se rĂ©tracter, soit il est d'une nullitĂ© relative car contraire Ă  l'ordre public de protection d'un intĂ©rĂȘt privĂ©, par ex. en cas de vice du consentement, soit il est nul et de nullitĂ© absolue car contraire Ă  l'ordre public de direction[5]. En common law, les juges ne raisonnent pas de cette maniĂšre et n'ont pas autant recours au consentement : le fondement de leur approche se trouve dans l'analyse Ă©conomique du droit; il s'agit de trouver une solution qui procure un gain de Pareto aux deux parties, l'objectif d'un jugement est d'effectuer une allocation optimale des ressources des parties contractantes, le vendeur voulant ĂȘtre payĂ© une somme d'argent pour la chose vendue et l'acheteur voulant acquĂ©rir le bien qu'il pense acheter pour le prix payĂ©[6]. Un arrĂȘt typique qui illustre ce raisonnement des juges de common law est ProCD, Inc. v. Zeidenberg[7], une affaire concernant le caractĂšre exĂ©cutoire des licences sous emballage scellĂ©es, oĂč le juge fonde son jugement sur des considĂ©rations d'ordre Ă©conomique qui visent l'atteinte des objectifs des deux parties[8].

Cela dit, il existe malgrĂ© tout une notion comparable mais de moindre importance en common law appelĂ©e public policy doctrine qui peut servir Ă  invalider des actes juridiques contraires Ă  des rĂšgles d'ordre public. À titre d'exemple, dans l'affaire Canada Trust Co. c. Commission ontarienne des droits de la personne[9], les rĂšgles d'attribution d'une fiducie caritative ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es contraires Ă  l'ordre public en vertu de cette doctrine car les critĂšres d'octroi aux bĂ©nĂ©ficiaires faisaient la promotion de la suprĂ©matie blanche, ce qui va Ă  l'encontre d'un objectif de politique publique de lutte contre la discrimination de la province canadienne de l'Ontario[10].

Notes et références

  1. Benoit Moore, Didier Luelles, Droit des obligations, MontrĂ©al, Éditions ThĂ©mis, 2018.
  2. « Article 2212-2 CGCT », sur legifrance.gouv.fr (consulté le )
  3. Conseil d’État, « ArrĂȘt SociĂ©tĂ© des Films LutĂ©tia », sur legifrance.gouv.fr, (consultĂ© le )
  4. « ArrĂȘt Morsang-sur-Orge » AccĂšs libre, sur legifrance.gouv.fr, (consultĂ© le )
  5. Baudouin, Jean-Louis, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie VĂ©zina. Les obligations, 7e Ă©d., Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, 2013
  6. Swan, Angela, and Jakub Adamski. Canadian Contract Law, 3rd ed. Markham, Ont.: LexisNexis, 2012
  7. 86 F.3d 1447
  8. Angela Swan, Nicholas C. Bala, Jakub Adamski. Contracts: Cases, Notes and Materials, 10th Edition. Toronto: LexisNexis Canada, 2020.
  9. [1990] OJ No 615 (QL)
  10. Mark R. Gillen, Faye Woodman, Jeffrey B. Berryman, David Freedman, Philip Girard, Matthew P. Harrington, Darcy MacPherson, Kent McNeil, Mary Jane Mossman, Jim Phillips, Donn Short. The Law of Trusts: A Contextual Approach. 4th edition. Toronto: Emond Publishing, 2021

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Didier Boden, « L'ordre public : limite et condition de la tolĂ©rance. Recherches sur le pluralisme juridique », thĂšse Paris I, dactyl., 2002
  • Emmanuelle Neraudau, Ordre public et droit des Ă©trangers en Europe. La notion d'ordre public en droit des Ă©trangers Ă  l'aune de la construction europĂ©enne, Bruylant, Bruxelles, 2006, 791 p.

Liens externes

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