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Secret médical en France

Cet article décrit les dispositions légales concernant le secret médical en France.

Introduction

Le législateur français considère le secret médical comme le droit qu’a un individu de maîtriser les données médicales le concernant. Actuellement, l'ensemble des acteurs médicaux (médecins, sages-femmes, etc.) et paramédicaux (aide-soignants, kinésithérapeutes, etc.) sont tenus à la confidentialité des informations médicales concernant les patients dont ils ont directement ou indirectement connaissance.

C'est en 1810 que le code pénal (CP) officialise le secret en le liant au corps médical[1].
Refondu par les lois du , le nouveau code pénal (en vigueur depuis le ) a introduit les articles 226-13 et 226-14 concernant l'obligation du secret.

Les modalités du secret sont précisées dans le code de déontologie médicale dans ses différentes versions.

La loi Kouchner du 4 mars 2002, relative aux droits des malades, apporte d'importants bouleversements en plaçant le malade au centre de toutes les décisions qui le concernent.

Articles

Extraits de la loi Kouchner de mars 2002

« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d’État pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte professionnelle de santé mentionnée au dernier alinéa de l'art. L161-33 du code de la sécurité sociale (CSS) est obligatoire.

Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'art. L1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part.

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »

— Article L1110-4 du Code de la santé publique[2]

Le texte prévoit des dérogations, la communication d'informations à des proches, et la possibilité d'échange d'informations entre professionnels de santé.

« Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l'hospitalisation, à moins que le malade n'en dispose autrement.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci. »

— Article L1111-6 du Code de la santé publique[3]

Le délit de violation du secret est constitué par son caractère intentionnel même si l'intention n'en est pas malveillante.

Extraits du code de déontologie médicale (art. R4127-1 à R4127-112 CSP)

  • L'article R4127-4 CSP dispose :

« Le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »

— Article R4127-4 du Code de la santé publique[4]

  • L'article R4127-35 CSP dispose :

« Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. »

— Article R4127-35 du Code de la santé publique[5]

Extraits du code pénal

« La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »

— Article 226-13 du Code pénal[6]

« L'art. 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

  1. À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
  2. Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ;
  3. Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.

Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent art. ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire. »

— Article 226-14 du Code pénal[7]

Extrait du code de la sécurité sociale

Secret médical et compagnies d'assurances

Le secret médical n'est pas partageable entre le médecin traitant et le médecin d'une compagnie d'assurance, c’est-à-dire que le médecin traitant doit refuser de répondre à une compagnie d'assurance qui lui demanderait un diagnostic ou des renseignements médicaux, même en cas de décès[8]. En conséquence, les questionnaires de santé demandés par les compagnies d'assurances, pour évaluer un risque ou un dommage indemnisable, ne doivent pas être remplis par le médecin traitant mais par l'intéressé lui-même. L'intéressé peut demander par contre au médecin traitant copie de tout document médical utile[9]. En cas de décès, le médecin traitant peut délivrer un certificat médical indiquant, sans qu'il soit besoin de préciser quelle fut la maladie en cause, que la mort a une cause naturelle et étrangère aux risques exclus par la police d'assurance (Cour d'appel de Paris, 02/02/1962).

Lors de la conclusion d'un contrat, l'assuré est tenu d'une obligation d'information et peut se voir remettre un questionnaire de santé[10]. Cette obligation pouvait induire des refus quant à l'octroi d'une assurance ou au paiement de surprimes[11]. Depuis février 2017[12], les personnes ayant été atteinte d'un cancer peuvent faire prévaloir leur droit à l'oubli après 10 ans de rémission (5 ans pour les cancers survenus avant 21 ans).

Dérogations légales au secret médical

DĂ©rogations obligatoires

  • La dĂ©claration des naissances (art. 56 du code civil),
  • La dĂ©claration des dĂ©cès (art. L2223-42 du Code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales),
  • Les maladies contagieuses Ă  dĂ©claration obligatoire (art. L3113-1 CSP),
  • Les toxicomanies, dans certaines circonstances,
  • Les alcooliques prĂ©sumĂ©s dangereux (art. L355-2 CSP),
  • La dĂ©claration des interruptions volontaires de grossesse (sans l'identitĂ© de la patiente)
  • Les certificats mĂ©dicaux d’accident du travail et de maladie professionnelle (art. L441-6 et L461-5 CSS),
  • L'internement pour raison psychiatrique : hospitalisation Ă  la demande d’un tiers, hospitalisation d’office (art. L3212-1 Ă  L3213-10 CSP),
  • Les pensions militaires d'invaliditĂ© (loi no 55-360 du ),
  • Les pensions civiles et militaires de retraite (art. L31 du code des pensions militaires d'invaliditĂ© et des victimes de la guerre),
  • Les certificats de santĂ© des enfants,
  • Les certificats de vaccination,
  • Les incapables majeurs (art. 490 du code civil ; art. L3211-6 CSP),
  • Lutte contre le dopage (loi no 99-223 du ),
  • Contamination transfusionnelle par le virus d’immunodĂ©ficience humaine (VIH), dans un cadre prĂ©cis ayant pour but l'indemnisation de la victime,
  • PrĂ©vention et maĂ®trise des risques graves pour la santĂ© humaine (art. L1413-5 CSP) : communication de toute information Ă  l’Institut de veille sanitaire,
  • Signalement de grève de la faim chez un dĂ©tenu, dans des conditions particulières,
  • Au centre de rĂ©tentions administratives, concernant les immigrĂ©s en situation irrĂ©gulière : obligation d'indiquer les pathologies contre-indiquant le retour au pays d’origine.
  • Le mĂ©decin requis (garde Ă  vue, constat de dĂ©cès) : il est tenu de dĂ©fĂ©rer Ă  rĂ©quisition (art. R642-1 du Code pĂ©nal). Il devra rĂ©diger un certificat se prononçant sur la compatibilitĂ© de l'Ă©tat de santĂ© de l'intĂ©ressĂ© avec la garde Ă  vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, en Ă©mettant Ă©ventuellement des rĂ©serves sans pour autant rĂ©vĂ©ler des informations d'ordre mĂ©dical,
  • Le mĂ©decin contrĂ´leur : il est tenu au secret envers l'administration ou l'organisme qui fait appel Ă  ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d'ordre mĂ©dical qui les motivent (art. R4127-104 CSP).
  • Le mĂ©decin expert : comme le mĂ©decin requis il n'est dĂ©liĂ© du secret que dans le cadre strict de sa mission (art. R4127-108 CSP).
  • Par dĂ©finition, le secret mĂ©dical ne concerne pas le patient lui-mĂŞme, s'il est majeur et capable.

Issues de l’art. 226-14 CP

  • Les privations ou sĂ©vices infligĂ©es Ă  un mineur de 15 ans ou Ă  une personne incapable de se protĂ©ger. MalgrĂ© le caractère facultatif de ces dĂ©rogations, l'absence de dĂ©nonciation expose le mĂ©decin Ă  l'art. 223-6 CP (non-assistance Ă  personne en pĂ©ril). Celui-ci a le devoir de prĂ©venir le procureur de la RĂ©publique, le mĂ©decin de la protection materno-infantile ou le service de l’aide sociale Ă  l’enfance,
  • Concernant les mĂ©decins, les sĂ©vices ou privations constatĂ©s et lui permettant de prĂ©sumer des violences physiques, sexuelles ou psychiques. Le signalement au procureur de la RĂ©publique n'est possible qu'avec l'accord de la victime,
  • Concernant les professionnels de la santĂ© ou de l'action sociale, les personnes dangereuses pour elles-mĂŞmes ou pour autrui et dĂ©tenant une arme ou en ayant manifestĂ© l’intention.

Autres situations

  • Les toxicomanies, qui entrent dans le cadre des dĂ©rogations obligatoires et facultatives,
  • L'analyse de l'activitĂ© des Ă©tablissements de santĂ©, publics ou privĂ©s (art. L6113-7 CSP) : transmission par les praticiens exerçant dans ces Ă©tablissements, de donnĂ©es mĂ©dicales nominatives nĂ©cessaires Ă  l'analyse de l'activitĂ© au mĂ©decin responsable de l'information mĂ©dicale pour l'Ă©tablissement,
  • La recherche dans le domaine de la santĂ© (loi no 94-548 du ) : traitements automatisĂ©s de donnĂ©es nominatives,
  • L'accès aux informations mĂ©dicales par les mĂ©decins membres de l'inspection gĂ©nĂ©rale des affaires sociales, les mĂ©decins inspecteurs de santĂ© publique, les inspecteurs de l'agence rĂ©gionale de santĂ© ayant la qualitĂ© de mĂ©decin et les mĂ©decins conseils des organismes d'assurance maladie, lorsqu'elles sont nĂ©cessaires Ă  l'exercice de leurs missions (art. L1112-1 CSP),
  • Le mĂ©decin mis en cause, par exemple dans une procĂ©dure de responsabilitĂ© mĂ©dicale est autorisĂ© Ă  rĂ©vĂ©ler avec prudence les informations mĂ©dicales susceptibles d’instruire cette procĂ©dure. En effet, le droit Ă  la dĂ©fense est prioritaire devant le droit au secret.
  • L’assurance-vie : le mĂ©decin est tenu au strict secret vis-Ă -vis de la compagnie mais il peut toutefois remettre aux ayants droit d'une personne dĂ©cĂ©dĂ©e un certificat mentionnant que la cause de la mort d'un assurĂ© est Ă©trangère Ă  une clause d'exclusion de sa police (aucune Ă©vocation diagnostique ne doit y apparaĂ®tre),
  • La rente viagère (art. 1968 Ă  1976 du code civil) : en cas de litige portant sur la nullitĂ© du contrat Ă  la suite du dĂ©cès dans les vingt jours de la date de signature de la personne qui reçoit la rente, le mĂ©decin peut dĂ©livrer un certificat pour dire si l'affection qui a entraĂ®nĂ© la mort existait Ă  la date de la signature du contrat.
  • Le testament : en cas de litige concernant les facultĂ©s mentales du testateur au moment de la signature, le mĂ©decin peut tĂ©moigner,
  • Le mĂ©decin appelĂ© Ă  tĂ©moigner devant un tribunal correctionnel ou aux assises doit thĂ©oriquement se retrancher derrière le secret. Nul ne peut l'en dĂ©lier, ni le juge, ni mĂŞme le patient lui-mĂŞme. En effet, le secret est strictement encadrĂ© par la loi et il est absolu. Il n'est pas la propriĂ©tĂ© du patient ni celle du mĂ©decin qui n'en est que le dĂ©positaire.

DĂ©rogations issues de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002

  • L’art. L1110-4 alinĂ©as 2 et 3 CSP admet la notion de secret partagĂ© par une Ă©quipe soignante.
    Par extension, sont admis à partager une partie du secret, les médecins des organismes sociaux, afin de permettre aux assurés un remboursement des prestations.
  • Par ailleurs, l’art. L1111-6 a introduit la notion de personne de confiance et l’art. L1110-4 alinĂ©a 6 a autorisĂ© celle-ci Ă  recevoir les informations nĂ©cessaires destinĂ©es Ă  permettre d'apporter un soutien direct au patient en cas de diagnostic ou de pronostic grave.
  • Enfin, l’art. L1110-4 alinĂ©a 7 ; s’agissant d’une personne dĂ©cĂ©dĂ©e, cet article a dĂ©fini trois motifs de dĂ©rogations du secret vis-Ă -vis des ayants droit, Ă  savoir : connaĂ®tre les causes de la mort, dĂ©fendre la mĂ©moire du dĂ©funt ou faire valoir leurs droits, sauf volontĂ© contraire exprimĂ©e par la personne avant son dĂ©cès (nous rappelons que le secret persiste après la mort).

Notes

  1. Article 378 de l'Ancien code pénal créé par la Loi 1810-02-19 promulguée le 1er mars 1810
  2. Article L1110-4 du Code de la santé publique, sur Légifrance
  3. Article L1111-6 du Code de la santé publique, sur Légifrance
  4. Article R4127-4 du Code de la santé publique, sur Légifrance
  5. Article R4127-35 du Code de la santé publique, sur Légifrance
  6. Article 226-13 du Code pénal, sur Légifrance
  7. Article 226-14 du Code pénal, sur Légifrance
  8. paragraphe 7, Article 4 du code de déontologie médicale (article R.4127-4 CSP)
  9. mais l’alinéa 5 de l’art. L1110-4 CSP stipule que "le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 244 euros d’amende"
  10. « Article L113-2 - Code des assurances », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  11. « Le manifeste des 343 cancéreuses pour "briser la loi du silence" », sur Viva Magazine, (consulté le )
  12. « LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )

Voir aussi

Liens externes

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