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Le Prince

Il Principe ou De Principatibus

Le Prince
Image illustrative de l’article Le Prince
Page de titre de l'édition du Prince datée de 1550, dite Testina en raison du faux portrait xylographié de Machiavel qui l'orne[2].

Auteur Nicolas Machiavel
Pays Italie
Genre Politique
Version originale
Langue Italien
Titre Il Principe ou De Principatibus
Éditeur Antonio Blado d'Asola
Lieu de parution Florence
Date de parution 1532
Version française
Traducteur Gaspar d'Auvergne
Éditeur Enguilbert de Marnef[3]
Lieu de parution Poitiers
Date de parution 12 avril 1553

Le Prince, traduction française de l'ouvrage Il Principe ou De Principatibus est un traitĂ© politique Ă©crit au dĂ©but du XVIe siĂšcle par Nicolas Machiavel, homme politique et Ă©crivain florentin, qui montre comment devenir prince et le rester, analysant des exemples de l'histoire antique et de l'histoire italienne de l'Ă©poque. Parce que l'ouvrage ne donnait pas de conseils moraux au prince comme les traitĂ©s classiques adressĂ©s Ă  des rois, et qu'au contraire il conseillait dans certains cas des actions contraires aux bonnes mƓurs, il a Ă©tĂ© souvent accusĂ© d'immoralisme, donnant lieu Ă  l'Ă©pithĂšte machiavĂ©lique. Cependant, l'ouvrage a connu une grande postĂ©ritĂ© et a Ă©tĂ© louĂ© et analysĂ© par de nombreux penseurs.

GenĂšse de l'oeuvre

Circonstances d'Ă©criture

Portrait de gentilhomme dit CĂ©sar Borgia, Altobello Melone, 1500–1524, huile sur toile.

De 1498 à 1512, Machiavel est employé comme fonctionnaire de la République florentine, notamment comme légat auprÚs de puissances étrangÚres comme la France, l'Allemagne ou de personnalités tel que César Borgia[4].

En , quelques mois aprĂšs l'instauration d'une monarchie Ă  Florence par les MĂ©dicis, il est dĂ©chu de sa charge ; en dĂ©cembre, aprĂšs la dĂ©couverte d'un complot rĂ©publicain ourdi par ses amis, il est emprisonnĂ© puis exilĂ© dans sa mĂ©tairie de Sant’Andrea in Percussina[5]. C'est lĂ  qu'il Ă©crit le Prince. La rĂ©daction en est presque achevĂ©e en , comme en tĂ©moigne la lettre que Machiavel adresse Ă  son ami Francesco Vettori[6] :

« Le soir venu, [
] je pĂ©nĂštre dans le sanctuaire antique des grands hommes de l'antiquitĂ© [
]. Je ne crains pas de m'entretenir avec eux, et de leur demander compte de leurs actions. Ils me rĂ©pondent avec bontĂ© ; et pendant quatre heures j'Ă©chappe Ă  tout ennui, j'oublie tous mes chagrins, je ne crains plus la pauvretĂ©, et la mort ne saurait m'Ă©pouvanter ; je me transporte en eux tout entier. Et comme le Dante a dit : Il n'y a point de science si l'on ne retient ce qu'on a entendu, j'ai notĂ© tout ce qui dans leurs conversations, m'a paru de quelque importance, j'en ai composĂ© un opuscule de Principatibus, dans lequel j'aborde autant que je puis toutes les profondeurs de mon sujet, recherchant quelle est l'essence des principautĂ©s, de combien de sortes il en existe, comment on les acquiert, comment on les maintient, et pourquoi on les perd. »

Mais, dans cette mĂȘme lettre, il annonce que le travail n'est pas encore fini[7].

L'ouvrage dans son ensemble aurait été composé entre juillet et [8], avec quelques ajouts ou retouches postérieures, comme la dédicace écrite entre 1515 et 1516[9]. L'ouvrage est publié en 1532 [10], aprÚs la mort de Machiavel (1527).

Fonction

La fonction de l'Ă©criture du Prince, pour Machiavel, est discutĂ©e par la critique : alors qu'il Ă©tait admis classiquement que l'ouvrage Ă©tait issu d'une inspiration soudaine, pour rentrer dans la faveur de la monarchie[11], Claude Lefort[12] le considĂšre comme un travail de longue haleine, issu de l'expĂ©rience pratique de Machiavel, de sa lecture des historiens antiques, ainsi que de la lecture de la Politique d’Aristote.

Il appuie ses propos, tout d'abord, sur la lettre Ă  Vettori : « Quant Ă  mon ouvrage, s'ils [les MĂ©dicis] prenaient la peine de le lire, ils verraient que je n'ai employĂ© ni Ă  dormir ni Ă  jouer les quinze annĂ©es que j'ai consacrĂ©es Ă  l'Ă©tude des affaires de l'État[13] » ; ensuite sur les rapports diplomatiques de Machiavel[14], Ă©bauches de la pensĂ©e globale du Prince ; et enfin, sur la dĂ©dicace de l'ouvrage oĂč Machiavel ne se fixe pas pour but de flatter le prince mais d'Ă©tablir une pensĂ©e politique appuyĂ©e sur l'Histoire : « Vous ne trouverez dans cet ouvrage, ni un style brillant et pompeux, ni aucun de ces ornements dont les auteurs cherchent Ă  embellir leurs Ă©crits. Si cette Ɠuvre vous est agrĂ©able, ce sera uniquement par la gravitĂ© et la matiĂšre du sujet[15]. »

De mĂȘme, alors que la rĂ©daction du Prince Ă©tait considĂ©rĂ©e comme entrecoupant dans le temps celle des Discours sur la premiĂšre dĂ©cade de Tite-Live, Lefort, s'appuyant sur une Ă©tude de Hans Baron[16], considĂšre le Prince comme antĂ©rieur aux Discours et notamment, la phrase du deuxiĂšme chapitre qui fait allusion Ă  un ouvrage sur les rĂ©publiques[17] serait un ajout postĂ©rieur Ă  la premiĂšre rĂ©daction du Prince. Ainsi, Claude Lefort donne Ă  l'ouvrage le double statut de pensĂ©e profonde et de pensĂ©e premiĂšre.

Résumé

Écrit en italien, l'ouvrage comporte 26 chapitres.

Dans le premier chapitre, les diffĂ©rents États sont classĂ©s selon deux grands types : les rĂ©publiques et les monarchies, ces derniĂšres Ă©tant soit hĂ©rĂ©ditaires, soit nouvelles. À cette occasion, l'essai Ă©voque les Ă©vĂ©nements rĂ©cents qui agitent l'Italie au Quattrocento, notamment les agissements de CĂ©sar Borgia pour s'installer en Romagne et les intrigues des Sforza dans le Milanais visant Ă  Ă©vincer les Visconti.

Dans les chapitres II à XI, l'auteur étudie les différents moyens de conquérir le pouvoir et de le conserver.

Dans les chapitres XII Ă  XIV, les questions militaires sont abordĂ©es, Machiavel se prononce notamment en faveur d'une conscription nationale au dĂ©triment de l'usage de mercenaires, qui sont davantage susceptibles de se retourner contre l’autoritĂ© princiĂšre.

Les chapitres XV Ă  XXIII exposent l’essentiel de ce que la postĂ©ritĂ© a interprĂ©tĂ© et retenu sous le nom de machiavĂ©lisme : des conseils relatifs Ă  la conservation du pouvoir, dĂ©nuĂ©s de morale.

Les chapitres XXIV Ă  XXVI dĂ©voilent les intentions de l'auteur : ces conseils doivent permettre de libĂ©rer et d’unifier l’Italie.

DĂ©dicace : Nicolas Machiavel Ă  Laurent II de MĂ©dicis

Nicolaus Maclavellus ad magnificum Lavrentium Medicem : le Laurent le Magnifique dont il s'agit ici est non pas le Laurent le Magnifique mort en 1492, mais son petit-fils, duc d'Urbin, fils de Pierre et neveu de LĂ©on X, pĂšre de Catherine de MĂ©dicis[18].

Machiavel annonce qu'il fait cadeau au prince de ce qu'il possÚde le mieux, c'est-à-dire la « connaissance des actions des hommes célÚbres ». Il se défend d'employer pour plaire, comme de coutume, un style ampoulé :

« Vous ne trouverez dans cet ouvrage, ni un style brillant et pompeux, ni aucun de ces ornements dont les auteurs cherchent Ă  embellir leurs Ă©crits. Si cette Ɠuvre vous est agrĂ©able, ce sera uniquement par la gravitĂ© et la matiĂšre du sujet. Il ne faut pas que l’on m’impute Ă  prĂ©somption, moi un homme de basse condition, d’oser donner des rĂšgles de conduite Ă  ceux qui gouvernent. Mais comme ceux qui ont Ă  considĂ©rer des montagnes se placent dans la plaine, et sur des lieux Ă©levĂ©s lorsqu’ils veulent considĂ©rer une plaine, de mĂȘme, je pense qu’il faut ĂȘtre prince pour bien connaĂźtre la nature et le caractĂšre du peuple, et ĂȘtre du peuple pour bien connaĂźtre les princes. »

I. Combien il y a de sortes de principautés, et par quels moyens on peut les acquérir

Quot sint genera principatuum et quibus modis acquirantur

Machiavel Ă©tablit une taxonomie des États : ils sont des rĂ©publiques ou des principautĂ©s, et celles-ci sont hĂ©rĂ©ditaires ou nouvelles. Les principautĂ©s nouvelles sont soit vraiment nouvelles, soit conquises par un prince hĂ©rĂ©ditaire.

Ces principautĂ©s nouvelles Ă©taient auparavant soit des rĂ©publiques soit des principautĂ©s ; et les moyens de leur conquĂȘte ont Ă©tĂ© soit les armĂ©es du conquĂ©rant, soit des armĂ©es de mercenaires ; et soit la fortune soit la vaillance.

II. Des principautés héréditaires

De principatibus hereditariis

Le prince hĂ©rĂ©ditaire a peu de difficultĂ©s Ă  conserver son État car il a l’appui de son peuple, ce qu'explique Machiavel :

« En effet, un prince hĂ©rĂ©ditaire a bien moins de motifs et se trouve bien moins dans la nĂ©cessitĂ© de dĂ©plaire Ă  ses sujets : il en est par cela mĂȘme bien plus aimĂ© ; et, Ă  moins que des vices extraordinaires ne le fassent haĂŻr, ils doivent naturellement lui ĂȘtre affectionnĂ©s. D’ailleurs dans l’anciennetĂ© et dans la longue continuation d’une puissance, la mĂ©moire des prĂ©cĂ©dentes innovations s’efface ; les causes qui les avaient produites s’évanouissent : il n’y a donc plus de ces sortes de pierres d’attente qu’une rĂ©volution laisse toujours pour en appuyer une seconde. »

III. Des principautés mixtes

De principatibus mixtis

La principautĂ© mixte est une principautĂ© nouvelle « ajoutĂ©e comme un membre Ă  une autre ». Le statut du prince est alors difficile, car il a pour ennemis Ă  la fois ceux qui avaient avantage Ă  l’ordre ancien et ceux qui l’ont aidĂ© Ă  la conquĂȘte et envers lesquels il n’est ni en mesure de tenir ses promesses, ni en mesure de les attaquer car « quelque puissance qu’un prince ait par ses armĂ©es, il a toujours besoin, pour entrer dans un pays, d’ĂȘtre aidĂ© par la faveur des habitants », comme le montre l'exemple de Louis XII vite chassĂ© du Milanais.

Machiavel prodigue alors ses conseils. Si l’État conquĂ©rant est proche de l’État conquis, « pour les possĂ©der en sĂ»retĂ©, il suffit d’avoir Ă©teint la race du prince qui Ă©tait le maĂźtre ; et si, dans tout le reste, on leur laisse leur ancienne maniĂšre d’ĂȘtre, comme les mƓurs y sont les mĂȘmes, les sujets vivent bientĂŽt tranquillement ». Sinon, l’entreprise est plus dĂ©licate : le prince doit alors vivre dans sa nouvelle possession, pour rĂ©primer les rĂ©voltes, empĂȘcher les dĂ©bordements des officiers, se faire aimer ou craindre par son peuple, rĂ©sister aux attaques d'un autre État ; il doit aussi implanter des colonies, qui maintiendront l'influence de ses anciens États sur le nouveau et, n'Ă©tant nuisibles qu'aux quelques personnes qui seront dĂ©logĂ©es par les colons, ces derniers seront bien accueillis par la population ; cela Ă©vite d'entretenir une armĂ©e, qui Ă  la fois est coĂ»teuse et dĂ©plaĂźt au peuple. À propos des relations avec les pays de la contrĂ©e de la principautĂ© conquise, le prince doit s'allier avec les États faibles, sans pour autant augmenter leur force, et combattre avec leur aide les États puissants.

IV. Pourquoi les États de Darius, conquis par Alexandre, ne se rĂ©voltĂšrent point contre les successeurs du conquĂ©rant aprĂšs sa mort

Cur Darii regnum quod Alexander occupaverat a successoribus suis post Alexandri mortem non defecit

Machiavel s’étonne que les conquĂȘtes faites sur Darius par Alexandre ne se soient pas rĂ©voltĂ©es aprĂšs sa mort. Il l’explique en considĂ©rant deux sortes d'États : d'une part, l’État, comme le royaume de France, gouvernĂ© par « un prince et ses barons » dont le rang est indĂ©pendant de la volontĂ© du prince, peut ĂȘtre facilement conquis, car il se trouve toujours pour aider le conquĂ©rant un baron hostile au prince, mais il est aussi facilement perdu, pour la mĂȘme raison ; d’autre part, l’État Ă  tĂȘte unique, comme la Turquie, avec « un prince et ses esclaves » dont il peut disposer comme ministre Ă  sa guise, ne connaissant pas d'opposition interne, ne peut ĂȘtre conquis que par la victoire militaire dans une bataille rangĂ©e, mais il est ensuite facilement conservĂ©, pour la mĂȘme raison. « Maintenant si nous considĂ©rons la nature du gouvernement de Darius, nous trouverons qu’il ressemblait Ă  celui de la Turquie : aussi Alexandre eut-il Ă  combattre contre toutes les forces de l’empire, et dut-il d’abord dĂ©faire le monarque en pleine campagne [lors de la bataille de GaugamĂšles] ; mais, aprĂšs sa victoire et la mort de Darius, le vainqueur, par les motifs que j’ai exposĂ©s, demeura tranquille possesseur de sa conquĂȘte. »

V. Comment on doit gouverner les États ou principautĂ©s qui, avant la conquĂȘte, vivaient sous leurs propres lois

Quomodo administrandae sunt civitates vel principatus, qui antequam occuparentur, suis legibus vivebant

Le prince a alors trois solutions : il peut dĂ©truire les États conquis, ou aller y vivre (cf. chap. III, l’exemple donnĂ© ici est celui des Romains dĂ©truisant Capoue, Carthage et Numance), ou encore il peut « leur laisser leurs lois, se bornant Ă  exiger un tribut, et Ă  y Ă©tablir un gouvernement peu nombreux qui les contiendra dans l’obĂ©issance et la fidĂ©litĂ© » (comme le firent par exemple les Spartiates dans AthĂšnes et dans ThĂšbes conquises). « Quelque prĂ©caution que l’on prenne, quelque chose que l’on fasse, si l’on ne dissout point l’État, si l’on n’en disperse les habitants, on les verra, Ă  la premiĂšre occasion, rappeler, invoquer leur libertĂ©, leurs institutions perdues, et s’efforcer de les ressaisir. C’est ainsi qu’aprĂšs plus de cent annĂ©es d’esclavage Pise brisa le joug des Florentins. »

Au contraire, si l’État conquis Ă©tait dĂ©jĂ  sous le rĂšgne d’un prince, ses habitants Ă©tant dĂ©jĂ  « façonnĂ©s Ă  l’obĂ©issance », ils accueilleront un conquĂ©rant sans difficultĂ© si s'Ă©teint la lignĂ©e de leur prince.

VI. Des principautĂ©s nouvelles acquises par les armes et par l’habiletĂ© de l’acquĂ©reur

Bûcher de Savonarole, anonyme, 1498, musée de Saint-Marc, Venise.

De principatibus novis qui armis propriis et virtute acquiruntur

Un homme qui prend le pouvoir de l’intĂ©rieur, c’est-Ă -dire sans que cela soit une conquĂȘte, « est un homme habile ou bien secondĂ© par la fortune » ; mais « moins il devra Ă  la fortune, mieux il saura se maintenir ». La voie la plus fiable est donc celle de « ceux qui sont devenus princes par leur propre vertu et non par la fortune », dont Machiavel prend pour exemples MoĂŻse, Cyrus, Romulus et ThĂ©sĂ©e.

Ceux-lĂ  ne doivent Ă  la fortune que l’occasion de s’emparer du pouvoir ; par exemple, « Cyrus eut besoin de trouver les Perses mĂ©contents de la domination des MĂšdes, et les MĂšdes amollis et effĂ©minĂ©s par les dĂ©lices d’une longue paix ». Les occasions sont donc nĂ©cessaires, mĂȘme aux grands hommes, « mais ce fut par leur habiletĂ© qu’ils surent les connaĂźtre et les mettre Ă  profit pour la grande prospĂ©ritĂ© et la gloire de leur patrie ». La fortune ne leur fait donc pas de cadeaux, et notamment ils rencontrent des difficultĂ©s pour introduire de nouvelles institutions : dans cette entreprise le prince aura pour ennemis ceux qui profitaient de l’ancien ordre, alors que les autres ne seront que de « tiĂšdes dĂ©fenseurs » tant qu’ils n'auront pas effectivement goĂ»tĂ© les bienfaits des nouvelles institutions. L’idĂ©ologie n’est donc pas suffisante, elle est renversĂ©e si elle n’est pas dĂ©fendue par des armes, comme ce fut le cas pour Savonarole, et ces armes doivent ĂȘtre celles propres du prince (cf. chap. XIII).

VII. Des principautĂ©s nouvelles qu’on acquiert par les armes d’autrui et par la fortune

Le pape Alexandre VI Borgia tableau de Pinturicchio.

De principatibus novis qui alienis armis et fortuna acquiruntur

« Ceux qui, de simples particuliers, deviennent princes par la seule faveur de la fortune, le deviennent avec peu de peine ; mais ils en ont beaucoup Ă  se maintenir. » En effet, en tant qu'anciens particuliers, ils n’ont ni l'expĂ©rience du commandement ni des forces propres et fidĂšles et leurs États, « comme toutes les choses qui, dans l’ordre de la nature, naissent et croissent trop promptement, [
] ne peuvent avoir des racines assez profondes et des adhĂ©rences assez fortes pour que le premier orage ne les renverse point ».

Le statut des princes partis de rien est donc trĂšs exigeant : il leur demande « assez d’habiletĂ© pour savoir se prĂ©parer sur-le-champ Ă  conserver ce que la fortune a mis dans leurs mains, et pour fonder, aprĂšs l’élĂ©vation de leur puissance, les bases qui auraient dĂ» ĂȘtre Ă©tablies auparavant ». AprĂšs avoir pris le contre-exemple de Francesco Sforza, devenu prince par son mĂ©rite (tout comme HiĂ©ron de Syracuse, exemple du chap. VI), Machiavel explore l'exemple plus ambigu de CĂ©sar Borgia, car celui-ci qui n'Ă©tait prince que par fortune, « perdit sa principautĂ© aussitĂŽt que cette mĂȘme fortune ne le soutint plus, [
] quoiqu’il n’eĂ»t rien nĂ©gligĂ© de tout ce qu’un homme prudent et habile devait faire pour s’enraciner profondĂ©ment dans les États ». L’échec final est donc dĂ» Ă  « une extraordinaire et extrĂȘme malignitĂ© de la fortune ».

Pour procurer un État Ă  son fils CĂ©sar Borgia, duc de Valentinois, le pape Alexandre VI Borgia s'allie au roi de France Louis XII et aux Orsini, ce qui lui permet de prendre la Romagne. CĂ©sar Borgia, pour se rendre indĂ©pendant, se retourne d'abord contre les Orsini : ils conspirent contre lui, il mate leur rĂ©volte, il feint de se rĂ©concilier, puis il les fait tuer. Ensuite il s'assure du soutien populaire en Romagne : il nomme gouverneur le cruel Ramiro d'Orco « pour y rĂ©tablir la paix et l’obĂ©issance envers le prince » ; quand c'est fait, il met en place une administration moins autoritaire, et pour apaiser le ressentiment populaire, « il [
] fit exposer un matin [Ramiro d'Orco] sur la place publique de CĂ©sĂšne, coupĂ© en quartiers, avec un billot et un coutelas sanglant Ă  cĂŽtĂ© ».

Ses plans pour l’avenir, qui doivent lui permettre de s’affranchir des Français et surtout de ne plus dĂ©pendre du soutien de son pĂšre pour « se trouver en Ă©tat de rĂ©sister par lui-mĂȘme Ă  un premier choc », prĂ©voient de prendre Pise, puis Lucques et Sienne, puis Florence, c'est-Ă -dire toute la Toscane ; ces plans, « il en serait venu Ă  bout dans le courant de l’annĂ©e oĂč le pape mourut », mais il ne peut rĂ©sister Ă  cette mort prĂ©coce, combinĂ©e Ă  sa propre maladie et aux deux armĂ©es qui le prennent en Ă©tau. AprĂšs un Ă©loge de la conduite de Borgia — « il me semble qu’on peut la proposer pour modĂšle Ă  tous ceux qui sont parvenus au pouvoir souverain par la faveur de la fortune et par les armes d’autrui » —, Machiavel lui reproche cependant d'avoir laissĂ© Ă©lire Jules II pour pape et il qualifie cette erreur stratĂ©gique de « faute qui fut la cause de sa ruine totale ».

VIII. De ceux qui sont devenus princes par des scélératesses

De his qui per scelera ad principatum pervenere

En dehors de la vaillance et de la fortune, on peut devenir prince par le plĂ©biscite des concitoyens (cf. chap. IX) ou par la scĂ©lĂ©ratesse, dont Machiavel donne deux exemples : celui d’Agathocle de Syracuse qui, ayant Ă©tĂ© dĂ©signĂ© prince aprĂšs une longue progression dans l’armĂ©e, convoqua les sĂ©nateurs et les citoyens les plus Ă©minents pour dĂ©libĂ©rer des affaires publiques et les fit assassiner pour ne pas partager le pouvoir ; et celui d’Oliverotto da Fermo qui, sous prĂ©texte d’une parade, fit entrer ses hommes dans la ville de Fermo et demanda Ă  son oncle d'organiser une rĂ©ception, dont il fit assassiner tous les convives, dont son oncle, pour prendre le pouvoir.

Machiavel est partagĂ© entre la dĂ©sapprobation morale et l’approbation politique. Il parle ainsi du « courage » d’Agathocle et de sa « force d'Ăąme », en mĂȘme temps que de « sa cruautĂ©, son inhumanitĂ© et ses nombreuses scĂ©lĂ©ratesses ». Cette contradiction surgit Ă  nouveau plus loin, et Machiavel se demande comment la cruautĂ© du prince, qui en gĂ©nĂ©ral est l’objet du mĂ©contentement populaire, de la rĂ©bellion et de l’échec politique, peut ĂȘtre conciliĂ©e avec un pouvoir sans faille. Sa rĂ©ponse est que les cruautĂ©s doivent ĂȘtre « commises toutes Ă  la fois », pour que l’« amertume » n’en soit pas trop persistante dans le peuple, et pour avoir toujours de l’avance sur la nĂ©cessitĂ©.

IX. De la principauté civile

De principatu civili

La principautĂ© civile a un prince choisi par ses concitoyens. Soit c’est un homme du peuple choisi par les grands « pour pouvoir, Ă  l’ombre de son autoritĂ©, satisfaire leurs dĂ©sirs ambitieux », soit c'est un grand choisi par le peuple pour le protĂ©ger. Le prince Ă©levĂ© par les grands est moins favorisĂ© que le prince Ă©levĂ© par le peuple car « [les grands] veulent opprimer, et le peuple veut seulement n'ĂȘtre point opprimĂ© ». Le prince Ă©levĂ© par les grands doit donc, en plus de se dĂ©barrasser des grands qui sont « dĂ©terminĂ©s par des vues ambitieuses » et qui seraient nuisibles en temps de guerre, se concilier l’amitiĂ© du peuple tout comme le prince Ă©levĂ© par lui, amitiĂ© qui pourra ĂȘtre d'autant plus forte qu'elle Ă©tait inattendue. Pour Ă©valuer ce soutien du peuple, le prince ne peut se fier sur le temps de paix, car c'est dans le moment de l’adversitĂ© qu’il aura besoin des citoyens ; il doit donc « imaginer et Ă©tablir un systĂšme de gouvernement tel, qu’en quelque temps que ce soit, et malgrĂ© toutes les circonstances, les citoyens aient besoin de lui ».

X. Comment, dans toute espÚce de principauté, on doit mesurer ses forces

Quomodo omnium principatuum vires perpendi debeant

Soit le prince peut se dĂ©fendre par lui-mĂȘme, c’est-Ă -dire qu’il a assez d’hommes et d’argent pour combattre un quelconque attaquant, c’est le cas dĂ©veloppĂ© dans les chapitres prĂ©cĂ©dents ; soit il a besoin du secours d’autrui, c’est-Ă -dire que devant une attaque il doit se rĂ©fugier dans sa forteresse : Ă  celui-lĂ  Machiavel conseille de se garantir l'affection de son peuple et la sĂ©curitĂ© de sa forteresse, qui permettent de tenir un siĂšge, sans se prĂ©occuper du reste du pays. Il prend pour exemple des villes allemandes dont le territoire est rĂ©duit mais qui sont indĂ©pendantes vis-Ă -vis de l’Empereur et des autres États, ne craignant pas les attaques militaires grĂące Ă  leurs fortifications, leurs fossĂ©s, leur artillerie, leurs provisions et leurs rĂ©serves pour une annĂ©e, ainsi que leur entraĂźnement militaire. Le prince qui suivra ces conseils ne craindra aucune dĂ©faite, car l’ennemi ne restera pas un an sans bouger. L’assaillant peut mettre Ă  sac le pays pour effrayer les citoyens ; le prince doit les apaiser, s’assurer des plus vindicatifs, attendre qu’avec le temps les esprits se calment et mĂȘme profiter de la dette qu’il contracte envers ses citoyens lors de la destruction de leurs biens pour accroĂźtre leur fidĂ©litĂ© envers lui.

XI. Des principautés ecclésiastiques

De principatibus ecclesiasticis

Les anciennes institutions religieuses suffisent Ă  asseoir le pouvoir du prince ecclĂ©siastique ; ainsi « ces princes seuls ont des États, et ils ne les dĂ©fendent point ; ils ont des sujets, et ils ne les gouvernent point ». Mais Machiavel attribue cela Ă  des « causes supĂ©rieures » qu’il ne se permet pas de dĂ©velopper. En revanche, il dĂ©veloppe les raisons de la « grandeur temporelle » actuelle de l’Église : autrefois, la division intĂ©rieure des États de l'Église entre Orsini et Colonna empĂȘchait l'Église de s'agrandir ; sa grandeur actuelle, Machiavel l'attribue Ă  l’initiative d’Alexandre VI — qui sut judicieusement s'allier aux Français et aider CĂ©sar Borgia, ce qui ne fut pas une vaine magnanimitĂ© puisque l’Église rĂ©cupĂ©ra ses conquĂȘtes aprĂšs sa dĂ©faite —, initiative prolongĂ©e par Jules II qui conquit Bologne, battit les VĂ©nitiens et chassa les Français d’Italie, tout en contenant « les partis des Colonna et des Orsini dans les bornes oĂč Alexandre Ă©tait parvenu Ă  les rĂ©duire ».

XII. Combien il y a de sortes de milices et de troupes mercenaires.

Quot sint genera militiae et de mercenariis militibus

Les armes et les lois sont les « bonnes bases, sans lesquelles [le pouvoir du prince] ne peut manquer de s’écrouler ». Or « lĂ  oĂč il n’y a point de bonnes armes, il ne peut y avoir de bonnes lois, et [
] au contraire il y a de bonnes lois lĂ  oĂč il y a de bonnes armes » : il suffit donc de parler des armes, qui sont soit propres au prince, soit mercenaires ou auxiliaires, soit mixtes. Machiavel dĂ©nonce les armes mercenaires : « les capitaines mercenaires sont ou ne sont pas de bons guerriers : s’ils le sont, on ne peut s’y fier, car ils ne tendent qu’à leur propre grandeur, en opprimant, soit le prince mĂȘme qui les emploie, soit d’autres contre sa volontĂ© ; s’ils ne le sont pas, celui qu’ils servent est bientĂŽt ruinĂ© ».

Bataille d'Agnadel, détail du tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne, marbre, 1509, basilique Saint-Denis, France.

C'est Ă  partir de ce principe qu’il analyse des exemples historiques. Si Rome, Sparte et la Suisse, tirent leur libertĂ© de leurs armes propres, au contraire Carthage aprĂšs la premiĂšre guerre punique, ThĂšbes aprĂšs la troisiĂšme guerre sacrĂ©e, Milan aprĂšs la victoire sur les VĂ©nitiens, subirent la trahison des mercenaires, de Philippe II de MacĂ©doine ou de Francesco Sforza. Si Venise ou Florence connurent un temps le succĂšs avec des capitaines mercenaires, c'est parce que ceux-ci ne purent ou ne voulurent pas les convoiter. Machiavel analyse ensuite l’histoire militaire de Venise : victorieuse dans ses campagnes navales oĂč elle avait ses citoyens pour soldats, elle employa ensuite sur la terre ferme des mercenaires dont elle eut Ă  subir les mĂ©faits : c’est ainsi que les VĂ©nitiens durent assassiner Francesco da Carmagnola pour se prĂ©server de lui, et que plus tard ils perdirent Ă  la bataille d'Agnadel contre Louis XII de France[19] « dans une seule journĂ©e [
] le fruit de huit cents ans de travaux ».

C’est l’occasion pour Machiavel de dĂ©noncer la conduite des mercenaires : ils n’ont presque pas d'infanterie, ne se tuent pas sur le champ de bataille, rendent les prisonniers sans rançon, n’attaquent pas la nuit, n’ont pas besoin de protĂ©ger leurs camps et ne se battent pas l’hiver : tel est l’« ordre qu’ils avaient imaginĂ© tout exprĂšs pour Ă©viter les pĂ©rils et les travaux, mais par oĂč aussi ils ont conduit l’Italie Ă  l’esclavage et Ă  l’avilissement ».

XIII. Des troupes auxiliaires, mixtes et propres

David et Goliath, enluminure, anonyme, v. 1250.

De militibus auxiliariis, mixtis et propriis

Les armes auxiliaires, c’est-Ă -dire les armes d’un autre prince auquel un prince demande son aide, ont les mĂȘmes dĂ©fauts que les mercenaires : « car si elles sont vaincues, il se trouve lui-mĂȘme dĂ©fait, et si elles sont victorieuses, il demeure dans leur dĂ©pendance ». Elles sont mĂȘme plus dangereuses que les armes mercenaires, car elles sont unies derriĂšre leur prince et donc valeureuses. Ainsi CĂ©sar Borgia ne fit que progresser lorsque aprĂšs avoir recouru aux armes auxiliaires de la France, puis aux armes mercenaires des Orsini et des Vitelli, il finit par n'utiliser que les siennes propres. De mĂȘme HiĂ©ron de Syracuse (dĂ©jĂ  citĂ© au chap. VI) fit tuer ses mercenaires, et de mĂȘme David refusa les armes de SaĂŒl pour ne combattre Goliath qu’avec sa fronde.

En France, Charles VII augmenta la valeur de son armĂ©e en formant dans son royaume « des compagnies rĂ©glĂ©es de gendarmes et de fantassins », mais son fils Louis XI l’amoindrit en usant des forces auxiliaires suisses dont l’armĂ©e française est dĂ©sormais dĂ©pendante. L’Empire romain connut la ruine pour avoir fait appel aux Goths. Machiavel conclut qu’il ne faut user que de ses forces propres.

XIV. Des fonctions qui appartiennent au prince, par rapport Ă  la milice

Quod principem deceat circa militiam

C'est par la connaissance de l’art de la guerre qu’on reste prince ou qu'on le devient : un prince nĂ©gligeant les armes est mĂ©prisĂ©, Ă  la merci de ses serviteurs et il ne peut pas faire confiance Ă  ses soldats. Le prince exerce tout d'abord son corps Ă  la guerre, notamment par l’exercice de la chasse, qui l’« endurcit Ă  la fatigue » et lui fait la gĂ©ographie de son pays — « l’assiette des lieux, l’élĂ©vation des montagnes, la direction des vallĂ©es, le gisement des plaines, la nature des riviĂšres et des marais » —, ce qui lui permettra Ă  la fois de le dĂ©fendre en cas d'attaque et de se familiariser avec la tactique militaire en gĂ©nĂ©ral, en imaginant dans le paysage des positions adverses, comme le faisait PhilopƓmen lors de ses promenades. Il doit aussi prĂ©parer son esprit Ă  la guerre, par la connaissance de l'histoire, des « actions des hommes illustres » et de « leur conduite dans la guerre », en prenant pour modĂšle « quelque ancien hĂ©ros bien cĂ©lĂšbre ».

« Voilà ce que doit faire un prince sage, et comment, durant la paix, loin de rester oisif, il peut se prémunir contre les accidents de la fortune, en sorte que, si elle lui devient contraire, il se trouve en état de résister à ses coups. » De plus, cela permet de tenir les sujets dans une bonne discipline.

XV. Des choses pour lesquelles tous les hommes, et surtout les princes, sont loués ou blùmés

De his rebus quibus homines et praesertim principes laudantur aut vituperantur

Machiavel examine comment le prince doit se conduire envers ses amis et ses sujets ; il prĂ©vient que bien que le sujet ait Ă©tĂ© traitĂ© de nombreuses fois, il sera original, car plutĂŽt que de se livrer Ă  de « vaines spĂ©culations », des « imaginations », il affirme : « Il faut donc qu’un prince qui veut se maintenir apprenne Ă  ne pas ĂȘtre toujours bon, et en user bien ou mal, selon la nĂ©cessitĂ©. » Il Ă©tablit d’abord qu'on loue ou blĂąme le prince selon qu’il est gĂ©nĂ©reux ou rapace (cf. chap. 16), bienfaisant ou avide, cruel ou compatissant (chap. 17), sans foi ou fidĂšle Ă  sa parole (chap. 18), craintif ou courageux, dĂ©bonnaire ou orgueilleux, dissolu ou chaste, franc ou rusĂ©, dur ou facile, grave ou lĂ©ger, religieux ou incrĂ©dule, etc. Mais le prince ne peut Ă©viter en mĂȘme temps tous les vices ; il doit donc se forcer d’éviter les vices « qui lui feraient perdre ses États », et seulement « s’il le peut » Ă©viter les autres vices ; d’ailleurs, de mĂȘme que certaines vertus sont nĂ©fastes pour le prince, de mĂȘme de certains vices « peuvent rĂ©sulter [
] sa conservation et son bien-ĂȘtre ».

XVI. De la libéralité et de l'avarice

De liberalitate et parsimonia

Il est bon pour un prince d'ĂȘtre gĂ©nĂ©reux mais s’il l’est vraiment, il dĂ©pensera tant pour offrir des somptuositĂ©s Ă  quelques-uns que, s’appauvrissant, il devra se rattraper par une lourde fiscalitĂ© qui le fera haĂŻr de ses sujets ; il plaira Ă  quelques-uns et dĂ©plaira Ă  beaucoup ; mais une fois qu’il aura commencĂ© ainsi, s’il veut changer de mode de vie, on lui reprochera de devenir avare. Le prince doit donc ne pas craindre au dĂ©part le nom d’avare ; son Ă©conomie lui permettra de soutenir une guerre et d'accomplir des entreprises utiles sans surcharger le peuple ; et alors « il sera rĂ©putĂ© libĂ©ral par tous ceux, en nombre infini, auxquels il ne prendra rien ».

On dit que CĂ©sar est parvenu Ă  l’empire par sa libĂ©ralitĂ© : en effet, il faut avoir cette qualitĂ© pour devenir prince ; mais pour le rester, elle est dommageable. D’autre part, si le prince doit ĂȘtre parcimonieux seulement avec son propre bien, il doit distribuer celui d’autrui avec gĂ©nĂ©rositĂ©, et notamment le butin de guerre, sans quoi il ne serait pas suivi par ses soldats.

En conclusion, un prince sage doit se rĂ©soudre Ă  ĂȘtre qualifiĂ© d’avare, car la libĂ©ralitĂ© « se dĂ©vore elle-mĂȘme » et « Ă  mesure qu’on l’exerce, on perd la facultĂ© de l’exercer encore : on devient pauvre, mĂ©prisĂ©, ou bien rapace et odieux ».

XVII. De la cruautĂ© et de la clĂ©mence, et s’il vaut mieux ĂȘtre aimĂ© que craint

Annibal et ses hommes traversant les Alpes.

De crudelitate et pietate; et an sit melius amari quam timeri, vel e contra

Le prince peut ĂȘtre cruel pour Ă©viter les maux pires encore du dĂ©sordre, notamment dans les dĂ©buts de son rĂšgne.

Ainsi CĂ©sar Borgia qui avait une rĂ©putation de cruautĂ© « rĂ©tablit l’ordre et l’union dans la Romagne », alors que les Florentins, pour ne pas ĂȘtre cruels, laissĂšrent dĂ©truire Pistoie.

Cela amĂšne Ă  la question : vaut-il mieux ĂȘtre aimĂ© ou craint ?

Il vaut mieux ĂȘtre Ă  la fois aimĂ© et craint, mais cela est extrĂȘmement difficile. Aussi, s'il faut choisir entre l'amour et la crainte, il vaut mieux ĂȘtre craint, car l’amour est volatil et disparaĂźt dans l’adversitĂ© alors que la crainte subsiste tant que subsiste la menace du chĂątiment ; cependant, le prince doit inspirer la crainte sans inspirer la haine, c'est-Ă -dire qu'il ne condamnera pas ses citoyens sans motif, et surtout qu’il ne s'en prendra pas Ă  leurs biens ni Ă  leurs femmes.

La cruauté trouve surtout son occasion dans la guerre et le prince doit en user pour maintenir son armée unie et fidÚle.

Ainsi, c’est grĂące Ă  sa cruautĂ© qu’Annibal empĂȘcha toute dissension et toute rĂ©volte dans son armĂ©e ; c'est au contraire Ă  cause de sa trop grande clĂ©mence que son adversaire Scipion fut confrontĂ© au soulĂšvement de ses troupes en Espagne puis ne sut pas rendre justice aux Locriens.

XVIII. Comment les princes doivent tenir leur parole

L'Ă©ducation d'Achille, par Delacroix (Coupole du Palais Bourbon).

Quomodo fides a principibus sit servanda

Comme Achille Ă©duquĂ© par Chiron, le prince doit combattre en homme et en bĂȘte, c’est-Ă -dire avec les lois et avec la force ; et la bĂȘte doit avoir la force du lion et la ruse du renard.

Machiavel en dĂ©duit : « Un prince bien avisĂ© ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont dĂ©terminĂ© Ă  promettre n’existent plus. » Mais, pour ne pas laisser voir cette perfidie, il doit aussi « possĂ©der parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler ». Son hypocrisie doit le faire paraĂźtre « tout plein de douceur, de sincĂ©ritĂ©, d’humanitĂ©, d’honneur, et principalement de religion ».

Machiavel assure que les hommes en gĂ©nĂ©ral se tiennent Ă  l'image des qualitĂ©s, et d'autre part que le prince sera jugĂ© sur le rĂ©sultat et que tant qu'il conservera sa vie et son État, « tous les moyens qu’il aura pris seront jugĂ©s honorables ».

Machiavel finit par l’évocation des fourberies de Ferdinand II d’Aragon[20].

XIX. Qu’il faut fuir le mĂ©pris et la haine

Buste de Septime SévÚre assimilé à Sérapis, 204 ap. J.-C., musée du Louvre.

De contemptu et odio fugiendo

Pour Ă©viter d’ĂȘtre haĂŻ, le prince ne doit pas attenter aux biens ni aux femmes de ses sujets (cf. chap. 17). Pour Ă©viter d’ĂȘtre mĂ©prisĂ©, il doit donner l’apparence « de la grandeur, du courage, de la gravitĂ©, de la fermetĂ© » : ainsi il sera clairement Ă©tabli que ses dĂ©cisions sont irrĂ©vocables et on ne songera pas Ă  le tromper. Le prince doit se dĂ©fendre contre les attaques extĂ©rieures, pour cela il lui suffit de bonnes armes, et contre les conjurations, pour cela il lui suffit d’avoir le soutien de son peuple. En effet, une conjuration est toujours risquĂ©e, car la dĂ©nonciation offre un profit certain contrairement Ă  celui de la rĂ©bellion ; si Ă  ce risque s’ajoute que le prince est soutenu par le peuple, aucune conjuration ne peut aboutir. Par exemple, aprĂšs que dans une conjuration les Canneschi eurent tuĂ© Annibal Bentivoglio, prince de Bologne, les Bolonais, pleins d'affection pour leur prince, se soulevĂšrent, tuĂšrent les Canneschi et prirent pour prince un autre membre de la famille Bentivoglio.

Pour mĂ©nager le peuple, le prince peut avoir besoin d'abaisser les grands ; il doit alors confier cette tĂąche Ă  une administration, comme dans le royaume de France oĂč le Parlement constitue « la tierce autoritĂ© d’un tribunal qui peut, sans aucune fĂącheuse consĂ©quence pour le roi, abaisser les grands et protĂ©ger les petits ». Machiavel analyse ensuite le rĂšgne de quelques empereurs romains, qui devaient composer, plutĂŽt qu’entre les grands et les citoyens, entre les soldats et les citoyens, ce qui Ă©tait difficile Ă  cause de leurs aspirations opposĂ©es. Pertinax et SĂ©vĂšre Alexandre durent leur chute au mĂ©pris qu’ils inspiraient Ă  leurs soldats, Ă  cause de leur modĂ©ration ; Marc AurĂšle, lui aussi tempĂ©rĂ©, ne se maintint que grĂące au prestige de son ascendance et de ses vertus. Machiavel loue Septime SĂ©vĂšre qui, faisant preuve de « l’audace du lion et la finesse du renard », rĂ©ussit Ă  Ă©liminer tous ses rivaux Ă  l’Empire : Didius Julianus sous prĂ©texte de venger Pertinax, Niger grĂące Ă  une alliance avec Albin, Albin sous prĂ©texte de trahison. Caracalla fut tuĂ© pour la haine qu'il inspira Ă  ses proches, Commode pour le mĂ©pris qu'il suscita chez les citoyens, Maximin mourut dans la rĂ©volte due au mĂ©pris et Ă  la haine qu’on lui portait Ă  cause de son origine basse et de sa cruautĂ©. Machiavel conclut que le prince doit prendre « dans l’exemple de SĂ©vĂšre, ce qui lui est nĂ©cessaire pour Ă©tablir son pouvoir, et dans celui de Marc AurĂšle ce qui peut lui servir Ă  maintenir la stabilitĂ© et la gloire d’un empire Ă©tabli et consolidĂ© depuis longtemps ».

XX. Si les forteresses, et beaucoup d'autres choses que font chaque jour les princes, sont utiles ou inutiles

Portrait de Catherine Sforza
ou La dame aux jasmins
Ɠuvre de Lorenzo di Credi.

An arces et multa alia quae cotidie a principibus fiunt utilia an inutilia sint

Le prince doit armer ses sujets pour ne pas ĂȘtre haĂŻ, sauf les citoyens d’une ville conquise, qu’il doit dĂ©sarmer et amollir. Le prince ne doit pas susciter de divisions au sein de ses États, lesquelles peuvent ĂȘtre bĂ©nĂ©fiques Ă  son pouvoir pendant la paix en empĂȘchant une opposition unie, mais sont nĂ©fastes dans la guerre car le parti le plus faible aura tendance Ă  rejoindre l'adversaire.

Il est important pour le prince de rallier Ă  lui ses anciens ennemis (c’est-Ă -dire, pour le prince nouveau, ceux qui se sont opposĂ©s Ă  sa prise de pouvoir) car d'une part le prince s’élĂšvera pour avoir surmontĂ© un obstacle, d’autre part ses nouveaux amis, ayant Ă  se racheter, le serviront avec plus de fidĂ©litĂ©. Au contraire, parmi ceux qui l'ont aidĂ© Ă  prendre le pouvoir, il ne doit pas se fier Ă  ceux poussĂ©s par des espoirs qu’il ne peut pas plus satisfaire que l'ancien gouvernement.

Le prince doit construire des forteresses s’il craint son peuple, pour se rĂ©fugier en cas de rĂ©bellion comme le fit Catherine Sforza ; s’il craint plus l'ennemi extĂ©rieur, il doit dĂ©truire les forteresses qui pourraient profiter Ă  l'attaquant, comme le firent NiccolĂČ Vitelli, Guido Ubaldo et les Bentivoglio. Mais le prince doit Ă  tout prix chercher le soutien de son peuple, car « la meilleure forteresse qu’un prince puisse avoir est l’affection de ses peuples ; s’il est haĂŻ, toutes les forteresses qu’il pourra avoir ne le sauveront pas », car le peuple soulevĂ© trouvera toujours des alliĂ©s extĂ©rieurs, comme le montre l’exemple de Catherine Sforza que sa forteresse ne protĂ©gea pas de l'action conjuguĂ©e de son peuple et de CĂ©sar Borgia.

XXI. Comment doit se conduire un prince pour acquérir de la réputation

Les rois catholiques, Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille.

Quod principem deceat ut egregius habeatur

« Faire de grandes entreprises, donner par ses actions de rares exemples, c’est ce qui illustre le plus un prince. » Machiavel donne l'exemple de Ferdinand II d'Aragon (cf. chap. 18) qui attaqua Grenade, puis l'Afrique, puis l'Italie, puis la France, sous couvert de la religion et avec l'aide de l'Église qu'il remercia par l'expulsion des Juifs d'Espagne[21], dans un rythme efficace qui ne laissait « ni le temps de respirer, ni le moyen d’en interrompre le cours ». Le prince peut aussi se distinguer, comme BarnabĂ© Visconti, par des rĂ©compenses ou des peines exemplaires.

Dans le cas d'un conflit voisin, le prince doit toujours prendre parti : celui qui ne se dĂ©clare pas a l'ingratitude du vaincu sans la gratitude du vainqueur — comme les Romains le dirent aux AchĂ©ens pour les convaincre de prendre leur parti contre Antiochus : « vous demeurez le prix du vainqueur sans vous ĂȘtre acquis la moindre gloire, et sans qu’on vous ait la moindre obligation[22] » — ; au contraire, si ce sont deux forces puissantes, s'allier Ă  l'une apportera sa gratitude si elle vainc, son soutien si elle est vaincue ; si ce sont deux forces faibles, s'allier Ă  l'une la rend victorieuse et donc dĂ©pendante, et c'est aussi l'occasion d'Ă©liminer l'autre force. Cependant, pour rester indĂ©pendant, le prince ne doit pas s'allier Ă  une prĂ©sence supĂ©rieure pour en combattre une autre (cf. les erreurs de Louis XII au chap. 3).

Enfin, le prince doit honorer ses sujets talentueux et les laisser en mesure d'exercer leurs facultĂ©s ; il doit « amuser le peuple par des fĂȘtes, des spectacles » et se prĂ©senter aux rĂ©unions des corporations, « sans jamais compromettre nĂ©anmoins la majestĂ© de son rang ».

XXII. Des secrétaires des princes

Le Retour des Noveschi Ă  Sienne (prise de pouvoir de Pandolfo Petrucci reprĂ©sentĂ© sur une tavoletta di Biccherna (Archives de l'État de Sienne).

De his quos a secretis principes habent

L'entourage que le prince a choisi permet d'estimer ses capacitĂ©s : on estime ainsi Pandolfo Petrucci de Sienne pour son secrĂ©taire Antonio Giordano. Le bon prince est donc celui qui, sans forcĂ©ment ĂȘtre capable lui-mĂȘme du travail du ministre, est en mesure de juger les opĂ©rations de celui-ci, « favoriser les unes, rĂ©primer les autres, ne laisser aucune espĂ©rance de pouvoir le tromper ». Le prince doit choisir un ministre qui ne cherche pas son propre intĂ©rĂȘt mais celui du prince ; pour l'inciter Ă  le conduire ainsi, il doit le combler de bienfaits, afin qu'il « soit bien convaincu qu’il ne pourrait se soutenir sans l’appui du prince ».

XXIII. Comment on doit fuir les flatteurs

Quomodo adulatores sint fugiendi

Maximilien Ier, Albrecht DĂŒrer, 1519, peinture sur bois, khm, Vienne.

Se laisser flatter est une « erreur » et le prince ne doit pas « se laisser corrompre par cette peste » ; mais il ne doit pas non plus abolir dans tout le peuple l'hypocrisie, car « si toute personne peut dire librement Ă  un prince ce qu’elle croit vrai, il cesse bientĂŽt d’ĂȘtre respectĂ© ». La solution est de ne choisir que quelques conseillers qui rĂ©pondront franchement aux questions du prince ; Machiavel souligne qu'ils ne s'exprimeront que sur demande et que ce ne seront pas eux qui prendront les dĂ©cisions, mais bien le prince aprĂšs avoir entendu la vĂ©ritĂ©. La forme du groupe de conseillers permet au prince de consulter des opinions diffĂ©rentes, et donc de prendre la bonne dĂ©cision ; ne pas entendre tout le monde, ni n'importe quand, lui permet de ne pas sans cesse changer d'avis. L'empereur Maximilien est Ă©rigĂ© en contre-exemple : ne prenant pas de conseils, il est toujours confrontĂ© aprĂšs ses dĂ©cisions Ă  des oppositions qui le font changer d'avis plusieurs fois, l'empĂȘchant de suivre une volontĂ© politique claire.

On ne doit pas considĂ©rer la sagesse du conseiller comme Ă©cran devant l'ignorance du prince : le prince bien conseillĂ© est toujours un prince sage (cf. chap. 22) ; car un prince mĂ©diocre peut avoir pris au hasard un bon ministre, mais celui-ci profitera de sa faiblesse pour se retourner contre lui ; et s'il prend plusieurs ministres, il ne saura concilier leurs divergences. « En un mot, les bons conseils, de quelque part qu’ils viennent, sont le fruit de la sagesse du prince. »

XXIV. Pourquoi les princes d’Italie ont perdu leurs États

Cur Italiae principes regnum amiserunt

Le pouvoir du prince nouveau qui agit en suivant les prĂ©ceptes de Machiavel vaut celui du prince hĂ©rĂ©ditaire, et le dĂ©passe mĂȘme, car le peuple est plus touchĂ© des bienfaits rĂ©cents que des bienfaits anciens, et car ce prince ne devra rien qu'Ă  lui-mĂȘme. Si malgrĂ© l'observance de ces prĂ©ceptes certains princes d'Italie, comme le roi de Naples ou le duc de Milan, ont Ă©tĂ© dĂ©chus, c'est soit par leur mauvaise gestion militaire (cf. chap. 12-14), soit qu'ils n'ont pas su s'attacher le peuple ou s'assurer les grands. Au contraire, Philippe V de MacĂ©doine, grĂące Ă  son talent de capitaine et au soutien de son peuple, rĂ©sista aux Romains plusieurs annĂ©es et conserva son royaume lors de la dĂ©faite. Ainsi, les princes dĂ©chus d'Italie ne doivent s'en prendre qu'Ă  eux-mĂȘmes, eux qui « durant le calme, ne s’inquiĂštent point de la tempĂȘte », puis, pris au dĂ©pourvu par l'adversitĂ©, se laissent tomber en espĂ©rant qu'on les relĂšve ; mais, quand bien mĂȘme on les relĂšverait, ils seraient redevables et donc en mauvaise posture : car « il n’y a pour un prince de dĂ©fense bonne, certaine, et durable, que celle qui dĂ©pend de lui-mĂȘme et de sa propre valeur ».

XXV. Combien, dans les choses humaines, la fortune a de pouvoir, et comment on peut y résister

Quantum fortuna in rebus humanis possit, et quomodo illi sit occurrendum

Certains grands Ă©vĂ©nements imprĂ©visibles ne dĂ©pendent pas de nous. « NĂ©anmoins, ne pouvant admettre que notre libre arbitre soit rĂ©duit Ă  rien, j’imagine qu’il peut ĂȘtre vrai que la fortune dispose de la moitiĂ© de nos actions, mais qu’elle en laisse Ă  peu prĂšs l’autre moitiĂ© en notre pouvoir. » La fortune est comme un fleuve qui, lorsqu'il dĂ©borde, balaye toutes les rĂ©sistances sur son passage, Ă  moins que des digues n'aient Ă©tĂ© construites Ă  l'avance. Ainsi la fortune « montre surtout son pouvoir lĂ  oĂč aucune rĂ©sistance n’a Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e, et porte ses fureurs lĂ  oĂč elle sait qu’il n’y a point d’obstacle disposĂ© pour l’arrĂȘter ». Dans cette analogie, l'Italie est « une vaste campagne qui n’est garantie par aucune sorte de dĂ©fense », contrairement Ă  l'Allemagne, l'Espagne ou la France.

Machiavel analyse ensuite plus prĂ©cisĂ©ment le lien du prince Ă  la fortune : s'il s'en remet Ă  elle, il tombera avec elle ; sinon, il peut ĂȘtre circonspect ou impĂ©tueux, patient ou non, employer la violence ou l'artifice. Des princes de caractĂšres diffĂ©rents, par exemple l'un circonspect, l'autre impĂ©tueux, peuvent tous deux rĂ©ussir, parce qu'ils sont d'Ă©poques diffĂ©rentes et que « ce qui est bien ne l’est pas toujours ». Ainsi, le prince patient et circonspect ne prospĂ©rera que si les circonstances ne changent pas, alors que l'impĂ©tueux au contraire sait changer avec les circonstances. Ainsi, contre l'avis de Venise, de l'Espagne et de la France, Jules II attaqua Bologne : son initiative figea Venise effrayĂ©e et l'Espagne intĂ©ressĂ©e, et obtint le soutien du roi de France. Cependant, ce pape aurait « probablement essuyĂ© [des revers] s’il Ă©tait survenu dans un temps oĂč il eĂ»t fallu se conduire avec circonspection ; car il n’aurait jamais pu se dĂ©partir du systĂšme de violence auquel ne le portait que trop son caractĂšre ».

Ainsi le prince circonspect est heureux dans une pĂ©riode stable, le prince impĂ©tueux dans une pĂ©riode changeante, et Ă  cause de leur obstination ils sont tous deux malheureux dans le passage de l'un Ă  l'autre ; cependant Machiavel recommande l'impĂ©tuositĂ©, « car la fortune est femme : pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle cĂšde plutĂŽt aux hommes qui usent de violence qu’à ceux qui agissent froidement : aussi est-elle toujours amie des jeunes gens, qui sont moins rĂ©servĂ©s, plus emportĂ©s, et qui commandent avec plus d’audace ».

XXVI. Exhortation Ă  dĂ©livrer l’Italie des barbares

Exhortatio ad capessendam Italiam in libertatemque a barbaris vindicandam

Les circonstances sont rĂ©unies pour qu'un prince unifie l'Italie : il fallait qu'elle fĂ»t malheureuse pour apprĂ©cier la valeur d'un nouveau prince (cf. chap. 6), il fallait qu'elle fĂ»t « sans chefs, sans institutions, battue, dĂ©chirĂ©e, envahie, et accablĂ©e de toute espĂšce de dĂ©sastres » pour que « quelque gĂ©nie pĂ»t s'illustrer ». CĂ©sar Borgia a failli ĂȘtre cet homme[23] ; c'est maintenant Laurent de MĂ©dicis, auquel Machiavel s'adresse, qui doit rĂ©pondre aux espoirs de l'Italie, ce qui sera facile en suivant les exemples donnĂ©s par l'ouvrage, et juste car « la guerre est toujours juste lorsqu’elle est nĂ©cessaire, et les armes sont sacrĂ©es lorsqu’elles sont l’unique ressource des opprimĂ©s[24] ».

La faiblesse militaire de l'Italie, qui a empĂȘchĂ© toute unification prĂ©cĂ©dente et toute victoire sur une armĂ©e Ă©trangĂšre, n'est pas due au peu de courage des soldats italiens, qui au contraire est trĂšs grand, mais Ă  la faiblesse et l'insubordination des chefs. Laurent de MĂ©dicis doit donc « se pourvoir de forces nationales » qui vaincront les Ă©trangers, mĂȘme les infanteries suisse et espagnole qui ont leurs dĂ©fauts que l'armĂ©e italienne n'aura pas. Machiavel continue avec une exhortation rhĂ©torique et finit en citant PĂ©trarque :

« La vaillance prendra les armes
Contre la fureur et tĂŽt la vaincra
Car la valeur ancienne n'est pas morte
Dans les cƓurs italiens[25] »

Signification

Contrairement Ă  la plupart des traitĂ©s traditionnellement destinĂ©s Ă  l'Ă©dification morale du chef d'État, supposĂ©s l'encourager Ă  l'usage vertueux et juste du pouvoir, Machiavel pose rapidement qu'il n'y a pas de pouvoir vertueux s'il n'y a pas de pouvoir effectif. Aussi la question fondamentale posĂ©e par Le Prince n'est pas « comment bien user du pouvoir selon les vertus morales et chrĂ©tiennes ? » mais « comment obtenir le pouvoir et le conserver ? »

Il ne s'agit pas de se référer à des valeurs morales transcendantes comme le faisait Platon dans La République[26], ni de poursuivre une utopie[27]. La politique doit s'exercer en tenant compte des réalités concrÚtes, ce qui fait nécessairement passer la morale au second plan, et d'une marge de liberté entre la contingence de l'histoire (la fortuna) et le caractÚre cyclique et éternel de celle-ci.

PlutĂŽt que de partir de ce qui devrait idĂ©alement ĂȘtre, Machiavel se propose de partir de la « vĂ©ritĂ© effective » des choses. Or, en politique, celle-ci concerne avant tout le conflit entre les hommes et la nĂ©cessitĂ© de rĂ©guler par les moyens les plus efficaces leurs relations. Parmi ces moyens, la crainte qu'inspire le prince, par le dĂ©ploiement de sa puissance, est un des plus adĂ©quats. Celui-ci devra donc s'employer au premier chef Ă  acquĂ©rir tous les moyens militaires, Ă©conomiques et juridiques qui garantiront sa force. Il ne devra pas non plus hĂ©siter Ă  punir sĂ©vĂšrement ceux qui contestent son autoritĂ©, de prĂ©fĂ©rence en s'employant Ă  marquer les imaginations (tortures publiques par exemple)[28], tout en se gardant d'ĂȘtre trop craint de tous, afin de ne pas s'attirer de haines trop dangereuses pour la stabilitĂ© de son pouvoir. Ainsi l'ordre sera prĂ©servĂ© dans la citĂ© et il lui rendra un bien meilleur service que si, par faiblesse ou « tolĂ©rance », il laissait s'installer la contestation et le dĂ©sordre. De la sorte, il parviendra Ă  ĂȘtre aussi bien craint qu'aimĂ© pour ses qualitĂ©s de chef. Dans une lettre Ă  Piero Vettori du , Machiavel Ă©crit ainsi :

« Moi [
] j’aime plus ma patrie que mon Ăąme ; et je vous dis ça aprĂšs l’expĂ©rience de ces soixante ans passĂ©s, pendant lesquels on a travaillĂ© les questions les plus difficiles, oĂč la paix est nĂ©cessaire mais oĂč l’on ne peut pas abandonner la guerre, et avoir sous la main un prince qui, avec difficultĂ©, peut accomplir seulement l’une ou l'autre[29]. »

La « vertu » ou plutĂŽt « l’habiletĂ©, l’énergie » du prince, ce que Machiavel dĂ©signe par virtĂč, n'est donc pas morale mais politique : c'est l'aptitude Ă  conserver le pouvoir et Ă  affronter les contingences de l'histoire (la fortuna) en sachant doser la crainte et l'amour qu'il peut inspirer de façon Ă  maintenir l'ordre et l'unitĂ© de sa citĂ©. L'originalitĂ© de la pensĂ©e de Machiavel est cependant de ne pas conseiller pour autant au prince de mĂ©priser toute forme de moralitĂ© : pour s'assurer le soutien et l'appui de la population, le prince devra respecter publiquement, au moins en apparence, les rĂšgles de morale admises par son peuple. Peu importe qu'en privĂ©, il mĂ©prise ces rĂšgles, et de fait il devra souvent aller contre la morale dans ses actions politiques secrĂštes, par exemple ne pas hĂ©siter Ă  trahir sa propre parole si c'est un moyen de conserver le pouvoir, mais publiquement il devra toujours ĂȘtre capable de « donner le change » afin que son peuple ne se retourne pas contre lui.

Enfin, un autre point important réside dans la division de la cité en deux humeurs antagonistes, celle du peuple et celle des grands. Or, Machiavel préconise au prince de s'appuyer sur le peuple plutÎt que sur les grands afin de conserver son pouvoir, ce qui a été l'un des motifs permettant à un certain nombre d'auteurs (Rousseau[30] ou, plus prÚs de nous, Philip Pettit[31]), de le classer parmi les républicains[32].

Regards sur l’Ɠuvre

Portrait de Baruch Spinoza par Franz Wulfhagen (1664, coll. priv.)
Dei sepolcri, 1809

À partir de sa publication en 1532, l’Ɠuvre connaĂźt un succĂšs important : une quinzaine d’éditions seraient en circulation aprĂšs une vingtaine d’annĂ©es[33], alors que les premiĂšres traductions françaises paraissent dĂšs 1553[34]. DĂ©diĂ©e Ă  un cardinal, elle pouvait sembler ĂȘtre relativement inoffensive.

Mais, elle suscite rapidement des critiques, notamment pour son absence de considĂ©rations morales, qui se heurte aux principes religieux. Dans son Apologia ad Carolum V Caesarem (Apologie Ă  l'empereur Charles-Quint, 1552), Reginald Pole, cardinal archevĂȘque de CantorbĂ©ry, fait une condamnation sans appel du livre de Machiavel, au sujet duquel il Ă©crit : « Je trouve que ce genre d'ouvrage est l'Ɠuvre d'ennemis du genre humain. Il explique par le menu comment la religion, la justice et tout penchant Ă  la vertu peuvent ĂȘtre anĂ©antis »[35]. Cet ouvrage lui avait Ă©tĂ© signalĂ© par Thomas Cromwell[36]. Le , l’ouvrage est mis Ă  l’Index dans le premier catalogue des livres interdits[37], Le Prince est censurĂ© en Italie Ă  partir de 1564[38].

DÚs 1576, Innocent Gentillet, homme de lettres français et huguenot, publie son Discours sur les moyens de bien gouverner, plus connu par son sous-titre, Anti-Machiavel. Les préceptes de Machiavel, selon lui, appliqués dans le royaume de France, sont responsables du passage d'un ancien royaume, prospÚre et pacifique, à une tyrannie déchirée par les guerres de religion :

« La diffĂ©rence du gouvernement ancien (qui suivait les traces, façons et coutumes de nos ancĂȘtres) avec le moderne, fondĂ© sur la doctrine de Machiavel, se voit par les effets qui en sortent. Car par le gouvernement ancien et français, le royaume Ă©tait maintenu en paix et tranquillitĂ© sous ses anciennes lois, sans guerre civile, florissant et jouissant du libre commerce ; et les sujets conservaient la jouissance de leurs biens, Ă©tats, franchises et libertĂ©s. Mais maintenant, par le gouvernement italien et moderne les bonnes et anciennes lois du royaume sont abolies, les guerres cruelles sont entretenues en France, les paix toujours rompues, le peuple ruinĂ© et mangĂ©, le commerce anĂ©anti[39]. »

S’attaquant au succĂšs des livres de Machiavel devenus en France « aussi familiers et ordinaires entre les mains des courtisans que le brĂ©viaire dans celles d'un curĂ© de village[40] », il qualifie d'« Italiens ou ItalianisĂ©s » les dirigeants du royaume[41], faisant allusion Ă  la fois Ă  Machiavel et Ă  la maison des MĂ©dicis[42]. Il n'hĂ©site pas Ă  qualifier Machiavel d'« horrible blasphĂ©mateur et mĂ©chant[43] ».

Montaigne, qui dans ses Essais prend le dĂ©bat entre Machiavel et Gentillet comme exemple de controverse sans fin, oĂč Ă  chaque argument peuvent ĂȘtre fournies « rĂ©ponses, dupliques, rĂ©pliques, tripliques, quadrupliques[44] », cite aussi le Prince comme livre de chevet des grands de son Ă©poque[45]. Cependant, il rĂ©fute Machiavel lorsque ce dernier affirme que le prince ne doit pas tenir ses promesses[46], non en termes moraux, mais politiques, avançant que si le prince ne tient pas ses promesses, il perdra la confiance de ses partenaires et donc son influence sur eux[47] ; l’humaniste français est donc intĂ©ressĂ© par l'Ɠuvre de l'homme politique florentin, et on peut retrouver chez lui un esprit machiavĂ©lien, notamment dans une vision d'un rĂ©el mouvant et en perpĂ©tuelle mutation[48].

En 1605, Francis Bacon cite plusieurs fois Machiavel dans son traité Du progrÚs et de la promotion des savoirs, affirmant notamment que le mérite du Prince est qu'il fait voir clair dans le jeu des tyrans, permettant ainsi de s'y opposer :

« Car il en est de mĂȘme que la fable du basilic — s'il vous voit le premier, vous en mourrez ; mais si vous le voyez d'abord, c'est lui qui meurt —, pour les tromperies et les artifices, qui perdent vie s'ils sont dĂ©couverts les premiers ; mais s'ils agissent d'abord, ils sont dangereux. Ainsi nous sommes trĂšs redevables Ă  Machiavel et Ă  d'autres, qui ont Ă©crit ce que les hommes font, et non ce qu'ils doivent faire[49]. »

Au cours du XVIIe siĂšcle et malgrĂ© l'anathĂšme qui pĂšse sur Machiavel[50], le Prince semble trouver rĂ©sonance dans la philosophie rationaliste. Ainsi Descartes sort de son silence sur la politique[51] pour commenter l'ouvrage dans une lettre Ă  la princesse Élisabeth[52] ; mĂȘme quand il rĂ©fute l'ouvrage, il en accepte le principe[53] et ses arguments sont politiques plutĂŽt que religieux ; il rĂ©pond ainsi Ă  Machiavel qui prĂŽne de ne pas tenir ses promesses[46] :

« Pour ce qui regarde les alliĂ©s, un prince leur doit tenir exactement sa parole, mĂȘme lorsque cela lui est prĂ©judiciable ; car il ne le saurait ĂȘtre tant, que la rĂ©putation de ne manquer point Ă  faire ce qu'il a promis lui est utile ; et il ne peut acquĂ©rir cette rĂ©putation que par de telles occasions, oĂč il y va pour lui de quelque perte ; mais en celles qui le ruineraient tout Ă  fait, le droit des gens le dispense de sa promesse. »

Spinoza aussi Ă©voque le Prince dans son TraitĂ© politique[54], qualifiant son auteur d'« homme sage », ce qui est de grand poids, la sagesse constituant dans le lexique de l‘Éthique le moment culminant de la perfection humaine[55]. Le philosophe hollandais se pose la question du but de Machiavel : « De quels moyens un Prince omnipotent, dirigĂ© par son appĂ©tit de domination, doit user pour Ă©tablir et maintenir son pouvoir, le trĂšs pĂ©nĂ©trant Machiavel l'a montrĂ© abondamment ; mais, quant Ă  la fin qu'il a visĂ©e, elle n'apparaĂźt pas trĂšs clairement. » Spinoza Ă©met des conjectures sur cette visĂ©e : mettre en garde le peuple de ne pas exciter la cruautĂ© du tyran[56], ou montrer les mĂ©faits du rĂ©gime monarchique[57].

Cette derniĂšre supposition, selon laquelle le Prince serait un livre rĂ©publicain, est controversĂ©e au siĂšcle des LumiĂšres. FrĂ©dĂ©ric II de Prusse publie en 1740 un Anti-Machiavel, rĂ©digĂ© en français puis corrigĂ© et Ă©ditĂ© par son ami Voltaire[58]. FrĂ©dĂ©ric associe lui-mĂȘme Spinoza et le Prince[59], et il rejette la conjecture de celui-ci sur celui-lĂ , affirmant qu'il s'adresse bien aux princes et leur propose de faire le mal[60] L'ouvrage, dont les chapitres coĂŻncident avec ceux du Prince[61], est construit comme une rĂ©futation systĂ©matique, rĂ©futation qui a un fondement moral, FrĂ©dĂ©ric parlant de « l'effronterie avec laquelle ce politique abominable enseigne les crimes les plus affreux[62] » et attribuant au prince une responsabilitĂ© Ă©thique[63], et Ă  la fois politique. Ainsi, dans sa rĂ©futation du chapitre « Comment on doit gouverner les États ou principautĂ©s qui, avant la conquĂȘte, vivaient sous leurs propres lois[64] » qu'il exĂšcre particuliĂšrement[65], FrĂ©dĂ©ric commence par rejeter moralement l'asservissement d'un peuple libre[66], puis montre son inutilitĂ© stratĂ©gique[67], puisqu'une fois que le prince a saccagĂ© le pays pour s'assurer de sa fidĂ©litĂ©, sa conquĂȘte ne lui sert plus de rien[68]. C'est au contraire le parti de Bacon que reprend Diderot[69] en 1755[70] dans l’article « MachiavĂ©lisme » de l’EncyclopĂ©die :

« Lorsque Machiavel Ă©crivit son traitĂ© du prince, c’est comme s’il eĂ»t dit Ă  ses concitoyens, lisez bien cet ouvrage. Si vous acceptez jamais un maĂźtre, il sera tel que je vous le peins : voilĂ  la bĂȘte fĂ©roce Ă  laquelle vous vous abandonnerez[71]. »

De mĂȘme, en 1762, Rousseau cite dans le Contrat social Machiavel comme celui qui a montrĂ© l'intĂ©rĂȘt des princes Ă  opprimer le peuple[72] - [73]. Il en dĂ©duit qu'« en feignant de donner des leçons aux Rois il en a donnĂ© de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des rĂ©publicains[73]. » Plus tĂŽt, c'est Montesquieu qui est inspirĂ© par Machiavel, surtout des Discours mais aussi du Prince dont il avait trois Ă©ditions[74] ; au-delĂ  des quelques allusions directes, on peut voir un lien plus profond entre la pensĂ©e des deux philosophes, une attitude commune vis-Ă -vis de la politique et un mĂȘme refus des prĂ©jugĂ©s[75].

DĂšs le dĂ©but du XIXe siĂšcle, alors que les Ă©ditions du Prince se multiplient[76], l'ouvrage est considĂ©rĂ© avec un nouveau regard qui ne lui suppose plus de sens cachĂ©. Ainsi, en 1807, Ugo Foscolo cĂ©lĂšbre Machiavel dans son poĂšme Sepulcri[77], en insistant sur le message patriotique du Prince[78] dans le contexte du Risorgimento italien[79] - [80]. Dans la mĂȘme optique d'une unification nationale contre l'envahisseur napolĂ©onien[81], le philosophe allemand Fichte publie la mĂȘme annĂ©e un essai Sur Machiavel Ă©crivain et sur des passages de ses Ɠuvres[82], oĂč, se rĂ©fĂ©rant Ă  Machiavel et le traduisant[83], il prend l'attitude d'un Machiavel du royaume de Prusse qu'il veut voir rĂ©sister Ă  NapolĂ©on et unifier l'Allemagne[84]. Durant cette pĂ©riode, Alexis de Tocqueville Ă©mit lui aussi un avis peu favorable sur l'Ɠuvre du philosophe italien. Dans une lettre Ă  Louis Kergorlay, datĂ©e du , il s'exprime en ces termes : "Machiavel est le grand-pĂšre de M. Thiers. C'est tout dire." Il considĂ©rait sa conception de la politique comme amorale et cynique

Hegel introduit un nouveau point de vue : Le Prince serait une prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© historique de l'Ă©poque. Dans son essai Sur la constitution allemande[85], aprĂšs avoir remarquĂ© les similitudes entre l'Allemagne qu'il connaĂźt et l'Italie de Machiavel[86], il condamne l'« Ă©troitesse de vue[87] » de ceux qui ont condamnĂ© le Prince comme un manifeste de la tyrannie, rĂ©fute l'interprĂ©tation du Prince comme portant un sens rĂ©publicain cachĂ©[88], clame la justesse de l'ouvrage comme rĂ©ponse Ă  un contexte historique donnĂ©[89] et conclut son dĂ©veloppement sur cet ouvrage en affirmant : « L'Ɠuvre de Machiavel demeure le grand tĂ©moignage rendu par lui Ă  son temps et Ă  sa propre foi, que le destin d'un peuple courant Ă  sa perte peut ĂȘtre sauvĂ© par un gĂ©nie[90]. » Il confirme son jugement dans ses Leçons sur la philosophie de l'histoire oĂč il considĂšre la « mauvaise foi irrĂ©ductible et la parfaite abjection » des seigneurs fĂ©odaux italiens et la nĂ©cessitĂ© de l'instauration de l'État unifiĂ© comme justification Ă©thique des crimes que suggĂšre le Prince[91]. Antonio Gramsci, chef communiste italien du vingtiĂšme siĂšcle, voit aussi Machiavel comme un penseur des exigences de l'histoire et il se rĂ©fĂšre Ă  lui pour Ă©laborer sa conception du parti communiste comme « Prince moderne »[92]. Louis Althusser, dont Machiavel fut une source d'inspiration importante, fait suite Ă  ces analyses[93].

Bibliographie

  • Nicolas Machiavel, Le Prince, Librio, 2014 :
    Réédition de la traduction française de Albert t'Serstevens publiée en 1921 par Louis Jou.
  • Nicolas Machiavel, Le Prince, Éditions Ivrea, 2001 : Cette Ă©dition comporte la traduction française de J. Gohory (1571), le fac-similĂ© de l'Ă©dition originale italienne Blado (1532), et la traduction française de Amelot de la Houssaie (1683).
  • Machiavel, Le Prince, traduction française de Jean Vincent PĂ©riĂšs, 1825 :
  • Il existe une Ă©dition de Jean de Bonnot du livre avec les commentaires de NapolĂ©on Bonaparte, Ă  diffĂ©rents moments de sa vie. Ces commentaires ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans le carrosse de l'empereur, pillĂ© par les Prussiens Ă  la bataille de Waterloo.
  • Patrick Boucheron, LĂ©onard et Machiavel, Lagrasse, Éditions Verdier, , 160 p. (ISBN 978-2-86432-547-5).
  • Machiavel, Lettre Ă  Vettori du [94] - [95].
  • Claude Lefort, Le travail de l'Ɠuvre Machiavel, Paris, Gallimard, coll. « TEL », (1re Ă©d. 1972), 782 p. (ISBN 978-2-07-070563-4).
  • Michel BergĂšs, Machiavel, un penseur masquĂ© ?, Bruxelles, Complexe, coll. « ThĂ©orie politique », , 360 p. (lire en ligne).
  • Augustin Renaudet, Machiavel : Étude d'histoire des doctrines politiques, Paris, Gallimard, , 320 p. (lire en ligne).
  • Eugenio Garin (trad. de l'italien par Filippo del Lucchese et FrĂ©dĂ©ric Gabriel), Machiavel entre politique et histoire [« Machiavelli fra politica e storia »], Paris, Allia, (rĂ©impr. 1993) (1re Ă©d. 1992), 112 p. (ISBN 2-84485-205-X, lire en ligne).
  • (en) Robert Bireley, The Counter-Reformation prince : anti-machiavellianism or Catholic statecraft in Early modern Europe, Chapel Hill, University of North Carolina Press, , 309 p. (ISBN 978-0-8078-1925-8 et 0807819255).
  • Rosanna Gorris Camos, « Dans le labyrinthe de Gohory, lecteur et traducteur de Machiavel », Laboratoire italien. Politique et sociĂ©tĂ©, ENS Éditions, no 8 « GĂ©ographie et politique au dĂ©but de l’ñge moderne »,‎ (ISBN 978-2-84788-146-2, ISSN 1627-9204, lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Innocent Gentillet, Discours sur les moyens de bien gouverner, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1576) (lire en ligne).
  • (en) Christopher Rawlence, The Missing Reel : The Untold Story of the Lost Inventor of Moving Pictures, New York, Athenum Publishers, , 306 p. (ISBN 978-0-689-12068-8).

Références

  1. (it) Massimo Firpo, « Quel Machiavelli non mi convince », Il Sole 24 ore,‎ (lire en ligne)
  2. (it) Massimo Firpo, « Quel Machiavelli non mi convince », Il Sole 24 ore,‎ (lire en ligne)
  3. « Drouot.com », sur drouot.com (consulté le ).
  4. M. BergĂšs, Introduction : le mystĂšre Machiavel, PremiĂšre Ă©nigme : l'homme, le contexte et l'Ɠuvre, Le fonctionnaire florentin, Le secrĂ©taire de la RĂ©publique (1498-1512), p. 18.
  5. M. BergĂšs, Introduction : le mystĂšre Machiavel, PremiĂšre Ă©nigme : l'homme, le contexte et l'Ɠuvre, Le fonctionnaire florentin, Épuration et crĂ©ation compensatoire (1512-1520).
  6. Lettre Ă  Vettori, p. 5.
  7. « je m'amuse encore à l'augmenter et à le polir », lettre à Vettori, p. 5.
  8. C. Bec, Introduction, p. 22.
  9. C. Bec, Introduction, p. 24.
  10. Notice de l'incunable sur le site de la bibliothĂšque Sainte-GeneviĂšve
  11. « Il s’arrĂȘte soudainement, pour rĂ©diger un opuscule de quatre-vingts pages dont il aurait eu l’intuition en cultivant un champ », M. BergĂšs, p. 20.
  12. C. Lefort, Le travail de l'Ɠuvre, Machiavel, p. 315-326.
  13. Lettre Ă  Vettori, page 6.
  14. Tableau des choses de France, Rapport sur les choses d'Allemagne, Comment traiter les populations révoltées du Val di Chiana, etc. .
  15. Le Prince, dédicace.
  16. H. Baron, The Principe and the puzzle of the date of the Discorsi, in BibliothĂšque d'Humanisme et Renaissance XVIII, Droz, GenĂšve, 1956, p. 405-428.
  17. « Je ne traiterai point ici des rĂ©publiques, car j’en ai parlĂ© amplement ailleurs », Le Prince, chap. 2.
  18. Le Prince, Machiavel, traduction de Gohory chez Gallimard, 1980.
  19. Chez Machiavel, « défaite de Vailà ». C. Bec, p. 344, note 4, nous apprend qu'il s'agit d'Agnadello.
  20. Machiavel cite « un prince qu’il ne convient pas de nommer » ; le voile est levĂ© chez C. Lefort, p. 342.
  21. Machiavel parle de « persécuter les Maures » ; explicité par C. Bec, p. 410, note 2.
  22. Comme le relĂšve C. Bec, p. 412, note 3, Machiavel cite ici de mĂ©moire Tite-Live, qui prĂȘte en fait cette rĂ©plique Ă  l'ambassadeur romain Quinctius : « ce conseil qu'on vous donne de ne pas prendre part Ă  la guerre, est tout ce qu'il y a de plus contraire Ă  vos intĂ©rĂȘts. Sans armes, sans considĂ©ration, vous tomberez au pouvoir du vainqueur. », Histoire romaine [dĂ©tail des Ă©ditions] [lire en ligne], XXXV, 49.
  23. Son nom n'est pas cité explicitement ; cf. C. Bec, p. 436.
  24. Citation de Tite-Live : « iustum enim est bellum quibus necessarium, et pia arma ubi nulla nisi in armis spes est », Histoire romaine [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 1.
  25. (it) PĂ©trarque, Canzone Italia mia, v. 93-96 [lire en ligne].
  26. « La République de Platon : le résumé », sur www.les-philosophes.fr (consulté le )
  27. « Wikiwix's cache », sur archive.wikiwix.com (consulté le )
  28. Catalån Galån et José Lola, El Papa Borgia (lire en ligne)
  29. Eugenio Garin 2006, p. 53
  30. Myriam Giargia, « Machiavel dans la correspondance de Rousseau », sur academia.edu
  31. Voir Ph. Pettit, Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, trad. de l'angl. par Jean-Fabien Spitz et Patrick Savidan, Paris, Gallimard, 2004 ; « The Republican Idea of Liberty », in Machiavelli and Republicanism, éd. Bock G., Skinner Q. et Viroli M., Cambridge University Press, Cambridge, 1990.
  32. Maurizio Viroli, « Républicanisme, libéralisme et communautarisme », sur revue-klesis.org,
  33. Robert Bireley 1990, p. 14
  34. Rosanna Gorris Camos, « Un opuscolo de principatibus » : traduire Il Principe
  35. « I found this type of book to be written by an enemy of the human race. It explains every means whereby religion, justice and any inclination toward virtue could be destroyed » [Dwyer, p. xxiii]. Voir aussi cette citation dans Raimondo Spiazzi, Enciclopedia del pensiero sociale cristiano, (lire en ligne), p. 300.
  36. A. F. Artaud, Machiavel. Son génie et ses erreurs, p. 292.
  37. Nicolaus Macchiauellus figure Ă  la lettre N parmi les « auteurs dont tous les livres et les Ă©crits sont interdits » (« Auctores quorĂș libri, & scripta omnia prohibentur ») de l’Index Librorum Prohibitorum de 1559 [lire en ligne].
  38. Cf. mention analogue de Nicolaus Macchiavelus dans l’Index de 1564 de Colonia [lire en ligne].
  39. « Et quant Ă  la diversitĂ© du gouvernement ancien (qui estoit reiglĂ© en ensuivant les traces, façons & coutumes de nos ancestres) avec le moderne fondĂ© sur la doctrine de Machiavel, elle se void bien clairement par les fruicts et effects qui en sortent. Car par le gouvernement ancien & François, le Royaume estoit maintenu en paix & tranquillitĂ© sous l’observation des anciennes loix, sans guerre domestique florissant & jouissant du libre commerce ; & les sujets estoyent maintenus en la jouissance de leurs biens, estats, franchises, & libertez. Mais maintenant par le gouvernement Italien & moderne les bonnes & anciennes loix du royaume sont abolies & aneanties, les guerres cruelles sont entretenues en France, les paix toujours rompues, le peuple ruinĂ© & mangĂ©, le commerce aneanty. », Innocent Gentillet 1579, prĂ©face Ă  la Ire partie, « Du conseil que doit tenir un prince », p. 11
  40. « aussi familiers & ordinaires en mains des Courtisans, comme le breviaire es mains d'un Curé de village », Innocent Gentillet 1579, préface à la Ire partie, « Du conseil que doit tenir un prince »
  41. « ne sont-cas pas Machiavelistes (Italiens ou Italianisez) qui manient les seaux de la France », Innocent Gentillet 1579, préface à la Ire partie, « Du conseil que doit tenir un prince »
  42. Friedrich Meinecke (trad. Maurice Chevallier), L’idĂ©e de la raison d'État dans l'histoire des temps modernes [« Die Idee der StaatsrĂ€son in der modernen Geschichte »], GenĂšve, Droz, coll. « BibliothĂšque des LumiĂšres » (no 23), , 397 p., 15,2 cm × 22,2 cm (ISBN 2-600-03967-8 et 978-2600039673, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne), p. 55
  43. Innocent Gentillet 1579, IIe partie, « De la religion que doit tenir un prince »
  44. « Les discours de Machiavel, pour exemple, estoient assez solides pour le subject, si y a-il eu grand aisance à les combattre; et ceux qui l'ont faict, n'ont pas laissé moins de facilité à combatre les leurs. Il s'y trouveroit tousjours, à un tel argument, dequoy y fournir responses, dupliques, repliques, tripliques, quadrupliques, et cette infinie contexture de debats que nostre chicane a alongé tant qu'elle a peu en faveur des procez, Caedimur, et totidem plagis consumimus hostem, les raisons n'y ayant guere autre fondement que l'experience, et la diversité des evenements humains nous presentant infinis exemples à toute sorte de formes. ». Montaigne, Essais, II, 17, [lire en ligne].
  45. « On recite de plusieurs chefs de guerre, qu'ils ont eu certains livres en particuliere recommandation: comme le grand Alexandre, Homere: Scipion l'Aphricain, Xenophon; Marcus Brutus, Polybius; Charles cinquiesme, Philippe de Comines; et dit-on, de ce temps, que Machiavel est encores ailleurs en credit ». Montaigne, Essais, II, 34 [lire en ligne].
  46. (fr + it) Le Prince (lire en ligne), chap. 18.
  47. « Ceux qui, de nostre temps, ont considĂ©rĂ©, en l’establissement du devoir d'un prince, le bien de ses affaires seulement, et l'ont preferĂ© au soin de sa foy et conscience, diroyent quelque chose Ă  un prince de qui la fortune auroit rangĂ© Ă  tel point les affaires que pour tout jamais il les peut establir par un seul manquement et faute Ă  sa parole. Mais il n'en va pas ainsi. On rechoit souvent en pareil marchĂ©; on faict plus d'une paix, plus d'un traittĂ© en sa vie. Le gain qui les convie Ă  la premiere desloyautĂ© (et quasi toujours il s'en presente comme Ă  toutes autres meschancetez: les sacrileges, les meurtres, les rebellions, les trahisons s'entreprenent pour quelque espece de fruit), mais ce premier gain apporte infinis dommages suivants, jettant ce prince hors de tout commerce et de tout moyen de negotiation par l'exemple de cette infidelitĂ©. », Essais, [lire en ligne]
  48. Pierre Status, Le rĂ©el et la joie. Essai sur l'Ɠuvre de Montaigne, Ă©d. KimĂ©, 1997 [lire en ligne].
  49. « For, as the fable goeth of the basilisk - that if he see you first, you die for it; but if you see him first, he dieth - so is it with deceits and evil arts, which, if they be first espied they leese their life; but if they prevent, they endanger. So that we are much beholden to Machiavel and others, that write what men do, and not what they ought to do. » Francis Bacon, Du progrÚs et de la promotion des savoirs, liv. II, XXI, 9 [(en) lire en ligne]
  50. Article : Spinoza et le « trÚs pénétrant florentin », Paolo Cristofolini, introduction, http://denis-collin.viabloga.com/news/spinoza-et-le-tres-penetrant-florentin
  51. Article : Descartes politiquement incorrect, Pierre Guenancia, http://www.itereva.pf/disciplines/philo/auteurs/Descartes/Descartes%20politique.htm
  52. Descartes, lettre à la princesse Élisabeth, Egmond, septembre 1646 [lire en ligne].
  53. « la justice entre les souverains a d'autres limites qu'entre les particuliers, et il semble qu'en ces rencontres Dieu donne le droit à ceux auxquels il donne la force »
  54. Spinoza, Traité politique, 1677, chap. V, 7 [lire en ligne].
  55. Spinoza et le trÚs pénétrant florentin, P. Cristofolini, 3. Machiavel homme sage
  56. « S'il s'en est proposĂ© une bonne ainsi qu'il est Ă  espĂ©rer d'un homme sage, ce semble ĂȘtre de montrer de quelle imprudence la masse fait preuve alors qu'elle supprime un tyran, tandis qu'elle ne peut supprimer les causes qui font qu'un Prince devient un tyran, mais qu'au contraire, plus le Prince a de sujets de crainte, plus il y a de causes propres Ă  faire de lui un tyran, ainsi qu'il arrive quand la multitude fait du Prince un exemple et glorifie un attentat contre le souverain comme un haut fait. »
  57. « Peut ĂȘtre Machiavel a-t-il voulu montrer aussi combien la population doit se garder de s'en remettre de son salut Ă  un seul homme qui, s'il n'est pas vain au point de se croire capable de plaire Ă  tous, devra constamment craindre quelque embĂ»che et par lĂ  se trouve contraint de veiller surtout Ă  son propre salut et au contraire de tendre des piĂšges Ă  la population plutĂŽt que de veiller sur elle. Et je suis d'autant plus disposĂ© Ă  juger ainsi de ce trĂšs habile auteur qu'on s'accorde Ă  le tenir pour un partisan constant de la libertĂ© et que, sur la façon dont il faut la conserver, il a donnĂ© des avis trĂšs salutaires. »
  58. ƒuvres de FrĂ©dĂ©ric le Grand, Avertissement de l'Ă©diteur, « IV. L'ANTIMACHIAVEL, OU EXAMEN DU PRINCE DE MACHIAVEL, ET RÉFUTATION DU PRINCE DE MACHIAVEL. », [lire en ligne].
  59. « Le Prince de Machiavel est en fait de morale ce qu'est l'ouvrage de Benoßt Spinoza en matiÚre de foi : Spinoza sapa les fondements de la foi, et ne tendait pas moins qu'à renverser toute la religion; Machiavel corrompit la politique, et entreprenait de détruire les préceptes de la saine morale. », Anti-Machiavel, Avant-propos, [lire en ligne].
  60. « comme il est trĂšs-facile qu'un jeune homme ambitieux, et dont le cƓur et le jugement n'est pas assez formĂ© pour distinguer le bon du mauvais, soit corrompu par des maximes qui flattent ses passions impĂ©tueuses, on doit regarder tout livre qui peut y contribuer comme absolument pernicieux et contraire au bien des hommes. », Anti-Machiavel, Avant-propos.
  61. « j'ai hasardé mes réflexions sur le Prince de Machiavel chapitre à chapitre, afin que l'antidote se trouve immédiatement auprÚs du poison. », Anti-Machiavel, Avant-propos.
  62. « Rien ne peut Ă©galer l'effronterie avec laquelle ce politique abominable enseigne les crimes les plus affreux. Selon sa façon de penser, les actions les plus injustes et les plus atroces deviennent lĂ©gitimes lorsqu'elles ont l'intĂ©rĂȘt ou l'ambition pour but. », FrĂ©dĂ©ric II, Anti-Machiavel, Chap. I, [lire en ligne].
  63. « S'il est mauvais de sĂ©duire l’innocence d'un particulier, qui n'influe que lĂ©gĂšrement sur les affaires du monde, il l'est d'autant plus de pervertir des princes qui doivent gouverner des peuples, administrer la justice et en donner l'exemple Ă  leurs sujets, ĂȘtre, par leur bontĂ©, par leur magnanimitĂ© et leur misĂ©ricorde, l'image vivante de la DivinitĂ©, et qui doivent moins ĂȘtre rois par leur grandeur et par leur puissance que par leurs qualitĂ©s personnelles et par leurs vertus. », FrĂ©dĂ©ric II, Anti-Machiavel, Avant-propos.
  64. (fr + it) Le Prince (lire en ligne), chap. 5.
  65. « Si jamais Machiavel a renoncĂ© Ă  la raison, si jamais il a pensĂ© d'une maniĂšre indigne de son ĂȘtre, c'est dans ce chapitre », Anti-Machiavel, chap. V, [lire en ligne].
  66. « Pourquoi conquĂ©rir cette rĂ©publique, pourquoi mettre tout le genre humain aux fers, pourquoi rĂ©duire Ă  l'esclavage des hommes libres ? Pour manifester votre injustice et votre mĂ©chancetĂ© Ă  toute la terre, et pour dĂ©tourner Ă  votre intĂ©rĂȘt un pouvoir qui devait faire le bonheur des citoyens [
]. »
  67. « Sans tous les secours de la religion et de la morale, on peut confondre Machiavel par lui-mĂȘme, par cet intĂ©rĂȘt, l'Ăąme de son livre, ce dieu de la politique et du crime, le seul dieu qu'il adore. », [lire en ligne].
  68. « Vous dites, Machiavel, qu'un prince doit dĂ©truire un pays libre nouvellement conquis, pour le possĂ©der plus sĂ»rement; mais rĂ©pondez-moi : Ă  quelle fin a-t-il entrepris cette conquĂȘte? Vous me direz que c'est pour augmenter sa puissance et pour se rendre plus formidable. C'est ce que je voulais entendre, pour vous prouver qu'en suivant vos maximes, il fait tout le contraire; car il se ruine en faisant cette conquĂȘte, et il ruine ensuite l'unique pays qui pouvait le dĂ©dommager de ses pertes. », [lire en ligne].
  69. « Bacon le chancelier ne s'y est pas trompé, lui, lorsqu'il a dit: cet homme n'apprend rien aux tyrans. ils ne savent que trop bien ce qu'ils ont à faire, mais il instruit les peuples de ce qu'ils ont à redouter. Est quod gratias agamus Machiavello & hujus modi scriptoribus, qui apertÚ & indissimulanter proferunt quod homines facere soleant, non quod debeant. » (La phrase correspond au passage de la Promotion des savoirs cité plus haut en note.
  70. Sur la date de publication, voir article : Dates de publication de l'encyclopédie, [lire en ligne].
  71. Diderot, Encyclopédie, 1re édition, tome 9, décembre 1755, [lire en ligne]
  72. « J’avoue que, supposant les sujets toujours parfaitement soumis, l’intĂ©rĂȘt du Prince seroit alors que le peuple fut puissant, afin que cette puissance Ă©tant sienne le rendit rĂ©doutable Ă  ses voisins ; mais comme cet intĂ©rĂȘt n’est que secondaire & subordonnĂ©, & que les deux suppositions sont incompatibles, il est naturel que les Princes donnent toujours la prĂ©fĂ©rence Ă  la maxime qui leur est le plus immĂ©diatement utile. C’est ce que SamuĂ«l reprĂ©sentoit fortement aux HĂ©breux ; c’est ce que Machiavel a fait voir avec Ă©vidence. »
  73. J.-J. Rousseau, Du contrat social, 1762, partie III, chap. VI « Des monarchies », [lire en ligne]
  74. Article : [lire en ligne]
  75. Henri Drei, La vertu et la politique : Machiavel et Montesquieu, p. 29–30, [lire en ligne].
  76. Michel BergĂšs, p. 238, note 370.
  77. Ugo Foscolo, Sepulcri, v. 151-159, [(it) lire en ligne].
  78. (fr + it) Le Prince (lire en ligne), chap. 26
  79. C. Lefort, « Le nom et la représentation de Machiavel », p. 108.
  80. D'autres auteurs italiens pratiquent Ă  l'Ă©poque le mĂȘme retour au sens patriotique du Prince. Voir par exemple A. Ridolfi, Pensiero intorno allo scopo di NiccolĂČ Macchiavelli nel Principe, Milan, 1810.
  81. Fichte publie l'essai cité ci-aprÚs dans Vesta, revue fondée en 1807 en résistance à l'occupation impériale de la Prusse, cf. Virginia LopÚz-Dominguez, « Le réalisme politique dans la doctrine de la science », in Fichte et la politique, sous la direction de J.-C. Godard et J. R. de Rosales, [lire en ligne] (fiche en ligne).
  82. Johann Gottlieb Fichte, Über Machiavelli als Schriftsteller und Stellen aus seinen Schriften, 1807, in Vesta, no 1.
  83. Voir par ex. Über Machiavelli, GA, I, 9, 254 (M 70, note), GA, I, 9, 259 (M 75) (se rĂ©fĂ©rant sur la neutralitĂ© Ă  (fr + it) Le Prince (lire en ligne), chap. 21) ou GA, I, 9, 264 (M 78-79) (citant (fr + it) Le Prince (lire en ligne), chap. 25), citĂ©s dans les textes de Fichte Lettres et tĂ©moignages sur la RĂ©volution française, compilĂ©s par Ives Radrizzani, Vrin, 2002, [lire en ligne].
  84. Ives Radrizzani, op. cit., préface, « Un nouveau Machiavel au service de la monarchie prussienne », p. 19, [lire en ligne]
  85. Hegel, Über die Verfassung Deutschlands, 1801-1802, II, 8 (« La formation des États nationaux »), [(en) lire en ligne]
  86. « Mit Deutschland hat Italien denselben Gand des Schicksals gemeinschaftlich gehabt, nur dass Italien, weil in ihm schon grĂ¶ĂŸere Bildung lag, sein Schicksal frĂŒher der Entwicklung zufĂŒhrte, der Deutschland vollends entgegengeht. »
  87. « Even Machiavelli’s basic aim of raising Italy to statehood is misconstrued by those who are short-sighted enough to regard his work as no more than a foundation for tyranny or a golden mirror for an ambitious oppressor. »
  88. « But apart from this, the more astute public, which could not fall to notice the genius of Machiavelli’s works yet was too morally inclined to approve of his principles, nevertheless wished, in a well-meaning way, to rescue him [from his detractors]. It accordingly resolved the contradiction honourably and subtly enough by maintaining that Machiavelli was not serious in what he said, and that his entire work was a subtle and ironic persiflage. One can only compliment this irony-seeking public on its ingenuity. »
  89. « One must study the history of the centuries before Machiavelli and of Italy during his times, and then read The Prince in the light of these impressions, and it will appear not only as justified, but as a distinguished and truthful conception produced by a genuinely political mind of the highest and noblest sentiments. »
  90. « Machiavelli’s work remains a major testimony to his age, and to his own belief that the fate of a people which rapidly approaches political destruction can be averted by a genius. »
  91. « How thoroughly equitable in the view of social morality such a subjugation was, is evident from Machiavelli’s celebrated work “The Prince.” This book has often been thrown aside in disgust, as replete with the maxims of the most revolting tyranny; but nothing worse can be urged against it than that the writer, having the profound consciousness of the necessity for the formation of a State, has here exhibited the principles on which alone states could be founded in the circumstances of the times. The chiefs who asserted an isolated independence, and the power they arrogated, must be entirely subdued; and though we cannot reconcile with our idea of Freedom, the means which he proposes as the only efficient ones, and regards as perfectly justifiable – inasmuch as they involve the most reckless violence, all kinds of deception, assassination, and so forth – we must nevertheless confess that the feudal nobility, whose power was to be subdued, were assailable in no other way, since an indomitable contempt for principle, and an utter depravity of morals, were thoroughly engrained in them. », Hegel, Vorlesungen ĂŒber die Philosophie der Weltgeschichte, 1830-31, partie IV — « Le monde allemand », section II — « Moyen Âge », chap. III — « Transition du fĂ©odalisme Ă  la monarchie », [(en) lire en ligne]
  92. Les textes sont par exemple disponibles ici : (troisiĂšme partie, II).
  93. Voir Louis Althusser, Écrits politiques et philosophiques, tome II, STOCK/IMEC, prĂ©sentĂ© par François Matheron, texte « Machiavel et nous ».
  94. Jean-Marie Tremblay, « Machiavel, Lettre à Francesco Vettori », sur classiques.uqac.ca, (consulté le )
  95. « Machiavel et les anciens - La lettre à Vettoni du 10 Décembre 1513 », sur www.canal-u.tv (consulté le )

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