Le Passais
Le Passais ou pays de Passais est un pays de Normandie typique du bocage normand, situées aux confins de la Normandie, du Maine et de la Bretagne.
Passais | |
Pays | France |
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Subdivision administrative | Normandie |
Subdivision administrative | Orne |
Villes principales | Domfront en Poiraie, La Ferté Macé |
Superficie approximative | 900 km2 |
Géologie | Massif armoricain granite cadomien grès primaire ordovicien schiste précambrien |
Relief | 50-350 m |
Production | cidre, poiré, élevage bovin, Thermalisme, Écotourisme |
Communes | 40 |
Population totale | 35 000 hab. (2020) |
RĂ©gions naturelles voisines |
Avranchin , Pays d'Houlme, Bas-Maine. |
Localisation | |
Localisation du Passais. |
Situation-Communes
Le Passais est une zone frontière entre la Normandie et le Maine, aujourd'hui entre les départements de l'Orne et de la Mayenne. Il n'a jamais existé de délimitations bien établies et c'est justement ce qui caractérise cette région.
On peut cependant considérer que le Pays de Passais qualifié de normand, qui ne constitue pas l'intégralité du Passais, s'étend sur le territoire autrefois dépendant du diocèse du Maine et dépendant maintenant du diocèse de Séez depuis la révolution [1]. Une particularité de certaines de ses communes était l'existence de paroisses mixtes, dont une partie était dans le Maine et l'autre en Normandie. Même après la Révolution les communes mixtes ont subsisté jusqu'en 1830, ce qui montre bien le caractère incertain de la frontière sud de cette région.
Plus que le découpage administratif, c'est peut-être le contexte géographique qui définit le mieux la région du Passais. Enclavée entre la rivière de la Mayenne et les collines de Normandie, cette région vallonnée était autrefois couverte de landes et de forêts, et donc isolée et peu peuplée; d'où les toponymes fréquents de "désert", "sauvage", "lande", "marais"...
- On peut cependant fixer la frontière ouest, au Mortainais[2] ou Avranchin, région correspondant aux bassins versants de la Sélune et de la Sée. Ces limites peuvent aussi être fixées par divers cours d'eau : la Colmont, la Souce, l'Egrenne, et aussi par les haies en masse de terre: les haies de la Chiffetière près Leluardière, et de Rouellé [3].
- Au nord, par les collines de Normandie qui définissent la ligne de partage des eaux entre Manche et Atlantique, ce qui correspond à la frontière avec le pays du Houlme dont Argentan est le chef-lieu, et qui formait l'un des cinq archidiaconés du diocèse de Séez au XIIe siècle [3].
- Et la limite sud est celle avec le Bas-Maine; cette frontière étant la plus incertaine car changeante selon les époques et le contexte historique.
À partir du XIIe siècle, on peut considérer que la "capitale" historique du Passais est Domfront, siège du pouvoir local avec sa forteresse, alors que la baronnie de La Ferté Macé tient la seconde place (contrairement à aujourd'hui). Mais avant cette époque Ceaucé a pu être la principale ville, et encore plus tardivement, au Ier siècle, la première implantation urbaine a pu être à Loré[4].
Subdivision Sud-Ouest du Houlme
Bien que les frontière ne soient pas clairement délimitées, et variables selon les époques, sur la frontière sud on peut inclure les communes suivantes: Mantilly, Lesbois, L'Épinay-le-Comte, Vaucé, Passais-la-Conception, Saint-Siméon, Saint-Fraimbault, Ceaucé, Melleray-la-Vallée, Loré, Sept-Forges, Rennes-en-Grenouilles, Le Housseau, Brétignolles, Etrigée, Saint-Denis-de-Villenette, Geneslay, Haleine, Couterne, Madré, Neuilly-le-Vendin.
Sur la frontière nord: Lonlay-l'Abbaye, Saint-Bomer, Dompierre, Banvou, (Le Châtellier,) La Ferrière-aux-Étangs, Beauvain,
Sur la frontière ouest on trouve: Rouellé, Saint-Roch-sur-Égrenne/Saint-Jacques-en-la-Brasse, Saint-Mars-d'Égrenne; auxquels on pourrait aussi ajouter Saint-Georges-de-Rouelley.
A l'est La Ferté Macé, Antoigny, Magny-le-Désert, La Motte-Fouquet, Saint-Patrice-du-Désert, La Coulonche, La sauvagère, Saint-Maurice-du-désert, (+Saint-Michel-des-Andaines), Saint-Ouen-le-Brisoult, Méhoudin, Neuilly-le-Vendin.
Et enfin au cœur du pays de Passais: Domfront, Notre-Dame-sur-l'Eau, Saint-Front, La Haute-Chapelle, Champsecret, Saint-Gilles-des-Marais, Saint-Brice, Lucé, Beaulandais, Juvigny, Torchamp, Avrilly, La Baroche-sous-Lucé, La Chapelle-Moche, Tessé, (+ Tessé-la-Madeleine, Bagnoles-de-l'Orne)
Certaines sources certifient que Lonlay-le-Tesson, et Briouze ne sont pas considérés comme faisant partie du Passais, mais du Houlme.
L'archidiaconé de Passais
Dans une vision plus étendue du territoire couvert par le Passais on pourrait aussi y intégrer tout ou partie des communes de l'archidiaconé de Passais (148 paroisses) avec ses doyennés [5]:
- du Passais en Normandie: coïncide globalement à la partie sud-ouest du Houlme correspondant au Passais actuel, déjà évoqué précédemment.
- du Passais au Maine: Ambrières, Brecé, Couesmes, Vaucé, Cigné, Desertines, Vieuvy, Saint-Aubin-Fosse-Louvain, Gorron, Hercé, Saint-Mars-sur-Colmont, Grand-Oisseau, Le Pas, Soucé. (dont font également partie les paroisses suivantes déjà mentionnées comme faisant partie du Houlme en Normandie: Avrilly, Ceaucé, Saint-Fraimbault-sur-Pisse, Loré, LesBois, L'Epinai-le-Comte)
- de la Roche-Mabille: La Ferté Macé, Antoigny, Magny-le-Désert, La Motte-Fouquet, Saint-Patrice-du-Désert, La Coulonche, La sauvagère, Saint-Maurice-du-désert, (+Saint-Michel-des-Andaines), Saint-Ouen-le-Brisoult, Méhoudin, Neuilly-le-Vendin; déjà mentionnées comme faisant partie du sud du Houlme; auxquelles ont peut y ajouter Linières-la-Doucelle, Orgères, La Pallu, Saint-Samson (mais dont les paroisses suivantes font plutôt partie de la région d'Alençon: La Roche-Mabille, La Lacelle, Cirail, Gandelain, Saint-Ellier, Champfrémont, La Pooté-des-Nids, Ravigny, Boulai)
- de Lassay: Lassay, La Baroche-Gondouin, Chantrigné, Courberie, Saint-Fraimbault-de-Lassay, Saint-Julien-du-Terroux, Sainte-Marie-du-Bois, Niort, Thubœuf, Madré (dont font également partie les paroisses suivantes déjà mentionnées comme faisant partie du Houlme en Normandie: Melleray, Le Housseau, Brétignolles, Rennes)
- de Javron: Saint-Calais-du-Désert, Saint-Aignan, Pré-en-Pail, Chevaigné, Javron, Les Chapelles, Saint-Cyr-en-Pail, Charchigné, Saint-Loup-du-Gast, Montreuil-du-Gast, Poulay, Le Horps, Le Ribay, Le Ham, Villepail, Saint-Fraimbault-de-Prières (et on été mises de côté les paroisses sud de : Hardange, Villaine-la-Juhel, La Chapelle-au-Riboul, Jublains, St-Aubin-du-Désert., Averton, Champéon, Marcillé, Courcité, Cranne-sur-Fraubé, Loufougères, Saint-Martin-de-Mayenne, Grazai, Saint-Thomas de Courcériers)
- et de Sillé: ce dernier doyenné, de par sa distance éloignée du centre du Passais localisé sur Ceaucé, son inclusion est peu probable.
Seules les paroisses du bassin versant de la rivière de la Mayenne au nord de la ville de Mayenne ont été retenues; ce critère de sélection est discutable, mais cohérent avec une pénétration des territoires isolés qui se faisaient principalement en suivant les rivières aux époques reculées.
Hydrographie
Le synclinal hercynien des Andaines est traversé par les cluses de:
- la Varenne à Domfront, qui rejoint la Mayenne à Ambrières et dont les principaux affluents sont:
- l'Egrenne, le plus important, avec pour affluent la Sonce qui traverse la Fosse Arthour,
- la Pisse,
- la Halouze
- l'Andainette
- la VĂ©e Ă Bagnoles-de-l'Orne,
- la Gourbe dans les gorges de Villiers, avec pour affluent la Maure qui traverse La Ferté Macé.
Et aussi à la frontière du Passais:
- la Colmont.
Ces cluses ont certainement servi de passage entre Maine et Normandie à travers ces terres inhospitalières[6] - [7].
Toponymie
Au Moyen Âge Passais pouvait s'écrire Passaium, Passeium, Passeia (1048)[Note 1], Passayum, Passeyum; tous ces noms abrégés du terme Passagium ce qui signifie Passage (Passus), dans le sens de traversée. On trouve parfois mais plus rarement Pisseium et aussi Pissaye (1621) ou Pissais. Cette région de forêt et de landes peu peuplée était en effet un point de passage, une sorte de frontière, entre Normandie, Maine et Bretagne[Note 2]. La voie reliant les deux citées gallo-romaines de Jublains et de Vieux traversait cette région, en suivant les vallées de la Mayenne, puis de la Varenne [8].
D'autres sources moins fiables posent l'hypothèse que Passais serait un homophone de Pacé lui-même anthroponyme roman de Paccius[9].
Ou encore que la région qui s'écrit aussi Pissais tirerait son nom de la rivière de la Pisse qui la traverse; à moins que ce ne soit l'inverse[10].
C'est au XIIe siècle, après la conquête normande de 1049, qu'apparaît officiellement le nom de Passais dans la Chronique de Normandie, Robert Wace, et dans Benoit de Saint-Maure [11].
Histoire
Le Passais n'a jamais eu d'existence politique, juridique ou administrative propre mais correspond plutôt à une zone culturelle et géographique constituant une zone tampon entre la Normandie et le Bas-Maine.
Antiquité
De cette période il reste peu de traces, si ce n'est quelques indices qui permettent de penser qu'une voie romaine reliant les deux citées gallo-romaines de Jublains (capitale des Diablintes) et de Vieux (capitale des Viducasses) traversait la région. Quelques traces archéologiques comme des monnaies romaines ont notamment été trouvées au lieu-dit du Gué de Loré où cette voie traversait la Mayenne; Loré pourrait ainsi être le plus ancien site urbain du Passais datant du Ier siècle [12] [13]. Le village de Loré aurait ensuite disparu avant le Ve siècle alors que la ville de Javron se serait développée vers le VIe siècle[4]. Cette voie aurait suivi le parcours suivant: Loré, Ceaucé, Saint-Brice, Domfront, Lonlay-l'Abbaye, Beauchêne, Tinchebray; et/ou Domfront, Saint-Bômer, Cerisy-Belle-Étoile (ces villages n'existaient bien sûr pas encore à l'époque)[14].
Une autre voie secondaire nord-sud entre Vieux et Jublains semble avoir existé sur un axe Briouze-La Ferté Macé et/ou La Coulonche-La Ferté Macé traversant la Mayenne entre Haleine et Méhoudin (au Gué de Corberie à Couterne ?) [15] - [16] - [17] - [14] - [18] - [19] - [20].
Enfin une voie est-ouest, sur une ligne Avranches-Domfront-Bagnoles, permettant de rejoindre la côte devait également traverser la région par les crètes, évitant ainsi les landes et marais nombreux dans cette région[21].
De plus au sud, existait une voie Jublains-Avranches qui devait traverser la Mayenne au nord de la ville de Mayenne au Gué Saint-Léonard et passer ensuite par Goron[21] - [22].
Toutes ces voies avaient pour principal rôle d'amener les ressources de la Manche et surtout de l'île de Bretagne vers le reste de l'empire.
Le Pagus Cenomanicus, composé de la cité des Cénomans, de la cité des Diablintes et du territoire des Arviens (Saulges ?), formait sous les Romains un seul gouvernement. Le Passais correspond pratiquement aux limites de la cité des Diablintes. Selon le découpage de Constantin vers 320, ce pagus Cenomanicus était l'une des quatre circonscriptions de la Lyonnaise troisième dont la capitale était Tours, et dont l'ancien Diocèse du Mans reprend les frontières.
Le premier magistrat aurait été un certain "Defensor" (probablement Defensor civitatis [23]), qualifié de "prince". Au IVe siècle, selon les actes des évêques, il aurait accueilli avec bienveillance Saint Julien et lui aurait fait don de plusieurs domaines [24].
Un temple dédié à Cérès, où les habitants des environs s'assemblaient pour célébrer les fêtes de cette déesse, aurait préexisté à l'emplacement de la ville de Domfront [25].
Haut Moyen Ă‚ge
La fin de l'empire romain est une période troublée mais loin de soumettre la région au chaos et à la destructions; cependant l'absence d'évêque dans la civitas de Jublain montre son déclin, probablement dû à l'arrêt des échanges commerciaux transitant par les voies romaines la traversant. Jusqu'en 486, date de la victoire de Clovis sur le général Syagrius, la région entre Seine et Loire reste sous administration romaine. Vers 500, la région deviens une région frontière, plus tard dénommé la Marche de Bretagne [26].
Au début du VIe siècle, cette région isolée restée sauvage n'est pas encore très évangélisée; dans les campagnes les cultes aux divinités païennes romaines voire plus anciennes liées aux forces de la nature sont encore vivaces. C'est pour cette raison que parallèlement à la christianisation des citées, prérogative des évêques, se met en place une christianisation des campagnes isolées comme le Passais, confiée aux ermites [27]. Des motivations politiques sont peut-être également à l'œuvre, car si les tous premiers évêques sont de basses extraction et motivés par la foi, leurs successeurs sont issus de l'élite dirigeante motivés par le gain et le pouvoir et se désintéressent des campagnes peu peuplées et difficiles d'accès [27]. Le pouvoir central y voit peut-être un risque de perte d'autorité et de légitimité sur ces territoires proche de la frontière bretonne, et encourage ce que l'on pourrait appeler une politique de "colonisation" de ces campagnes dépeuplées.
L'évêque du Mans, saint Innocent (486-542), envoie alors dans le Passais de nombreux ermites missionnaires, originaires pour la plupart de l'Aquitaine et de l'Auvergne, et venus pour certains du célèbre monastère mérovingien de Micy dans le diocèse d'Orléans. Parmi les plus illustres on note: saint Front, saint Almire ou Almer (Grez- en-Bouere), saint Auvieu, Alvée ou alveus , saint Bômer ou Boamald, saint Ernier, Erinée ou Ernée (Ceaucé), saint Ortaire, saint Constantien (Javron) et le plus illustre saint Fraimbault. Ces anachorètes se fixèrent au milieu des forêts, alliant la culture des terres à la prière et à la prédication [28] [29] [30]. Vers 525, le moine Paterne installé dans l'Avranchain à Scissy, fonde des monastères dans le Passais; il pourrait-être à l'origine des premières implantations des monastères de St Front à Domfront, de St Ernier à Ceaucé, et de St Auvieu à Passais [31].
Au VIe siècle, le Passais dépend de Ceaucé, vicus canonicus. Cette contrée est désignée sous le nom de Condita Celciacensis (C. Ceaulçais) [11]. Vers 550, la présence d'un monastère dédié à St Martin de Tours semble avérée [32].
En 560, le roi Clotaire Ier traverse le Maine et le Passais pour se rendre en Bretagne et soumettre son fils Chramsne révolté contre lui. À son retour victorieux, il passe probablement à Ceaucé où il rencontre saint Auvieu puis saint Ernier, et par ses largesse il permet le développement de leurs monastères [33]. On peut supposer que ces "saints" n'avaient pas qu'un simple rôle religieux mais également politique de surveillance des futures Marches de Bretagne pour le compte du roi de Neustrie avec qui ils étaient en relation [34]. Il faut garder à l'esprit que saint Fraimbault, issu d'une famille sénatoriale, passa une partie de sa jeunesse à la cour du roi Childebert Ier,
Au début du VIIIe siècle, avec l'arrivée au pouvoir des Carolingiens, les biens des monastères sont saisis et distribués aux soutiens du nouveau pouvoir, ce qui stoppe leur développement et précipite leur disparition [35].
En 867, le Passais fait partie du pago Cinomannico et des Marches de Bretagne, alors que les Bretons obtiennent des Carolingiens, sous Charles II dit le Chauve, toute la région du Cotentin et la partie ouest du Maine jusqu'à la Mayenne.
Par la suite d'autres saints viennent s'installer dans la région; au IXe siècle Saint Siméon, puis au XIe siècle: Saint Guillaume Firmat, Saint Vital fondateur de l'abbaye de Savigny, Saint Bernard de Tiron [36].
Période du duché de Normandie
En 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, le roi Charles-le-Simple cède au viking Rollon une partie des terres de Neustrie à l'origine du futur duché de Normandie. Il est possible que le sud du territoire, aux frontières mal établies, correspondant au nord du Passais (doyennés du Passais en Normandie, et de la Roche-Mabille), dépendant alors du duché et de l'évêché du Maine ait fait partie de la transaction. Bien que partiellement sous la dépendance de la Normandie, le Passais restera intégralement soumis à la juridiction de l'évêché du Mans jusqu'à la révolution. Ces frontières incertaines seront cause des futures guerres entre Normandie et Anjou [37].
En 968, une guerre s'engage entre Richard Ier duc de Normandie et Thibaut Ier, comte de Blois et d'Anjou [38].
Le Passais Normand est concédé par Richard Ier, à Yves Ier de Bellême, premier comte de Bellême en charge de la défense de la frontière sud du duché de Normandie [39]. Au XIe siècle le Passais dépend de la seigneurie de Bellême, elle même dépendante à la fois du duc de Normandie, du comte du Maine et du roi de France.
En 1048, Geoffroi Martel, comte d'Anjou, assiège Domfront et s'en rend maître ainsi que de tout le Passais. C'est alors que le duc Guillaume reprend le Passais définitivement en 1065 [40].
Avant la conquête normande, le Passais est plutôt rattaché au Maine. La distinction entre Passais-Manceau et Passais-Normand s'effectue à partir de cette période.
Le développement de la région ne commence réellement qu'en 1022, lorsque Guillaume Talvas, l'un des fils du seigneur de Bellême, seigneur du Passais, trouve l'emplacement où se situe Domfront propice à la défense contre les comtes d'Anjou et du Maine. Il y fait alors bâtir une fortification ainsi qu'un peu plus tard un autre fort à La Ferté Macé [41]. La région constitue alors à la demande du duc de Normandie la ligne de défense sud du duché contre les tentatives d'intrusion du duc du Maine.
Les bénédictins dont l'implantation est encouragée par le duc de Normandie contribuent fortement à la poursuite du développement de la région [41]. En 1020, Guillaume Talvas fonde également l'abbaye de Lonlay, et lui donne comme revenus les dîmes de toutes les terres défrichées ou à défricher. Cette charte de fondation est entre autres signée par Avesgaud évêque du Mans, Sigefroy évêque de Séez et un certain Achard, ancêtre d'une grande famille de la région, dont les descendants participeront à la conquête de l'Angleterre et aux croisades [42].
Après la conquête de l'Angleterre, ces abbayes bénédictines auront une grande importance par le développement de leur réseau transmanche.
PĂ©riode de l'Empire PlantagenĂŞt
Durant cette période, le Passais occupe une position centrale dans l'empire Plantagenet; ainsi Henri II Plantagenêt, sa femme Aliénor d'Aquitaine et leur cour, y font des passages fréquents, notamment au château de Domfront. C'est ainsi que dans l'entourage d'Aliénor d'Aquitaine sont très probablement venus dans le Passais: sa fille Marie de Champagne, Chrétien de Troyes, Wace et Benoît de Sainte-Maure.
C'est durant cette période que la région est associée aux légendes arthuriennes.
En 1161, Aliénor d'Aquitaine donne naissance à Aliénor d'Angleterre qui passera son enfance au château de Domfront, et sera la future grand mère de saint Louis.
Incorporation au domaine royal français
En 1204, Philippe Auguste prend possession de la Normandie et l'incorpore au domaine royal.
L'existence du Passais est encore avérée vers 1210, dans un cartulaire normand qui mentionne que l'Alençonnais et le Passais sont exempts du fouage [43].
En 1230, de nouvelles subdivisions ecclésiastiques sont créées, ce sont les archidiaconés, dont l'archidiaconé de Passais dépendant toujours du diocèse du Mans et avec pour chef-lieu la ville de Passais [44]. Cet archidiaconé de Passais est subdivisé en cinq doyennés : Passais (plus tard divisé en sa partie Normande et du Maine), Lassay, La Roche-Mabille, Javron et Sillé-le-Guillaume.
En 1418, pendant la guerre de Cent Ans, après un long siège le château et la ville de Domfront tombent au pouvoir des Anglais. Le Passais, tant manceau que normand, est alors peu à peu conquis. Les seigneurs français n'ont d'autre choix que de reconnaître le vainqueur ou de perdre leurs biens [45].
Après cette guerre, pour compenser la pauvreté des terrains de la région, certains paysans commencent à développer l'activité du tissage à la main des toiles de fil et de lin et plus tard des toiles de coton dans les hameaux [46].
Le Passais n'est pas épargné par les guerres de religion opposant catholiques et protestant. En 1574, le comte de Mongommery, chef huguenots, celui-là même qui avait par accident tué le roi Henri II lors d'un tournoi, se réfugie à « Damfront en Pissaye » où il est fait prisonnier par le Seigneurs de Matignon [47].
Temps modernes
En 1542, sont créées les circonscriptions de la généralité de Rouen et de la généralité de Tours composée des provinces du Maine, d'Anjou, et de Touraine, dont dépendent les parties normandes et du Maine du Passais. Et en 1636, est créée la nouvelle généralité d’Alençon dont dépend la partie normande du Passais.
En 1777, le doyenné de Passais est subdivisé en Passais Normand et Passais au Maine. Au XVIIIe siècle, la ville de Passais se trouve alors dans sa partie normande. Céaucé se situe dans le doyenné de Passais, élection de Mayenne [48].
Au XVIIIe siècle, le Passais normand est intégré au Houlme avec pour chef-lieu Argentan [49].
Époque contemporaine
De nos jours, de cette région à la longue histoire qui remonte à l'Antiquité, ne subsiste plus guère comme trace du pays de Passais que le village rural de Passais et son canton créé en 1833, mais qui ne recouvre qu'une infime partie de l'ancienne région du Passais historique.
Cependant la mémoire des lieux et leur toponymie évoquant le passé perdurent, ainsi que les nombreuses légendes qui y sont associées.
Culture locale et patrimoine
La région du Passais aurait servi de cadre à Chrétien de Troyes pour la rédaction de sa version des légendes arthuriennes, et plus particulièrement pour la légende de Lancelot du Lac, ce qui explique la présence du circuit Lancelot du Lac dans la région. Il aurait collecté les histoires et légendes locales lors de ses séjours à la cour des Plantagenets et plus particulièrement celle d'Aliénor d'Aquitaine à Domfront, et s'en serait inspiré. La position géographique privilégiée du Passais lui aurait permis d'accéder aux légendes de la Bretagne toute proche et qui au IXe siècle s'étendait brièvement jusqu'au Passais. Le contexte politique de l'époque après la conquête de l'Angleterre et le tissage de réseaux avec la Normandie notamment par l'intermédiaire des abbayes très dynamiques dans la région, lui permet également d'avoir accès aux contes et légendes de Grande-Bretagne.
Il se serait également inspiré des saints ermites locaux du VIe siècle comme modèle pour ses chevaliers solitaires, compagnons du roi Arthur [50] [51] [52] [53] [54] [55].
Cette région est typique du bocage normand avec ses haies et ses vergers de pommiers et poiriers. Le cidre et le poiré dont c'est la spécialité du Domfrontais en sont les boisons locales.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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- Ghislain Baury, Vincent Corriol, Emmanuel Johans et Laurent Maillet, Les cisterciens dans le Maine et dans l’Ouest au Moyen Âge, t. 120 n°3, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Annales de Bretagne et des Pays d'Ouest », , 195 p. (ISBN 978-2-7535-2919-9, présentation en ligne), p. 19.
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- BOISSEY Curé de Beauchêne, Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne-Tome XVII - Passais-La-Conception, Alençon, Renaut-De Broise, , 570 p. (lire en ligne), p. 239.
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- Pierre de L'Estoile, Journal des choses mémorables advenues durant tout le règne de Henry III Roi de France et de Pologne, , 388 p.
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- Gaston La Touche, Comment la Ferté- Macé a été bâtie. Légende du Passais, Publicateur de l'Orne,
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- Julien Travers, Excursion dans le nord du Passais normand (par un membre de la Société des Antiquaires de Normandie) (op. de 1670 ?), Paris, rue du Bouloi, Derache, , 16 p.
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- Jules Appert et Comte Gérard de Contades, Bibliothèque ornaise - Canton de Passais- Essai de bibliographie cantonale, Paris, H.Champion, , 117 p. (présentation en ligne)
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- Georges Bertin, Saint Fraimbault, premier habitant de la Mayenne, prototype de Lancelot du Lac, 32 p. (lire en ligne).
- Georges Bertin et Gilbert Durand, La quête du Saint-Graal et l'imaginaire - Essai d'anthropologie arthurienne, Charles Corlet, , 235 p. (ISBN 9782854806366, présentation en ligne)
- Georges Bertin et Gilles Susong, Nouveau guide arthurien Normandie-Maine - La route arthurienne aux marches de Gaule et de petite Bretagne, Corlet, , 165 p. (présentation en ligne)
- Georges Bertin, Guide des chevaliers de la table ronde en Normandie, Charles Corlet, , 143 p. (ISBN 9782854803525, présentation en ligne)
- Georges Bertin, « Lancelot du Lac, héros des passages » - Mythologie française - Bulletin de la Société de mythologie française n° 190 p47, La Société, (présentation en ligne)
- Claude Gaignebet, Georges Bertin et Michel-Vital Le Bossé, Promenades en Normandie avec Lancelot du Lac, Corlet, , 143 p. (présentation en ligne)
- Jean Charles Payen et René Bansard, La Légende arthurienne et la Normandie - Hommage à René Bansard, Corlet, , 239 p. (présentation en ligne)
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- Louis Duval, Gargantua en Normandie-Etude archéologique et philologique, Alençon, Marchand-Saillant,
- Jules Appert, Comte Gérard de Contades, Abbé Constant Macé, Gustave Le Vavasseur, Louis Duval, Wilfrid Challemel, Eugène de Beaurepaire, Eugène Lecointre, Charles-Florentin Loriot, Léopold Mabilleau et Henri Le Faverais, La Normandie monumentale et pittoresque-Orne, Le Havre, Lemale, (présentation en ligne, lire en ligne)
- Jean Seguin, Saints guérisseurs, saints imaginaires, dévotions populaires - 3e Ed., Paris, Librairie Guénégaud, , 256 p. (présentation en ligne, lire en ligne)
- Jean Grandin, « Annales de Normandie : Découvertes archéologiques au gué de Lore », sur www.persee.fr, (consulté le ), p. 322-324.
Articles connexes
Notes et références
Notes
- Gesta Pontificum Cenomannis.
- La Manche dépendait alors de la Bretagne.
Références
- Ghislain Baury et Vincent Corriol 2013.
- "usquè in Moritanniae Marcham"
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