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Julien Travers

Julien-Gilles Travers, né le à Valognes et mort le à Caen, est un journaliste, critique et homme de lettres français.

Biographie

Peu de temps après la naissance de Travers, ses parents quittèrent Valognes pour Saint-Lô, où il fit ses études classiques qu’il termina au collège de Coutances. Il y eut pour professeur de philosophie l’abbé Daniel originaire de Contrières, futur recteur de l’Académie de Caen, futur évêque de Coutances et d’Avranches, qui s’attacha à lui et lui manifesta en toute circonstance l’intérêt le plus cordial et le plus efficace.

En quittant le collège à la fin de l’année 1820, Travers décida d’entrer dans l’enseignement et fut envoyé immédiatement comme régent au collège de Saint-Hilaire-du-Harcouët. Sans grande importance, cet établissement comptait peu d’élèves, le nombre des professeurs était aussi restreint. Travers ne se découragea pas et profita de ses loisirs pour compléter son instruction. Au mois d’, il fut appelé au collège de Saint-Lô où il fut chargé de la classe de troisième, puis de la seconde et, dès 1828, il y devenait professeur de rhétorique. C’est également au cours de son séjour de près de dix ans à Saint-Lô que Travers rencontra Pélagie Gastel du Boulay, qu’il devait épouser.

En 1829, le libéralisme de Travers lui suscita quelques oppositions et motiva sa nomination dans la même chaire au collège de Domfront. N’acceptant pas cette disgrâce imméritée, Travers obtint un congé et attendit les événements. Au lendemain de la révolution de Juillet, on lui offrit une sous-préfecture qu’il refusa pour reprendre ses fonctions de régent de rhétorique qu’il occupa jusqu’en . Il eut, pour élèves, des hommes comme le cardinal Guilbert, archevêque de Bordeaux, Auguste Vaultier, préfet de la Manche, le marquis Hüe de Caligny, correspondant de l’Académie des sciences ou l’astronome Urbain Le Verrier qui, une fois devenus éminents, lui témoignèrent leur estime et leur reconnaissance.

Tout en se consacrant à l’éducation, Travers s’essayait également à la poésie, publiant en 1824, le poème Guilbert ou le héros de quatorze ans, bientôt suivi des Algériennes en 1828 et 1829. Il créa ensuite, à l’instigation du préfet d’Estourmel, l’Annuaire de la Manche et il fonda le journal politique l’Écho de la Manche. Bientôt il publia de petits écrits de circonstance, inspirés des écrits de Benjamin Franklin au siècle précédent : la Science du Bonhomme Richard, en 1830, Au Peuple sur le Choléra-Morbus, par un cousin du Bonhomme Richard, en 1831. L’année suivante, il intervint, dans les polémiques du moment, par deux brochures d’un libéralisme très accentué : Réponse à la première Lettre aux Normands de M. le vicomte de Tocqueville, par un habitant du Bocage et Réponse aux deux premières Lettres aux Normands de M. le vicomte de Tocqueville.

En 1832, le collège de Falaise, naguère florissant, se trouvait en pleine déclin. Enflammés par la révolution de juillet, deux ans auparavant, les élèves avaient abandonné les activités scolaires pour se livrer au maniement des armes. Leur ambition semblait se borner à figurer dans les revues, fort multipliées à cette époque, et à former la brillante avant-garde de la milice citoyenne. Le désordre et l’indiscipline étaient venus s’ajouter à la cessation du travail et des faits de la nature la plus grave avaient été reprochés au principal et à certains élèves. Pour remonter un établissement aussi compromis, les chefs de l’Université appelèrent Travers qui sut rétablir vigoureusement et habilement le calme et la régularité, et faire reprendre le gout et l’habitude du travail aux maitres et aux élèves. Alors qu’il avait montré les qualités d’un professeur distingué et dévoué à Saint-Lô, Travers se révéla à Falaise comme administrateur en relevant le collège, à tel point que le roi Louis-Philippe visita cet établissement lorsqu’il fit son voyage en Normandie.

Les années passées par Travers à Falaise, attristées à la fin de son séjour par la mort prématurée de sa jeune femme, peuvent être comptées parmi les plus laborieuses de sa vie. C’est dans cet intervalle de 1833 à 1839 que parurent successivement sept ouvrages. Dans les deux thèses qu’il avait soumis pour le doctorat ès lettres, et que Guizot avait appréciées favorablement, Travers avait attaqué certaines théories émises par Nisard dans son Étude sur Lucain. Il s’ensuivit un échange de lettres entre le jeune docteur et Nisard au cours duquel Nisard confessa en partie ses torts. Après la soutenance de ses thèses, Travers caressa un moment l’idée d’entrer dans l’enseignement public à Paris. Ses amis le persuadèrent d’opter pour Caen où un an après, fortement appuyé par l’abbé Daniel et par Bertrand, il arrivait comme professeur suppléant de littérature latine à la Faculté des lettres. Il s’associa aussitôt au mouvement des sociétés savantes, et se remaria. Professeur suppléant de littérature française en 1839, il devint professeur titulaire de littérature latine en 1843 et occupa cette chaire avec distinction jusqu’à sa retraite en 1856.

Appelé, en 1862, à la tête de l’importante bibliothèque municipale de Caen, il la dirigea avec zèle et dévouement jusqu’au , date à laquelle il reçut notification d’un arrêté non motivé du maire de Caen, en vertu duquel il était purement et simplement remplacé par Gaston Lavalley, nommé quelques années auparavant bibliothécaire-adjoint sur sa proposition. Ce mécompte auquel il ne s’attendait pas atteignit surtout Travers dans ses gouts de bibliophile, mais il ne changea rien à ses habitudes studieuses, ayant toujours à sa disposition une riche et nombreuse collection qu’il avait patiemment formée et dont, absorbé par d’autres soins, il n’avait jamais eu le temps d’inventorier entièrement les richesses.

Lorsque Arcisse de Caumont inaugura le mouvement archéologique et décentralisateur avec la fondation de la Société des antiquaires de Normandie, de la Société linnéenne de Normandie, de la Société française d'archéologie, de l’Association normande et de la Société pour la conservation des monuments, Travers fut une des premières et parmi les meilleures de ses recrues. Mais c’est au sein de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, que Travers devait se distinguer tout particulièrement et trouver sa véritable voie. Quand il y entra, l’Académie sommeillait quelque peu. Depuis sa réorganisation par Dugua au commencement du XIXe siècle, elle n’avait publié, jusqu’en 1836, que trois volumes de Mémoires. Travers galvanisa ses confrères et leur communiqua son ardeur. Aussi, à partir de 1840 jusqu’en 1881, l’Académie tint neuf séances publiques et imprima trente-deux volumes de Mémoires. Travers sut, en outre, encourager les libéralités de donateurs qui enrichirent significativement l’Académie et lui permirent de fonder des prix importants.

Les Mémoires de l’Académie de Caen ne sont pas le seul recueil publié sous sa direction. Outre l’Annuaire de la Manche, le Bulletin de l’Instruction publique et des Sociétés savantes de l’Académie de Caen, dont on a six volumes de 1840 à 1843, fut également dû à son initiative. Travers revit et augmenta également des deux tiers le Glossaire du patois normand de Louis Du Bois. Il a édité les Œuvres choisies de Moisant de Brieux, publiés à la suite du Mémoire de René Delorme, sur la vie et les œuvres du fondateur de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen.

La première publication de ce genre, dans l’ordre des dates est peut-ĂŞtre celle qui, par suite de circonstances spĂ©ciales, valut Ă  son auteur la plus retentissante notoriĂ©tĂ©. Parue Ă  Avranches, en 1833, sous le titre les Vaux-de-Vire Ă©ditĂ©s et inĂ©dits d’Olivier Basselin et de Jean Le Houx, avocat virois, avec Discours prĂ©liminaire, choix de notes et variantes des prĂ©cĂ©dents Ă©diteurs, Notes nouvelles et Glossaire, l’édition de ce petit in-12 lui valut un courrier du chansonnier BĂ©ranger. Travers y distinguait la part due aux soixante-deux poĂ©sies attribuĂ©es Ă  Olivier Basselin, et les quarante-et-unes inĂ©dites appartenant Ă  Jean Le Houx. Mais Ă  la suite des vaux-de-vire de Basselin et des vaux-de-vire de Le Houx, Travers avec deux vaux-de-vire anciens qui figuraient dĂ©jĂ  dans l’édition de Louis Du Bois, en insĂ©ra un autre, soi-disant ancien, qu’il annonça comme « entièrement inĂ©dit Â». La pièce Ă©tait Ă©videmment apocryphe, fabriquĂ©e par Travers lui-mĂŞme, comme un jeu d’esprit, au moment de la vogue extraordinaire des fausses poĂ©sies de Clotilde de Surville. Il l’avait malicieusement accompagnĂ©e de notes et de commentaires destinĂ©s Ă  en faciliter l’intelligence aux esprits peu cultivĂ©s, poussant la tromperie jusqu’à feindre le scrupule de remplacer par des lignes de points une strophe dont l’audace aurait pu offenser la pruderie de son temps. En dĂ©pit des doutes plus ou moins nettement formulĂ©s, des incrĂ©dulitĂ©s, des contestations, le gros du public se laissa persuader. Le professeur de la FacultĂ© des lettres de Caen FrĂ©dĂ©ric Vaultier commenta le vau-de-vire apocryphe avec l’émotion contenue et l’admiration instinctive que l’on Ă©prouve en prĂ©sence d’un texte de vĂ©nĂ©rable antiquitĂ©. Antoine Le Roux de Lincy l’insĂ©ra dans un Recueil des Chants historiques français depuis le XIIe jusqu’au XVIIIe siècles, et, plus grave encore, l’historien, Henri Martin, l’invoqua Ă  l’appui d’une de ses vingt-deux affirmations. Du coup, pris de remords, Travers avoua publiquement sa supercherie au congrès de la Sorbonne, en 1866, suscitant rires et applaudissements. Plus tard, Le Siècle voulut faire grief Ă  travers cette duperie en voulant y voir un piège tendu Ă  la candeur du grand historien national. En rĂ©alitĂ©, la mystification de Travers laisse complètement intacte la thèse dĂ©cisive brillamment soutenue par LĂ©on Puiseux, SimĂ©on Luce et Armand GastĂ©.

La publication des Vaux-de-Vire n’était qu’un premier pas dans une voie que Travers devait parcourir avec persĂ©vĂ©rance et dans laquelle il devait rencontrer plus d’un succès. NĂ© Ă©diteur, les choses inĂ©dites ou peu connues attiraient invinciblement Travers qui avait Ă  cĹ“ur de les mettre Ă  la portĂ©e du plus grand nombre en les faisant sortir de la demi-obscuritĂ© des archives ou des bibliothèques. Ce sont surtout les Ĺ’uvres du grand poète normand Jean Vauquelin de La Fresnaye ainsi que les MĂ©moires de Martial de Guernon-Ranville, ancien ministre de Charles X, d’autant mieux accueillis qu’ils sont remplis de rĂ©vĂ©lations inattendues et que le manuscrit, s’il avait Ă©tĂ© communiquĂ© Ă  quelques personnes privilĂ©giĂ©es, n’était jamais arrivĂ© Ă  la connaissance du grand nombre, qui furent deux grands succès. Dès les premiers jours, la presse s’occupa de ces MĂ©moires, dont l’intĂ©rĂŞt fut reconnu avec une faveur marquĂ©e par les juges les plus compĂ©tents et les plus difficiles. Travers avait aussi traduit du latin en français et Ă©crit sous le nom de plume de « un Cousin du bonhomme Richard Â».

À la mort de Julien Travers, son intéressante bibliothèque passa entre les mains de son fils Émile, qui avait hérité de ses gouts. Parmi les nombreux manuscrits laissés par Travers, se trouvaient des leçons entières et des notes pleines de savantes recherches qui prouvent le soin avec lequel il préparait ses cours et les correspondances de ses élèves, toujours devenus ses amis, témoignant de leur reconnaissance pour l’enseignement et les conseils de ce maitre consciencieux et bienveillant envers la jeunesse studieuse.

Officier de l’Université, depuis le , Travers avait été décoré de la Légion d'honneur, par décret du .

Publications

  • Troisièmes regains, 1882.
  • Au peuple, sur le cholĂ©ra-morbus, par un cousin du bonhomme Richard, 1831.
  • Les Vaux-de-Vire Ă©ditĂ©s et inĂ©dits d’Olivier Basselin et de Jean Le Houx, poètes virois.
  • Les Distiques de Muret imitĂ©s en quatrains français.
  • Le Mont-Saint-Michel (sonnets).
  • Le Château de Falaise.
  • Deuil (sonnets Ă  la mĂ©moire de PĂ©lagie Castel du Boulay).
  • Une Excursion dans le nord du Passais normand.
  • Louis Du Bois, Glossaire du patois normand.
  • Jacques Moisant de Brieux, Ĺ’uvres choisies.
  • PĂ©tition de Buonaparte et de sa sĹ“ur Marie-Anne-Elisa.
  • Françoise de Maintenon, Manuel d’éducation pour les filles.
  • Martial de Guernon-Ranville, Journal.
  • Jean Vauquelin de La Fresnaye, Ĺ’uvres.
  • LĂ©on Fallue, sa vie et ses Ĺ“uvres, Caen, Le Blanc-Hardel,

Sources

Liens externes

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