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Juno (sonde spatiale)

Juno est une mission spatiale de la NASA qui a pour objectif l'étude de la planète Jupiter. La structure de cette planète géante gazeuse et son mode de formation restent, au lancement de la mission, largement inconnus malgré plusieurs missions spatiales et les observations astronomiques faites depuis la Terre. La sonde spatiale, lancée en 2011, doit collecter sur place des données sur les couches internes de Jupiter, la composition de son atmosphère et les caractéristiques de sa magnétosphère. Ces éléments doivent permettre de reconstituer la manière dont Jupiter s'est formée et de corriger ou d'affiner le scénario de formation des planètes du Système solaire dans lequel Jupiter a, du fait de sa masse importante, joué un rôle majeur.

Description de cette image, également commentée ci-après
Données générales
Organisation Drapeau des États-Unis NASA/JPL
Constructeur Drapeau des États-Unis Lockheed Martin
Programme New Frontiers
Domaine Étude de la planète Jupiter
Type de mission Orbiteur
Statut Opérationnel
Lancement (UTC)
Lanceur Atlas V 551
Insertion en orbite (UTC)
Fin de mission Septembre 2025
Identifiant COSPAR 2011-040A
Protection planétaire Catégorie II[1]
Site Site NASA
Caractéristiques techniques
Masse au lancement 3 625 kg
Propulsion Ergols liquides
Ergols Hydrazine / Peroxyde d'azote
Masse ergols 2 025 kg
Contrôle d'attitude Spinné
Source d'Ă©nergie Panneaux solaires
Puissance Ă©lectrique 428 W (orbite de Jupiter)
Orbite polaire
Satellite de Jupiter
PĂ©rigĂ©e 4 200 km
ApogĂ©e 8,1 Ă— 106 km
PĂ©riode 53 jours
Principaux instruments
MWR Radiomètre à micro-ondes
MAG Magnétomètre fluxgate
JIRAM Spectromètre imageur
JADE et JEDI Analyseurs de particules
WAVES Étude des ondes de plasma/radio
UVS Spectrographe ultraviolet
GS Radio gravitation

La sonde spatiale Juno est lancée par une fusée Atlas V le . Deux ans après son lancement, Juno effectue un survol à basse altitude de la Terre qui, par assistance gravitationnelle, lui fournit le surcroît de vitesse nécessaire pour atteindre Jupiter. La phase scientifique de la mission débute après la mise en orbite autour de Jupiter le . Juno commence ses observations, depuis une orbite polaire très elliptique d'une période de cinquante-trois jours qui fait passer la sonde à très basse altitude au-dessus de la planète de pôle en pôle, en évitant en grande partie la ceinture de radiations très intense, susceptible de l'endommager. La phase scientifique de la mission initiale comprend trente-six survols de la planète et est planifiée sur vingt mois. Un problème rencontré au niveau de la propulsion principale en ne permet pas de faire passer la sonde spatiale sur l'orbite courte de quatorze jours visée. Pour réaliser le nombre souhaité de survols, la mission est prolongée jusqu'en 2021. En janvier 2021, la NASA décide de prolonger la mission jusqu'en septembre 2025.

Juno emporte huit instruments scientifiques dont deux spectromètres, un radiomètre, un magnĂ©tomètre et un ensemble d'instruments destinĂ©s Ă  l'Ă©tude des pĂ´les de Jupiter. Juno est la première sonde spatiale Ă  destination d'une planète externe qui utilise des panneaux solaires au lieu de gĂ©nĂ©rateurs thermoĂ©lectriques Ă  radioisotope. La sonde spatiale est la deuxième mission du programme New Frontiers qui regroupe des missions d'exploration du Système solaire nĂ©cessitant un budget moyen. Au sein de la NASA, la gestion de la mission est assurĂ©e par le Jet Propulsion Laboratory tandis que le volet scientifique est pris en charge par le Southwest Research Institute. La sonde spatiale est fabriquĂ©e par Lockheed Martin. Le coĂ»t total est de 1,1 milliard de dollars.

Contexte

Jupiter photographiée par la sonde Cassini.
Jupiter photographiée par la sonde Cassini.

Jupiter

Jupiter est la plus grosse des planètes du Système solaire, avec une masse qui reprĂ©sente deux fois et demie celle de l'ensemble des autres planètes, et un diamètre qui est plus de onze fois celui de la Terre (environ 138 000 kilomètres). Elle fait partie des planètes externes du Système solaire, comme Saturne, Uranus et Neptune, et est Ă©galement une planète gazeuse gĂ©ante. Jupiter est composĂ©e essentiellement d'hydrogène et d'hĂ©lium[note 1], comme le Soleil, avec sans doute un noyau central rocheux d'une masse Ă©quivalente Ă  dix fois celle de la Terre. La planète tourne sur elle-mĂŞme en un peu moins de 10 heures. SituĂ©e Ă  5,2 unitĂ©s astronomiques du Soleil, elle boucle son orbite autour du Soleil en 11,9 annĂ©es terrestres. Jupiter dĂ©gage plus de chaleur qu'elle n'en reçoit du Soleil. Celle-ci est gĂ©nĂ©rĂ©e par le mĂ©canisme de Kelvin-Helmholtz : le refroidissement de la planète entraĂ®ne une lente contraction de celle-ci, qui gĂ©nère en retour un Ă©chauffement localisĂ© dans son cĹ“ur. Cette chaleur est transportĂ©e par convection jusqu'Ă  la surface de la planète, et est sans doute responsable des mouvements complexes et violents agitant l'atmosphère de Jupiter. Celle-ci, d'une Ă©paisseur de 5 000 kilomètres, serait formĂ©e de 3 couches : jusqu'Ă  100 kilomètres de profondeur, des nuages de glace d'ammoniac, vers 120 kilomètres, des nuages d'hydrogĂ©nosulfure d'ammonium et Ă  partir de 150 kilomètres de profondeur, des nuages d'eau et de glace. Ă€ une profondeur plus importante, l'hydrogène, soumis Ă  une pression Ă©norme, se transforme en hydrogène mĂ©tallique qui conduit l'Ă©lectricitĂ© comme un mĂ©tal. Les mouvements au sein de ce liquide mĂ©tallique sont sans doute Ă  l'origine du champ magnĂ©tique intense de la planète, onze fois supĂ©rieur Ă  celui de la Terre, et qui piège les Ă©lectrons et les ions, crĂ©ant une ceinture de radiations particulièrement puissante. La magnĂ©tosphère de Jupiter, c'est-Ă -dire la zone de l'espace placĂ©e sous l'influence de ce champ magnĂ©tique, s'Ă©tend jusqu'Ă  3 millions de kilomètres dans la direction du Soleil, et jusqu'Ă  1 milliard de kilomètres dans la direction opposĂ©e. Le système jovien comprend 67 satellites naturels. Les quatre principaux, Io, Europe, Ganymède et Callisto, figurent parmi les plus gros satellites naturels du Système solaire, et prĂ©sentent des caractĂ©ristiques remarquables : activitĂ© volcanique intense dans le cas de Io, prĂ©sence supposĂ©e d'ocĂ©ans composĂ©s d'eau liquide en dessous de la surface pour les autres. Jupiter, du fait de sa masse, a jouĂ© un rĂ´le très important dans le processus de formation des autres planètes du Système solaire, et donc de la Terre, en agissant notamment sur leurs orbites et en contribuant Ă  nettoyer progressivement le Système solaire des corps cĂ©lestes mineurs susceptibles de les percuter[2] - [3].

L'exploration spatiale de Jupiter de 1973 Ă  2016

Vue d'artiste de Galileo, seule sonde spatiale à s'être placée en orbite autour de Jupiter avant Juno.
Galileo était la seule sonde spatiale à s'être placée en orbite autour de Jupiter avant Juno.

L'exploration spatiale de Jupiter débute tardivement, car l'envoi d'une sonde spatiale vers cette planète, située à cinq unités astronomiques du Soleil, nécessite le recours à une fusée puissante[note 2] : il faut en effet accélérer un vaisseau à une vitesse de 16 km/s au départ de la Terre pour que celui-ci atteigne la planète, même si le recours à l'assistance gravitationnelle peut permettre de réduire cette vitesse d'injection. Aussi, l'exploration des planètes extérieures, dont fait partie Jupiter, ne débute qu'en 1973, alors que les planètes intérieures[note 3] ont déjà reçu à l'époque la visite de plusieurs dizaines de sondes spatiales. Plusieurs engins spatiaux vont survoler Jupiter par la suite, mais seule Galileo effectuera un séjour prolongé, après s'être mise en orbite autour de la planète.

La première sonde Ă  approcher Jupiter est Pioneer 10, qui passe Ă  une distance de 130 000 kilomètres de la planète le , et dĂ©couvre sa ceinture de radiations[4] - [5]. Pioneer 11 survole Ă  son tour Jupiter en 1974. MalgrĂ© leur instrumentation très simple, les deux sondes rĂ©vèlent la complexitĂ© de l'atmosphère de Jupiter, fournissent des images d'une très grande qualitĂ© ainsi que les premières donnĂ©es sur la magnĂ©tosphère de la planète. Les sondes Voyager 1 et 2, dotĂ©es d'une instrumentation scientifique beaucoup plus importante, effectuent leur survol de la planète en 1979. Elles dĂ©couvrent les anneaux tĂ©nus qui entourent Jupiter, plusieurs lunes nouvelles, ainsi que l'activitĂ© volcanique Ă  la surface de Io[4] - [6]. Ulysses en 1992 Ă©tudie la magnĂ©tosphère de Jupiter[7]. La sonde Galileo est le seul engin Ă  avoir gravitĂ© autour de Jupiter. Elle atteint Jupiter en , et entame alors une mission d'exploration d'une durĂ©e de 8 ans. MalgrĂ© une antenne parabolique grand gain dĂ©fectueuse affectant fortement la quantitĂ© de donnĂ©es pouvant ĂŞtre transmise, Galileo parvient Ă  transmettre des informations sur l'ensemble du système jovien. Au dĂ©but de sa mission scientifique, Galileo lâche une petite sonde atmosphĂ©rique qui pĂ©nètre l'atmosphère de Jupiter et fournit la composition Ă©lĂ©mentaire des couches supĂ©rieures de celle-ci, avant d'ĂŞtre Ă©crasĂ©e par la pression. Les donnĂ©es recueillies remettent en cause une partie des thĂ©ories admises sur le processus de formation des planètes du Système solaire[8]. En , la sonde Cassini, en route pour Saturne, survole Jupiter : elle prend des images Ă  haute rĂ©solution de la planète et, en coordination avec la sonde Galileo, Ă©tudie sa magnĂ©tosphère très Ă©tendue, ainsi que ses interactions avec le vent solaire. L'intensitĂ© de la ceinture de radiations est mesurĂ©e avec plus de prĂ©cision et se rĂ©vèle beaucoup plus Ă©levĂ©e que prĂ©vu. Ces informations sont utilisĂ©es pour dimensionner les protections de la sonde Juno[9]. Avant Juno, la sonde New Horizons est la dernière Ă  survoler Jupiter, le [10]. La sonde observe des Ă©clairs aux pĂ´les, la crĂ©ation de nuages d'ammoniac, et Ă©tudie la circulation des particules chargĂ©es dans la queue magnĂ©tique de la planète[11].

Un scénario de formation mal défini

Structure interne de Jupiter.
Schéma 1 : hypothèses et interrogations en 2011 sur la structure interne de Jupiter.

La sonde atmosphérique lancée par Galileo dans l'atmosphère de Jupiter a relevé des proportions d'éléments chimiques qui remettent en question les hypothèses sur la formation de la planète, et en conséquence les théories établies sur les origines et l'évolution du Système solaire[12] :

  • Jupiter semble pauvre en eau alors que selon les thĂ©ories en vigueur, celle-ci est considĂ©rĂ©e comme un mĂ©dium indispensable pour l'incorporation des Ă©lĂ©ments lourds lors de la formation des planètes du Système solaire externe dont fait partie Jupiter. Or ces Ă©lĂ©ments abondent sur Jupiter. La rĂ©ponse qui sera apportĂ©e Ă  cette question aura des rĂ©percussions sur le scĂ©nario de formation des planètes aux caractĂ©ristiques proches de celles de la Terre ;
  • deux scĂ©narios s'affrontent sur la manière dont la planète Jupiter s'est formĂ©e. Selon le premier scĂ©nario, la planète s'est formĂ©e en deux temps — accrĂ©tion de matĂ©riaux situĂ©s dans son voisinage jusqu'Ă  former un noyau solide reprĂ©sentant une dizaine de masses terrestres, puis effondrement gravitationnel de la masse de gaz et de poussière entourant la planète ; le second scĂ©nario repose sur le seul effondrement gravitationnel d'un nuage de poussières et de gaz, mais nĂ©cessite la prĂ©sence d'une nĂ©buleuse originelle de plus grande taille que celle retenue dans les scĂ©narios de formation du Système solaire. La confirmation de la prĂ©sence d'un noyau solide au cĹ“ur de Jupiter et la dĂ©termination de sa composition pourraient permettre de trancher.

Objectifs

Juno a pour objectif principal de résoudre ce dilemme, en collectant des données permettant de reconstituer l'histoire de la formation de Jupiter et son évolution. Compte tenu du rôle central de la planète géante dans la formation du Système solaire, les informations recueillies doivent permettre d'affiner les théories dans ce domaine et, plus généralement, de mieux comprendre l'origine des systèmes planétaires découverts autour d'autres étoiles[13]. À la date de lancement de la sonde, Jupiter reste une planète mal connue, malgré les données recueillies via les observations effectuées depuis la Terre par les astronomes, et bien que plusieurs sondes spatiales aient précédé Juno (schéma 1)[13]. Juno, placée sur une orbite elliptique autour de Jupiter, doit permettre d'effectuer des observations permettant de préciser les points suivants[14] - [15] :

  • son mode de formation ;
  • la proportion d'eau et d'oxygène prĂ©sente ;
  • sa structure interne ;
  • la manière dont les diffĂ©rentes strates de la planète se dĂ©placent les unes par rapport aux autres ;
  • la prĂ©sence d'un noyau solide et sa taille ;
  • la manière dont le champ magnĂ©tique est gĂ©nĂ©rĂ© ;
  • la relation existant entre les dĂ©placements des couches atmosphĂ©riques et les mouvements internes de la planète ;
  • les mĂ©canismes Ă  l'origine des aurores polaires ;
  • les caractĂ©ristiques des zones polaires.

La sonde doit rechercher des informations sur plusieurs thèmes importants.

Composition de l'atmosphère

Aurores polaires sur Jupiter.
Les aurores polaires de Jupiter sont permanentes et s'étendent jusqu'aux lunes de la planète.

La composition de l'atmosphère fournit des indices sur la genèse de Jupiter et peut permettre de déterminer si les planètes ont pu changer d'orbite au cours de leur processus de formation. Juno doit sonder l'atmosphère jusqu'aux couches soumises à une pression de 100 bars en utilisant des émetteurs micro-ondes qui permettront de dresser une carte tridimensionnelle de l'abondance en ammoniac et en eau[16] - [15].

Structure de l'atmosphère

Juno doit étudier les variations qui se produisent dans les couches profondes de l'atmosphère de Jupiter et leurs incidences sur la météorologie, les températures, la composition, l'opacité des nuages et la dynamique atmosphérique. Grâce à la représentation tridimensionnelle fournie par l'instrumentation, les données recueillies permettront peut-être de définir si la dynamique atmosphérique s'étend jusqu'aux couches où la pression atteint deux cents bars ou si elle ne concerne que les strates superficielles jusqu'à une pression de six bars[17] - [15].

Champ magnétique

La sonde spatiale doit dresser une carte détaillée du champ magnétique situé à l'intérieur de la planète et dans l'espace environnant ainsi que ses variations. Ces données fourniront en retour des informations sur sa structure interne et sur les mécanismes de la dynamo qui génèrent ce champ[15].

Magnétosphère au niveau des pôles

Schéma de la magnétosphère de Jupiter.
Schéma 2 : la magnétosphère de Jupiter.

Juno doit dresser une carte en trois dimensions de la magnétosphère de Jupiter au niveau des pôles et des aurores, les plus puissantes du Système solaire, qui sont créées par les particules chargées, capturées par le champ magnétique. Les instruments qui équipent la sonde doivent permettre simultanément d'obtenir les caractéristiques des particules chargées et des champs magnétiques près des pôles, tout en observant les aurores dans l'ultraviolet. Ces observations doivent également améliorer notre compréhension de ces phénomènes, et de ceux engendrés par des objets dotés de champs magnétiques similaires, comme les jeunes étoiles possédant leur propre système planétaire[18].

Champ de gravité

En étudiant les variations du champ de gravité de Jupiter, la sonde Juno fournira des indications sur la distribution des masses à l'intérieur de la planète, l'incidence sur la planète du déplacement de son atmosphère et du mouvement de marée généré par ses lunes[16] - [15].

Caractéristiques de l'orbite de travail de Juno

Pour pouvoir recueillir les donnĂ©es scientifiques nĂ©cessaires Ă  l'atteinte de ses objectifs, Juno doit passer au plus près de Jupiter ; en effet, ce n'est qu'Ă  faible distance de la planète qu'elle peut utiliser ses instruments, et en particulier rĂ©aliser les mesures in situ de l'aurore (schĂ©ma 5). Mais en s'approchant autant de Jupiter, elle traverse la ceinture de radiations crĂ©Ă©e par le champ magnĂ©tique de la planète gĂ©ante qui prend la forme d'un tore entourant Jupiter au niveau de l'Ă©quateur. Son intensitĂ© exceptionnelle peut entraĂ®ner un dysfonctionnement des appareils Ă©lectroniques qui Ă©quipent la sonde spatiale. Pour limiter les dĂ©gâts, Juno est placĂ©e sur une orbite dont l'excentricitĂ©, l'argument du pĂ©riastre ainsi que la faible altitude au pĂ©riastre lui permettent de contourner en grande partie la ceinture de radiations : Juno se glisse sous celle-ci lorsque la sonde longe Jupiter, et passe Ă  l'extĂ©rieur de la ceinture lorsqu'elle s'Ă©loigne de Jupiter (schĂ©ma 6). Sur cette orbite polaire, dont l'inclinaison est de 90 degrĂ©s, la sonde plonge Ă  l'approche de Jupiter, pratiquement Ă  la verticale vers son pĂ´le Nord, survole Ă  très basse altitude (entre 4 200 et 5 200 kilomètres) la couche nuageuse de Jupiter jusqu'au pĂ´le Sud, puis s'Ă©loigne de Jupiter, initialement dans le prolongement de ce pĂ´le, pour rejoindre son apogĂ©e situĂ© Ă  39 rayons joviens de la planète (environ 2,8 millions de kilomètres), Ă  peu près dans le plan de l'Ă©quateur. Au cours de sa mission scientifique, d'une durĂ©e d'un an, la sonde va parcourir 32 fois cette orbite. Celle-ci se dĂ©forme progressivement au fil du temps, du fait de la forme lĂ©gèrement aplatie de Jupiter. La ligne des apsides s'incline progressivement, et le temps de sĂ©jour de la sonde dans la ceinture de radiations s'allonge Ă  chaque orbite[19] (schĂ©ma 6) : un quart de la dose totale de rayonnement ionisant que subit la sonde durant sa mission est ainsi reçue durant les quatre dernières orbites autour de Jupiter. L'Ă©lectronique de la sonde est confrontĂ©e Ă  un risque croissant de panne, et la mission est volontairement arrĂŞtĂ©e Ă  ce stade, avant que Juno ne devienne incontrĂ´lable. Au cours de sa 36e orbite, vers la mi-novembre, la propulsion de la sonde est allumĂ©e une dernière fois pour rĂ©duire sa vitesse, ce qui diminue l'altitude de son orbite au pĂ©riastre lorsqu'elle survole Ă  basse altitude Jupiter. Quelques jours plus tard Juno pĂ©nètre dans l'atmosphère de Jupiter, oĂą elle est dĂ©truite par la pression et la tempĂ©rature[20] - [21].

  • SchĂ©ma montrant diffĂ©rentes positions de Juno en fonction de ses orbites.
    Schéma 4 : la sonde utilise selon les orbites deux types d'orientation pour collecter des données scientifiques.
  • SchĂ©ma de Juno traversant une aurore polaire jovienne.
    Schéma 5 : Juno traverse l'aurore polaire de Jupiter.

La collecte des données scientifiques

Orbite de Juno autour de Jupiter.
Schéma 6 : l'orbite de Juno permet à la sonde d'éviter en grande partie la ceinture de radiations (représentée par la zone colorée de part et d'autre de la planète (intensité croissante de bleu à rouge) mais la rotation de la ligne des apsides de l'orbite l'expose de plus en plus au fur et à mesure du déroulement de la mission.

Au cours de chaque orbite de 11 jours, la phase de collecte de donnĂ©es scientifiques, qui se dĂ©roule durant le survol rapprochĂ© de la planète, dure six heures. Les donnĂ©es recueillies sont transmises durant les dix jours suivant le passage Ă  proximitĂ© de Jupiter : six vacations destinĂ©es aux tĂ©lĂ©communications, d'une durĂ©e de quelques heures, sont planifiĂ©es pour transmettre les deux Ă  trois gigabits de donnĂ©es scientifiques de chaque orbite. Tout au long de son orbite, les panneaux solaires et l'antenne grand gain font face Ă  la fois Ă  la Terre et au Soleil, très proches l'un de l'autre vus de Jupiter[22].

Les deux premières orbites sont destinées à parfaire la trajectoire de la sonde spatiale et à préparer la phase suivante. La sonde va utiliser successivement deux types d'orientation pour répondre aux contraintes incompatibles de deux de ses instruments (schéma 4). Durant les orbites 1, 3, 4, 5 et 6, la sonde utilise le radiomètre à micro-ondes pour sonder l'atmosphère, ce qui impose que les antennes situées sur les flancs de la sonde soient parallèles à la surface de Jupiter. Avec cette orientation, l'antenne parabolique n'est plus pointée vers la Terre, et la mesure de la gravité de Jupiter, qui utilise les échanges radio entre la Terre et la sonde (expérience de radiogravité) est désactivée. Pour les autres orbites, la sonde est orientée de manière à maintenir l'antenne principale pointée vers la Terre, ce qui permet la réalisation des mesures de radiogravité, tandis que le radiomètre et la caméra infrarouge JIRAM sont désactivés. Tous les autres instruments fonctionnent durant les deux phases. L'orbite est par ailleurs calculée pour que la sonde balaie à chaque passage une longitude située à exactement 24 degrés de la précédente, afin de dresser une cartographie précise du champ magnétique. La trajectoire de la sonde est ajustée par une manœuvre au début de la 16e orbite, pour décaler de 12 degrés la longitude, ce qui permet d'obtenir à l'issue de la mission un relevé du champ magnétique tous les 12 degrés. La 32e orbite est réservée à des mesures complémentaires, au cas où celles-ci s'avéreraient nécessaires. Une fois celle-ci bouclée, la sonde utilise ses moteurs pour quitter son orbite et plonger vers l'intérieur de Jupiter : elle est ainsi détruite afin d'éviter tout risque de contamination postérieure des lunes de Jupiter par des micro-organismes qui auraient pu être emportés par la sonde[23] - [21].

Caractéristiques techniques de la sonde Juno

Juno en cours d'assemblage.
Juno en cours d'assemblage : l'adaptateur est situé au milieu du pont inférieur au centre duquel se trouve le propulseur principal et à l'opposé l'antenne grand gain. Les antennes du radiomètre sont sur le flanc non recouvert de panneaux solaires.

Juno est une sonde spatiale d'une masse de 3 625 kilogrammes dont 2 025 d'ergols utilisĂ©s essentiellement pour les corrections de trajectoire et l'insertion en orbite autour de Jupiter et environ 170 kilogrammes de charge utile rĂ©partis entre huit instruments scientifiques. La sonde est stabilisĂ©e par rotation (spinnĂ©e) et les instruments sont fixes. Les composants les plus sensibles sont placĂ©s dans un compartiment blindĂ© pour les protĂ©ger lorsque l'orbite de la sonde autour de Jupiter coupe la ceinture de radiations. L'Ă©nergie est fournie par des panneaux solaires qui remplacent les gĂ©nĂ©rateurs thermoĂ©lectriques Ă  radioisotope (RTG) habituellement utilisĂ©s pour les sondes Ă  destination des planètes externes. ComparĂ© Ă  Galileo, le seul orbiteur l'ayant prĂ©cĂ©dĂ©, Juno est un engin moins coĂ»teux mais beaucoup moins sophistiquĂ© ; Galileo, d'une masse de 2,8 tonnes, emportait seize instruments scientifiques dont certains montĂ©s sur une plateforme stabilisĂ©e et d'autres sur une sonde atmosphĂ©rique qui, après s'ĂŞtre sĂ©parĂ©e du vaisseau principal, s'est enfoncĂ©e dans l'atmosphère de Jupiter pour en faire l'analyse[24].

Architecture générale

Juno est composĂ©e d'un corps central formĂ© d'un caisson de forme hexagonale encadrĂ© par un pont supĂ©rieur et un pont infĂ©rieur. Le caisson contient les six rĂ©servoirs de carburant de forme sphĂ©rique et le propulseur principal. Ce dernier dĂ©bouche au centre du pont infĂ©rieur au milieu de l'adaptateur qui solidarise la sonde avec son lanceur. Les cloisons sont rĂ©alisĂ©es en matĂ©riau composite carbone sur une structure en nid d'abeilles. Le pont supĂ©rieur est surmontĂ© par un compartiment blindĂ© cubique de taille nettement plus rĂ©duite (1 mètre de cĂ´tĂ©) dans lequel est enfermĂ©e l'Ă©lectronique sensible aux radiations. Des colonnes verticales situĂ©es sur les ponts infĂ©rieur et supĂ©rieur servent de support aux groupes propulseurs chargĂ©s du contrĂ´le d'orientation. L'ensemble mesure 3,5 mètres de haut pour 3,5 mètres de diamètre. Les panneaux solaires sont regroupĂ©s en trois ailes repliables qui s'articulent sur le corps central. Une fois dĂ©ployĂ©s, ils offrent une envergure de 20 mètres Ă  la sonde. L'armoire blindĂ©e est elle-mĂŞme surmontĂ©e par une antenne parabolique Ă  grand gain de 2,5 mètres de diamètre qui assure les communications Ă  haut dĂ©bit avec les stations sur Terre. Pour pouvoir communiquer dans toutes les configurations de vol, la sonde dispose Ă©galement sur le pont supĂ©rieur d'une antenne Ă  moyen gain et d'une antenne Ă  faible gain et sur le pont infĂ©rieur d'une antenne Ă  faible gain toroĂŻdale. L'emplacement des capteurs des instruments scientifiques, qui sont tous fixes, rĂ©pond Ă  plusieurs contraintes. Ils sont disposĂ©s de manière Ă  pouvoir effectuer des observations dans des conditions optimales compte tenu de l'orientation de la sonde et de son axe de rotation. Cinq des instruments sont situĂ©s sur le pourtour du pont supĂ©rieur ou du pont infĂ©rieur. Les longues antennes WAVES sont fixĂ©es sur le pont infĂ©rieur. Les capteurs du magnĂ©tomètre sont placĂ©s Ă  l'extrĂ©mitĂ© d'une des ailes pour que les mesures ne soient pas perturbĂ©es par l'Ă©lectronique tandis que les antennes plates du radiomètre occupent deux des six flancs du corps central de la sonde. Leur taille est une des contraintes importantes qui ont dĂ» ĂŞtre prises en compte dans le dimensionnement de la sonde. La plus grande partie de l'Ă©lectronique permettant aux instruments scientifiques de fonctionner est confinĂ©e dans le compartiment blindĂ© oĂą se trouvent notamment les calculateurs et les centrales Ă  inertie[20] - [25].

Télécommunications

Vue de l'antenne HGA en cours d'assemblage.
L'antenne parabolique grand gain en cours d'assemblage avec le corps de la sonde.

La sonde Juno dispose de plusieurs antennes pour communiquer avec les stations de réception sur Terre dans les différentes orientations adoptées durant la mission.

Schéma montrant l'emplacement des antennes de Juno.
Schéma montrant l'emplacement des antennes de Juno.

Les Ă©changes de donnĂ©es passent essentiellement par l'antenne parabolique grand gain (HGA) de 2,5 mètres de diamètre dont le dĂ©bit est le plus important. Celle-ci n'est pas orientable et son axe est alignĂ© avec la normale aux panneaux solaires. L'antenne principale transmet l'ensemble des donnĂ©es scientifiques recueillies mais joue Ă©galement un rĂ´le scientifique important : elle est utilisĂ©e pour l'expĂ©rience de radiogravitĂ© qui doit permettre de fournir des informations sur la structure de la planète. L'antenne moyen gain (MGA) tournĂ©e vers l'avant comme l'antenne grand gain nĂ©cessite un pointage vers la Terre moins fin que celle-ci et peut ĂŞtre utilisĂ©e lorsque l'antenne principale ne peut pas ĂŞtre orientĂ©e avec suffisamment de prĂ©cision vers la Terre ; c'est le cas notamment durant une partie du transit entre la Terre et Jupiter lorsque l'orientation des panneaux solaires vers le Soleil est privilĂ©giĂ©e par rapport au pointage de l'antenne principale. Les deux antennes faible gain (LGA) l'une tournĂ©e vers l'avant, l'autre vers l'arrière nĂ©cessitent un pointage très grossier mais en contrepartie disposent d'un dĂ©bit très faible. Ces antennes sont utilisĂ©es lorsque la sonde entre en mode de survie (safe mode) pour qu'une liaison minimale puisse ĂŞtre Ă©tablie avec les Ă©quipes sur la Terre[note 4]. L'antenne moyen gain toroĂŻdale (Toroidal Low Gain Antenna ou TLGA) est tournĂ©e vers l'arrière et Ă©met un signal qui couvre les angles morts des antennes faible gain sur les cĂ´tĂ©s de la sonde. Elle joue un rĂ´le crucial durant les manĹ“uvres de correction de trajectoire et d'insertion en orbite autour de Jupiter. La sonde utilise pour communiquer avec la Terre les bandes Ka et X. Le dĂ©bit descendant (de la sonde vers la Terre) est de 40 kilobits par seconde durant une partie du transit et de 18 kilobits par seconde durant la phase scientifique de la mission. Le dĂ©bit ascendant est au maximum de 2 kilobits par seconde. Les antennes de 70 mètres de diamètre du Deep Space Network sont utilisĂ©es ponctuellement durant les manĹ“uvres critiques mais l'essentiel des donnĂ©es passe par les antennes de 34 mètres. Le volume de donnĂ©es Ă  transfĂ©rer est d'environ 2,3 gigabits Ă  chaque orbite[15] - [26] - [27].

ContrĂ´le d'attitude

Juno est stabilisée par rotation (spinnée) autour de son axe vertical qui est constamment pointé vers le Soleil. Cette solution a été préférée à une stabilisation 3 axes (orientation fixe) pour deux raisons : d'une part elle permet de réduire la consommation de l'énergie électrique peu abondante en supprimant le recours aux roues de réaction pour contrôler l'orientation[note 5] ; d'autre part elle simplifie la mise en œuvre des instruments de mesure de champ (magnétomètre, WAVES) et de particules (JADE, JEDI) qui peuvent ainsi effectuer leurs observations dans toutes les directions. Les instruments d'observation à distance comme le radiomètre ou les spectromètres UVS et JIRAM, sont entraînés par le mouvement de la sonde contrairement à ce qui avait été retenu pour la sonde Galileo[note 6]. Les inconvénients pour ces instruments ont été jugés mineurs. La vitesse de rotation de la sonde prend plusieurs valeurs : 1 tour par minute durant le transit entre la Terre et Jupiter, 5 tours par minute durant les manœuvres de correction de trajectoire, 2 tours par minute lorsque les instruments scientifiques fonctionnent à proximité de Jupiter. Les instruments scientifiques sont placés à la périphérie du corps de la sonde de manière à balayer la planète à chaque rotation. Durant le survol rapproché de Jupiter, il est nécessaire de connaître la position précise de la sonde, pour la précision des relevés. Des viseurs d'étoiles ont dû être développés spécifiquement pour fonctionner malgré la rotation de la sonde tout en résistant aux radiations à forte énergie que subit la sonde durant une partie de sa trajectoire[28].

Diagramme de Juno.
Schéma 7 : diagramme de Juno.

Calculateur et logiciels embarqués

Le calculateur utilise un microprocesseur RAD750 disposant d'une mémoire de masse de 250 mégaoctets au format flash et de 128 mégaoctets de mémoire vive de type DDR. Théoriquement il peut traiter jusqu'à cent millions de bits par seconde de données scientifiques[29]. Un signal envoyé depuis la Terre met 45 minutes pour parvenir à Juno. En conséquence, le logiciel qui pilote le fonctionnement de la sonde est conçu pour que celle-ci puisse enchainer les opérations de manière complètement autonome. Les logiciels qui commandent les instruments scientifiques sont complètement séparés du logiciel de la plateforme pour éviter tout risque de corruption de l'un par l'autre. Ces logiciels peuvent être actualisés par téléchargement depuis la Terre[30].

Énergie électrique

Vue sur une partie des panneaux solaires de Juno.
Les panneaux solaires d'une des trois « ailes » de Juno en cours de tests.

La planète Jupiter est cinq fois plus éloignée que la Terre du Soleil, et la sonde Juno reçoit, lorsqu'elle orbite autour de Jupiter, 2 à 3 % de l'énergie solaire dont elle dispose au niveau de l'orbite terrestre. Pour cette raison les sondes lancées vers Jupiter et au-delà ont jusqu'à présent eu recours pour la fourniture d'énergie à des générateurs thermoélectriques à radioisotope (RTG) qui, contrairement aux panneaux solaires, ne dépendent pas de l'éclairement. Juno est la première sonde lancée vers une planète extérieure à utiliser des panneaux solaires. Plusieurs raisons sont invoquées par la NASA : la mise en œuvre des RTG est complexe et coûteuse ; compte tenu du profil de son orbite, les besoins électriques ne sont importants que durant six heures par période de onze jours (durée d'une orbite) ; les progrès de la technologie dans le domaine des cellules photovoltaïques ont permis un gain de puissance de 50 % en vingt ans et les panneaux solaires sont plus résistants aux radiations. En utilisant l'énergie solaire, la NASA évite également les protestations soulevées par le lancement des RTG contenant du plutonium qui pourrait retomber sur Terre en cas d'échec au lancement. Cependant, la NASA a planifié plusieurs autres projets utilisant des RTG[31].

Pour rĂ©pondre aux besoins gĂ©nĂ©rĂ©s par les instruments scientifiques, les tĂ©lĂ©communications et le maintien en fonctionnement de la sonde dans l'environnement froid de Jupiter, Juno dispose de 45 m2 de cellules solaires (surface totale des panneaux de 60 m2). Celles-ci sont rĂ©parties sur trois ailes de 8,86 mètres de long formĂ©es chacune d'un petit panneau (2,02 Ă— 2,36 mètres) et de trois panneaux plus importants (2,64 Ă— 2,64 mètres) articulĂ©s entre eux. Sur l'une des ailes, le panneau d'extrĂ©mitĂ© est remplacĂ© par le support du magnĂ©tomètre, ainsi placĂ© Ă  distance de l'Ă©lectronique qui aurait pu fausser les mesures. Les panneaux sont dĂ©ployĂ©s une fois la sonde placĂ©e en orbite. L'Ă©nergie thĂ©orique fournie est de 15 000 watts au niveau de l'orbite terrestre et de 428 watts lorsque la sonde est en orbite autour de Jupiter[20]. La trajectoire et l'orientation de la sonde sont choisis pour que les panneaux solaires soient en permanence Ă©clairĂ©s avec une incidence perpendiculaire des rayons du Soleil. La seule pĂ©riode d'Ă©clipse se produit lors du survol de la Terre au cours duquel le Soleil est masquĂ© durant dix minutes. Deux batteries lithium-ion de 55 ampères-heures permettent de stocker l'Ă©nergie. L'angle des ailes avec le corps central de la sonde est rĂ©glĂ© par un bras articulĂ© qui permet de le modifier lĂ©gèrement pour compenser le dĂ©placement du centre de masse de la sonde après chaque utilisation du moteur principal[32] - [29] - [33].

Protection contre les radiations

Vue de Juno et du compartiment blindé.
Le compartiment blindé est le cube situé sur le pont supérieur de la sonde.

Juno, durant son sĂ©jour Ă  proximitĂ© de Jupiter, traverse Ă  chaque orbite la ceinture de radiations en forme de tore qui entoure Jupiter au niveau de l'Ă©quateur. Le rayonnement ionisant prĂ©sent dans ces rĂ©gions est dĂ» au piĂ©geage et Ă  l'accĂ©lĂ©ration des particules par le champ magnĂ©tique particulièrement puissant de la planète. Les panneaux solaires, les plus exposĂ©s, seront soumis Ă  100 millions de rads au cours de la durĂ©e de la mission (environ une annĂ©e terrestre)[note 7]. Ces radiations affectent le fonctionnement de l'Ă©lectronique. L'effet peut ĂŞtre temporaire : par exemple une unitĂ© Ă©lĂ©mentaire de la mĂ©moire change d'Ă©tat (un bit passe de 0 Ă  1) ce qui peut avoir des consĂ©quences graves lorsque cette modification touche l'instruction d'un programme. Il peut y avoir Ă©galement dĂ©gradation permanente de composants par gĂ©nĂ©ration de paires Ă©lectrons-trous dans les couches isolantes, crĂ©ant des courants parasites qui perturbent ou ne permettent plus le fonctionnement du composant. Les performances des panneaux solaires ou la qualitĂ© des Ă©lĂ©ments d'optique sont Ă©galement affectĂ©es. Pour tenir compte de ces effets, la sonde est conçue pour graviter sur une trajectoire spĂ©cifique avec une courte durĂ©e dans la zone d'intense radiation.

Pour rĂ©duire les impacts nocifs de la ceinture de radiations de Jupiter, les sondes qui ont prĂ©cĂ©dĂ© Juno se sont, soit tenues Ă©cartĂ©es de celle-ci, soit n'y ont effectuĂ© que de brefs sĂ©jours. La mission fixĂ©e Ă  la sonde Juno la contraint Ă  subir des expositions beaucoup plus longues. Pour limiter les coĂ»ts, les concepteurs de Juno ont choisi d'utiliser des Ă©quipements Ă©lectroniques dĂ©jĂ  disponibles qui n'ont pas subi un durcissement leur permettant de supporter l'environnement particulièrement hostile de cette mission. Pour les protĂ©ger des rayonnements intenses, les Ă©quipements les plus sensibles sont enfermĂ©s dans un coffre cubique blindĂ© de près d'un mètre de cĂ´tĂ©. Chacune des six parois de ce compartiment est constituĂ©e d'une plaque en titane Ă©paisse de 1 centimètre environ et d'une masse de 18 kilogrammes qui doit arrĂŞter une partie du rayonnement[34]. Les Ă©quipements situĂ©s Ă  l'intĂ©rieur du blindage ne devraient pas recevoir plus de 25 000 rads durant toute la mission. Les Ă©quipements situĂ©s Ă  l'extĂ©rieur du coffre blindĂ© disposent d'une protection locale qui est fonction de leur sensibilitĂ© aux radiations[20] - [35].

ContrĂ´le thermique

La sonde subit des écarts thermiques importants au cours de sa mission, avec une trajectoire qui s'approche à 0,8 unité astronomique (UA) du Soleil, et se situe à environ cinq UA durant le séjour près de Jupiter. Pour protéger les composants sensibles de la sonde contre les températures extrêmes rencontrées, Juno utilise une combinaison de moyens passifs (couches d'isolants, peintures) et de moyens actifs (résistances, ouvertures à dimension variable). Lorsque la sonde est relativement proche du Soleil, l'antenne parabolique s'interpose entre celui-ci et le compartiment blindé qui renferme l'électronique sensible[36] - [37].

Propulsion

La propulsion principale est assurĂ©e par un moteur-fusĂ©e biergol de 645 newtons de poussĂ©e et 317 secondes d'impulsion spĂ©cifique qui consomme un mĂ©lange hypergolique d'hydrazine et de peroxyde d'azote. Ce propulseur de type Leros-1b est rĂ©servĂ© aux principales corrections de trajectoire et est chargĂ© d'insĂ©rer Juno en orbite autour de Jupiter. La sonde dispose par ailleurs de quatre groupes de petits moteurs-fusĂ©es monergol consommant de l'hydrazine (Rocket Engine Module ou REM) constituĂ©s chacun de deux propulseurs permettant de rĂ©aliser une poussĂ©e transversale et un propulseur permettant d'effectuer une poussĂ©e axiale. Deux REM sont placĂ©s sur le pont supĂ©rieur et deux sur le pont infĂ©rieur. Les REM sont capables d'assurer toutes les corrections d'orbite et d'orientation postĂ©rieures Ă  l'insertion de Juno sur son orbite dĂ©finitive[38] - [29].

Vue d'artiste de la sonde et ses instruments.
La sonde et ses instruments scientifiques (vue d'artiste).

Équipements scientifiques

Schéma du MWR.
SchĂ©ma 8 : les longueurs d'onde des Ă©missions radio reçues par le radiomètre MWR reflètent les caractĂ©ristiques de l'atmosphère Ă  diffĂ©rentes profondeurs (jusqu'Ă  500 km de profondeur).
Vue des « ailes » repliées de Juno, dont l'une porte le magnétomètre.
Les capteurs du magnétomètre sont installés au bout d'une des trois « ailes », ici repliée, portant les panneaux solaires.
Vue d'artiste montrant l'antenne grand gain, les antennes plates du le radiolètre MWR et l'antenne en V de WAVES.
Cette vue d'artiste de la sonde permet de distinguer de gauche à droite, l'antenne grand gain qui coiffe le compartiment blindé, les antennes plates du radiomètre MWR sur le flanc du corps de la sonde et l'antenne en V de l'instrument WAVES.

Juno emporte huit ensembles d'instruments comprenant en tout 29 capteurs ainsi que la caméra (JunoCam). Ces instruments comprennent un radiomètre à micro-ondes (MWR) destiné à sonder les couches profondes de l'atmosphère de la planète, un magnétomètre (MAG) chargé de mesurer le champ magnétique interne et externe et une expérience de mesure de la gravité par ondes radio (GS, Gravity Science), pour établir la structure interne de Jupiter. Enfin cinq instruments sont plus particulièrement destinés à l'étude de la magnétosphère et des aurores polaires : un spectromètre infrarouge (JIRAM), un spectromètre ultraviolet (UVS), un détecteur d'ondes de plasma et d'ondes radio (WAVES) et les deux détecteurs de particules énergétiques JEDI et JADE[19].

Pour limiter les risques et les coûts, tous les instruments sont fournis par des équipes qui peuvent s'appuyer sur des dispositifs embarqués à bord d'une des sondes suivantes : New Horizons, Mars Global Surveyor, Cassini ou Galileo. Mais la mission de Juno est exigeante en matière de performances et de conditions rencontrées, ce qui a souvent imposé de faire évoluer les instruments existants. Ainsi le magnétomètre doit pouvoir mesurer un champ magnétique de 16 gauss, soit deux ordres de magnitude au-dessus des instruments développés auparavant ; tous les instruments doivent faire face à des écarts de température liés à la trajectoire de la sonde, qui se trouve peu après son lancement à 0,8 unité astronomique (UA) du Soleil, et durant la phase de l'étude scientifique à environ 5 UA[39].

Radiomètre MWR

Le radiomètre Ă  micro-ondes (Microwave Radiometer ou MWR) comporte 6 antennes montĂ©es sur deux des flancs du corps hexagonal de la sonde. Celles-ci permettent d'effectuer des mesures des ondes Ă©lectromagnĂ©tiques Ă©mises sur autant de frĂ©quences, toutes situĂ©es dans le domaine des micro-ondes : 600 MHz, 1,2 GHz, 2,4 GHz, 4,8 GHz, 9,6 GHz et 22 GHz. En effet, les nuages dans les couches profondes de l'atmosphère jovienne Ă©mettent dans toutes les frĂ©quences radio, mais seules les frĂ©quences micro-ondes parviennent Ă  traverser une grande Ă©paisseur d'atmosphère. Le radiomètre doit permettre de mesurer l'abondance de l'eau, ainsi que celle de l'ammoniac, dans les couches profondes de l'atmosphère, jusqu'Ă  200 bars de pression, soit 500 Ă  600 kilomètres de profondeur (le prĂ©cĂ©dent sondage effectuĂ© par la sonde Galileo explorait jusqu'Ă  22 bars). La combinaison des diffĂ©rentes longueurs d'onde et de l'angle de l'Ă©mission doit permettre d'obtenir un profil de tempĂ©rature Ă  diffĂ©rents Ă©tages de l'atmosphère (schĂ©ma 8). Les donnĂ©es recueillies permettront de dĂ©terminer jusqu'Ă  quelle profondeur s'effectue la circulation atmosphĂ©rique[40] - [41] - [42].

Magnétomètre MAG

Le magnétomètre (MAG), développé par le Centre de vol spatial Goddard de la NASA, est capable d'indiquer la direction et l'intensité du champ grâce à deux capteurs vectoriels (FGM, Flux Gate Magnetometer) pour mesurer le vecteur du champ magnétique et un troisième capteur scalaire (SHM, Scalar Helium Magnetometer) pour en évaluer l'intensité. Les magnétomètres sont montés à l'extrémité d'une des trois ailes supportant les panneaux solaires. Chaque capteur est associé à un viseur d'étoiles développé par une équipe danoise qui permet de connaître avec précision l'orientation du capteur. Le magnétomètre doit permettre de dresser une carte d'une grande précision des champs magnétiques qui s'étendent à l'extérieur et à l'intérieur de la planète[18] - [43] - [42].

Expérience de radiogravité GS

L'expérience de mesure de la gravité par ondes radio (Gravity Science, GS) doit permettre de dresser une carte de la distribution des masses à l'intérieur de Jupiter. La répartition non homogène de la masse au sein de Jupiter induit de faibles variations de la gravité tout au long de l'orbite suivie par la sonde lorsqu'elle longe au plus près la surface de la planète. Ces variations de gravité entraînent à leur tour de petites modifications de vitesse de la sonde. L'expérience de radiogravité consiste à détecter ces dernières en mesurant l'effet Doppler sur les émissions radio émises par Juno en direction de la Terre en bande Ka et bande X, une gamme de fréquences qui permettent de mener l'étude avec moins de perturbations liées au vent solaire ou à l'ionosphère terrestre[44] - [45] - [42].

Les détecteurs de particules énergétiques JADE et JEDI

Les détecteurs de particules énergétiques JADE (Jovian Auroral Distributions Experiment) mesurent la distribution angulaire, l'énergie et le vecteur vitesse des ions et électrons à faible énergie (ions entre 13 eV et 20 keV, électrons entre 200 eV et 40 keV) présents dans les aurores polaires, ainsi que la masse de ces ions. Il comprend un spectromètre de masse pour les ions, et 3 analyseurs d'électrons. Sur JADE comme sur JEDI (l'instrument suivant), les 3 analyseurs d'électrons sont installés sur trois des côtés du plateau supérieur ce qui permet une fréquence de mesure trois fois plus importante[46] - [47].

Les dĂ©tecteurs de particules Ă©nergĂ©tiques JEDI (Jupiter Energetic particle Detector Instrument) mesurent la distribution angulaire et le vecteur vitesse des ions et Ă©lectrons Ă  grande Ă©nergie (ions entre 20 keV et 1 000 keV, Ă©lectrons entre 40 keV et 500 keV) prĂ©sents dans les aurores polaires. JEDI comprend trois capteurs identiques assignĂ©s Ă  l'Ă©tude des ions, notamment d'hydrogène, hĂ©lium, oxygène, soufre[48] - [47].

Mesure des ondes radio et magnétiques WAVES

L'antenne dipolaire (WAVES) mesure les ondes radio et les ondes de plasma qui se propagent dans la magnétosphère de Jupiter pour étudier les interactions entre le champ magnétique, l'atmosphère et la magnétosphère. Le capteur de WAVES est une antenne en V de quatre mètres de long dont l'une des branches mesure la composante électrique des ondes tandis que l'autre mesure les fluctuations magnétiques[49] - [47].

Schéma montrant la disposition des instruments de Juno.
Schéma 9 : disposition des instruments scientifiques de Juno.

Spectromètre ultraviolet UVS

Image d'un des trois détecteurs JEDI.
Un des trois détecteurs de particules énergétiques JEDI.

Le spectromètre ultraviolet UVS (UV spectrograph) prend des photos des aurores de Jupiter dans l'ultraviolet (78-205 nanomètres) avec une rĂ©solution spectrale infĂ©rieure Ă  trois nanomètres et une rĂ©solution spatiale infĂ©rieure Ă  500 kilomètres. CombinĂ© avec les donnĂ©es des instruments JADE et JEDI, ces images doivent permettre de comprendre la relation existant entre les aurores, les flux de particules qui les crĂ©ent et l'ensemble de la magnĂ©tosphère. Les images obtenues alors que la sonde passe directement au-dessus des zones polaires devraient ĂŞtre d'une bien meilleure qualitĂ© que celles existantes, fournies par le tĂ©lescope spatial Hubble[50] - [47].

Spectromètre infrarouge JIRAM

Le spectromètre imageur JIRAM (Jupiter Infrared Aural Mapper) fonctionnant dans le proche infrarouge (entre 2 et 5 microns) effectue des sondages dans les couches supĂ©rieures de l'atmosphère jusqu'Ă  une profondeur comprise entre 50 et 70 kilomètres, oĂą la pression atteint cinq Ă  sept bars. JIRAM doit notamment fournir des images des aurores dans la longueur d'onde de 3,4 microns, dans des rĂ©gions oĂą abondent les ions H3+. L'instrument doit Ă©galement ramener des donnĂ©es sur les zones dĂ©pourvues de nuages, qui se crĂ©ent parfois dans l'atmosphère de Jupiter (les hot spots), qui constituent des fenĂŞtres sur les couches internes de l'atmosphère. En mesurant la chaleur irradiĂ©e par l'atmosphère de Jupiter, JIRAM peut dĂ©terminer comment les nuages chargĂ©s d'eau circulent sous la surface. Certains gaz, en particulier le mĂ©thane, la vapeur d'eau, l'ammoniac et la phosphine, absorbent certaines longueurs d'onde dans le spectre infrarouge. L'absence de ces longueurs d'onde dans les spectres relevĂ©s par JIRAM est une manière de dĂ©tecter la prĂ©sence de ces gaz. JIRAM est un bonus ajoutĂ© Ă  la charge utile après la sĂ©lection de la mission : il n'a pas Ă©tĂ© exigĂ© que cet instrument satisfasse aux exigences de rĂ©sistance aux radiations. Cet instrument est fourni par l'Institut national d'astrophysique italien[51] - [52] - [53].

Caméra en lumière visible JunoCam

Caméra JunoCam.
Caméra JunoCam et son boîtier électronique.

La sonde emporte Ă©galement une camĂ©ra couleur (JunoCam) fonctionnant en lumière visible (400-900 nanomètres), qui ne rĂ©pond Ă  aucun objectif scientifique. Elle doit fournir les premières images des pĂ´les de Jupiter avec une rĂ©solution de 1 pixel pour 15 kilomètres. JunoCam a une optique grand angle avec un angle de champ de 58 degrĂ©s. JunoCam est dĂ©veloppĂ©e Ă  partir de la camĂ©ra de descente MARDI de la sonde martienne Mars Science Laboratory lancĂ©e Ă  la fin de l'annĂ©e 2011. Son blindage, moins Ă©pais que celui des autres instruments, est conçu pour rĂ©sister aux radiations durant au moins sept orbites[54] - [55].

Masse et consommation Ă©lectrique des instruments scientifiques (estimation 2007)[39] - [56]
Composant[i 1] Masse[i 1]
(kg)
Consommation
Ă©lectrique[i 2]
(watts)
Magnétomètre FGM15,2512,5/12,5
Magnétomètre SHM9,086,5/6,5
Instrument ondes radio et plasma WAVES10,879,6/9,6
DĂ©tecteur de particules JADE27,5217,3/17,3
DĂ©tecteur de particules JEDI21,69,7/9,7
Radiomètre micro-ondes MWR42,1332,6/0
Spectrographe ultraviolet UVS13,6511,8/11,8
Caméra infrarouge JIRAM13,118,4/0
Caméra lumière visible JunoCam16/6
Total charge utile173,7124/73,4
Masse sèche1 593-
Carburant2 032-
Sonde3 625-
  1. L'expérience de radiogravité n'est pas décomptée car elle utilise les équipements de télécommunications.
  2. Consommation durant les orbites 1 et 3 Ă  6 / Consommation durant les autres orbites.
Photographie montrant la préparation de la sonde pour des tests acoustiques.
Préparation de la sonde pour des tests acoustiques.

Histoire du projet

Photographie de Juno dans une chambre Ă  vide pour effectuer des tests thermiques.
Juno est placé dans une chambre à vide pour des tests thermiques.

SĂ©lection de la mission

En 2003, le Conseil national de la recherche des États-Unis publie l'Étude dĂ©cennale 2003-2013 des sciences planĂ©taires (Planetary Science Decadal Survey). Comme dans ses versions antĂ©rieures, ce document fait un Ă©tat des lieux des questions les plus importantes touchant aux sciences planĂ©taires, et propose une stratĂ©gie d'exploration spatiale et astronomique, pour la dĂ©cennie suivante, cohĂ©rente avec ces interrogations. Le rapport de 2003, intitulĂ© 2003-2013, New Frontiers in the Solar System, identifie douze axes de recherche et dĂ©finit sept missions spatiales (en excluant celles consacrĂ©es Ă  la planète Mars) Ă  lancer en prioritĂ©. Ă€ cĂ´tĂ© d'une mission lourde Ă  destination de la lune de Jupiter, Europe, et de l'extension de la mission de la sonde Cassini, figurent cinq missions de classe moyenne, c'est-Ă -dire d'un coĂ»t compris Ă  l'Ă©poque entre 325 et 650 millions de dollars US : ce sont l'exploration de Pluton et de la ceinture de Kuiper (mission New Horizons), une mission de retour d'Ă©chantillon depuis le pĂ´le sud de la Lune (Lunar South Pole-Aitken Basin Sample Return), un orbiteur placĂ© sur une orbite polaire autour de Jupiter, emportant trois sondes atmosphĂ©riques (Jupiter Polar Orbiter with Probe, qui deviendra Juno), une mission d'Ă©tude in situ de VĂ©nus (Venus In-Situ Explorer) et une mission de retour d'Ă©chantillon depuis une comète (Comet Surface Sample Return)[57] - [58].

L'une des consĂ©quences de cette Ă©tude est la crĂ©ation par la NASA d'une nouvelle classe de missions spatiales interplanĂ©taires : le programme New Frontiers regroupe des projets d'exploration du Système solaire nĂ©cessitant un budget de taille moyenne, avec un coĂ»t plafonnĂ© Ă  900 millions de dollars hors lancement (en 2011). Ce type de mission s'intercale entre les missions du programme Flagship, au budget non plafonnĂ©, mais rares (une par dĂ©cennie), comme Mars Science Laboratory (2,5 milliards de dollars) et les missions du programme Discovery, comme MESSENGER, dont le coĂ»t ne doit pas excĂ©der 450 millions de dollars, mais dont la cadence de lancement est relativement rapprochĂ©e (six missions pour la dĂ©cennie 2000). La première mission du programme New Frontiers est New Horizons. Juno est la deuxième mission ; elle est sĂ©lectionnĂ©e parmi sept autres propositions le , Ă  la suite d'un appel Ă  candidatures lancĂ© par la NASA en [59]. La sonde est baptisĂ©e Juno, Junon en français, dĂ©esse et Ă©pouse du maĂ®tre des dieux Jupiter dans la mythologie romaine, car sa mission est notamment de rĂ©vĂ©ler ce que cache Jupiter derrière ses nuages, Ă  l'image d'un des faits connus attribuĂ©s au personnage mythologique[60] - [note 8].

La responsabilité de chaque projet du programme New Frontiers est confiée par principe à une personnalité du monde universitaire ou de la recherche qui, notamment, sélectionne les différents participants et est responsable du budget. Pour Juno, ce Principal Investigator (PI) est Scott Bolton, du Southwest Research Institute. La direction de mission est assurée par le Jet Propulsion Laboratory, centre de la NASA à qui est confiée la majorité des missions interplanétaires et qui fournit par ailleurs le radiomètre MWR et le système de télécommunications. Le constructeur aérospatial Lockheed Martin est sélectionné pour la conception et la fabrication de la sonde[61].

De la conception aux tests

Au moment de sa sĂ©lection, il Ă©tait prĂ©vu que Juno soit lancĂ©e en 2009, mais au cours de l'annĂ©e suivante, l'Ă©chĂ©ance est repoussĂ©e de 1 puis 2 ans[15]. Ce dĂ©lai est mis Ă  profit pour affiner le scĂ©nario de la mission : l'orbite prĂ©alable de 78 jours autour de Jupiter est ajoutĂ©e, car elle permet de gagner de la masse, de prĂ©parer la phase scientifique, et donne l'occasion d'observer sous un angle diffĂ©rent sa magnĂ©tosphère. La vitesse de rotation de la sonde, durant son sĂ©jour près de Jupiter, est fixĂ©e, après une Ă©tude approfondie des avantages et inconvĂ©nients, par les Ă©quipes scientifiques concernĂ©es et les ingĂ©nieurs[note 9] - [62].

Après une phase de conception de pratiquement 3 ans, le projet passe avec succès la revue de conception prĂ©liminaire (PDR), et entre en phase de rĂ©alisation le [15]. Durant le dĂ©veloppement qui suit, des modifications notables sont apportĂ©es Ă  la conception initiale. Les rĂ©sultats de simulations des effets des radiations sur l'Ă©lectronique enfermĂ©e dans le compartiment blindĂ© permettent d'optimiser l'Ă©paisseur des parois de celui-ci. Sa masse est rĂ©duite de 180 Ă  157 kilogrammes. Par ailleurs, le tantale, portĂ© par une structure en nid d'abeilles, retenu au dĂ©part pour ces parois, est remplacĂ© par du titane, plus facile Ă  usiner et Ă  modifier, pour prendre en compte les changements de dernière minute. Après avoir affinĂ© la modĂ©lisation du cycle de vieillissement des cellules photoĂ©lectriques utilisĂ©es par Juno, et compte tenu de la marge de puissance estimĂ©e indispensable, l'Ă©quipe du projet dĂ©cide de porter la surface des panneaux solaires de 50 Ă  60 m2[33]. En , le lanceur Atlas V est sĂ©lectionnĂ© pour un coĂ»t du lancement de 190 millions de dollars[63]. L'assemblage de Juno dĂ©bute le , dans l'Ă©tablissement de Lockheed Martin situĂ© Ă  Denver[64].

DĂ©roulement de la mission

Vue du lancement de Juno par une fusée Atlas V 551.
Lancement de Juno par une fusée Atlas V 551.

Lancement de la sonde spatiale (août 2011)

La fusĂ©e retenue pour le lancement de Juno est une Atlas V 551. Il s'agit de la version la plus puissante de ce lanceur : elle dispose de cinq propulseurs d'appoint, qui fournissent avec le premier Ă©tage une poussĂ©e de 985 tonnes au dĂ©collage, pour une masse totale avec la charge utile de 574 tonnes. La sonde spatiale ainsi que le second Ă©tage sont entourĂ©s d'une coiffe aĂ©rodynamique de 5 mètres de diamètre qui est larguĂ©e dès que les couches les plus denses de l'atmosphère ont Ă©tĂ© dĂ©passĂ©es[note 10]. La fenĂŞtre de lancement, d'une durĂ©e d'environ une heure chaque jour, s'Ă©tend du 5 au [65] - [66]. La date du lancement conditionne celle de la sonde martienne Mars Science Laboratory, qui doit utiliser le mĂŞme pas de tir pour une mise en orbite comprise entre fin novembre et dĂ©cembre[note 11]. La sonde Juno est lancĂ©e le , Ă  16 h 25 UTC, depuis la base de Cape Canaveral[67]. La sonde spatiale emporte une copie de la lettre[note 12] du savant italien GalilĂ©e dĂ©crivant sa dĂ©couverte des lunes joviennes, fournie par l'Agence spatiale italienne[68] - [69].

Transit vers Jupiter (2011-2016)

La fusĂ©e place la sonde spatiale sur une orbite elliptique, dont l'aphĂ©lie se situe Ă  l'extĂ©rieur de l'orbite de la planète Mars. Alors que Juno a bouclĂ© la moitiĂ© de son orbite, deux manĹ“uvres (Deep Space Maneuver ou DSM), destinĂ©es Ă  modifier sa trajectoire, sont rĂ©alisĂ©es Ă  quelques jours d'intervalle, vers le 28- : le propulseur principal est mis Ă  feu Ă  deux reprises durant 33 minutes, ce qui modifie sa vitesse de plus de 800 m/s. Sa nouvelle orbite lui permet de raser la Terre Ă  basse altitude (800 kilomètres), environ deux ans après son lancement, le ; l'assistance gravitationnelle de la Terre accĂ©lère la sonde de 7,3 km/s, ce qui la place sur une orbite de transfert lui permettant d'atteindre Jupiter[70] - [71] - [72].

Le transit vers Jupiter dure plus de deux ans et demi. La propulsion principale est utilisĂ©e Ă  une dizaine de reprises, avant et après le survol de la Terre, pour effectuer de petites corrections de trajectoire. Six mois avant l'arrivĂ©e, vers , le fonctionnement des instruments est vĂ©rifiĂ©, et ceux-ci sont calibrĂ©s. Les premières observations scientifiques sur le champ magnĂ©tique et les particules sont effectuĂ©es lorsque l'interface entre le vent solaire et la magnĂ©tosphère de Jupiter est atteinte, le [73], soit quelque temps avant l'arrivĂ©e Ă  proximitĂ© de Jupiter. Lorsque la sonde aborde la planète gĂ©ante, dĂ©but , elle a parcouru environ 1 780 000 000 milles (2 865 000 000 km)[74], et un peu plus de cinq ans se sont Ă©coulĂ©s depuis le lancement (schĂ©ma 3).

Schéma des orbites de Juno.
Orbite de Juno autour de Jupiter : après 2 orbites larges destinées à préparer la phase suivante, la sonde spatiale doit effectuer 36 orbites de 14 jours, consacrées aux activités scientifiques, puis plonger dans l'atmosphère de la planète, pour être détruite avant que son électronique ne soit trop sévèrement endommagée par les radiations, et que la NASA n'en perde le contrôle.

Mise en orbite autour de Jupiter (juillet 2016)

Jupiter et ses plus grosses lunes prises par JunoCam le 28 juin 2016 Ă  environ 6,8 millions de km quelques jours avant la mise en orbite.
Photographie de Jupiter et ses plus grosses lunes prises par la camĂ©ra JunoCam le 28 juin 2016 Ă  environ 6,8 millions de km quelques jours avant la mise en orbite.

L'insertion en orbite autour de Jupiter (Jupiter Orbit Insertion ou JOI), qui a lieu le , est une manĹ“uvre critique, complètement pilotĂ©e par l'ordinateur embarquĂ© : celui-ci prend complètement le contrĂ´le des opĂ©rations 5 jours avant la manĹ“uvre. Pour accroĂ®tre les chances d'un bon dĂ©roulement, certaines procĂ©dures susceptibles de placer de manière inopportune la sonde spatiale en mode survie, sont suspendues[note 13]. Dans le mĂŞme but, les instruments scientifiques sont arrĂŞtĂ©s cinq jours avant la manĹ“uvre, et ne sont remis en marche que cinquante heures après l'insertion en orbite. Avant de mettre en marche la propulsion, la vitesse de rotation de la sonde spatiale autour de son axe est accrue, passant de deux Ă  cinq tours par minute, pour limiter les dĂ©viations par rapport Ă  la direction retenue durant la phase propulsĂ©e. La manĹ“uvre d'insertion en orbite est dĂ©clenchĂ©e Ă  2 h 30 UTC, et utilise le propulseur principal durant 35 minutes[75]. Les responsables de la mission reçoivent une confirmation que la mise Ă  feu du propulseur s'est bien passĂ©e[76] un peu plus de 48 minutes plus tard, temps mis par l'information pour arriver jusqu'au centre de contrĂ´le, Ă  la vitesse de la lumière dans le vide. L'action du moteur-fusĂ©e rĂ©duit la vitesse de Juno de 542 m/s, et insère la sonde spatiale sur une orbite de 53,5 jours autour de Jupiter. Le choix d'une orbite plus large que celle visĂ©e permet de rĂ©duire la consommation d'ergols. La sonde spatiale passe Ă  seulement 4 700 kilomètres au-dessus du sommet des nuages de Jupiter. Le risque d'ĂŞtre frappĂ© par des poussières atteint Ă  ce moment sa probabilitĂ© la plus forte, compte tenu de la position des anneaux tĂ©nus de Jupiter.

Échec du changement d'orbite (octobre 2016)

L'orbite devait initialement ĂŞtre modifiĂ©e le , soit 106 jours (deux orbites) plus tard, en utilisant Ă  nouveau le propulseur principal durant 38 minutes, pour ramener l'orbite de la sonde Ă  14 jours, une dernière manĹ“uvre de correction devant ĂŞtre effectuĂ©e 7,6 jours plus tard, pour parfaire l'orbite sur laquelle la sonde va travailler[28] - [77] - [78] - [79].

Cependant, Ă  la suite du comportement suspect de deux valves contrĂ´lant l'hĂ©lium utilisĂ© pour mettre sous pression les ergols (au cours d'une rĂ©pĂ©tition, celles-ci se seraient ouvertes au bout de plusieurs minutes au lieu de quelques secondes), la manĹ“uvre visant Ă  rĂ©duire l'orbite, en la faisant passer de 53,5 jours Ă  deux semaines, qui devait avoir lieu le est dĂ©calĂ©e jusqu'au moins le pĂ©riapside suivant ()[80]. Un deuxième incident, plus grave, se produit quelques jours plus tard. Le , treize heures avant d'effectuer son deuxième passage au-dessus de Jupiter, la sonde spatiale se met en mode survie Ă  la suite d'une dĂ©faillance dĂ©tectĂ©e par l'ordinateur embarquĂ©. Dans ce mode, la sonde spatiale rĂ©duit son activitĂ© au minimum, et en particulier les instruments sont arrĂŞtĂ©s. En consĂ©quence aucune donnĂ©e scientifique n'a pu ĂŞtre recueillie durant ce passage[81]. La sonde quitte finalement le mode survie le [82].

Modification du déroulement de la mission (février 2017)

Comparaison déroulement prévu / implémenté
Mission prévue Mission implémentée
PĂ©riode orbitale14 jours53,5 jours
Fin mission[83]
Survols 12/20173611
Apogée2,8 millions km8,1 millions km
PĂ©rigĂ©e4 000 km
Surcoût35-40 millions US$ / an

À la suite de l'incident d', la NASA étudie longuement les options envisageables pour la suite de la mission. Les ingénieurs décident en de renoncer à faire passer la période de l'orbite de 53,5 à 14 jours comme prévu car compte tenu des incidents précédents, la mise à feu du moteur-fusée pourrait placer Juno sur une orbite ne permettant pas d'effectuer les observations scientifiques prévues et éventuellement pourrait mettre en péril la vie de la sonde spatiale en prolongeant les éclipses solaires au-delà de la capacité de ses batteries. La NASA étudie un scénario dégradé consistant à faire fonctionner la propulsion principale sans maintenir sous pression le circuit du carburant mais y renonce car le moteur Leros 1b n'a pas été conçu pour fonctionner dans ce mode et ce mode opératoire constitue un risque. Selon les responsables de la mission, Juno en se maintenant sur l'orbite de 53 jours peut tout de même remplir les objectifs assignés à la mission. Par ailleurs, cette orbite permet d'effectuer des mesures répétées dans une région s'étendant jusqu'à huit millions de kilomètres : la sonde spatiale peut étudier des parties de la magnétosphère de Jupiter qu'elle n'aurait pu observer si le scénario initial avait été mis en œuvre. Toutefois la nouvelle orbite présente des inconvénients. Pour pouvoir réaliser les 36 survols prévus, la mission doit être prolongée de trois ans, et il n'est pas certain que la sonde spatiale fonctionne jusque-là. Cette extension de la mission a un coût non budgété de 35 à 40 millions de dollars par an. La NASA choisit néanmoins cette solution[84].

Déroulement de la phase scientifique (partiellement prévisionnel) : août 2016-2025

Séquence de photos prises entre le 15 et 27 août 2016.
Séquence de photos prises entre le 15 et 27 août 2016.

Durant son sĂ©jour autour de Jupiter, Juno dĂ©crit une orbite fortement elliptique, pour limiter le temps passĂ© dans la ceinture de radiations crĂ©Ă©e par le champ magnĂ©tique de la planète gĂ©ante. La sonde spatiale plonge Ă  l'approche de Jupiter, pratiquement Ă  la verticale vers son pĂ´le Nord, survole Ă  très basse altitude (entre 4 200 et 7 900 kilomètres) la couche nuageuse de Jupiter jusqu'au pĂ´le sud, puis s'Ă©loigne de Jupiter, initialement dans le prolongement de ce pĂ´le, pour rejoindre son apogĂ©e situĂ© Ă  8,1 millions de kilomètres), Ă  peu près dans le plan de l'Ă©quateur.

Prolongement de la mission jusqu'en 2025 avec des objectifs complémentaires

Alors que la mission primaire doit s'achever en juillet 2021, la NASA décide début 2021 de la prolonger jusqu'en septembre 2025 ou jusqu'à la fin de vie de la sonde spatiale si celle-ci intervient avant. Au cours de cette nouvelle phase, la sonde spatiale doit effectuer 42 orbites autour de Jupiter. Cette orbite doit progressivement évoluer en traversant successivement les ceintures de radiations de forme torique entourant les lunes Europe et Io. Profitant des opportunités créées par ce prolongement, plusieurs objectifs sont ajoutées à la mission. Des mesures de rayonnement sont effectuées autour de Io et d'Europe pour optimiser les stratégies d'observation de ces lunes par les futures sondes spatiales Europa Clipper (NASA) et JUICE (Agence spatiale européenne). Juno effectuera deux survols de Ganymède, trois d'Europe et 11 de Io et traversera à de multiples reprises les anneaux de Jupiter. Des données seront collectées à cette occasion pour améliorer notre connaissance de la géologie de ces lunes ainsi que la dynamique des anneaux. La mission prolongée doit également permettre de mieux remplir les objectifs initiaux. En effet le périgée de l'orbite, situé à proximité de la surface de Jupiter, va progressivement migrer vers le nord, améliorant ainsi la couverture des régions polaires et de ses mystérieux cyclones. En utilisant l'assistance gravitationnelle des lunes l'orbite de Juno sera progressivement réduite, accroissant le nombre de passages et donc d'observations. Le survol de Ganymède le 7 juin 2021 (orbite 34) doit faire passer la durée d'une orbite de 53 à 43 jours. Le passage à proximité d'Europe le 29 septembre 2022 réduit à nouveau la période à 38 jours. Enfin les survols combinés du 30 décembre 2023 et du 3 février 2024 doit la faire passer à 33 jours[85].

Orbites de la deuxième extension de mission en bleu et mauve.

Fin de mission (prévisionnel)

L'Ă©lectronique de la sonde, qui se dĂ©grade Ă  chaque passage dans la ceinture de radiations, est confrontĂ©e Ă  un risque croissant de panne, malgrĂ© les 200 kilogrammes de blindage qui la protègent, et la mission sera volontairement arrĂŞtĂ©e avant que Juno ne devienne incontrĂ´lable[note 14]. Initialement prĂ©vu au cours de sa 36e orbite, vers la mi-, mais potentiellement dĂ©sormais vers septembre 2025, la propulsion de la sonde sera allumĂ©e une dernière fois pour rĂ©duire sa vitesse, ce qui diminuera l'altitude de son orbite au pĂ©riapside lorsqu'elle survolera Jupiter Ă  basse altitude. Quelques jours plus tard, Juno pĂ©nètrera dans l'atmosphère de Jupiter, oĂą elle sera dĂ©truite par sa trainĂ©e, puis dissoute par la pression et la tempĂ©rature internes de Jupiter[20] - [21] - [86].

RĂ©sultats

Juno a identifié une nouvelle ceinture de radiations située au niveau de l'équateur immédiatement au-dessus de l'atmosphère (signalée par une tache bleutée). La sonde spatiale traverse par ailleurs une ceinture de radiations déjà connue située aux latitudes hautes.
Structure profonde de la grande tache rouge déterminée à l'aide du radiomètre.

Jupiter est un monde complexe et turbulent. Les données recueillies par les instruments de la sonde spatiale Juno remettent en cause de nombreuses hypothèses scientifiques sur les processus à l’œuvre.

Ceintures de radiations

L'intensité du rayonnement dans les ceintures de radiation est moins forte que ce qui a été modélisé ce qui permet d'envisager le prolongement de la mission jusqu'en 2021. Par contre une nouvelle ceinture de radiations a été découverte au niveau de l'équateur immédiatement au-dessus de l'atmosphère[87].

RĂ©gions polaires

Les images fournies par la caméra Juno montrent que les régions des deux pôles sont occupées par des tempêtes de la taille de la Terre très proches les unes des autres. Les scientifiques s'interrogent sur leur mode de formation et sur leur dynamique : s'agit-il de phénomènes permanents ? dont la configuration évolue dans le temps ? Est-ce que ces tempêtes se déplacent[87] - [88] ?

Aurores polaires

Les données collectées sur les aurores polaires démontrent que les processus à l'œuvre sont différents de ceux de la Terre. Les électrons accélérés aux pôles ont des énergies atteignant 400 keV soit 10 à 30 fois ceux de la Terre. Mais à la surprise des scientifiques, malgré ce potentiel électrique énorme, les aurores polaires ne sont pas permanentes et la source des aurores polaires les plus intenses n'est pas liée à cette caractéristique[87].

Grande Tache rouge

La caméra de Juno a pris des photos très détaillées de la surface de Jupiter en particulier de la Grande Tache rouge et des régions polaires. D'après les données des radiomètres la grande Tache Rouge se prolonge au moins jusqu'à une profondeur de 300 kilomètres et elle est plus chaude à sa base qu'à sa surface[87] - [88].

Caractéristiques de l'atmosphère

Le radiomètre embarquĂ© indique que les couches profondes de l'atmosphère de Jupiter (50 Ă  100 kilomètres en dessous du sommet des nuages) sont agitĂ©es, contrairement au consensus gĂ©nĂ©ral des scientifiques tablant sur l'absence d'Ă©nergie incidente Ă  cette profondeur. Par ailleurs en s'appuyant sur les mesures du champ de gravitĂ© (le radiomètre ne permet pas de sonder au-delĂ  de quelques centaines de kilomètres), l'Ă©quipe scientifique de Juno a dĂ©couvert que les vents et le dĂ©coupage en bandes horizontales visible en surface, s'Ă©tendaient jusqu'Ă  une profondeur de 3 000 kilomètres fixant ainsi une limite infĂ©rieure de l'atmosphère Ă  une profondeur bien plus importante que prĂ©vu. Contrairement aux hypothèses, cette atmosphère n'est pas constituĂ©e de couches emboĂ®tĂ©es caractĂ©risĂ©es par des vitesses de rotation diffĂ©renciĂ©es. En deçà de cette atmosphère, les couches infĂ©rieures, qu'elles soient liquides ou solides, ont un mouvement de rotation unique et se comportent comme si elles formaient une seule entitĂ©[89] - [87] - [88].

Structure interne

Compte tenu des résultats obtenus en mesurant le champ de gravité, il se pourrait que le noyau rocheux et métallique de la taille d'une Terre ou d'une superTerre existant au moment de la formation de Jupiter se soit dissous et mélangé avec le manteau constitué d'hydrogène métallique liquide[89].

Champ magnétique

L'intensité du champ magnétique de Jupiter, qui a pu être mesuré avec précision, atteint 7,766 Gauss, une valeur supérieure à ce qui était prévu. L'instrument utilisé a pu démontrer qu'il était irrégulier ce qui semble indiquer que la dynamo qui génère le magnétisme est plus proche de la surface de la planète que prévu et serait située au-dessus de la couche d'hydrogène métallique[88].

  • Photos prises au cours de survols rĂ©alisĂ©s en 2017
  • PĂ´le sud de Jupiter (mai 2017)
    Des tempêtes de la taille de la planète Terre sont visibles au niveau du pôle Sud.
  • La grand tache rouge photographiĂ©e le 11 juillet 2017
    La Grande Tache rouge photographiée le .
  • TempĂŞte photographiĂ©e lors du survol du 27 mars 2017
    Tempête photographiée lors du survol du et située au sud de la tache blanche.

Évocation artistique

Le compositeur grec Vangelis collabore avec la NASA à l'occasion de cette mission pour élaborer un album qui sort en 2021 : Juno to Jupiter, évocation musicale du voyage de la sonde. Il s'agit du dernier album composé par Vangelis, qui meurt en mai 2022[90]. Vangelis avait déjà collaboré avec la NASA en composant l'album Mythodea, thème des missions vers la planète Mars, en 2001. Il avait également travaillé de la même manière avec l'Agence spatiale européenne en composant un album à l'occasion de la mission de la sonde Rosetta, lancée en 2004 et terminée en 2016. L'album ainsi composé, Rosetta, était sorti en 2016[91].

Notes et références

Notes

  1. La densité de Jupiter est de 1,33 contre 5,52 pour la Terre.
  2. Une unité astronomique représente la distance entre la Terre et le Soleil. La vitesse à laquelle une sonde spatiale doit être lancée croît avec la distance de la planète visée par rapport au Soleil : il faut que la sonde s'extraie du puits gravitationnel du Soleil et sa vitesse doit être suffisante pour que le temps de transit entre la Terre et la planète visée ne soit pas trop long.
  3. Toutefois la planète intérieure Mercure n'a reçu la visite que d'une seule sonde au XXe siècle. Étant la planète la plus proche du Soleil, elle est profondément enfoncée dans le puits gravitationnel du Soleil. Une sonde lancée vers Mercure doit consommer beaucoup de carburant pour réduire suffisamment sa vitesse.
  4. Lorsqu'une sonde spatiale rencontre des problèmes de fonctionnement, ils peuvent amener à une perte du contrôle de l'orientation car le maintien de celle-ci est très vulnérable car dépendant du bon fonctionnement de nombreux composants : viseurs d'étoiles, propulseurs, centrale à inertie, programme de guidage, etc. s'il y a perte d'orientation, l'antenne grand gain n'est plus pointée avec suffisamment de précision vers la Terre. Dans ces circonstances, les émissions des antennes faible gain, beaucoup moins exigeantes en matière de pointage, peuvent être reçues par les antennes terrestres ce qui permet aux équipes à Terre de disposer des données leur permettant d'effectuer un diagnostic et de renvoyer des instructions pour tenter de rétablir un mode de fonctionnement normal.
  5. Lorsque la sonde est en rotation elle résiste aux changements d'orientation par effet gyroscopique.
  6. Sur la sonde Galileo qui était également stabilisée par rotation, les instruments d'observation à distance étaient regroupés sur une plateforme qui tournait en sens inverse de la sonde pour maintenir le pointage de ceux-ci dans une direction fixe. Mais ce dispositif complexe s'était révélé très coûteux.
  7. Une dose instantanée de quelques centaines de rads est fatale pour un être humain.
  8. Jupiter, maître des dieux de la mythologie romaine, trompe sa femme Junon avec Io, en dissimulant son acte sous une couche de nuages entourant la Terre. Mais son épouse, grâce à ses talents de déesse, parvient à dévoiler Jupiter.
  9. L'équipe scientifique développant le radiomètre souhaitait une vitesse élevée qui permettait un balayage plus fréquent de la planète tandis que l'équipe responsable du magnétomètre redoutait que les viseurs d'étoiles, qui jouent un rôle essentiel dans les mesures effectuées, ne parviennent à déterminer l'orientation de la sonde à cette vitesse.
  10. Cette version du lanceur a été utilisée jusque-là une seule fois pour le lancement de la sonde spatiale New Horizons vers Pluton le 19 janvier 2006.
  11. Il faut compter au moins 78 jours après le lancement de Juno pour prĂ©parer le lancement de MSL.
  12. Contenu de la lettre de Galilée « C'est ainsi que le 11 je vis une disposition de ce type (schéma de Jupiter et ses lunes). Il y avait seulement deux étoiles orientales et celle qui était en position médiane était trois fois plus distante de Jupiter que de celle qui était plus à l'est. De plus, la plus orientale était presque deux fois plus grande que l'autre, alors que pourtant la nuit précédente elles apparaissaient à peu près égales. Il était donc pour moi, établi et tranché sans aucun doute qu'il y avait dans le ciel trois étoiles errant autour de Jupiter, à la façon de Vénus et de Mercure autour du Soleil ».
  13. Le mode survie est déclenché lorsque l'ordinateur détecte une situation anormale. Il entraîne un arrêt de toutes les opérations en cours, parfois à tort (principe de précaution) et se traduirait dans le cas présent par une perte de la mission (il n'y a qu'une seule occasion pour s'insérer en orbite autour de Jupiter).
  14. L'objectif est de respecter la réglementation en matière de protection planétaire qui vise à éviter la contamination par des micro-organismes d'origine terrestre des corps célestes pouvant abriter la vie, comme le satellite de Jupiter Europe.

Références

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Autres

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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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