Europa Clipper
Europa Clipper est une mission spatiale de la NASA en cours de développement, dont l'objectif est l'étude d'Europe, une des lunes de Jupiter. Europe constitue un objectif scientifique de premier plan depuis que les données fournies par la sonde Galileo à la fin des années 1990 ont permis de déterminer qu'il existait un océan d'eau liquide sous sa surface glacée, qui pourrait abriter des formes de vie. Mais la mission d'exploration, qui doit se dérouler dans une région de l'espace fortement irradiée par sa proximité avec Jupiter, est complexe et les projets d'exploration élaborés à la suite de cette découverte se heurtent longtemps à l'absence de moyens financiers suffisants.
Organisation | NASA |
---|---|
Constructeur | JPL, APL |
Domaine | Étude d'Europe, satellite de Jupiter |
Type de mission | Survols |
Statut | Développement en cours |
Lancement | octobre 2024 |
Lanceur | Falcon Heavy |
Survol de |
Europe satellite de Jupiter |
Durée | 3 ans (mission scientifique) |
Site | https://europa.nasa.gov/ |
Masse au lancement | ~6 t |
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Masse instruments | ~352 kg |
Masse ergols | ~2 750 kg |
Contrôle d'attitude | Stabilisé 3 axes |
Source d'énergie | Panneaux solaires |
Le projet Europa Clipper est le quatrième proposé mais, contrairement à ses prédécesseurs, il reçoit l'appui du Congrès américain au milieu de la décennie 2010. Il prévoit le lancement d'une sonde spatiale de six tonnes emportant 350 kg d'instruments scientifiques, dont un radar permettant de sonder l'océan sous la glace. La sonde spatiale devra effectuer un transit d'environ 5,5 ans comprenant un recours à l'assistance gravitationnelle de Mars et de la Terre (technique MEGA, pour Mars-Earth Gravity Assist) avant de se placer en orbite autour de Jupiter. La partie scientifique de la mission comporte 45 survols d'Europe sur une période de 3,5 ans. Le coût du projet est évalué en 2018 à 3,1 milliards de dollars en ne prenant pas en compte le coût de lancement.
Les études préliminaires sont lancées en 2015 et la NASA prend la décision de lancer le développement en . La date de lancement s'articule autour d', pour une arrivée prévue le . Le lanceur choisi est le Falcon Heavy de SpaceX.
Contexte
Europe, objectif prioritaire de l'exploration du Système solaire
Europe est un satellite de Jupiter dont le diamètre est proche de celui de la Lune (3 121 kilomètres). Mais contrairement à cette dernière, sa surface, constituée d'une couche de glace sillonnée de fissures et d'arêtes entrecoupées de zones lisses et comportant peu de cratères d'impact, reflète une activité intense et récente. Plusieurs indices semblent montrer qu'Europe comporte sous sa couche de glace un océan d'eau liquide résultant du réchauffement suscité par les forces de marée qu'exerce Jupiter sur sa lune. Celles-ci sont particulièrement importantes car Europe est à la même distance de la planète géante que la Lune de la Terre, mais Jupiter est 318 fois plus massive que notre planète. La pression exercée par les forces de marée sur les roches entraîne leur échauffement, permettant sans doute la présence d'eau liquide malgré une température extérieure qui ne dépasse jamais −150 °C. L'océan souterrain pourrait constituer une zone habitable et héberger des micro-organismes. Pour cette raison, l'étude d'Europe par une sonde spatiale a été identifiée comme une mission prioritaire par les deux derniers rapports scientifiques décennaux de 2003 et 2011 consacrés aux sciences planétaires[1].
Résultats des précédentes missions
Les deux sondes spatiales du programme Voyager sont les premières dans les années 1970 à avoir révélé les formations étranges présentes à la surface d'Europe. Mais ces engins spatiaux n'ont pu fournir que des images à faible résolution qui soulevaient plus de questions qu'elles n'apportaient de réponses. La sonde spatiale Galileo qui a séjourné dans le système jovien de 1995 à 2003 a effectué 11 survols d'Europe et a permis d'obtenir des images et des spectres à haute résolution de différentes régions de la surface d'Europe. Ce sont ces observations qui ont permis d'émettre l'hypothèse d'un océan souterrain. Certaines formations à la surface permettent de penser que des échanges ont lieu entre celle-ci et l'océan souterrain. Selon les données fournies par le magnétomètre de Galileo, le déplacement d'Europe dans le champ magnétique de Jupiter induit un champ magnétique propre à la lune qui pourrait être créé par des courants électriques circulant dans les eaux salées de l'océan souterrain. L'irradiation des particules chargées en surface peuvent créer des oxydants qui, s'ils sont transportés dans l'océan, pourraient servir de carburant à des formes simples de vie[1].
Questions en suspens
À l'issue de la mission de Galileo, il subsiste de nombreuses inconnues car les instruments de Galileo n'étaient pas adaptés à l'étude de la lune Europe. Ainsi, la mesure de la gravité via l'effet Doppler a permis de déterminer qu'Europe était recouvert d'une couche d'eau ou de glace d'une épaisseur comprise entre 80 et 150 km sans qu'on sache quelle est la proportion d'eau liquide. Il n'existe pas non plus de signe évident d'activité géologique même si des panaches de vapeur d'eau ont peut-être été aperçus par le télescope spatial Hubble. Bien que la modélisation des fractures qui sillonnent la surface progresse, les scientifiques n'arrivent pas à conclure sur les processus à l’œuvre. On ne dispose pas de suffisamment d'éléments non plus pour déterminer si Europe dispose de sources d'énergie suffisantes pour entretenir la vie dans son océan intérieur[1].
Historique du projet
difficultés d'une mission d'étude d'Europe
Toute mission d'exploration d'Europe constitue un projet coûteux pour trois raisons. Europe est un univers complexe qui nécessite de recueillir beaucoup de données pour comprendre son histoire et ses caractéristiques. En effet, elle fait partie des corps célestes externes du Système solaire : son éloignement de la Terre et du Soleil nécessite des systèmes de communication et de production d'énergie performants et donc coûteux. Enfin, Europe se trouve dans la zone de rayonnement intense qui entoure Jupiter et son approche nécessite un blindage et une électronique renforcés qui accroissent la masse et le coût de la sonde spatiale. Même équipée pour résister au rayonnement, la durée de vie d'une sonde spatiale étudiant Europe est courte : elle a été évaluée à un mois pour un orbiteur d'un coût de 1,6 milliard $ et à neuf mois pour un orbiteur d'un coût de 4,5 milliards $[2].
Les projets avortés
Les premiers résultats fournis par la sonde spatiale Galileo ont donné naissance successivement à plusieurs projets de mission d'étude d'Europe. Aucun d'entre eux n'a abouti, faute de disposer de suffisamment de moyens financiers.
Europa Orbiter
En 1997, la NASA, très satisfaite des résultats des missions interplanétaires à faible coût du programme Discovery et de la première mission Mars Surveyor, décide de transposer ce concept à des objectifs prioritaires beaucoup plus complexes. L'étude de trois missions est confiée au centre spatial JPL dans le cadre d'un projet surnommé Fire and Ice (« Le feu et la glace »). Parmi celles-ci figurent Europa Orbiter, qui doit étudier la lune Europe avec un nombre d'instruments réduit pour limiter les coûts. L'enveloppe budgétaire prévue est de 190 millions $, mais les coûts s'envolent au fur et à mesure de l'avancement de l'étude pour atteindre 1,4 milliard $. Le projet est alors abandonné[3].
Jupiter Icy Moons Orbiter
L'administrateur suivant de la NASA a une démarche complètement opposée. Il fait étudier au début des années 2000 la mission Jupiter Icy Moons Orbiter (JIMO), dont l'objectif est l'exploration des lunes glacées de Jupiter avec comme cible principale Europe. La sonde spatiale de 36 tonnes doit disposer d'un réacteur nucléaire permettant l'emport de plusieurs centaines de kilogrammes d'instrumentation scientifique[4]. Ce projet au coût démesuré (16 milliards $, alors que l'allocation budgétaire annuelle pour le développement des missions interplanétaires est inférieure à un milliard de dollars) est abandonné en 2005 lorsque l'administrateur quitte son poste[5].
Jupiter Europa Orbiter
En 2008, la NASA définit un nouveau projet de mission vers Europe baptisé Jupiter Europa Orbiter (JEO). Contrairement au projet précédent, cette mission repose sur des techniques maîtrisées. JEO doit effectuer une étude approfondie du système jovien avant de se placer en orbite autour d'Europe pour une durée de neuf mois. Mais le coût du projet, évalué à 4,3 milliards $, est considéré comme très élevé par l'agence spatiale et le projet est abandonné en 2011[6].
Caractéristique | Europa Orbiter | Jupiter Icy Moons Orbiter | Jupiter Europa Orbiter | Europa Clipper | Europa Orbiter (2012) |
---|---|---|---|---|---|
Début de l'étude | 1997 | 2000 | 2008 | 2012 | 2012 |
Statut | abandon (2000) | abandon (2005) | abandon (2011) | en cours de développement | à l'étude |
Coût | 190 Mns USD$ ⇒ 1,4 Md USD$ | 16 Mds USD$ | 4,3 Mds USD$ | 2,1 Mds USD$ | 1,4 Md USD$ |
Caractéristiques de la mission | Orbiteur | Orbiteur | Orbiteur | 45 survols | Orbiteur |
Durée (consacrée à Europe) | ? | 1 mois | 9 mois | 3,5 ans | 1 mois |
Production énergie | RTG | Moteur à fission nucléaire | RTG | Panneaux solaires | Panneaux solaires ? |
Autres caractéristiques | Mission à très bas coût masse totale < 200 kg | Objectifs comprenant d'autres lunes de Jupiter |
Étude préliminaire de Europa Clipper
À la suite de l'abandon de JEO, l'agence spatiale américaine décide d'étudier en 2012 trois types de mission vers Europe — un orbiteur, un engin effectuant des survols et un atterrisseur — en imposant que le coût du projet reste inférieur à deux milliards de dollars. Le projet d'atterrisseur est rapidement éliminé, faute d'informations suffisamment précises sur les sites les plus intéressants sur le plan scientifique et sur la topographie des zones d'atterrissage. Dans l'enveloppe budgétaire imposée, l'orbiteur a une durée de vie estimée à 30 jours. La version effectuant des survols doit réaliser 34 passages à proximité de la lune en accumulant l'équivalent de six jours d'observation. Malgré cette durée d'observation beaucoup plus brève, cette sonde peut retourner près de trois fois plus de données car le débit en transmission est beaucoup plus faible que le volume collecté par les instruments : la sonde spatiale dispose en effet de sept à dix jours entre chaque survol pour transférer les données. Compte tenu des objectifs poursuivis, la mission effectuant des survols est préférée car elle permet une bonne mise en œuvre des instruments clés, comme le radar chargé d'observer sous la glace ou le spectromètre infrarouge chargé d'identifier les éléments chimiques présents. Au cours des deux années suivantes, les caractéristiques de la mission sont affinées : 11 survols sont ajoutés et des instruments complémentaires sont étudiés. Le projet, dont le coût est désormais évalué à 2,1 milliards $, est rebaptisé Europa Clipper. Toutefois, les responsables de la NASA ne souhaitent pas lancer immédiatement les développements car ils ne disposent pas des fonds nécessaires dans les prévisions budgétaires[2].
Lancement du projet Europa Clipper
Le projet Europa Clipper est pratiquement imposé à la NASA par le représentant républicain du Texas John Culberson au début des années 2010. L'administrateur de la NASA Charles F. Bolden sait qu'un tel projet sera très coûteux et il préfère ne pas se lancer dans une aventure qui risque de ne pouvoir aboutir faute de moyens financiers. Mais Culberson, en tant que président de la commission des affaires spatiales, joue un rôle décisif dans l'allocation des fonds à l'agence spatiale. Celui-ci alloue, sans demande de la part de l'agence, 43 millions $ (2013) puis 80 millions (2014) à la mission. La NASA réalise en 2014 une étude pour parvenir à un projet d'un coût inférieur à un milliard de dollars[2]. Elle finit par accepter en 2015 de lancer le projet. L'agence spatiale lance alors un appel à propositions auprès de la communauté scientifique pour permettre la sélection des instruments scientifiques. En mai 2015, l'agence annonce qu'après avoir passé en revue 33 projets, elle en a retenu neuf qui seront installés à bord de la sonde spatiale[7]. La même année, Culberson, après avoir interrogé les spécialistes du JPL, propose d'ajouter un atterrisseur à l'orbiteur. Les ingénieurs évaluent le surcoût à 1 milliard $[8]. Culberson, qui est relativement isolé dans son soutien au projet d'atterrisseur, perd son siège au cours des élections de 2018[9]. Aucune somme n'est directement allouée au projet d'atterrisseur dans le cadre des budgets des années 2018 et 2019[10].
Divergences sur le lanceur et la date de lancement
Parmi les débats autour du budget de la NASA de 2019 figure le montant alloué au projet Europa Clipper. Les partisans de la mission au Congrès des États-Unis souhaitent que la mission soit lancée au plus vite. Le lancement précoce (initialement 2022) nécessitait que l'enveloppe budgétaire au projet en 2018 (plus de 400 millions $) soit reconduite en 2019 et les années suivantes. Les responsables de la NASA proposent un calendrier moins agressif (lancement en 2025) avec un niveau de financement limité à 200 millions $ en 2019 puis une montée en puissance progressive au cours des années suivantes[11].
Le Sénat a également tenté d'imposer le lanceur lourd de la NASA Space Launch System (SLS). Celui-ci devait permettre d'atteindre Jupiter en deux ans et demi au lieu de six ans avec les lanceurs commerciaux disponibles comme l'Delta IV (ce lanceur moins puissant impose des manœuvres d'assistance gravitationnelle de Vénus et de la Terre pour atteindre Jupiter)[12]. Le lanceur lourd Falcon Heavy de SpaceX, dont la procédure de certification par la NASA devrait prendre quelques années, ne fait initialement pas partie de ceux envisagés. Mais le choix du lanceur SLS entraîne un surcoût important. Alors que le lancement par une fusée commerciale (Delta IV Heavy ou Falcon Heavy) coûterait au plus 500 millions $, le recours à la fusée SLS est évalué à 876 millions $ par les officiels de la NASA ou à deux milliards par les représentants de la Maison-Blanche, qui incluent les coûts fixes induits par la nécessité pour Boeing de redimensionner ses installations pour produire la fusée dont le vol est prévu en 2024.
Si les retards de développement imposent une modification du calendrier, le programme spatial habité Artemis aura la priorité. Toutefois, ce choix est poussé par le Congrès américain sans que les scientifiques et les ingénieurs de la NASA ne soient consultés. Leur préférence va à un lanceur commercial moins coûteux et dont la disponibilité n'est pas tributaire des aléas de développement chroniques du SLS[12]. Cependant, le Sénat en , a assoupli sa solution, laissant la porte ouverte à l'utilisation d'un lanceur Falcon Heavy qui serait doté pour répondre au besoin d'un troisième étage[13].
Au vu de l'avancée du projet SLS sur la fin d'année 2020, combiné à l'échec partiel du Hot fire le [14], Robert Pappalardo, project scientist de la mission[15], annonce, lors d'une conférence de l'Outer Planets Assessment Group de la NASA (OPAG, groupe chargé par la NASA d'identifier les priorités scientifiques et d'exploration dans le système solaire externe[16]) le , que la décision a été prise « d'annuler le projet visant à lancer Europa Clipper sur une fusée SLS »[17].
SpaceX est finalement choisie le dans le cadre d'un contrat de 178 millions $[18].
Développement de la sonde spatiale
La réalisation de la sonde spatiale est prise en charge principalement par le Jet Propulsion Laboratory (JPL), établissement californien de la NASA qui développe en particulier l'avionique contenue dans le caisson blindé, et par le laboratoire Applied Physics Laboratory, qui fournit le module de propulsion, le système de télécommunications et les panneaux solaires (la réalisation de ceux-ci est confiée à Airbus Pays-Bas). Le JPL est désigné comme le gestionnaire du projet[19].
Objectifs de la mission
L'objectif principal de la mission est d'étudier Europe pour déterminer si la lune peut abriter la vie. Il s'agit de[20] :
- s'assurer de la présence d'eau sous la croûte de glace ou au sein de la glace et déterminer les caractéristiques de l'eau présente ainsi que les processus d'échanges entre la surface et l'océan intérieur ;
- déterminer la distribution et la composition chimique des principaux constituants de la lune et les liens existant avec la composition de l'océan ;
- déterminer les caractéristiques et le mode de genèse des formations se trouvant à la surface y compris les sites reflétant une activité récente.
Déroulement prévisionnel de la mission
Le projet en cours d'élaboration en 2015 prévoit un lancement de Europa Clipper en octobre 2024. La sonde spatiale sera lancée par une fusée lourde Falcon Heavy de SpaceX depuis la base de Cap Canaveral[21]. Si le lancement était effectué à cette date, l'arrivée dans le système jovien aurait lieu début avril 2030. Compte tenu de la masse élevée d'Europa Clipper (environ six tonnes), il sera nécessaire d'utiliser à deux reprises l'assistance gravitationnelle des planètes intérieures (une première assistance de Mars puis une de la Terre) pour obtenir une vitesse permettant d'atteindre Jupiter. Le transit jusqu'à l'objectif doit durer 5,5 ans. Arrivée à proximité de Jupiter, la sonde spatiale utilise de manière continue durant deux heures sa propulsion principale pour réduire sa vitesse et se placer ainsi en orbite autour de la planète géante. En utilisant à quatre reprises l'assistance gravitationnelle de la lune Ganymède sur une période de trois mois, Europa Clipper modifie son orbite de manière à effectuer un survol rapproché d'Europe à chaque fois qu'elle boucle un tour autour de Jupiter. Les survols de Ganymède ainsi que de Callisto permettront des observations scientifiques, mais celles-ci ne figurent pas dans les priorités de la mission. Le plan orbital sur lequel circule Europa Clipper fait un angle avec le plan orbital des lunes de Jupiter : cette configuration permet à la sonde spatiale de ne séjourner que brièvement dans la ceinture de radiations, au moment où elle coupe le plan orbital des lunes[22].
Au cours de sa mission scientifique qui doit durer 3,5 ans, la sonde spatiale va effectuer 45 survols de la lune Europe à des distances comprises entre 25 et 2 700 km. Il est prévu que la sonde spatiale utilise l'assistance gravitationnelle de la lune pour modifier la région survolée de manière à effectuer successivement des observations détaillées de la majeure partie de la surface dans de bonnes conditions d'éclairage. À chaque survol, les observations se décomposent en quatre phases[22] :
- durant la phase d'approche, des vues avec une résolution réduite sont réalisées avec le spectromètre infrarouge ;
- lorsque la lune n'est plus distante que de 1 000 km, les instruments suivants sont activés : le radar chargé d'effectuer des observations sous la glace, la caméra qui réalise des images de la topographie et le spectromètre de masse neutre qui détermine la composition chimique de la surface ;
- lorsque la distance est inférieure à 400 km, le radar collecte des données et les deux autres instruments fonctionnent de manière continue ;
- au-delà de cette distance, lorsque la sonde spatiale s'éloigne d'Europe, le spectromètre infrarouge prend à nouveau des vues à faible et haute résolution.
Une fois les 45 survols effectués, la mission d'Europa Clipper pourrait être prolongée pour réaliser des survols supplémentaires de Europe si son électronique a pu résister aux traversées périodiques de la ceinture de radiation (l'épaisseur du blindage est conçue pour permettre à la sonde spatiale de survivre à une dose de radiations double de celle prévue). À la fin de la mission, avant que les ergols ne soient épuisés ou que l'électronique ne soit complètement défaillante, il est prévu de précipiter la sonde spatiale sur la surface de Ganymède pour éviter une contamination d'Europe par des micro-organismes terrestres[22].
Caractéristiques de la sonde spatiale
Europa Clipper devrait peser environ six tonnes, soit à peu près la même masse que Cassini-Huygens (la sonde la plus lourde lancée jusque là vers les planètes externes du Système Solaire). Cette masse est un compromis car elle a dû être choisie avant même de connaître le lanceur utilisé et donc la capacité de celui-ci. Le réservoir d'ergols est conçu pour emporter 2 750 kg. L'hélium utilisé pour pressuriser le carburant représente 10 kg. Sur les 2 616 kg restant, 325 kg sont alloués aux différents instruments scientifiques. Il subsiste alors une marge de 273 kg (en 2018) pour prendre en compte l'alourdissement de la sonde spatiale durant la phase de conception détaillée[23].
Caisson blindé
La région étudiée est soumise à des rayonnements intenses. Pour protéger les appareils les plus sensibles, et en particulier l'électronique ce qui inclut une grande partie de l'instrumentation scientifique, ceux-ci sont enfermés dans un caisson blindé à l'image de ce qui a été fait pour la sonde Juno.
Production d'énergie
Comme dans le cas de Juno, le choix a été fait de produire l'énergie à l'aide de panneaux solaires. Ce choix moins coûteux que le générateur thermoélectrique à radioisotope (RTG) est néanmoins pénalisant au niveau de la masse et rend plus complexes les manœuvres et le contrôle d'attitude compte tenu de la taille des panneaux. La surface totale des panneaux solaires est de 102 m2. L'énergie est stockée dans des batteries d'une capacité de 336 Ah en fin de mission[24].
Ordinateur embarqué
L'ordinateur embarqué utilise un processeur RAD-750 avec 512 gigabits de mémoire de masse. Le bus est de type 1553[24].
Télécommunications
Le système de télécommunications comprend une grande antenne parabolique de type haut-gain. Il est prévu de transférer environ 5,3 téraoctets de données au cours de la mission en bande Ka (liaison descendante). Les télémesures et les commandes sont envoyées dans les deux sens en bande X[24].
Contrôle thermique
Le système de régulation thermique de Europa Clipper doit lui permettre de fonctionner aussi bien près du Soleil qu'au niveau de Jupiter (flux solaire 25 fois moins intense). Il doit rejeter ou au contraire produire de la chaleur en tenant compte à la fois de la phase de vol (éloignement du Soleil), de l'orientation de la sonde spatiale (face exposée à la chaleur), du type d'équipement (degré de tolérance aux variations thermiques, producteur ou non de chaleur) et de son utilisation (lorsqu'un instrument fonctionne, il génère de la chaleur, mais lorsqu'il est au repos il doit être éventuellement réchauffé). À l'intérieur du caisson blindé contenant les équipements les plus sensibles au rayonnement thermique, la température doit être maintenue entre -20 °C et +50 °C. Europa Clipper dispose d'un système baptisé HRS (Heat Redistribution System), qui redistribue la chaleur produite par les équipements enfermés dans le caisson blindé et l'envoie vers les autres équipements de la sonde spatiale. HRS permet de réduire le nombre de résistances chauffantes utilisées traditionnellement mais qui présentent l'inconvénient de consommer le peu d'énergie électrique disponible au niveau de l'orbite de Jupiter. Une des innovations introduites par ce système est qu'il sera utilisé pour réchauffer (mise à feu) ou évacuer la chaleur (fonctionnement) des moteurs-fusées utilisés pour propulser la sonde spatiale. La distribution de la chaleur est effectuée par un fluide caloporteur, le CFC-11, qui circule dans un réseau de tubulures en aluminium, long de 100 mètres, fixées sur les structures portant les équipements. Une pompe électrique d'une capacité de 1,5 litre fait circuler le fluide. Lorsque les équipements du caisson blindé ne produisent pas assez de chaleur parce qu'ils sont à l'arrêt, celle-ci est produite par le RHB (Replacement Heater Block). La chaleur excédentaire est évacuée par un radiateur central d'une superficie de 1,3 m2, situé sur la face opposée à celle exposée au Soleil. Ces dispositifs sont complétés par des résistances chargées de réchauffer les équipements non pris en charge par le HRS et des couches d'isolants thermiques qui limitent les transferts thermiques avec l'extérieur[25].
Instrumentation scientifique
Instrument | Acronyme | Description | Image |
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Interior Characterization of Europa using Magnetometry | ICEMAG devra mesurer le champ magnétique à proximité d'Europe et avec les données complémentaires fournies par l'instrument PIMS, en déduire la position, l'épaisseur et la salinité de l'océan souterrain d'Europe.
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Plasma Instrument for Magnetic Sounding | Le sondeur PIMS fonctionne conjointement avec le magnétomètre et joue un rôle clé en corrigeant les données fournies par ce dernier de manière que soit pris en compte le champ magnétique induit par les courants de plasma qui circulent autour d'Europe. | ||
Mapping Imaging Spectrometer for Europa | Ce spectromètre imageur infrarouge doit identifier et cartographier la distribution des matériaux organiques, des sels, des acides hydratés, de l'eau dans ses différentes phases ainsi que des autres composants afin de déterminer la composition d'Europe. Cela donnera des indices sur la possibilité pour l'océan du satellite de Jupiter d'abriter la vie.
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Europa Imaging System | Les caméras EIS dotées d'un grand angle et d'un téléobjectif doivent cartographier la majeure partie de la surface d'Europe avec une résolution de 50 mètres et fournir des images de certaines parties du satellite avec une résolution cent fois supérieure.
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Radar for Europa Assessment and Sounding: Ocean to Near-surface | Le radar REASON est chargé de mesurer et déterminer les caractéristiques de la croûte de glace qui s'étend de la surface jusqu'à l'océan interne.
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Europa THermal EMission Imaging System | Le détecteur de chaleur E-THEMIS doit fournir une image thermique à haute résolution et dans plusieurs spectres afin de détecter les sites actifs tels que les jets d'eau éjectés par la lune. Cet instrument dérive de l'instrument THEMIS, qui a volé sur 2001 Mars Odyssey.
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MAss SPectrometer for Planetary EXploration/Europa | Doit déterminer la composition de la surface et de l'océan souterrain en effectuant des mesures de l'atmosphère extrêmement ténue d'Europe et des matériaux éjectés depuis la surface.
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UltraViolet Spectrograph/Europa | Le spectrographe ultraviolet UVS utilise la même technique que le télescope spatial Hubble pour détecter la présence d'eau dans les panaches des jets qui s'élèvent au-dessus de la surface d'Europe. UVS doit permettre de localiser les petits jets et fournir des informations intéressantes sur la composition et la dynamique de l'atmosphère d'Europe.
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SUrface Dust Mass Analyzer | L'analyseur de poussière SUDA mesure la composition des particules solides de petite taille éjectées d'Europe et fournit ainsi l'opportunité d'étudier des échantillons de la surface et des jets durant les survols à basse altitude.
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Recherche de biosignatures
La NASA a envisagé l'emport d'une sonde additionnelle d'une masse d'environ 250 kg, équipée de propulseurs de plus faible puissance mais qui serait plus modulable que Clipper pour aller analyser l'eau sortant des geysers d'Europe à la recherche de biosignatures[27]. Cette sonde possèderait un spectromètre de masse, un chromatographe phase gazeuse, et des caméras dans l'UV, l'infrarouge et le visible, pour compléter le travail d'imagerie fait par Clipper.
Atterrisseur
En quelques années, la sonde pourrait cartographier une grande majorité de la surface d'Europe, permettant aux chercheurs de déterminer un site d'atterrissage pertinent. Emportant différents spectromètres alimentées sur batteries, un atterrisseur pourrait déterminer avec une bonne précision la composition chimique de la surface[28]. L'utilisation d'un étage de descente proche de celui de Mars Science Laboratory permettrait une bonne précision de l'atterrissage, près d'une faille active (ce type de site serait à privilégier sachant qu'on y trouve de la glace récente, plus fidèle à la chimie de l'océan souterrain).
Références
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- (en) Eric Berger, « Congress may allow NASA to launch Europa Clipper on a Falcon Heavy », sur Ars Technica, (consulté le ).
- (en) Lia Rovira and Deborah Byrd, « NASA’s moon rocket test Saturday didn’t go as planned », sur EarthSky, .
- (en) « Robert Pappalardo », sur JPL Science, NASA (consulté le ).
- Outer Planets Assessment Group
- (en) Jeff Foust (@jeff_foust), message en ligne, sur Twitter, le 10 février 2021.
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- (en) Brent Buffington et Jason Kastner, « “Weigh Your Options Carefully” », The Sextant: Europa-Clipper Newsletter, Jet Propulsion Laboratory, vol. 2, no 1, (lire en ligne [PDF]).
- (en) Bob Pappalardo et Barry Goldstein, « Europa Clipper Update to OPAG : 11 september 2018 », Jet Propulsion Laboratory, .
- (en) Jason Kastner et A.J. Mastropietro, « The Sextant: Europa Clipper Newsletter : May 2018 - A hot topic: The Europa Clipper Heat Redistribution System » [PDF], Jet Propulsion Laboratory, , p. 5-6.
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—47th Lunar and Planetary Science Conference. - (en) Eric Berger, « Attempt no landing there? Yeah right—we’re going to Europa », ARS Technica, , p. 1–3 (lire en ligne, consulté le ).
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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- (en) Paolo Ulivi et David M. Harland, Robotic exploration of the solar system, Springer Praxis, , 567 p. (ISBN 978-1-4614-4811-2), « Part 4 : the Modern Era 2004-2013 ».
Voir aussi
Articles connexes
- Exploration du système jovien.
- Jupiter et Europe, objectifs de la mission.
- Jupiter Icy Moon Explorer (JUICE) mission de l'ESA qui doit également survoler et étudier Europe.
- Galileo et Juno, les deux missions consacrées au système jovien qui précèdent JUICE et Europa Clipper.
- Europa Lander, projet d'atterrisseur sur Europe en cours d'évaluation.