Dynastie des Anges
AprĂšs le renversement de la dynastie des ComnĂšnes, lâEmpire byzantin fut gouvernĂ© pendant dix-neuf ans par la dynastie des Anges. Le rĂšgne de son premier reprĂ©sentant, Isaac II Ange, fut marquĂ© par la poursuite du dĂ©clin amorcĂ© sous les deux derniers ComnĂšnes : lâadministration de lâĂtat continua Ă sâeffriter pendant que sâaccroissait la puissance des grands propriĂ©taires terriens et que se multipliaient les tentatives de sĂ©paratisme rĂ©gional. La Bulgarie et la Serbie amorcĂšrent leur sĂ©paration de lâempire Ă la faveur de la troisiĂšme croisade.
RenversĂ© par un coup dâĂtat, Isaac II fut remplacĂ© par Alexis III qui se rĂ©vĂ©la encore plus inapte Ă diriger lâempire, laissant la direction des affaires de lâĂtat Ă son Ă©pouse pendant quâĂ lâextĂ©rieur, les Turcs continuaient leur progression en Asie Mineure, la Bulgarie et la Serbie voyaient leur indĂ©pendance reconnue et l'Europe occidentale prĂ©parait la quatriĂšme croisade. DirigĂ©e en thĂ©orie par Boniface de Montferrat, mais en rĂ©alitĂ© par le doge de Venise, Enrico Dandolo, la croisade sâempara de Zara (actuellement Zadar, en Croatie) avant de se diriger vers Constantinople pour rĂ©tablir le souverain lĂ©gitime, Isaac II, sur le trĂŽne en compagnie de son fils, Alexis IV. Incapables de rembourser les dettes contractĂ©es envers les croisĂ©s, les deux empereurs furent renversĂ©s par Alexis V Doukas. Anxieux de poursuivre leur route vers JĂ©rusalem, les croisĂ©s livrĂšrent lâassaut final contre Constantinople le 12 avril 1204.
Toile de fond : la tentative de relĂšvement des ComnĂšnes
Les derniĂšres dĂ©cennies de la dynastie macĂ©donienne avaient vu lâĂtat mĂ©so-byzantin se dĂ©sintĂ©grer Ă la suite des luttes internes entre les aristocraties civile et militaire pendant que le territoire de lâempire se morcelait sous les ruĂ©es des Turcs, PetchenĂšgues et Normands[1]. Les ComnĂšnes mirent fin Ă ce dĂ©clin et, sous leur dynastie, lâEmpire byzantin connut une pĂ©riode de redressement qui demeura cependant incomplet[2].
Cinq empereurs (Alexis Ier, Jean II, Manuel Ier, Alexis II et Andronic Ier) tentĂšrent pendant 104 ans de rĂ©tablir le pouvoir impĂ©rial face Ă une noblesse terrienne qui se substituait progressivement Ă lâappareil Ă©tatique et aux monastĂšres dont les domaines ne cessaient de sâagrandir[3]. Les trois premiers ComnĂšnes, empereurs Ă©nergiques et entreprenants, parvinrent Ă mener Ă bien ce rĂ©tablissement ; toutefois, leurs succĂšs, qui se traduisirent par un affaiblissement de la noblesse, priva lâĂtat de serviteurs de valeur dont le manque se fit de plus en plus sentir sous les deux derniers ComnĂšnes qui ne possĂ©daient pas les qualitĂ©s de leurs prĂ©dĂ©cesseurs[4]. La rĂ©forme du systĂšme monĂ©taire conduite par Alexis Ier permit de relancer la vie Ă©conomique et commerciale, mais cette derniĂšre fut contrariĂ©e par lâascendant de plus en plus considĂ©rable que prenaient les marchands italiens Ă©tablis Ă Constantinople, vĂ©nitiens dans un premier temps, puis gĂ©nois et pisans dans un second temps[5].
Ă lâextĂ©rieur, les ComnĂšnes sâefforcĂšrent de nouer des relations mutuellement profitables avec les puissances occidentales, en particulier avec les puissances maritimes italiennes tout en contrant les projets de conquĂȘtes des Normands. En Asie mineure, ils tentĂšrent dâempĂȘcher la progression des forces turques et dâĂ©tablir leur suzerainetĂ© morale sur les dynastes armĂ©niens de Cilicie et les principautĂ©s franques de Syrie[6]. Mais il devint Ă©vident au cours de la deuxiĂšme partie du rĂšgne de Manuel Ier que Byzance avait surestimĂ© ses forces dans un monde oĂč la crĂ©ation de royaumes fĂ©odaux Ă lâOuest, dâun Ătat turc puissant Ă lâEst rendait impossible la renaissance de lâempire universel auquel il rĂȘvait. DĂ©butĂ© durant son rĂšgne, le dĂ©clin ne fit que sâaccentuer pendant le rĂšgne dâAlexis II et dâAndronic Ier[7].
Ce processus de déclin fut accéléré par les successeurs de Manuel, son fils et son cousin dans un premier temps, puis par leurs successeurs de la dynastie des Ange.
Isaac II (1185-1195 / 1203-1204)
Ă lâintĂ©rieur, montĂ©e de lâaristocratie terrienne et sĂ©paratisme rĂ©gional
Le rĂšgne dâIsaac II Ange (nĂ© ca 1155 â empereur en 1185, dĂ©posĂ© en 1195 ; deuxiĂšme rĂšgne 1203-1204) amorça un processus de dissolution interne qui alla en sâaccĂ©lĂ©rant. Les Anges, famille relativement obscure de Philadelphie en Lydie, Ă©taient entrĂ©s dans lâaristocratie impĂ©riale Ă la faveur du mariage de la plus jeune fille dâAlexis I, la porphyrogĂ©nĂšte ThĂ©odora, avec Constantin Ange, grand-pĂšre dâAlexis. Admise dans le cercle impĂ©rial, la famille vit son prestige et sa fortune sâaccroitre rapidement. Plusieurs de ses membres se virent confier des postes importants dans lâarmĂ©e, si bien que lors de lâavĂšnement de Manuel, elle comptait dĂ©jĂ parmi les familles les plus en vue de Constantinople. Lâopposition de la famille aux politiques dâAndronic, rendait lĂ©gitime quâon se tournĂąt vers lâun de ses reprĂ©sentants pour remplacer lâempereur dĂ©chu[8].
Toutefois, son arrivĂ©e au pouvoir fut plutĂŽt le fruit d'un concours de circonstances quâĂ un complot bien planifiĂ©. La prise par les Normands de Dyrrachium (aujourdâhui DurrĂ«s en Albanie), puis de Thessalonique (oĂč les Normands infligĂšrent aux habitants le sort qui avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ© par les Grecs aux Latins trois ans plus tĂŽt) avait crĂ©Ă© dans la population de Constantinople une indignation qui se transforma rapidement en panique. OutrĂ©e par lâinertie dâAndronic, elle voyait avec la plus grande apprĂ©hension lâarmĂ©e normande progresser vers Constantinople. Pour des motifs assez obscurs, Andronic tenta alors de faire arrĂȘter Isaac lâAnge qui avait soutenu la rĂ©volte de NicĂ©e et Ă©tait maintenant assignĂ© Ă rĂ©sidence. Isaac tua lâofficier venu lâarrĂȘter et courut se rĂ©fugier Ă Sainte-Sophie oĂč il fut rejoint par dâautres membres de sa famille. La foule prit alors fait et cause en faveur dâIsaac et, sous lâimpulsion du moment, proclama celui-ci empereur en remplacement dâAndronic qui sĂ©journait alors dans un de ses palais en dehors de Constantinople[9].
ĂgĂ© de trente ans Ă son avĂšnement, Isaac nâĂ©tait guĂšre prĂ©parĂ© Ă cette tĂąche. De maniĂšres plaisantes mais de caractĂšre brouillon, dâintelligence moyenne, paresseux par nature, seuls ses goĂ»ts pour la chose militaire lui donnaient lâapparence dâun homme dâĂtat : contrairement Ă Andronic, il rĂ©ussit dĂšs son avĂšnement Ă lever une armĂ©e et Ă mettre fin Ă la progression des Normands[10].
Toutefois, son administration intĂ©rieure sâavĂ©ra dĂ©sastreuse. Dâautres familles plus anciennes et plus importantes auraient pu aspirer au trĂŽne ; pour les contrer, il ne trouva rien de mieux que de sâappuyer sur la bureaucratie. DĂšs lors, toutes les pratiques quâAndronic avaient tentĂ© de rĂ©frĂ©ner rĂ©apparurent[11]. La monnaie fut dĂ©valuĂ©e pour payer les fonctionnaires, les impĂŽts furent augmentĂ©s et les grands propriĂ©taires terriens prirent la place de lâadministration civile alors que les magistratures Ă©taient « vendues comme des lĂ©gumes au marchĂ© »[12].
Tout absorbĂ© Ă maintenir lâĂ©quilibre entre factions et familles de la capitale, le gouvernement laissa pĂ©ricliter lâadministration des provinces. Au cours du XIIe siĂšcle, les thĂšmes qui constituaient depuis des siĂšcles lâĂ©pine dorsale de lâadministration civile et militaire de lâĂtat avaient dĂ©pĂ©ri en mĂȘme temps quâils se multipliaient. Ă la fin du siĂšcle, ils Ă©taient deux fois plus nombreux que sous la dynastie macĂ©donienne mĂȘme si le territoire de lâempire sâĂ©tait considĂ©rablement rĂ©trĂ©ci. En raison de la faiblesse du pouvoir central, leurs fonctions avaient progressivement Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©es par les grands propriĂ©taires terriens dont lâautoritĂ© remplaçait celle des anciens gouverneurs[13]. Michel ChoniatĂšs, frĂšre ainĂ© de NicĂ©tas ChoniatĂšs et mĂ©tropolite dâAthĂšnes, devait ainsi dĂ©crire la situation :
« Les citoyens de Constantinople, tout Ă leurs soucis de jouir au maximum de leur bonne fortune, nâavaient aucun dĂ©sir de quitter la sĂ©curitĂ© de leurs grilles et de leurs murs, pour jeter un regard vers les villes avoisinantes. Tout ce quâils savaient faire Ă©tait dâenvoyer les collecteurs de taxes⊠des vagues et des vagues qui se succĂ©daient et dont la mission Ă©tait de dĂ©pouiller les villes de ce qui leur restait de richesse[14]. »
Se sentant abandonnés par Constantinople, les pouvoirs locaux et les grands pronoïaires[15]. commencÚrent à se rebeller, voire pour les plus éloignés, à faire sécession.
Certaines de ces rĂ©voltes sont Ă porter au compte des luttes des grandes familles pour le pouvoir et nâeurent que peu de consĂ©quences pour lâempire. Ce fut le cas par exemple de celle dâAlexis Branas, valeureux gĂ©nĂ©ral quâIsaac avait chargĂ© dĂšs le dĂ©but de son rĂšgne de repousser les Normands. Lorsque se dĂ©clenchĂšrent les rĂ©voltes de 1185 en Bulgarie, ce fut Ă nouveau vers Branas quâAlexis se tourna. La famille Branas faisait partie de lâaristocratie dâAndrinople et sâĂ©tait abstenue de paraitre Ă la cour des ComnĂšnes. Branas jugea alors le moment venu de revendiquer le trĂŽne. Une premiĂšre tentative Ă©choua et, aprĂšs sâĂȘtre vainement rĂ©fugiĂ© Ă Sainte-Sophie dans lâattente dâun soulĂšvement populaire en sa faveur, il nâeut dâautre choix que de se rendre et dâimplorer le pardon impĂ©rial. Ses talents militaires Ă©tant essentiels, lâempereur lui rendit rapidement le commandement des troupes. Une deuxiĂšme tentative vint prĂšs de rĂ©ussir en 1187. AprĂšs sâĂȘtre fait proclamer empereur dans son fief dâAndrinople, Branas marcha contre Constantinople quâil soumit Ă un sĂ©vĂšre blocus. Heureusement pour Isaac, Conrad de Montferrat qui venait dâĂ©pouser la sĆur de lâempereur Ă©tait encore Ă Constantinople et, grĂące Ă une charge de ses cavaliers francs, parvint Ă vaincre lâarmĂ©e de Branas. Ce dernier fut lui-mĂȘme tuĂ© au cours dâun combat singulier avec Montferrat[16].
Dâautres tentatives illustrent plutĂŽt les tendances autonomistes, voire sĂ©paratistes des grands pronoĂŻaires. En Asie mineure, ThĂ©odore Mangaphas gouvernait la ville de Philadelphie, capitale du thĂšme des ThracĂ©siens. Avec lâaide de lâaristocratie locale et de celle des villes avoisinantes de Lydie, ThĂ©odore fit sĂ©cession, se proclama empereur et commença Ă battre monnaie. Il sâagissait dans ce cas dâune tentative de sĂ©cession limitĂ©e Ă la rĂ©gion et, contrairement Ă Branas, ThĂ©odore ne chercha pas Ă marcher sur Constantinople. AlarmĂ©, Isaac vint lâassiĂ©ger Ă Philadelphie en 1189, mais lâavancĂ©e de FrĂ©dĂ©ric Barberousse et de la troisiĂšme croisade força Isaac Ă traiter avec ThĂ©odore qui reçut le pardon impĂ©rial et put continuer Ă gouverner Philadelphie Ă condition dâabandonner toute vellĂ©itĂ© de sĂ©cession. Peu aprĂšs cependant, le commandant du thĂšme des ThracĂ©siens, Basile VatatzĂšs, le força Ă abandonner la ville pour se rĂ©fugier chez les Turcs seldjoukides Ă Iconium dâoĂč il leva des troupes et ravagea les territoires frontaliers de lâempire jusquâĂ sa capture en 1196. Fait prisonnier par Alexis III, il resta en prison pratiquement jusquâĂ la conquĂȘte des croisĂ©s. AprĂšs la chute de Constantinople, la rĂ©gion de Philadelphie formera le cĆur de lâempire de NicĂ©e[17].
Certaines de ces tentatives rĂ©ussirent. Ă la fin du XIe siĂšcle, les habitants de CrĂšte et de Chypre, croulant sous le poids de la fiscalitĂ©, avaient proclamĂ© leur indĂ©pendance, laquelle fut vite rĂ©primĂ©e. En mai 1123, le gouverneur impĂ©rial fut assassinĂ© au cours dâune rĂ©volte, mais il fallut attendre 1184 pour quâIsaac ComnĂšne, un neveu de lâempereur Manuel ComnĂšne, ne sâempare de lâile de Chypre et se proclame empereur. Soutenu par la population locale il rĂ©ussit, grĂące Ă la flotte sicilienne envoyĂ©e par Guillaume II de Sicile, Ă tenir en Ă©chec lâexpĂ©dition navale envoyĂ©e par Isaac II. Toutefois son mĂ©pris pour la population locale et ses institutions le firent dĂ©tester de la population qui accueillit en sauveur Richard CĆur de Lion, au cours de la troisiĂšme croisade[18].
Plus lourde de consĂ©quence pour lâempire fut la sĂ©cession de la Bulgarie et de la Serbie puisqu'elle devait mettre un terme Ă lâemprise de Byzance sur les Balkans.
Au dĂ©but du rĂšgne dâIsaac, la paix avec la Hongrie avait Ă©tĂ© scellĂ©e par le mariage de lâempereur avec la fille de BĂ©la III, Marguerite, qui apportait en dot les provinces des Balkans conquises prĂ©cĂ©demment par les Hongrois. Lâempereur dĂ©cida de lever une taxe spĂ©ciale sur ces provinces pour payer les frais de la noce, taxe que les Valaques des montagnes (Stara Planina) refusĂšrent de payer. Sur ces entrefaites, deux nobles valaques ou bulgares, les frĂšres Petar et Assen exigĂšrent de lâempereur des terres en pronoĂŻa, demande qui fut cavaliĂšrement rejetĂ©e. Les deux frĂšres retournĂšrent chez eux bien dĂ©cidĂ©s Ă se venger. Valaques des montagnes et Bulgares des plaines unirent leurs efforts pour faire front commun contre les Coumans, nomades turcs qui, en retour de leur intĂ©gration dans lâarmĂ©e impĂ©riale, sâĂ©taient fait donner des terres en pronoĂŻa, terres confisquĂ©es prĂ©cĂ©demment Ă des Ă©leveurs valaques et bulgares. En 1187, Isaac mena une premiĂšre offensive contre les frĂšres Petar et Assen qui durent franchir le Danube et se rĂ©fugier chez les Coumans. AprĂšs avoir vaincu la rĂ©volte dâAlexis Branas, Isaac reprit lâoffensive lâannĂ©e suivante et rĂ©ussit Ă poursuivre ceux-ci dans la plaine de Sofia. Mais tenaillĂ© par lâinsurrection de Chypre et celle de ThĂ©odore Mangaphas en Asie mineure, lâempereur prĂ©fĂ©ra nĂ©gocier une paix qui concĂ©dait aux Valaques et aux Bulgares lâensemble du pays situĂ© entre le Danube et les Balkans. Un deuxiĂšme empire bulgare Ă©tait nĂ© et Assen reçut la couronne impĂ©riale des mains du nouvel archevĂȘque bulgare dans lâĂ©glise Saint-DĂ©mĂ©trius de Trnovo[19].
Ce fut le moment que choisit le grand joupan de Serbie, Ătienne Nemanja, l'ancien alliĂ© de Manuel II, pour se rapprocher des Bulgares et Ă©tendre son propre domaine aux dĂ©pens de lâempire. Il invita FrĂ©dĂ©ric Barberousse Ă NiĆĄ et, de concert avec les Bulgares, nĂ©gocia un traitĂ© dâalliance contre Byzance. Pendant que Barberousse tenait les Byzantins occupĂ©s, les Bulgares envahirent la Thrace, pendant que les Serbes sâouvraient un chemin vers lâAdriatique en occupant la DioclĂ©e et le territoire dalmate jusquâaux bouches de Cattaro. Ce ne fut quâaprĂšs la fin tragique de FrĂ©dĂ©ric Barberousse quâIsaac put reprendre lâinitiative dans les Balkans. Ătienne NĂ©manja fut battu en 1190 sur la Morava et dut rĂ©trocĂ©der ses anciennes conquĂȘtes ; il nâen gardait pas moins toutefois ses anciennes. De plus, la signature dâun traitĂ© de paix constituait une reconnaissance tacite de lâĂtat indĂ©pendant de Serbie, accord scellĂ© par le mariage dâĂtienne, deuxiĂšme fils de NĂ©manja, avec la niĂšce de lâempereur, et lâoctroi en sa faveur du titre de sĂ©bastocrator. DorĂ©navant, les relations entre Byzance dâune part, la Bulgarie et la Serbie dâautre part, passaient des affaires intĂ©rieures de lâempire aux affaires Ă©trangĂšres[20].
Politique Ă©trangĂšre : succĂšs initiaux en Europe
Pourtant le rĂšgne dâIsaac II avait commencĂ© Ă ce chapitre sous les meilleurs auspices.
La chute dâAndronic avait Ă©tĂ© causĂ©e par la progression de lâarmĂ©e normande qui, aprĂšs sâĂȘtre emparĂ©e de Thessalonique, sâĂ©tait dirigĂ©e vers Constantinople. Mais dĂ©cimĂ©e par des Ă©pidĂ©mies, celle-ci se heurta aux forces dâAlexis Branas. Les Normands avaient divisĂ© leur armĂ©e en trois groupes : une garnison Ă Thessalonique, un contingent plus Ă lâest sur le fleuve Strymon et le gros des forces Ă Mosynopolis (prĂšs de Komotini) en Thrace. Branas tomba dâabord Ă lâimproviste sur les forces stationnĂ©es Ă Mosynopolis puis sâattaqua au contingent sur le Strymon quâil vainquit Ă©galement Ă Dimitritsa en novembre 1185. Leurs commandants capturĂ©s, plus de dix mille hommes de troupe ayant Ă©tĂ© tuĂ©s et quatre mille faits prisonniers, les Normands se retirĂšrent et abandonnĂšrent Thessalonique, dâabord, Dyrrachium et Corfou ensuite, ne gardant que les iles de CĂ©phallĂ©nie et de Zacynthe. Le danger normand Ă©tait dĂ©finitivement Ă©cartĂ©[21].
Pendant que les Normands se retiraient, Isaac, aprĂšs avoir conclu une trĂȘve avec le sultan Kilij Arslan, nĂ©gocia la paix avec le roi de Hongrie, BĂ©la III, qui avait envahi les Balkans et se trouvait devant Sofia. Au terme des nĂ©gociations, Isaac devenu veuf depuis peu Ă©pousa la fille de BĂ©la, Marguerite, qui prit le nom byzantin de Marie. Les alliances matrimoniales en dehors de la maison impĂ©riales, interdites sauf en cas dâabsolue nĂ©cessitĂ© sous Constantin VII au Xe siĂšcle devenaient ainsi au XIIe siĂšcle une composante lĂ©gitime des tractations diplomatiques[22]. Les Hongrois se retirĂšrent vers le Danube. Certes, les Byzantins durent accepter de perdre la Dalmatie, la Bosnie et Sirmium conquis par BĂ©la sous la rĂ©gence de Marie lâĂtrangĂšre mais, fait sans doute plus important, ils obtenaient lâaide de la Hongrie dans leur lutte contre les Bulgares et les Serbes[23].
Le mariage de Constance, tante de Guillaume de Sicile, avec Henri de Hohenstaufen, fils et hĂ©ritier de FrĂ©dĂ©ric Barberousse alarma au plus haut point les VĂ©nitiens qui voyaient lâempereur germanique prendre pied dans la pĂ©ninsule italienne en prĂ©tendant Ă la couronne de Sicile, ancienne possession byzantine. En 1187, les VĂ©nitiens signaient avec Constantinople un traitĂ© au terme duquel ils voyaient tous leurs privilĂšges rĂ©tablis et recevaient la promesse du paiement dâune somme de 100 800 hyperpĂšres en dĂ©dommagement des pertes subies en 1171. Byzance pour sa part sâengageait Ă dĂ©fendre Venise contre toute attaque, quelle quâen soit la source, allusion Ă peine voilĂ©e Ă lâempereur germanique. Pour remplacer la flotte impĂ©riale, les VĂ©nitiens sâengageaient Ă©galement Ă construire dans les six mois de 40 Ă 100 galĂšres et Ă en fournir les Ă©quipages. Cinq ans plus tard, Isaac rĂ©ussit Ă©galement Ă rĂ©gulariser ses relations avec les Pisans et les GĂ©nois. Deux chrysobulles confirmĂšrent leurs anciens privilĂšges, leurs quartiers Ă Constantinople furent agrandis et les tarifs douaniers demeurĂšrent limitĂ©s Ă 4 %[24].
Le vent devait tourner avec le passage sur les terres dâempire de la troisiĂšme croisade.
La troisiĂšme croisade
JĂ©rusalem Ă©tait tombĂ© aux mains de Saladin le 2 octobre 1187. Presque immĂ©diatement, lâempereur germanique FrĂ©dĂ©ric Ier Barberousse, Philippe II de France et Richard CĆur-de-Lion dâAngleterre, prirent la croix.
Richard CĆur-de-Lion et Philippe Auguste se rendirent directement Ă Acre par mer et nâeurent par consĂ©quent pas de relations directes avec Constantinople. Toutefois, en mai 1191, Richard CĆur-de-Lion profita dâun arrĂȘt pour sâemparer de lâile de Chypre alors gouvernĂ©e par Isaac ComnĂšne (voir plus haut) quâil remit dâabord aux Templiers, puis, lâannĂ©e suivante, Ă Guy de Lusignan, le roi dĂ©posĂ© de JĂ©rusalem. Si Isaac ne pouvait voir quâavec plaisir lâĂ©limination de son ancien rival, la crĂ©ation dâun Ătat latin Ă Chypre eut comme consĂ©quence la subordination du clergĂ© grec au clergĂ© latin. Dans un pays oĂč les Grecs Ă©taient en majoritĂ©, la dĂ©gradation de lâĂ©piscopat grec ne pouvait quâĂȘtre une autre source dâantipathie entre Grecs et Latins[25].
FrĂ©dĂ©ric Ier choisit la voie de terre et entama des nĂ©gociations avec Constantinople pour traverser lâempire. Un traitĂ© fut conclu Ă Nuremberg en 1188 par lequel Isaac permettait le libre passage sur ses territoires de lâarmĂ©e allemande pourvu que celle-ci sâabstĂźnt de toute violence. Mais FrĂ©dĂ©ric avait aussi entamĂ© des nĂ©gociations avec les souverains dâautres territoires qui se trouvaient sur son itinĂ©raire, dont la Serbie et le sultanat dâIconium. Comme on lâa vu, Ătienne NĂ©manja accueillit avec joie lâouverture de telles nĂ©gociations et, de concert avec les Bulgares, tous deux proposĂšrent de rendre Ă FrĂ©dĂ©ric un serment dâhommage qui en faisait leur suzerain en contrepartie dâune alliance contre Byzance. AlarmĂ©, le gouvernement de Constantinople chercha de son cĂŽtĂ© alliance avec lâennemi mortel des croisĂ©s, Saladin, avec qui ils renouvelĂšrent le traitĂ© dâalliance signĂ© sous Andronic Ier en y ajoutant une clause visant Ă empĂȘcher le passage des armĂ©es allemandes[26].
Parti de Hongrie, lâempereur atteignit la frontiĂšre de lâempire en juin 1189; il devait trouver les routes bloquĂ©es, les convois de vivres arrĂȘtĂ©s et apprendre que les ambassadeurs envoyĂ©s pour nĂ©gocier les clauses du transport des troupes dâEurope en Asie avaient Ă©tĂ© jetĂ©s en prison par Isaac. En rĂ©ponse, FrĂ©dĂ©ric se mit Ă ravager la Thrace, sâemparant de Philippopolis et promettant de continuer jusquâĂ ce que ses ambassadeurs soit libĂ©rĂ©s. Il sâensuivit un Ă©change de correspondance acerbe entre les deux souverains. FrĂ©dĂ©ric rĂ©solut alors de marcher sur Constantinople pendant que son fils Henri, restĂ© en Allemagne, devait obtenir lâaccord du pape pour une croisade contre Byzance et lever une flotte pour assiĂ©ger Constantinople. Son deuxiĂšme fils, FrĂ©dĂ©ric de Souabe, reçut comme mission de sâemparer de Didymotique. AcculĂ©, Isaac dut se rĂ©signer Ă libĂ©rer les ambassadeurs allemands et conclut en fĂ©vrier de lâannĂ©e suivante un traitĂ© au terme duquel FrĂ©dĂ©ric obtenait tout ce quâil voulait : des navires pour transporter ses troupes en Asie, des prix avantageux pour les vivres dont elles avaient besoin, une compensation financiĂšre pour les ambassadeurs malmenĂ©s et des otages de qualitĂ© comme garantie quâIsaac remplirait fidĂšlement ses engagements. Tout ce quâobtenait Isaac en Ă©change Ă©tait que FrĂ©dĂ©ric traverserait par les Dardanelles plutĂŽt que par le Bosphore, Ă©vitant ainsi Constantinople[27].
Au printemps 1190, lâarmĂ©e allemande passait en Asie et se disposait Ă avancer vers JĂ©rusalem lorsquâelle fut attaquĂ©e par les Turcs tenus au courant de ses mouvements par Constantinople. FrĂ©dĂ©ric rĂ©solut alors de sâemparer dâIconium et conclut un traitĂ© avec Kilidj Arslan. Toutefois, alors quâil marchait sur Tarse, il se noya le 10 juin 1190 en tentant de traverser la riviĂšre Calycadnus (aujourdâhui Göksu)[28].
Byzance Ă©tait libĂ©rĂ©e de FrĂ©dĂ©ric Barberousse, mais lâĂ©pisode devait ancrer encore plus profondĂ©ment en Occident le sentiment que Constantinople, qui avait entretenu dâexcellentes relations avec les Ătats latins du temps de Manuel, avait maintenant tournĂ© le dos Ă la chrĂ©tientĂ© et entendait profiter de la chute de JĂ©rusalem aux mains de Saladin pour avantager le clergĂ© orthodoxe en Palestine, tout en permettant aux musulmans de sâinstaller Ă Constantinople[29]. Il sâen fallait de peu que Constantinople ne devĂźnt lâobjectif de la prochaine croisade comme le conseillait FrĂ©dĂ©ric Barberousse dans une lettre Ă son fils[30].
LibĂ©rĂ© du danger que reprĂ©sentait FrĂ©dĂ©ric Barberousse, Isaac put reprendre lâoffensive dans les Balkans. Fort de lâappui des Hongrois, Isaac entreprit en 1195 une derniĂšre campagne contre les Bulgares. Câest le moment que choisit son frĂšre ainĂ©, Alexis, pour le renverser et le faire aveugler[31].
Alexis III (1195-1203)
NĂ© vers 1153, Alexis III avait passĂ© la majeure partie du rĂšgne dâAndronic Ier en Syrie et avait Ă©tĂ© emprisonnĂ© Ă Tripoli vers 1185-1187[32]. Ne trouvant pas assez prestigieux le nom dâAnge, il affectait de se faire appeler ComnĂšne[33]. Malheureusement il nâavait aucune des qualitĂ©s des premiers empereurs de la dynastie prĂ©cĂ©dente. Si les officiers de lâarmĂ©e et la noblesse du palais le portĂšrent au pouvoir en espĂ©rant un personnage plus actif que le malheureux Isaac, ils se trompaient lourdement[34]. Ă lâintĂ©rieur, lâempereur fut heureux de laisser son Ă©pouse diriger les affaires de lâĂtat, pendant quâĂ lâextĂ©rieur, Serbes et Bulgares consolidaient leur empire et que se prĂ©parait la quatriĂšme croisade[35].
Politique intérieure
ExĂ©cutĂ© par les officiers de lâarmĂ©e, le coup dâĂtat qui le porta au pouvoir fut fomentĂ© par un groupe reprĂ©sentant les grandes familles de Constantinople dirigĂ©es par ThĂ©odore Branas, Georges PalĂ©ologue, Jean PĂ©traliphas, Constantin Raoul et Manuel CantacuzĂšne[36]. RĂ©alisant que son trĂŽne dĂ©pendait du bon vouloir de ces familles, Alexis suivit la route de la moindre rĂ©sistance, sâefforçant de plaire aux uns et aux autres. Faible de caractĂšre, paresseux et ne faisant rien sans consulter les astres, il laissa sa famille immĂ©diate et en particulier son Ă©pouse, Euphrosyne, de la famille des Doukas, diriger les affaires. TrĂšs ambitieuse, celle-ci, aidĂ©e par son favori, Constantin MĂ©sopotamitĂšs, archevĂȘque de Thessalonique, entreprit quelques rĂ©formes comme la suppression de la vĂ©nalitĂ© des charges ce qui suscita la haine de cette mĂȘme aristocratie qui avait portĂ© Alexis au pouvoir et lui valut dâĂȘtre provisoirement Ă©cartĂ©e de la cour alors que son favori Ă©tait exilĂ©[37].
Pourtant, lâadministration publique comportait des hommes compĂ©tents comme le chroniqueur NicĂ©tas ChoniatĂšs qui deviendra premier ministre. Mais la vĂ©nalitĂ© des charges sous Isaac II avait conduit Ă une croissance rapide de la bureaucratie que lâoisivetĂ© de lâempereur laissait diriger Ă sa guise les affaires de lâĂtat pourvu quâelle lui permĂźt de satisfaire les gĂ©nĂ©reuses donations de terres et de revenus quâil ne cessait de faire Ă ses favoris et aux membres de sa cour. Cette politique eut de lourdes rĂ©percussions sur lâĂ©conomie des provinces. Ă Constantinople mĂȘme, lorsquâHenri VI exigea Ă NoĂ«l 1196 une somme de 360 000 hyperpĂšres pour monter une nouvelle croisade sous menace de reprendre les anciennes conquĂȘtes normandes en GrĂšce, le peuple refusa de payer. Si bien que lâempereur dut convoquer un « parlement » pour savoir comment rĂ©unir la somme nĂ©cessaire Ă cette « taxe allemande » (Alamanikon). On en fut rĂ©duit finalement Ă ouvrir les tombeaux impĂ©riaux pour sâemparer des trĂ©sors quâils contenaient. Mais la somme exigĂ©e ne fut pas rĂ©unie; seule la mort dâHenri VI en septembre 1197 apporta un sursis[38].
Quant Ă lâarmĂ©e, elle nâĂ©tait plus composĂ©e que de mercenaires Ă©trangers, Allemands, Hongrois, Turcs, Varanges et Bulgares. Mal payĂ©s, ses minces effectifs menaçaient en permanence de faire dĂ©fection. Et comme il nây avait plus de flotte de guerre, la piraterie faisait des ravages. Les corsaires de Venise, GĂȘnes et Raguse profitaient de la situation de faiblesse de lâempire pour en dĂ©vaster les cĂŽtes. Alexis en fut rĂ©duit Ă nĂ©gocier avec certains dâentre eux comme le GĂ©nois Gafforio, pour quâils laissent en paix les navires grecs ou alliĂ©s et viennent vendre Ă Constantinople le fruit de leurs rapines en en partageant les bĂ©nĂ©fices. Mais les faveurs accordĂ©es Ă GĂȘnes lui valurent bientĂŽt lâinimitiĂ© de Venise. Lâambassade envoyĂ©e par le doge Enrico Dandolo dut nĂ©gocier pendant trois ans un accord qui, sitĂŽt conclu en 1198, fut violĂ© immĂ©diatement, Alexis III encourageant les Pisans Ă attaquer Venise pendant que la colonie vĂ©nitienne de Constantinople Ă©tait chargĂ©e dâimpĂŽts[39].
Politique Ă©trangĂšre
Affligeante au plan intĂ©rieur, la politique dâAlexis III devait sâavĂ©rer dĂ©sastreuse au plan extĂ©rieur.
En Asie mineure, la population grecque continuait Ă rĂ©gresser devant la progression des Turcs. En 1197, lâĂ©mir dâAngora, MaçoĂ»d sâemparait de Dadibra en Paphlagonie et remplaçait sa population par des Turcs. Ă la suite d'un incident, le sultan dâIconium, KaĂŻ-Khosrou, ravagea la vallĂ©e du MĂ©andre lâannĂ©e suivante sans ĂȘtre inquiĂ©tĂ©[40].
Mais la véritable menace se situait en Europe.
Isaac II avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ© alors quâil menait campagne contre les Bulgares et les Valaques dans les Balkans. AussitĂŽt acclamĂ© par les troupes, Alexis, qui accompagnait son frĂšre, se hĂąta de mettre un terme Ă la campagne et de rentrer Ă Constantinople, se contentant dâexploiter les divisions qui se faisaient jour entre les chefs valaques. En 1195 et 1196, les Bulgares saccagĂšrent la rĂ©gion de SerrĂšs et dĂ©firent lâarmĂ©e byzantine, capturant son chef, le sĂ©bastocrator Isaac ComnĂšne. Heureusement pour les Byzantins, les frĂšres Assen et Petar qui sâĂ©taient sĂ©parĂ©s en 1193, furent assassinĂ©s par leurs boyards en 1196 et 1197 respectivement. Le pouvoir Ă©chu Ă leur plus jeune frĂšre, Jean, surnommĂ© Kalojean (Jean le Bon) qui, pour avoir Ă©tĂ© envoyĂ© comme otage Ă Constantinople, portait une haine profonde aux Grecs. AprĂšs quâil se fut emparĂ© de Varna, Alexis dut nĂ©gocier une entente avec lui en fonction de laquelle les Byzantins conservaient le contrĂŽle de la Thrace mais reconnaissaient officiellement lâindĂ©pendance de lâĂtat bulgare. Pour mettre un terme Ă lâinfluence byzantine, Jean entra en nĂ©gociation avec le pape Innocent III, lequel Ă©tait anxieux de ramener les Balkans dans lâinfluence de Rome. En novembre 1204, soit peu aprĂšs la chute de Constantinople, un lĂ©gat pontifical devait sacrer un patriarche de Bulgarie lequel couronna le lendemain le nouveau tsar dans la cathĂ©drale de Trnovo avec une couronne envoyĂ©e par le pape[41].
Le plus grave danger vint toutefois moins de lâapathie dâAlexis III que de lâesprit de croisade dâHenri VI. Fils de FrĂ©dĂ©ric Barberousse, celui-ci Ă©tait bien dĂ©cidĂ© non seulement Ă venger la dĂ©bĂącle qui avait suivi la mort de son pĂšre en Orient, mais aussi Ă reprendre Ă son compte le rĂȘve dâun empire universel. Son mariage avec Constance de Sicile, hĂ©ritiĂšre lĂ©gitime de Guillaume II lui donnait lâoccasion de prendre pied en Italie normande. AprĂšs sâĂȘtre emparĂ© du royaume Ă la mort de TancrĂšde de Lecce, fils bĂątard de Guillaume, en 1194 il avait sommĂ© Isaac II de lui restituer les territoires conquis par Guillaume en MacĂ©doine. Il exigeait en outre un Ă©norme tribut (celui qui donna naissance Ă lâAlamanikon) pour compenser les pertes subies par son pĂšre lors de la troisiĂšme croisade et lâaider Ă monter une nouvelle croisade. De plus, le mariage en mai 1197 de son frĂšre Philippe de Souabe avec IrĂšne lâAnge, fille dâIsaac II et veuve Ă seize ans du fils ainĂ© de TancrĂšde, lui permettait de se poser en justicier et dĂ©fenseur de lâempereur dĂ©trĂŽnĂ©[42].
Ă PĂąques 1195, reprenant lâĆuvre de son pĂšre, Henri VI prit la croix et appela Ă la croisade. Il envoya deux armĂ©es vers la Palestine, lâune par mer, lâautre par voie de terre sous le commandement de lâarchevĂȘque de Mayence Conrad Ier de Wittelsbach, sommant lâempereur de fournir Ă celle-ci les bateaux lui permettant de traverser en Asie. Ses prĂ©tentions orientales furent encouragĂ©es par lâarrivĂ©e en octobre dâune ambassade dâAmaury de Lusignan, devenu roi de Chypre, lui demandant une couronne royale. Cette dĂ©lĂ©gation fut suivie peu aprĂšs par une deuxiĂšme venant de LĂ©on II, seigneur de la Petite ArmĂ©nie. Henri se hĂąta de satisfaire lâune et lâautre demande. Alexis III qui venait de renverser son frĂšre se voyait ainsi pris en tenailles et nâeut dâautre choix que dâagrĂ©er Ă toutes les conditions. Fort heureusement pour lui, lâannonce de la mort dâHenri VI Ă Messine, le 28 septembre 1197, sauva Constantinople et permit dâarrĂȘter le dĂ©pouillement des caveaux impĂ©riaux commencĂ© pour rĂ©unir la somme exigĂ©e par Henri[43].
La croisade amorcĂ©e par Henri VI devait faire long feu. Son appel ne fut guĂšre entendu que par les grands de lâempire parmi lesquels les archevĂȘques de Mayence et de BrĂȘme, neuf Ă©vĂȘques, le duc Henri de Brabant, Henri de Brunswick, FrĂ©dĂ©ric dâAutriche et Ulrich de Carinthie. Leur petite armĂ©e partit de Messine Ă lâĂ©tĂ© 1197 et se jeta dĂšs son arrivĂ©e sur les Sarrasins. AprĂšs quelques succĂšs qui leur permirent de sâemparer de Sidon et de Beyrouth, ils apprirent la mort dâHenri VI. La plupart des nobles dĂ©cidĂšrent alors de rentrer laissant leurs soldats affronter seuls une armĂ©e Ă©gyptienne qui venait Ă leur rencontre Ă travers le SinaĂŻ. Pris de panique, les armĂ©es remontĂšrent vers le nord oĂč leurs bateaux les attendaient Ă Tyr dâoĂč ils reprirent la mer[44].
La quatriĂšme croisade
La quatriĂšme croisade devait ĂȘtre lancĂ©e non par le successeur dâHenri VI, mais par le nouveau pape, Lothaire de Segni, Ă©lu en 1198 sous le nom dâInnocent III. TrĂšs imbu des pouvoirs temporels et spirituels de la papautĂ©, celui-ci ne pouvait voir sans crainte lâempereur germanique Ă©tendre son pouvoir en Italie. Aussi appuya-t-il dâabord les prĂ©tentions dâOtton IV face Ă celles de Philippe de Souabe. De plus, il Ă©tait fort dĂ©sireux de voir lâĂglise de Rome se substituer Ă celle de Constantinople dans les Balkans et accĂ©da rapidement aux dĂ©sirs des Bulgares de reconnaĂźtre sa suzerainetĂ© plutĂŽt que celle de Constantinople[45].
Lâun de ses premiers gestes fut de prĂȘcher une nouvelle croisade. Reconnaissant que confier la conduite de la croisade Ă des monarques rĂ©gnants avait donnĂ© lieu auparavant Ă des problĂšmes sans fin de rivalitĂ©s nationales et de protocole et que dâautre part la lutte entre Otton IV et Philippe de Souabe, celle entre les rois de France et dâAngleterre pour la succession de Richard CĆur-de-Lion rendaient la participation de ces souverains peu probable, le pape fit appel Ă la chevalerie. Au cours dâun tournoi organisĂ© Ă son chĂąteau d'Ecly-sur-Aisne, le jeune comte Thibault de Champagne, enflammĂ© par la prĂ©dication de Foulque de Neuilly, se proposa pour conduire lâexpĂ©dition[46].
Comme lors de la troisiĂšme croisade, le problĂšme se posa de dĂ©cider si lâon devait se rendre en Terre sainte par terre ou par mer. Peu avant de quitter la Palestine, Richard CĆur-de-Lion avait clairement indiquĂ© que le point le plus faible chez les Turcs Ă©tait lâĂgypte et que toute expĂ©dition devrait avoir ce pays comme premiĂšre cible. Ceci favorisait la voie maritime. Comme on sâattendait Ă une force dâenviron 33 500 soldats, 200 bateaux sâavĂ©raient nĂ©cessaires. La seule puissance capable de construire rapidement un tel nombre de navires Ă©tait la rĂ©publique de Venise oĂč une dĂ©lĂ©gation fut dĂ©pĂȘchĂ©e en 1201[47].
Venise accepta de transporter 4 500 chevaliers et leurs chevaux, 9 000 servants et 20 000 fantassins moyennant une somme de 85 000 marks. De plus elle sâengageait Ă fournir elle-mĂȘme 50 galĂšres pourvu que le butin de guerre soit partagĂ© Ă parts Ă©gales[48]. Cette estimation Ă©tait terriblement exagĂ©rĂ©e : les Français furent incapables de rĂ©unir plus de 650 chevaliers et 1 300 hommes de troupes. Le moment venu, ils se trouvĂšrent dans lâincapacitĂ© de payer la somme prĂ©vue alors que les VĂ©nitiens avaient scrupuleusement respectĂ© leur part du contrat[49]. En Ă©change d'un dĂ©lai de paiement, les VĂ©nitiens proposĂšrent alors aux CroisĂ©s de les aider Ă capturer Zara (maintenant Zadar), ancienne ville indĂ©pendante de lâempire byzantin dont Venise rĂ©clamait la possession, mais qui sâĂ©tait mise sous la protection de la Hongrie dont le roi s'Ă©tait lui-mĂȘme croisĂ© depuis plusieurs annĂ©es[50].
SitĂŽt informĂ© de ce plan qui visait une ville chrĂ©tienne, le pape interdit aux croisĂ©s d'attaquer Zara. Mais les jeux Ă©taient faits et le 8 novembre 1202, 480 bateaux, dirigĂ©s par le doge lui-mĂȘme malgrĂ© ses quatre-vingts ans passĂ©s, firent voile vers Zara qui fut mise Ă sac. OutrĂ©, le pape excommunia dâabord lâensemble de lâexpĂ©dition, puis limita cette excommunication aux seuls VĂ©nitiens tout en recommandant aux autres croisĂ©s de continuer leur collaboration avec eux, les VĂ©nitiens dĂ©tenant les ressources essentielles au succĂšs de lâexpĂ©dition[51].
Au dĂ©but de 1203, un deuxiĂšme imprĂ©vu vint Ă nouveau modifier les plans. Boniface de Montferrat (qui avait succĂ©dĂ© comme chef dâexpĂ©dition Ă Thibaud de Champagne dĂ©cĂ©dĂ© entretemps) reçut une lettre de Philippe de Souabe, beau-fils dâIsaac II. Philippe y expliquait quâun autre Alexis, appelĂ© « le jeune Alexis », fils dâIsaac II et frĂšre de son Ă©pouse, sâĂ©tait Ă©chappĂ© de la prison oĂč il Ă©tait enfermĂ© avec son pĂšre et avait trouvĂ© refuge Ă sa cour. Philippe proposait que la croisade fasse une nouvelle Ă©tape Ă Constantinople pour renverser Alexis III et redonner le trĂŽne au souverain lĂ©gitime, moyennant quoi Alexis financerait la conquĂȘte ultĂ©rieure de lâĂgypte, fournirait dix mille soldats supplĂ©mentaires Ă cette fin et maintiendrait par la suite cinq cents chevaliers Ă ses frais en Terre Sainte. Et pour obtenir lâappui du pape il ajoutait que lâĂglise de Constantinople se soumettrait Ă Rome[52].
Ni les croisĂ©s, qui ne connaissaient pas Constantinople, ni sans doute le jeune Alexis lui-mĂȘme ne rĂ©alisaient Ă quel point ce plan Ă©tait irrĂ©aliste; toutefois, il emporta lâadhĂ©sion de la majoritĂ©. Seuls quelques croisĂ©s prĂ©fĂ©rĂšrent sâembarquer directement pour la Palestine. Le jeune Alexis arriva Ă Zara en avril 1203 et quelques jours plus tard, la flotte faisait voile, sâarrĂȘtant Ă DurrĂ«s et Corfou oĂč Alexis fut reconnu comme empereur lĂ©gitime. MalgrĂ© une nouvelle interdiction formelle du pape, elle arrivait en juin devant Constantinople oĂč Alexis III, fidĂšle Ă son caractĂšre, nâavait pris aucune mesure pour assurer la dĂ©fense de la ville. Lâassaut eut lieu en juillet 1203. DĂšs la premiĂšre charge lâarmĂ©e impĂ©riale se dĂ©banda et lâempereur prit la fuite, laissant sa femme et ses enfants Ă Constantinople, mais emmenant avec lui sa fille prĂ©fĂ©rĂ©e et apportant 10 000 livres dâor ainsi quâun sac de bijoux[53].
Alexis erra quelques mois, mais tomba aux mains de Boniface de Montferrat vers la fin de 1204. Il demeura prisonnier jusquâĂ ce que sa rançon ait Ă©tĂ© payĂ©e en 1209 ou 1210 par Michel Ier ComnĂšne Doukas dâĂpire qui le fit envoyer au sultan seldjoukide Kay Khusraw Ier, fils de Kilidj Arslan. Lorsque ThĂ©odore Ier Laskaris dĂ©fit le sultan, Alexis fut Ă nouveau fait prisonnier et envoyĂ© dans un monastĂšre oĂč il mourut en 1211 ou 1212[54].
Retour dâIsaac II (1203-1204) ; Alexis IV (1204)
Croyant, aprĂšs la fuite de lâempereur, que le retour dâIsaac II suffirait Ă arrĂȘter lâassaut des croisĂ©s, les Ă©diles de Constantinople sâĂ©taient hĂątĂ©s de libĂ©rer celui-ci et de le rĂ©tablir dans ses fonctions dâempereur lĂ©gitime. Effectivement, lâattaque cessa et une dĂ©lĂ©gation croisĂ©e et vĂ©nitienne vint informer les notables constantinopolitains des promesses faites par Alexis, exigeant que celui-ci soit couronnĂ© coempereur avec Isaac. AprĂšs quoi, elle se retira Ă Galata oĂč les croisĂ©s avaient Ă©tabli leur quartier gĂ©nĂ©ral. Alexis IV, qui avait Ă peu prĂšs vingt-et-un ans Ă lâĂ©poque, fut effectivement couronnĂ© le 1er aout 1203. Restait cependant aux deux empereurs Ă remplir leurs engagements Ă lâĂ©gard des croisĂ©s. Alexis IV se rendit rapidement compte que le trĂ©sor Ă©tait vide. Il fut obligĂ© de lever de nouveaux impĂŽts qui ne frappĂšrent que les habitants de Constantinople, ceux des provinces se refusant Ă le reconnaĂźtre comme empereur. Ces nouvelles taxes permirent de rĂ©unir une somme de 100 000 marks, ce qui sâavĂ©ra suffisant pour convaincre les croisĂ©s de patienter et de retarder leur dĂ©part jusquâĂ la Saint-Michel. Mais elles rendirent les deux empereurs impopulaires auprĂšs des habitants de la capitale, qui se rendaient compte que leur argent enrichissait directement aux adversaires de l'empire. Les souverains sâaliĂ©nĂšrent Ă©galement le clergĂ© en forçant celui-ci Ă faire fondre les vases sacrĂ©s pour se procurer des fonds et en annonçant que lâĂglise grecque devrait se soumettre Ă celle de Rome[55].
Et pour comble de malheur, alors quâAlexis IV Ă©tait parti en Thrace avec le gros de lâarmĂ©e pour reprendre le contrĂŽle de la situation, un groupe de croisĂ©s mit le feu Ă une petite mosquĂ©e du quartier musulman lors dâune rixe. Les flammes se propagĂšrent rapidement, sâĂ©tendirent au port qui, en quarante-huit heures, fut complĂštement rasĂ©. Et lorsque, quelques jours plus tard, une dĂ©lĂ©gation de croisĂ©s vint en ville rĂ©clamer les montants qui leur Ă©taient dus, la colĂšre des habitants de la capitale ne connut plus de borne. Pour leur part les croisĂ©s Ă©taient Ă©galement dĂ©sireux de quitter le pays pour se diriger enfin vers la Terre Sainte[56].
Le doge Enrico Dandolo voyait ainsi se rĂ©aliser son but : la destruction de lâempire byzantin et le remplacement de lâempereur par une marionnette dĂ©vouĂ©e aux intĂ©rĂȘts de Venise. Il recommanda donc aux dirigeants de la croisade de prendre leur dĂ» de force et de remplacer les deux empereurs qui avaient failli Ă leurs engagements par lâun des leurs. Ă lâintĂ©rieur de la ville, les habitants en venaient Ă©galement Ă la conclusion quâun changement dâempereur sâimposait. Le 24 janvier 1204, une rĂ©union regroupant le sĂ©nat, le clergĂ© et des reprĂ©sentants du peuple vota la dĂ©chĂ©ance dâAlexis IV. AprĂšs trois jours de discussions, on se mit dâaccord pour le remplacer par un inconnu du nom de Nicolas Canabus[57].
Alexis V (1204) et la chute de Constantinople
Câest le moment quâattendait Alexis Doukas, surnommĂ© Mourtzouphlos en raison de ses sourcils en bataille qui se rejoignaient au milieu du nez, pour s'emparer du pouvoir. ĂgĂ© dâenviron soixante-cinq ans, celui-ci se trouvait en prison lors de l'arrivĂ©e des croisĂ©s, vraisemblablement pour avoir participĂ© Ă la tentative dâusurpation de Jean ComnĂšne en 1200. RelĂąchĂ©, il se vit confier la fonction de protovestiaros, ce qui lui donnait accĂšs en tout temps aux appartements impĂ©riaux[58].
RĂ©solu Ă sâemparer du pouvoir, il chercha Ă se gagner lâappui de la population en dirigeant quelques raids contre les croisĂ©s Ă lâextĂ©rieur de la ville. Lors des discussions du 24 au 27 janvier il conseilla Ă Alexis IV de demander lâaide des croisĂ©s, mais lorsque Canabus fut Ă©lu, il nâhĂ©sita pas Ă se rendre en pleine nuit dans les appartements de lâempereur et, avec lâaide de la garde varangienne, de sâemparer de celui-ci et de le faire enfermer dans un donjon oĂč il mourut Ă©tranglĂ©. Ayant appris la nouvelle, Isaac II mourut Ă©galement, selon Villehardouin, de cause naturelle[59].
CouronnĂ© Ă Sainte-Sophie sous le nom dâAlexis V, le nouvel empereur se mit immĂ©diatement Ă rĂ©parer les murs de la citĂ© et Ă conduire des embuscades contre les croisĂ©s. Constatant que le nouvel empereur menait une politique diffĂ©rente de celle de ses prĂ©dĂ©cesseurs, sâappuyant sur le fait quâil sâagissait Ă nouveau dâun usurpateur, le doge Dandolo, qui Ă©tait devenu le vĂ©ritable leader de la croisade, tint une sĂ©rie de rĂ©unions avec les chefs croisĂ©s pour discuter de lâadministration future de lâempire. On sâentendit pour former un comitĂ© de douze personnes comprenant six VĂ©nitiens et six croisĂ©s qui devaient Ă©lire un nouvel empereur issu de leurs rangs. Si ce dernier devait ĂȘtre choisi parmi les croisĂ©s, le patriarche serait vĂ©nitien et vice-versa. Lâempereur rĂšgnerait sur le quart de la citĂ© et de lâempire pendant que les trois autres quarts seraient divisĂ©s Ă Ă©galitĂ© entre les croisĂ©s et Venise, le doge se voyant exemptĂ© de prĂȘter hommage Ă lâempereur. Le butin rĂ©coltĂ© lors de la conquĂȘte finale serait rĂ©parti de la mĂȘme maniĂšre[60].
Lâassaut final devait ĂȘtre donnĂ© le 9 avril Ă lâendroit mĂȘme oĂč les croisĂ©s avaient lancĂ© le premier assaut neuf mois plus tĂŽt. Il devait durer trois jours, les murs et les tours renforcĂ©s par Alexis V se rĂ©vĂ©lant plus difficiles Ă prendre que prĂ©vu. Finalement, aidĂ©s par un fort vent, les navires vĂ©nitiens parvinrent Ă Ă©tablir un pont entre les mats des navires et le sommet des tours. Alexis V fit preuve dâun grand courage essayant de rallier ses hommes, mais rĂ©alisant que tout Ă©tait perdu, il sâenfuit en compagnie de la femme dâAlexis III et de la fille de celle-ci, Eudoxie, restĂ©es Ă Constantinople. Il alla se rĂ©fugier auprĂšs de son prĂ©dĂ©cesseur Ă Mosynopolis oĂč il reçut dâAlexis la permission dâĂ©pouser Eudoxie, son grand amour. Par la suite cependant Alexis III devait le faire prisonnier et lâaveugler. Remis entre les mains de Thierry de Loos, Alexis V fut jugĂ© pour trahison envers Alexis IV et jetĂ© en bas de la colonne de ThĂ©odose[61].
Ă Constantinople, les croisĂ©s se livrĂšrent Ă trois jours de pillage, de meurtres et de sacrilĂšges. Pour une fois, chroniqueurs latins et grecs Ă©taient dâaccord. « Depuis la crĂ©ation du monde, jamais pareil butin nâavait Ă©tĂ© fait dans une ville » Ă©crit Villehardouin, pendant que de son cĂŽtĂ© NicĂ©tas ChoniatĂšs constatait : « Les Sarrasins eux-mĂȘmes sont bons et compatissants » en comparaison de ces gens « qui portent la croix du Christ sur leur Ă©paule »[62]. Une fois lâordre rĂ©tabli, le butin fut ramassĂ© et partagĂ© tel quâentendu ; sa valeur totale sâĂ©levait Ă environ 3,6 millions dâhyperpĂšres. Les croisĂ©s payĂšrent au doge la somme qui Ă©tait encore due Ă Venise. Sous la pression des VĂ©nitiens, on Ă©lit comme empereur le comte Baudouin de Flandres et de Hainaut couronnĂ© Ă Sainte-Sophie le , devenant ainsi le troisiĂšme empereur Ă y ĂȘtre couronnĂ© en une seule annĂ©e; le doge de son cĂŽtĂ© choisissait comme patriarche, Tommaso Morosini, lequel reçut tous les ordres et fut sacrĂ© Ă©vĂȘque en moins de deux semaines. En dĂ©pit de son antipathie Ă lâendroit de celui-ci, Innocent III finit par approuver ce choix. Des dĂ©lĂ©guĂ©s furent envoyĂ©s de Rome pour nĂ©gocier lâunion des deux Ăglises sans succĂšs, le pape, bien quâacceptant de reconnaĂźtre le statut de patriarcat Ă Constantinople, insistant toujours pour que les Grecs se conforment Ă la doctrine et aux rites latins. Par la suite, le pape devait de plus en plus traiter lâĂglise orthodoxe comme schismatique et hĂ©rĂ©tique[63].
Conclusion
Certes, la dynastie des Anges joua un rĂŽle important dans la chute de Constantinople. Mais les causes de son dĂ©clin Ă©taient dĂ©jĂ apparentes sous la dynastie des ComnĂšnes et il serait injuste dâen faire porter lâentiĂšre responsabilitĂ© sur les Anges. De profonds changements avaient eu lieu tant en Occident quâen Orient au cours des XIe et XIIe siĂšcles. Mais une rĂ©sistance au changement plus forte Ă Constantinople que dans les royaumes qui se constituaient Ă lâOuest lâempĂȘcha de sâadapter aux nouvelles rĂ©alitĂ©s. Dans son livre A History of the Byzantine State and Society, Warren Treadgold, mentionne plusieurs causes lointaines qui contribuĂšrent au dĂ©sastre de 1204.
Le premier facteur de dissolution de l'empire byzantin fut la montrĂ©e croissante du rĂ©gionalisme. La perte de lâItalie du sud aux mains des Normands eut des rĂ©percussions Ă©conomiques sĂ©rieuses pour Byzance, moindres toutefois que la montĂ©e des puissances maritimes que constituaient Venise, GĂȘnes et Pise qui, en Ă©tablissant leurs comptoirs au sein de lâempire, prirent progressivement la place des marchands byzantins incapables de rĂ©sister Ă leur concurrence. Dans la grande rĂ©gion des Balkans, lâimportance que prit le royaume de Hongrie de mĂȘme que la crĂ©ation des empires bulgare et serbe se doublĂšrent dâune lutte dâinfluence religieuse entre Rome et Constantinople pour le contrĂŽle de la chrĂ©tientĂ©. La GrĂšce sous la conduite dâune aristocratie dont la richesse dĂ©pendait de la stabilitĂ© de lâagriculture et du commerce resta relativement stable, mĂȘme si les rĂ©voltes en CrĂȘte et Ă Chypre et la perte de celle-ci donnaient aux ennemis de Byzance des bases navales et militaires utiles. La situation Ă©tait plus fluide en Asie mineure oĂč les Turcs, peuple nomade sans autre vĂ©ritable dirigeant que le sultan seldjoukide et les Ă©mirs danishmendites, occupĂšrent progressivement lâintĂ©rieur de lâAnatolie, remplaçant les populations chrĂ©tiennes qui migrĂšrent vers la cĂŽte et les Balkans. En Cilicie, les princes rubĂ©niens (ou rubĂ©nides) deviendront Ă partir de 1099, « rois dâArmĂ©nie », pendant que dans la rĂ©gion du Pont, les frĂšres Alexis et David ComnĂšne crĂ©eront, aprĂšs la chute de Constantinople, lâ« empire de TrĂ©bizonde »[64].
Le deuxiĂšme fut la montĂ©e dâune nouvelle classe dirigeante formĂ©e de grands propriĂ©taires terriens et de riches marchands qui, surtout dans les provinces, prirent progressivement la place de l'administration byzantine, hĂ©ritiĂšre de lâancienne administration romaine, qui avait fait pendant des siĂšcles la force de lâempire. Alors que les thĂšmes cessaient de fonctionner, que les fonctionnaires Ă©taient peu ou mal payĂ©s, lâavancement devint lâapanage des riches propriĂ©taires fonciers et des pronoĂŻaires. Lorsque sâĂ©teignit la dynastie macĂ©donienne, ce fut cette aristocratie qui produisit dix-sept des vingt-deux empereurs appartenant aux familles Doukas, ComnĂšne et Ange alors que la classe des grands marchands arrivait au trĂŽne avec les empereurs Michel IV et Michel V. Il en rĂ©sulta Ă la fois un affaiblissement du pouvoir impĂ©rial, ces grandes familles Ă©tant plus difficiles Ă maitriser que ne lâavaient Ă©tĂ© les masses populaires, et une multiplication des rĂ©voltes et des sĂ©ditions qui conduisirent au renversement de plusieurs empereurs[65].
Tout comme lâaristocratie, la hiĂ©rarchie de lâĂglise orthodoxe qui avait vu son influence grandir au cours du XIe siĂšcle puis dĂ©croĂźtre sous les ComnĂšnes, vit dĂ©filer Ă sa tĂȘte un grand nombre de patriarches. De 1081 Ă 1204, vingt-deux patriarches devaient se succĂ©der qui Ă©vitĂšrent autant que possible de sâimmiscer dans la sphĂšre politique. Cela nâempĂȘcha pas huit dâentre eux dâabdiquer ou dâĂȘtre dĂ©posĂ©s par le basileus. Or, lâimpuissance des patriarches survenait Ă une Ă©poque oĂč, Ă lâOuest, la papautĂ© affirmait de plus en plus son pouvoir tant spirituel que temporel. Si le schisme de 1054 ne modifia pas substantiellement les relations entre les Ăglises dâOrient et dâOccident, il nâen alla pas de mĂȘme de lâappui quâaccorda la papautĂ© aux Normands, lesquels aprĂšs sâĂȘtre emparĂ©s des possessions byzantines du sud de lâItalie sâen prirent aux Balkans. Les contacts de plus en plus frĂ©quents entre croisĂ©s et autoritĂ©s byzantines montrĂšrent Ă quel point les mentalitĂ©s sâĂ©taient Ă©loignĂ©es lâune de lâautre. Ce fossĂ© devait sâaccroitre lorsque les croisĂ©s Ă©tablirent des Ă©glises latines en Syrie et en Palestine et remplacĂšrent les patriarches grecs dâAntioche et de JĂ©rusalem par des archevĂȘques latins. De plus, les discussions entreprises pour restaurer lâunitĂ© des Ăglises dâOrient et dâOccident continuĂšrent Ă achopper sur la question fondamentale de la primautĂ© papale rĂ©clamĂ©e par Rome aux dĂ©pens de la pentarchie[66] que rĂ©clamait lâĂglise dâOrient[67].
Depuis les invasions barbares, non seulement les diffĂ©rences culturelles sâamplifiaient-elles entre lâOrient et lâOccident, mais elles finirent par devenir un motif de fiertĂ©. Traditionnellement, la culture byzantine Ă©tait restĂ©e en avance sur celle de lâOccident, rĂ©ussissant Ă maintenir son hĂ©ritage classique, câest-Ă -dire grec. Aux XIe et XIIe siĂšcle, les auteurs byzantins commencĂšrent Ă faire preuve dâune plus grande originalitĂ©. LâacadĂ©mie fondĂ©e par Alexis I produisit des Ă©crivains et historiens originaux comme Michel Psellos, Anne ComnĂšne, NicĂ©tas ChoniatĂšs et Jean Zonaras ou des penseurs remarquables comme Jean l'Italien qui eut maille Ă partir avec le pouvoir politique. Que ce soit dans le domaine de lâarchitecture ou des arts dĂ©coratifs qui accompagnaient lâĂ©dification dâĂ©glises ou dâĂ©difices publics ou de la joaillerie[68], une forme dâart propre Ă lâempire byzantin se dĂ©veloppa et ses reprĂ©sentants se mirent Ă voyager Ă lâextĂ©rieur et Ă prĂȘter main-forte Ă leurs collĂšgues occidentaux (cathĂ©drale Saint-Marc de Venise). Mais pendant que les Byzantins continuaient Ă se vanter de leur supĂ©rioritĂ© intellectuelle, les EuropĂ©ens de lâOuest commençaient Ă faire de grands progrĂšs sur le plan technologique que ce soit en agriculture, en matiĂšre dâarmement ou mĂȘme dâarchitecture[69].
Câest cette supĂ©rioritĂ© technique que lâOccident exploita Ă bon escient au cours de la quatriĂšme croisade, face Ă un empire affaibli par les problĂšmes de sĂ©paratisme rĂ©gional, de mauvaise administration, de faiblesse militaire et dâerreurs diplomatiques. Alexis Ier, Jean II et Manuel avaient rĂ©ussi grĂące Ă leur forte personnalitĂ© Ă contrĂŽler lâaristocratie terrienne, les marchands et fonctionnaires qui cherchaient Ă affaiblir le pouvoir impĂ©rial. Isaac II et Alexis III nâĂ©taient guĂšre de la mĂȘme trempe; Alexis IV et Alexis V ne furent que des marionnettes entre les mains de leurs bailleurs de fonds latins. De telle sorte que mĂȘme si la quatriĂšme croisade nâĂ©tait pas venue Ă bout de Constantinople, un effort substantiel eĂ»t Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour donner un nouveau souffle Ă lâempire et lui permettre de rĂ©sister aux appĂ©tits de ses voisins bulgares, serbes, hongrois ou turcs qui, inĂ©luctablement, sâĂ©tendaient Ă ses dĂ©pens[70].
Généalogie
Constantin Ange (1093 â ap.1166) x Theodora ComnĂšne Angelina, fille d'Alexis Ier â ââ> Jean (1125/27 â 1200), sĂ©bastocrate â x ZoĂ© Doukaina â â â ââ> Michel Ier d'Ăpire (1170 â 1214/15) â â x Inconnue â â â â â ââ> Michel II d'Ăpire (â 1266/68) illĂ©gitime â â x ThĂ©odora PĂ©traliphaina (1225 â ap.1270) â â â â â ââ> NicĂ©phore Ier d'Ăpire (â 1297) â â â x 1) Maria Vatatzaina â â â x 2) Anne PalĂ©ologue CantacuzĂšne (â ap.1313) â â â â â â â ââ1> Maria â â â â x Jean Ier Orsini, comte palatin de CĂ©phalonie et Zante â â â â â â â ââ2> Thamar (â 1311) â â â â x Philippe Ier, prince de Tarente â â â â â â â ââ2> Thomas Ier d'Ăpire (1285 â 1318) â â â x Anne PalĂ©ologue, fille de Michel IX â â â â â ââ> Jean â â â â â ââ> DĂ©mĂ©trios (â 1304) â â â x 1) Anne ComnĂšne PalĂ©ologue, fille de Michel VIII â â â x 2) Ana Terter, fille de Georges Ier Terter â â â â â â â ââ1> Andronic (1282 â 1328), protosĂ©baste â â â x Fille de Kokala â â â â â â â ââ> Anne PalĂ©ologue â â â x 1) Jean II Orsini, despote d'Ăpire â â â x 2) Jean ComnĂšne Asen (â 1363) â â â â â ââ> HĂ©lĂšne (1242 â 1271) â â â x Manfred Ier, roi de Sicile â â â â â ââ> Anne (â 1286) â â â x 1) Guillaume II, prince d'AchaĂŻe â â â x 2) Nicolas II, seigneur de ThĂšbes â â â â â ââ> Jean Ier de Thessalie (â 1289) illĂ©gitime â â x Hypomone â â â â â ââ> Constantin de Thessalie (â 1303) â â â â â â â ââ> Jean II de Thessalie (â 1318) â â â â â ââ> ThĂ©odore de Thessalie (â 1299) â â â â â ââ> HĂ©lĂšne (â 1299) â â â x Guillaume Ier de La Roche (â 1287), duc d'AthĂšnes â â â â â ââ> HĂ©lĂšne â â x Stefan UroĆĄ II Milutin, roi de Serbie â â â ââ> Constantin (1172 â 1242), despote â â â ââ> ThĂ©odore Ier de Thessalonique (â 1253) â â x Maria Petraliphaina â â â â â ââ> Anne â â â x Stefan Radoslav, roi de Serbie â â â â â ââ> Jean de Thessalonique (â 1244) â â â â â ââ> IrĂšne â â â x Ivan Assen II, roi de Bulgarie â â â â â ââ> DĂ©mĂ©trios de Thessalonique (1220 â ap.1246) â â â ââ> Manuel (1187 â 1241), despote â ââ> Andronic (1133 â 1183/85) x Euphrosyne Kastamonitissa â ââ> Constantin (1151 â ap.1199), sĂ©bastocrate â ââ> Alexis III (1153 â 1211) â x Euphrosyne Doukaina Kamatera (1155 â 1211) â â â ââ> IrĂšne â â x 1) Andronic KontostĂ©phanos â â x 2) Alexis PalĂ©ologue, despote â â â ââ> Anne (1176 â 1212) â â x 1) Isaac ComnĂšne VatatzĂšs (â 1196) â â x 2) ThĂ©odore Ier Lascaris, empereur de NicĂ©e â â â ââ> Eudoxie (â 1211) â x 1) Stefan Ier NemanjiÄ, grand-duc puis roi de Serbie â x 2) Alexis V (â 1204), empereur byzantin â x 3) LĂ©on Sgouros (â 1208), seigneur de Nauplie et dâArgolide â ââ> Isaac II (1156 â 1204) x 1) IrĂšne x 2) Marguerite de Hongrie (1175 â ap.1223) â ââ1> Anna-Euphrosyne (â 1253) â x Roman Mstislavitch, prince de Galicie-Volhynie â ââ1> IrĂšne (1181 â 1208) â x 1) Roger III, roi de Sicile â x 2) Philippe de Souabe, roi de Germanie â ââ1> Alexis IV (1182 â 1204) â ââ2> Jean (1193 â 1253) x Mathilde de Vianden, fille d'Henri Ier de Vianden
Bibliographie
On consultera avec profit la bibliographie exhaustive contenue dans chaque volume de la trilogie Le monde byzantin (Coll. Nouvelle Clio, Presses universitaires de France) rĂ©partie pour chacune des pĂ©riodes Ă©tudiĂ©es (vol. 1 â LâEmpire romain dâOrient [330-641] ; vol. 2 â Lâempire byzantin [641-1204] ; vol. 3 â Lâempire grec et ses voisins [XIIIe-XVe siĂšcle] entre Instruments bibliographiques gĂ©nĂ©raux, ĂvĂšnements, Institutions (empereur, religion, etc.) et RĂ©gions (Asie Mineure, Ăgypte byzantine, etc.). Faisant le point de la recherche jusquâen 2010, elle comprend de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă des sites en ligne.
Sources primaires
Pour la pĂ©riode des derniers ComnĂšnes et des Anges, NicĂ©tas ChoniatĂšs demeure la source la plus importante. Originaire de Chonai en Phrygie, il fut dâabord secrĂ©taire impĂ©rial de la cour, puis gravit tous les Ă©chelons de la fonction publique pour devenir grand logothĂšte ou premier ministre sous les Anges. Son Histoire traite de la pĂ©riode allant du rĂšgne dâAlexis jusquâen 1206. Son style vivant et sa description des caractĂšres lâon fait comparer Ă Psellos[71]. Il doit la description de la conquĂȘte de Thessalonique par les Normands en 1185 au mĂ©tropolite de cette ville, Eustathe de Thessalonique. ChoniatĂšs a Ă©galement laissĂ© des discours et Ă©crits de circonstance qui remontent Ă la pĂ©riode 1180-1210. FrĂšre ainĂ© de NicĂ©tas, Michel ChoniatĂšs, mĂ©tropolite dâAthĂšnes a aussi laissĂ© des lettres et autres Ă©crits qui fournissent dâimportants Ă©lĂ©ments sur les Ă©vĂšnements de cette pĂ©riode.
Parmi les nombreuses sources occidentales qui dĂ©crivent lâhistoire des croisades, on peut mentionner la Gesta Francorum de mĂȘme que les Ă©crits de Villehardouin et Robert de Clari qui Ă©clairent les relations entre Byzance et lâOccident mĂȘme si des textes comme la Gesta Francorum ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s afin de nourrir le sentiment antibyzantin qui se dĂ©veloppait en Occident. Il faut Ă©galement mentionner un faux cĂ©lĂšbre qui contribua Ă rĂ©pandre en Occident lâidĂ©e quâAlexis avait trahi les croisĂ©s. Cette lettre supposĂ©ment dâAlexis Ier au comte de Flandre nous est parvenue sous sa forme latine comme un appel Ă la croisade. En fait, elle a probablement Ă©tĂ© fabriquĂ©e Ă partir dâune vĂ©ritable lettre de lâempereur ayant trait au recrutement de mercenaires occidentaux[72].
Pour les pays slaves mĂ©ridionaux, on mentionnera la Chronique du prĂȘtre de DioclĂ©e, Ă©crite vers le milieu ou dans la deuxiĂšme partie du XIIe siĂšcle ainsi que la Vie de Saint-SimĂ©on (câest-Ă -dire) dâĂtienne Nemanja et la Vie de Saint Sava par Domentijan, moine de Khilendar, disciple de Sava.
- Anonyme, Gesta Francorum et aliorum Hierosolymitanorum, éd. et trad. française L. Bréhier, Paris, C.H.F., 1924
- Bryennios, Nikephoros, Historiarum libri quattuor, Ă©d. et trad. Paul Gautier, Bruxelles, 1975
- ChoniatĂšs, Nicetas, Nicetae Choniatae Historia, I. A. Van Dieten, Berlin/New York, 1975
- Clari, Robert de, La conquĂȘte de Constantinople, trad. P. Charlot, Paris, 1939
- Comnena, Anna, The Alexiad, trans. E.A. Sewter, Harmondsworth, 1969
- Thessalonique, Eustathe de . Opuscula, livre Google
- TornikĂšs, Georges & Demetrios. Lettres et discours, Ă©d. J. DarrouzĂšs, Paris, 1970
- Tyr, Guillaume de, "Belli Sacri Historia et Historia Rerum in Partibus Transmarinis Gestarum" dans Recueil des Historiens des Croisades, AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles Lettres, Paris 1841-1906, vol 1 ; traduit en français dans Collection des MĂ©moires Relatifs Ă lâHistoire de France de F. Guizot, 29 vols. Paris, 1823-1827. Pour les ComnĂšnes : vols. 16-18
- Villehardouin, La conquĂȘte de Constantinople, Ă©d. et trad. E.Faral, Paris, C.H.F. 1938-1939, 2 vol.
- Zonaras, Jean, Epitome historiarum, livre Google
Sources secondaires
- Michael Angold, The Byzantine Empire 1025-1204, A Political History. Longman, London & New York, 1984 (ISBN 0-582-49060-X)
- Pierre AubĂ©, Les empires normands dâOrient, Paris, Tallendier, 1983 (ISBN 2-235-01483-6)
- Malcolm Billing, The Cross & the Crescent, A History of the Crusades, New York, Sterling Publishing co, 1990 (ISBN 0-8069-7364-1) (Paper)
- Louis BrĂ©hier, Vie et mort de Byzance. Coll. LâĂ©volution de lâhumanitĂ©, Albin Michel, Paris, 1946 et 1969
- Jean-Claude Cheynet (dir), Le Monde byzantin â tome II â LâEmpire byzantin (641-1204), Coll. lâhistoire et ses problĂšmes, Presses universitaires de France, Paris, 2007 (ISBN 978-2-13-052007-3) Ă©ditĂ© erronĂ©
- John Haldon. Warfare, State and Society in the Byzantine World, 656-1204, London & New York, Routledge, 1999 (ISBN 1 85728 495 X) (paperback)
- Jonathan Harris, Byzantium and The Crusades, London, New York, Hambeldom Continuum, 2003 (ISBN 1 85285 501 0) (paperback)
- Judith Herrin. Byzantium, The Surprising Life of a Medieval Empire, Princeton University Press, Princeton & Oxford, 2007 (ISBN 978-0-691-14369-9) (pbk)
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208)
- A.P. Kazhdan and Ann Wharton Epstein, Change in Byzantine Culture in the Eleventh and Twelfth Centuries, University of California Press, Berkeley, 1985 (ISBN 0-520-06962-5)
- Frederic C. Lane, Venice, A Maritime Republic, Johns Hopkins University Press, Baltimore and London, 1973 (ISBN 0-8018-1460-X) (pbk.)
- Thomas F. Madden, Enrico Dandolo & the Rise of Venice, Johns Hopkins University Press, Baltimore and London, 2003 (ISBN 0-8018-7317-7) (Un des rares livres qui porte un jugement positif sur Enrico Dandolo et qui considÚre ses actions justifiées par les circonstances)
- Cyril Mango (ed.), The Oxford History of Byzantium, London, Oxford University Press, 2002 (ISBN 0-19-814098-3)
- G. Moravcisk, « Hungary and Byzantium in the Middle Ages », dans Cambridge Medieval History, IV, part 1, Cambridge, 1966, p. 567-592
- John Julius Norwich, A History of Venice. Penguin Books, London, 1977,1981,1982 (ISBN 0-14-006623-3).
- John Julius Norwich, Byzantium, The Decline and Fall, New York, Alfred A. Knopf, 1996 (ISBN 0-679-41650-1). (LâĆuvre se prĂ©sente en trois volumes: Byzantium: the Early Centuries ; Byzantium: The Apogee; Byzantium: The Decline and Fall, dotĂ©s dâune double pagination, successive pour les trois volumes et individuelle pour chacun dâeux ; câest cette derniĂšre que nous utilisons dans les rĂ©fĂ©rences).
- Georges Ostrogorsky. Histoire de lâĂtat byzantin, Payot, Paris, 1983 (ISBN 2-228-07061-0)
- Steven Runciman, A History of the Crusades, 3 vols., Cambridge, Cambridge University Press, 1951-1954.
- Steven Runciman, The Eastern Schism, A Study of the Papacy and the Eastern Churches during the Eleventh and Twelfth Centuries, Oxford University Press, Oxford, 1955 (ISBN 0-19-826417-8)
- Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford University Press, Stanford, 1997 (ISBN 0-8047-26302)
Notes et références
- Bréhier (1969), p. 222.
- Ostrogorsky (1983), p. 343-440.
- Bréhier (1969), p. 240-241; Ostrogorsky (1983), p. 377-378
- Cheynet (2006), p. 200.
- Treadgold (1997), p. 615 et p. 626-627; John Norwich (1996), p. 51-52.
- Bréhier (1969), p. 240-242; Ostrogorsky (1983) 378-406.
- Bréhier (1969), p. 273-284 : Ostrogorsky (1983) 406-424.
- Norwich (1995), p. 156.
- Angold (1984), p. 168-169.
- Treadgold (1997), p. 656-657; Bréhier (1969), p. 286.
- Michael Angold, op.cit., p. 271.
- Selon le chroniqueur de lâĂ©poque, NicĂ©tas ChoniatĂšs, citĂ© dans Georges Ostrogorsky (1956) p. 425; Norwich (1995), p. 157.
- Ostrogorsky (1956), p. 425; Norwich (1995), p. 157.
- Michel ChoniatÚs, cité par Angold (1984), p. 280.
- Ă son origine la pronoĂŻa Ă©tait une Ă©tendue de terre concĂ©dĂ©e Ă un pronoĂŻaire qui devait lâadministrer (Î”ÎŻÏ ÏÏÏÎœÎżÎčαΜ) gĂ©nĂ©ralement jusquâĂ sa mort, avec jouissance de tous ses revenus. Sous Alexis ComnĂšne, le systĂšme prit un caractĂšre militaire : le bĂ©nĂ©ficiaire fut tenu au service militaire et, suivant lâĂ©tendue de son fief devait fournir un contingent plus ou moins Ă©levĂ© dâhommes de troupe;Ostrogorsky (1956), p. 353 et 392.
- Ostrogorsky (1956), p. 427-428; Bréhier (1969), p. 287; Angold (1984), p. 272.
- Cheynet (2006), p. 199; Bréhier (1969), p. 287; Treadgold (1997), p. 658.
- Cheynet (2006), p. 198; Bréhier (1969), p. 287;Angold (1984), p. 277.
- Bréhier (1969), p. 286-287; Angold (1984), p. 273-274; Ostrogorsky (1956), p. 427-428.
- Ostrogorsky(1956), p. 429; Angold (1984), p. 274; Bréhier (1969), p. 287; Treadgold (1997), p. 157.
- Treadgold (1997), p. 656; Ostrogorsky (1956), p. 426; Norwich (1996), p. 156-157.
- Isaac II donna lui-mĂȘme deux de ses filles en mariage Ă des Ă©trangers : TancrĂšde de Sicile et Roger dâApulie; Cheynet (2006), p. 73; Kazhdan & Epstein (1985), p. 178.
- Treadgold (1997), p. 656 et 659; Bréhier (1969), p. 287.
- Norwich (1977), p. 120-121; Angold (1984), p. 287, 289.
- Norwich (1996), p. 160; Runciman (1955) p. 137.
- Ostrogorsky (1956), p. 430; Bréhier (1969), p. 287; Norwich (1995), p. 160; Angold (1984), p. 286; Runciman (1955), p. 135; Cheynet (2006), p. 63.
- Ostrogorsky (1956), p. 430; Bréhier (1969), p. 288; Norwich (1995), p. 160-161; Runciman (1955), p. 135; Treagold (1997), p. 658.
- Bréhier (1969), p. 289; Norwich (1995), p. 161.
- . à la suite d'un accord entre Saladin et Isaac II, une mosquée fut construite dans le quartier des commerçants musulmans en 1189; elle fut incendiée par les Latins en 1203;Cheynet (2006), p. 123.
- Bréhier (1969), p. 289; Angold (1984), p. 284 et 286.
- Ostrogorsky (1956), p. 429-430; Bréhier (1969) p. 287-289; Angold (1984), p. 284; Norwich (1995), p. 159-161; Treadgold (1997), p. 658; Cheynet (2006), p. 63.
- Kazhdan (1991), p. 64.
- Nicétas ChoniatÚs, 605, cité par Ostrogorsky (1956), p. 432.
- Cheynet (2006), p. 62; Angold (1984), p. 279.
- Kazhdan, (1991), p. 64.
- Angold (1984), p. 279.
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- Treadgold (1997), p. 661; Angold (1984), p. 280; Ostrogorsky (1956), p. 435; Norwich (1995), p. 163.
- Bréhier (1969), p. 291, 293; Treadgold (1997), p. 659; Khazan (1991), p. 65.
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- Bréhier (1969), p. 294; Norwich (1996), p. 163; Ostrogorsky (1956), p. 435; Treadgold (1997), p. 661.
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- Norwich (1997), p. 131-134; Norwich (1996), p. 663-664; Bréhier (1969), p. 297; Ostrogorsky (1956), p. 438-439; Lance (1973), p. 39-41.
- Kazhdan (1991) « Alexios III Angelos », tome 1, p. 64.
- Cheynet (2006), p. 64-65; Norwich (1977), p. 135; Angold (1984), p. 293; Bréhier (1969), p. 299; Treadgold (1997), p. 664; Kazhdan (1991) « Alexios IV Angelos », tome 1, p. 65.
- Norwich (1977), p. 135; Angold (1984), p. 294.
- Norwich (1977), p. 136; Norwich (1995), p. 175.
- Kazhdan (1991), « Alexis V Doukas », tome 1, p. 66; Ostrogorsky (1956), p. 439.
- Kazhdan (1991), « Alexis V Doukas », tome 1, p. 66; Norwich (1977), p. 137; Norwich (1995), p. 176.
- Norwich (1977), p. 137-138; Angold (1984), p. 294; Norwich (1995), p. 177.
- Kazhdan (1991) « Alexis V Doukas », tome 1, p. 66; Norwich (1977), p. 138; Angold (1984), p. 295; Norwich (1995), p. 178.
- Propos rapportés par Ostrogorsky (1956), p. 440.
- Norwich (1977), p. 140-141; Treadgold (1997), p. 666; Kazhdan (1991) « Innocent III », tome 2, p. 996.
- Treadgold (1997), p. 167-177.
- Treadgold (1997), p. 677-684.
- on nomme ainsi le collĂšge qui aurait eu mission de diriger lâĂglise unifiĂ©e, formĂ© par les Ă©vĂȘques de Rome, Constantinople, Antioche, JĂ©rusalem, Alexandrie, Ăglises fondĂ©es selon la tradition par des apĂŽtres et oĂč lâĂ©vĂȘque de Rome aurait joui dâune primautĂ© dâhonneur mais non de puissance.
- Treadgold (1997), p. 684-691.
- un des exemples les mieux connus est sans doute la couronne de Hongrie.
- Treadgold (1997), p. 691-699.
- Treadgold (1997), p. 699-706.
- Ostrogorsky (1983), p. 374.
- Voir à ce sujet, E. Joranson, « The Problem of the Spurious Letter of Emperor Alexis to the count of Flanders », Amer. Hist. Rev., 55 (1950), p. 811 et sq.