Djihadistes Ă©trangers pendant les guerres civiles syrienne et irakienne
Au cours de la guerre civile syrienne et de la seconde guerre civile irakienne, environ 15 000 Ă 25 000 personnes venues de plus de 80 pays rejoignent des groupes de djihadistes venus d'Irak et de Syrie et appartenant en particulier Ă l'Ătat islamique[1] - [2].
Idéologie politique
Pendant la guerre civile syrienne, des volontaires venus de plus de 100 pays rejoignent des groupes d'idĂ©ologie salafiste djihadiste, comme l'Ătat islamique ou le Front al-Nosra. Certains groupes armĂ©s djihadistes sont mĂȘme entiĂšrement formĂ©s par des combattants Ă©trangers, comme Jaych al-Mouhajirine wal-Ansar et Jound al-Cham, dominĂ©s par les TchĂ©tchĂšnes ou le Bataillon Vert, dominĂ© par les Saoudiens.
Ce phĂ©nomĂšne de migrations vers les terres du « califat » est appelĂ©e la « Hijra » â en rĂ©fĂ©rence Ă l'HĂ©gire â par les djihadistes salafistes : « Comme dans le cas du djihad, il ne s'agit pas simplement d'un dĂ©tournement sĂ©mantique, dans la mesure oĂč les implications dans le monde rĂ©el s'avĂšrent extrĂȘmement alarmantes. En confĂ©rant une nature belliciste au concept de hijra, qui traditionnellement fait rĂ©fĂ©rence Ă une migration pacifique des musulmans en direction de terres leur permettant de se libĂ©rer des persĂ©cutions, les initiateurs de ce dĂ©tournement ont crĂ©Ă© un puissant outil de radicalisation et d'embrigadement de musulmans aux quatre coins du monde, y compris aux Ătats-Unis et en Europe. »[3].
DerriÚre la façade islamiste, le politologue et spécialiste de l'islam Olivier Roy voit une idéologie nihiliste :
« Peu dâentre eux frĂ©quentaient une mosquĂ©e. [...] Leur radicalisation se fait autour dâun imaginaire du hĂ©ros, de la violence et de la mort, pas de la charia ou de lâutopie. En Syrie, ils ne font que la guerre : aucun ne sâintĂšgre ou ne sâintĂ©resse Ă la sociĂ©tĂ© civile. Et sâils sâattribuent des esclaves sexuelles ou recrutent de jeunes femmes sur Internet pour en faire des Ă©pouses de futurs martyrs, câest bien quâils nâont aucune intĂ©gration sociale dans les sociĂ©tĂ©s musulmanes quâils prĂ©tendent dĂ©fendre. Ils sont plus nihilistes quâutopistes [...] Ils ne reprĂ©sentent jamais une tradition qui se rĂ©volterait contre lâoccidentalisation. Ils sont occidentalisĂ©s, ils parlent mieux le français que leurs parents. Tous ont partagĂ© la culture « jeune » de leur gĂ©nĂ©ration, ils ont bu de lâalcool, fumĂ© du shit, draguĂ© les filles en boĂźte de nuit. Une grande partie dâentre eux a fait un passage en prison. Et puis un beau matin, ils se sont (re)convertis, en choisissant lâislam "salafiste", câest-Ă -dire un islam qui rejette le concept de culture, un islam de la norme qui leur permet de se reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni dâune culture « occidentale », devenues symboles de leur haine de soi[4]. »
La thĂšse d'Olivier Roy est cependant contestĂ©e par François Burgat, politologue et directeur de recherche Ă Institut de recherches et dâĂ©tudes sur le monde arabe et musulman :
« Jây vois en effet une Ă©niĂšme expression de ce mal qui ronge depuis des dĂ©cennies notre capacitĂ© Ă construire une perception rationnelle de cet islam que lâon dit « politique » mais dont on sâĂ©vertue ensuite, sous dâinnombrables prĂ©textes, Ă dĂ©politiser â comme le fait lâapproche culturaliste â les motivations supposĂ©es de ses acteurs ! Si la thĂšse de lâ« islamisation de la radicalitĂ© » peut sĂ©duire, le diagnostic de pathologies, sociale ou mentale, tout comme la vieille et opaque accusation de « nihilisme » (dont les dĂ©cembristes russes, dĂ©jĂ , Ă©taient la cible), pour expliquer lâorigine de la radicalitĂ© de « nos » djihadistes posent Ă mes yeux bien plus de problĂšmes quâils nâen rĂ©solvent. »
Pour lui, le discrĂ©dit du « tiers-mondisme » consisterait Ă refuser de corrĂ©ler les conduites radicales Ă©mergentes en France ou ailleurs avec... selon les termes de Roy, « la souffrance post-coloniale, lâidentification des jeunes Ă la cause palestinienne, leur rejet des interventions occidentales au Moyen-Orient et leur exclusion dâune France raciste et islamophobe »[5].
Le politologue spécialiste de l'islam Gilles Kepel tient une analyse proche :
« Comme Olivier Roy, il y a ceux qui estiment que nous vivons seulement une islamisation de la radicalisation. Selon ce politologue, aux Brigades rouges dâautrefois se substituent les brigades vertes. Pour lui, les djihadistes nâont rien Ă voir avec le salafisme. Certains de ses disciples expliquent que cette doctrine constitue un rempart contre le terrorisme. Dans lâentretien paru le 29 septembre 2014 dans le Monde, Olivier Roy note : « Il faut dâautant moins internationaliser le conflit que Daech a avant tout une stratĂ©gie locale, quâil tente dâĂ©tendre Ă tout le Moyen-Orient, mais son objectif nâest ni New York ni Paris. » Alors que la messe est dite, les Ă©lucubrations coupĂ©es de la rĂ©alitĂ© continuent Ă circuler. Les idĂ©es dâOlivier Roy sâapparentent Ă des sophismes modernes, raison pour laquelle elles rencontrent du succĂšs. Il justifie la paresse intellectuelle largement rĂ©pandue sur cette question complexe. Tout le monde a lâimpression de comprendre sans y avoir travaillĂ©. Or, personne ne se rend en Syrie uniquement par le biais dâInternet. Cela passe par un rĂ©seau de pairs, par la progression du salafisme comme modĂšle de rupture en valeurs et culturelle. La porositĂ© entre salafisme et djihadisme demeure grande, mĂȘme si les salafistes affirment ne pas ĂȘtre violents[6]. »
Cependant pour l'Américain Marc Sageman (en), psychiatre et ex-agent de la CIA, la controverse entre l'« islamisation de la radicalité » et la « radicalisation de l'islam » est « une dispute trÚs française », consistant à « faire des jeux de mots abstraits mais qui ne veulent rien dire. C'est comme se demander si les camps de concentration nazis sont l'allemagnisation du diable ou la diabolisation de l'Allemagne »[7].
Pour le journaliste David Thomson :
« Les djihadistes ont de rĂ©elles convictions. Ils partent en Syrie ou en Irak persuadĂ©s qu'ils se dirigent vers un paradis terrestre puis cĂ©leste. Ils ne sont pas dans le nihilisme. C'est en cela que je m'oppose Ă Olivier Roy. Pour le reste, les thĂšses de Kepel et de Roy me paraissent parfaitement compatibles. [...] Il y a bien des jeunes anti-systĂšme qui sont dans une forme d'islamisation de la radicalitĂ©. Pour autant, Olivier Roy explique que sa thĂšse est la seule explication du phĂ©nomĂšne djihadiste, qu'il utilise ensuite pour s'opposer Ă Gilles Kepel. Gilles Kepel en fait de mĂȘme quand il considĂšre qu'il ne faut pas Ă©vacuer l'idĂ©ologie religieuse qu'est le salafisme, et que c'est seulement sous cet angle qu'il faut lire le phĂ©nomĂšne djihadiste. L'Etat islamique a des franchises dans de nombreux pays. [...] Il y a donc bien une idĂ©ologie construite et structurĂ©e, que l'on ne peut pas rĂ©duire Ă une folie d'ordre psychiatrique[8]. »
Pour LoĂŻc Lepape, anthropologue et chercheur associĂ© Ă l'Institut dâethnologie mĂ©diterranĂ©enne, europĂ©enne et comparative (Idemec) AMU-CNRS :
« Cette forme dâengagement radical ne sâapparente ni Ă une conversion religieuse classique ni Ă un militantisme sectaire : elle allie la force du sentiment religieux Ă lâengagement politique et militaire. La soudainetĂ© des trajectoires de radicalisation sâexplique par la cohĂ©rence apparente dâun systĂšme de pensĂ©e composĂ© de bric et de broc. Si lâEtat islamique tente de mettre en place une lecture thĂ©ologique de la violence politique, ceux qui sâen revendiquent ne vont pas aussi loin. Les jeunes convertis Ă lâEI se basent sur une lecture rĂ©ductrice et violente des prĂ©ceptes de lâislam et allient des croyances millĂ©naristes et apocalyptiques Ă une vision conspirationniste (les juifs, lâOccident, les Illuminati) quâils combinent Ă une histoire gĂ©opolitique grossiĂšre. Ramener le radicalisme Ă une simple histoire de religion est donc aussi hasardeux que de considĂ©rer que celle-ci nâen constitue pas lâun des dĂ©terminismes[9]. »
Profils
Il n'y a pas de « profil type » des combattants étrangers recrutés par l'EI. Ils sont issus de milieux sociaux variés parmi lesquels on trouve une minorité de diplÎmés. La majorité d'entre eux ont cependant moins de 30 ans, plusieurs ont également déjà fait de la prison[1]. Cependant pour Wassim Nasr, journaliste de France 24 spécialiste du djihadisme, à peine 10 % des personnes qui rejoignent des groupes djihadistes en Syrie et en Irak sont passés par la prison : « C'est un mythe de dire que tous les jihadistes sont des ex-délinquants »[10].
La majorité des personnes recrutées ne sont pas issues de familles musulmanes pratiquantes, ce sont souvent de nouveaux convertis, ou des personnes qui ne se sont mises à pratiquer leur religion que trÚs récemment[11].
Tous les pays sont alors touchĂ©s par la montĂ©e du djihadisme, selon Wassim Nasr : « C'est un problĂšme socio-politique [...] Il touche tous les pays. Ăa touche toutes les sociĂ©tĂ©s sans exception. Cela concerne aussi bien une sociĂ©tĂ© laĂŻque comme la France ou une sociĂ©tĂ© basĂ©e sur un modĂšle communautaire comme la Grande-Bretagne ou encore musulmane comme la Tunisie. On a changĂ© de peuple ! Les clefs de ce problĂšme sont dans la sociĂ©tĂ©, ce nâest pas un problĂšme militaire ou de frontiĂšre. Câest un problĂšme que rencontrent toutes les sociĂ©tĂ©s. On est dans une Ă©poque propice Ă ces idĂ©es-lĂ , il y a un vide idĂ©ologique, qui est comblĂ© par lâidĂ©e du djihad et dâun retour du califat. Tout simplement le djihad est devenu audible pour une partie de la population »[12].
Le , la Banque mondiale publie une Ă©tude qui s'appuie sur des donnĂ©es internes de l'Ătat islamique portant sur 3 803 personnes. Selon ce rapport : « Les recrues du groupe EI provenant dâAfrique, du sud et de l'est de l'Asie et du Moyen-Orient sont significativement plus Ă©duquĂ©es que leurs compatriotes. La grande majoritĂ© affirme avoir eu un emploi avant de rejoindre l'organisation ». La proportion des volontaires souhaitant participer aux tĂąches administratives, mais aussi aux attaques kamikazes, augmentent avec le niveau dâĂ©ducation. Mais selon l'Ă©tude, le chĂŽmage et la marginalisation paraissent « ĂȘtre un risque de radicalisation ». La moyenne d'Ăąge des volontaires Ă©trangers est de 27,4 ans[13] - [14].
Pour le journaliste David Thomson, qui s'est entretenu avec de nombreux djihadistes français : « On a longtemps dit qu'il n'y avait pas de profil type, mais il y a quand mĂȘme de nombreux dĂ©nominateurs communs. [...] La majoritĂ© des acteurs de ce milieu ont grandi dans des «quartiers populaires» et en ont conservĂ© les codes. A tel point qu'en Syrie, c'est ce qui leur vaut leur mauvaise rĂ©putation. [...] L'Ă©picentre du djihadisme français est ainsi la Seine-Saint-Denis, qui dĂ©passe largement la centaine de dĂ©parts depuis 2012. De façon empirique, nous pouvons estimer qu'environ 70 % des acteurs concernĂ©s sont issus de l'immigration arabo-musulmane ou subsaharienne. Les 30 % restants sont des convertis venus du christianisme et qui Ă©taient souvent pratiquants. Chez eux, une spĂ©cificitĂ© est signifiante : ils sont eux-mĂȘmes pour la plupart issus de milieux prolĂ©taires et sont sans doute, au moins dans la moitiĂ© des cas, issus d'autres minoritĂ©s ». Il indique que « tous Ă©voquent un sentiment de frustration et d'humiliation en France. Chez beaucoup, appartenir Ă une minoritĂ© donne l'impression de vivre en situation d'infĂ©rioritĂ©. [...] L'Etat islamique propose Ă ces egos froissĂ©s une dignitĂ©, un statut, une revanche sociale et la foi en une transcendance spirituelle. La propagande occupe le vide idĂ©ologique de la postmodernitĂ© en leur vendant un projet, lĂ oĂč les sociĂ©tĂ©s capitalistes sĂ©cularisĂ©es ne sont plus en capacitĂ© de produire une politique gĂ©nĂ©ratrice d'espoir. »[8].
En aoĂ»t 2017, une Ă©tude est publiĂ©e par quatre professeurs et chercheurs français du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pĂ©nales (CESDIP) qui se sont entretenus avec une vingtaine de dĂ©tenus condamnĂ©s pour terrorisme en France. Dans leurs conclusions, ils soulignent l'« absence de profil type » des djihadistes qui ne s'inscrivent pas automatiquement « dans une trajectoire dĂ©linquante » ; ils indiquent cependant que la majoritĂ© d'entre-eux « a pu connaĂźtre des parcours familiaux dysfonctionnels et dĂ©structurĂ©s assez marquĂ©s (absence du pĂšre, placements en foyer, violences subies...) », ce qui leur permet de trouver dans le djihadisme « une forme de rĂ©demption, d'adhĂ©sion Ă une communautĂ© protectrice et unie ». Ils estiment Ă©galement « partiellement fausse l'idĂ©e que l'on aurait affaire Ă des incultes en religion. [...] Sans ĂȘtre des 'savants', les acteurs djihadistes n'en sont pas moins de fervents croyants profondĂ©ment investis » et que « loin du portrait souvent avancĂ© par la presse de jeunes dĂ©cĂ©rĂ©brĂ©s et ignorants des rĂ©alitĂ©s politiques internationales », ils ont, en ce qui concerne les questions internationales, « des connaissances rudimentaires mais suffisantes.[...] La force du sentiment d'identification progressive Ă une communautĂ© opprimĂ©e est un puissant vecteur de radicalisation. [...] La radicalisation n'est jamais un phĂ©nomĂšne solitaire ». L'Ă©tude critique Ă©galement « l'idĂ©e rĂ©pandue de jeunes dĂ©sĆuvrĂ©s se bricolant seuls devant leur Ă©cran une cause artificielle. [...] La confrontation avec l'Ă©tranger joue un rĂŽle crucial »[15].
Les djihadistes Ă©trangers figurent gĂ©nĂ©ralement parmi les combattants les plus motivĂ©s de l'Ătat islamique. En 2017, aprĂšs avoir interrogĂ© des prisonniers, l'anthropologue Scott Atran indique que « la quasi-totalitĂ© des hommes interrogĂ©s dĂ©clarent que, durant toute la pĂ©riode passĂ©e sous contrĂŽle de lâEI, ils ont perçu une nette diffĂ©rence entre le manque dâengagement des membres locaux de Daech et la loyautĂ© des combattants Ă©trangers Ă la cause du «califat» »[16]. Un Irakien, Ă©poux de la fille d'un chef de l'EI Ă Mossoul, dĂ©clare notamment : « L'EI est venu avec lâidĂ©e de bĂątir une nation islamique, pour servir le peuple et Ă©liminer toute oppression. Mais les petits chefs nâont pas su faire respecter ces ordres-lĂ ; câĂ©taient les mauvaises personnes aux mauvais postes. Les combattants irakiens Ă©taient les pires, une hypocrisie totale. Les Ă©trangers Ă©taient bien plus loyaux Ă leur cause, Ă leurs camarades. Ils Ă©taient honnĂȘtes dans leurs efforts pour imposer la charia, ils ont sacrifiĂ© leur vie. Leurs chefs marchaient dans les rues bardĂ©s de vestes-suicides, sans gardes du corps⊠Les Afghans et les Turcs Ă©taient les plus loyaux. [...] Les trahisons, le manque de loyautĂ©, les coups de couteaux dans le dos, câest venu des Irakiens du coin »[16].
Recrutement : propagande sur internet et « djihad cinq étoiles »
Les volontaires qui partent rejoindre l'EI sont recrutĂ©s sur internet, et en particulier sur les rĂ©seaux sociaux[1]. La maĂźtrise des technologies internet et la mise en ligne de « documentaires » de propagande, reprenant les codes des super-productions Hollywoodiennes et des jeux vidĂ©o, jouent un rĂŽle essentiel. Selon le Centre de prĂ©vention contre les dĂ©rives sectaires en 2014, 80 % des « candidats au jihad repentis » qui ont pu ĂȘtre interrogĂ©s avaient dĂ©couvert les thĂšses extrĂ©mistes grĂące Ă ces vidĂ©os et se sont « auto-radicalisĂ©s en ligne ». Ces vidĂ©os mettent l'accent sur la nĂ©cessitĂ© de lutter contre les injustices, et utilisent des techniques de manipulation visant Ă culpabiliser les spectateurs en raison de leur inaction[17].
à cÎté d'images de propagande utilisant la terreur, d'autres au contraire présentent l'image d'une guerre déconnectée de la réalité, avec des conditions d'accueil et de vie confortables, qui ont poussé un propagandiste à parler de « jihad cinq étoiles »[18] - [19].
Organisation
Les combattants Ă©trangers sont groupĂ©s par langues[20]. Un « MinistĂšre » de l'Ătat islamique prend en charge les combattants Ă©trangers[1].
Les troupes Ă©trangĂšres sont davantage dĂ©ployĂ©es en Syrie plutĂŽt qu'en Irak. En juin 2014, le chercheur Romain Caillet estime que 90 % des combattants de l'Ătat islamique en Irak sont Irakiens mais qu'en Syrie 50 % des combattants sont des Ă©trangers[21].
Selon l'ONU, le nombre de volontaires partis faire le djihad Ă l'Ă©tranger, au sein de l'Ătat islamique comme d'al-QaĂŻda, augmente de 71 % entre l'Ă©tĂ© 2014 et mars 2015[22].
Les femmes
Les motivations des femmes semblent diffĂ©rentes de celles des hommes. Elles se sentiraient humiliĂ©es par les «infidĂšles (kuffar)» ainsi que par les musulmans modĂ©rĂ©s en raison de leur tenue vestimentaire trop rigoriste (niqab), et elles se sentiraient rejetĂ©es de la sociĂ©tĂ©. Contrairement aux hommes, elles seraient peu attirĂ©es par les aspects « ludiques », et adhĂšreraient aux mouvements djihadistes dans l'espoir de trouver une rĂ©ponse Ă leur soif d'idĂ©al[23]. La forte vague de dĂ©parts enregistrĂ©e depuis 2013 serait plutĂŽt le fait d'adolescentes entre 15 et 17 ans, encore immatures, qui arguent de « vocations humanitaires », et qui fantasment l'homme idĂ©al, le combattant auquel elles vont ĂȘtre mariĂ©e[24].
Elles partent soit pour suivre leur mari, soit pour se marier ou ĂȘtre mariĂ©e sur place[25].
Les femmes sont chargĂ©es de l'Ă©ducation des enfants, elles ne sont pas autorisĂ©es Ă combattre au sein de l'EI. Cependant, selon le journaliste David Thomson : « Elles sont aussi trĂšs actives sur Internet pour inciter d'autres jeunes filles Ă les rejoindre, ça permet d'Ă©viter la mixitĂ© dans les chats, de donner des conseils de femmes Ă femmes »[23]. Des femmes font Ă©galement partie de la Hisba, la police de l'Ătat islamique chargĂ©e de faire appliquer la charia[26].
En janvier 2018, le procureur de la RĂ©publique de Paris François Molins estime qu'au fil des reculs territoriaux de Daech les femmes ont pris un rĂŽle plus actif dans les combats : « On a longtemps cru que les femmes Ă©taient cantonnĂ©es Ă des tĂąches mĂ©nagĂšres (...) Elles ont en rĂ©alitĂ© pu ĂȘtre occupĂ©es et impliquĂ©es dans des activitĂ©s opĂ©rationnelles. On a pu leur apprendre Ă manier des armes. (...) La doctrine classique de Daesh Ă©tait de dire que le jihad Ă©tait rĂ©servĂ© aux hommes. Or, il y a eu une inflexion idĂ©ologique sur ce point[27]. ». Auteur de L'Ătat islamique, le fait accompli, Wassim Nasr met en garde sur la sous-estimation de leur radicalisation : « [Beaucoup] de femmes ont Ă©tĂ© moteurs de dĂ©parts vers la Syrie (...) [et] ce sont elles qui assurent la continuitĂ© »[27].
Nombre total des combattants Ă©trangers
Selon des donnĂ©es compilĂ©es par l'hebdomadaire britannique The Economist, en , environ 12 000 volontaires venus du monde musulman, ont rejoint des groupes djihadistes en Syrie, principalement l'Ătat islamique, dont : 3 000 Tunisiens, 2 500 Saoudiens, 2 089 Jordaniens, 1 500 Marocains, 890 Libanais, 550 Libyens, 400 Turcs, 358 Ăgyptiens, 247 Irakiens, 186 TchĂ©tchĂšnes, 114 Palestiniens et 71 KoweĂŻtiens. Plus 3 000 autres combattants viennent de l'Occident dont 700 Français, 400 Britanniques, 270 Allemands, 250 Belges, 250 Australiens, 120 NĂ©erlandais, 100 Danois, 70 AmĂ©ricains, 60 Autrichiens, 50 NorvĂ©giens, 30 Irlandais, 30 SuĂ©dois et 30 Arabes israĂ©liens[28]. Ces estimations sont cependant faites avant la proclamation du califat ; par la suite, les effectifs de l'Ătat islamique augmentent sensiblement[29] - [30].
Ă l'Ă©tĂ© 2014, le DĂ©partement d'Ătat des Ătats-Unis estiment que 12 000 volontaires venus de 50 pays ont combattu au sein de l'Ătat islamique de 2011 Ă 2014, dont une centaine d'AmĂ©ricains. En , l'OSDH indique que les combattants Ă©trangers qu'il Ă©value Ă 20 000 viennent principalement des pays du Golfe, de TchĂ©tchĂ©nie, d'Europe ou mĂȘme de Chine[31].
The Washington Post estime en que l'EI compte environ 16 000 combattants non-Syriens et qu'environ 1 000 volontaires Ă©trangers entrent chaque mois en Syrie pour se joindre aux djihadistes[32]. Ă la mĂȘme pĂ©riode, l'ONU considĂšre que 15 000 combattants Ă©trangers originaires de 80 pays ont rejoint des groupes djihadistes en Irak et en Syrie, dont l'Ătat islamique[33].
Le chiffre des volontaires étrangers de l'EI est de 15 000 à juin 2015 selon le Ministre française de la Défense Jean-Yves Le Drian[1].
Le 27 septembre 2015, d'aprĂšs le New York Times les services amĂ©ricains estiment que 30 000 djihadistes Ă©trangers, originaires de 100 pays, se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011. L'Ătat islamique recruterait de son cĂŽtĂ© en moyenne 1 000 combattants par mois[34].
Le 8 dĂ©cembre 2015, le Soufan group, un institut spĂ©cialisĂ© dans le renseignement basĂ© Ă New York, publie un rapport dans lequel il estime le nombre des djihadistes Ă©trangers ayant rejoint l'Irak et la Syrie entre 27 000 et 31 000. Parmi ces derniers 8 240 viennent du Moyen-Orient â dont 2 500 Saoudiens, 2 100 Turcs, 2 000 Jordaniens, 900 Libanais et 600 Ăgyptiens â 8 000 viennent du Maghreb â dont 6 000 Tunisiens et 1 200 Marocains â 5 000 d'Europe occidentale â dont 1 700 Français, 760 Allemands, 760 Britanniques et 470 Belges â 4 700 de l'ex-Union soviĂ©tique â dont 2 400 Russes â 900 d'Asie du Sud-Est â dont 700 IndonĂ©siens â 875 des Balkans et 280 d'AmĂ©rique du Nord[35] - [36] - [37]. Ces chiffres incluent cependant Ă©galement les combattants tuĂ©s et ceux rentrĂ©s dans leurs pays[38]. Pour David Thomson, « ces chiffres sont imprĂ©cis et paraissent trĂšs gonflĂ©s Ă la hausse, mais les tendances qui ressortent de ce rapport sont exactes »[37].
Le 16 octobre 2018, Joe Dunford, le chef d'Ă©tat-major amĂ©ricain, dĂ©clare qu'environ 100 combattants Ă©trangers continuent de rejoindre chaque mois l'Ătat islamique[39]. Il indique que ce nombre est loin des 1 500 arrivĂ©es mensuelles qui Ă©taient comptabilisĂ©es trois ans plus tĂŽt, mais affirme que ce flux, principalement via la frontiĂšre turque, « permet au groupe de rester actif »[39].
DĂ©sertions
Les combattants qui tentent de déserter sont généralement exécutés. Ainsi selon le témoignage d'un activiste syrien rapporté le par le Financial Times, une centaine de jihadistes étrangers ont été exécutés par une police militaire de l'EI, à Raqqa, alors qu'ils tentaient de fuir les combats[40] - [41] - [42].
Le , un affrontement a lieu prÚs d'Al-Bab en Syrie entre des hommes de l'EI et des déserteurs, il fait quatre morts chez les premiers et cinq chez les seconds selon l'OSDH. Le groupe des déserteurs comptait 10 hommes, dont neuf Européens et un Tunisien[43].
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), du au , l'Ătat islamique exĂ©cute au moins 415 de ses propres hommes pour tentative de dĂ©sertion ou soupçons d'espionnage[44].
Les dĂ©sertions augmentent fortement Ă partir de l'annĂ©e 2015. Les déçus de l'Ătat islamique lui reprochent gĂ©nĂ©ralement ses exactions contre les musulmans sunnites â Ă noter cependant que les persĂ©cutions contre d'autres minoritĂ©s, comme les yĂ©zidis, ne provoquent guĂšre de protestations â le fait de devoir affronter des groupes rebelles islamiques plutĂŽt que les troupes de Bachar el-Assad, la corruption de certains commandants et Ă©mirs â bien qu'elle ne soit pas systĂ©matique â quelques cas de racisme, ainsi que l'inconfort et la tristesse de la vie dans les territoires du califat[45] - [46] - [47].
Prisonniers
De nombreux djihadistes de l'Ătat islamique et membres de leurs familles sont faits prisonniers par les Forces dĂ©mocratiques syriennes (FFDS) lors de l'offensive de Raqqa.
La France se dĂ©clare favorable Ă ce que ses ressortissants djihadistes capturĂ©s en Syrie et en Irak soient jugĂ©s sur place[48]. En janvier 2018, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, Ă propos de Françaises arrĂȘtĂ©es dans le « Kurdistan syrien » qu'elles seront « jugĂ©es lĂ -bas » si les « institutions judiciaires sont en capacitĂ© dâassurer un procĂšs Ă©quitable » avec des « droits de la dĂ©fense respectĂ©s »[48].
Le systĂšme judiciaire du Rojava, non-reconnu internationalement, juge les djihadistes syriens mais aucun Ă©tranger ne passe par leurs tribunaux[49]. Les FDS affirment ne pas avoir les moyens de garder les prisonniers Ă©trangers et demandent Ă leurs gouvernements de les rapatrier[49]. Abdulbasset Ausso, un des dirigeants de l'appareil judiciaire kurde dĂ©clare en avril 2018 Ă la radio française Europe 1 : « Ăa ne peut pas durer Ă©ternellement, nous nâavons pas assez de place. Et ils nous coĂ»tent cher ! Leur nourriture, leurs soins⊠Il faut bien sâen occuper. Et si on les juge, certains de ces Ă©trangers seront condamnĂ©s Ă un an de prison. AprĂšs cette annĂ©e de prison, je les relĂąche oĂč ? Ce sont vos citoyens, ils ont des passeports français. Il faut assumer. La Russie, elle, a repris presque tous ses prisonniers, y compris ceux qui ont combattu »[49]. Mizkeen Ahmad, conseillĂšre politique au sein de l'administration kurde, dĂ©clare Ă©galement : « LâEurope ne nous a pas aidĂ©s Ă Afrine, pourquoi on continuerait Ă sâoccuper de vos prisonniers de Daech ? On en a capturĂ© des milliers et personne ne nous a soutenus. Dont acte. On peut libĂ©rer tous ces membres de Daech. On va les relĂącher hors de nos frontiĂšres⊠dans quels pays ils iront, et oĂč ils commettront une attaque ? Peu importe, il faut prendre cette dĂ©cision. Les Occidentaux dĂ©fendent leurs intĂ©rĂȘts ici, quâils nâoublient jamais que nous avons aussi les nĂŽtres »[49].
En juin 2018, The Daily Telegraph affirme que des djihadistes de l'Ătat islamique, dont des Ă©trangers, ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s par les FDS lors d'Ă©changes de prisonniers[50]. Selon le journal britannique, le premier Ă©change a eu lieu en fĂ©vrier 2018 et concernait 200 djihadistes, pour la plupart tchĂ©tchĂšnes et arabes, mais aussi un certain nombre de Français et au moins un Allemand[50]. Le deuxiĂšme Ă©change, en avril 2018, a concernĂ© environ 15 combattants et 40 femmes et enfants, dont des Marocains, des Français, des Belges et des NĂ©erlandais[50]. Le dernier Ă©change, le 6 juin dans la ville d'Hajine, au sud-est de Deir ez-Zor, et aurait concernĂ© 15 Ă©pouses de djihadistes[50]. Fin mai, RMC affirme dĂ©jĂ que prĂšs de 104 femmes et enfants de « soldats du califat » avaient Ă©tĂ© remis en Ă©change de prisonniers kurdes avec parmi eux, des ressortissantes russes, indonĂ©siennes et marocaines[51].
Le , les YPG affirment détenir 900 djihadistes étrangers venant de 44 pays[52].
Au terme de l'Offensive de Deir ez-Zor, en 2019, des milliers de djihadistes et membres de leurs familles sont capturés par les Forces démocratiques syriennes (FDS). Au printemps 2019, 12 000 étrangers, dont 4 000 femmes et 8 000 enfants, se trouvent dans les camps de déplacés sous contrÎle des FDS[53]. Le camp le plus peuplé, celui d'al-Hol, compte à lui seul 9 000 étrangers, dont 2 500 femmes et 6 500 enfants[54].
Rapatriement
Les autoritĂ©s kurdes appellent Ă de nombreuses reprises les Ătats Ă©trangers Ă rapatrier leurs ressortissants djihadistes, mais ceux-ci rĂ©agissent diversement[55]. Les Ătats-Unis rapatrient les djihadistes amĂ©ricains et la Russie fait de mĂȘme avec les enfants de djihadistes russes, mais les Ătats europĂ©ens refusent ou hĂ©sitent[56] - [57] - [58] - [59] - [60]. Le 24 mars 2019, Abdel Karim Omar, chargĂ© des Affaires Ă©trangĂšres au sein de l'administration kurde, dĂ©clare : « Nous avons des milliers de combattants, d'enfants et de femmes originaires de 54 pays, sans compter les Syriens et les Irakiens. [...] Il faut qu'il y ait une coordination entre nous et la communautĂ© internationale pour faire face Ă ce danger. [...] Toute menace ou toute nouvelle guerre sera une opportunitĂ© donnĂ©e Ă ces criminels pour s'enfuir des prisons. [...] Il y a des milliers d'enfants Ă©duquĂ©s selon l'idĂ©ologie de l'EI. Si ces enfants ne sont pas rĂ©Ă©duquĂ©s et rĂ©intĂ©grĂ©s dans leur sociĂ©tĂ© d'origine, ils reprĂ©sentent des futurs terroristes »[61].
Parmi les Ă©trangers aux mains des FDS figurent notamment :
- Environ 450 Français[62]. DĂ©but 2019, le gouvernement français planifie le rapatriement de 250 hommes, femmes et enfants dĂ©tenus par les Kurdes, mais il fait machine arriĂšre Ă cause de l'opinion publique, un sondage de lâinstitut Odoxa indiquant le 28 fĂ©vrier qu'une majoritĂ© des personnes interrogĂ©es Ă©tait opposĂ©e au rapatriement des djihadistes et mĂȘme de leurs enfants[63]. Fin fĂ©vrier 2019, 13 djihadistes français sont transfĂ©rĂ©s du Kurdistan syrien Ă l'Irak[63], en prĂ©sence d'agents français d'aprĂšs les tĂ©moignages de djihadistes[64]. Onze d'entre-eux sont condamnĂ©s Ă mort fin mai et dĂ©but juin[65]. En juillet 2019, le Centre dâanalyse du terrorisme indique que 370 Français sont dĂ©tenus au Kurdistan syrien, dont 250 enfants[66] - [67]. Ă la date du 23 juin 2020, seulement 28 enfants, dont 25 orphelins, ont Ă©tĂ© rapatriĂ©s[68].
- Cinq orphelins norvégiens rapatriés en juin 2019[69].
- 43 Kazakhs rapatriés en janvier 2019, suivis par 231 autres, dont 75 adultes et 156 enfants, rapatriés en mai 2019[70].
- 311 femmes et enfants ouzbeks, dont 148 sont rapatriés en mai 2019[71].
- Le Tadjikistan annonce en mai 2019 avoir rapatrié d'Irak 84 enfants[67].
- En avril 2019, le Kosovo annonce le rapatriement de 110 de ses ressortissants[67].
- Fin mai 2019, 188 enfants sont rapatriés en Turquie depuis l'Irak[67].
- Entre mars et juin 2019, l'Allemagne rapatrie une dizaine d'enfants[67].
- 27 djihadistes amĂ©ricains sont remis aux Ătats-Unis par les Forces dĂ©mocratiques syriennes[72]. En octobre 2020, Washington annonce que tous ses ressortissants ont Ă©tĂ© rapatriĂ©s et appelle les pays europĂ©ens Ă faire de mĂȘme[72].
Par pays
Allemagne
Le 11 août 2016, Thomas de MaiziÚre, le ministre de l'Intérieur allemand, introduit une proposition de déchéance de nationalité pour les jihadistes allemands. Elle concerne quelque 820 personnes. Elle stipule que « Les Allemands qui participent aux combats à l'étranger pour une milice terroriste et qui possÚdent une autre nationalité doivent à l'avenir perdre leur nationalité allemande ». Selon un décompte au mois de mai 2016 des services secrets allemands (BND). « PrÚs d'un tiers d'entre eux est déjà rentré en Allemagne et environ 140 autres ont été tués. Quelque 420 seraient ainsi encore en territoire syrien ou irakien »[73].
Belgique
Parmi les Ă©trangers ayant combattu au sein de l'Ătat islamique figurerait le français Mehdi Nemmouche, auteur prĂ©sumĂ© de l'attentat du MusĂ©e juif de Belgique, le . Il aurait Ă©galement Ă©tĂ© en garde des otages en Syrie et est accusĂ© d'actes de torture[74] - [75] - [76].
En Belgique, l'organisation islamiste dissoute Sharia4Belgium est suspectĂ©e d'ĂȘtre le « plus gros fournisseur » de djihadistes pour le front syrien. Les autoritĂ©s belges estiment que « sur les trois cents Ă quatre cents Belges partis faire la guerre sainte, dix pour cent Ă©taient membres ou gravitaient autour de Sharia4Belgium »[77]. Sharia4Belgium a « comme toute tendance extrĂ©miste, pour vocation premiĂšre une rupture avec la sociĂ©tĂ© et ses normes, a Ă©tĂ© fondĂ©e le 3 mars 2010, Ă Anvers, dans la partie nĂ©erlandophone de la Belgique.»[78]
Par ailleurs, environ 33 % des djihadistes belges partis en Syrie en 2014 sont passĂ©s par la commune de Molenbeek, oĂč le revenu moyen est l'un des plus faibles du pays, oĂč le taux de chĂŽmage chez les jeunes est de 40 %, et oĂč la population se rĂ©partit sur plus de 100 nationalitĂ©s. De ce fait, Molenbeek est considĂ©rĂ©e comme le berceau de nombreux djihadistes. En particulier, l'un des dĂ©linquants ayant participĂ© aux attentats de Madrid du 11 mars 2004[79] Ă©tait passĂ© par la commune. Comme l'explique AmĂ©lie Myriam Chelly dans un rapport sur L'Ă©volution des discours de recrutement djihadiste et radical en France et en Belgique : « Molenbeek, qui dĂ©tient le nombre record de djihadistes impliquĂ©s dans des actes terroristes en Europe, a Ă©tĂ© un point important (mais non exclusif) de diffusion de discours djihadistes et de connexions entre des groupes ayant des vocations terroristes. Cette donnĂ©e a Ă©tĂ© rendue visible avec la massification des recrutements troisiĂšme gĂ©nĂ©ration (2012 Ă aujourdâhui), mais a aussi une histoire plus ancienne qui peut remonter aux deux premiĂšres gĂ©nĂ©rations du djihadisme global europĂ©en.»[78]
Bosnie-Herzégovine
Selon les estimations de l'Agence d'Ătat d'investigations et de protection de Bosnie (SIPA (bs)), entre 150[80] - [81] et 200[82] Bosniens combattaient au sein de l'Ătat islamique en 2014 ; au moins 76 d'entre eux ont Ă©tĂ© tuĂ©s[83] - [84].
Nombre des djihadistes français
En , selon le MinistĂšre français de l'IntĂ©rieur, 800 hommes de nationalitĂ© française combattent au sein de l'EI en Syrie et en Irak. Fabrice Balanche, gĂ©ographe Ă l'UniversitĂ© LumiĂšre-Lyon-II, estime alors que ce nombre est sous-Ă©valuĂ© et que l'EI compte 1 000 djihadistes français en 2013, puis 2 000 l'annĂ©e suivante[31]. Cependant pour Romain Caillet, chercheur Ă l'Institut français du Proche-Orient, l'estimation de Fabrice Balanche ne repose « sur aucun travail sĂ©rieux »[85]. En , selon le procureur de la RĂ©publique de Paris, François Molins, 1132 Français sont impliquĂ©s dans les filiĂšres jihadistes, dont 376 prĂ©sents dans la rĂ©gion. Parmi eux se trouvent une part importante de convertis (20 %) dont Maxime Hauchard impliquĂ© dans la dĂ©capitation de prisonniers syriens en [86]. En avril 2015, un rapport sĂ©natorial estime le nombre de djihadistes français Ă prĂšs de 1 500 reprĂ©sentant dont 294 hommes et 119 femmes sont dans les zones de combats ainsi et reprĂ©sente ainsi environ la moitiĂ© des jihadistes europĂ©ens[87]. Aux zones mĂ©diatisĂ©es comme Lunel, le journaliste David Thomson rappelle en 2016 que des villes comme NĂźmes ont connu 50 dĂ©parts[88]. En , selon le MinistĂšre français de l'IntĂ©rieur, 910 Français se sont rendus en Syrie, 494 sont sur place Ă cette date â dont 325 hommes, 158 femmes et 11 mineurs, sans compter peut-ĂȘtre plusieurs dizaines d'enfants en bas Ăąge, pour lesquels nâexiste aucun chiffre officiel â et 126 ont Ă©tĂ© tuĂ©s, dont 11 dans des attentats-suicides[89].
C'est pour lutter contre le départ de prÚs de 1 000 ressortissants français que le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve présente un projet de loi « renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme »[90]. Le rapporteur de ce projet de loi est le député socialiste des Hauts-de-Seine Sébastien Pietrasanta[91].
En décembre 2015, selon la DGSI et la SDAT, 1 923 ont été impliquées dans le djihad en Syrie et en Irak, parmi ces derniers : 577 sont en Syrie et en Irak à cette date, 252 ont regagné la France, 244 sont dans un pays tiers en transit ou en retour de la zone de conflit, 708 personnes encore présentes sur le territoire français ont manifesté une velléité de départ, 142 ont été tuées[37].
En juin 2018, la justice française estime le nombre de rĂ©sidents français Ă s'ĂȘtre rendus en Syrie ou en Irak Ă 730 adultes des deux sexes, sans compter les enfants. De 300 Ă 500 seraient morts, les dĂ©cĂšs Ă©tant difficiles Ă authentifier. Le nombre de personnes revenues en France est de 261, alors que quatre personnes sont dĂ©tenues en Irak et une dizaine par les forces kurdes en Syrie[92].
Profils et recrutement
Pour le journaliste David Thomson, « les premiers Français sont partis en 2012, puis en 2013, sans quâil nây ait aucune mention de cette lame de fond dans les mĂ©dias. A tel point qu'en France ils n'ont commencĂ© Ă en parler qu'en 2014, au moment oĂč les autoritĂ©s rĂ©alisaient avec sidĂ©ration l'ampleur du phĂ©nomĂšne, au moment oĂč il Ă©tait dĂ©jĂ trop tard (...) Câest un cas inĂ©dit de phĂ©nomĂšne qui sâest dĂ©roulĂ© trĂšs trĂšs vite, en dessous de tous les radars. Aucun travail universitaire nâavait prĂ©vu ce qui sâest passĂ© (...) Tout sâest vraiment jouĂ© en Ă peine deux ans, facilitĂ© par deux facteurs: une gĂ©opolitique du djihad inĂ©dite en Syrie combinĂ©e Ă lâĂ©mergence dâun djihadisme viral sur les rĂ©seaux sociaux[93]. »
D'aprĂšs l'universitaire Gilles Kepel, diffĂ©rentes causes ont conduit des français Ă devenir des djihadistes Ă©trangers pendant les guerres civiles syrienne et irakienne; il cite notamment la faillite politique, les centres de dĂ©tention, le salafisme quiĂ©tiste du sud ouest, l'Ă©cart entre les valeurs de l'Ă©cole et le secteur privĂ©[94]. Recruteur parmi les plus efficaces, le Niçois Omar Diaby rĂ©alise en 2013 une sĂ©rie de vidĂ©os 19 HH, trĂšs populaires sur les rĂ©seaux sociaux, mĂȘlant prĂȘches, images cinĂ©matographiques dĂ©tournĂ©es pour servir un discours conspirationniste et violent[95].
Fin 2014, les données de la cellule antiradicalisation du ministÚre de l'intérieur, recueillies par Le Monde, indiquent qu'un quart des Français « en voie de radicalisation, et proches du djihadisme » sont mineurs, 35 % sont des femmes et 40 % des convertis[23].
Comme pour les autres pays le recrutement se fait principalement par internet. Pour Farhad Khosrokhavar, sociologue, directeur dâĂ©tudes Ă lâEHESS, directeur du centre dâanalyse et dâintervention sociologique (Cadis) : « Depuis quelques annĂ©es, les mosquĂ©es ne jouent plus de rĂŽle majeur dans la radicalisation. Celle-ci sâeffectue en dehors des mosquĂ©es, que ce soit sur Internet entre les groupes de copains ou en relation avec des jeunes dĂ©jĂ partis en terre du djihadisme. Le rĂŽle des mosquĂ©es est trĂšs effacĂ© dans les nouvelles formes du djihadisme en France »[96].
Selon le journaliste David Thomson : « Le phénomÚne peut toucher n'importe quelle famille ou presque. Chez les hommes, les djihadistes restent majoritairement issus des quartiers populaires. Ils importent en Syrie la culture de la cité. Mais il serait vain de les enfermer dans l'équation banlieue-immigration-pauvreté-délinquance. On a vu partir des généralistes, des étudiants en médecine, des élÚves-ingénieurs. Pour autant, tous ceux qui sont proches du milieu sont connus et fichés; ce qui ne signifie pas qu'ils sont tous surveillés en permanence. Les filles, elles, ne combattent pas, et ne rentrent presque jamais. Seules cinq d'entre elles figurent parmi les 250 cas de retour recensés. Le profil dominant les concernant est celui de converties issues là encore des classes moyennes »[97].
S'il n'existe pas « profil type » des djihadistes français partis en Syrie. En revanche ceux revenus en France pour commettre des actes terroristes ont en commun une scolarité courte, et des emplois peu qualifiés, quand ils en ont eu[98]. Toutefois pour David Thomson, « 90 % des retours sont justifiés par la déception ou la fatigue »[23].
Des associations Ă façade humanitaire ont aussi pu ĂȘtre utilisĂ©es Ă des fins de blanchiment d'argent Ă partir de dons et de transfert de candidats au djihadisme, comme l'a montrĂ© l'affaire de l'ONG Perle d'Espoir[99] - [100].
RĂ©actions en France
En 2015, le gouvernement français s'est dĂ©clarĂ© favorable Ă la mise en place pour les djihadistes qui souhaitent revenir en France d'« un visa de retour » et à « des conditions de surveillance draconiennes Ă leur retour », comme une « assignation Ă rĂ©sidence »[101]. Une source gouvernementale croit savoir qu'il y a « des repentis du jihad dont il est difficile de mesurer la sincĂ©ritĂ© ». Le visa de retour nĂ©cessite une rĂ©vision de la Constitution. L'exĂ©cutif français envisage Ă©galement de dĂ©velopper l'«assignation Ă rĂ©sidence»[102]. Pour Manuel Valls, alors Premier ministre, il n'est pas question que les djihadistes français, de retour de Syrie et d'Irak, aillent dans des structures de dĂ©radicalisation ; il prĂ©cise : « Leur place est en prison. Un centre de dĂ©radicalisation ne peut pas ĂȘtre une alternative Ă l'enfermement carcĂ©ral »[103].
Le , Nicolas Sarkozy appelle Ă la mise en place de « centres de dĂ©radicalisation ». Il questionne Ă©galement sur la possibilitĂ© de faire de la consultation de sites djihadistes un dĂ©lit[104] - [105] - [106]. Mais pour Olivier Roy, chercher à « dĂ©radicaliser » les djihadistes en leur offrant un « islam modĂ©rĂ© » est « absurde » : « C'est comme si on dĂ©cidait que pour dĂ©radicaliser l'extrĂȘme gauche, il faut donner des cours de libĂ©ralisme Ă©conomique »[107].
En 2018, le gouvernement français cherche Ă empĂȘcher le retour de ses ressortissants djihadistes : il les considĂšre comme des ennemis. Ainsi il a passĂ© un accord avec les autoritĂ©s du Rojava (Syrie du nord ou Kurdistan syrien) pour qu'elles les conservent sous leur contrĂŽle. Cela concerne une centaine de personnes[108].
Arrestations et Ă©liminations
En France, le premier « revenant » condamnĂ© est Flavien Moreau, qui en 2012 a combattu pendant quelques semaines en Syrie dans les rangs d'Ahrar al-Cham[109]. Le 13 novembre 2014, il est condamnĂ© Ă sept ans de prison[109]. Son frĂšre Nicolas, ayant quant Ă lui ralliĂ© l'Ătat islamique, est condamnĂ© en janvier 2017 Ă dix ans de prison[110]. Flavien Moreau sort de prison le 13 janvier 2020[111].
Des djihadistes sont ciblés par les forces françaises ou américaines, comme le vétéran Boubaker El Hakim tué par un drone en novembre 2016[112].
Avec le repli de Daech en 2017, plusieurs djihadistes sont arrĂȘtĂ©s par les forces irakiennes ou kurdes comme Thomas Collange ou Thomas Barnouin, issu de la filiĂšre d'Artigat[113]. Fin dĂ©cembre, c'est l'active recruteuse Ămilie König proche du groupe nantais dissout Forsane Alizza qui est arrĂȘtĂ©e avec ses trois jeunes enfants nĂ©s en Syrie par les forces kurdes lors de la bataille dâAl-Chaddadeh[114].
En mars 2019, le dernier réduit territorial de Daech en Syrie tombe[115], mais le Gouvernement français décide de ne pas faire revenir et poursuivre en France les djihadistes sous la pression de l'opinion publique, seuls cinq trÚs jeunes enfants étant rapatriés, alors que certains djihadistes sont remis au gouvernement irakien[116].
Maroc
Selon la Direction gĂ©nĂ©rale des Ă©tudes et de la documentation, au le nombre de Marocains partis faire le djihad au sein de l'Ătat islamique est de 1 193 et 251 d'entre eux ont Ă©tĂ© tuĂ©s[117].
Royaume-Uni
Selon Khalid Mahmood, membre travailliste du Parlement britannique, en , au moins 1 500 musulmans britanniques ont été recrutés pour combattre en Syrie et en Irak depuis le début de la guerre civile syrienne en , tandis que seulement 600 musulmans font partie de l'armée du Royaume-Uni[118] - [119]. à cette date cependant, les estimations du gouvernement du Royaume-Uni sur le nombre de sujets britanniques combattants en Irak et en Syrie sont de 400 à 500[120].
Russie
En , l'historien Mairbek Vatchagaev, estime que le nombre des combattants tchétchÚnes de l'EI tourne autour de 1 500[121]. Si leur nombre est incertain, les analystes s'accordent sur le fait que les TchétchÚnes font office de combattants d'élite pour l'EI[122].
En novembre 2015, Oleg Syromotolov, ministre adjoint des Affaires Ă©trangĂšres, dĂ©clare que 2 719 personnes ont quittĂ© la Russie pour rejoindre des groupes djihadistes en Syrie. Et prĂ©cise : « Parmi eux, 160 sont morts, 73 sont revenus et ont Ă©tĂ© jugĂ©s et 36 autres ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s »[123].
Tunisie
La Tunisie est le premier pays fournisseur de djihadistes étrangers. Fin 2015, le nombre des Tunisiens au sein de l'EI ou de groupes djihadistes est de 3 000 selon CNN[1], le double selon le journaliste David Thomson, un nombre trÚs important pour une population de 11 millions d'habitants[124]. On dénombrerait 700 femmes tunisiennes en Syrie[125].
Le mouvement salafiste djihadisme Ansar al-Charia connait une trĂšs forte audience car structurĂ© par des vĂ©tĂ©rans du djihadisme (« les gens qui avaient crĂ©Ă© cette organisation câĂ©tait pas nâimporte qui dans le djihad international. CâĂ©tait ceux qui avaient assassinĂ© le commandant Massoud en Afghanistan, des lieutenants de Ben Laden, des hauts cadres dâAl Qaida Europe[93] ») ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de lâamnistie gĂ©nĂ©rale de 2011 et souligne aussi le renfort de djihadistes Français chevronnĂ©s « qui sont devenus trĂšs importants au sein de lâEI sont passĂ©s par Tunis pour profiter de cette Ă©bullition djihadiste Ă deux heures de vol de Paris (Boubaker El Hakim, Salim Benghalem et bien dâautres [93]. ».
Il rapporte une sous-estimation du danger qu'il reprĂ©sentait : « En Tunisie des journalistes locaux, des activistes, des politiques, me critiquaient publiquement pour le simple fait de travailler sur le sujet. Eux-mĂȘmes nâavaient pas du tout rĂ©alisĂ© ce qui Ă©tait en train de se passer dans leur propre sociĂ©tĂ© quâau fond, ils ne connaissaient pas (...) Ils pensaient que des anciens du RCD, lâancien parti unique de Ben Ali, sâĂ©taient dĂ©guisĂ©s en djihadistes avec des fausses barbes, pour gĂ©nĂ©rer une situation de chaos et permettre le retour de lâancien rĂ©gime au pouvoir. On appelait ça la thĂ©orie des fausses barbes lĂ -bas [93]. » En juillet 2015, il affirme que « depuis 2011, que ce soit la transition, les islamistes dâEnnahdha, la troĂŻka ou lâactuel gouvernement de Nidaa Tounes, il y a toujours eu un dĂ©ni total de cette question »[126].
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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- David Thomson, Les Français jihadistes, Paris, Les ArÚnes, , 256 p. (ISBN 978-2-35204-327-0).
- David Thomson, Les revenants : Ils étaient partis faire le jihad. Ils sont de retour en France, Le Seuil, coll. « Les Jours », , 304 p. (ISBN 978-2-02-134939-9).
- Marc TrĂ©vidic, Terroristes : les sept piliers de la dĂ©raison, Paris, Ăditions Jean-Claude LattĂšs, , 220 p. (ISBN 978-2-7096-4294-1).
Articles
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- Pierre-Henri Ortiz et Nonfiction,, «MĂȘme lorsqu'ils tuent, les djihadistes sont convaincus de faire le bien», Slate, (Interview de David Thomson)
- « ENTRETIEN â « Tuer pour exister, et mourir » avec David Thomson », sur Nonfiction.fr,
- Nicolas Delesalle,, « Comment devient-on djihadiste ? (1/2), par Scott Atran, anthropologue », Télérama,
- Nicolas Delesalle,, « Comment devient-on djihadiste ? (2/2), par Scott Atran et Nafees Hamid, chercheurs », Télérama,
- Kocila Makdeche et Pascale Boudeville, « « Comment j'ai quitté l'enfer de Daech », le périple d'une jeune Française et son fils, de retour de Syrie », Francetv info,
- Antoine Hasday, « Le djihadisme ne peut se comprendre qu'au niveau local », Slate,
- Jean-Manuel Escarnot, « Xavier Crettiez : «Les jihadistes sont des guerriers politiques» », Libération,
Filmographie
- «Ne m'abandonne pas», téléfilm français produit en 2015 par Xavier Durringer, co-scénarisé par Aude Marcle avec Françoise Charpiat, fiction dramatique inspirée d'un fait réel de février 2014 [127].
Vidéographie
- [vidéo]
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- [vidéo]
« Une Française détenue en Syrie raconte la vie d'une "femme de Daech" », France 2,
Notes et références
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