François Burgat
François Burgat, né le à Chambéry[1], est un islamologue et politologue français.
Directeur de recherche au CNRS |
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Université Grenoble-II (doctorat) (jusqu'en ) |
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Chercheur Ă l'Institut de recherches et dâĂ©tudes sur le monde arabe et musulman (IREMAM) et directeur de recherche au CNRS (Ă©mĂ©rite depuis 2016), il consacre lâessentiel de ses travaux Ă lâĂ©tude des dynamiques politiques et des courants islamistes dans le monde arabe.
François Burgat est désigné par Fadila Maaroufi comme un « compagnon de route » des FrÚres musulmans en France[2].
Biographie
Formation
En 1981, François Burgat devient docteur d'Ătat en droit public, avec une thĂšse dirigĂ©e par François d'Arcy, intitulĂ©e Les villages socialistes de la rĂ©volution agraire algĂ©rienne : la place du droit dans le changement social[1].
CarriĂšre
De 1973 Ă 1980, il enseigne le droit Ă l'universitĂ© de Constantine en AlgĂ©rie. De 1983 Ă 1989, il est chercheur Ă lâIREMAM et enseignant Ă l'IEP d'Aix-en-Provence. Il est ensuite chercheur au Centre d'Ă©tudes et de documentation Ă©conomiques, juridiques et sociales (CEDEJ) du Caire en Ăgypte de 1989 Ă 1993, puis directeur du Centre français d'archĂ©ologie et de sciences sociales (CEFAS) de Sanaa au YĂ©men de 1997 Ă 2003[3], pĂ©riode Ă laquelle il Ćuvre Ă lâextension de la vocation territoriale du CEFAS au sultanat dâOman, en Arabie saoudite et en ĂrythrĂ©e. Il est nommĂ©, en mai 2008, directeur de l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo), Ă Damas en Syrie jusquâen septembre 2012, puis Ă Beyrouth au Liban dâoctobre 2012 Ă avril 2013. A lâIfpo, il prĂ©side depuis Damas Ă la crĂ©ation de deux nouvelles antennes de lâInstitut Ă Erbil, capitale du Kurdistan irakien et dans la partie Est de JĂ©rusalem, Ă destination des Territoires palestiniens occupĂ©s.
Ă l'IREMAM, il a successivement dirigĂ© le programme ANR « Du Golfe Ă lâOcĂ©an : entre violence et contre violence »[4](2007-2010), et le programme « When Authoritarianism Fails in the Arab World » (WAFAW) financĂ© pour quatre ans (2013-2017) par une advanced grant du Conseil europĂ©en de la recherche.
Il est prĂ©sident du Centre arabe de recherches et dâĂ©tudes politiques de Paris (Carep), financĂ© par le Doha Institute et Qatar Charity, une « organisation rĂ©guliĂšrement citĂ©e comme soutien des rĂ©seaux frĂ©ristes partout dans le monde »[5]. Il est membre du comitĂ© de rĂ©daction de la revue Orient XXI[6].
Recherches sur l'islamisme
Il explique la montĂ©e de l'islamisme radical en France par des raisons essentiellement politiques, telle que les mauvaises politiques d'intĂ©gration, le passĂ© colonial de la France non assumĂ©, la politique Ă©trangĂšre de la France dans le monde arabe et musulman[7]. Selon lui, la France est Ă lâorigine et aux fondements de la montĂ©e du radicalisme religieux, quâimportent les textes sacrĂ©s. Pour l'historienne franco-tunisienne Leyla Dakhli, il se diffĂ©rencie des positions (elles-mĂȘmes Ă©galement diffĂ©rentes entre elles) d'islamologues tels qu'Olivier Roy, Gilles Kepel ou Jean-Pierre Filiu[8]. Pour lâuniversitaire Alain Gabon, « Si Kepel met en Ă©vidence les dimensions religieuse, scripturale-thĂ©ologique et idĂ©ologique de « l'extrĂ©misme religieux » (y compris dans sa version non violente), et si Roy et d'autres soulignent ses aspects psychologiques et mĂȘme psychiatriques, Burgat re-contextualise, re-historicise et surtout re-politise l'islamisme et le djihadisme, sans supposer que le premier mĂšne naturellement au second Ă la maniĂšre de la « thĂ©orie du tapis convoyeur » ou de « la pente glissante » (« conveyor belt ») »[9].
Prises de position et polémiques
Accusations d'antisémitisme
Le site web Conspiracy Watch relÚve des tweets de François Burgat à deux reprises :
En , lors de l'offensive israĂ©lienne dans la bande de Gaza, François Burgat reprend sur Twitter, selon Conspiracy Watch, « un mot dâordre marquĂ© au coin du complotisme anti-juif le plus Ă©culĂ© » appelant Ă une « sĂ©paration du Conseil reprĂ©sentatif des institutions juives de France (CRIF) et de l'Ătat », diffusant lâidĂ©e selon lequel le CRIF serait au cĆur de l'Ătat français et « dicterait sa volontĂ© Ă la RĂ©publique »[10].
Commentant un livre en octobre 2018 portant sur la tentative de coup dâĂtat de 2016 contre Recep Tayyip ErdoÄan, François Burgat dĂ©clare que la thĂšse dĂ©veloppĂ©e dans l'ouvrage n'est pas expliquĂ©e par la TĂ©lavivision française, mot-valise construit avec Tel-Aviv et tĂ©lĂ©vision qui suggĂšre que « les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision française sont sous le contrĂŽle de Tel-Aviv »[11].
Cette accusation dâantisĂ©mitisme serait reprise, selon le webzine Orient XXI « Ă coup de citations tronquĂ©es par LâObs[12] et Le Monde » fin 2018 et dĂ©but 2019[13]. Pour François Burgat, ces accusations sont basĂ©es sur une « sĂ©rie de mensonges » et dĂ©tournent notamment la « signification parfaitement explicite » de l'un de ses tweets. Il juge, par ailleurs, la lutte contre l'antisĂ©mitisme comme un « instrument parfaitement lĂ©gitime et indispensable »[14].
Affaire Tariq Ramadan et accusations d'islamo-gauchisme
En , Matthieu Aron journaliste de L'Obs, cite un tweet de Burgat du 2017 : « La vraie question nâest plus de savoir si Tariq Ramadan « a violĂ© trois femmes », expliquait-il , mais bien « avec lâaide de qui ces trois femmes sont-elles parvenues si facilement Ă rouler trois magistrats dans la farine ? »[15] ».
En 2020, alors que Ramadan est inculpĂ© en France et en Suisse, Burgat signe une deuxiĂšme pĂ©tition Ă©voquant un complot. Pour lâhebdomadaire Marianne, il s'agit lĂ d'un discours complotiste insinuant que la justice française nâest pas indĂ©pendante et qu'elle est pilotĂ©e par des juges intrinsĂšquement anti-Ramadan. De plus, l'appel bafoue la sĂ©paration des pouvoirs et l'independance de la justice, en demandant Ă la ministre de la Justice Nicole Belloubet d'intervenir dans la procĂ©dure[16]. Le mĂȘme magazine le dĂ©crit comme « le compagnon de route le plus fidĂšle de Ramadan »[17].
En , la journaliste du Figaro, Judith Waintraub, le considĂšre comme un « islamo-gauchiste »[18]. En , un portrait dans le journal Marianne reprend le mĂȘme qualificatif[19], l'accusant de faire du lobbying pour le Qatar par l'intermĂ©diaire du Centre arabe de recherches et dâĂ©tudes politiques de Paris (Carep), qu'il dirige, branche française de lâ« Arab Center for Research and Policy Studies ». Marianne pointe du doigt une « longue et intense proximitĂ© avec les autoritĂ©s politiques et religieuses de lâĂ©mirat, FrĂšres musulmans compris ».
En 2023, Florence Bergeaud-Blackler publie Le frĂšrisme et ses rĂ©seaux, une enquĂȘte sur lâentrisme des frĂšres musulmans en Europe dont plusieurs pages sont consacrĂ©es Ă François Burgat. Elle est ensuite victime dâune forte campagne de dĂ©nigrement sur les rĂ©seaux sociaux. François Burgat est dĂ©signĂ© par Fadila Maaroufi comme l'un des « artisans de cette campagne » et comme un « compagnon de route » des FrĂšres musulmans[20]. Dans Causeur, il est accusĂ© dâĂȘtre « en premiĂšre ligne » des attaques subies par Florence Bergeaud-Blacker sur les rĂ©seaux sociaux et est qualifiĂ© de « soutien affichĂ© des rĂ©seaux des FrĂšres Musulmans »[21]. Selon le magazine Le Point, entre le 25 fĂ©vrier et le 7 avril, François Burgat tweete ainsi ou retweete sur son compte Twitter, 85 messages ciblant explicitement son ex-collĂšgue[5].
Publications
Livres
- Modernizing Islam : Religion in the Public Sphere in Europe and the Middle East, John Esposito, François Burgat (sous la dir.), London, Hurst and Company, novembre 2002, 278 p. (langue anglaise)
- LâIslamisme au Maghreb : la voix du Sud[22], Ăditions Karthala, 1988 ; Petite bibliothĂšque Payot, 1995 et 2008
- LâIslamisme Ă lâheure dâAl-Qaida, La DĂ©couverte, 2005
- Le Yémen vers la République : iconographie historique (1900-1970), Beyrouth/Sanaa, CEFAS, 2005, 320 p., (arabe-français) ; deuxiÚme édition revue et augmentée (avec Eric Vallet) Sanaa, 2012, 423 p.
- La Libye, Paris PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e édition mise à jour, avril 2003, en collab. avec André Laronde, 127 p.
- LâIslamisme en face[23], Paris, La DĂ©couverte, 1995, Poche 1996, Ă©ditions mises Ă jour 2002 et dĂ©cembre 2007
- Pas de printemps pour la Syrie : les clefs pour comprendre les acteurs et les défis de la crise (2011-2013), sous la dir. de F. Burgat et Bruno Paoli, La Découverte 2013
- Comprendre l'Islam politique : une trajectoire de recherche sur l'altérité islamiste, 1973-2016, Paris, La Découverte, , 260 p. (ISBN 978-2-7071-9213-4)
- François Burgat et Matthieu Rey (dir.), Histoire des mobilisations islamistes, 19e - 21e siĂšcle. D'Afghani Ă Baghdadi, CNRS Ăditions, 2022, 443 p.
Préfaces
- Pascal Ménoret (préf. François Burgat), L'énigme saoudienne : les Saoudiens et le monde, 1744-2003, Paris, La Découverte, , 260 p. (ISBN 2-7071-3743-X, EAN 9782707137432, OCLC 417393016)
- MĂ©as Pech-MĂ©tral et Georges Bogey (prĂ©f. François Burgat), Cambodge et Khmers rouges : une tragĂ©die oubliĂ©e, 1975-1979, Cervens, Ăditions de l'Astronome, , 175 p. (ISBN 978-2-916147-29-1, OCLC 228782842)
- Alice Poulleau (prĂ©f. François Burgat), Ă Damas sous les bombes : journal d'une Française pendant la rĂ©volte syrienne, 1924-1926, Paris, Ăditions L'Harmattan, , 246 p. (ISBN 978-2-296-99171-2, OCLC 827478171)
- Laurent Bonnefoy (en) et Myriam Catusse (préf. François Burgat), Jeunesses arabes : du Maroc au Yémen, loisirs, cultures et politiques, Paris, La Découverte, , 373 p. (ISBN 978-2-7071-7715-5, OCLC 862213169)
- Muhammad Baqir al-Sadr (trad. de l'arabe par Julien PĂ©lissier, prĂ©f. François Burgat), La banque sans intĂ©rĂȘt en Islam [« ۧÙŰšÙÙ Ű§ÙÙۧ۱ۚÙÙ ÙÙ Ű§ÙŰ„ŰłÙŰ§Ù Â»], Paris, Ăditions Karthala,â , 216 p. (ISBN 978-2-8111-1794-8)
- Naima Essaifi et Michel Perrier (prĂ©f. François Burgat), Le laĂŻc et le djihadiste : essai, Vulaines-sur-Seine, Ăditions du Croquant, , 131 p. (ISBN 978-2-36512-141-5, OCLC 1015862088)
- Thomas Sibille (préf. François Burgat), Vivre ensemble ou pas ?, Argenteuil, Al Bayyinah, , 60 p. (ISBN 978-2-902526-28-4)
Autres
- Voir les références et les publications déposées dans HAL-SHS
- Liste complĂšte des publications (1981-2011) (dont certaines Ă©galement disponibles en ligne)[24]
Notes et références
- SUDOC 041107896
- Florence Bergeaud-Blackler : Le FrĂ©risme et ses rĂ©seaux, l'enquĂȘte, Odile Jacob, , 262 & suiv. (ISBN 9782415003562)
- « BURGAT François (DREM) », sur iremam.cnrs.fr, (consulté le ).
- (en) « From Structural Violence to Militant Activism around the Persian Gulf », The Muslim World, vol. 101, no 2,â , p. 1â1 (ISSN 0027-4909)
- Erwan Seznec, Menaces de mort sur une anthropologue, le CNRS en service minimum, lepoint.fr, 11 avril 2023
- Erwan Seznec, « François Burgat, lâislamogauchiste assumĂ© », sur www.marianne.net, 2022-01-03utc12:45:20+0100 (consultĂ© le )
- François Burgat, « RĂ©ponse Ă Olivier Roy : les non-dits de ââlâislamisation de la radicalitĂ©ââ », sur rue89.nouvelobs.com, 1er dĂ©cembre 2015.
- Leyla Dakhli, « L'islamologie est un sport de combat », La Revue du crieur, no 3, mars 2016, éd. Médiapart/La Découverte (ISBN 978-2-70718-863-2).
- (en) Alain Gabon, « Why the West seeks to vilify political Islam », sur Middle East Eye, (consulté le )
- « « Pour la sĂ©paration du CRIF et de l'Ătat » : petite histoire dâun slogan complotiste », sur conspiracywatch,
- « Telavivision, le nouveau dérapage de l'islamologue François Burgat », sur conspiracywatch,
- Matthieu Aron, Les "décoloniaux" à l'assaut des universités, nouvelobs.com, 30 novembre 2018
- Michel Guerrin, « A la fac, deux camps sâaffrontent, Ă coups dâinsultes, sur le mot âraceâ », lemonde.fr, 11 janvier 2019
- François Burgat, Antisémitisme, islam et amalgames, orientxxi.info, 30 janvier 2019
- Matthieu Aron, Les "décoloniaux" à l'assaut des universités, nouvelobs.com, 30 novembre 2018
- Hadrien Mathoux, Haoues Seniguer, « L'appel international de soutien à Tariq Ramadan, un "discours aux effluves complotistes" », sur Marianne.net,
- Hadrien Mathoux, "L'imposture" de Tariq Ramadan confirmée dans une biographie, marianne.net, 14 février 2020
- « Le grand laboratoire de la dĂ©construction », Le Figaro,â (lire en ligne).
- « François Burgat, lâislamogauchiste assumĂ© », Marianne,â (lire en ligne)
- Cette infùme campagne que déchaßnent fréristes, islamistophiles et idiots utiles contre Florence Bergeaud-Blackler, atlantico.fr, 15 mars 2023
- Aurélien Marq, « Qui en veut vraiment à Florence Bergeaud-Blackler? », sur causeur.fr, (consulté le )
- Recension dans Politique Ă©trangĂšre.
- Voir sur politis.fr.
- Consulté le 3 avril 2018.
Liens externes
- Présentation sur le site de l'Institut français du Proche-Orient