Allemagne de l'Est
(de) Deutsche Demokratische Republik
–
(40 ans, 11 mois et 26 jours)
Drapeau de la République démocratique allemande à partir de 1959. |
Emblème officiel de la République démocratique allemande à partir de 1955. |
Devise | en allemand : Proletarier aller Länder, vereinigt euch! (« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ») |
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Hymne |
Auferstanden aus Ruinen |
Statut |
République État communiste du bloc de l'Est à coalition unique. |
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Capitale | Berlin-Est |
Langue(s) | Allemand |
Religion | Athéisme d'État |
Monnaie | Mark est-allemand |
Fuseau horaire | UTC+1 |
Domaine internet | .dd |
Indicatif téléphonique | +37 |
Population |
18 388 000 hab. (1950) 17 079 000 hab. (1961) 16 740 000 hab. (1980) 16 028 000 hab. (1990) |
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Superficie | 108 333 km2 |
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Proclamation de la République. | |
Insurrection. | |
1958 – 1963 | Crise de Berlin. |
Construction du mur de Berlin. | |
Admission de la RDA à l'ONU. | |
Chute du mur de Berlin. | |
Signature du Traité de Moscou. | |
Réunification avec l'Allemagne de l'Ouest. |
1949 – 1950 | Wilhelm Pieck et Otto Grotewohl |
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1950 – 1971 | Walter Ulbricht |
1971 – 1989 | Erich Honecker |
1989 | Egon Krenz |
(1er) 1960 – 1973 | Walter Ulbricht |
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(Der) 1989 – 1990 | Manfred Gerlach |
Parlement monocaméral | Chambre du peuple |
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Entités précédentes :
Entités suivantes :
La République démocratique allemande (RDA) ; en allemand : Deutsche Demokratische Republik ou DDR, parfois traduit par République démocratique d'Allemagne), également appelée Allemagne de l'Est, est un ancien État communiste européen qui a existé durant la seconde moitié du XXe siècle. Contrairement à la République fédérale d'Allemagne, l'intitulé de la République démocratique allemande ne se réfère pas à la Nation mais entérine la division du pays.
La RDA a été créée le par le Parti socialiste unifié d'Allemagne allié de l’URSS à partir de la zone occupée par l'Armée rouge. Cet événement intervient après la fondation de la République fédérale d’Allemagne précédée par la trizone des puissances occupantes occidentales. Berlin-Est, le secteur soviétique de la ville, était la capitale de la RDA.
La RDA faisait partie des régimes autoritaires qui se revendiquaient comme des « démocraties populaires », politiquement affiliés à l'URSS au sein du bloc de l'Est. À compter du , pour arrêter la fuite vers l'ouest des citoyens est-allemands tentant d'échapper à la dictature, l'enclave occidentale de Berlin-Ouest est séparée de Berlin-Est et du reste de la RDA, par le mur de Berlin, qui devient l'un des plus célèbres symboles du « rideau de fer ». L'effondrement du bloc communiste en Europe de l'Est entraîne la disparition de la République démocratique allemande, qui est absorbée par la République fédérale le , soit presque 41 ans jour pour jour après sa fondation, aboutissement du processus de réunification formant ainsi une Allemagne unifiée.
Sommaire
Géographie
Issue de la zone d'occupation dévolue aux troupes soviétiques lors du partage territorial effectué au terme de la Seconde Guerre mondiale, cette zone correspondait à l'Allemagne centrale par rapport à ses frontières de 1937, mais orientale une fois le pays amputé des territoires situés à l'est de la ligne Oder-Neisse, qui furent rattachés à la Pologne et à l'URSS.
Le territoire de la RDA était donc bordé par la Pologne à l’est, la Tchécoslovaquie au sud, la République fédérale d'Allemagne à l'ouest et les côtes de la mer Baltique au nord. En son centre se trouvait l’enclave ouest-allemande de Berlin-Ouest, cernée à partir de 1961 par les 155 km du mur de Berlin, dont 43,1 km de parcours intra-berlinois, la séparant de Berlin-Est, la capitale de la RDA.
La plus grande partie du territoire de la RDA était constitué par une plaine formée de dépôts glaciaires coupé de collines basses et arrondies, et tributaire du bassin de l'Elbe comprenant notamment des affluents comme la Havel (dont la Spree est elle-même un affluent), la Saale et la Mulde.
Le point culminant de la RDA se trouvait alors dans les monts Métallifères, à la frontière tchécoslovaque, au Fichtelberg (1 214 mètres d'altitude).
Frontière inter-allemande
Les 1 393 km de frontière avec l’Allemagne de l’Ouest constituaient une des parties les plus surveillées du « Rideau de fer », suivant aujourd’hui l’exacte limite administrative séparant les Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, de Saxe-Anhalt, de Thuringe et de Saxe, de ceux de Schleswig-Holstein, de Basse-Saxe, de Hesse et de Bavière.
Ses installations de sécurité, qui n'occupaient pas moins de 344 km2 en territoire est-allemand, étaient équipées de 80 500 km de barbelés et 2 230 000 mines. Les 14 000 soldats qui étaient affectés en permanence à la surveillance de la frontière pouvaient tirer sans sommation contre toute personne qui tentait de franchir cette frontière. Ces militaires étaient secondés par 600 chiens.
Les 155 km du mur de Berlin (dont 43,1 km sur sa longueur intraberlinoise) qui entourait Berlin-ouest, venait compléter l'ensemble du dispositif.
Divisions administratives
De 1949 à 1952, le territoire était divisé en cinq Länder : Brandebourg, Mecklembourg, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe. La réforme territoriale de 1952 met un terme à la forme fédérale de l’État et ces Länder sont supprimés. Le territoire est-allemand est alors divisé en 15 Bezirke (districts) :
- District de Berlin
- District de Dresde
- District de Karl-Marx-Stadt
- District de Leipzig
- District de Gera
- District de Erfurt
- District de Suhl
- District de Halle
- District de Magdebourg
- District de Cottbus
- District de Potsdam
- District de Frankfort
- District de Neubrandenbourg
- District de Schwerin
- District de Rostock
Lors de la réunification allemande (Wiedervereinigung), le , les cinq anciens Länder sont reconstitués, avec toutefois quelques modifications de frontières et des changements de dénomination (ainsi le « Mecklembourg » devient « Mecklembourg-Poméranie occidentale »). Ces Länder furent désignés sous le terme de « nouveaux États fédéraux » (Neue Bundesländer). La ville de Berlin fut également réunifiée et forme aujourd’hui un Land à part entière.
Démographie
En 1950, la RDA compte 18 388 000 habitants (Berlin-Est compris). La population a par la suite décru : 17 079 000 en 1961, 16 740 000 en 1980, 16 640 000 en 1985, 16 028 000 en 1990, année de la réunification[1].
La baisse du nombre d'habitants est particulièrement importante jusqu'en 1961, année pendant laquelle le mur de Berlin a été érigé pour justement arrêter cet exode vers l'Ouest[2], qui était majoritairement le fait de personnes jeunes ainsi que de personnes ayant un niveau de formation universitaire, deux profils de citoyens qui représentaient l'avenir et la force du pays.
La baisse plus importante (que dans les 15 années précédentes) de la population entre 1985 et 1990 s'explique d'une part par le fait que les autorisations de sortie du territoire ont été plus facilement délivrées à partir du milieu des années 1980 et d'autre part par le fait que de nombreuses personnes ont profité, dès , de l'ouverture de la frontière austro-hongroise, sans oublier les « trains plombés », qui ont emmené en RFA les citoyens est-allemands qui avaient trouvé refuge dans les ambassades ouest-allemandes d'autres pays du bloc communiste.
Histoire
Le projet de république démocratique allemande est développé dans un texte, le Friedensmanifest, publié en [3].
L’immédiat après-guerre (1945-1949)
Rapidement après le début de l’occupation de l’Allemagne par les Alliés en vertu de la conférence de Potsdam (selon les engagements, l’occupation est temporaire, et précède le rétablissement de la souveraineté de l’Allemagne), la situation se dégrade entre les trois puissances occidentales (États-Unis, Royaume-Uni et France) et l’URSS.
Afin de mettre en œuvre leur politique, les Soviétiques n'hésitèrent pas à s'appuyer notamment sur le Nationalkomitee Freies Deutschland (« Comité national pour une Allemagne libre » ou NKFD), organisation de résistance anti-nazi fondée à Moscou en 1943 par les membres du comité central du Parti communiste d'Allemagne (KPD) exilé en URSS. Son président, le poète Erich Weinert, était entouré de membres influents du parti, tels Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, qui deviendront par la suite dirigeants de la RDA. En , la réforme agraire exproprie les grands propriétaires terriens. Des mesures d’épuration d'anciens nazis de la population sont mises en place[4]. En , les antennes locales du Parti communiste d'Allemagne (KPD) et le Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) fusionnent pour donner le Parti socialiste unifié d'Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands – SED).
La dégradation des relations entre les quatre puissances occupantes de l’Allemagne, qui occupent également chacune un des quatre secteurs de Berlin, et l’opposition sur le statut de Berlin-Ouest conduisent au blocus de Berlin entre et : blocus des voies d’accès terrestres à Berlin-Ouest à partir de l’Allemagne de l’Ouest à travers la zone soviétique. Les Occidentaux mettent alors en place un pont aérien massif jusqu'à la levée du blocus en . La République fédérale d'Allemagne est fondée le dans la Trizone occidentale ; en réponse, les Soviétiques instituent la République démocratique allemande le . Le premier président de la RDA est Wilhelm Pieck (1876–1960), le Premier ministre-président Otto Grotewohl (1894–1964), mais l’homme fort de la RDA est Walter Ulbricht (1893–1973), secrétaire général du comité central du SED.
Le renforcement de la RDA (1949-1961)
Le contrôle du régime sur la population est exercé à partir de 1950 par la Stasi, qui surveille la vie des habitants (7 millions de personnes fichées) et élimine les contestataires repérés par son réseau d’informateurs et d’agents (175 000 à 194 000 collaborateurs non officiels)[5],[6].
Le secteur industriel, qui emploie 40 % de la population active en 1950, est soumis à la nouvelle politique de nationalisation qui aboutit à la formation d’« entreprises populaires » (« Volkseigener Betrieb » (VEB)) qui représenteront 75 % du secteur industriel. Le premier plan quinquennal (1951-55) présenté par l'État prévoit de hauts quotas de production pour l'industrie lourde et l'augmentation de la productivité du travail ; les pressions du plan renforcent l’exode de citoyens est-allemands. Le , à la suite d’une augmentation de 10 % des quotas de production des travailleurs construisant le boulevard Staline[N 2], les émeutes de juin 1953 éclatent à Berlin-Est, et 60 000 manifestants s'en prennent aux symboles du pouvoir[7]. Dès le lendemain, l'agitation gagne le reste du pays. Walter Ulbricht fait appel aux troupes soviétiques qui rétablissent l’ordre en provoquant la mort de 55 personnes et une vague d’arrestations et de condamnations à la prison de plus de 10 000 personnes[8]. Les désordres s’arrêtent à partir du 23 juin. Une fois l’alerte passée, les autorités renforcent la répression : 1 500 condamnations, 600 000 membres exclus du SED.
En 1955, le pacte de Varsovie est créé et la Nationale Volksarmee intègre ce dispositif militaire.
Entre 1949 et 1961, la situation économique, sociale et politique en RDA a poussé plus de trois millions de personnes, en particulier les travailleurs qualifiés (fuite des cerveaux) à émigrer en Allemagne de l'Ouest en raison de son respect des libertés individuelles, de sa prospérité et de ses salaires élevés[9]. En effet, la RFA était alors en pleine expansion économique[10]. La population était estimée en 1960 à 16 203 600 habitants en Allemagne de l'Est, pour 53 372 600 pour celle de l’Ouest. Cet exode fera dire à Willy Brandt, alors maire de Berlin-ouest, qu'en fuyant, les Allemands vivant à l’Est « votaient avec leurs pieds »[11]. L'ambassadeur d'URSS en RDA Mikhail Pervukhin (en), affirma lui-même que les Soviétiques étaient conscients que l’existence d’une frontière quasiment ouverte entre les mondes socialiste et capitaliste amènerait la population à comparer le niveau de vie dans les deux parties de la ville, et que cette comparaison « ne tournait pas à l’avantage du Berlin démocratique » (c'est-à-dire Berlin-Est)[12],[13].
Le régime hésita quant aux moyens à mettre en œuvre pour faire face à ce phénomène. La pérennité de la RDA n'allant alors pas de soi, Staline propose en 1952, dans une note, la réunification allemande et la neutralité du futur pays[14]. Cette démarche est refusée par l’Ouest qui la juge peu sincère, estimant que c’est un moyen pour l’URSS de prendre à terme le contrôle du futur ensemble qui sera trop faible pour se défendre. Finalement, la fermeture des frontières (mise en place d’un « rideau de fer ») fut décidée et le mur de Berlin construit à partir du pour « protéger le socialisme[15] ».
La stabilisation (1961-1970)
La construction du mur de Berlin (ainsi que le renforcement des contrôles sur le rideau de fer dans sa section inter-allemande) commence dans la nuit du 12 au avec la pose de grillages et de barbelés autour de Berlin-Ouest, dispositif progressivement remplacé par un mur de briques, puis de béton[16].
L'objectif de ce dispositif est d'empêcher l'émigration est-allemande par le secteur occidental de la ville. Les soldats est-allemands reçoivent l'ordre d'ouvrir le feu sur toute personne qui tenterait de franchir cette frontière[17] quasi inviolable qui divisera l'Allemagne pendant presque trente ans. Paradoxalement, la fermeture de la frontière fait entrer la RDA dans une période de desserrement idéologique, correspondant à la fin de la période Khrouchtchev en URSS. Dans la première moitié des années 1960, les artistes est-allemands adoptent progressivement une liberté de ton, qui est finalement sanctionnée lors du XIe plénum du SED en 1966.
Au début des années 1960, le fonctionnement de l'agriculture est modifié avec la collectivisation des terres et du bétail[18].
La stabilité et la crise (1971-1980)
En 1971, Erich Honecker remplace Walter Ulbricht, d'une part, sous pression de l'URSS, de l'autre, en raison des mauvais résultats économiques : l’écart se creuse au profit de la RFA et une demande criante en biens de consommation et de logements se fait entendre à la base[19]. L'arrivée du nouveau président du Conseil d'État, considéré comme un modéré, marque une certaine ouverture sur le plan culturel (tolérance vestimentaire et vis-à-vis du rock, fin du brouillage des télévisions ouest-allemandes) et un nouvel essor économique. Les performances économiques font que Honecker qualifia en 1971 la RDA de « socialisme réellement existant » (« real existierender Sozialismus ») — expression qui inspirera Léonid Brejnev pour le « socialisme développé » soviétique —, qui fut souvent interprétée comme une orthodoxie qui ne nécessite plus de réformes[20],[21]. Un programme de logements neufs est également lancé. Toutefois, cette période d'ouverture voit ses limites dans l'affaire Wolf Biermann en 1976.
Le est signé à Berlin-Est le Traité fondamental (Grundlagenvertrag), qui régularise les relations entre les deux États allemands qui reconnaissent ainsi leur existence mutuelle. Cet accord est le résultat d'une initiative qui s'inscrit dans l'Ostpolitik du chancelier ouest-allemand Willy Brandt. Malgré ce rapprochement, la RDA restera le plus fidèle allié de l'Union soviétique jusqu'au début des années 1980. Calquant sa politique extérieure sur celle du « grand frère » soviétique, le régime est-allemand apportera son soutien technique, logistique et financier aux divers mouvements, régimes, guérillas (Angola et Mozambique, par exemple[22]) et organisations « terroristes » (généralement d'obédience marxiste comme la Fraction armée rouge[23]) qui agissent alors à travers le monde (voir article sur la Stasi).
Le pays connaît de graves difficultés économiques, illustrées par la « crise du café » entre 1976 et 1978. La nouvelle politique économique mise en œuvre par l'équipe au pouvoir est réalisée au prix d’un endettement auprès des pays occidentaux, qui passe de deux milliards de Valuta marks (la monnaie de la RDA) en 1970, à 27,9 milliards en 1980, dette qui ne peut être résorbée car la RDA possède de moins en moins de biens à exporter vers les pays « capitalistes »[19].
La crise et la fin (1981-1990)
La situation de crise perdure jusqu'à mettre en péril l'existence même de la RDA à la fin des années 1980. À partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev met en place en URSS une politique de glasnost (transparence) et de perestroïka (reconstruction) destinée à résoudre les graves problèmes socio-économiques connus depuis plusieurs années. Cet assouplissement idéologique ne tardera pas à franchir les frontières de l'Empire soviétique pour atteindre les unes après les autres les « républiques sœurs », elles aussi en pleine déliquescence.
En raison de la crise politique et économique, l’émigration devient très importante en 1989 ; les émigrants passent à l'Ouest par l'intermédiaire de pays « frères » moins regardant en matière d'émigration : la Tchécoslovaquie et surtout la Hongrie (à la suite de l'ouverture de la frontière avec l'Autriche). Les départs de l’élite intellectuelle de la RDA (scientifiques, techniciens, ingénieurs, médecins, cadres, ouvriers spécialisés, etc.) renforcent la crise, ce qui accroît le mécontentement populaire. Mikhaïl Gorbatchev indique le 6 juillet que l'Union soviétique n'interviendra pas pour réprimer les mouvements qui agitent la RDA. Entre et ont lieu les « manifestations du lundi » (Montagsdemonstrationen), particulièrement à Leipzig, au cours desquelles les Allemands de l'Est réclament des réformes et notamment la liberté de circulation vers l'Ouest (cette liberté de circulation vers l'Ouest sera effective dès le 89, date de la « chute du mur ») ; ces manifestations gagnent progressivement en ampleur. Le conseil des ministres de la RDA démissionne le , suivi par le Politbüro le . Dans la soirée du , Günter Schabowski, membre du comité central du SED, annonce, lors d'une conférence de presse, la levée de toutes les restrictions de voyage et l'ouverture des frontières, provoquant un afflux de personnes aux postes de passage le long du mur de Berlin, puis l’ouverture du mur. Le 18 novembre, le cabinet Modrow est constitué.
Continuellement en crise économique, et plus encore à partir des années 1970, le pays connaît des tensions internes majeures qui culminent lors de la chute du mur de Berlin le . À partir de cette date qui marque une véritable rupture, le pays se démocratise et des élections libres tenues le 18 mars 1990 conduisent à ce que le Parti socialiste unifié d'Allemagne perde le contrôle majoritaire de la Chambre du peuple (le Parlement est-allemand). Le 23 août, la nouvelle assemblée vote l’extension de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne aux territoires de la RDA à effet du et par conséquent la disparition de la République démocratique allemande à cette date.
La réunification et ses conséquences
Plutôt que de faire voter une nouvelle Constitution, comme le prévoyait la Loi fondamentale de la RFA, le gouvernement, choisit d'étendre la Loi fondamentale ouest-allemande à l'ex-RDA[24]. Des élections libres qui se tiennent le , consacrent la victoire de la coalition conservatrice (cabinet de Maizière) de l'« Alliance pour l'Allemagne » (Allianz für Deutschland), menée par la CDU est-allemande, l'Union sociale allemande (DSU) et le Demokratischer Aufbruch (DA). La nouvelle Volkskammer élue opte pour une réunification rapide en utilisant l'article 23 de la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne qui permettait une adhésion unilatérale d’un Land à la RFA. Pour cela, les cinq Länder supprimés en 1952 sont reconstitués. Les modalités de la réunification furent fixées par le traité d'unification (Einigungsvertrag) signé à Berlin le et ratifié le 20 septembre par la Chambre du peuple avec 299 voix contre 80. Lors de la réunification le à minuit, l’Allemagne réunifiée recouvre sa pleine souveraineté, en vertu du traité de Moscou. À cette date, les principales structures institutionnelles de la RDA cessent de fonctionner en tant que telles et sont soit dissoutes soit intégrées aux structures de la RFA.
Selon Le Monde diplomatique, pour certains observateurs et une partie des Est-allemands, il ne s'agit pas à proprement parler d'une réunification mais plutôt d'une « annexion ». Wolfgang Schäuble, ministre de l'Intérieur de la RFA chargé des négociations du traité d'unification, affirme devant les membres de la délégation est-allemande : « Il s'agit d'une entrée de la RDA dans la République fédérale, et pas du contraire. (...) Ce qui se déroule ici n'est pas l'unification de deux États égaux[24]. »[25]
La Treuhand, organisme chargé de la privatisation du « patrimoine du peuple » (nom donné aux entreprises publiques en RDA), se trouve à la tête de 8 000 combinats et sociétés et de leurs 32 000 établissements et d'un empire immobilier. En quelques années, quelque 13 000 entreprises sont vendues, pour la très grande majorité à des investisseurs et entreprises ouest-allemandes. En , la production industrielle chute de 43,7 % par rapport à l'année précédente, de 51,9 % en aout et de près de 70 % à la fin de l'année. Le nombre officiel de chômeurs grimpe d’à peine 7 500 en janvier 1990 à 1,4 million en , et plus du double en comptant les travailleurs au chômage technique, en reconversion ou en préretraite. Dans les cinq ans qui suivent la chute du mur de Berlin, le chômage aurait touché 80 % des actifs[24].
Les femmes ont été confrontées à des difficultés supplémentaires. « Pour augmenter leurs chances de retrouver un travail, elles furent nombreuses à se faire stériliser. Alors que le centre hospitalier de Magdebourg avait pratiqué 8 stérilisations en 1989, celles-ci passèrent à 1 200 en 1991 », relèvent les sociologues Fritz Vilmar et Gislaine Guittard[26].
De 1989 à 1992, le nombre de salariés de la recherche, de l'enseignement supérieur, y compris industriel, chute de plus de 140 000 à moins de 38 000. Nombre de centres de recherches et d'académies des sciences sont fermés. Quelque 72 % des scientifiques de l'ex-RDA sont démis de leurs fonctions en trois ans. Le personnel résiduel fut soumis à des tests évaluant ses convictions politiques. Cette élimination de la plupart des scientifiques se trouve justifiée par des impératifs idéologiques : « Il faut éradiquer l'idéologie marxiste en procédant à des changements de structures et de personnels ». indique un document de l'Académie des sciences en [26].
La nostalgie éprouvée par une partie des Allemands de l'Est pour leur ancien État est appelée l’« Ostalgie » (mot-valise constitué de Ost (Est) et de Nostalgie). L’ex-Allemagne de l’Est connaît après la réunification un chômage important (19,4 % en Saxe, par exemple). De nombreux logements sont vétustes (comme les grandes barres d'immeubles) et un exode des populations vers les Länder de l'Ouest a lieu (la population est tombée à 13,8 millions d'habitants en 2002). Le rattrapage des conditions économiques, sociales et culturelles entre les deux anciens États est progressif, mais n’est pas encore achevé trente ans après[27].
Politique
Le Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED) gouverna la RDA de sa création en 1949 à sa dissolution en 1990.
À l’occasion des élections, les partis forment une liste unique, sous l'égide de la coalition du « Front national ». Les citoyens votent pour des députés qui ont été préalablement choisis par les instances politiques afin d’assurer une représentation proportionnelle des différents partis. De fait, le Parti socialiste unifié d'Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (SED)) a la primauté. En 1949, la RDA se dote d’une constitution.
Le Palais de la République (« Palast der Republik ») héberge la Chambre du peuple (« Volkskammer »), le parlement de la RDA, composé de 500 députés élus pour quatre ans, qui assure officiellement le pouvoir législatif.
Le pouvoir exécutif est tenu par le Conseil des ministres, élu pour quatre ans par la Chambre du peuple et dirigé par un præsidium. Il siège au sein du gouvernement de la RDA. La Constitution prévoit une présidence de la République. En 1960, la fonction sera remplacée par un organe de type collégial, le Conseil d'État de la RDA.
La fonction de « président de RDA » (Präsident der DDR) est supprimée à la mort de Wilhelm Pieck, et remplacée par une présidence collégiale du Conseil d'État de la RDA (Staatsrats der DDR).
Identité | Période | Durée | Fonction | |
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Début | Fin | |||
Wilhelm Pieck ( - ) | 10 ans, 10 mois et 27 jours | Président de la République démocratique allemande (en) | ||
Walter Ulbricht ( - ) | 12 ans, 10 mois et 20 jours | Président du Conseil d'État de la République démocratique allemande (d) | ||
Willi Stoph ( - ) | 3 ans et 26 jours | Président du Conseil d'État de la République démocratique allemande (d) | ||
Erich Honecker ( - ) | 12 ans, 11 mois et 25 jours | Président du Conseil d'État de la République démocratique allemande (d) | ||
Egon Krenz (né en ) | 1 mois et 12 jours | Président du Conseil d'État de la République démocratique allemande (d) | ||
Manfred Gerlach ( - ) | 3 mois et 30 jours | Président du Conseil d'État de la République démocratique allemande (d) | ||
Sabine Bergmann-Pohl (née en ) | 5 mois et 27 jours | Président de la Volkskammer (d) |
Identité | Période | Durée | |
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Début | Fin | ||
Otto Grotewohl ( - ) | 14 ans, 11 mois et 14 jours | ||
Willi Stoph ( - ) | 9 ans | ||
Horst Sindermann ( - ) | 3 ans | ||
Willi Stoph ( - ) | 13 ans | ||
Hans Modrow (né en ) | 1 an | ||
Lothar de Maizière (né en ) | moins d’un an |
La Nationale Volksarmee
L’Armée nationale populaire (Nationale Volksarmee - NVA) créée en 1956 après la Bundeswehr ouest-allemande, avait en 1983 un effectif total de 170 000 hommes (toutes armes confondues). Elle était intégrée au dispositif militaire du pacte de Varsovie dont elle constituait l'un des éléments majeurs.
Le contrôle politique et la Stasi
Le service de police politique est le ministère de la Sécurité d’État (Ministerium für Staatssicherheit), surnommé la Stasi, instituée en 1950. Elle est calquée sur le NKVD soviétique, mais est de plus réorganisée par certains anciens membres de la Gestapo : traque des opinions non-conformes, contrôle systématique des moyens de communication, espionnage des suspects jour et nuit, etc.
Ses méthodes évoluèrent au fil des années, passant de la terreur ouverte à des techniques plus larvées comme la décomposition.
Lorsque la Stasi connaissait l’opinion de quelqu’un, elle préférait utiliser des pressions discrètes en forçant un homme à démissionner, un étudiant à arrêter ses études ou à « conserver ses fonctions sociales » en le forçant à devenir informateur à son tour : IM (Inoffizieller Mitarbeiter).
Politique environnementale
La réindustrialisation de la période d'après-guerre a été associée à une pollution environnementale croissante dans les deux parties de l'Allemagne. Elle culmine dans les années 1970, lorsque la protection de l'environnement est prise en compte pour la première fois dans la politique économique - mais pas en RDA : un manque de marge de manœuvre pour les investissements rend impossible une approche rapide de la protection de l'environnement compte tenu d'une production de biens déjà insuffisante. La direction du Parti a toujours considéré que s'approcher des conditions de consommation occidentales était plus important que prendre des mesures de protection de l'environnement. Enfin, l’idéologie officielle vise à montrer que les problèmes de l’environnement représentent une crise du système capitaliste et qu’ils sont inhérents à une société fondée sur le profit. Dans une société socialiste, œuvrant pour l’homme, ils ne peuvent durer[19].
De plus, la direction de la RDA ignorait les citoyens engagés qui voulaient faire quelque chose pour protéger l'environnement. Dans les années 1980, se multiplient cependant les militants écologistes, notamment sous le couvert de l’Église réformée[19], les clubs de cyclisme, etc. Ainsi, en 1985, une action intitulée : « un mark pour Espenhain », menée afin d’équiper cette centrale thermique, située au sud de Leipzig, d’un filtre contre la poussière, recueille près de 200 000 signatures[19].
Dans une étude de 2009, le bilan écologique de la RDA est qualifié de « catastrophique »[28]. En l'absence de gisements de houille, les centrales électriques au lignite brûlaient du lignite brut à grande échelle. Son extraction est aisée puisqu’elle s’effectue, pour partie, à ciel ouvert, mais elle recompose le paysage en formant des trous béants et des terrils[19]. Les conséquences étaient, entre autres, les émissions les plus élevées de dioxyde de soufre et la pollution par la poussière la plus élevée de tous les pays européens. La pollution de l'air a causé une mortalité accrue. Plus de deux fois plus de personnes sont mortes de bronchite, d'emphysème et d'asthme que la moyenne européenne. En 1989, six millions sur les seize millions d’habitants vivent dans des zones où la teneur en soufre est supérieure aux normes fixées par l’OMS[19].
Environ 1,2 million de personnes n'avaient pas accès à une eau potable conforme à la norme générale de qualité. Seulement 1 % de tous les lacs et 3 % de toutes les rivières étaient considérés comme intacts en 1989. Jusque-là, seulement 58 % de la population était raccordée à une station d'épuration. 52 % de toutes les zones forestières ont été considérées comme endommagées. Plus de 40 % des ordures étaient mal éliminées.
Il n'y avait pas d'incinérateurs à haute température pour les déchets dangereux. Au motif que les données environnementales ont été utilisées par les ennemis de classe pour discréditer, les données ont été classées comme « Informations classifiées confidentielles » à partir de 1970 et comme « Informations classifiées secrètes » à partir de 1982 et donc cachées au public[19]. La critique de la politique environnementale a été impitoyablement réprimée[28] ; également la critique de l'exploitation minière extensive de l'uranium qui a été réalisée par la société Wismut (en utilisant du bismuth comme réactif) en Saxe et en Thuringe. Pendant longtemps, la RDA a été le quatrième producteur mondial d'uranium après l'Union soviétique, les États-Unis d'Amérique et le Canada.
Les importations de déchets en provenance des pays occidentaux (en particulier de l'ouest de l'Allemagne) ont apporté à la RDA des revenus en devises étrangères dont elle avait un besoin urgent. Les prix de dumping en RDA étaient parfois inférieurs à un dixième des prix pratiqués dans les décharges correctement gérées en Allemagne de l'Ouest. Une partie des devises générées par ces transactions, dans lesquelles le Département de la coordination commerciale et le ministère de la Sécurité d'État jouaient un rôle de premier plan, s'est retrouvée dans le « compte Honecker » et le « compte Mielke » de la Deutsche Handelsbank AG et a pu être utilisée pour les hiérarques du régime est-allemand à Wandlitz[29].
La production automobile de la RDA a été négligée économiquement, de sorte que de nouveaux développements en termes de protection de l'environnement ont été à peine mis en œuvre. Les voitures Trabant et Wartburg produites par la RDA ont contribué de manière significative à la pollution de l'environnement avec leurs moteurs à deux temps obsolètes et leurs gaz d'échappement nocifs. Les gaz d'échappement d'un moteur à deux temps sont clairement odorants et visibles en raison de la teneur élevée en HC (panaches d'échappement bleus).
Mémoire du Troisième Reich
Le régime communiste de la RDA fonde sa légitimité sur le combat des militants antifascistes. Une forme de « culte » de la résistance au sein du camp de Buchenwald est instaurée, avec notamment la création d'un musée en 1958, et la célébration chaque année du serment de Buchenwald prononcé le 19 avril 1945 par les prisonniers qui s'engageaient à lutter pour la paix et la liberté. Dans les années 1990, « l'antifascisme d’État » de la RDA laisse place à « l'anticommunisme d’État » de la RFA. Dès lors, l'interprétation dominante de l'histoire de la RDA, reposant sur le concept de totalitarisme, induit l'équivalence entre communisme et nazisme[30].
Bien qu'étant officiellement construite en opposition au « monde fasciste » en Allemagne de l'Ouest, en 1954, 32,2 % des employés des administrations publiques étaient d'anciens membres du Parti nazi. Cependant, en 1961, la part des anciens membres du NSDAP parmi les cadres supérieurs des administrations est inférieure à 10 % en RDA, contre 67 % en RFA[31]. Si en Allemagne de l'Ouest, un travail de mémoire sur les résurgences du nazisme a été réalisé, cela n'a pas été le cas à l'Est. En effet, note Axel Dossmann, professeur d'histoire à l'université d'Iéna : « ce phénomène était totalement occulté. Pour l'État-SED [le parti communiste est-allemand], il était impossible d'admettre l'existence de néonazis, puisque le fondement de la RDA était d'être un État antifasciste. La Stasi les surveillait, mais elle les considérait comme des marginaux ou des brutes épaisses. Ces jeunes ont grandi en entendant un double discours. À l'école, il était interdit de parler du IIIe Reich et, chez eux, leurs grands-parents racontaient comment, grâce à Hitler, on avait eu les premières autoroutes ». Le , une trentaine de skinheads se jettent violemment dans une foule de 2 000 personnes lors d'un concert de rock à la Zionskirche sans que la police n'intervienne[32]. En 1990, l'écrivaine Freya Klier (de) est menacée de mort pour avoir rédigé un essai sur l'antisémitisme et la xénophobie au temps de la RDA. Le vice-président du SPDA Wolfgang Thierse s'est pour sa part insurgé dans Die Welt, de la montée de l'extrême droite dans le quotidien des habitants de l'ex-RDA, notamment du groupe terroriste NSU, la journaliste spécialisée de l'Allemagne Odile Benyahia-Kouider expliquant que « ce n'est pourtant pas un hasard si le NPD, parti néonazi, a connu une renaissance via l'Est »[33].
L'historienne Sonia Combe observe que jusqu'aux années 1990, la majorité des historiens ouest-allemands qualifiaient d'« invasion » le débarquement de Normandie en juin 1944, exonéraient la Wehrmacht de sa responsabilité dans le génocide des juifs et fabriquaient le mythe d'un corps diplomatique qui « ne savait pas ». Au contraire, Auschwitz n'a jamais été un tabou en RDA. Une large production cinématographique, théâtrale et littéraire est consacrée aux crimes nazis. En 1991, 16 % de la population d'Allemagne de l'Ouest et 6 % de celle de l'Est présentent des préjugés antisémites. En 1994, 40 % des Allemands de l'Ouest et 22 % de ceux de l'Est estimaient que l'on accordait trop d’importance au génocide des juifs[31].
L'historien Ulrich Pfeil rappelle néanmoins le fait que la commémoration antifasciste en RDA avait « un caractère hagiographique et d'endoctrination »[34]. Comme dans le cas de la mémoire des protagonistes du mouvement ouvrier allemand et des victimes des camps, elle était « mise en scène, sujette à la censure, ordonnée » et, au cours des 40 années du régime fut un instrument de légitimation, de répression et de maintien du pouvoir[34].