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Alfredo KindelĂĄn

Alfredo Kindelån Duany (Santiago de Cuba, 1879 - Madrid, 1962) était un ingénieur militaire, aérostier, aviateur, enseignant, essayiste, historien et mémorialiste espagnol.

Alfredo KindelĂĄn
Alfredo KindelĂĄn
Alfredo KindelĂĄn en 1940

Naissance
Santiago de Cuba
DĂ©cĂšs (Ă  83 ans)
Madrid
Origine Espagnole (ascendances irlandaises)
Allégeance Drapeau de l'Espagne Royaume d'Espagne (1907-1931)
RĂ©publique espagnole (1931-1936)
Camp nationaliste (1936-1939)
Drapeau de l'État espagnol État espagnol (1939-1952)
Arme ArmĂ©e de l’air
Grade Général de brigade
Années de service 1899
Commandement Commandant en chef des forces aériennes espagnoles
Conflits Guerre du Rif
Guerre d'Espagne
Faits d'armes DĂ©barquement d'Al Hoceima
Distinctions MĂ©daille militaire
Hommages Docteur honoris causa de l’universitĂ© de Dublin

PrĂ©curseur dans le domaine des dirigeables et pionnier de l’aviation, il cofonda la force aĂ©rienne espagnole, qu’il constitua — conformĂ©ment Ă  sa doctrine — en corps d’armĂ©e autonome et Ă  visĂ©e nettement offensive. NommĂ© chef de l’Aviation du Maroc, il engagea la force aĂ©rienne dans des opĂ©rations militaires dans le Rif, et en particulier lors du dĂ©barquement amphibie d’Al Hoceima en 1925. AprĂšs l’instauration abrupte de la rĂ©publique en 1931, KindelĂĄn, monarchiste affichĂ©, se mit d’emblĂ©e Ă  conspirer contre le nouveau rĂ©gime, et adhĂ©ra au coup d’État militaire du 18 juillet 1936, devenant dans la guerre civile qui s’ensuivit l’un des fidĂšles collaborateurs du gĂ©nĂ©ral Franco, notamment au titre de chef de la force aĂ©rienne, et Ɠuvrant fin pour la nomination de Franco au rang de commandant suprĂȘme (generalĂ­simo).

Une fois la victoire acquise durant la guerre civile espagnole, quand il devint clair que Franco entendait pĂ©renniser sa dictature personnelle au lieu de rĂ©tablir la monarchie que KindelĂĄn appelait de ses vƓux, celui-ci se retourna contre Franco, conspirant contre lui, s’opposant Ă  l’entrĂ©e en guerre de l’Espagne aux cĂŽtĂ©s de l’Axe souhaitĂ©e par la Phalange, signant pendant et aprĂšs la guerre dĂ©clarations et manifestes monarchistes en faveur du prĂ©tendant Alphonse XIII d’abord, de Juan de Bourbon ensuite, etc., ce qui lui valut une pĂ©riode de disgrĂące, voire — Ă  l’ñge de 69 ans — plusieurs mois de forteresse.

Parmi les nombreux Ă©crits laissĂ©s par KindelĂĄn figurent, outre un ensemble d’ouvrages techniques sur l’aviation, quelques livres d’histoire, des essais, et surtout son journal de la Guerre civile, dont la premiĂšre Ă©dition fut expurgĂ©e par la censure franquiste.

Biographie

Origines et formation

NĂ© Ă  Santiago de Cuba, dans ce qui Ă©tait encore la Capitainerie gĂ©nĂ©rale de Cuba, KindelĂĄn Ă©tait le fils de l’ingĂ©nieur militaire Ultano KindelĂĄn (petit-fils de SebastiĂĄn KindelĂĄn) et de Manuela Duany, tous deux appartenant Ă  de trĂšs anciennes familles espagnoles d’origine irlandaise, aisĂ©es et de longue tradition militaire, dont la prĂ©sence en Espagne remontait Ă  1673, date Ă  laquelle les frĂšres Ultano et Vincent KindelĂĄn furent admis dans l’armĂ©e espagnole[1].

Sa famille, qui avait dĂ©mĂ©nagĂ© de Cuba pour l’Espagne en 1882 en raison d’un changement d’affectation du pĂšre, perdit la totalitĂ© de sa fortune par suite de la guerre contre les États-Unis de 1898. Orphelin de pĂšre dĂšs 13 ans, KindelĂĄn entra en , sur concours Ă  l’ñge de 14 ans, comme cadet Ă  l’AcadĂ©mie d’ingĂ©nieurs de Guadalajara, dont il sortit premier-lieutenant en 1899. Il sollicita alors, et obtint, l’autorisation d’accomplir des missions pour le compte de la Compañía de AeroestaciĂłn (littĂ©r. Compagnie d’aĂ©rostation), et fut versĂ© en 1900 dans la Compañía del Parque AerostĂĄtico. Cette annĂ©e-lĂ , il rĂ©alisa sa premiĂšre ascension en ballon captif, avec pour mentor le commandant, et futur ami, Pedro Vives Vich, qui lui enseigna quasiment tout sur l’art de piloter les ballons[1].

Pilote d’aĂ©rostat et de dirigeable

KindelĂĄn Ă  Madrid (revue Blanco y Negro, ).
KindelĂĄn Ă  Valence au lendemain de son accident de ballon (revue Blanco y Negro, .

En 1901, ayant Ă©tĂ© admis Ă  l’École pratique de la Compañía de AeroestaciĂłn, KindelĂĄn fut amenĂ© Ă  effectuer, d'abord comme membre d’équipage, un grand nombre d’ascensions, aussi bien en ballon captif que libre, puis se vit confier le le commandement de ce qui sera sa 5e ascension en ballon, rĂ©alisĂ©e Ă  l’entiĂšre satisfaction de ses supĂ©rieurs, ce qui lui valut le brevet de pilote aĂ©rostier. Il devint ensuite Ă©galement le premier pilote espagnol de dirigeable, et fut promu capitaine en 1905[1].

En mars de la mĂȘme annĂ©e, KindelĂĄn conçut un projet de statuts du futur Real Aero Club de España (RACE), projet approuvĂ© Ă  Madrid par les 73 candidats sociĂ©taires, qui Ă©lurent KindelĂĄn vice-prĂ©sident[1].

Il participa entre 1905 et 1908 aux travaux de conception et de construction du prototype de dirigeable semi-rigide de l’ingĂ©nieur Leonardo Torres Quevedo, qui fut brevetĂ© en 1906. En , il se rendit Ă  Paris en mission de service pour y reprĂ©senter l’Espagne au prestigieux concours aĂ©rostatique international Gordon Benett, lors duquel, Ă  l’issue d’un parcours accidentĂ©, il fut contraint d’atterrir en urgence Ă  proximitĂ© de Chichester en Grande-Bretagne. Fin 1905, il publia dans les colonnes de la revue Memorial de Ingenieros sa premiĂšre publication, intitulĂ©e Las ascensiones libres en la Compañía de AeroestaciĂłn, traitĂ© pouvant, dans la pratique, faire office de manuel pour la formation des futurs aĂ©rostiers. Plus tard, il fera paraĂźtre les ouvrages Dirigibles y Aeroplanos (1910) et La flota aĂ©rea española (1916)[1].

En , un accident spectaculaire le propulsa Ă  la cĂ©lĂ©britĂ©. Ayant pris part au concours de ballons de Valence Ă  bord du MarĂ­a Teresa, il fut emportĂ© par un orage et projetĂ© dans les eaux de la MĂ©diterranĂ©e, oĂč il sĂ©journa pendant 22 heures avant d’ĂȘtre sauvĂ© par un cargo britannique, qui le dĂ©posa Ă  terre dans le port de Garrucha, dans la province d’AlmerĂ­a[1].

Fin , KindelĂĄn se rendit Ă  Berlin en vue d’une deuxiĂšme participation Ă  la coupe Gordon Bennett, en compagnie de son camarade le capitaine Emilio Herrera Linares, lui aussi inscrit au concours, et y pilota le ballon Valencia, Ă  bord duquel il accomplit un vol de 500 kilomĂštres jusqu’à l'atterrissage au terme d’un pĂ©riple aĂ©rien de 29 heures. S’en revenant Ă  Madrid, il fit escale Ă  Paris pour assister au Mans le aux dĂ©monstrations de l’AmĂ©ricain Wilbur Wright, premiĂšre fois oĂč il put voir voler un aĂ©roplane, ce qui lui laissa une vive impression[1].

Aviation militaire

KindelĂĄn contribua dans les deux premiĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle Ă  crĂ©er et dĂ©velopper la premiĂšre force aĂ©ronautique espagnole. En 1909, le ministĂšre de la Guerre, s’étant avisĂ© du potentiel de l’aviation comme arme de guerre, Ă©tait parvenu Ă  intĂ©resser le gouvernement espagnol Ă  un projet d’acquisition d’aĂ©roplanes pour l’armĂ©e. Ainsi, en mars de la mĂȘme annĂ©e, Vives et KindelĂĄn furent-ils missionnĂ©s pour Ă©tudier Ă  Pau les caractĂ©ristiques de l’avion des frĂšres Wright[1].

Vers la fin de 1909, la revue Memorial de Ingenieros publia un nouvel article de KindelĂĄn, intitulĂ© Globos y Dirigibles (littĂ©r. Ballons et Dirigeables), oĂč il relatait ses expĂ©riences lors des vols d’essai sur le dirigeable de Torres Quevedo. En , chargĂ© d’évaluer pendant un mois Ă  Paris l’acquisition par l’Espagne d’un certain nombre d’aĂ©roplanes, il lui fut donnĂ© d’essayer et de piloter les appareils proposĂ©s par les diffĂ©rents fabricants[1].

À la fin de l’annĂ©e, il fit paraĂźtre dans Memorial de Ingenieros un copieux article, en cinq livraisons, portant le titre gĂ©nĂ©rique de Aeroplanos, qui dans la pratique pouvait tenir lieu d’excellent traitĂ© d’aĂ©rodynamique, de stabilitĂ©, de pilotage et de propulsion, fort utile Ă  la formation des futurs pilotes d’avion[1].

En , il participa, pour le compte de la Commission d’expĂ©rimentation (ComisiĂłn de Experiencias), aux travaux d’étude et d’expĂ©rimentation des trois premiers aĂ©roplanes acquis par l’armĂ©e espagnole, et fut chargĂ© dans le mĂȘme temps de diriger l’aĂ©rodrome de Cuatro Vientos prĂšs de Madrid, oĂč avait Ă©tĂ© Ă©tablie, avec l’aide du colonel Vives, l’École d’aviation militaire, pour les besoins de laquelle furent recrutĂ©s deux professeurs français. À l’issue de 43 vols comme Ă©lĂšve, totalisant cinq heures et trente minutes de vol rĂ©alisĂ©es Ă  bord d’avions Henri Farman du au , le capitaine KindelĂĄn fut dĂ©clarĂ© apte comme pilote aviateur et affectĂ© du numĂ©ro un de la premiĂšre promotion, c’est-Ă -dire devenait le tout premier pilote de l’aviation militaire espagnole. En , il assista Ă  un concours militaire britannique d’aĂ©roplanes, oĂč il effectua plusieurs vols d’essai sur diffĂ©rents appareils, avant de visiter quelques aĂ©rodromes dans le Nord de la France. Poursuivant ses activitĂ©s d’enseignant, il termina l’annĂ©e avec un total de 526 vols, pour la plupart avec des Ă©lĂšves, en plus de trois vols qui, par leur durĂ©e, constituaient de vĂ©ritables prouesses, dont un fut une primeur, car effectuĂ© en soutien aux troupes au sol lors des premiĂšres manƓuvres espagnoles avec appui aĂ©rien[1].

Kindelån (à droite) avec Frédéric Airault (à gauche) et Pedro Vives Vich (au centre), à bord du dirigeable España.

À la mi-1912, fort de son expĂ©rience et de ses connaissances acquises, il rĂ©digea un rapport oĂč il plaidait pour la crĂ©ation d’une arme, ou Corps spĂ©cial, d’aviation indĂ©pendant, et oĂč affleuraient les deux idĂ©es centrales de la doctrine de KindelĂĄn concernant l’emploi de l’aviation militaire, Ă  savoir : l’autonomie, qui nĂ©cessitait qu’elle soit convertie en arme Ă  part ; et une fonction de nature fondamentalement offensive. Ledit rapport servit de base Ă  l’élaboration du DĂ©cret officiel du portant crĂ©ation du Service de l’aviation militaire[1].

En , KindelĂĄn reçut un tĂ©lĂ©gramme de Vives lui annonçant l’éventualitĂ© qu’un quelconque avion soit requis d’intervenir au Maroc. KindelĂĄn ordonna que soit prĂ©parĂ©e d’urgence une escadrille avec son parc mobile de rĂ©serve. La premiĂšre escadrille expĂ©ditionnaire arriva Ă  l’aĂ©rodrome de TĂ©touan fin octobre et dĂ©but novembre, effectuant ensuite l’historique premier vol de l’Aviation militaire espagnole, d’une durĂ©e de 8 minutes, dans le ciel marocain. Le , KindelĂĄn Ă©mit l’ordre suivant : « Demain, l’escadrille inaugurera son action offensive en larguant des bombes sur les zones de peuplement de l’embouchure du Haira, collaborant ainsi avec les troupes lors de la petite opĂ©ration ordonnĂ©e par le Haut Commandement ». L’importance de cette opĂ©ration modeste, oĂč des bombes Ă©taient lancĂ©es Ă  la main et sans viseur, rĂ©sidait en ce qu’elle mettait en Ɠuvre une nouvelle arme de guerre, cette mission militaire Ă©tant en effet la premiĂšre rĂ©alisĂ©e par l’aviation espagnole[1].

En 1915, KindelĂĄn fut nommĂ© directeur de l’École nationale d’aviation (ENA), Ă©cole destinĂ©e Ă  la formation de pilotes civils et Ă©tablie Ă  Getafe, et remplira cette fonction jusqu’en , date Ă  laquelle il fut requis, en considĂ©ration de sa formation d’aviateur, de rejoindre l’état-major central, oĂč il resta jusqu’en , le temps de mettre au point un plan d’organisation de l’armĂ©e[1]. Il mit sur pied en 1921 Ă  Los AlcĂĄzares (dans la province de Murcie) l’Escuela de Combate y Bombardeo.

Maroc

En 1922, KindelĂĄn fut nommĂ© Chef des Forces aĂ©riennes d’Afrique, ce qu’il mit Ă  profit pour rĂ©viser et amĂ©liorer dans la mesure de ses possibilitĂ©s le matĂ©riel et l’infrastructure de vol et pour imposer aux opĂ©rations de la force aĂ©rienne une orientation sensiblement plus offensive, sans pour autant abandonner totalement l’appui tactique aux lignes de front[1].

En , alors nouvellement promu lieutenant-colonel (par l’effet de l’anciennetĂ©), KindelĂĄn remplaça au pied levĂ© un copilote bombardier qui ne s’était pas prĂ©sentĂ© Ă  l’aĂ©rodrome de Nador, et prit place sur le siĂšge gauche de l’appareil Bristol 49, en vue d’une mission de bombardement. Pendant cette mission, il fut atteint par un coup de feu Ă  l’épaule et au cou, qui entraĂźna une forte hĂ©morragie et une paralysie. L’avion atterrit Ă  proximitĂ© de troupes de la LĂ©gion, oĂč KindelĂĄn reçut les premiers soins, avant d’ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă  l'hĂŽpital militaire de Melilla, puis Ă©vacuĂ© sur Madrid. Il sera inapte au service pendant quasiment un an[1].

En , il fut chargĂ© d’organiser et de diriger un cours spĂ©cialement conçu Ă  l’intention des chefs d’aviation, premier du genre pour commandants d’unitĂ©s tactiques aĂ©riennes. Il recueillit dans son livre Conferencias TeĂłricas ce que l’on peut considĂ©rer comme sa doctrine en matiĂšre de mise en Ɠuvre de la force aĂ©rienne[1].

En , il fut rappelĂ© d’urgence au Maroc pour y commander Ă  Melilla l’Escadre expĂ©ditionnaire, composante aĂ©rienne de l’opĂ©ration amphibie du dĂ©barquement d'Al Hoceima (en espagnol Alhucemas), au lendemain de laquelle il fut rĂ©compensĂ© « pour les services accomplis et mĂ©ritĂ©s acquis » par une promotion au grade de colonel[1].

Directeur gĂ©nĂ©ral de l’AĂ©ronautique

En 1926, Miguel Primo de Rivera le nomma directeur gĂ©nĂ©ral de l’AĂ©ronautique. C’est vers cette annĂ©e-lĂ  que furent lancĂ©s les grands vols de l’aviation espagnole autour du monde, tels que celui du Plus Ultra pilotĂ© par RamĂłn Franco (frĂšre cadet du futur dictateur Francisco Franco), entre Palos de la Frontera et Buenos Aires, celui de la patrouille Atlantide (Patrulla AtlĂĄntida), lors duquel trois hydravions firent le voyage aller-retour de GuinĂ©e Ă©quatoriale, celui de l’escadrille Elcano, oĂč trois Breguet 19 dĂ©collĂšrent de Madrid pour Manille, mais oĂč seul un d’entre eux, sous le commandement d’Eduardo GonzĂĄlez-Gallarza et de JoaquĂ­n Loriga, parvint Ă  destination, et ceux du JesĂșs del Gran Poder, un Breguet 19 qui effectua en 1927 un pĂ©riple le menant au BrĂ©sil, au Paraguay, en Argentine, au Chili, au PĂ©rou, en Colombie, au Panama, au Honduras et Ă  Cuba.

En 1927, KindelĂĄn prĂ©senta un projet, qui sera approuvĂ©, de crĂ©er le Commandement supĂ©rieur de l’AĂ©ronautique (en espagnol Jefatura Superior de AeronĂĄutica), lequel projet impliquait la quasi-indĂ©pendance de la force aĂ©rienne vis-Ă -vis des autres armes et corps de l’armĂ©e de terre espagnole. Au long des quatre annĂ©es qu’il travailla au sein de ce Commandement, il Ɠuvra Ă  doter l’aviation espagnole d’une identitĂ© propre, tant et si bien que, par son organisation et par ses caractĂ©ristiques, elle finit par ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une arme neuve, jouissant d’une ample autonomie, avec tableau d’avancement sĂ©parĂ©, des fonctions exclusives, des catĂ©gories professionnelles nouvelles, avec y compris un uniforme particulier (vert foncĂ©) et des insignes spĂ©cifiques[1]. En 1929, KindelĂĄn fut promu gĂ©nĂ©ral de brigade et alla prĂ©sider le Conseil supĂ©rieur de l’aĂ©ronautique.

Proclamation de la république et conspiration

En , KindelĂĄn monta au grande de gĂ©nĂ©ral de brigade, et cessa Ă  partir de , en mĂȘme temps que Primo de Rivera s’évanouissait de la scĂšne politique, de travailler comme Commandant suprĂȘme de l’aĂ©ronautique, et passa Ă  prĂ©sider le Conseil supĂ©rieur de l’aĂ©ronautique[1]. Entre-temps, Alfonso XIII, aprĂšs l’échec de la dictature de Primo de Rivera, qu’il avait appuyĂ©e de façon dĂ©cisive, s’était vu forcĂ©, une fois la RĂ©publique proclamĂ©e, de s’exiler Ă  Rome. De sa propre initiative, KindelĂĄn, monarchiste dĂ©clarĂ©, s’exila Ă  son tour en prenant le chemin de la France, puis de la Suisse[2], oĂč il trouva Ă  s’employer comme ingĂ©nieur dans l’entreprise Saurer Ă  Arbon. En 1934, aprĂšs l’avĂšnement d’un gouvernement conservateur plus favorable Ă  ses positions, il obtint de la maison Saurer d’ĂȘtre nommĂ© reprĂ©sentant en Espagne et retourna ainsi Ă  Madrid[1]. À noter qu’il avait auparavant sollicitĂ© le ministre de la Guerre de l’assigner Ă  la deuxiĂšme rĂ©serve, ce qui lui avait permis d’éviter d’avoir Ă  signer le court texte d’adhĂ©sion Ă©nonçant : « Je promets sur mon honneur de servir bien et fidĂšlement la RĂ©publique, d’obĂ©ir Ă  ses lois et de les dĂ©fendre par les armes si nĂ©cessaire »[1].

En Espagne, il s’activa Ă  prĂ©parer le coup d’État du 17 juillet 1936. Sa participation Ă  la conspiration aux cĂŽtĂ©s des hauts gradĂ©s Mola, Varela, Galarza et Fanjul, entre autres, est documentĂ©e[1], et contribua Ă  assurer un encadrement compĂ©tent au Mouvement nationaliste[3]. En Ă©chouant partiellement, le coup d’État devait dĂ©boucher sur une guerre civile.

Coup d’État et Guerre civile

Le , dĂšs que la participation du gĂ©nĂ©ral Franco au soulĂšvement eut Ă©tĂ© confirmĂ©e, Mola dĂ©pĂȘcha KindelĂĄn Ă  Cadix d’oĂč, une fois la Guerre civile dĂ©clenchĂ©e, il se transporta Ă  AlgĂ©siras le pour rencontrer le gouverneur britannique de Gibraltar[1] — en effet, les Britanniques, dont les premiĂšres rĂ©actions n’étaient pas dĂ©favorables aux insurgĂ©s, mirent Ă  la disposition de KindelĂĄn leurs lignes aĂ©riennes et tĂ©lĂ©phoniques afin qu’il pĂ»t communiquer avec Berlin et Rome[4] — et, agissant comme une sorte de plĂ©nipotentiaire, pour exposer aux chancelleries europĂ©ennes les enjeux du conflit en cours, avant de rejoindre Franco Ă  Ceuta. NommĂ© chef des Services d’aviation et membre du Conseil supĂ©rieur de l’armĂ©e, il organisa un pont aĂ©rien au-dessus du dĂ©troit de Gibraltar et aida ainsi Ă  dĂ©jouer le blocus rĂ©publicain. S’étant dĂšs le dĂ©but tenu aux cĂŽtĂ©s de Franco, KindelĂĄn devint l’un de ses hommes de confiance, l’assistait en permanence, suivait l’itinĂ©raire du quartier-gĂ©nĂ©ral de Franco et occupait le bureau contigu au sien[5] - [1]. Fin , Franco se constitua une façon de cabinet ministĂ©riel avec notamment son cousin PacĂłn, son frĂšre NicolĂĄs, JosĂ© Antonio de SangrĂłniz, JosĂ© MillĂĄn-Astray, Luis BolĂ­n et KindelĂĄn[6] - [7]. Monarchiste, KindelĂĄn escomptait cependant que Franco restaurerait la monarchie dans les plus brefs dĂ©lais aprĂšs la fin du conflit[8].

KindelĂĄn, mais aussi Orgaz, monarchiste comme lui, s’était tĂŽt avisĂ© de la nĂ©cessitĂ© d’un commandement unique du camp nationaliste. Le , lors d’une premiĂšre rĂ©union des gĂ©nĂ©raux rebelles sur un aĂ©rodrome non loin de Salamanque, KindelĂĄn, allĂ©guant qu’un commandement unique aurait plus de chances qu’un directoire d’apporter la victoire, proposa la candidature de Franco, mais aucun accord ne put ĂȘtre obtenu ce jour-lĂ . RĂ©unis Ă  nouveau le 28, les mĂȘmes intervenants parvinrent finalement, aprĂšs la pression insistante de YagĂŒe et KindelĂĄn, Ă  s’accorder sur la personne du gĂ©nĂ©ral Franco[9] - [10] - [1]. KindelĂĄn allait affirmer plus tard, Ă  l’encontre du tĂ©moignage de Cabanellas, que l’accord conclu portait sur un mandat Ă  la fois militaire et politique confiĂ© Ă  Franco[11]. KindelĂĄn est du reste le seul Ă  avoir laissĂ© un compte rendu Ă©crit de la rĂ©union[12]. La Junte de dĂ©fense nationale nomma KindelĂĄn Chef des forces aĂ©riennes (Jefe del Aire), auquel titre il eut — du moins en thĂ©orie — le haut commandement de toutes les forces aĂ©riennes du camp nationaliste pendant toute la durĂ©e de la guerre, y compris celles de la lĂ©gion Condor allemande et de l’Aviazione Legionaria italienne[13] - [14].

Le survint un incident quand Franco, qui venait de se rĂ©concilier avec son fantasque frĂšre RamĂłn, naguĂšre rĂ©publicain mais ayant de fraĂźche date ralliĂ© les insurgĂ©s, le dota du grade de lieutenant-colonel et lui confia le commandement de la base d’hydravions de Pollença, sur l’üle de Majorque, sans seulement en informer KindelĂĄn, qui Ă©tait pourtant le chef de l’aviation. KindelĂĄn rĂ©agit par l’envoi d’une missive rageuse Ă  Franco, dans laquelle il lui communiqua sans fard son opinion au sujet de cette nomination. Depuis ce moment, et en dĂ©pit des rĂ©sultats favorables pour l’ensemble des opĂ©rations militaires, sa relation avec le Caudillo furent extrĂȘmement tendues[1] - [15] - [16]. À signaler que KindelĂĄn avait dĂ©jĂ  sanctionnĂ© RamĂłn Franco en 1929, aprĂšs sa tentative avortĂ©e de traverser l’Atlantique en hydravion, pour non-respect du rĂšglement prescrivant que l’appareil utilisĂ© devait ĂȘtre de fabrication espagnole[17].

En , KindelĂĄn, mais aussi Orgaz et YagĂŒe, souhaitait ne pas retarder l’offensive sur Madrid, alors que Franco choisit, au motif de « facteurs spirituels », de dĂ©river une partie de ses troupes en direction de TolĂšde pour y dĂ©sencercler l’Alcazar[18]. Certes, compte tenu de l’évolution de la guerre, et aprĂšs que Juan VigĂłn eut convaincu Franco de la nĂ©cessitĂ© d’une issue rapide Ă  la guerre, le gĂ©nĂ©ral Emilio Mola put bientĂŽt concentrer ses attaques sur le front nord, d’une grande importance stratĂ©gique[19]. La stratĂ©gie Ă  adopter deviendra par la suite un point de dĂ©saccord entre Franco et KindelĂĄn, qui notamment lui demanda dans un mĂ©mento d’abandonner ses offensives sur le front de Valence, vu le nombre de pertes humaines et la lenteur de l’avancĂ©e, afin de se focaliser intĂ©gralement sur le front nord[20] - [21]. Il critiqua aussi l’engagement de Franco dans la bataille de l'Èbre, eu Ă©gard Ă  la longue durĂ©e de cette opĂ©ration, laissant entendre en particulier que sa dĂ©cision de lancer cette offensive au lieu d’attaquer directement Barcelone eut pour effet de retarder de quatre mois la fin de la guerre[22].

Concernant le bombardement de Guernica, perpĂ©trĂ© par la lĂ©gion Condor sous les ordres de Von Richthofen, si l’on peut envisager que Franco n’en ait pas Ă©tĂ© informĂ© et qu’il en ait Ă©tĂ© courroucĂ©, il est trĂšs probable en revanche que Mola et KindelĂĄn aient Ă©tĂ© prĂ©alablement consultĂ©s[23]. Quoi qu’il en soit, Franco ordonna Ă  KindelĂĄn de faire parvenir au commandant Richthofen le message suivant :

« Sur indication du GĂ©nĂ©ralissime, je fais part Ă  Votre Excellence que ne devra plus ĂȘtre bombardĂ©e aucune localitĂ© ouverte et sans troupes ou industries militaires sans ordre exprĂšs du GĂ©nĂ©ralissime ou du gĂ©nĂ©ral en chef de la force aĂ©rienne. Sont naturellement exceptĂ©s les objectifs tactiques immĂ©diats du champ de bataille[24]. »

Vers la fin de la Guerre civile, les Allemands prĂ©parĂšrent en collaboration avec KindelĂĄn une grande opĂ©ration aĂ©roportĂ©e, rendue inutile toutefois par la dĂ©bĂącle de l’armĂ©e rĂ©publicaine ; on possĂšde le texte de l’ordre d’opĂ©ration signĂ© de KindelĂĄn, en date du [25].

AprĂšs-guerre civile et Seconde Guerre mondiale

Une fois acquise la victoire du camp nationaliste en 1939, KindelĂĄn commença Ă  se montrer critique envers Franco, qu’il considĂ©rait comme son Ă©gal, non comme un supĂ©rieur. Il voyait le rĂ©gime franquiste comme une rĂ©gence, dans l'attente de la restauration d’Alphonse XIII[26]. AprĂšs la guerre, l’aviation garda pour un temps encore le mĂȘme cadre de fonctionnement, avec KindelĂĄn comme commandant en chef, pendant qu’était en cours la mise en place du ministĂšre de l’Air, ce qui fut chose faite en . L’incident autour de RamĂłn Franco, mais d’autres encore qui avaient envenimĂ© ses rapports avec le chef de l’État, et le fait qu’il eut critiquĂ© vertement l’influence de la Phalange dans l’entourage du Caudillo, s’ajoutant Ă  son caractĂšre peu enclin Ă  l’adulation[27] - [1], feront que KindelĂĄn, bien qu’il eĂ»t Ă©tĂ© le candidat tout dĂ©signĂ© pour prendre en charge le ministĂšre de l’Air attendu qu’il avait exercĂ© comme tel durant la Guerre civile, fut destituĂ© par Franco comme chef des Forces aĂ©riennes et que le gĂ©nĂ©ral Juan YagĂŒe, appartenant pourtant Ă  l’infanterie et ayant fait sa carriĂšre dans la LĂ©gion, fut placĂ© le au poste de nouveau ministre de l’Air et de chef de l’armĂ©e de l’Air[26]. Ne pouvant supporter d’ĂȘtre sous les ordres d’YagĂŒe, et ayant sollicitĂ© de pouvoir retourner Ă  son corps d’origine, il reçut une affectation sur l’üle de Majorque, en qualitĂ© de commandant gĂ©nĂ©ral des BalĂ©ares. En 1940, il monta Ă  lieutenant-gĂ©nĂ©ral et peu aprĂšs, en , prit la tĂȘte de la Capitainerie gĂ©nĂ©rale de la rĂ©gion militaire de Catalogne[1], — fonction conçue par Franco pour Ă©quilibrer les diffĂ©rentes factions militaires et ainsi faire contrepoids au pouvoir de son beau-frĂšre RamĂłn Serrano SĂșñer et de la Phalange —[28] , mais fut abruptement limogĂ© de ce poste pour s’ĂȘtre enhardi Ă  rĂ©unir ses officiers afin de leur expliquer, comme tĂ©moignage de premiĂšre main, l’épisode du commandement unique qui avait eu lieu Ă  Salamanque. Il fut ensuite nommĂ© directeur de l’École supĂ©rieure de l’armĂ©e[1]. En , lors d’un conseil supĂ©rieur de l’armĂ©e, KindelĂĄn avait laissĂ© exploser sa colĂšre, attaquant la mainmise de la bureaucratie phalangiste, qu’il qualifiait d’exubĂ©rante et dont il censurait la corruption et l’incompĂ©tence, annonçant vouloir refuser dĂ©sormais d’assumer le rĂŽle rĂ©pressif assignĂ© Ă  l’armĂ©e par le biais des tribunaux militaires et sous la forme d'exĂ©cutions capitales, dĂ©plorant les conditions lamentables dans lesquelles travaillaient les prisonniers politiques, et s’attaquant vivement Ă  Serrano Suñer, dont il dĂ©nonça le rĂŽle dans la politique d’alliance avec l’Allemagne, alors que rien ne permettait d’assurer que celle-ci finirait par ĂȘtre victorieuse[29] - [30]. Depuis un an dĂ©jĂ , une sorte de parti militaire s’était constituĂ© dont les figures les plus remarquables Ă©taient Orgaz et KindelĂĄn et qui s’opposait nettement Ă  l’idĂ©ologie phalangiste et Ă  l’influence croissante de Serrano Suñer[31].

Sur le plan international, le gouvernement de Franco s’était alignĂ© sur l’Allemagne nazie, en reconnaissance de ce que le camp nationaliste avait bĂ©nĂ©ficiĂ© lors de la Guerre civile d’un important appui aĂ©rien des puissances de l’Axe, par le biais de la lĂ©gion Condor et de l’Aviazione Legionaria. Ce nonobstant, KindelĂĄn penchait pour les AlliĂ©s et alla rejoindre au sein de l’état-major la conspiration monarchiste contre Franco[32] - [33]. En , les gĂ©nĂ©raux qui composaient le Conseil supĂ©rieur de la guerre signĂšrent un mĂ©morandum, rĂ©digĂ© par KindelĂĄn, qui concluait que l’Espagne n’était pas en Ă©tat d’entrer en guerre, surtout en raison de ses problĂšmes Ă©conomiques et de ses pĂ©nuries ; les signataires y critiquaient Ă©galement le rĂŽle de la FET, principal avocat de la guerre, et posaient que l’armĂ©e Ă©tait « le seul instrument disponible pour orienter la politique espagnole »[34]. KindelĂĄn sympathisait avec le gouvernement du Royaume-Uni, Ă  telle enseigne que les Britanniques l’utilisĂšrent (et Ă  cet effet le subornĂšrent — lui, mais aussi et surtout Aranda[35] - [36]), pour presser Franco de restaurer la monarchie et pour forcer l’Espagne Ă  dĂ©clarer sa neutralitĂ© dans la guerre mondiale. Le , l’ambassade d’Allemagne se plaignit de ce que KindelĂĄn avait invitĂ© l’ambassadeur du Royaume-Uni dans sa loge au thĂ©Ăątre du Liceo Ă  Barcelone[37].

Le , tandis que le ministre de l’ArmĂ©e Carlos Asensio faisait pression pour que l’Espagne entre en guerre, KindelĂĄn se rĂ©unit avec Franco et lui conseilla de restaurer la monarchie, dans la perspective d’une victoire alliĂ©e qui lui paraissait certaine, et lui laissa entendre qu’il ne pourrait pas rester au pouvoir au cas oĂč il se compromettrait trop avec l’Axe[38]. KindelĂĄn avait l’appui d’un nombre important de gĂ©nĂ©raux et, bien que Franco n’ait pas rĂ©agi tout d’abord, il lui trouva trois mois plus tard, dĂ©but 1943, un nouveau poste[39].

Entre-temps, le prĂ©tendant Juan de Bourbon s’était rapprochĂ© de l’Angleterre armĂ© d’un plan d'aprĂšs lequel les AlliĂ©s, avec l’aide des monarchistes, envahiraient les Canaries et proclameraient sous son Ă©gide un gouvernement provisoire de rĂ©conciliation nationale. D’aprĂšs quelques auteurs, le plan aurait bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’appui de plusieurs gĂ©nĂ©raux, dont KindelĂĄn[40].

En survint un nouvel incident, lorsque les gĂ©nĂ©raux Orgaz, DĂĄvila, Ponte, Solchaga, Saliquet, Monasterio, Varela et KindelĂĄn adressĂšrent Ă  Franco une lettre collective lui annonçant qu’ils se dĂ©solidarisaient de sa politique « totalitaire » et le priant, en des termes fort emberlificotĂ©s, mais non sans une certaine ĂąpretĂ©, de restaurer la monarchie. Franco manda successivement les signataires Ă  son office, s’entretint avec chacun d’eux seul Ă  seul, et obtint certes ainsi que quelques-uns se rĂ©tractent ; KindelĂĄn toutefois campa quant Ă  lui sur ses positions[41]. À la suite de cet Ă©pisode, KindelĂĄn se trouva davantage encore en ligne de mire et ses relations avec Franco entrĂšrent dans une phase trĂšs pĂ©rilleuse[1].

Le , sur la base de son ouvrage de nature historiographique España ante la Esfinge (littĂ©r. L’Espagne devant le sphinx), KindelĂĄn fut proposĂ© par trois acadĂ©miciens attitrĂ©s de la Real Academia de la Historia comme candidat pour occuper le siĂšge laissĂ© vacant par Luciano Serrano. Admis en , KindelĂĄn prit possession de son fauteuil Ă  la session ordinaire du , mais sans avoir eu l’autorisation de donner lecture de son discours de rĂ©ception, intitulĂ© Acaudilladores y Huestes (± « Chefs de guerre et Hommes de troupe »), comme prescrit par le rĂšglement, sans qu’on ait pu prĂ©ciser Ă  ce jour d’oĂč procĂ©da cette censure[1].

AprĂšs-guerre mondiale

Le , le prince hĂ©ritier Juan de bourbon Ă©crivit Ă  KindelĂĄn, le plus fiable des gĂ©nĂ©raux monarchistes, une lettre expressive dans laquelle il l'avertissait qu’il s’apprĂȘtait Ă  publier ce qui serait son premier manifeste contre Franco[42]. Le comte de Barcelone, convaincu Ă  l'issue de la guerre que les jours de Franco Ă©taient comptĂ©s, nomma un nouveau « gouvernement provisoire » de l’ombre, de tendance monarchiste, dont KindelĂĄn portait la composition dans la poche de son uniforme et dont le prĂ©sident Ă©tait KindelĂĄn lui-mĂȘme (ses ministres Ă©taient Salvador de Madariaga, Gil-Robles, Aranda et Varela)[43]. En aoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e, aprĂšs avoir attaquĂ© Franco dans un discours polĂ©mique favorable Ă  la monarchie, KindelĂĄn fut limogĂ© de l’AcadĂ©mie militaire[44]. Il avait dĂ©sormais tout le loisir de se vouer aux conspirations qui visaient Ă  assurer la montĂ©e sur le trĂŽne de Juan de Bourbon. Son activitĂ© en faveur de la restauration monarchique et son opposition au rĂ©gime franquiste s’intensifiaient en mĂȘme temps que grandissait son risque personnel[1]. Son livre le plus important, Mis cuadernos de guerra (littĂ©r. Mes carnets de guerre), oĂč il relatait les Ă©vĂ©nements de la Guerre civile, tardait Ă  paraĂźtre et un passage oĂč Ă©taient critiquĂ©es les dĂ©cisions de Franco sur le front du Nord fut supprimĂ© par la censure[45]. Lorsque le dĂ©nommĂ© manifeste de Lausanne, oĂč la restauration immĂ©diate de Juan de BorbĂłn Ă©tait demandĂ©e, fit son apparition en , Franco identifia KindelĂĄn comme le principal instigateur dudit manifeste et ordonna son incarcĂ©ration. DĂĄvila lança alors un appel Ă  Franco pour qu’il prenne en considĂ©ration ses services passĂ©s et son Ăąge avancĂ©, 67 ans. Le Caudillo cĂ©da, mais l’envoya en en exil Ă  Garachico, aux Ăźles Canaries, Ă  plus de 2 000 kilomĂštres de Madrid, en escomptant que les autres gĂ©nĂ©raux seraient amenĂ©s Ă  se taire[46] - [47] - [48] - [49]. En , 458 personnalitĂ©s, dont KindelĂĄn, signĂšrent un manifeste dans lequel ils se fĂ©licitaient de l’installation de Don Juan Ă  Estoril, et KindelĂĄn salua Ă  l’École supĂ©rieure de guerre « notre roi Jean III »[50]. À la suite de son discours El momento actual de Europa, prononcĂ© en , il passa deux mois confinĂ© dans le fort de Guadalupe Ă  Fontarrabie (province de GuipĂșzcoa, dans le Pays basque espagnol)[1]. De surcroĂźt, son neveu Juan Manuel KindelĂĄn, Ă©tudiant des Mines, Ă©taient un de ces familiers de vainqueurs de la Guerre civile qui dans les annĂ©es 1950 flirtaient avec les idĂ©es socialistes et communistes et essayaient de crĂ©er des organisations d’opposition et de nouer des relations avec les exilĂ©s[51].

Cependant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en prĂ©sence dĂ©sormais de deux grandes puissances internationales, États-Unis et Union soviĂ©tique, le gouvernement franquiste Ă©volua en direction d’une posture monarchique. En 1947, la loi de Succession dĂ©finissait pour la premiĂšre fois l’État espagnol comme « royaume », encore que la fonction de chef de l’État ait continuĂ© Ă  ĂȘtre attribuĂ©e nominativement Ă  Franco, qui Ă©tait habilitĂ© Ă  proposer Ă  tout moment devant les Cortes la personne de son successeur, au titre de roi ou de rĂ©gent.

Armoiries du marquisat de KindelĂĄn.

Le , le gĂ©nĂ©ral KindelĂĄn, ĂągĂ© de 70 ans, alla rejoindre la rĂ©serve active[52]. En 1956, il visita la rĂ©publique d'Irlande, patrie de ses ancĂȘtres, oĂč il lui fut rendu hommage par l’attribution le , des mains du prĂ©sident Eamon de Valera, dans les locaux de l’universitĂ© de Dublin, du titre de docteur honoris causa[1].

KindelĂĄn fut en partie rĂ©habilitĂ© dans ses derniĂšres annĂ©es, occupa son fauteuil Ă  la Real Academia de la Historia et se vit dĂ©cerner la Medalla AĂ©rea, qu’il ne voulut accepter que moyennant l’approbation de Juan de BorbĂłn. En 1961, KindelĂĄn fut dotĂ© du titre nobiliaire de marquis de KindelĂĄn[53], confĂ©rĂ© eu Ă©gard :

« ...aux mĂ©rites acquis par le Lieutenant-GĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e, don Alfredo KindelĂĄn y Duany, qui eut la responsabilitĂ© directe du commandement supĂ©rieur des Forces aĂ©riennes, lesquelles maintinrent victorieusement dans les cieux de l’Espagne leur domination durant toute la campagne, je viens exprimer la reconnaissance de la Nation pour les services rendus Ă  la Croisade nationale. »

— DĂ©cret 1757/1961, [54].

KindelĂĄn mourut l’annĂ©e suivante Ă  Madrid, tandis que l’Espagne Ă©tait toujours sous le rĂ©gime franquiste. Actuellement, l’armĂ©e de l’air espagnole entretient en son honneur une chaire KindelĂĄn, crĂ©Ă©e en 1988 par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© SĂĄnchez MĂ©ndez et consacrĂ©e Ă  l’étude et l’analyse de la pensĂ©e militaire et de l’histoire aĂ©rienne[1].

Publications d'Alfredo KindelĂĄn

  • Las ascensiones libres en la compañía de aerostaciĂłn, 1905
  • Globos dirigibles, 1909
  • Dirigibles y Aeroplanos, editorial Memorial de ingenieros del ejĂ©rcito, 1910
  • La flota aĂ©rea española, 1916
  • España ante la esfinge, editorial Plus Ultra, 1942
  • El generalato y el general: misiones y cualidades, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1943 (confĂ©rence prononcĂ©e Ă  l'occasion de l'inauguration du troisiĂšme cursus de commandement, Escuela Superior del EjĂ©rcito
  • España, ente geopolĂ­tico singular, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1943 (confĂ©rence prononcĂ©e Ă  l'occasion de la cĂ©rĂ©monie inaugurale du 4e cursus de commandement supĂ©rieur, Escuela Superior del EjĂ©rcito)
  • Ciclo de lecciones militares de la hora presente, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1944 (confĂ©rence de la 4e et 5e heure, Escuela Superior del EjĂ©rcito)
  • La guerra en el MediterrĂĄneo y Norte de África, editorial Idea, 1944, Tomo V, collection Historia de la Segunda Guerra Mundial
  • La prĂłxima guerra, editorial Manuel Aguilar, 1945
  • Plus Ultra, Madrid, 1945
  • Mis cuadernos de guerra, Madrid, 1945
  • EjĂ©rcito y polĂ­tica, Editorial Aguilar, Madrid, 1947
  • Europa, su forja en cien batallas, editorial J. Pueyo, Madrid, 1952
  • Clima de guerra, editorial Aguilar, 1952
  • BiografĂ­a del Señor D. Pedro Vives Vich, general de Ingenieros, fundador y primer jefe de la AeronĂĄutica española, editorial Rex, Barcelona, 1955
  • Cuatro novias inglesas, editorial Destino, Barcelona, 1960
  • El problema de los ejĂ©rcitos, editorial EuramĂ©rica, Madrid, 1961
  • Mis cuadernos de guerra, editorial Planeta, Barcelona, 1982, (ISBN 84-320-5677-4) (seconde rĂ©Ă©dition du livre publiĂ© en 1945, mais avec rĂ©insertion des passages supprimĂ©s par la censure franquiste).
  • La verdad de mis relaciones con Franco, Barcelone, Planeta, , 409 p. (ISBN 978-84-320-5665-9) (Ă©d. posthume)

Notes et références

Références

  1. (es) Cecilio Yusta Viñas, « Alfredo Kindelån y Duany (dans Diccionario Biogråfico Español) », Madrid, Real Academia de la Historia, (consulté le )
  2. P. Preston (1994), p. 73
  3. B. Bennassar (2004), p. 197
  4. B. Bennassar (2004), p. 139 & 153
  5. B. Bennassar (1995), p. 106
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  7. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 174
  8. P. Preston (1994), p. 180
  9. B. Bennassar (1995), p. 109
  10. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 176
  11. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 183
  12. Dans La verdad de mis relations con Franco (1981), p. 29, reproduit en partie dans S. Payne & J. Palacios (2014), p. 178.
  13. P. Preston (1994), p. 176
  14. B. Bennassar (2004), p. 144
  15. A. Bachoud (1997), p. 144
  16. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 209
  17. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 83
  18. B. Bennassar (2004), p. 108
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  20. P. Preston (1994), p. 304-305
  21. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 235
  22. P. Preston (1994), p. 311
  23. B. Bennassar (2004), p. 208
  24. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 229
  25. B. Bennassar (2004), p. 271
  26. P. Preston (1994), p. 339-340
  27. A. Bachoud (1997), p. 207
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  29. A. Bachoud (1997), p. 220
  30. B. Bennassar (1995), p. 150
  31. B. Bennassar (1995), p. 149
  32. (es) Paul Preston, « Franco y sus generales », El PaĂ­s, Madrid,‎ (lire en ligne) (El gran manipulador, Ediciones B, 1re Ă©dition, Barcelone, 2008, (ISBN 978-84-666-3829-6))
  33. (es) Ricardo de la Cierva, Franco, la historia, Madrid, Editorial Fénix, coll. « Serie Måxima », , 1107 p. (ISBN 978-84-88787-34-7), p. 389
  34. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 293
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  36. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 342
  37. «Des manifestations de cette nature n’ont aucune utilitĂ© pour l’Espagne et occasionnent, au contraire, de sĂ©rieux inconvĂ©nients qui contrarient notre politique, si dĂ©licate et difficile, expliqua Serrano Ă  Franco en commentant cette protestation», Klaus-Jörg Ruhl, Spanien im Zweiten Weltktrieg. Franco, die Falange und das Dritte Reich, Hambourg, 1975, p. 102.
  38. B. Bennassar (1995), p. 155 & 285
  39. P. Preston (1994), p. 478-479
  40. A. Bachoud (1997), p. 228
  41. B. Bennassar (1995), p. 158 & 286
  42. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 364
  43. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 370
  44. P. Preston (1994), p. 543
  45. P. Preston (1994), p. 281
  46. A. Bachoud (1997), p. 282
  47. P. Preston (1994), p. 551
  48. B. Bennassar (1995), p. 171
  49. S. Payne & J. Palacios (2014), p. 382
  50. B. Bennassar (1995), p. 170
  51. B. Bennassar (1995), p. 194
  52. A. Bachoud (1997), p. 292
  53. DĂ©cret 1757/1961 du . Cf. : BOE (jiournal officiel), 2 octobre 1961.
  54. BOE, .

Bibliographie

  • (es) Alfredo KindelĂĄn, La verdad de mis relaciones con Franco, Barcelone, Planeta, (ISBN 978-84-320-5665-9)
  • (es) Gabriel Cardona, A golpes de sable : los grandes militares que han marcado la historia de España, Barcelone, Ariel, , 460 p. (ISBN 978-84-344-5246-6, lire en ligne)
  • (es) Rafael Ángel Permuy LĂłpez et JosĂ© Luis GonzĂĄlez Serrano, AviaciĂłn Militar Española, Madrid, Tikal, , 254 p. (ISBN 978-84-9928-066-0), p. 13 et suivantes
  • (es) Paul Preston, Franco : caudillo de España, Barcelone, Grijalbo, (ISBN 978-84-253-2498-7)
  • BartolomĂ© Bennassar, Franco, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re Ă©d. 1995) (ISBN 978-2-262-01895-5).
  • BartolomĂ© Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses lendemains, Paris, Perrin, , 548 p. (ISBN 2-262-02001-9)
  • AndrĂ©e Bachoud, Franco, ou la rĂ©ussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2-213-02783-8)
  • (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco. Una biografĂ­a personal y polĂ­tica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7)
  • (es) Cecilio Yusta Viñas, Pioneros de la AviaciĂłn, Madrid, Servicio HistĂłrico y Cultural del EjĂ©rcito del Aire,

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