Alfredo KindelĂĄn
Alfredo Kindelån Duany (Santiago de Cuba, 1879 - Madrid, 1962) était un ingénieur militaire, aérostier, aviateur, enseignant, essayiste, historien et mémorialiste espagnol.
Alfredo KindelĂĄn | ||
Alfredo KindelĂĄn en 1940 | ||
Naissance | Santiago de Cuba |
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DĂ©cĂšs | (Ă 83 ans) Madrid |
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Origine | Espagnole (ascendances irlandaises) | |
AllĂ©geance | Royaume d'Espagne (1907-1931) RĂ©publique espagnole (1931-1936) Camp nationaliste (1936-1939) Ătat espagnol (1939-1952) |
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Arme | ArmĂ©e de lâair | |
Grade | Général de brigade | |
Années de service | 1899 | |
Commandement | Commandant en chef des forces aériennes espagnoles | |
Conflits | Guerre du Rif Guerre d'Espagne |
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Faits d'armes | DĂ©barquement d'Al Hoceima | |
Distinctions | MĂ©daille militaire | |
Hommages | Docteur honoris causa de lâuniversitĂ© de Dublin | |
PrĂ©curseur dans le domaine des dirigeables et pionnier de lâaviation, il cofonda la force aĂ©rienne espagnole, quâil constitua â conformĂ©ment Ă sa doctrine â en corps dâarmĂ©e autonome et Ă visĂ©e nettement offensive. NommĂ© chef de lâAviation du Maroc, il engagea la force aĂ©rienne dans des opĂ©rations militaires dans le Rif, et en particulier lors du dĂ©barquement amphibie dâAl Hoceima en 1925. AprĂšs lâinstauration abrupte de la rĂ©publique en 1931, KindelĂĄn, monarchiste affichĂ©, se mit dâemblĂ©e Ă conspirer contre le nouveau rĂ©gime, et adhĂ©ra au coup dâĂtat militaire du 18 juillet 1936, devenant dans la guerre civile qui sâensuivit lâun des fidĂšles collaborateurs du gĂ©nĂ©ral Franco, notamment au titre de chef de la force aĂ©rienne, et Ćuvrant fin pour la nomination de Franco au rang de commandant suprĂȘme (generalĂsimo).
Une fois la victoire acquise durant la guerre civile espagnole, quand il devint clair que Franco entendait pĂ©renniser sa dictature personnelle au lieu de rĂ©tablir la monarchie que KindelĂĄn appelait de ses vĆux, celui-ci se retourna contre Franco, conspirant contre lui, sâopposant Ă lâentrĂ©e en guerre de lâEspagne aux cĂŽtĂ©s de lâAxe souhaitĂ©e par la Phalange, signant pendant et aprĂšs la guerre dĂ©clarations et manifestes monarchistes en faveur du prĂ©tendant Alphonse XIII dâabord, de Juan de Bourbon ensuite, etc., ce qui lui valut une pĂ©riode de disgrĂące, voire â Ă lâĂąge de 69 ans â plusieurs mois de forteresse.
Parmi les nombreux Ă©crits laissĂ©s par KindelĂĄn figurent, outre un ensemble dâouvrages techniques sur lâaviation, quelques livres dâhistoire, des essais, et surtout son journal de la Guerre civile, dont la premiĂšre Ă©dition fut expurgĂ©e par la censure franquiste.
Biographie
Origines et formation
NĂ© Ă Santiago de Cuba, dans ce qui Ă©tait encore la Capitainerie gĂ©nĂ©rale de Cuba, KindelĂĄn Ă©tait le fils de lâingĂ©nieur militaire Ultano KindelĂĄn (petit-fils de SebastiĂĄn KindelĂĄn) et de Manuela Duany, tous deux appartenant Ă de trĂšs anciennes familles espagnoles dâorigine irlandaise, aisĂ©es et de longue tradition militaire, dont la prĂ©sence en Espagne remontait Ă 1673, date Ă laquelle les frĂšres Ultano et Vincent KindelĂĄn furent admis dans lâarmĂ©e espagnole[1].
Sa famille, qui avait dĂ©mĂ©nagĂ© de Cuba pour lâEspagne en 1882 en raison dâun changement dâaffectation du pĂšre, perdit la totalitĂ© de sa fortune par suite de la guerre contre les Ătats-Unis de 1898. Orphelin de pĂšre dĂšs 13 ans, KindelĂĄn entra en , sur concours Ă lâĂąge de 14 ans, comme cadet Ă lâAcadĂ©mie dâingĂ©nieurs de Guadalajara, dont il sortit premier-lieutenant en 1899. Il sollicita alors, et obtint, lâautorisation dâaccomplir des missions pour le compte de la CompañĂa de AeroestaciĂłn (littĂ©r. Compagnie dâaĂ©rostation), et fut versĂ© en 1900 dans la CompañĂa del Parque AerostĂĄtico. Cette annĂ©e-lĂ , il rĂ©alisa sa premiĂšre ascension en ballon captif, avec pour mentor le commandant, et futur ami, Pedro Vives Vich, qui lui enseigna quasiment tout sur lâart de piloter les ballons[1].
Pilote dâaĂ©rostat et de dirigeable
En 1901, ayant Ă©tĂ© admis Ă lâĂcole pratique de la CompañĂa de AeroestaciĂłn, KindelĂĄn fut amenĂ© Ă effectuer, d'abord comme membre dâĂ©quipage, un grand nombre dâascensions, aussi bien en ballon captif que libre, puis se vit confier le le commandement de ce qui sera sa 5e ascension en ballon, rĂ©alisĂ©e Ă lâentiĂšre satisfaction de ses supĂ©rieurs, ce qui lui valut le brevet de pilote aĂ©rostier. Il devint ensuite Ă©galement le premier pilote espagnol de dirigeable, et fut promu capitaine en 1905[1].
En mars de la mĂȘme annĂ©e, KindelĂĄn conçut un projet de statuts du futur Real Aero Club de España (RACE), projet approuvĂ© Ă Madrid par les 73 candidats sociĂ©taires, qui Ă©lurent KindelĂĄn vice-prĂ©sident[1].
Il participa entre 1905 et 1908 aux travaux de conception et de construction du prototype de dirigeable semi-rigide de lâingĂ©nieur Leonardo Torres Quevedo, qui fut brevetĂ© en 1906. En , il se rendit Ă Paris en mission de service pour y reprĂ©senter lâEspagne au prestigieux concours aĂ©rostatique international Gordon Benett, lors duquel, Ă lâissue dâun parcours accidentĂ©, il fut contraint dâatterrir en urgence Ă proximitĂ© de Chichester en Grande-Bretagne. Fin 1905, il publia dans les colonnes de la revue Memorial de Ingenieros sa premiĂšre publication, intitulĂ©e Las ascensiones libres en la CompañĂa de AeroestaciĂłn, traitĂ© pouvant, dans la pratique, faire office de manuel pour la formation des futurs aĂ©rostiers. Plus tard, il fera paraĂźtre les ouvrages Dirigibles y Aeroplanos (1910) et La flota aĂ©rea española (1916)[1].
En , un accident spectaculaire le propulsa Ă la cĂ©lĂ©britĂ©. Ayant pris part au concours de ballons de Valence Ă bord du MarĂa Teresa, il fut emportĂ© par un orage et projetĂ© dans les eaux de la MĂ©diterranĂ©e, oĂč il sĂ©journa pendant 22 heures avant dâĂȘtre sauvĂ© par un cargo britannique, qui le dĂ©posa Ă terre dans le port de Garrucha, dans la province dâAlmerĂa[1].
Fin , KindelĂĄn se rendit Ă Berlin en vue dâune deuxiĂšme participation Ă la coupe Gordon Bennett, en compagnie de son camarade le capitaine Emilio Herrera Linares, lui aussi inscrit au concours, et y pilota le ballon Valencia, Ă bord duquel il accomplit un vol de 500 kilomĂštres jusquâĂ l'atterrissage au terme dâun pĂ©riple aĂ©rien de 29 heures. Sâen revenant Ă Madrid, il fit escale Ă Paris pour assister au Mans le aux dĂ©monstrations de lâAmĂ©ricain Wilbur Wright, premiĂšre fois oĂč il put voir voler un aĂ©roplane, ce qui lui laissa une vive impression[1].
Aviation militaire
KindelĂĄn contribua dans les deux premiĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle Ă crĂ©er et dĂ©velopper la premiĂšre force aĂ©ronautique espagnole. En 1909, le ministĂšre de la Guerre, sâĂ©tant avisĂ© du potentiel de lâaviation comme arme de guerre, Ă©tait parvenu Ă intĂ©resser le gouvernement espagnol Ă un projet dâacquisition dâaĂ©roplanes pour lâarmĂ©e. Ainsi, en mars de la mĂȘme annĂ©e, Vives et KindelĂĄn furent-ils missionnĂ©s pour Ă©tudier Ă Pau les caractĂ©ristiques de lâavion des frĂšres Wright[1].
Vers la fin de 1909, la revue Memorial de Ingenieros publia un nouvel article de KindelĂĄn, intitulĂ© Globos y Dirigibles (littĂ©r. Ballons et Dirigeables), oĂč il relatait ses expĂ©riences lors des vols dâessai sur le dirigeable de Torres Quevedo. En , chargĂ© dâĂ©valuer pendant un mois Ă Paris lâacquisition par lâEspagne dâun certain nombre dâaĂ©roplanes, il lui fut donnĂ© dâessayer et de piloter les appareils proposĂ©s par les diffĂ©rents fabricants[1].
Ă la fin de lâannĂ©e, il fit paraĂźtre dans Memorial de Ingenieros un copieux article, en cinq livraisons, portant le titre gĂ©nĂ©rique de Aeroplanos, qui dans la pratique pouvait tenir lieu dâexcellent traitĂ© dâaĂ©rodynamique, de stabilitĂ©, de pilotage et de propulsion, fort utile Ă la formation des futurs pilotes dâavion[1].
En , il participa, pour le compte de la Commission dâexpĂ©rimentation (ComisiĂłn de Experiencias), aux travaux dâĂ©tude et dâexpĂ©rimentation des trois premiers aĂ©roplanes acquis par lâarmĂ©e espagnole, et fut chargĂ© dans le mĂȘme temps de diriger lâaĂ©rodrome de Cuatro Vientos prĂšs de Madrid, oĂč avait Ă©tĂ© Ă©tablie, avec lâaide du colonel Vives, lâĂcole dâaviation militaire, pour les besoins de laquelle furent recrutĂ©s deux professeurs français. Ă lâissue de 43 vols comme Ă©lĂšve, totalisant cinq heures et trente minutes de vol rĂ©alisĂ©es Ă bord dâavions Henri Farman du au , le capitaine KindelĂĄn fut dĂ©clarĂ© apte comme pilote aviateur et affectĂ© du numĂ©ro un de la premiĂšre promotion, câest-Ă -dire devenait le tout premier pilote de lâaviation militaire espagnole. En , il assista Ă un concours militaire britannique dâaĂ©roplanes, oĂč il effectua plusieurs vols dâessai sur diffĂ©rents appareils, avant de visiter quelques aĂ©rodromes dans le Nord de la France. Poursuivant ses activitĂ©s dâenseignant, il termina lâannĂ©e avec un total de 526 vols, pour la plupart avec des Ă©lĂšves, en plus de trois vols qui, par leur durĂ©e, constituaient de vĂ©ritables prouesses, dont un fut une primeur, car effectuĂ© en soutien aux troupes au sol lors des premiĂšres manĆuvres espagnoles avec appui aĂ©rien[1].
Ă la mi-1912, fort de son expĂ©rience et de ses connaissances acquises, il rĂ©digea un rapport oĂč il plaidait pour la crĂ©ation dâune arme, ou Corps spĂ©cial, dâaviation indĂ©pendant, et oĂč affleuraient les deux idĂ©es centrales de la doctrine de KindelĂĄn concernant lâemploi de lâaviation militaire, Ă savoir : lâautonomie, qui nĂ©cessitait quâelle soit convertie en arme Ă part ; et une fonction de nature fondamentalement offensive. Ledit rapport servit de base Ă lâĂ©laboration du DĂ©cret officiel du portant crĂ©ation du Service de lâaviation militaire[1].
En , KindelĂĄn reçut un tĂ©lĂ©gramme de Vives lui annonçant lâĂ©ventualitĂ© quâun quelconque avion soit requis dâintervenir au Maroc. KindelĂĄn ordonna que soit prĂ©parĂ©e dâurgence une escadrille avec son parc mobile de rĂ©serve. La premiĂšre escadrille expĂ©ditionnaire arriva Ă lâaĂ©rodrome de TĂ©touan fin octobre et dĂ©but novembre, effectuant ensuite lâhistorique premier vol de lâAviation militaire espagnole, dâune durĂ©e de 8 minutes, dans le ciel marocain. Le , KindelĂĄn Ă©mit lâordre suivant : « Demain, lâescadrille inaugurera son action offensive en larguant des bombes sur les zones de peuplement de lâembouchure du Haira, collaborant ainsi avec les troupes lors de la petite opĂ©ration ordonnĂ©e par le Haut Commandement ». Lâimportance de cette opĂ©ration modeste, oĂč des bombes Ă©taient lancĂ©es Ă la main et sans viseur, rĂ©sidait en ce quâelle mettait en Ćuvre une nouvelle arme de guerre, cette mission militaire Ă©tant en effet la premiĂšre rĂ©alisĂ©e par lâaviation espagnole[1].
En 1915, KindelĂĄn fut nommĂ© directeur de lâĂcole nationale dâaviation (ENA), Ă©cole destinĂ©e Ă la formation de pilotes civils et Ă©tablie Ă Getafe, et remplira cette fonction jusquâen , date Ă laquelle il fut requis, en considĂ©ration de sa formation dâaviateur, de rejoindre lâĂ©tat-major central, oĂč il resta jusquâen , le temps de mettre au point un plan dâorganisation de lâarmĂ©e[1]. Il mit sur pied en 1921 Ă Los AlcĂĄzares (dans la province de Murcie) lâEscuela de Combate y Bombardeo.
Maroc
En 1922, KindelĂĄn fut nommĂ© Chef des Forces aĂ©riennes dâAfrique, ce quâil mit Ă profit pour rĂ©viser et amĂ©liorer dans la mesure de ses possibilitĂ©s le matĂ©riel et lâinfrastructure de vol et pour imposer aux opĂ©rations de la force aĂ©rienne une orientation sensiblement plus offensive, sans pour autant abandonner totalement lâappui tactique aux lignes de front[1].
En , alors nouvellement promu lieutenant-colonel (par lâeffet de lâanciennetĂ©), KindelĂĄn remplaça au pied levĂ© un copilote bombardier qui ne sâĂ©tait pas prĂ©sentĂ© Ă lâaĂ©rodrome de Nador, et prit place sur le siĂšge gauche de lâappareil Bristol 49, en vue dâune mission de bombardement. Pendant cette mission, il fut atteint par un coup de feu Ă lâĂ©paule et au cou, qui entraĂźna une forte hĂ©morragie et une paralysie. Lâavion atterrit Ă proximitĂ© de troupes de la LĂ©gion, oĂč KindelĂĄn reçut les premiers soins, avant dâĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă l'hĂŽpital militaire de Melilla, puis Ă©vacuĂ© sur Madrid. Il sera inapte au service pendant quasiment un an[1].
En , il fut chargĂ© dâorganiser et de diriger un cours spĂ©cialement conçu Ă lâintention des chefs dâaviation, premier du genre pour commandants dâunitĂ©s tactiques aĂ©riennes. Il recueillit dans son livre Conferencias TeĂłricas ce que lâon peut considĂ©rer comme sa doctrine en matiĂšre de mise en Ćuvre de la force aĂ©rienne[1].
En , il fut rappelĂ© dâurgence au Maroc pour y commander Ă Melilla lâEscadre expĂ©ditionnaire, composante aĂ©rienne de lâopĂ©ration amphibie du dĂ©barquement d'Al Hoceima (en espagnol Alhucemas), au lendemain de laquelle il fut rĂ©compensĂ© « pour les services accomplis et mĂ©ritĂ©s acquis » par une promotion au grade de colonel[1].
Directeur gĂ©nĂ©ral de lâAĂ©ronautique
En 1926, Miguel Primo de Rivera le nomma directeur gĂ©nĂ©ral de lâAĂ©ronautique. Câest vers cette annĂ©e-lĂ que furent lancĂ©s les grands vols de lâaviation espagnole autour du monde, tels que celui du Plus Ultra pilotĂ© par RamĂłn Franco (frĂšre cadet du futur dictateur Francisco Franco), entre Palos de la Frontera et Buenos Aires, celui de la patrouille Atlantide (Patrulla AtlĂĄntida), lors duquel trois hydravions firent le voyage aller-retour de GuinĂ©e Ă©quatoriale, celui de lâescadrille Elcano, oĂč trois Breguet 19 dĂ©collĂšrent de Madrid pour Manille, mais oĂč seul un dâentre eux, sous le commandement dâEduardo GonzĂĄlez-Gallarza et de JoaquĂn Loriga, parvint Ă destination, et ceux du JesĂșs del Gran Poder, un Breguet 19 qui effectua en 1927 un pĂ©riple le menant au BrĂ©sil, au Paraguay, en Argentine, au Chili, au PĂ©rou, en Colombie, au Panama, au Honduras et Ă Cuba.
En 1927, KindelĂĄn prĂ©senta un projet, qui sera approuvĂ©, de crĂ©er le Commandement supĂ©rieur de lâAĂ©ronautique (en espagnol Jefatura Superior de AeronĂĄutica), lequel projet impliquait la quasi-indĂ©pendance de la force aĂ©rienne vis-Ă -vis des autres armes et corps de lâarmĂ©e de terre espagnole. Au long des quatre annĂ©es quâil travailla au sein de ce Commandement, il Ćuvra Ă doter lâaviation espagnole dâune identitĂ© propre, tant et si bien que, par son organisation et par ses caractĂ©ristiques, elle finit par ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une arme neuve, jouissant dâune ample autonomie, avec tableau dâavancement sĂ©parĂ©, des fonctions exclusives, des catĂ©gories professionnelles nouvelles, avec y compris un uniforme particulier (vert foncĂ©) et des insignes spĂ©cifiques[1]. En 1929, KindelĂĄn fut promu gĂ©nĂ©ral de brigade et alla prĂ©sider le Conseil supĂ©rieur de lâaĂ©ronautique.
Proclamation de la république et conspiration
En , KindelĂĄn monta au grande de gĂ©nĂ©ral de brigade, et cessa Ă partir de , en mĂȘme temps que Primo de Rivera sâĂ©vanouissait de la scĂšne politique, de travailler comme Commandant suprĂȘme de lâaĂ©ronautique, et passa Ă prĂ©sider le Conseil supĂ©rieur de lâaĂ©ronautique[1]. Entre-temps, Alfonso XIII, aprĂšs lâĂ©chec de la dictature de Primo de Rivera, quâil avait appuyĂ©e de façon dĂ©cisive, sâĂ©tait vu forcĂ©, une fois la RĂ©publique proclamĂ©e, de sâexiler Ă Rome. De sa propre initiative, KindelĂĄn, monarchiste dĂ©clarĂ©, sâexila Ă son tour en prenant le chemin de la France, puis de la Suisse[2], oĂč il trouva Ă sâemployer comme ingĂ©nieur dans lâentreprise Saurer Ă Arbon. En 1934, aprĂšs lâavĂšnement dâun gouvernement conservateur plus favorable Ă ses positions, il obtint de la maison Saurer dâĂȘtre nommĂ© reprĂ©sentant en Espagne et retourna ainsi Ă Madrid[1]. Ă noter quâil avait auparavant sollicitĂ© le ministre de la Guerre de lâassigner Ă la deuxiĂšme rĂ©serve, ce qui lui avait permis dâĂ©viter dâavoir Ă signer le court texte dâadhĂ©sion Ă©nonçant : « Je promets sur mon honneur de servir bien et fidĂšlement la RĂ©publique, dâobĂ©ir Ă ses lois et de les dĂ©fendre par les armes si nĂ©cessaire »[1].
En Espagne, il sâactiva Ă prĂ©parer le coup dâĂtat du 17 juillet 1936. Sa participation Ă la conspiration aux cĂŽtĂ©s des hauts gradĂ©s Mola, Varela, Galarza et Fanjul, entre autres, est documentĂ©e[1], et contribua Ă assurer un encadrement compĂ©tent au Mouvement nationaliste[3]. En Ă©chouant partiellement, le coup dâĂtat devait dĂ©boucher sur une guerre civile.
Coup dâĂtat et Guerre civile
Le , dĂšs que la participation du gĂ©nĂ©ral Franco au soulĂšvement eut Ă©tĂ© confirmĂ©e, Mola dĂ©pĂȘcha KindelĂĄn Ă Cadix dâoĂč, une fois la Guerre civile dĂ©clenchĂ©e, il se transporta Ă AlgĂ©siras le pour rencontrer le gouverneur britannique de Gibraltar[1] â en effet, les Britanniques, dont les premiĂšres rĂ©actions nâĂ©taient pas dĂ©favorables aux insurgĂ©s, mirent Ă la disposition de KindelĂĄn leurs lignes aĂ©riennes et tĂ©lĂ©phoniques afin quâil pĂ»t communiquer avec Berlin et Rome[4] â et, agissant comme une sorte de plĂ©nipotentiaire, pour exposer aux chancelleries europĂ©ennes les enjeux du conflit en cours, avant de rejoindre Franco Ă Ceuta. NommĂ© chef des Services dâaviation et membre du Conseil supĂ©rieur de lâarmĂ©e, il organisa un pont aĂ©rien au-dessus du dĂ©troit de Gibraltar et aida ainsi Ă dĂ©jouer le blocus rĂ©publicain. SâĂ©tant dĂšs le dĂ©but tenu aux cĂŽtĂ©s de Franco, KindelĂĄn devint lâun de ses hommes de confiance, lâassistait en permanence, suivait lâitinĂ©raire du quartier-gĂ©nĂ©ral de Franco et occupait le bureau contigu au sien[5] - [1]. Fin , Franco se constitua une façon de cabinet ministĂ©riel avec notamment son cousin PacĂłn, son frĂšre NicolĂĄs, JosĂ© Antonio de SangrĂłniz, JosĂ© MillĂĄn-Astray, Luis BolĂn et KindelĂĄn[6] - [7]. Monarchiste, KindelĂĄn escomptait cependant que Franco restaurerait la monarchie dans les plus brefs dĂ©lais aprĂšs la fin du conflit[8].
KindelĂĄn, mais aussi Orgaz, monarchiste comme lui, sâĂ©tait tĂŽt avisĂ© de la nĂ©cessitĂ© dâun commandement unique du camp nationaliste. Le , lors dâune premiĂšre rĂ©union des gĂ©nĂ©raux rebelles sur un aĂ©rodrome non loin de Salamanque, KindelĂĄn, allĂ©guant quâun commandement unique aurait plus de chances quâun directoire dâapporter la victoire, proposa la candidature de Franco, mais aucun accord ne put ĂȘtre obtenu ce jour-lĂ . RĂ©unis Ă nouveau le 28, les mĂȘmes intervenants parvinrent finalement, aprĂšs la pression insistante de YagĂŒe et KindelĂĄn, Ă sâaccorder sur la personne du gĂ©nĂ©ral Franco[9] - [10] - [1]. KindelĂĄn allait affirmer plus tard, Ă lâencontre du tĂ©moignage de Cabanellas, que lâaccord conclu portait sur un mandat Ă la fois militaire et politique confiĂ© Ă Franco[11]. KindelĂĄn est du reste le seul Ă avoir laissĂ© un compte rendu Ă©crit de la rĂ©union[12]. La Junte de dĂ©fense nationale nomma KindelĂĄn Chef des forces aĂ©riennes (Jefe del Aire), auquel titre il eut â du moins en thĂ©orie â le haut commandement de toutes les forces aĂ©riennes du camp nationaliste pendant toute la durĂ©e de la guerre, y compris celles de la lĂ©gion Condor allemande et de lâAviazione Legionaria italienne[13] - [14].
Le survint un incident quand Franco, qui venait de se rĂ©concilier avec son fantasque frĂšre RamĂłn, naguĂšre rĂ©publicain mais ayant de fraĂźche date ralliĂ© les insurgĂ©s, le dota du grade de lieutenant-colonel et lui confia le commandement de la base dâhydravions de Pollença, sur lâĂźle de Majorque, sans seulement en informer KindelĂĄn, qui Ă©tait pourtant le chef de lâaviation. KindelĂĄn rĂ©agit par lâenvoi dâune missive rageuse Ă Franco, dans laquelle il lui communiqua sans fard son opinion au sujet de cette nomination. Depuis ce moment, et en dĂ©pit des rĂ©sultats favorables pour lâensemble des opĂ©rations militaires, sa relation avec le Caudillo furent extrĂȘmement tendues[1] - [15] - [16]. Ă signaler que KindelĂĄn avait dĂ©jĂ sanctionnĂ© RamĂłn Franco en 1929, aprĂšs sa tentative avortĂ©e de traverser lâAtlantique en hydravion, pour non-respect du rĂšglement prescrivant que lâappareil utilisĂ© devait ĂȘtre de fabrication espagnole[17].
En , KindelĂĄn, mais aussi Orgaz et YagĂŒe, souhaitait ne pas retarder lâoffensive sur Madrid, alors que Franco choisit, au motif de « facteurs spirituels », de dĂ©river une partie de ses troupes en direction de TolĂšde pour y dĂ©sencercler lâAlcazar[18]. Certes, compte tenu de lâĂ©volution de la guerre, et aprĂšs que Juan VigĂłn eut convaincu Franco de la nĂ©cessitĂ© dâune issue rapide Ă la guerre, le gĂ©nĂ©ral Emilio Mola put bientĂŽt concentrer ses attaques sur le front nord, dâune grande importance stratĂ©gique[19]. La stratĂ©gie Ă adopter deviendra par la suite un point de dĂ©saccord entre Franco et KindelĂĄn, qui notamment lui demanda dans un mĂ©mento dâabandonner ses offensives sur le front de Valence, vu le nombre de pertes humaines et la lenteur de lâavancĂ©e, afin de se focaliser intĂ©gralement sur le front nord[20] - [21]. Il critiqua aussi lâengagement de Franco dans la bataille de l'Ăbre, eu Ă©gard Ă la longue durĂ©e de cette opĂ©ration, laissant entendre en particulier que sa dĂ©cision de lancer cette offensive au lieu dâattaquer directement Barcelone eut pour effet de retarder de quatre mois la fin de la guerre[22].
Concernant le bombardement de Guernica, perpĂ©trĂ© par la lĂ©gion Condor sous les ordres de Von Richthofen, si lâon peut envisager que Franco nâen ait pas Ă©tĂ© informĂ© et quâil en ait Ă©tĂ© courroucĂ©, il est trĂšs probable en revanche que Mola et KindelĂĄn aient Ă©tĂ© prĂ©alablement consultĂ©s[23]. Quoi quâil en soit, Franco ordonna Ă KindelĂĄn de faire parvenir au commandant Richthofen le message suivant :
« Sur indication du GĂ©nĂ©ralissime, je fais part Ă Votre Excellence que ne devra plus ĂȘtre bombardĂ©e aucune localitĂ© ouverte et sans troupes ou industries militaires sans ordre exprĂšs du GĂ©nĂ©ralissime ou du gĂ©nĂ©ral en chef de la force aĂ©rienne. Sont naturellement exceptĂ©s les objectifs tactiques immĂ©diats du champ de bataille[24]. »
Vers la fin de la Guerre civile, les Allemands prĂ©parĂšrent en collaboration avec KindelĂĄn une grande opĂ©ration aĂ©roportĂ©e, rendue inutile toutefois par la dĂ©bĂącle de lâarmĂ©e rĂ©publicaine ; on possĂšde le texte de lâordre dâopĂ©ration signĂ© de KindelĂĄn, en date du [25].
AprĂšs-guerre civile et Seconde Guerre mondiale
Une fois acquise la victoire du camp nationaliste en 1939, KindelĂĄn commença Ă se montrer critique envers Franco, quâil considĂ©rait comme son Ă©gal, non comme un supĂ©rieur. Il voyait le rĂ©gime franquiste comme une rĂ©gence, dans l'attente de la restauration dâAlphonse XIII[26]. AprĂšs la guerre, lâaviation garda pour un temps encore le mĂȘme cadre de fonctionnement, avec KindelĂĄn comme commandant en chef, pendant quâĂ©tait en cours la mise en place du ministĂšre de lâAir, ce qui fut chose faite en . Lâincident autour de RamĂłn Franco, mais dâautres encore qui avaient envenimĂ© ses rapports avec le chef de lâĂtat, et le fait quâil eut critiquĂ© vertement lâinfluence de la Phalange dans lâentourage du Caudillo, sâajoutant Ă son caractĂšre peu enclin Ă lâadulation[27] - [1], feront que KindelĂĄn, bien quâil eĂ»t Ă©tĂ© le candidat tout dĂ©signĂ© pour prendre en charge le ministĂšre de lâAir attendu quâil avait exercĂ© comme tel durant la Guerre civile, fut destituĂ© par Franco comme chef des Forces aĂ©riennes et que le gĂ©nĂ©ral Juan YagĂŒe, appartenant pourtant Ă lâinfanterie et ayant fait sa carriĂšre dans la LĂ©gion, fut placĂ© le au poste de nouveau ministre de lâAir et de chef de lâarmĂ©e de lâAir[26]. Ne pouvant supporter dâĂȘtre sous les ordres dâYagĂŒe, et ayant sollicitĂ© de pouvoir retourner Ă son corps dâorigine, il reçut une affectation sur lâĂźle de Majorque, en qualitĂ© de commandant gĂ©nĂ©ral des BalĂ©ares. En 1940, il monta Ă lieutenant-gĂ©nĂ©ral et peu aprĂšs, en , prit la tĂȘte de la Capitainerie gĂ©nĂ©rale de la rĂ©gion militaire de Catalogne[1], â fonction conçue par Franco pour Ă©quilibrer les diffĂ©rentes factions militaires et ainsi faire contrepoids au pouvoir de son beau-frĂšre RamĂłn Serrano SĂșñer et de la Phalange â[28] , mais fut abruptement limogĂ© de ce poste pour sâĂȘtre enhardi Ă rĂ©unir ses officiers afin de leur expliquer, comme tĂ©moignage de premiĂšre main, lâĂ©pisode du commandement unique qui avait eu lieu Ă Salamanque. Il fut ensuite nommĂ© directeur de lâĂcole supĂ©rieure de lâarmĂ©e[1]. En , lors dâun conseil supĂ©rieur de lâarmĂ©e, KindelĂĄn avait laissĂ© exploser sa colĂšre, attaquant la mainmise de la bureaucratie phalangiste, quâil qualifiait dâexubĂ©rante et dont il censurait la corruption et lâincompĂ©tence, annonçant vouloir refuser dĂ©sormais dâassumer le rĂŽle rĂ©pressif assignĂ© Ă lâarmĂ©e par le biais des tribunaux militaires et sous la forme d'exĂ©cutions capitales, dĂ©plorant les conditions lamentables dans lesquelles travaillaient les prisonniers politiques, et sâattaquant vivement Ă Serrano Suñer, dont il dĂ©nonça le rĂŽle dans la politique dâalliance avec lâAllemagne, alors que rien ne permettait dâassurer que celle-ci finirait par ĂȘtre victorieuse[29] - [30]. Depuis un an dĂ©jĂ , une sorte de parti militaire sâĂ©tait constituĂ© dont les figures les plus remarquables Ă©taient Orgaz et KindelĂĄn et qui sâopposait nettement Ă lâidĂ©ologie phalangiste et Ă lâinfluence croissante de Serrano Suñer[31].
Sur le plan international, le gouvernement de Franco sâĂ©tait alignĂ© sur lâAllemagne nazie, en reconnaissance de ce que le camp nationaliste avait bĂ©nĂ©ficiĂ© lors de la Guerre civile dâun important appui aĂ©rien des puissances de lâAxe, par le biais de la lĂ©gion Condor et de lâAviazione Legionaria. Ce nonobstant, KindelĂĄn penchait pour les AlliĂ©s et alla rejoindre au sein de lâĂ©tat-major la conspiration monarchiste contre Franco[32] - [33]. En , les gĂ©nĂ©raux qui composaient le Conseil supĂ©rieur de la guerre signĂšrent un mĂ©morandum, rĂ©digĂ© par KindelĂĄn, qui concluait que lâEspagne nâĂ©tait pas en Ă©tat dâentrer en guerre, surtout en raison de ses problĂšmes Ă©conomiques et de ses pĂ©nuries ; les signataires y critiquaient Ă©galement le rĂŽle de la FET, principal avocat de la guerre, et posaient que lâarmĂ©e Ă©tait « le seul instrument disponible pour orienter la politique espagnole »[34]. KindelĂĄn sympathisait avec le gouvernement du Royaume-Uni, Ă telle enseigne que les Britanniques lâutilisĂšrent (et Ă cet effet le subornĂšrent â lui, mais aussi et surtout Aranda[35] - [36]), pour presser Franco de restaurer la monarchie et pour forcer lâEspagne Ă dĂ©clarer sa neutralitĂ© dans la guerre mondiale. Le , lâambassade dâAllemagne se plaignit de ce que KindelĂĄn avait invitĂ© lâambassadeur du Royaume-Uni dans sa loge au thĂ©Ăątre du Liceo Ă Barcelone[37].
Le , tandis que le ministre de lâArmĂ©e Carlos Asensio faisait pression pour que lâEspagne entre en guerre, KindelĂĄn se rĂ©unit avec Franco et lui conseilla de restaurer la monarchie, dans la perspective dâune victoire alliĂ©e qui lui paraissait certaine, et lui laissa entendre quâil ne pourrait pas rester au pouvoir au cas oĂč il se compromettrait trop avec lâAxe[38]. KindelĂĄn avait lâappui dâun nombre important de gĂ©nĂ©raux et, bien que Franco nâait pas rĂ©agi tout dâabord, il lui trouva trois mois plus tard, dĂ©but 1943, un nouveau poste[39].
Entre-temps, le prĂ©tendant Juan de Bourbon sâĂ©tait rapprochĂ© de lâAngleterre armĂ© dâun plan d'aprĂšs lequel les AlliĂ©s, avec lâaide des monarchistes, envahiraient les Canaries et proclameraient sous son Ă©gide un gouvernement provisoire de rĂ©conciliation nationale. DâaprĂšs quelques auteurs, le plan aurait bĂ©nĂ©ficiĂ© de lâappui de plusieurs gĂ©nĂ©raux, dont KindelĂĄn[40].
En survint un nouvel incident, lorsque les gĂ©nĂ©raux Orgaz, DĂĄvila, Ponte, Solchaga, Saliquet, Monasterio, Varela et KindelĂĄn adressĂšrent Ă Franco une lettre collective lui annonçant quâils se dĂ©solidarisaient de sa politique « totalitaire » et le priant, en des termes fort emberlificotĂ©s, mais non sans une certaine ĂąpretĂ©, de restaurer la monarchie. Franco manda successivement les signataires Ă son office, sâentretint avec chacun dâeux seul Ă seul, et obtint certes ainsi que quelques-uns se rĂ©tractent ; KindelĂĄn toutefois campa quant Ă lui sur ses positions[41]. Ă la suite de cet Ă©pisode, KindelĂĄn se trouva davantage encore en ligne de mire et ses relations avec Franco entrĂšrent dans une phase trĂšs pĂ©rilleuse[1].
Le , sur la base de son ouvrage de nature historiographique España ante la Esfinge (littĂ©r. LâEspagne devant le sphinx), KindelĂĄn fut proposĂ© par trois acadĂ©miciens attitrĂ©s de la Real Academia de la Historia comme candidat pour occuper le siĂšge laissĂ© vacant par Luciano Serrano. Admis en , KindelĂĄn prit possession de son fauteuil Ă la session ordinaire du , mais sans avoir eu lâautorisation de donner lecture de son discours de rĂ©ception, intitulĂ© Acaudilladores y Huestes (± « Chefs de guerre et Hommes de troupe »), comme prescrit par le rĂšglement, sans quâon ait pu prĂ©ciser Ă ce jour dâoĂč procĂ©da cette censure[1].
AprĂšs-guerre mondiale
Le , le prince hĂ©ritier Juan de bourbon Ă©crivit Ă KindelĂĄn, le plus fiable des gĂ©nĂ©raux monarchistes, une lettre expressive dans laquelle il l'avertissait quâil sâapprĂȘtait Ă publier ce qui serait son premier manifeste contre Franco[42]. Le comte de Barcelone, convaincu Ă l'issue de la guerre que les jours de Franco Ă©taient comptĂ©s, nomma un nouveau « gouvernement provisoire » de lâombre, de tendance monarchiste, dont KindelĂĄn portait la composition dans la poche de son uniforme et dont le prĂ©sident Ă©tait KindelĂĄn lui-mĂȘme (ses ministres Ă©taient Salvador de Madariaga, Gil-Robles, Aranda et Varela)[43]. En aoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e, aprĂšs avoir attaquĂ© Franco dans un discours polĂ©mique favorable Ă la monarchie, KindelĂĄn fut limogĂ© de lâAcadĂ©mie militaire[44]. Il avait dĂ©sormais tout le loisir de se vouer aux conspirations qui visaient Ă assurer la montĂ©e sur le trĂŽne de Juan de Bourbon. Son activitĂ© en faveur de la restauration monarchique et son opposition au rĂ©gime franquiste sâintensifiaient en mĂȘme temps que grandissait son risque personnel[1]. Son livre le plus important, Mis cuadernos de guerra (littĂ©r. Mes carnets de guerre), oĂč il relatait les Ă©vĂ©nements de la Guerre civile, tardait Ă paraĂźtre et un passage oĂč Ă©taient critiquĂ©es les dĂ©cisions de Franco sur le front du Nord fut supprimĂ© par la censure[45]. Lorsque le dĂ©nommĂ© manifeste de Lausanne, oĂč la restauration immĂ©diate de Juan de BorbĂłn Ă©tait demandĂ©e, fit son apparition en , Franco identifia KindelĂĄn comme le principal instigateur dudit manifeste et ordonna son incarcĂ©ration. DĂĄvila lança alors un appel Ă Franco pour quâil prenne en considĂ©ration ses services passĂ©s et son Ăąge avancĂ©, 67 ans. Le Caudillo cĂ©da, mais lâenvoya en en exil Ă Garachico, aux Ăźles Canaries, Ă plus de 2 000 kilomĂštres de Madrid, en escomptant que les autres gĂ©nĂ©raux seraient amenĂ©s Ă se taire[46] - [47] - [48] - [49]. En , 458 personnalitĂ©s, dont KindelĂĄn, signĂšrent un manifeste dans lequel ils se fĂ©licitaient de lâinstallation de Don Juan Ă Estoril, et KindelĂĄn salua Ă lâĂcole supĂ©rieure de guerre « notre roi Jean III »[50]. Ă la suite de son discours El momento actual de Europa, prononcĂ© en , il passa deux mois confinĂ© dans le fort de Guadalupe Ă Fontarrabie (province de GuipĂșzcoa, dans le Pays basque espagnol)[1]. De surcroĂźt, son neveu Juan Manuel KindelĂĄn, Ă©tudiant des Mines, Ă©taient un de ces familiers de vainqueurs de la Guerre civile qui dans les annĂ©es 1950 flirtaient avec les idĂ©es socialistes et communistes et essayaient de crĂ©er des organisations dâopposition et de nouer des relations avec les exilĂ©s[51].
Cependant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en prĂ©sence dĂ©sormais de deux grandes puissances internationales, Ătats-Unis et Union soviĂ©tique, le gouvernement franquiste Ă©volua en direction dâune posture monarchique. En 1947, la loi de Succession dĂ©finissait pour la premiĂšre fois lâĂtat espagnol comme « royaume », encore que la fonction de chef de lâĂtat ait continuĂ© Ă ĂȘtre attribuĂ©e nominativement Ă Franco, qui Ă©tait habilitĂ© Ă proposer Ă tout moment devant les Cortes la personne de son successeur, au titre de roi ou de rĂ©gent.
Le , le gĂ©nĂ©ral KindelĂĄn, ĂągĂ© de 70 ans, alla rejoindre la rĂ©serve active[52]. En 1956, il visita la rĂ©publique d'Irlande, patrie de ses ancĂȘtres, oĂč il lui fut rendu hommage par lâattribution le , des mains du prĂ©sident Eamon de Valera, dans les locaux de lâuniversitĂ© de Dublin, du titre de docteur honoris causa[1].
KindelĂĄn fut en partie rĂ©habilitĂ© dans ses derniĂšres annĂ©es, occupa son fauteuil Ă la Real Academia de la Historia et se vit dĂ©cerner la Medalla AĂ©rea, quâil ne voulut accepter que moyennant lâapprobation de Juan de BorbĂłn. En 1961, KindelĂĄn fut dotĂ© du titre nobiliaire de marquis de KindelĂĄn[53], confĂ©rĂ© eu Ă©gard :
« ...aux mĂ©rites acquis par le Lieutenant-GĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e, don Alfredo KindelĂĄn y Duany, qui eut la responsabilitĂ© directe du commandement supĂ©rieur des Forces aĂ©riennes, lesquelles maintinrent victorieusement dans les cieux de lâEspagne leur domination durant toute la campagne, je viens exprimer la reconnaissance de la Nation pour les services rendus Ă la Croisade nationale. »
â DĂ©cret 1757/1961, [54].
KindelĂĄn mourut lâannĂ©e suivante Ă Madrid, tandis que lâEspagne Ă©tait toujours sous le rĂ©gime franquiste. Actuellement, lâarmĂ©e de lâair espagnole entretient en son honneur une chaire KindelĂĄn, crĂ©Ă©e en 1988 par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© SĂĄnchez MĂ©ndez et consacrĂ©e Ă lâĂ©tude et lâanalyse de la pensĂ©e militaire et de lâhistoire aĂ©rienne[1].
Publications d'Alfredo KindelĂĄn
- Las ascensiones libres en la compañĂa de aerostaciĂłn, 1905
- Globos dirigibles, 1909
- Dirigibles y Aeroplanos, editorial Memorial de ingenieros del ejército, 1910
- La flota aérea española, 1916
- España ante la esfinge, editorial Plus Ultra, 1942
- El generalato y el general: misiones y cualidades, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1943 (confĂ©rence prononcĂ©e Ă l'occasion de l'inauguration du troisiĂšme cursus de commandement, Escuela Superior del EjĂ©rcito
- España, ente geopolĂtico singular, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1943 (confĂ©rence prononcĂ©e Ă l'occasion de la cĂ©rĂ©monie inaugurale du 4e cursus de commandement supĂ©rieur, Escuela Superior del EjĂ©rcito)
- Ciclo de lecciones militares de la hora presente, editorial GrĂĄficas YagĂŒes, Madrid, 1944 (confĂ©rence de la 4e et 5e heure, Escuela Superior del EjĂ©rcito)
- La guerra en el MediterrĂĄneo y Norte de Ăfrica, editorial Idea, 1944, Tomo V, collection Historia de la Segunda Guerra Mundial
- La prĂłxima guerra, editorial Manuel Aguilar, 1945
- Plus Ultra, Madrid, 1945
- Mis cuadernos de guerra, Madrid, 1945
- EjĂ©rcito y polĂtica, Editorial Aguilar, Madrid, 1947
- Europa, su forja en cien batallas, editorial J. Pueyo, Madrid, 1952
- Clima de guerra, editorial Aguilar, 1952
- BiografĂa del Señor D. Pedro Vives Vich, general de Ingenieros, fundador y primer jefe de la AeronĂĄutica española, editorial Rex, Barcelona, 1955
- Cuatro novias inglesas, editorial Destino, Barcelona, 1960
- El problema de los ejércitos, editorial Euramérica, Madrid, 1961
- Mis cuadernos de guerra, editorial Planeta, Barcelona, 1982, (ISBN 84-320-5677-4) (seconde réédition du livre publié en 1945, mais avec réinsertion des passages supprimés par la censure franquiste).
- La verdad de mis relaciones con Franco, Barcelone, Planeta, , 409 p. (ISBN 978-84-320-5665-9) (Ă©d. posthume)
Notes et références
Références
- (es) Cecilio Yusta Viñas, « Alfredo Kindelån y Duany (dans Diccionario Biogråfico Español) », Madrid, Real Academia de la Historia, (consulté le )
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- Dans La verdad de mis relations con Franco (1981), p. 29, reproduit en partie dans S. Payne & J. Palacios (2014), p. 178.
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- P. Preston (1994), p. 551
- B. Bennassar (1995), p. 171
- S. Payne & J. Palacios (2014), p. 382
- B. Bennassar (1995), p. 170
- B. Bennassar (1995), p. 194
- A. Bachoud (1997), p. 292
- DĂ©cret 1757/1961 du . Cf. : BOE (jiournal officiel), 2 octobre 1961.
- BOE, .
Bibliographie
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- (es) Gabriel Cardona, A golpes de sable : los grandes militares que han marcado la historia de España, Barcelone, Ariel, , 460 p. (ISBN 978-84-344-5246-6, lire en ligne)
- (es) Rafael Ăngel Permuy LĂłpez et JosĂ© Luis GonzĂĄlez Serrano, AviaciĂłn Militar Española, Madrid, Tikal, , 254 p. (ISBN 978-84-9928-066-0), p. 13 et suivantes
- (es) Paul Preston, Franco : caudillo de España, Barcelone, Grijalbo, (ISBN 978-84-253-2498-7)
- Bartolomé Bennassar, Franco, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 1995) (ISBN 978-2-262-01895-5).
- BartolomĂ© Bennassar, La Guerre dâEspagne et ses lendemains, Paris, Perrin, , 548 p. (ISBN 2-262-02001-9)
- Andrée Bachoud, Franco, ou la réussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2-213-02783-8)
- (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco. Una biografĂa personal y polĂtica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7)
- (es) Cecilio Yusta Viñas, Pioneros de la Aviación, Madrid, Servicio Histórico y Cultural del Ejército del Aire,
Liens externes
- (es) Cecilio Yusta Viñas, « Alfredo Kindelån y Duany », sur Diccionario Biogråfico Español, Madrid, Real Academia de la Historia, (consulté le )
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :