Traitements alternatifs de l'autisme
Les traitements alternatifs de l'autisme sont des techniques controversĂ©es, visant Ă obtenir une rĂ©duction des symptĂŽmes ou mĂȘme une « guĂ©rison » de l'autisme, souvent prĂ©sentĂ©e comme miraculeuse. Ces faits sont Ă©voquĂ©es dans des tĂ©moignages individuels, des publications pseudoscientifiques du domaine des mĂ©decines alternatives, ainsi que par certains psychanalystes. La plupart de ces pseudo-traitements relĂšvent du domaine dit « biomĂ©dical ».
L'absence officielle de traitement médical permettant une « guérison » fait de l'autisme un terrain idéal pour la prolifération de pseudo-sciences et de traitements charlatanesques potentiellement onéreux et dangereux, tels que la chélation des métaux lourds et l'antibiothérapie.
Sources
Le sujet des traitements controversĂ©s ou charlatanesques de l'autisme a Ă©tĂ© abordĂ© dans diverses publications. En 2005, le pĂ©diatre amĂ©ricain Bernard Metz et ses collĂšgues examinent « certains des engouements actuels les plus rĂ©pandus et des traitements controversĂ©s, non soutenus et rĂ©futĂ©s, proposĂ©s comme interventions efficaces contre l'autisme, en particulier chez les jeunes enfants »[1]. Le mĂ©decin de famille londonien Michael Fitzpatrick, Ă©galement pĂšre d'un enfant autiste[2], dĂ©crit dans son ouvrage Defeating autism : A damaging illusion (en français : « Vaincre l'autisme : une illusion nĂ©faste » ; publiĂ© en 2008) les ravages provoquĂ©s par la croyance en ces remĂšdes (dĂ©toxifications, modifications de rĂ©gimes alimentaires...) qu'il estime dĂ©shumanisants pour les personnes autistes, nuisibles Ă leur santĂ©, voire, dans les cas extrĂȘmes, pouvant causer leur mort, Ă l'exemple d'un enfant britannique de 5 ans mort des suites d'une chĂ©lation[2] - [3]. Fitzpatrick estime important de reconnaĂźtre que le mouvement biomĂ©dical non orthodoxe considĂšre les enfants autistes comme « polluĂ©s » (plutĂŽt qu'ayant trouble du dĂ©veloppement neurologique), dans la mesure oĂč cette perception « se transforme facilement en une attaque contre l'enfant, qui est dĂ©shumanisĂ© dans la tentative de trouver le « vĂ©ritable » enfant qui se cache derriĂšre l'enfant « polluĂ© » »[2].
La Food and Drug Administration américaine (FDA) a publié en 2019 un guide intitulé « Beware of False or Misleading Claims for Treating Autism » (en français : « Attention aux allégations fausses ou trompeuses concernant le traitement de l'autisme »)[4].
En français, les traitements charlatanesques de l'autisme font l'objet d'un article dans Pour la science en 2011[5], et de divers articles de presse nationale entre 2018 et 2021, notamment dans Le Parisien[6] - [7] (EnquĂȘte sur les escrocs de l'autisme), L'Express[8] (Les apprentis sorciers de l'autisme) et Le Figaro[9]. Ils sont le sujet central du Livre noir de l'autisme, publiĂ© en 2020 par Olivia Cattan[10].
DĂ©finition et contextualisation
Les traitements dits « alternatifs » prospÚrent sur un terrain impliquant des incertitudes quant aux causes de l'autisme, des pertes attestées du diagnostic entre l'enfance et l'ùge adulte, et l'absence officielle de traitement curatif.
Raisons de la prolifération des traitements charlatanesques
Le recours à des « traitements » controversés, voire dangereux, s'explique par la grande détresse de certains parents confrontés à des handicaps lourds, et par une méconnaissance fréquente de ce qu'est l'autisme, dans un contexte de « bombardement d'informations » douteuses en provenance d'internet[11] - [4].
Fitzpatrick reconnaĂźt « une suspicion palpable, parfois une franche hostilitĂ©, Ă l'encontre de la science et de la mĂ©decine conventionnelles »[2]. Les revendications des praticiens de la mĂ©decine alternative accompagnent un rejet de la modernitĂ©, et une perception rĂ©pandue de risques liĂ©s aux pesticides, aux organophosphates, aux dioxines, aux mĂ©taux, aux polychlorobiphĂ©nyles (PCB), aux phtalates, Ă l'ozone, aux agents microbiens et autres champs Ă©lectromagnĂ©tiques[2]. Enfin, Fitzpatrick souligne que la normalisation des diagnostics d'autisme, impliquant une meilleure acceptation, entraĂźne une expansion des diagnostics qui peut nourrir l'illusion de l'existence d'une « Ă©pidĂ©mie » cachĂ©e dont la cause pourrait ĂȘtre traitĂ©e[2].
Une autre source Ă la controverse rĂ©side dans des erreurs de diagnostic. Il n'existe pas de marqueur biologique clair permettant de poser un diagnostic d'autisme fiable Ă 100 %[12]. D'aprĂšs le Pr Laurent Mottron, des enfants privĂ©s de soins parentaux peuvent recevoir, Ă tort, un diagnostic d'autisme, puis ĂȘtre dĂ©clarĂ©s « guĂ©ris » aprĂšs avoir reçu des conditions d'existence plus favorables ; la problĂ©matique porte alors moins sur cette « guĂ©rison » ou sur le « traitement » administrĂ© que sur le mauvais diagnostic antĂ©rieur[13].
Selon Brigitte Axelrad, de l'AFIS (en 2009), en France, l'ignorance des causes exactes et la souffrance parentale « font de l'autisme un terrain idĂ©al pour les thĂ©ories pseudoscientifiques et les traitements dĂ©viants. Parfois les symptĂŽmes autistiques peuvent sâattĂ©nuer dans un domaine particulier sans raison apparente, semblant accrĂ©diter une thĂ©orie et une mĂ©thode qui se rĂ©vĂ©lera par la suite inefficace. Lâexploitation de la crĂ©dulitĂ© humaine est, dans un tel contexte, sans limites »[14].
Histoire et mécanisme
Avec l'augmentation des diagnostics d'autisme en Californie Ă la fin du XXe siĂšcle, les professionnels de santĂ© remarquent un recours accru Ă des « techniques de soin » faisant appel Ă des thĂ©ories controversĂ©es, voire au paranormal et Ă l'injection de cellules souches[15]. Selon Fitzpatrick, le succĂšs des traitements biomĂ©dicaux au Royaume-Uni accompagne la montĂ©e de la controverse anti-mercure aux Ătats-Unis[16]. Il identifie l'impact du « mouvement biomĂ©dical non orthodoxe » comme « indĂ©niable » dans la multiplication de ces « remĂšdes » Ă l'autisme, en particulier Ă la suite d'une publication frauduleuse d'Andrew Wakefield en 1998[2]. En Ăcosse, le groupe Action Against Autism, qui milite contre la vaccination, devient en 2005 lâČAutism Treatment Trust[16]. Ce groupe se rapproche de DAN! (Defeat Autism Now!) aux Ătats-Unis, et ouvre sa propre clinique d'expĂ©rimentation de traitements de l'autisme Ă Ădimbourg en mai 2006[16]. Ce groupe biomĂ©dicall en rejoint d'autres organisĂ©s autour de personnalitĂ©s controversĂ©es, telles qu'Andrew Wakefield et Paul Shattok[16].
Un grand nombre de ces « traitements » proposés pour l'autisme ne repose sur aucune preuve, ou bien sur des études à échantillon trop faible et / ou protocole douteux, soutenues par un marketing visant à recruter des clients pour une nouvelle thérapie potentielle[4]. Une méthode de prise en charge est définie comme controversée dÚs qu'elle est présentée comme efficace, voire miraculeuse, en l'absence de toute publication scientifique fiable pour le confirmer[17]. Cette définition ne signifie pas que la « thérapie » en question restera à jamais controversée : la publication d'études fiables peut modifier cette définition[18].
Une pseudo-science prolifĂšre autour de l'autisme, de ses causes hypothĂ©tiques et de son soi-disant traitement, impliquant un grand nombre de thĂ©rapies non conventionnelles, de simples charlatans, mais aussi certaines mouvances sectaires[19]. Des enfants autistes (ou plus frĂ©quemment, avec TDAH) peuvent ainsi ĂȘtre dĂ©crits comme enfants indigo par des mouvements sectaires New Age, ce qui permet « de recatĂ©goriser des enfants en Ă©chec scolaire, autistes, dyslexiques, des « ados en crise », voire mĂȘme nâimporte quel comportement trivial dâun enfant » dans une catĂ©gorie plus valorisante pour lui-mĂȘme et pour ses parents[20].
GrĂące aux importants revenus gĂ©nĂ©rĂ©s par ces pseudo-thĂ©rapies, de puissants instituts se sont formĂ©s aux Ătats-Unis pour promouvoir et centraliser ces « mĂ©thodes » (comme lâAutism Society of America, lâAutism Research Institute et le Strategic Autism Initiative), appuyĂ©s par une communication et un lobbyisme actifs, impliquant jusqu'Ă Donald Trump[21].
Promotion et promoteurs de thérapies fallacieuses
La communication des promoteurs de thĂ©rapies fallacieuses est gĂ©nĂ©ralement basĂ©e sur des tĂ©moignages isolĂ©s et invĂ©rifiables et sur une grande force de persuasion, parfois assortis de fausses Ă©tudes scientifiques[4]. D'aprĂšs Fitzpatrick, « leurs instituts de recherche aux noms grandioses sont rarement plus que des quartiers gĂ©nĂ©raux de campagne qui produisent des communiquĂ©s de presse mais rien qui puisse ĂȘtre dĂ©crit comme de la recherche ou des Ă©tudes »[2]. Aux Ătats-Unis, au moins deux associations soutiennent ou ont soutenu la recherche d'un traitement mĂ©dical de l'autisme : Defeat Autism Now! (DAN), et Cure Autism Now (CAN, qui a depuis fusionnĂ© avec Autism Speaks)[22]. D'aprĂšs Fitzpatrick, les mĂ©decins de DAN publient trĂšs rarement dans des publications scientifiques relues par les pairs, prĂ©fĂ©rant publier dans la littĂ©rature grise[2].
L'existence d'ouvrages qui promeuvent des « remÚdes » charlatanesques dangereux mettant en danger les enfants autistes a poussé la plate-forme de commerce Amazon à retirer deux d'entre eux de la vente en : Healing the symptoms known as autism (« Guérir les symptÎmes de l'autisme », qui promeut le MMS), et Fight autism and win (« Combattre l'autisme et gagner »)[23], un ouvrage qui soutient les « thérapies » biomédicales, et en particulier la chélation[24].
Bruno Bettelheim
Plusieurs auteurs (dont Katherine Demaria Severson et James Arny Aune, Mary E. MacDonald et la Pr Florence D. Digennaro Reed dans leur chapitre intitulĂ© « Distinguer la science de la pseudoscience ») soulignent le rĂŽle majeur qu'a jouĂ© Bruno Bettelheim dans la diffusion de pseudosciences[25] - [26]. En effet, « la thĂšse de Bettelheim, selon laquelle la relation du nourrisson avec sa "mĂšre rĂ©frigĂ©rante" Ă©tait Ă l'origine de l'autisme, devint rapidement l'explication acceptĂ©e dans les milieux populaires et dans certains milieux professionnels » ; par ailleurs, Bettelheim revendique une autoritĂ© scientifique Ă travers ses Ă©crits, notamment dans son Ćuvre La Forteresse vide (1967), mais sans avoir produit d'Ă©tude qui permettrait de prouver ses dires[26].
Dans cet ouvrage, Bettelheim revendique un taux de succÚs de 85 % avec les enfants autistes de son école orthogénique, en s'appuyant sur une rhétorique faussement scientifique[27] - [28] - [26].
Ole Ivar LĂžvaas
Selon le neuropsychiatre et psychanalyste Paul Alerini, avant d'inventer sa mĂ©thode de traitement inspirĂ©e du bĂ©haviorisme qui deviendra la mĂ©thode ABA, le psychologue Ole Ivar LĂžvaas utilisait au dĂ©but « des moyens violents (chocs Ă©lectriques, hurlements dans les oreilles, gifles) » quatre heures par jour[29]. Il a eu recours ensuite « Ă des mĂ©thodes plus acceptables : ordres stricts toujours identiques, rĂ©compenses, pratiquĂ©e intensivement Ă domicile impliquant massivement les parents »[29]. D'aprĂšs Alerini, Eric Schopler a remis en question la validitĂ© des rĂ©sultats de la mĂ©thode LĂžvaas, tandis que Bruno Bettelheim « reconnaissait son efficacitĂ© mais y voyait un dĂ©mantĂšlement des dĂ©fenses du moi au profit dâune imitation Ă©cholalique »[29]. Toujours d'aprĂšs Alerini, Eric Schopler, cofondateur, co-dirigeant puis dirigeant du programme TEACCH, avait commencĂ© quant Ă lui Ă travailler dans lâĂ©cole orthogĂ©nique, mais il sâĂ©tait sĂ©parĂ© de Bruno Bettelheim « Ă cause de la rĂ©fĂ©rence aux camps quâil trouvait insupportable »[29].
Bernard Rimland / ARI et programme DAN!
Selon Paul Alerini, Bernard Rimland, pĂšre d'un enfant autiste, « a combattu lâestablishment mĂ©dical en mettant en cause les vaccins dans lâorigine de lâautisme, ainsi que lâintolĂ©rance au gluten et Ă la casĂ©ine du lait. Il proposait un traitement par de trĂšs fortes doses de vitamines B »[29]. Stephen Barrett prĂ©cise que le Dr Bernard Rimland, Ă©galement chercheur en psychologie, a « contribuĂ© Ă dissiper l'opinion longtemps rĂ©pandue selon laquelle l'autisme Ă©tait causĂ© par une maternitĂ© dĂ©fectueuse » (en opposition Ă Bruno Bettelheim), tout en concluant plus tard Ă tort dans sa carriĂšre, « que l'autisme Ă©tait causĂ© par les vaccins et pouvait ĂȘtre traitĂ© efficacement par la dĂ©sintoxication et les complĂ©ments alimentaires »[30]. Alerini rapporte qu'interviewĂ© par Richard Pollak pour son livre Bruno Bettelheim ou la fabrication d'un mythe (2003)[31], Rimland a exprimĂ© sa « haine » envers Bruno Bettelheim, du fait que celui-ci « avait rĂ©pondu froidement Ă une mĂšre qui voulait faire admettre son fils Ă l'Ă©cole orthogĂ©nique : âJe ne l'ai plus considĂ©rĂ© avec respect mĂȘme en tant qu'ĂȘtre humainâ », avait-il dĂ©clarĂ© alors[29].
Bernard Rimland est, avec d'autres personnalités, à l'origine de la création de l'Autism Research Institute (ARI) et du programme DAN! (Defeat Autism Now!). D'aprÚs Barrett, « Rimland, Baker et bien d'autres ont affirmé que les rapports des parents de l'ARI sont la preuve que les traitements sont efficaces. Mais c'est absolument faux »[30]. Ces « traitements » incluent la prise de sécrétine et de différentes vitamines, mais aussi la promotion de la chélation et l'opposition à la vaccination, que Barrett décrit comme les activités les plus problématiques de Rimland et de l'ARI[30].
Françoise Dolto
Dans leur article « Psychoanalysis in the treatment of autism: why is France a cultural outlier? », D. V. M. Bishop et Joel Swendsen citent la psychanalyste française Françoise Dolto comme responsable de la propagation de la thĂ©orie d'une origine psychogĂšne de l'autisme[32] - [33]. D'aprĂšs le Dr Richard Bates, c'est dans ce cadre et grĂące Ă sa « position influente », que Dolto « a sĂ»rement contribuĂ© Ă faire culpabiliser beaucoup de mĂšres dâenfants autistes »[34].
Didier Pleux[35], Bishop et Swendsen[33], de mĂȘme que le chercheur postdoctoral Richard Bates (sur le mĂ©dia Slate en 2018[36] puis dans un article scientifique publiĂ© en 2020[37]) estiment que Françoise Dolto est responsable de la perpĂ©tuation de mĂ©connaissances relatives Ă l'autisme, auquel elle dĂ©nie la moindre cause biologique[33]. Richard Bates note que « Françoise Dolto a publiĂ© plus dâune quarantaine dâouvrages, qui vĂ©hiculaient la pensĂ©e psychanalytique auprĂšs dâun large public, ciblant tout particuliĂšrement les mĂšres. Son Ă©tude de cas la plus connue, Le cas Dominique, montrait comment la « psychose infantile » pouvait dĂ©couler de lâenvironnement familial. On trouve encore de tels livres, en France, dans les bibliothĂšques de nombreux parents, grands-parents et psychologues »[36]. Pleux note, de mĂȘme, que de nombreux centres d'accueil pour enfants autistes en France continuent, en 2008, Ă accorder du crĂ©dit aux thĂ©ories de Dolto Ă propos de l'autisme[35].
Luc Montagnier
D'aprÚs le médecin et journaliste médical Jean-Yves Nau, dans son analyse de ce qu'il nomme « l'affaire Montagnier » (Revue médicale suisse), le Pr Luc Montagnier, prix Nobel de médecine en 2008, a fait une présentation de traitements antibiotiques de l'autisme à l'Académie nationale de médecine en 2012, s'apparentant davantage à un exercice de communication de masse qu'à une présentation de résultats de recherches scientifiques solides[38]. L'Académie nationale de médecine se désolidarise immédiatement de ses allégations de guérisons « spectaculaires »[39] - [38]. Luc Montagnier prétend aussi que les vaccins causent l'autisme, que les causes de l'autisme sont bactériennes, et qu'il a mis au point un dispositif d'identification d'infections chez les enfants autistes[40].
En 2015, Montagnier prĂ©face l'ouvrage Autisme - On peut en guĂ©rir de Corinne Skorupka (radiĂ©e de l'ordre des mĂ©decins en 2010[41]) et LorĂšne Amet (Ă©pinglĂ©e par le Sunday Mirror en 2020 pour avoir affirmĂ© qu'un changement de rĂ©gime alimentaire permet de guĂ©rir de l'autisme, et que les vaccins en seraient la cause)[42], prĂ©face dans laquelle il affirme que « l'autisme n'est pas incurable », et qu'une approche biomĂ©dicale permettrait d'amĂ©liorer la santĂ© de 70 % des enfants suivis[43]. L'annĂ©e suivante, il prĂ©face avec Corinne Skorupka l'ouvrage Autisme : le grand espoir d'en sortir : prĂ©vention, alimentation et traitements dĂ©toxifiants de Françoise Berthoud, dans lequel il tient le mĂȘme propos[44]. En 2017, le journaliste scientifique Damien Mascret Ă©voque le « lent naufrage scientifique » du Pr Luc Montagnier[45].
Publications de témoignages
Des témoignages de parents affirmant avoir guéri leurs enfants de l'autisme sont réguliÚrement publiés[46].
En 2016, la publication et la mĂ©diatisation de l'ouvrage Ătre et ne plus ĂȘtre autiste, Ă©crit par la quĂ©bĂ©coise Nathalie Champoux, mĂšre d'enfants autistes qui prĂ©tend Ă une guĂ©rison par modification de rĂ©gime alimentaire, suscite de nombreuses rĂ©actions de parents et de scientifiques, dont celle de Laurent Mottron, ainsi qu'une rĂ©ponse officielle de la FĂ©dĂ©ration quĂ©bĂ©coise de l'autisme, soulignant qu'il s'agit d'un simple tĂ©moignage individuel, et que rien ne prouve que la perte du diagnostic des enfants dĂ©coule de la modification de leur rĂ©gime alimentaire[47].
Signes d'alerte
La FDA adresse en 2019 des conseils d'alerte aux parents d'enfants autistes, dans les situations suivantes[4] :
- produits vendus comme des remĂšdes Ă un grand nombre de maladies ou de handicaps ;
- témoignages individuels qui prétendent se substituer à des preuves scientifiques ;
- thérapie de l'autisme qui promet une « guérison » ou une « amélioration » rapide ;
- « remÚdes » dont les ingrédients exacts sont tenus secrets.
Liste des « thérapies » médicales ou paramédicales considérées comme fallacieuses
Face Ă l'Ă©vidence de l'inefficacitĂ© des « remĂšdes » charlatanesques, et au risque d'enquĂȘtes mĂ©dicales ou judiciaires, ceux qui en font le commerce sont souvent contraints de changer rĂ©guliĂšrement de formule pour pouvoir continuer d'abuser leurs patients[19]. De nouvelles « recettes miracles » naissent et envahissent le web (notamment les forums de familles ayant un enfant autiste) puis disparaissent tout aussi rapidement lorsque le mal est fait[19]. Il est donc extrĂȘmement difficile de rĂ©pertorier tous les pseudo-traitements inefficaces ou dangereux proposĂ©s aux personnes autistes, ce qui exige de la part des familles la plus grande mĂ©fiance[48].
En 2020, la Société européenne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (ESCAP) adopte un document officiel (co-rédigé par le Pr Joaquin Fuentes, la Dr Amaia Hervås et la Pr Patricia Howlin) qui stipule qu'« Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de médicaments pour traiter les symptÎmes "centraux" de l'autisme, et les traitements dits "alternatifs" (neurofeedback, communication facilitée, entraßnement à l'intégration auditive, acides gras oméga-3, sécrétine, chélation, oxygénothérapie hyperbare, régimes d'exclusion, etc.) n'ont pas leur place dans le traitement des principales caractéristiques de l'autisme »[49].
Le domaine dit « biomĂ©dical » compte un nombre particuliĂšrement Ă©levĂ© de pseudo-remĂšdes dangereux[3] - [50], tels que la Miracle Mineral Solution (MMS, Ă base de dioxyde de chlore[4] comme l'eau de Javel[51]), le protocole mĂ©dicamenteux Chronimed (des antibiotiques, antifongiques et antiparasitaires[50] - [52] qui ont donnĂ© lieu Ă des essais mĂ©dicamenteux sauvages sur 5 000 enfants autistes en France, selon la prĂ©sidente d'association Olivia Cattan[50]), la thĂ©rapie par oxygĂšne hyperbare[4], la chĂ©lation des mĂ©taux lourds[4], des bains « dĂ©toxifiants » censĂ©s drainer les polluants hors du corps[4], ou encore le protocole CEASE[53], qui a motivĂ© l'autoritĂ© des normes professionnelles britanniques Ă suspendre la sociĂ©tĂ© des homĂ©opathes pour dĂ©sinformation, en [54]. Du lait de chamelle fermentĂ© et des huiles essentielles peuvent ĂȘtre frauduleusement vendus comme remĂšde Ă l'autisme, selon la FDA[48].
Modifications et compléments du régime alimentaire
Une recension de la littĂ©rature scientifique concernant la sĂ©lectivitĂ© alimentaire des personnes avec autisme, menĂ©e en 2013, a permis de constater qu'un nombre important de personnes diagnostiquĂ©es adopte des « comportements alimentaires aberrants » (tels que la consommation excessive d'un aliment en particulier), et qu'« il existe des preuves empiriques et un consensus scientifique global soutenant une association entre la sĂ©lectivitĂ© alimentaire et les troubles du spectre de l'autisme »[55]. Deux Ă©tudes sur des modĂšles de rats, dont une Ă laquelle a participĂ© Andrew Wakefield (plus connu pour son implication dans la fraude autour des vaccins), ont suggĂ©rĂ© qu'un traitement diĂ©tĂ©tique et immunomodulateur pourrait ĂȘtre efficace[56] - [57].
Les « thérapies » par modification du régime alimentaire connaissent un engouement populaire.
Sur 552 parents d'enfants autistes interrogĂ©s pour les besoins d'une Ă©tude menĂ©e aux Ătats-Unis en 2006, 27 % font suivre des rĂ©gimes alimentaires spĂ©ciaux Ă leurs enfants autistes, et 46 % leur administrent une vitaminothĂ©rapie[58].
Selon Paul Alerini, Bernard Rimland, pĂšre d'un enfant autiste, « a combattu lâestablishment mĂ©dical en mettant en cause les vaccins dans lâorigine de lâautisme, ainsi que lâintolĂ©rance au gluten et Ă la casĂ©ine du lait. Il proposait un traitement par de trĂšs fortes doses de vitamines B »[29].
Immunothérapie
L'observation de carences rĂ©currentes dans le systĂšme immunitaire des enfants autistes est soupçonnĂ©e d'ĂȘtre Ă l'origine d'allergies, de rĂ©actions auto-immunes et de surrĂ©actions, ce qui a motivĂ© des pratiques d'immunothĂ©rapie. De nombreux enfants autistes reçoivent des traitements par antibiotiques dĂšs le plus jeune Ăąge[59]. Pour compenser ces traitements et prĂ©venir des rechutes, il arrive que des probiotiques soient administrĂ©s (pour reconstituer la flore intestinale), des acides gras essentiels, des antioxydants[60] et du colostrum[61]. Les partisans de la thĂ©orie causale infectieuse de l'autisme (Corinne Skorupka, LorĂšne Amet...) soutiennent la possibilitĂ© d'une guĂ©rison de l'autisme au sens mĂ©dical, en estimant que guĂ©rir l'infection revient Ă guĂ©rir l'autisme[62].
Aucune étude n'ayant pu prouver que ces compléments influencent l'expression des TSA ni que l'autisme aurait une origine infectieuse, l'immunothérapie est « non recommandée » dans le rapport de la haute autorité de santé (HAS) sur les bonnes pratiques, rendu en [63].
Vitaminothérapie et complément en minéraux
Dans les années 1980 et 1990, plusieurs études ont été publiées, suggérant une amélioration du comportement des enfants autistes en une semaine, grùce à un complément de vitamine B6 et de magnésium. Depuis, d'autres publications ont souligné les limites de ces études, portant sur des groupes peu nombreux en l'absence de groupe contrÎle. Les études en double aveugle avec placebo n'ont pas permises de conclure à une efficacité de ces compléments[64].
Certains parents, constatant que le niveau de vitamines et de minĂ©raux des personnes autistes est anormal, effectuent des complĂ©ments, notamment par des produits multivitaminĂ©s, des injections ou des inhalations pour la vitamine B12. C'est le cas notamment pour des enfants dont le rĂ©gime alimentaire est appauvri Ă cause de leur sĂ©lectivitĂ©. Ces complĂ©ments concernent gĂ©nĂ©ralement les vitamines A, C, E, B6, P5P et B12. Des complĂ©ments en zinc, sĂ©lĂ©nium, magnĂ©sium, acides aminĂ©s, glutathion, dimĂ©thylglycine et trimĂ©thylglycine peuvent ĂȘtre administrĂ©[65]. La vitaminothĂ©rapie est « non recommandĂ©e » dans le rapport de la HAS[66]. Dans tous les cas, les complĂ©ments alimentaires reprĂ©sentent une adjonction visant Ă combler des carences alimentaires, et ne constituent pas un remĂšde pour l'autisme[64]. De plus, de nombreux parents mĂ©connaissent les effets potentiellement nĂ©fastes d'une surdose de vitamines et de minĂ©raux[67].
Régime sans caséine et sans gluten
Sur la base d'hypothÚses concernant les allergies à certaines protéines alimentaires, des régimes excluant la caséine et/ou le gluten sont proposés. Ils sont basés sur l'interprétation d'une étude de Jaak Panksepp publiée en 1979. Ils connaissent depuis un grand succÚs[68]. En 2002, une étude sur deux groupes d'enfants n'a pas permis d'observer d'effet significativement positif du régime sans caséine ou sans gluten[69].
La consommation produits laitiers est liée, chez certaines personnes, à une augmentation proportionnelle d'autoanticorps bloquant le récepteur des folates[70], récepteur permettant le passage de cette vitamine B9 du sang vers le cerveau.
D'aprĂšs le rapport de l'AFSSA publiĂ© en , « les donnĂ©es scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure Ă un effet bĂ©nĂ©fique du rĂ©gime sans gluten et sans casĂ©ine sur lâĂ©volution de lâautisme. Il est impossible dâaffirmer que ce rĂ©gime soit dĂ©pourvu de consĂ©quence nĂ©faste Ă court, moyen ou long terme. Les arguments indirects (excĂšs dâexorphines, peptidurie anormale, troubles digestifs associĂ©s, notamment) avancĂ©s Ă lâappui de ce type de rĂ©gime ne sont pas Ă©tayĂ©s par des faits validĂ©s. Il nâexiste donc aucune raison dâencourager le recours Ă ce type de rĂ©gime »[71]. Cet avis est partagĂ© par la HAS, qui dĂ©conseille ce type de rĂ©gime dans son rapport[66], de mĂȘme que par l'Ă©tude de Bernard Metz, James A. Mulick et Eric M. Butter sur les thĂ©rapies controversĂ©es dans l'autisme (2005), qui pointent des risques de malnutrition[72].
Chélation des métaux lourds
Certains mĂ©decins peuvent administrer des mĂ©dicaments chĂ©lateurs, qui visent Ă Ă©liminer les mĂ©taux lourds dĂ©tectĂ©s chez une personne autiste via la circulation sanguine[73]. Des cas anecdotiques d'amĂ©lioration du comportement aprĂšs une chĂ©lation ont Ă©tĂ© reportĂ©s, mais il n'a longtemps existĂ© aucune Ă©tude sur l'efficacitĂ© de cette approche[72], devenue trĂšs populaire aux Ătats-Unis au dĂ©but du XXIe siĂšcle[74].
Une pré-étude en 2007, sur 10 enfants, souligne que « les études publiées qui signalent les effets de la thérapie de chélation et/ou du contrÎle de l'environnement sur l'autisme et le trouble du déficit de l'attention sont rares »[75]. En 2008, la revue Clinical Toxicology rapporte la mort d'un enfant autiste de 5 ans des suites d'une chélation, et en conclut que « l'efficacité de cette thérapie pour les enfants autistes n'a pas été validée, et peut avoir des conséquences tragiques »[74]. Mal administrée, la chélation peut drainer des minéraux utiles ou des métaux pris dans les tissus[76]. Elle est par conséquent « non recommandée » par la HAS en 2012 dans le cadre d'une recherche de réduction des symptÎmes liés à l'autisme[73], ainsi que par la collaboration Cochrane, qui en conclut que « Compte tenu des rapports antérieurs d'événements indésirables graves, dont l'hypocalcémie, l'insuffisance rénale et les décÚs rapportés, les risques de l'utilisation de la chélation chez les patients atteints de TSA l'emportent actuellement sur les bénéfices avérés »[77].
Parentectomies
Les thĂ©ories de Bruno Bettelheim ont menĂ© Ă des « parentectomies », via la sĂ©paration des enfants autistes de leur famille, et leur placement[25] - [27] - [78] - [79]. Bruno Bettelheim et ses collĂšgues soutiennent ĂȘtre capables de « guĂ©rir » l'autisme de cette maniĂšre[80]. Ces parentectomies sont elles-mĂȘmes Ă l'origine de grandes souffrances pour les enfants autistes et leur famille[25].
Processus Z et rebirthing therapies
Durant les années 1970, le psychologue américain Robert Zaslow propose son « processus Z » en s'appuyant sur les théories psychanalytiques de son époque, pour « soigner » l'autisme en plaçant les enfants dans un état de rage, et provoquer une rupture de leurs défenses psychiques, ce qui les rendrait ensuite réceptifs aux autres[81] - [82]. Cette forme de « thérapie » est proposée puis mise en application durant les années 1990[82]. En réalité, les enfants autistes peuvent présenter des troubles de l'attachement, mais sont dans leur grande majorité capables d'attachement[83].
Plusieurs expĂ©riences de re-placements d'enfants autistes chez de nouvelles familles (nommĂ©es rebirthing therapies aux Ătats-Unis) se sont rĂ©vĂ©lĂ©es non concluantes, ou pire, ont entraĂźnĂ© une souffrance accrue chez ces enfants[84].
Suites judiciaires
En septembre 2020, des médecins du groupe Chronimed (association fondée par Luc Montagnier, entre autres pour promouvoir l'antibiothérapie dans l'autisme) figurent parmi une cinquantaine de médecins accusés par l'Agence nationale de sécurité du médicament d'avoir prescrit des antibiotiques, antifongiques et antiparasitaires à des enfants autistes, de maniÚre non-déontologique et hors autorisation de prescription[85] - [86] - [87].
Controverses dans l'approche psychanalytique de l'autisme
Selon Paul Alerini, lâautisme, crĂ©Ă© au sein de la psychanalyse, « se retourne actuellement contre elle, avec des moyens puissants, dans lâuniversitĂ©, la mĂ©decine, les sciences, la politique. Lâautisme est le symptĂŽme de ce retournement »[29].
Alors que dans la plupart des pays, des interventions sociales ou comportementales sont recommandĂ©es pour lâautisme, la France fait exception par la perpĂ©tuation du recours Ă de la psychanalyse, en dĂ©pit, selon Didier Houzel, citĂ© par D. V. M. Bishop et Joel Swendsen, des critiques qui lui sont adressĂ©es : « la France reste aujourdâhui un pays oĂč lâapplication de la psychanalyse au traitement des autistes persiste malgrĂ© toutes les attaques dont elle fait lâobjet », Ă©crit Houzel[88] - [33].
Courant antipsychanalytique aux Ătats-Unis depuis les annĂ©es 1960
Dans son article intitulĂ© « De lâautisme de Kanner au spectre autistique », Jacques Hochmann rapporte que dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1960, un courant antipsychanalytique a commencĂ© Ă se dessiner aux Ătats-Unis[89]. Il s'agit, pense-t-il, d'une rĂ©action Ă la « dĂ©ception dâespoirs exagĂ©rĂ©s de changer lâĂȘtre humain par une Ă©ducation moins rĂ©pressive et aussi Ă une mise Ă lâindex outranciĂšre des attitudes parentales pathogĂšnes par certains psychanalystes »[89]. MalgrĂ© la parution en d'un livre posthume du psychanalyste de renom, Edmund Bergler (en), la « tendance Ă rechercher dans lâinconscient maternel ou familial lâorigine des troubles psychiques en gĂ©nĂ©ral et de lâautisme en particulier » reste dominante[89]. On assiste alors Ă un regroupement de parents « au sein dâune puissante association, lâ Autism Society of America, fondĂ©e en 1965 par un pĂšre dâautiste, Bernard Rimland, psychologue de son Ă©tat ». Celui-ci dĂ©clare que les familles dâautistes sont « victimes dâun vĂ©ritable racisme de la part de psychanalystes »[89]. Les publications se multiplient, en particulier dans le Journal of autism and childhood schizophrenia fondĂ© par Leo Kanner, lequel journal devient en , le Journal of autism and development disorder aprĂšs l'exclusion de tous les psychanalystes du comitĂ© de rĂ©daction[89]. Hochmann constate qu'en dĂ©pit de la masse des travaux et des crĂ©dits considĂ©rables consacrĂ©s Ă cette recherche, les avancĂ©es sont restĂ©es discrĂštes et qu'aujourd'hui encore, « aucune lĂ©sion neurologique, aucun dysfonctionnement biologique, aucune mutation gĂ©nĂ©tique nâest reconnu comme spĂ©cifique de lâautisme, câest-Ă -dire ne se retrouve dans tous les cas dâautisme et seulement dans ces cas. Lâautisme nâa toujours pas trouvĂ© son ou ses marqueurs biologiques »[89].
En , une publication du comportementaliste dâorigine norvĂ©gienne, Ivar Lovaas, alimente les polĂ©miques au niveau des pratiques : Lovaas rend compte des « rĂ©sultats de renforcements positifs et nĂ©gatifs (un systĂšme de sanction et de rĂ©compense) visant Ă modifier le comportement dâenfants autistes trĂšs dĂ©ficitaires, ce qui est devenu la mĂ©thode ABA que des lobbies efficaces soutiennent aujourdâhui en France ĂȘtre la seule mĂ©thode prouvĂ©e scientifiquement »[89].
L'influence de Bettelheim
Bruno Bettelheim, fidĂšle Ă Anna Freud, donne Ă lâautisme un « retentissement mĂ©diatique qui va se retourner contre la psychanalyse »[29]. Pour Paul Alerini, « câest avec lui quâa dĂ©butĂ© ce retournement dont lâautisme est le symptĂŽme »[29] : la publication de la Forteresse vide en « a fait connaĂźtre son nom en mĂȘme temps quâelle a fait germer la fascination pour lâautisme »[29]. Ole Ivar Lovaas, Bernard Rimland, Eric Schopler reprĂ©sentent les trois courants rĂ©actionnels Ă la psychanalyse des personnes autistes qui se sont dĂ©veloppĂ©s contre Bettelheim. Ces trois courants sont Ă l'origine des mouvements de parents[29].
D'aprĂšs Jonathyne Briggs, les thĂ©ories de Bruno Bettelheim restent influentes en France jusque dans les annĂ©es 1980 et 1990 pour les dĂ©fenseurs d'autres approches, la comprĂ©hension française de lâautisme ayant divergĂ© de sa conception aux Ătats-Unis, oĂč les travaux de Bettelheim se sont trouvĂ©s marginalisĂ©s[28].
Fitzpatrick souligne « un aspect largement mĂ©connu de l'hĂ©ritage de Bettelheim », Ă savoir que « les professionnels du monde de l'autisme, accablĂ©s par la culpabilitĂ© du passĂ©, ont tendance Ă ĂȘtre rĂ©ticents Ă affronter la science de pacotille qui sous-tend une grande partie de l'activisme parental contemporain »[90]. D'aprĂšs lui, des parents activistes qui n'ont « jamais souffert des thĂ©ories psychodynamiques comme la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente » citent Bettelheim « pour lĂ©gitimer leur sentiment de victime et leur rage contre l'establishment mĂ©dical »[90].
Autisme en France
D. V. M. Bishop et Joel Swendsen notent que s'il y a toujours eu des diffĂ©rences gĂ©ographiques dans la pratique de la mĂ©decine, notamment en psychiatrie, et plus encore en pĂ©dopsychiatrie, Laurent Danon-Boileau est le premier auteur Ă s'ĂȘtre rendu compte d'un Ă©norme fossĂ© entre les pratiques françaises et britanniques, dans son livre Lâenfant silencieux : explorer le monde des enfants qui ne parlent pas (2001)[33]. « Pour un spĂ©cialiste du langage enfantin, il est surprenant que quelqu'un puisse imaginer que la psychanalyse, la quintessence de la thĂ©rapie par la parole, puisse aider un enfant Ă troubles de la communication », soulignent Bishop et Swendsen. La psychanalyse est pourtant encore prise au sĂ©rieux en tant qu'intervention pour l'autisme dans quelques pays, la France en Ă©tant l'exemple le plus notable[33]. InterviewĂ© dans le contexte du film Le Mur de Sophie Robert, le psychanalyste Laurent Danon-Boileau dĂ©crit une sĂ©ance avec un enfant autiste oĂč « il ne semble pas voir son rĂŽle comme Ă©tant de faciliter le dĂ©veloppement de lâenfant, mais plutĂŽt dâadopter un rĂŽle passif et interprĂ©tatif »[33].
Groupe PRĂAUT
Les partisans de l'approche psychodynamique de l'autisme, membres de l'association PRĂAUT (PrĂ©vention autisme), entre autres Marie Allione[62] - [91], soutiennent que l'autisme serait guĂ©rissable chez des bĂ©bĂ©s « Ă risques ». La psychanalyste Marie-Christine Laznik, thĂ©oricienne de PRĂAUT, revendique ainsi avoir « Ă©vitĂ© un autisme syndromique » Ă un bĂ©bĂ© de trois mois[92], et Ă un autre de deux mois, dont le frĂšre est autiste[93], grĂące Ă des « soins » guidĂ©s par la psychanalyse.
Le film Le Mur (2011) et la « haine de la psychanalyse »
Selon la psychanalyste et psychiatre Anna Konrad, l'Ă©pisode de film Le Mur, oĂč des psychanalystes Ă©taient donc interviewĂ©s sur l'autisme, « mĂ©morable pour certains par son souvenir traumatisant, Ă©tait un exercice dâattaque audiovisuel : la dĂ©lĂ©gitimation par le moyen de la satire, de la dĂ©rision, de la dĂ©formation dĂ©libĂ©rĂ©e de la parole »[94]. Le pĂ©dopsychiatre Bernard Golse qui apparaĂźt dans Le Mur, qualifie ce documentaire de « parfaitement ignoble et malhonnĂȘte »[95]. Selon la psychiatre Loriane Brunessaux, il s'agit d'un « film de propagande dont le manque de rigueur et la malhonnĂȘtetĂ© ne peuvent Ă©chapper Ă aucune personne sâintĂ©ressant un tant soit peu Ă lâĂ©tat actuel des connaissances et des pratiques dans le champ de lâautisme »[96].
Lâinterdiction dâabord, puis lâautorisation de la diffusion par la Cour d'appel, « ont dĂ©chaĂźnĂ© les parties prenantes dans leur combat Ă mener contre la psychanalyse »[94]. Pour Anna Konrad, « la haine de la psychanalyse, trĂšs actuelle en France, est revendiquĂ©e rĂ©guliĂšrement dans des publications, appels, blogs ou collectifs, souvent trĂšs gĂ©nĂ©reusement relayĂ©s par les mĂ©dias grands publics, presse, tĂ©lĂ©vision et internet »[94].
Accord de scientifiques internationaux en 2017 Ă l'encontre de la psychanalyse
Des scientifiques internationaux rĂ©unis en avril 2017 dans le cadre de la prĂ©paration du QuatriĂšme plan autisme en France s'accordent sur l'absence de preuve d'efficacitĂ© de la psychanalyse, et sur les risques qu'elle fait courir aux personnes autistes[97]. Le Pr Tony Charman (King's College de Londres) dĂ©clare qu« il nâexiste aucune preuve pour une approche psychanalytique dans le traitement des jeunes enfants avec autisme »[97]. La Pr Amaia HervĂĄs ZĂșñiga (UniversitĂ© de Barcelone, Espagne) dit « nous savons que la psychanalyse ne peut rien faire, et nous sommes totalement opposĂ©s Ă cette approche »[97]. Le Dr Jonathan Green dĂ©clare « quâil nâexiste pas de preuve, nulle part dans le monde, qui soutienne le recours Ă la psychanalyse », la Pr Nadia Chabane (CHUV de Lausanne) que « nous nâavons aucun Ă©lĂ©ment aujourdâhui en faveur dâun accompagnement des TSA par la psychanalyse »[97]. Le Dr Kerim Munir (Boston Children's Hospital), pour qui « il faut que la position concernant la psychanalyse soit sans Ă©quivoque », souligne l'existence « des lobbies et des groupes de pression qui militent en faveur de ce genre de traitement », et la rĂ©ticence Ă tester scientifiquement l'efficacitĂ© d'une telle approche[97]. Green conclut qu'une approche psychanalytique peut avoir des incidences nĂ©gatives sur les familles, et que les scientifiques internationaux interrogĂ©s par Claire Compagnon sont « unanimes quant aux risques potentiellement liĂ©s Ă ce genre de traitement »[97].
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Annexes
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
- [FDA 2019] (en) Food and Drugs Administration, « Be Aware of Potentially Dangerous Products and Therapies that Claim to Treat Autism », sur www.fda.gov, (consulté le )
- [vidéo] La Tronche en Live numéro 98 : Les pseudosciences autour de l'autisme sur YouTube