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Symétrie (physique)

En physique la notion de symĂ©trie, qui est intimement associĂ©e Ă  la notion d'invariance, renvoie Ă  la possibilitĂ© de considĂ©rer un mĂȘme systĂšme physique selon plusieurs points de vue distincts en termes de description mais Ă©quivalents quant aux prĂ©dictions effectuĂ©es sur son Ă©volution.

Une thĂ©orie physique possĂšde alors une symĂ©trie S, si toute Ă©quation dans cette thĂ©orie dĂ©crit tout aussi correctement une particule ρ qu'une particule -ρ 'symĂ©trique' de ρ. La symĂ©trie S considĂ©rĂ©e peut porter sur la charge Ă©lectrique de la particule, ou sur toute autre variable, ou combinaison de variables, intervenant dans ses Ă©quations.

Cet article se propose de passer en revue les principaux types de symĂ©tries rencontrĂ©s en physique, de dĂ©crire briĂšvement leur implĂ©mentation formelle et enfin de prĂ©senter les mĂ©canismes par lesquels une symĂ©trie peut ĂȘtre brisĂ©e dans la nature, ce qui peut compliquer sa mise en Ă©vidence dans la pratique.

Histoire de la notion de symétrie en physique

Le mot symĂ©trie vient du grec ancien ÏƒÏ…ÎŒÎŒÎ”Ï„ÏÎŻÎ± (summetrĂ­a) indiquant une relation de commensurabilitĂ©, et plus spĂ©cifiquement de proportion harmonieuse entre diffĂ©rents Ă©lĂ©ments d’un tout. La notion moderne de symĂ©trie conserve ce lien entre les idĂ©es d’harmonie, de beautĂ© et d’unitĂ©, particuliĂšrement dĂ©veloppĂ© dans la philosophie platonicienne, comme le montre l’exemple fameux des cinq « solides de Platon »[N 1] du TimĂ©e. L’usage, souvent implicite, d’arguments de symĂ©trie au service de raisonnements physiques existe ainsi depuis l’AntiquitĂ©. Chez les Grecs anciens, deux exemples sont restĂ©s particuliĂšrement cĂ©lĂšbres. Le premier, dĂ» Ă  Anaximandre et rapportĂ© par Aristote dans son TraitĂ© du ciel explique l’immobilitĂ© de la Terre par sa position centrale dans un Cosmos sphĂ©rique (gĂ©ocentrisme) : aucune direction ne pouvant ĂȘtre privilĂ©giĂ©e pour son mouvement – ce qu’en termes modernes on qualifie d’isotropie – elle doit nĂ©cessairement demeurer statique[N 2]. Le second est dĂ» Ă  ArchimĂšde, pour sa dĂ©monstration des lois de l’équilibre des corps et la recherche des barycentres.

C’est au XVIIe siĂšcle que s’ajoute l’idĂ©e d’élĂ©ments interchangeables par rapport au tout, c’est-Ă -dire d’élĂ©ments diffĂ©rents, opposĂ©s au sein de l’ensemble qu’ils composent, mais pourtant dans une certaine relation d’égalitĂ© entre eux sous rĂ©serve de certaines transformations gĂ©omĂ©triques[1]. C'est cette Ă©volution qui va dĂ©boucher sur les notions gĂ©omĂ©triques Ă©lĂ©mentaires de symĂ©tries axiale et centrale.

De la cristallographie au principe de Curie

Avec la naissance de la cristallographie Ă  partir de la fin du XVIIIe siĂšcle s’impose un premier usage systĂ©matique et mathĂ©matisĂ© des symĂ©tries. En combinant les trois opĂ©rations de rotation, translation et rĂ©flexion (« symĂ©trie miroir »), la cristallographie va aboutir, jusqu’aux travaux d’Auguste Bravais en 1848, Ă  une classification systĂ©matique de l’ensemble des cristaux existants Ă  partir de leurs mailles Ă©lĂ©mentaires, rĂ©parties en six familles et quatorze « types de rĂ©seaux » diffĂ©rents. En plus de fournir une nomenclature des formes possibles, cette classification gĂ©omĂ©trique a Ă©galement permis de caractĂ©riser un certain nombre de propriĂ©tĂ©s optiques et mĂ©caniques des solides cristallins.

AprĂšs ces premiĂšres rĂ©ussites, le physicien français Pierre Curie propose d'Ă©tendre l’usage des arguments de symĂ©trie Ă  des considĂ©rations non plus seulement gĂ©omĂ©triques, mais Ă  l’étude gĂ©nĂ©rale des phĂ©nomĂšnes physiques eux-mĂȘmes. Dans un article cĂ©lĂšbre publiĂ© en 1894, il propose, Ă  partir de l'exemple des phĂ©nomĂšnes Ă©lectriques et magnĂ©tiques dans les cristaux[N 3], un vaste programme aux physiciens :

« Je pense qu’il y aurait intĂ©rĂȘt Ă  introduire dans l’étude des phĂ©nomĂšnes physiques les considĂ©rations sur la symĂ©trie familiĂšres aux cristallographes. [
] Les physiciens utilisent souvent les conditions donnĂ©es par la symĂ©trie, mais nĂ©gligent gĂ©nĂ©ralement de dĂ©finir la symĂ©trie dans un phĂ©nomĂšne. [
] Deux milieux de mĂȘme dissymĂ©trie ont entre eux un lien particulier, dont on peut tirer des consĂ©quences physiques. »

— Sur la symĂ©trie dans les phĂ©nomĂšnes physiques, p. 393-394.

Il fait appel pour cela Ă  la notion de groupe – concept mathĂ©matique naissant qui deviendra l'outil majeur pour l'usage des symĂ©tries en physique thĂ©orique : « Un groupe d’opĂ©rations de recouvrement sera une rĂ©union d’opĂ©rations telles que deux quelconques des opĂ©rations effectuĂ©es successivement donneront le mĂȘme rĂ©sultat que celui qu’on obtient par une opĂ©ration unique faisant partie du groupe. »[2] - [N 4]

Il aboutit à deux conclusions importantes, baptisées depuis du nom de principe de Curie :

  1. « Un phĂ©nomĂšne peut exister dans un milieu qui possĂšde sa symĂ©trie caractĂ©ristique [la « symĂ©trie maxima compatible avec l’existence du phĂ©nomĂšne »] ou celle d’un des intergroupes[N 5] de sa symĂ©trie caractĂ©ristique. »[2]
  2. « Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets produits. Lorsque certains effets révÚlent une certaine dissymétrie, cette dissymétrie doit se retrouver dans les causes qui lui ont donné naissance. »[3]

Dans la conclusion no 2, la seconde phrase n'est que la contraposĂ©e de la premiĂšre. Curie souligne bien que leur rĂ©ciproque, par contre, est fausse : la symĂ©trie des effets n'implique pas la symĂ©trie des causes, de mĂȘme que la dissymĂ©trie des causes n'implique pas la dissymĂ©trie des effets. En rĂ©sumĂ©, un effet peut ĂȘtre « plus symĂ©trique » que sa cause, mais il est au moins « autant symĂ©trique » que celle-ci.

Symétrie en physique classique

On prĂ©sente ici les diffĂ©rents contextes de la physique classique oĂč la notion de symĂ©trie est particuliĂšrement importante. On prĂ©sente la notion d'isotropie, appelĂ©e encore symĂ©trie de rotation, ou encore d'homogĂ©nĂ©itĂ© qui est liĂ©e Ă  l'invariance par translation dans l'espace.

Symétrie et conservation

Le théorÚme de Noether établit que pour toute quantité conservée il existe une symétrie sous-jacente de la théorie.

Types de symétrie

Il y a trois types de distinctions des symétries qui apparaissent en physique :

  • La premiĂšre, la distinction symĂ©trie discrĂšte/symĂ©trie continue, renvoie Ă  la structure mathĂ©matique du groupe utilisĂ© pour dĂ©crire formellement la symĂ©trie ;
  • La seconde, la distinction symĂ©trie globale/symĂ©trie locale, renvoie Ă  la structure physique de la thĂ©orie en indiquant si la symĂ©trie dont on parle peut ĂȘtre appliquĂ©e en chaque point de l'espace de façon indĂ©pendante ou non ;
  • La derniĂšre, la distinction symĂ©trie interne/symĂ©trie d'espace-temps, renvoie Ă  l'objet sur lequel la symĂ©trie agit. S'il s'agit d'un objet physique, comme le champ Ă©lectromagnĂ©tique par exemple, alors on parle de symĂ©trie interne. Si la symĂ©trie agit sur l'espace dans lequel les objets physiques baignent, alors on parle de symĂ©trie d'espace-temps[N 6].

Symétrie discrÚte

Une symĂ©trie est dite discrĂšte lorsque l'ensemble des opĂ©rations de transformation autorisĂ©es constitue un ensemble fini. Par exemple les cristaux possĂšdent le plus souvent un groupe de symĂ©trie discret appelĂ© groupe cristallographique. D'autres symĂ©tries discrĂštes sont importantes en mĂ©canique quantique: il s'agit des symĂ©tries de conjugaison de charge, de paritĂ© et d'inversion du temps qui permettent d'exprimer le thĂ©orĂšme CPT affirmant que toute thĂ©orie quantique doit ĂȘtre invariante sous le produit de ces trois symĂ©tries.

Symétrie continue

De façon intuitive, une symétrie est dite continue lorsque les paramÚtres qui la déterminent varient de façon continue. C'est le cas de la symétrie de rotation qui est associée au groupe de rotations dans l'espace par exemple. Ce dernier est paramétré par les trois angles d'Euler qui varient en effet de façon continue.

La structure mathématique qui sous-tend la description des symétries continues est la théorie des groupes de Lie dont le groupe des rotations est un exemple.

Symétrie globale

Une symĂ©trie est globale, on dit encore rigide, si on effectue la mĂȘme transformation en tous les points du systĂšme pour aboutir Ă  une configuration Ă©quivalente. Par exemple la loi universelle de la gravitation de Newton qui s'exerce entre deux corps est inchangĂ©e lorsqu'on effectue une rotation ou une translation identique sur les deux corps. On dit donc que la loi de la gravitation universelle est invariante sous les transformations globales de rotation et de translation.

Symétrie locale

Il arrive parfois qu'une théorie admette une symétrie bien plus poussée, autorisant à effectuer des transformations différentes en chaque point de l'espace. Dans ces cas, on parle alors de symétrie locale.

Le premier cas connu de symĂ©trie locale est celui de l'Ă©lectromagnĂ©tisme. En effet les Ă©quations de Maxwell sont inchangĂ©es lorsqu'on change simultanĂ©ment le potentiel Ă©lectrique par la dĂ©rivĂ©e par rapport au temps d'une fonction arbitraire et qu'on change le potentiel vecteur par le gradient de cette mĂȘme fonction. Si cette fonction varie selon le temps et l'espace alors en chaque point on effectue bien une transformation diffĂ©rente. Pourtant les Ă©quations restent inchangĂ©es et les conclusions physiques restent les mĂȘmes. La fonction arbitraire servant Ă  construire ces transformations paramĂ©trise le groupe de symĂ©trie locale de l'Ă©lectromagnĂ©tisme qui est notĂ©e mathĂ©matiquement .

Dans le cas qu'on vient de voir, la symétrie utilisée agissait sur les champs de la théorie, il s'agissait donc d'une symétrie interne et dans ce cas on parle d'invariance de jauge. L'électromagnétisme est donc un exemple de théorie de jauge.

Si on a affaire Ă  une symĂ©trie d'espace-temps, comme le cas des translations par exemple, les choses sont un peu plus compliquĂ©es d'un point de vue technique. Si la thĂ©orie est telle que cette symĂ©trie est en plus locale, elle possĂšde alors l'invariance par reparamĂ©trisation de l'espace-temps, on parle encore de covariance gĂ©nĂ©rale, et il s'agit alors de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale. La loi universelle de la gravitation est invariante sous les transformations globales de translation mais pas locales. La relativitĂ© gĂ©nĂ©rale peut donc ĂȘtre vue comme l'extension de la gravitĂ© newtonienne pour laquelle on a agrandi l'ensemble des transformations sous lesquelles elle est invariante.

Les deux cas que nous avons vus correspondaient à des groupes de symétrie discrets. Un cas plus exotique est celui de la construction d'orbifolds en théorie des cordes qui permet de construire des exemples de symétrie locale pour une symétrie discrÚte.

Exemples de symétries courantes

Symétrie de translation

AppelĂ©e aussi invariance sous les translations, cette symĂ©trie dit que les lois physiques (relativitĂ©, gravitĂ©, Ă©lectromagnĂ©tisme
) restent les mĂȘmes en tout point de l'univers.

Symétrie de rotation

Cette symétrie, appelée aussi invariance sous les rotations ou isotropie, désigne la caractéristique topologique d'une théorie ou d'un systÚme physique qui n'est pas transformé par une rotation. L'objet le plus symétrique, sur ce point de vue, est la sphÚre[N 7] car, elle reste mathématiquement inchangée par n'importe quelle rotation.

Aspects mathématiques de la notion de symétrie

Intégrabilité

L'intégrabilité est la propriété que possÚdent certains systÚmes d'avoir autant de quantités conservées que de degrés de liberté. Dans ce cas, la donnée de ces constantes du mouvement suffit à déterminer complÚtement le comportement du systÚme. Le cas le plus simple est celui d'un seul degré de liberté comme un ressort oscillant selon une seule direction ou un pendule oscillant dans un plan. Dans ce cas, si le systÚme est isolé, la seule donnée de l'énergie suffit à connaßtre toute la dynamique.

Certains systÚmes possédant un nombre infini de degrés de liberté possÚdent également un nombre infini de quantités conservées. Dans nombre de situations intéressantes cette propriété suffit à déterminer complÚtement l'ensemble des observables importantes du systÚme. Pour cette raison on dit aussi des modÚles qui les décrivent qu'ils sont exactement solubles. En accord avec le théorÚme de Noether l'algÚbre de symétrie de tels systÚmes est de dimension infinie.

Symétrie et degrés de liberté

La symétrie est d'autant plus grande que les degrés de liberté sont redondants.

Symétrie en physique quantique

MĂ©canique quantique

En mécanique quantique, dans laquelle le systÚme est décrit par des états quantiques qui forment un espace mathématique appelé espace de Hilbert, une transformation de symétrie représente le fait de changer ces états quantiques sans pour autant modifier le résultat de la mesure des observables de la théorie.

Le thĂ©orĂšme de Wigner montre alors qu'une telle transformation de symĂ©trie doit ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par un opĂ©rateur possĂ©dant certaines propriĂ©tĂ©s mathĂ©matiques prĂ©cises[N 8] et agissant sur l'espace de Hilbert.

Si on appelle l'opĂ©rateur de symĂ©trie dans la reprĂ©sentation de Schrödinger, dans laquelle les Ă©tats quantiques Ă©voluent avec le temps, alors on peut montrer que la relation suivante doit ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e

oĂč est l'opĂ©rateur hamiltonien. Dans le cas oĂč l'opĂ©rateur de symĂ©trie ne dĂ©pend pas explicitement du temps (donc ) alors cette condition se simplifie en

Cette relation exprime alors que cette symétrie est associée à une constante du mouvement par rapport au temps.

Dans la reprĂ©sentation de Heisenberg par contre, dans laquelle les Ă©tats quantiques n'Ă©voluent pas avec le temps, l'opĂ©rateur de symĂ©trie prend une autre forme, notĂ©e et on peut montrer que la condition d'ĂȘtre une symĂ©trie s'Ă©crit[N 9]

Exemple : le spin

Lorsque le systÚme possÚde la symétrie qui est le groupe décrivant les rotations de l'espace alors on peut classer les états quantiques selon leur spin qui permet de mesurer la façon dont ils se transforment sous ce groupe.

Cas d'une théorie des champs en deux dimensions : la symétrie conforme

La symĂ©trie conforme est la propriĂ©tĂ© que possĂšdent certains systĂšmes de paraĂźtre semblables Ă  eux-mĂȘmes en changeant l'Ă©chelle d'observation (on dit aussi auto-similaires). En physique statistique on observe une grande classe de tels systĂšmes au cours d'une transition de phase.

La symĂ©trie conforme peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e dans des systĂšmes de dimensions variĂ©es mais le cas Ă  deux dimensions est trĂšs particulier car le groupe conforme qui est associĂ© Ă  cette symĂ©trie possĂšde alors une dimension infinie. Un aussi grand groupe de symĂ©tries impose des contraintes trĂšs fortes sur la structure des observables du systĂšme et dans nombre de situations la symĂ©trie conforme est suffisante pour connaĂźtre exactement toutes les caractĂ©ristiques physiques du systĂšme.

Les contraintes supplémentaires apportées par la symétrie conforme peut amener des systÚmes en apparence différents d'un point de vue microscopique à partager des propriétés macroscopiques communes lors de transitions de phase, on appelle cette propriété universalité.

Brisure de symétrie

Expérimentalement il peut arriver qu'une symétrie ne soit pas observée. On dit alors que la symétrie est brisée. Cette brisure peut avoir deux origines : soit la symétrie attendue n'est pas une invariance fondamentale des lois sous-jacentes et alors on parle de brisure explicite[N 10], soit elle est une invariance fondamentale mais les conditions expérimentales sont telles que la symétrie n'apparaßt pas explicitement. On parle dans ce cas de brisure spontanée.

transition de phase

Brisure spontanée

Pour illustrer le mĂ©canisme de brisure spontanĂ©e de symĂ©trie il suffit de considĂ©rer l'exemple suivant : certains corps, comme le fer, le cobalt ou le nickel, sont susceptibles d'acquĂ©rir une aimantation lorsqu'ils sont mis en prĂ©sence d'un champ magnĂ©tique. Ce sont des corps dits ferromagnĂ©tiques. Plus prĂ©cisĂ©ment, lorsque leur tempĂ©rature est infĂ©rieure Ă  leur tempĂ©rature de Curie alors ils sont aimantables et un champ magnĂ©tique extĂ©rieur, mĂȘme faible, suffit Ă  faire apparaĂźtre dans tout le matĂ©riau une aimantation qui pointe dans la direction du champ extĂ©rieur. Si par la suite on Ă©teint complĂštement ce champ extĂ©rieur, le corps conserve cette aimantation non nulle. Si ensuite on remonte progressivement la tempĂ©rature jusqu'Ă  atteindre puis dĂ©passer sa tempĂ©rature de Curie alors le corps perd son aimantation.

Pour dĂ©crire cette rĂ©action trĂšs sensible Ă  une faible perturbation extĂ©rieure (ici un champ magnĂ©tique), on dit qu'un corps ferromagnĂ©tique acquiert spontanĂ©ment une aimantation lorsqu'il est refroidi en dessous de sa tempĂ©rature de Curie. Cette aimantation fixe une direction particuliĂšre de l'espace et brise l'isotropie des lois de la mĂ©canique quantique rĂ©gissant le comportement des Ă©lectrons au sein du matĂ©riau. NĂ©anmoins cette brisure est faible au sens oĂč si le champ magnĂ©tique externe avait pointĂ© dans une autre direction, alors le ferromagnĂ©tique aurait acquis une aimantation pointant dans cette autre direction. À chaque fois la symĂ©trie de rotation est donc brisĂ©e mais il y a Ă©quivalence entre toutes les directions de brisure possibles.

Lorsque la température remonte au-delà de la température de Curie, le corps perd sa capacité à acquérir une aimantation et il ne réagit plus à un champ magnétique externe. On dit donc qu'au-delà de cette température critique la symétrie de rotation est restaurée.

Les aspects qui viennent d'ĂȘtre dĂ©crits pour le ferromagnĂ©tisme sont trĂšs gĂ©nĂ©raux et s'appliquent de façon semblable Ă  tous les phĂ©nomĂšnes de brisure spontanĂ©e de symĂ©trie, qu'il s'agisse aussi bien de physique classique comme on l'a vu que de physique quantique avec l'exemple du mĂ©canisme de Higgs, par lequel les particules Ă©lĂ©mentaires du modĂšle standard acquiĂšrent leur masse. Au cours de ce processus c'est la symĂ©trie de jauge de la thĂ©orie Ă©lectrofaible qui est spontanĂ©ment brisĂ©e par le fait que le champ de Higgs acquiert une valeur moyenne dans le vide non nulle Ă  basse tempĂ©rature.

Dans un phĂ©nomĂšne gĂ©nĂ©ral de brisure spontanĂ©e de symĂ©trie, il existe un paramĂštre continu (l'aimantation dans le cas du ferromagnĂ©tisme, la valeur moyenne du champ de Higgs en physique des particules) du systĂšme, appelĂ© paramĂštre d'ordre, tel qu'en dessous d'une certaine valeur critique de la tempĂ©rature, le systĂšme se trouve dans une phase oĂč la symĂ©trie est brisĂ©e et au-dessus de laquelle la symĂ©trie est restaurĂ©e. Le fait de passer d'un rĂ©gime Ă  l'autre s'appelle une transition de phase[N 11].

Il faut noter toutefois qu'en pratique, si pour des raisons quelconques il n'y a pas de petite perturbation extĂ©rieure au systĂšme qui lui fait choisir un Ă©tat brisant la symĂ©trie alors il peut conserver un Ă©tat parfaitement symĂ©trique bien qu'il se trouve dans la phase oĂč la symĂ©trie est brisĂ©e. On dit alors qu'il se trouve dans un Ă©tat mĂ©tastable. Par exemple l'eau peut se trouver en Ă©tat de surfusion si sa tempĂ©rature est en dessous de 0 degrĂ©s mais qu'il n'existe aucune impuretĂ© pour commencer Ă  former des cristaux de glace en son sein. Un exemple historique cĂ©lĂšbre d'eau en surfusion est celui de la mort tragique des chevaux ayant traversĂ© le lac Ladoga pendant la seconde guerre mondiale.

Brisure quantique d'une symétrie classique

Une thĂ©orie peut possĂ©der une symĂ©trie au niveau classique, visible par exemple au niveau de son Hamiltonien, mais ĂȘtre brisĂ©e aprĂšs la procĂ©dure de quantification par de subtils effets quantiques.

L'exemple le plus remarquable d'anomalie découvert est celui de l'anomalie d'échelle dans le cadre de la théorie quantique des champs. En effet, dans une théorie des champs ne possédant que des champs de masse nulle on peut effectuer une transformation d'échelle sur les directions d'espace et de temps sans pour autant affecter les équations du mouvement de la théorie[N 12]. Pourtant, comme on peut le montrer par des calculs explicites[4] les observables quantiques ne satisfont pas la symétrie d'échelle en général et en conséquence les équations du groupe de renormalisation permettent de calculer explicitement la dépendance des mesures quantiques en fonction de l'échelle d'observation. C'est précisément cette anomalie d'échelle qui est responsable de la liberté asymptotique de la chromodynamique quantique.

Un autre exemple d'anomalie remarquable est celui de l'anomalie chirale.

Une symétrie particuliÚre : la supersymétrie

Motivation

Le modÚle standard confirmé par les observations montre une dissymétrie apparente entre bosons et fermions dans la nature. Une brique de ce modÚle cependant n'avait pas encore été observée[N 13]: le boson de Higgs qui est responsable de la brisure électrofaible et de l'existence d'une masse non nulle pour les champs de matiÚre (électron, quarks etc.). Se pose donc la question de sa masse qui détermine le niveau d'énergie auquel on pourra éventuellement l'observer.

Comme on l'a introduit lorsqu'on a Ă©voquĂ© la renormalisation, les effets quantiques affectent la masse observĂ©e de toutes les particules et en particulier de la masse du Higgs. Or Ă  la diffĂ©rence des autres particules, le boson de Higgs est un champ scalaire. D'un point de vue technique et Ă  la diffĂ©rence des autres particules, un champ scalaire peut recevoir des corrections extrĂȘmement grandes Ă  sa masse (on dit qu'il n'est pas protĂ©gĂ©) et la seule Ă©chelle naturelle pour ces corrections est la masse de Planck. Si comme on l'espĂšre le Higgs ne se trouve pas Ă  de tels niveaux d'Ă©nergie, et qu'au contraire il est observable Ă  une Ă©chelle de l'ordre[N 14] du TeV, il est nĂ©cessaire de trouver un mĂ©canisme expliquant une masse observĂ©e si faible: c'est le problĂšme de la hiĂ©rarchie qui est une question majeure d'un point de vue phĂ©nomĂ©nologique.

La supersymĂ©trie, qui postule l'existence pour chaque boson d'une particule fermionique associĂ©e et rĂ©ciproquement, a Ă©tĂ© introduite pour la premiĂšre fois[5] en 1971. Elle permettrait de rĂ©soudre naturellement le problĂšme de la hiĂ©rarchie car dans ce cas on peut montrer que la correction Ă  la masse du Higgs par une particule donnĂ©e est toujours annulĂ©e par celle de son partenaire supersymĂ©trique. À ce jour il n'existe pas d'autre proposition rĂ©solvant le problĂšme de la hiĂ©rarchie et la supersymĂ©trie est donc devenue un concept majeur de la physique thĂ©orique depuis cette Ă©poque.

Comme la supersymĂ©trie n'est pas observĂ©e dans la nature il est alors nĂ©cessaire d'introduire en mĂȘme temps un mĂ©canisme de brisure de la supersymĂ©trie. Il existe beaucoup de tels modĂšles et il ne sera possible de discriminer entre eux qu'une fois la supersymĂ©trie observĂ©e, si elle est effectivement observĂ©e. Ils ont nĂ©anmoins tous en commun de briser spontanĂ©ment la supersymĂ©trie dans la mesure oĂč ces modĂšles contiennent toujours une restauration de la supersymĂ©trie Ă  haute Ă©nergie.

Voir aussi

Articles connexes

Ouvrages généraux

Histoire et philosophie des sciences

Liens externes

Notes

  1. Les cinq polyÚdres réguliers convexes, définis par des relations de symétrie entre leurs faces (tétraÚdre, cube, octaÚdre, dodécaÚdre et icosaÚdre).
  2. La cosmologie contemporaine fait toujours un usage important de cette isotropie de l'Univers, mais rejette sa forme sphérique pour la remplacer par une hypothÚse d'homogénéité, c'est-à-dire de symétrie par une translation quelconque (« principe cosmologique »). Cette hypothÚse implique l'absence de tout centre dans l'Univers, contrairement à la conception des Grecs, et rend donc l'isotropie compatible avec l'absence de position centrale de la Terre.
  3. PiĂ©zoĂ©lectricitĂ©, pyroĂ©lectricité 
  4. Il Ă©nonce ici la propriĂ©tĂ© mathĂ©matique fondamentale des groupes : l'existence d'une loi de composition interne. Ainsi, un carrĂ© possĂšde une symĂ©trie de rotation d'un quart de tour. C'est-Ă -dire qu'il est invariant pour toute rotation multiple de 90°. Deux rotations successives de ce type (par exemple 90° et 180° – un demi-tour), feront encore une rotation multiple de 90° (trois-quarts de tour, en l’occurrence). Le carrĂ© restera donc invariant pour toute combinaison de ce type de rotations.
  5. C'est-Ă -dire sous-groupes en termes contemporains.
  6. Cette distinction tend Ă  devenir floue en relativitĂ© gĂ©nĂ©rale, oĂč l'espace-temps lui-mĂȘme acquiert le statut d'objet physique mais il reste quand mĂȘme utile de distinguer entre les symĂ©tries qui agissent sur lui et celles qui agissent sur les autres objets physiques.
  7. Nous parlons ici d'une sphÚre mathématique, en langage courant, on peut la comprendre comme une sphÚre parfaite
  8. Plus prĂ©cisĂ©ment l'opĂ©rateur doit ĂȘtre linĂ©aire et unitaire ou bien antilinĂ©aire et antiunitaire
  9. On Ă©crit bien ici une dĂ©rivĂ©e totale et non partielle car il faut tenir compte de la variation temporelle des opĂ©rateurs irrĂ©ductibles en fonction desquels est exprimĂ© et qui dĂ©pendent eux-mĂȘmes du temps en reprĂ©sentation de Heisenberg.
  10. Dans ce cas, il n'y a pas à proprement parler de symétrie.
  11. La transition ferromagnétique est dite du second ordre car l'aimantation varie de façon continue lorsqu'on passe la température critique.
  12. La présence d'une masse, qui est une quantité dimensionnée, non nulle fixerait une échelle naturelle de la théorie et expliquerait l'absence de symétrie d'échelle dans ce cas.
  13. Le 4 juillet 2012, le CERN annonce, lors d'une confĂ©rence, avoir identifiĂ©, avec un degrĂ© de confiance de 99,99997 % (5 σ), un nouveau boson dans un domaine de masse de l'ordre de 125–126 GeV⋅c-2, qui paraĂźt compatible avec celui du boson de Higgs. Le 15 mars 2013, le CERN confirme que, selon toute vraisemblance, il s'agit bien du boson de Higgs
  14. Comme cela semble ĂȘtre le cas d'aprĂšs les derniĂšres observations effectuĂ©es par le LEP et qui devraient ĂȘtre sont en attente d'ĂȘtre confirmĂ©es par le LHC.

Références

  1. « In addition to the ancient notion of symmetry used by the Greeks and Romans (current until the end of the Renaissance), a different notion of symmetry emerged in the seventeenth century, grounded not on proportions but on an equality relation between elements that are opposed, such as the left and right parts of a figure. » Brading et Castellani 2013, 1. The Concept of Symmetry.
  2. Curie 1894, p. 400.
  3. Curie 1894, p. 401.
  4. (en) Claude Itzykson et Jean-Bernard Zuber (de), Quantum Field Theory, Dover, , 705 p. (ISBN 978-0-486-44568-7, lire en ligne)
  5. (en) Yu.A. Golfand, E.P. Likhtman, Extension Of The Algebra Of Poincare Group Generators And Violation Of P Invariance, JETP Lett.13:323-326, 1971.
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