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Principe de relativité

Le principe de relativité[1] affirme que les lois physiques s'expriment de maniÚre identique dans tous les référentiels inertiels : les lois sont « invariantes par changement de référentiel inertiel ».

  • Cela implique que pour deux expĂ©riences prĂ©parĂ©es de maniĂšre identique dans deux rĂ©fĂ©rentiels inertiels, les mesures faites sur l'une et l'autre dans leur rĂ©fĂ©rentiel respectif sont identiques : si je laisse tomber une balle, je constate la mĂȘme trajectoire, que je rĂ©alise l'expĂ©rience sur le quai d'une gare ou dans un train en mouvement rectiligne uniforme.
  • Cela ne signifie pas que les mesures au cours d'une expĂ©rience sont les mĂȘmes pour les diffĂ©rents observateurs, chacun mesurant depuis son rĂ©fĂ©rentiel inertiel respectif, mais cela implique que les mesures faites par les diffĂ©rents observateurs vĂ©rifient les mĂȘmes Ă©quations (un changement de rĂ©fĂ©rentiel pour l'observation intervenant sous la forme de la variation d'un ou plusieurs paramĂštres dans les Ă©quations) : si du quai d'une gare j'observe tomber une balle lĂąchĂ©e dans un train en mouvement, je n'observe pas la mĂȘme trajectoire (une courbe) que celle observĂ©e par l'expĂ©rimentateur situĂ© dans le train (une droite), mais ces deux trajectoires dĂ©pendent de la mĂȘme Ă©quation.

Une généralisation à la base de la relativité générale, et appelée « principe de covariance[2] » ou « principe de relativité générale[3] - [4] », affirme que les lois physiques s'expriment de maniÚre identique dans tous les référentiels (inertiels ou non). On dit alors que les lois sont « covariantes ».

D'une thĂ©orie Ă  l'autre (physique classique, relativitĂ© restreinte ou gĂ©nĂ©rale), la formulation du principe a Ă©voluĂ© et s'accompagne d'autres hypothĂšses sur l'espace et le temps, sur les vitesses, etc. Certaines de ces hypothĂšses Ă©taient implicites ou « Ă©videntes » en physique classique, car conformes Ă  toutes les expĂ©riences, et elles sont devenues explicites et plus discutĂ©es Ă  partir du moment oĂč la relativitĂ© restreinte a Ă©tĂ© formulĂ©e.

Exemples en physique classique

PremiĂšre situation

Supposons que dans un train roulant à vitesse constante (sans les accélérations, petites ou grandes, perceptibles dans le cas d'un train réel), un voyageur se tient debout, immobile par rapport à ce train, et tient un objet dans la main. S'il lùche l'objet, celui-ci tombe à la verticale de la main qui le tenait (vitesse initiale par rapport au train nulle) et selon une certaine loi en fonction du temps.

Le principe de relativitĂ© ne dit pas que le mouvement de cet objet sera le mĂȘme si, aprĂšs l'avoir rapportĂ© Ă  un rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au train on le rapporte Ă  un rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au sol : l'expĂ©rience montre que ce serait erronĂ© puisque, vu du train l'objet dĂ©crit une droite verticale, tandis que, vu du sol il dĂ©crit une parabole.

Vues depuis l'un ou l'autre de ces rĂ©fĂ©rentiels les conditions initiales de l'expĂ©rience ne sont pas les mĂȘmes : l'attraction gravitationnelle est identique dans les deux, mais par rapport au rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au train la vitesse initiale de l'objet lĂąchĂ© est nulle, tandis que par rapport au rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au sol, elle ne l'est pas.

Toutefois, une mĂȘme loi mathĂ©matique pour chacun des deux rĂ©fĂ©rentiels permet de dĂ©crire cette expĂ©rience, cette loi tient compte de la vitesse initiale par rapport au rĂ©fĂ©rentiel.

DeuxiĂšme situation

En revanche, si quelqu'un lĂąche un objet qu'il tient dans la main, les conditions gĂ©nĂ©rales ainsi que les conditions initiales sont identiques pour l'expĂ©rience faite au sol et celle faite dans le train. Selon le principe de relativitĂ©, l'objet doit tomber de maniĂšre identique que ce soit dans le cas oĂč il est lĂąchĂ© dans le train (et l'observation faite depuis le train aussi) ou au sol (et l'observation faite depuis le sol aussi) : c'est bien ce que l'expĂ©rience confirme.

Conclusion

Dans les deux cas exposĂ©s, le principe de relativitĂ© s'applique diffĂ©remment : pour l'expĂ©rience vue depuis deux rĂ©fĂ©rentiels diffĂ©rents, les observations sont diffĂ©rentes mais une mĂȘme loi mathĂ©matique les dĂ©crit toutes les deux (oĂč il est tenu compte de la vitesse initiale, nulle ou non) ; pour les deux expĂ©riences faites dans deux rĂ©fĂ©rentiels distincts, oĂč les conditions de l'expĂ©rience sont identiques, les observations sont rigoureusement identiques (aux imprĂ©cisions de mesures prĂšs).

Formulations

En mécanique classique

Définition : Un référentiel galiléen (ou inertiel) est un référentiel dans lequel tout corps libre (non influencé par l'extérieur) qui est au repos y reste indéfiniment, et tout corps libre en mouvement reste à vecteur vitesse constant (et donc aussi à moment angulaire constant).

Principe de relativité de Galilée : toutes les lois de la mécanique sont identiques dans tous les référentiels galiléens.

HypothÚses sur l'espace physique : l'espace physique, supposé homogÚne et isotrope, est identifié à un espace affine de dimension 3, on utilise alors l'espace vectoriel associé, le temps (supposé indépendant du référentiel de l'observateur, de maniÚre évidente) paramétrant les trajectoires et les états du systÚme étudié.

Propriété : soit () un référentiel galiléen, si () est un référentiel se déplaçant par translation à vitesse constante V par rapport à (), alors () est lui aussi galiléen.

Remarque : on prendra garde au fait que la réciproque de la propriété n'est pas vraie, contrairement à ce qui a semblé évident à tous jusqu'à ce qu'Albert Einstein élabore le principe d'équivalence.

Commentaire : le principe a deux significations (comme expliqué au paragraphe précédent) :

- Une mĂȘme expĂ©rience, vue depuis deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens diffĂ©rents () et (), suit une loi qui s'exprime de la mĂȘme maniĂšre quand elle est formulĂ©e dans les coordonnĂ©es de l'un ou de l'autre des rĂ©fĂ©rentiels.

- Une expĂ©rience faite Ă  l'identique dans deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens quelconques suit, dans chacun, la mĂȘme loi et donne exactement les mĂȘmes observations.

HypothÚse pour les changements de référentiel : les transformations de Galilée.

Si est le vecteur coordonnĂ©es d'un point dans () et est le vecteur coordonnĂ©es du mĂȘme point dans (), alors on a :

et
Remarque : cette hypothÚse a été tellement longtemps en parfait accord avec toutes les expériences qu'elle a été une évidence jusqu'à la formulation de la relativité restreinte. Par ailleurs, elle implique qu'il n'y a pas de vitesse maximale, ce qui était en accord avec les observations sur la vitesse infinie (semblait-il) de la transmission de l'influence gravitationnelle.

Le principe de relativité de Galilée s'exprime aussi bien comme la nécessité de l'invariance des équations du mouvement par rapport aux transformations de Galilée.

La deuxiĂšme Ă©galitĂ© signifie que le temps est le mĂȘme dans les deux rĂ©fĂ©rentiels[note 1].
La premiÚre égalité[note 2] est équivalente à la loi de composition des vitesses : (à un vecteur constant prÚs)
Elle est aussi équivalente à l'indépendance de l'accélération (et donc de la force s'exerçant sur le corps) par rapport au référentiel inertiel de l'observateur : (à un vecteur constant prÚs)

En relativité restreinte

La dĂ©finition d'un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en est la mĂȘme qu'en mĂ©canique classique.

Le principe de relativité voit son domaine d'application s'élargir :

Principe de relativité : toutes les lois de la physique, hormis la gravitation, sont identiques dans tous les référentiels galiléens.

On y joint un postulat conforme Ă  l'Ă©lectromagnĂ©tisme de Maxwell : « la vitesse de la lumiĂšre dans le vide ne dĂ©pend pas de la vitesse de sa source », que l'on peut aussi exprimer « la valeur de la vitesse de la lumiĂšre dans le vide est la mĂȘme dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens ».

La gravitation : jusqu'à la relativité générale, la loi universelle de la gravitation de Newton et l'avance du périhélie de Mercure ne furent pas compatibles avec le postulat sur la vitesse de la lumiÚre et les hypothÚses sur l'espace.
Remarque : Les mathématiques proposent, avec le seul principe de relativité (dans un espace affine), d'avoir une vitesse inchangée d'un référentiel galiléen à l'autre et indépassable, cette vitesse étant, au choix, finie ou infinie. Les propriétés de la vitesse de la lumiÚre, qui est finie dans la théorie de l'électromagnétisme, permettent son identification avec la vitesse limite de la théorie.

HypothĂšses sur l'espace physique : l'espace physique est supposĂ© homogĂšne et isotrope et est identifiĂ©, pour chaque rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en, Ă  un espace affine (avec l'espace vectoriel associĂ©) de dimension 3, et un temps paramĂ©trant les trajectoires et les Ă©tats du systĂšme Ă©tudiĂ© : la mesure du temps est propre Ă  chaque rĂ©fĂ©rentiel et les changements de rĂ©fĂ©rentiels indiquent aussi le changement de cette mesure. L'hypothĂšse sur la vitesse de la lumiĂšre impliquant que chaque rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en a son propre temps, l'espace physique peut aussi ĂȘtre identifiĂ© Ă  un espace-temps de quatre dimensions (trois d'espace et une de temps) : l'espace-temps de Minkowski.

La propriété est toujours vraie :

Propriété : soit () un référentiel galiléen, on a : si () est un référentiel se déplaçant par translation à vitesse constante V par rapport à (), alors () est lui aussi galiléen.

Remarque : la réciproque de la propriété est implicitement admise. En relativité restreinte les référentiels étudiés sont ceux qui sont inertiels et qui sont supposés en translations à vitesse constante les uns par rapport aux autres. La gravitation n'est pas traitée par cette théorie.

Commentaire : pour le principe de relativitĂ©, idem au commentaire fait dans le paragraphe ci-dessus de la mĂ©canique classique. Pour le second principe : on peut en comprendre la nĂ©cessitĂ© si on considĂšre que la vitesse de la lumiĂšre est une mesure de deux expĂ©riences identiques (Ă©mission de lumiĂšre) faites dans deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens diffĂ©rents : sa mesure doit ĂȘtre la mĂȘme dans les deux (mais pour admettre cela il faut s'ĂȘtre convaincu que l'Ă©ther n'a pas sa place en physique).

ConsĂ©quences : la vitesse de la lumiĂšre dans le vide est une vitesse indĂ©passable dans tout rĂ©fĂ©rentiel; deux Ă©vĂšnements simultanĂ©s dans le rĂ©fĂ©rentiel () peuvent ne pas l'ĂȘtre dans (); les mesures des intervalles de temps, des longueurs, des vitesses et des accĂ©lĂ©rations changent d'un rĂ©fĂ©rentiel Ă  l'autre[note 3]; etc.

Transformations de Lorentz : ces transformations, déductibles des hypothÚses, expriment les changements des mesures des intervalles de temps, des longueurs et des vitesses d'un référentiel inertiel à l'autre; le principe de relativité, en relativité restreinte, s'exprime aussi comme la nécessité de l'invariance des équations de la physique par ces transformations.

Le diagramme de Minkowski permet de visualiser les différents effets de la relativité en évitant de manipuler trop de formules mathématiques.

En relativité générale

VĂ©rifier le principe de covariance gĂ©nĂ©rale et bien modĂ©liser la gravitation sont les principales raisons d'ĂȘtre de cette thĂ©orie.

Principe de relativité ou de covariance générale : les lois de la physique sont identiques dans tous les référentiels, inertiels ou non.

DĂ©finition : Un rĂ©fĂ©rentiel inertiel est un rĂ©fĂ©rentiel dans lequel tout corps libre (non influencĂ© par l'extĂ©rieur) qui est au repos y reste indĂ©finiment, et tout corps libre en mouvement reste Ă  vitesse constante (et donc aussi Ă  moment angulaire constant). Du fait des autres contraintes indiquĂ©es ci-dessous, un tel rĂ©fĂ©rentiel ne peut ĂȘtre dĂ©fini que localement et temporairement.

Commentaire :

Ici, le principe signifie qu'une expĂ©rience vĂ©rifie une loi qui s'exprime de la mĂȘme maniĂšre (mĂȘme formule) pour tous les rĂ©fĂ©rentiels (galilĂ©ens ou non) des diffĂ©rents observateurs.
Dans les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens, on observe toujours exactement les mĂȘmes rĂ©sultats pour des expĂ©riences identiques; et de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, dans deux rĂ©fĂ©rentiels soumis exactement au mĂȘme champ de gravitation et ayant une expĂ©rience identiquement faite dans chacun, la loi de l'expĂ©rience sera rigoureusement la mĂȘme dans les deux rĂ©fĂ©rentiels, les observations de l'expĂ©rience et les mesures aussi.
Dans des rĂ©fĂ©rentiels ayant des contraintes gravitationnelles diffĂ©rentes, les mesures d'une expĂ©rience seront influencĂ©es par le champ gravitationnel de chaque rĂ©fĂ©rentiel, suivant la mĂȘme loi.

Principe d'Ă©quivalence : la gravitation est localement Ă©quivalente Ă  une accĂ©lĂ©ration du rĂ©fĂ©rentiel, tout rĂ©fĂ©rentiel en chute libre dans un champ de gravitation est un rĂ©fĂ©rentiel inertiel oĂč les lois physiques sont celles de la relativitĂ© restreinte.

Remarque : partant de l'hypothÚse qu'il doit y avoir continuité des propriétés avec la relativité restreinte, une expérience par la pensée faite par Einstein lui fit comprendre que dans un référentiel accéléré les mesures des longueurs ne sont pas compatibles avec une géométrie euclidienne, c'est-à-dire avec un espace plat.

Structure mathématique utilisée : variété riemannienne de dimension 4 (une « surface de dimension 4 » déformée, avec une métrique localement définie), les lois étant écrites avec des égalités tensorielles pour assurer leur validité en tout point de la variété et pour tout référentiel.

Propriété :

  • LĂ  oĂč l'espace est courbe (courbure principale non nulle), les seuls rĂ©fĂ©rentiels inertiels sont les rĂ©fĂ©rentiels en chute libre dans le champ de gravitation, et ils ne sont inertiels que sur une Ă©tendue d'espace-temps localement plate (ce qui n'est jamais qu'une approximation). Dans une telle Ă©tendue, la relativitĂ© restreinte s'applique et tout rĂ©fĂ©rentiel translatĂ© du rĂ©fĂ©rentiel inertiel est lui-mĂȘme inertiel (avec des limitations semblables).
  • LĂ  oĂč l'espace est courbe, la notion de translation est remplacĂ©e par le dĂ©placement le long d'une gĂ©odĂ©sique. Mais la notion de distance n'est que locale en relativitĂ© gĂ©nĂ©rale (hors du cadre local, deux points distincts peuvent ĂȘtre joints par deux gĂ©odĂ©siques de longueurs diffĂ©rentes), et il est dĂ©licat de vouloir connaitre l'Ă©volution dans le temps (liĂ© Ă  un rĂ©fĂ©rentiel) de la distance entre deux rĂ©fĂ©rentiels inertiels joints par une gĂ©odĂ©sique : Ă  priori, la variation d'une telle distance n'est pas proportionnelle au temps Ă©coulĂ©.
  • LĂ  oĂč l'espace est plat (pseudo-euclidien), ce qui Ă  priori n'est jamais parfaitement rĂ©alisĂ©, la thĂ©orie de la relativitĂ© restreinte s'applique, mais on peut choisir un rĂ©fĂ©rentiel accĂ©lĂ©rĂ© et ainsi avoir toutes les manifestations locales d'un champ de gravitation.

ConsĂ©quences : la gravitation est la manifestation de la dĂ©formation de l'espace-temps, dĂ©formation rĂ©elle si elle est due Ă  l'Ă©nergie d'un corps, apparente si elle est due au choix d'un rĂ©fĂ©rentiel accĂ©lĂ©rĂ©, sans qu'un observateur ne puisse distinguer ces deux cas par des donnĂ©es locales; les trajectoires suivies par les particules dans le champ de gravitation sont des gĂ©odĂ©siques; les lois de la relativitĂ© restreinte, toujours vraies dans les rĂ©fĂ©rentiels inertiels, peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©es Ă  tous les rĂ©fĂ©rentiels en Ă©tant exprimĂ©es avec des Ă©galitĂ©s tensorielles et en utilisant le principe de correspondance adĂ©quat.

En physique quantique

Le principe de relativité n'est pas un principe explicite de la physique quantique, mais toute la construction de cette théorie l'utilise, plus ou moins implicitement.

Ainsi, l'équation de Schrödinger est construite à partir de l'équivalence des principes de moindre action et de Fermat (pour la physique non relativiste), donc elle respecte le principe de relativité dans le cadre non relativiste.

Les équations de Klein-Gordon et de Dirac ont été construites à partir d'équations de la relativité restreinte, et respectent donc le principe de relativité dans le cadre relativiste (voir Mécanique quantique relativiste).

En physique quantique les symétries et invariances des équations étant écrites à l'aide des notions de groupe de Lie et d'algÚbre de Lie, le principe de relativité (invariance par rapport à certaines transformations de l'espace-temps) s'y exprime par l'invariance des équations par le groupe de Poincaré qui est un groupe de Lie.

Historique

Plusieurs Ă©tapes importantes jalonnent l'histoire de ce principe :

Sa découverte par Galilée

En 1543 est publié l'ouvrage de Nicolas Copernic, De revolutionibus orbium coelestium, qui fonde l'héliocentrisme. Son influence est dans un premier temps assez limitée. En effet, la préface, rédigée par Andreas Osiander, présente le point de vue de Copernic comme un artifice mathématique visant à améliorer les méthodes de calcul des tables astronomiques. Les choses évoluent rapidement au début du XVIIe siÚcle, avec Kepler qui, en 1609, énonce ses premiÚres lois sur le mouvement des planÚtes, et avec Galilée, convaincu à partir de 1610 du mouvement de la Terre autour du Soleil. Les conceptions de ce dernier s'opposent à la fois aux dogmes religieux et philosophiques, qui font de la Terre le centre fixe du monde, lieu privilégié de la révélation divine.

Se basant sur des observations, GalilĂ©e s'oppose aux partisans d'Aristote, pour lesquels tout mouvement de la Terre est impossible. En effet, selon la physique d'Aristote, si la Terre bougeait, un objet lancĂ© verticalement en l'air ne retomberait pas au lieu d'oĂč il a Ă©tĂ© lancĂ©, les oiseaux seraient entraĂźnĂ©s vers l'ouest, etc. GalilĂ©e dĂ©veloppe alors un discours visant Ă  rĂ©futer les arguments des aristotĂ©liciens. Il Ă©nonce les principes qui fonderont la relativitĂ© galilĂ©enne. Plusieurs passages de son ouvrage Dialogue sur deux grands systĂšmes du monde, publiĂ© en 1632, sont consacrĂ©s Ă  cette rĂ©futation. Ainsi, selon GalilĂ©e, le mouvement n'existe que par rapport Ă  des objets considĂ©rĂ©s comme immobiles, que de maniĂšre comparative : « Le mouvement est mouvement et agit comme mouvement pour autant qu'il est en rapport avec des choses qui en sont dĂ©pourvues ; mais pour toutes les choses qui y participent Ă©galement, il n'agit pas, il est comme s'il n'Ă©tait pas »[5].

De plus, les résultats d'une expérience ne changent pas, qu'elle se passe sur la terre ferme ou dans la cabine d'un bateau naviguant sans heurt ni ballotage.

En langage moderne, le mouvement uniforme (inertiel) du bloc expĂ©rience+observateur n'a aucun effet sur l'expĂ©rience observĂ©e. Ainsi, mĂȘme si la Terre se dĂ©place, la pierre jetĂ©e verticalement retombe aux pieds du lanceur, et les oiseaux volent normalement dans toutes les directions. Ce point de vue constitue une rĂ©volution dans les conceptions mĂ©caniques de l'Ă©poque. Selon la physique d'Aristote alors communĂ©ment enseignĂ©e, le mouvement et le repos sont deux Ă©tats diffĂ©rents, et le mouvement nĂ©cessite un moteur. Selon GalilĂ©e, mouvement et repos sont un mĂȘme Ă©tat, diffĂ©rent l'un de l'autre par simple changement de rĂ©fĂ©rentiel. Cette conception est Ă  la base du principe d'inertie. GalilĂ©e note[7] ainsi que « les corps graves sont indiffĂ©rents au mouvement horizontal, pour lequel ils n'ont ni inclination (car il n'est pas dirigĂ© vers le centre de la Terre), ni rĂ©pugnance (car il ne s'Ă©loigne pas du mĂȘme centre) : en raison de quoi, et une fois Ă©cartĂ©s tous les obstacles extĂ©rieurs, un grave placĂ© sur une surface sphĂ©rique et concentrique Ă  la Terre sera indiffĂ©rent au repos comme au mouvement dans quelque direction que ce soit, et il demeurera dans l'Ă©tat oĂč il aura Ă©tĂ© placĂ© »[8]. Signalons Ă©galement que GalilĂ©e, ayant rĂ©futĂ© les arguments aristotĂ©liciens contre le mouvement de la Terre, cherchera quel phĂ©nomĂšne observable peut rendre compte de ce mouvement. Il pensera le trouver, de façon erronĂ©e, dans une explication des marĂ©es. Il faudra plus de deux siĂšcles pour que soient imaginĂ©es des expĂ©riences mĂ©caniques montrant le mouvement de la Terre par rapport Ă  un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en.

À la suite de GalilĂ©e, une des premiĂšres utilisations d'un rĂ©fĂ©rentiel fictif (non reprĂ©sentĂ© dans l'expĂ©rience par un corps quelconque) peut ĂȘtre attribuĂ©e Ă  Christiaan Huygens, dans son ouvrage de Motu corporum ex percussione[9]. Ayant pris conscience en 1652 des erreurs de Descartes sur les lois des chocs, il conçoit un repĂšre mobile par rapport auquel on fait une expĂ©rience. Cherchant quelles sont les vitesses de deux corps identiques aprĂšs un choc, alors qu'initialement le premier corps se dĂ©place Ă  la vitesse V et le second Ă  la vitesse V' par rapport au sol, il imagine un observateur se dĂ©plaçant Ă  la vitesse (V+V')/2. Cet observateur voit les deux corps se rapprocher Ă  la vitesse (V-V')/2, se heurter, et, Ă©tant de mĂȘme masse, s'Ă©loigner avec la mĂȘme vitesse. Revenant au rĂ©fĂ©rentiel terrestre, Huygens en conclut qu'aprĂšs le choc, les deux corps ont Ă©changĂ© leur vitesse.

Il est à remarquer que l'additivité des vitesses, utilisée par Huygens et tous ses successeurs lors d'un changement de référentiel, ne découle pas du principe de relativité de Galilée. Cette rÚgle d'additivité sera remise en cause par Einstein, lors de l'invention de la relativité restreinte.

L'absolu et le relatif aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles

Isaac Newton, lecteur assidu de Descartes et de Galilée, en prolonge les observations quantitatives et amplifie la mathématisation de la physique, et place la loi d'inertie comme sa premiÚre loi de la physique, en y définissant au passage la notion de force.

Cette loi de l'inertie (en l'absence de force appliquĂ©e au corps, son accĂ©lĂ©ration est nulle) n'est valable que dans certains repĂšres (appelĂ©s aujourd'hui repĂšres galilĂ©ens), et Newton en introduisant les termes « absolu » et « relatif » pour qualifier les mouvements (qui pour lui prennent le sens de « vrai » et « apparent »), privilĂ©gie un repĂšre galilĂ©en particulier, « l'espace absolu », qui est le bon repĂšre oĂč on dĂ©termine le « mouvement absolu » des corps (et oĂč il n'y a pas de force centrifuge ou autre force imputable au choix du rĂ©fĂ©rentiel). Les autres repĂšres galilĂ©ens Ă©tant considĂ©rĂ©s comme des espaces relatifs privilĂ©giĂ©s par rapport Ă  ceux qui ne sont pas galilĂ©ens.

Pour justifier en mĂȘme temps la pesanteur et la propagation de la lumiĂšre Huygens Ă©tait opposĂ© Ă  l'idĂ©e de l'existence d'un espace absolu[10], et Leibniz aussi pour des raisons philosophiques. Dans une lettre Ă  Samuel Clarke, adjoint de Newton, Leibniz tente de dĂ©montrer que la notion d'espace absolu est incompatible avec son principe de la raison suffisante.

Ces considĂ©rations resteront admises jusqu'Ă  Einstein, l'observateur pouvant toujours (semblait-il) dĂ©tecter s'il est ou non dans un repĂšre galilĂ©en (en expĂ©rimentant la loi de l'inertie) et effectuer mathĂ©matiquement le changement de repĂšre nĂ©cessaire, mĂȘme si « l'espace absolu » restera toujours difficile Ă  dĂ©terminer comme le regrettait dĂ©jĂ  Newton.

L'influence majeure de Newton et la notion d'espace absolu firent que, pendant le XVIIIe siÚcle, le développement de la mécanique porta davantage sur les conséquences mathématiques de l'analyse dynamique du mouvement, plutÎt que sur l'étude des repÚres en mouvement ou des changements de référentiels. Clairaut aborda certes cette derniÚre question en 1742, avec l'introduction de forces d'inertie d'entraßnement, mais de maniÚre imparfaite. La solution complÚte à la question du changement de référentiels fut apportée par Coriolis à partir de 1832. En 1833, Ferdinand Reich mit en évidence la déviation vers l'est d'un corps en chute libre, résultant du fait qu'un référentiel lié à la Terre n'est pas inertiel. Les forces d'inertie d'entraßnement et de Coriolis permirent également d'expliquer l'expérience du pendule de Foucault, réalisée en 1851.

Son utilisation comme principe par Einstein dans la relativité restreinte

Il revient Ă  PoincarĂ© d'avoir dĂ©sacralisĂ© le choix de Newton dans son livre La Science et l'HypothĂšse (1902) : il rejette « l'espace absolu » de Newton en montrant qu'il n'est nullement nĂ©cessaire Ă  la physique, et constate mĂȘme que la notion de rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en et de mouvement rectiligne uniforme se dĂ©finissent l'un par rapport Ă  l'autre, et que la notion de ligne droite n'est pas une rĂ©alitĂ© mais une interprĂ©tation toute mathĂ©matique des expĂ©riences. Ainsi, il Ă©nonce la relativitĂ© de GalilĂ©e comme un principe issu de l'expĂ©rience mais l'interprĂ©tant.

Einstein, lecteur de PoincarĂ©, cherche Ă  concilier le principe de relativitĂ© de GalilĂ©e (formulĂ© : les lois sont les mĂȘmes dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens) et le fait que la vitesse de la lumiĂšre est la mĂȘme dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens (c'est un rĂ©sultat de la thĂ©orie de l'Ă©lectromagnĂ©tisme de Maxwell, interprĂ©tĂ© bien diffĂ©remment jusque-lĂ  avec « l'espace absolu » de Newton et l'Ă©ther). Sa conclusion est la relativitĂ© restreinte, publiĂ©e en 1905.

L'ancien professeur de mathĂ©matiques d'Einstein, Hermann Minkowski, rĂ©interprĂ©tera cette thĂ©orie dans le cadre d'un espace plat de dimension 4 ayant une mesure des distances particuliĂšre et oĂč le principe de relativitĂ© de GalilĂ©e s'applique : l'espace-temps de Minkowski.

Sa généralisation par Einstein pour la relativité générale

Soucieux de cohĂ©rence intellectuelle, Einstein ne conçoit pas que la science privilĂ©gie des rĂ©fĂ©rentiels par rapport Ă  d'autres : les lois de la physique changeraient-elles pour une mĂȘme expĂ©rience suivant qu'elle est observĂ©e depuis un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en ou d'un rĂ©fĂ©rentiel non galilĂ©en ? Il cherche donc une thĂ©orie gĂ©nĂ©ralisant le principe de GalilĂ©e Ă  tous les rĂ©fĂ©rentiels, et aussi une loi de la gravitation compatible, autre objectif d'envergure.

Par sa découverte du principe d'équivalence, la gravitation devient (localement) un effet équivalent au choix d'un référentiel accéléré : la généralisation du principe de relativité, sous forme d'équations différentielles, suffira donc.

Imaginant un disque en rotation autour de son centre, il comprend que, d'aprÚs la relativité restreinte, une personne placée sur le disque et tournant avec verrait le rayon du disque inchangé mais mesurerait un périmÚtre supérieur à : cela ne correspond pas à la géométrie euclidienne[11]. La solution de son problÚme devait donc passer par la géométrie différentielle (qui englobe les géométries euclidiennes et non euclidiennes) et le calcul tensoriel qui va avec, et que, par bonheur, son ami Marcel Grossmann avait étudié dans le cadre de son doctorat.

Le calcul tensoriel est l'outil permettant d'établir des égalités vraies quel que soit le référentiel utilisé. Le principe de relativité ainsi généralisé porte aussi le nom de « principe de covariance générale ».

AprÚs tùtonnements et hésitations face à cet outillage mathématique assez lourd, Einstein finit sa théorie de la relativité générale en 1915.

Notes et références

Notes

  1. et exprime le caractĂšre absolu du temps en physique classique.
  2. Cette égalité a été considérée comme une évidence due à la géométrie euclidienne, jusqu'au travaux de Lorentz, d'Henri Poincaré et d'Albert Einstein
  3. Le temps, les longueurs, les vitesses (mis à part la vitesse de la lumiÚre) et les accélérations sont relatifs au référentiel (supposé inertiel) de l'observateur qui mesure.

Références

  1. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions], §1.
  2. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions], §82.
  3. Albert Einstein, La ThĂ©orie de la relativitĂ© restreinte et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Gaulthier-Villards, 1921, traduit par Mlle J. RouviĂšre et prĂ©facĂ© par Émile Borel ; chapitre XVIII.
  4. Jean-Claude Boudenot, ÉlectromagnĂ©tisme et gravitation relativistes, Ellipses, 1989 (ISBN 2729889361), chapitre II, §3.
  5. GalilĂ©e, Dialogo supra i due massimi sistemi del Mondo, 1632, rĂ©Ă©ditĂ© chez Edizione nazionale sotto gli auspicii di sua maesta il re d'Italia. Vol. VII, p. 142. Édition française : Dialogue sur les deux grands systĂšmes du Monde, Seuil (1992), p. 141, traduction de RenĂ© FrĂ©reux avec le concours de François de Gandt
  6. GalilĂ©e, Dialogo supra i due massimi sistemi del Mondo, 1632, rĂ©Ă©ditĂ© chez Edizione nazionale sotto gli auspicii di sua maesta il re d'Italia. Vol. VII, p.213. Édition française : Dialogue sur les deux grands systĂšmes du Monde, Seuil (1992), p.204, traduction de RenĂ© FrĂ©reux avec le concours de François de Gandt
  7. Maurice Clavelin, GalilĂ©e Copernicien, Albin Michel (2004), DeuxiĂšme lettre de GalilĂ©e Ă  Marcus Welser sur les taches solaires, 14 aoĂ»t 1612, p. 265-266, ou ƒuvres complĂštes de GalilĂ©e, V, p. 134
  8. On peut voir dans ce raisonnement un reste de l'influence de la doctrine aristotélicienne, comme le suggÚre F. Balibar dans son livre Galilée, Newton lus par Einstein
  9. De motu corporum ex percussione, ƒuvres complĂštes de Christian Huygens, SociĂ©tĂ© Hollandaise des sciences (1929), tome XVI, p. 30
  10. Anna Chiappinelli, "La RelativitĂ  di Huygens", dans "Attrazione Fisica", Sidereus Nuncius, 2009, p. 69-79.
  11. Albert Einstein, The meaning of relativity : four lectures delivered at Princeton University, May, 1921, Princeton : Princeton University Press, (lire en ligne), p. 66

Annexes

Bibliographie

  • Françoise Balibar, GalilĂ©e, Newton lus par Einstein, PUF, 1984
  • Albert Einstein, La ThĂ©orie de la relativitĂ© restreinte et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Gaulthier-Villards, 1921, traduit par Mlle J. RouviĂšre et prĂ©facĂ© par M. Émile Borel.
  • Banesh Hoffmann (avec la collaboration de Helen Dukas), Albert Einstein, crĂ©ateur et rebelle, 1975, Éditions du Seuil, coll. Points Sciences, trad. de l'amĂ©ricain par Maurice Manly. (ISBN 2-02-005347-0)
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique thĂ©orique [dĂ©tail des Ă©ditions]
  • James H. Smith, Introduction Ă  la relativitĂ© , 1965; pour la France : Masson Ă©diteur, traduction depuis l'amĂ©ricain par Philippe Brenier en 1997, prĂ©face de Jean-Marc LĂ©vy-Leblond. (ISBN 2-225-82985-3)

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