Principe de relativité
Le principe de relativité[1] affirme que les lois physiques s'expriment de maniÚre identique dans tous les référentiels inertiels : les lois sont « invariantes par changement de référentiel inertiel ».
- Cela implique que pour deux expĂ©riences prĂ©parĂ©es de maniĂšre identique dans deux rĂ©fĂ©rentiels inertiels, les mesures faites sur l'une et l'autre dans leur rĂ©fĂ©rentiel respectif sont identiques : si je laisse tomber une balle, je constate la mĂȘme trajectoire, que je rĂ©alise l'expĂ©rience sur le quai d'une gare ou dans un train en mouvement rectiligne uniforme.
- Cela ne signifie pas que les mesures au cours d'une expĂ©rience sont les mĂȘmes pour les diffĂ©rents observateurs, chacun mesurant depuis son rĂ©fĂ©rentiel inertiel respectif, mais cela implique que les mesures faites par les diffĂ©rents observateurs vĂ©rifient les mĂȘmes Ă©quations (un changement de rĂ©fĂ©rentiel pour l'observation intervenant sous la forme de la variation d'un ou plusieurs paramĂštres dans les Ă©quations) : si du quai d'une gare j'observe tomber une balle lĂąchĂ©e dans un train en mouvement, je n'observe pas la mĂȘme trajectoire (une courbe) que celle observĂ©e par l'expĂ©rimentateur situĂ© dans le train (une droite), mais ces deux trajectoires dĂ©pendent de la mĂȘme Ă©quation.
Une généralisation à la base de la relativité générale, et appelée « principe de covariance[2] » ou « principe de relativité générale[3] - [4] », affirme que les lois physiques s'expriment de maniÚre identique dans tous les référentiels (inertiels ou non). On dit alors que les lois sont « covariantes ».
D'une thĂ©orie Ă l'autre (physique classique, relativitĂ© restreinte ou gĂ©nĂ©rale), la formulation du principe a Ă©voluĂ© et s'accompagne d'autres hypothĂšses sur l'espace et le temps, sur les vitesses, etc. Certaines de ces hypothĂšses Ă©taient implicites ou « Ă©videntes » en physique classique, car conformes Ă toutes les expĂ©riences, et elles sont devenues explicites et plus discutĂ©es Ă partir du moment oĂč la relativitĂ© restreinte a Ă©tĂ© formulĂ©e.
Exemples en physique classique
- PremiĂšre situation
Supposons que dans un train roulant à vitesse constante (sans les accélérations, petites ou grandes, perceptibles dans le cas d'un train réel), un voyageur se tient debout, immobile par rapport à ce train, et tient un objet dans la main. S'il lùche l'objet, celui-ci tombe à la verticale de la main qui le tenait (vitesse initiale par rapport au train nulle) et selon une certaine loi en fonction du temps.
Le principe de relativitĂ© ne dit pas que le mouvement de cet objet sera le mĂȘme si, aprĂšs l'avoir rapportĂ© Ă un rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au train on le rapporte Ă un rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au sol : l'expĂ©rience montre que ce serait erronĂ© puisque, vu du train l'objet dĂ©crit une droite verticale, tandis que, vu du sol il dĂ©crit une parabole.
Vues depuis l'un ou l'autre de ces rĂ©fĂ©rentiels les conditions initiales de l'expĂ©rience ne sont pas les mĂȘmes : l'attraction gravitationnelle est identique dans les deux, mais par rapport au rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au train la vitesse initiale de l'objet lĂąchĂ© est nulle, tandis que par rapport au rĂ©fĂ©rentiel liĂ© au sol, elle ne l'est pas.
Toutefois, une mĂȘme loi mathĂ©matique pour chacun des deux rĂ©fĂ©rentiels permet de dĂ©crire cette expĂ©rience, cette loi tient compte de la vitesse initiale par rapport au rĂ©fĂ©rentiel.
- DeuxiĂšme situation
En revanche, si quelqu'un lĂąche un objet qu'il tient dans la main, les conditions gĂ©nĂ©rales ainsi que les conditions initiales sont identiques pour l'expĂ©rience faite au sol et celle faite dans le train. Selon le principe de relativitĂ©, l'objet doit tomber de maniĂšre identique que ce soit dans le cas oĂč il est lĂąchĂ© dans le train (et l'observation faite depuis le train aussi) ou au sol (et l'observation faite depuis le sol aussi) : c'est bien ce que l'expĂ©rience confirme.
- Conclusion
Dans les deux cas exposĂ©s, le principe de relativitĂ© s'applique diffĂ©remment : pour l'expĂ©rience vue depuis deux rĂ©fĂ©rentiels diffĂ©rents, les observations sont diffĂ©rentes mais une mĂȘme loi mathĂ©matique les dĂ©crit toutes les deux (oĂč il est tenu compte de la vitesse initiale, nulle ou non) ; pour les deux expĂ©riences faites dans deux rĂ©fĂ©rentiels distincts, oĂč les conditions de l'expĂ©rience sont identiques, les observations sont rigoureusement identiques (aux imprĂ©cisions de mesures prĂšs).
Formulations
En mécanique classique
Définition : Un référentiel galiléen (ou inertiel) est un référentiel dans lequel tout corps libre (non influencé par l'extérieur) qui est au repos y reste indéfiniment, et tout corps libre en mouvement reste à vecteur vitesse constant (et donc aussi à moment angulaire constant).
Principe de relativité de Galilée : toutes les lois de la mécanique sont identiques dans tous les référentiels galiléens.
HypothÚses sur l'espace physique : l'espace physique, supposé homogÚne et isotrope, est identifié à un espace affine de dimension 3, on utilise alors l'espace vectoriel associé, le temps (supposé indépendant du référentiel de l'observateur, de maniÚre évidente) paramétrant les trajectoires et les états du systÚme étudié.
Propriété : soit () un référentiel galiléen, si () est un référentiel se déplaçant par translation à vitesse constante V par rapport à (), alors () est lui aussi galiléen.
Remarque : on prendra garde au fait que la réciproque de la propriété n'est pas vraie, contrairement à ce qui a semblé évident à tous jusqu'à ce qu'Albert Einstein élabore le principe d'équivalence.
Commentaire : le principe a deux significations (comme expliqué au paragraphe précédent) :
- Une mĂȘme expĂ©rience, vue depuis deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens diffĂ©rents () et (), suit une loi qui s'exprime de la mĂȘme maniĂšre quand elle est formulĂ©e dans les coordonnĂ©es de l'un ou de l'autre des rĂ©fĂ©rentiels.
- Une expĂ©rience faite Ă l'identique dans deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens quelconques suit, dans chacun, la mĂȘme loi et donne exactement les mĂȘmes observations.
HypothÚse pour les changements de référentiel : les transformations de Galilée.
Si est le vecteur coordonnĂ©es d'un point dans () et est le vecteur coordonnĂ©es du mĂȘme point dans (), alors on a :
- et
- Remarque : cette hypothÚse a été tellement longtemps en parfait accord avec toutes les expériences qu'elle a été une évidence jusqu'à la formulation de la relativité restreinte. Par ailleurs, elle implique qu'il n'y a pas de vitesse maximale, ce qui était en accord avec les observations sur la vitesse infinie (semblait-il) de la transmission de l'influence gravitationnelle.
Le principe de relativité de Galilée s'exprime aussi bien comme la nécessité de l'invariance des équations du mouvement par rapport aux transformations de Galilée.
- La deuxiĂšme Ă©galitĂ© signifie que le temps est le mĂȘme dans les deux rĂ©fĂ©rentiels[note 1].
- La premiÚre égalité[note 2] est équivalente à la loi de composition des vitesses : (à un vecteur constant prÚs)
- Elle est aussi équivalente à l'indépendance de l'accélération (et donc de la force s'exerçant sur le corps) par rapport au référentiel inertiel de l'observateur : (à un vecteur constant prÚs)
Dans un référentiel inertiel, deux corps ponctuels libres, donc ayant une vitesse uniforme, se heurtent en un choc élastique (pas de déperdition d'énergie en chaleur ou autre). On suppose que la masse de chaque corps est conservée au cours du choc.
PhénomÚnes observés suivant le référentiel choisi :
Dans le rĂ©fĂ©rentiel inertiel du centre d'inertie : les deux corps se rapprochent l'un de l'autre frontalement sur la mĂȘme ligne droite et repartent l'un et l'autre Ă la mĂȘme vitesse qu'avant le choc mais dans le sens opposĂ©.
Dans le référentiel d'un des corps avant le choc : le deuxiÚme corps s'approche du premier (qui est immobile) et, aprÚs le choc, le premier corps est animé d'un mouvement alors que le second est ralenti ou repart dans l'autre sens.
Dans un référentiel inertiel quelconque : les deux corps, l'un et l'autre à vitesse constante, se heurtent au cours de leur mouvement, changent de direction et de vitesse.
Loi générale valable dans tout référentiel inertiel : d'aprÚs la conservation de la quantité de mouvement, la vitesse du centre d'inertie du systÚme constitué des deux masses et est égale à et est constante et inchangée avant et aprÚs le choc, et les vitesses aprÚs le choc sont : pour la masse n°1 et pour la masse n°2
Un changement de référentiel de () vers () imposant le changement et , pour i=1;2, laisse bien inchangée la loi énoncée ci-dessus.
On constate donc que les phĂ©nomĂšnes observĂ©s diffĂšrent d'un rĂ©fĂ©rentiel Ă l'autre, mais dans tous la loi vĂ©rifiĂ©e par les vitesses mesurĂ©es est la mĂȘme.
- Dans le référentiel () :
- La force est , oĂč est le vecteur unitaire de la verticale au sol; l'Ă©quation de la dynamique est , et l'Ă©quation du mouvement est
- Utilisation des transformations de Galilée pour obtenir la loi dans le référentiel () :
- Sachant que l'on a (ce qui sous-entend que , ce qui est une petite restriction par rapport Ă la gĂ©nĂ©ralitĂ©), on obtient : , puis, en utilisant l'Ă©galitĂ© on a bien la mĂȘme loi dans le rĂ©fĂ©rentiel () :
- Bien sûr, on peut aussi utiliser les expressions de et déduites des équations différentielles, et montrer que , ou plus directement déduire cette égalité du fait que : en effet, de on obtient , ce qui est la transformation de Galilée dans toute sa généralité, et la démonstration réciproque ne pose pas de problÚme.
Dans le rĂ©fĂ©rentiel () la force est schĂ©matisĂ©e par , oĂč est la vitesse (constante) du rĂ©fĂ©rentiel par rapport au rĂ©fĂ©rentiel (inertiel) oĂč l'air est immobile (et homogĂšne, etc.) : en effet, les frottements dĂ©pendent de la vitesse du corps par rapport Ă l'air, et non pas de la vitesse du corps par rapport au rĂ©fĂ©rentiel ().
La loi qui en dĂ©coule est , oĂč et sont des vecteurs constants dĂ©terminĂ©s par les conditions initiales du mouvement.
Dans un fluide compressible, immobile dans le rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en (), la fonction d'onde monochromatique est , avec oĂč est la vitesse de propagation de l'onde.
Pour déterminer la fonction d'onde dans le référentiel (), on utilise la transformation de Galilée , et on obtient : .
En physique classique, le principe de relativité ne concerne que la mécanique, donc est exclue d'application à l'électromagnétisme et à la lumiÚre (mais s'applique à l'optique géométrique). Mais les interactions entre particules chargées et ondes électromagnétiques obligent à étudier simultanément ce principe et l'électromagnétisme.
La lumiĂšre, si elle est envisagĂ©e comme une onde (Ă©lectromagnĂ©tique) se propageant dans un milieu appelĂ© l'Ă©ther, doit avoir une fonction d'onde (monochromatique) vĂ©rifiant les propriĂ©tĂ©s vues ci-dessus : sa vitesse n'est pas la mĂȘme dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens, ni dans toutes les directions .
Mais les Ă©quations de Maxwell donnent oĂč est la permittivitĂ© diĂ©lectrique du vide et la permĂ©abilitĂ© magnĂ©tique du vide sont des constantes caractĂ©ristiques du vide, Ă priori, indĂ©pendantes du rĂ©fĂ©rentiel utilisĂ©. DĂšs lors un choix s'impose :
- Soit les Ă©quations de Maxwell ont Ă©tĂ© calculĂ©es implicitement dans un rĂ©fĂ©rentiel privilĂ©giĂ© : celui oĂč le milieu de propagation, l'Ă©ther, est immobile. Dans ce cas la lumiĂšre vĂ©rifie les propriĂ©tĂ©s des ondes vues ci-dessus.
- Soit les Ă©quations de Maxwell sont valables dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens et la vitesse de la lumiĂšre y est la mĂȘme dans tous et dans toutes les directions. Dans ce cas, d'importantes rĂ©visions s'imposent en ce qui concerne la mathĂ©matisation du principe de relativitĂ©.
En relativité restreinte
La dĂ©finition d'un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en est la mĂȘme qu'en mĂ©canique classique.
Le principe de relativité voit son domaine d'application s'élargir :
Principe de relativité : toutes les lois de la physique, hormis la gravitation, sont identiques dans tous les référentiels galiléens.
On y joint un postulat conforme Ă l'Ă©lectromagnĂ©tisme de Maxwell : « la vitesse de la lumiĂšre dans le vide ne dĂ©pend pas de la vitesse de sa source », que l'on peut aussi exprimer « la valeur de la vitesse de la lumiĂšre dans le vide est la mĂȘme dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens ».
- La gravitation : jusqu'à la relativité générale, la loi universelle de la gravitation de Newton et l'avance du périhélie de Mercure ne furent pas compatibles avec le postulat sur la vitesse de la lumiÚre et les hypothÚses sur l'espace.
- Remarque : Les mathématiques proposent, avec le seul principe de relativité (dans un espace affine), d'avoir une vitesse inchangée d'un référentiel galiléen à l'autre et indépassable, cette vitesse étant, au choix, finie ou infinie. Les propriétés de la vitesse de la lumiÚre, qui est finie dans la théorie de l'électromagnétisme, permettent son identification avec la vitesse limite de la théorie.
HypothĂšses sur l'espace physique : l'espace physique est supposĂ© homogĂšne et isotrope et est identifiĂ©, pour chaque rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en, Ă un espace affine (avec l'espace vectoriel associĂ©) de dimension 3, et un temps paramĂ©trant les trajectoires et les Ă©tats du systĂšme Ă©tudiĂ© : la mesure du temps est propre Ă chaque rĂ©fĂ©rentiel et les changements de rĂ©fĂ©rentiels indiquent aussi le changement de cette mesure. L'hypothĂšse sur la vitesse de la lumiĂšre impliquant que chaque rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en a son propre temps, l'espace physique peut aussi ĂȘtre identifiĂ© Ă un espace-temps de quatre dimensions (trois d'espace et une de temps) : l'espace-temps de Minkowski.
La propriété est toujours vraie :
Propriété : soit () un référentiel galiléen, on a : si () est un référentiel se déplaçant par translation à vitesse constante V par rapport à (), alors () est lui aussi galiléen.
- Remarque : la réciproque de la propriété est implicitement admise. En relativité restreinte les référentiels étudiés sont ceux qui sont inertiels et qui sont supposés en translations à vitesse constante les uns par rapport aux autres. La gravitation n'est pas traitée par cette théorie.
Commentaire : pour le principe de relativitĂ©, idem au commentaire fait dans le paragraphe ci-dessus de la mĂ©canique classique. Pour le second principe : on peut en comprendre la nĂ©cessitĂ© si on considĂšre que la vitesse de la lumiĂšre est une mesure de deux expĂ©riences identiques (Ă©mission de lumiĂšre) faites dans deux rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens diffĂ©rents : sa mesure doit ĂȘtre la mĂȘme dans les deux (mais pour admettre cela il faut s'ĂȘtre convaincu que l'Ă©ther n'a pas sa place en physique).
ConsĂ©quences : la vitesse de la lumiĂšre dans le vide est une vitesse indĂ©passable dans tout rĂ©fĂ©rentiel; deux Ă©vĂšnements simultanĂ©s dans le rĂ©fĂ©rentiel () peuvent ne pas l'ĂȘtre dans (); les mesures des intervalles de temps, des longueurs, des vitesses et des accĂ©lĂ©rations changent d'un rĂ©fĂ©rentiel Ă l'autre[note 3]; etc.
Transformations de Lorentz : ces transformations, déductibles des hypothÚses, expriment les changements des mesures des intervalles de temps, des longueurs et des vitesses d'un référentiel inertiel à l'autre; le principe de relativité, en relativité restreinte, s'exprime aussi comme la nécessité de l'invariance des équations de la physique par ces transformations.
Le diagramme de Minkowski permet de visualiser les différents effets de la relativité en évitant de manipuler trop de formules mathématiques.
Les coordonnĂ©es et le temps dans () Ă©tant , et dans () Ă©tant , on suppose que la vitesse relative entre les deux rĂ©fĂ©rentiels est dans la mĂȘme direction que l'axe des .
- En posant , les transformations de Lorentz sont :
En cinématique relativiste la loi de composition des vitesses est :
- En écrivant pour la vitesse mesurée dans le référentiel , et pour la vitesse mesurée dans le référentiel , on a :
La constance de la vitesse de la lumiĂšre dans le vide d'un rĂ©fĂ©rentiel (inertiel, comme toujours ici) Ă l'autre permet de dĂ©finir la mĂȘme unitĂ© de mesure du temps dans tous les rĂ©fĂ©rentiels, quand est bien dĂ©fini une unitĂ© de mesure commune des longueurs.
- Ainsi, pour ĂȘtre sĂ»r que deux rĂ©fĂ©rentiels, en mouvement rectiligne uniforme l'un par rapport Ă l'autre, utilisent la mĂȘme longueur unitaire, on peut considĂ©rer une longueur perpendiculaire Ă la vitesse relative : la longueur de rĂ©fĂ©rence sera ainsi matĂ©riellement commune aux deux rĂ©fĂ©rentiels (comme la hauteur d'une porte coulissante tenue par deux rails vissĂ©s l'un au sol et l'autre au plafond).
- Avec ce mécanisme, qui compte comme unité de temps la moitié de l'intervalle de temps mis par la lumiÚre pour faire l'aller-retour le long de la longueur commune, on peut considérer que l'on a simplement une montre identique dans chaque référentiel.
- Dans les dessins suivants, chaque référentiel voit pour lui le phénomÚne de gauche, et du premier on voit dans l'autre le phénomÚne de droite.
- Dans le dessin de gauche, le temps mesurĂ© est le temps propre : le temps mesurĂ© entre deux Ă©vĂšnements, dans le rĂ©fĂ©rentiel oĂč ils ont lieu au mĂȘme endroit.
- Dans le dessin de droite, le temps mesurĂ© est impropre : le temps mesurĂ© entre deux Ă©vĂšnements dans un rĂ©fĂ©rentiel oĂč ils ont lieu en deux endroits diffĂ©rents.
- Dans le deuxiĂšme dessin, par le thĂ©orĂšme de Pythagore on obtient d'oĂč : .
- Ainsi le temps impropre est plus grand que le temps propre , et celui-ci est le temps minimal mesurable entre deux Ă©vĂšnements.
- Mais il semble y avoir un paradoxe : comment peut-il se faire que le temps de () paraisse ralenti vu depuis (), et vice-versa ?
- En fait ce n'est pas n'importe quel temps qui semble ralenti, c'est le temps propre entre deux Ă©vĂšnements. Pour savoir si le temps (impropre), sĂ©parant deux Ă©vĂšnements situĂ©s en des endroits diffĂ©rents, semble ralenti ou pas vu d'un autre rĂ©fĂ©rentiel, il faut concevoir une autre expĂ©rience, et la rĂ©ponse ne sera pas toujours positive. La propriĂ©tĂ©, vraie pour le temps propre, ne doit pas ĂȘtre abusivement gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
Cette expérience d'écoulement du temps sur une horloge donne des mesures différentes dans le référentiel propre de l'horloge et dans un autre référentiel inertiel.
De maniÚre similaire, la mesure d'une longueur parallÚle au mouvement relatif de deux référentiels inertiels donne des résultats différents suivant que la mesure est faite dans l'un ou l'autre des référentiels.
La mesure d'une longueur donne des rĂ©sultats diffĂ©rents suivant le rĂ©fĂ©rentiel oĂč elle est faite.
Les transformations de Lorentz permettent de le montrer :
- En supposant que les axes des référentiels et sont parallÚles et que la vitesse relative est parallÚle à l'axe des x, on a
- Donc, si les extrémités de l'objet sont simultanées dans , alors et dans le référentiel , sont les différentes longueurs de l'objet dans les trois dimensions. Alors et ainsi ce qui montre que la longueur mesurée dans est inférieure à celle mesurée dans .
Supposons qu'il y ait deux observateurs des évÚnements, chacun immobile dans son repÚre inertiel. Chacun connait parfaitement la distance qui le sépare de chaque point immobile dans le référentiel, donc quand il reçoit une information venant de l'un d'eux, il connait le temps nécessaire à la transmission de l'information (que l'on suppose aller à la vitesse de la lumiÚre) et il peut ainsi déterminer exactement à quel moment s'est passé cet évÚnement.
Si deux évÚnements distants se passent simultanément dans le référentiel d'un observateur, dans le référentiel de l'autre, ils ne seront pas simultanés.
En effet, d'aprĂšs les transformations de Lorentz :
- D'oĂč, si alors il n'y a donc pas simultanĂ©itĂ© dans l'autre rĂ©fĂ©rentiel. On peut dire que la simultanĂ©itĂ© est relative au rĂ©fĂ©rentiel de l'observateur.
En mĂ©canique non relativiste, le temps et les longueurs sont des invariants par changement de rĂ©fĂ©rentiels inertiels (et mĂȘme non inertiels); ce n'est plus le cas en relativitĂ© restreinte. Toutefois, une « mesure », mĂȘlant longueur spatiale et temps, est invariante par changement de rĂ©fĂ©rentiel : elle est nommĂ©e mĂ©trique, et elle donne Ă l'espace-temps une notion de distance entre deux Ă©vĂšnements.
Cet invariant est ,
oĂč et sont respectivement les Ă©carts temporel et spatial entre deux Ă©vĂšnements, mesurĂ©s dans un rĂ©fĂ©rentiel quelconque et est le temps propre sĂ©parant les deux Ă©vĂšnements.
- Dans le cas oĂč les deux Ă©vĂšnements peuvent ĂȘtre liĂ©s par un lien causal, on a oĂč est le temps propre les sĂ©parant. On justifie facilement avec la formule liant le temps propre et le temps impropre, dĂ©montrĂ©e dans le paragraphe concernant la relativitĂ© du temps, que cette expression de a la mĂȘme valeur quel que soit le rĂ©fĂ©rentiel oĂč les mesures ont Ă©tĂ© faites : il suffit de changer de notation et d'Ă©crire Ă la place de , puis Ă la place de et enfin de dĂ©finir par , car c'est la distance qui sĂ©pare les deux Ă©vĂšnements dans le rĂ©fĂ©rentiel inertiel non propre (et quelconque).
Cet invariant défini ici est parfois défini par , c'est-à -dire avec les signes opposés à ceux présentés ici : la signature est ici (+,-,-,-), et on lui préfÚre parfois la signature (-,+,+,+), et dans ce cas .
Ainsi, dans un référentiel, deux évÚnements sont éloignés d'une distance et séparés d'un temps : ces mesures sont différentes d'un référentiel à l'autre, mais pour tous les référentiels l'égalité est vérifiée.
On montre par le calcul que cette métrique est bien invariante par l'application des transformées de Lorentz, et que les transformations affines laissant invariante la métrique forment le groupe de Poincaré, incluant les transformations de Lorentz.En relativité générale
VĂ©rifier le principe de covariance gĂ©nĂ©rale et bien modĂ©liser la gravitation sont les principales raisons d'ĂȘtre de cette thĂ©orie.
Principe de relativité ou de covariance générale : les lois de la physique sont identiques dans tous les référentiels, inertiels ou non.
DĂ©finition : Un rĂ©fĂ©rentiel inertiel est un rĂ©fĂ©rentiel dans lequel tout corps libre (non influencĂ© par l'extĂ©rieur) qui est au repos y reste indĂ©finiment, et tout corps libre en mouvement reste Ă vitesse constante (et donc aussi Ă moment angulaire constant). Du fait des autres contraintes indiquĂ©es ci-dessous, un tel rĂ©fĂ©rentiel ne peut ĂȘtre dĂ©fini que localement et temporairement.
Commentaire :
- Ici, le principe signifie qu'une expĂ©rience vĂ©rifie une loi qui s'exprime de la mĂȘme maniĂšre (mĂȘme formule) pour tous les rĂ©fĂ©rentiels (galilĂ©ens ou non) des diffĂ©rents observateurs.
- Dans les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens, on observe toujours exactement les mĂȘmes rĂ©sultats pour des expĂ©riences identiques; et de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, dans deux rĂ©fĂ©rentiels soumis exactement au mĂȘme champ de gravitation et ayant une expĂ©rience identiquement faite dans chacun, la loi de l'expĂ©rience sera rigoureusement la mĂȘme dans les deux rĂ©fĂ©rentiels, les observations de l'expĂ©rience et les mesures aussi.
- Dans des rĂ©fĂ©rentiels ayant des contraintes gravitationnelles diffĂ©rentes, les mesures d'une expĂ©rience seront influencĂ©es par le champ gravitationnel de chaque rĂ©fĂ©rentiel, suivant la mĂȘme loi.
Principe d'Ă©quivalence : la gravitation est localement Ă©quivalente Ă une accĂ©lĂ©ration du rĂ©fĂ©rentiel, tout rĂ©fĂ©rentiel en chute libre dans un champ de gravitation est un rĂ©fĂ©rentiel inertiel oĂč les lois physiques sont celles de la relativitĂ© restreinte.
Remarque : partant de l'hypothÚse qu'il doit y avoir continuité des propriétés avec la relativité restreinte, une expérience par la pensée faite par Einstein lui fit comprendre que dans un référentiel accéléré les mesures des longueurs ne sont pas compatibles avec une géométrie euclidienne, c'est-à -dire avec un espace plat.
Structure mathématique utilisée : variété riemannienne de dimension 4 (une « surface de dimension 4 » déformée, avec une métrique localement définie), les lois étant écrites avec des égalités tensorielles pour assurer leur validité en tout point de la variété et pour tout référentiel.
Propriété :
- LĂ oĂč l'espace est courbe (courbure principale non nulle), les seuls rĂ©fĂ©rentiels inertiels sont les rĂ©fĂ©rentiels en chute libre dans le champ de gravitation, et ils ne sont inertiels que sur une Ă©tendue d'espace-temps localement plate (ce qui n'est jamais qu'une approximation). Dans une telle Ă©tendue, la relativitĂ© restreinte s'applique et tout rĂ©fĂ©rentiel translatĂ© du rĂ©fĂ©rentiel inertiel est lui-mĂȘme inertiel (avec des limitations semblables).
- LĂ oĂč l'espace est courbe, la notion de translation est remplacĂ©e par le dĂ©placement le long d'une gĂ©odĂ©sique. Mais la notion de distance n'est que locale en relativitĂ© gĂ©nĂ©rale (hors du cadre local, deux points distincts peuvent ĂȘtre joints par deux gĂ©odĂ©siques de longueurs diffĂ©rentes), et il est dĂ©licat de vouloir connaitre l'Ă©volution dans le temps (liĂ© Ă un rĂ©fĂ©rentiel) de la distance entre deux rĂ©fĂ©rentiels inertiels joints par une gĂ©odĂ©sique : Ă priori, la variation d'une telle distance n'est pas proportionnelle au temps Ă©coulĂ©.
- LĂ oĂč l'espace est plat (pseudo-euclidien), ce qui Ă priori n'est jamais parfaitement rĂ©alisĂ©, la thĂ©orie de la relativitĂ© restreinte s'applique, mais on peut choisir un rĂ©fĂ©rentiel accĂ©lĂ©rĂ© et ainsi avoir toutes les manifestations locales d'un champ de gravitation.
ConsĂ©quences : la gravitation est la manifestation de la dĂ©formation de l'espace-temps, dĂ©formation rĂ©elle si elle est due Ă l'Ă©nergie d'un corps, apparente si elle est due au choix d'un rĂ©fĂ©rentiel accĂ©lĂ©rĂ©, sans qu'un observateur ne puisse distinguer ces deux cas par des donnĂ©es locales; les trajectoires suivies par les particules dans le champ de gravitation sont des gĂ©odĂ©siques; les lois de la relativitĂ© restreinte, toujours vraies dans les rĂ©fĂ©rentiels inertiels, peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©es Ă tous les rĂ©fĂ©rentiels en Ă©tant exprimĂ©es avec des Ă©galitĂ©s tensorielles et en utilisant le principe de correspondance adĂ©quat.
En physique quantique
Le principe de relativité n'est pas un principe explicite de la physique quantique, mais toute la construction de cette théorie l'utilise, plus ou moins implicitement.
Ainsi, l'équation de Schrödinger est construite à partir de l'équivalence des principes de moindre action et de Fermat (pour la physique non relativiste), donc elle respecte le principe de relativité dans le cadre non relativiste.
Les équations de Klein-Gordon et de Dirac ont été construites à partir d'équations de la relativité restreinte, et respectent donc le principe de relativité dans le cadre relativiste (voir Mécanique quantique relativiste).
En physique quantique les symétries et invariances des équations étant écrites à l'aide des notions de groupe de Lie et d'algÚbre de Lie, le principe de relativité (invariance par rapport à certaines transformations de l'espace-temps) s'y exprime par l'invariance des équations par le groupe de Poincaré qui est un groupe de Lie.
Historique
Plusieurs Ă©tapes importantes jalonnent l'histoire de ce principe :
Sa découverte par Galilée
En 1543 est publié l'ouvrage de Nicolas Copernic, De revolutionibus orbium coelestium, qui fonde l'héliocentrisme. Son influence est dans un premier temps assez limitée. En effet, la préface, rédigée par Andreas Osiander, présente le point de vue de Copernic comme un artifice mathématique visant à améliorer les méthodes de calcul des tables astronomiques. Les choses évoluent rapidement au début du XVIIe siÚcle, avec Kepler qui, en 1609, énonce ses premiÚres lois sur le mouvement des planÚtes, et avec Galilée, convaincu à partir de 1610 du mouvement de la Terre autour du Soleil. Les conceptions de ce dernier s'opposent à la fois aux dogmes religieux et philosophiques, qui font de la Terre le centre fixe du monde, lieu privilégié de la révélation divine.
Se basant sur des observations, GalilĂ©e s'oppose aux partisans d'Aristote, pour lesquels tout mouvement de la Terre est impossible. En effet, selon la physique d'Aristote, si la Terre bougeait, un objet lancĂ© verticalement en l'air ne retomberait pas au lieu d'oĂč il a Ă©tĂ© lancĂ©, les oiseaux seraient entraĂźnĂ©s vers l'ouest, etc. GalilĂ©e dĂ©veloppe alors un discours visant Ă rĂ©futer les arguments des aristotĂ©liciens. Il Ă©nonce les principes qui fonderont la relativitĂ© galilĂ©enne. Plusieurs passages de son ouvrage Dialogue sur deux grands systĂšmes du monde, publiĂ© en 1632, sont consacrĂ©s Ă cette rĂ©futation. Ainsi, selon GalilĂ©e, le mouvement n'existe que par rapport Ă des objets considĂ©rĂ©s comme immobiles, que de maniĂšre comparative : « Le mouvement est mouvement et agit comme mouvement pour autant qu'il est en rapport avec des choses qui en sont dĂ©pourvues ; mais pour toutes les choses qui y participent Ă©galement, il n'agit pas, il est comme s'il n'Ă©tait pas »[5].
De plus, les résultats d'une expérience ne changent pas, qu'elle se passe sur la terre ferme ou dans la cabine d'un bateau naviguant sans heurt ni ballotage.
« Enfermez-vous avec un ami dans la plus grande cabine sous le pont d'un grand navire et prenez avec vous des mouches, des papillons et d'autres petites bĂȘtes qui volent ; munissez-vous aussi d'un grand rĂ©cipient rempli d'eau avec de petits poissons ; accrochez aussi un petit seau dont l'eau coule goutte Ă goutte dans un autre vase Ă petite ouverture placĂ© en dessous. Quand le navire est immobile, observez soigneusement comme les petites bĂȘtes qui volent vont Ă la mĂȘme vitesse dans toutes les directions de la cabine, on voit les poissons nager indiffĂ©remment de tous les cĂŽtĂ©s, les gouttes qui tombent entrent toutes dans le vase placĂ© dessous ; si vous lancez quelque chose Ă votre ami, vous n'avez pas besoin de jeter plus fort dans une direction que dans une autre lorsque les distances sont Ă©gales ; si vous sautez Ă pieds joints, comme on dit, vous franchirez des espaces Ă©gaux dans toutes les directions. Quand vous aurez soigneusement observĂ© cela, bien qu'il ne fasse aucun doute que les choses doivent se passer ainsi quand le navire est immobile, faites aller le navire Ă la vitesse que vous voulez ; pourvu que le mouvement soit uniforme, sans balancement dans un sens ou l'autre, vous ne remarquerez pas le moindre changement dans tous les effets qu'on vient d'indiquer ; aucun ne vous permettra de vous rendre compte si le navire est en marche ou immobile : en sautant, vous franchirez sur le plancher les mĂȘmes distances qu'auparavant, et ce n'est pas parce que le navire ira trĂšs vite que vous ferez de plus grands sauts vers la poupe que vers la proue ; pourtant, pendant le temps oĂč vous ĂȘtes en l'air, le plancher au-dessous de vous court dans la direction opposĂ©e Ă votre saut ; si vous lancez quelque chose Ă votre ami, vous n'aurez pas besoin de plus de force pour qu'il le reçoive, qu'il se trouve du cĂŽtĂ© de la proue ou de la poupe, et pourtant, pendant que la gouttelette est en l'air, le navire avance de plusieurs palmes ; les poissons dans leur eau ne se fatigueront pas plus pour nager vers l'avant que vers l'arriĂšre de leur rĂ©cipient, c'est avec la mĂȘme facilitĂ© qu'ils iront vers la nourriture que vous aurez disposĂ©e oĂč vous voudrez au bord du rĂ©cipient ; enfin, les papillons et les mouches continueront Ă voler indiffĂ©remment dans toutes les directions, jamais vous ne les verrez se rĂ©fugier vers la paroi du cĂŽtĂ© de la poupe comme s'ils Ă©taient fatiguĂ©s de suivre la course rapide du navire dont ils auront Ă©tĂ© longtemps sĂ©parĂ©s, puisqu'ils restent en l'air ; brĂ»lez un grain d'encens, il se fera un peu de fumĂ©e que vous verrez monter vers le haut et y demeurer, tel un petit nuage, sans qu'elle aille d'un cĂŽtĂ© plutĂŽt que d'un autre. »
â GalilĂ©e [6]
En langage moderne, le mouvement uniforme (inertiel) du bloc expĂ©rience+observateur n'a aucun effet sur l'expĂ©rience observĂ©e. Ainsi, mĂȘme si la Terre se dĂ©place, la pierre jetĂ©e verticalement retombe aux pieds du lanceur, et les oiseaux volent normalement dans toutes les directions. Ce point de vue constitue une rĂ©volution dans les conceptions mĂ©caniques de l'Ă©poque. Selon la physique d'Aristote alors communĂ©ment enseignĂ©e, le mouvement et le repos sont deux Ă©tats diffĂ©rents, et le mouvement nĂ©cessite un moteur. Selon GalilĂ©e, mouvement et repos sont un mĂȘme Ă©tat, diffĂ©rent l'un de l'autre par simple changement de rĂ©fĂ©rentiel. Cette conception est Ă la base du principe d'inertie. GalilĂ©e note[7] ainsi que « les corps graves sont indiffĂ©rents au mouvement horizontal, pour lequel ils n'ont ni inclination (car il n'est pas dirigĂ© vers le centre de la Terre), ni rĂ©pugnance (car il ne s'Ă©loigne pas du mĂȘme centre) : en raison de quoi, et une fois Ă©cartĂ©s tous les obstacles extĂ©rieurs, un grave placĂ© sur une surface sphĂ©rique et concentrique Ă la Terre sera indiffĂ©rent au repos comme au mouvement dans quelque direction que ce soit, et il demeurera dans l'Ă©tat oĂč il aura Ă©tĂ© placĂ© »[8]. Signalons Ă©galement que GalilĂ©e, ayant rĂ©futĂ© les arguments aristotĂ©liciens contre le mouvement de la Terre, cherchera quel phĂ©nomĂšne observable peut rendre compte de ce mouvement. Il pensera le trouver, de façon erronĂ©e, dans une explication des marĂ©es. Il faudra plus de deux siĂšcles pour que soient imaginĂ©es des expĂ©riences mĂ©caniques montrant le mouvement de la Terre par rapport Ă un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en.
Ă la suite de GalilĂ©e, une des premiĂšres utilisations d'un rĂ©fĂ©rentiel fictif (non reprĂ©sentĂ© dans l'expĂ©rience par un corps quelconque) peut ĂȘtre attribuĂ©e Ă Christiaan Huygens, dans son ouvrage de Motu corporum ex percussione[9]. Ayant pris conscience en 1652 des erreurs de Descartes sur les lois des chocs, il conçoit un repĂšre mobile par rapport auquel on fait une expĂ©rience. Cherchant quelles sont les vitesses de deux corps identiques aprĂšs un choc, alors qu'initialement le premier corps se dĂ©place Ă la vitesse V et le second Ă la vitesse V' par rapport au sol, il imagine un observateur se dĂ©plaçant Ă la vitesse (V+V')/2. Cet observateur voit les deux corps se rapprocher Ă la vitesse (V-V')/2, se heurter, et, Ă©tant de mĂȘme masse, s'Ă©loigner avec la mĂȘme vitesse. Revenant au rĂ©fĂ©rentiel terrestre, Huygens en conclut qu'aprĂšs le choc, les deux corps ont Ă©changĂ© leur vitesse.
Il est à remarquer que l'additivité des vitesses, utilisée par Huygens et tous ses successeurs lors d'un changement de référentiel, ne découle pas du principe de relativité de Galilée. Cette rÚgle d'additivité sera remise en cause par Einstein, lors de l'invention de la relativité restreinte.
L'absolu et le relatif aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles
Isaac Newton, lecteur assidu de Descartes et de Galilée, en prolonge les observations quantitatives et amplifie la mathématisation de la physique, et place la loi d'inertie comme sa premiÚre loi de la physique, en y définissant au passage la notion de force.
Cette loi de l'inertie (en l'absence de force appliquĂ©e au corps, son accĂ©lĂ©ration est nulle) n'est valable que dans certains repĂšres (appelĂ©s aujourd'hui repĂšres galilĂ©ens), et Newton en introduisant les termes « absolu » et « relatif » pour qualifier les mouvements (qui pour lui prennent le sens de « vrai » et « apparent »), privilĂ©gie un repĂšre galilĂ©en particulier, « l'espace absolu », qui est le bon repĂšre oĂč on dĂ©termine le « mouvement absolu » des corps (et oĂč il n'y a pas de force centrifuge ou autre force imputable au choix du rĂ©fĂ©rentiel). Les autres repĂšres galilĂ©ens Ă©tant considĂ©rĂ©s comme des espaces relatifs privilĂ©giĂ©s par rapport Ă ceux qui ne sont pas galilĂ©ens.
Pour justifier en mĂȘme temps la pesanteur et la propagation de la lumiĂšre Huygens Ă©tait opposĂ© Ă l'idĂ©e de l'existence d'un espace absolu[10], et Leibniz aussi pour des raisons philosophiques. Dans une lettre Ă Samuel Clarke, adjoint de Newton, Leibniz tente de dĂ©montrer que la notion d'espace absolu est incompatible avec son principe de la raison suffisante.
Ces considĂ©rations resteront admises jusqu'Ă Einstein, l'observateur pouvant toujours (semblait-il) dĂ©tecter s'il est ou non dans un repĂšre galilĂ©en (en expĂ©rimentant la loi de l'inertie) et effectuer mathĂ©matiquement le changement de repĂšre nĂ©cessaire, mĂȘme si « l'espace absolu » restera toujours difficile Ă dĂ©terminer comme le regrettait dĂ©jĂ Newton.
« Pour rĂ©futer l'idĂ©e de ceux qui prennent l'Espace pour une substance, ou du moins pour quelque ĂȘtre absolu, j'ai plusieurs dĂ©monstrations, mais je ne veux me servir Ă prĂ©sent que de celle dont on me fournit ici l'occasion.
Je dis donc que si l'Espace Ă©tait un ĂȘtre absolu, il arriverait quelque chose dont il serait impossible qu'il y eut une raison suffisante, ce qui est contre notre Axiome. Voici comment je le prouve.
L'Espace est quelque chose d'absolument uniforme, et en l'absence des choses y placées, un point de l'Espace ne diffÚre absolument en rien d'un autre point de l'Espace.
Or, il suit de cela, Ă supposer que l'espace soit quelque chose en lui-mĂȘme indĂ©pendamment de l'ordre des corps entre eux, qu'il est impossible qu'il existe une raison pour laquelle Dieu, gardant les mĂȘmes situations des corps entre eux, a placĂ© ainsi les corps dans l'espace et non autrement; et pour laquelle tout n'a pas Ă©tĂ© mis Ă rebours (par exemple) par Ă©change de la droite et de la gauche.
Mais si l'Espace n'est autre chose que cet ordre ou rapport, et n'est rien du tout sans les corps, si ce n'est la possibilitĂ© d'en mettre; ces deux Ă©tats, l'un tel qu'il est, l'autre supposĂ© Ă rebours, ne diffĂšreraient aucunement entre eux. Leur diffĂ©rence ne se trouve que dans notre supposition chimĂ©rique : la rĂ©alitĂ© de l'espace en lui-mĂȘme.
Mais dans la rĂ©alitĂ©, l'un sera en tout point la mĂȘme chose que l'autre, puisqu'ils sont absolument indiscernables. Et par consĂ©quent il n'y a pas lieu de demander la raison de la prĂ©fĂ©rence de l'un Ă l'autre. »L'influence majeure de Newton et la notion d'espace absolu firent que, pendant le XVIIIe siĂšcle, le dĂ©veloppement de la mĂ©canique porta davantage sur les consĂ©quences mathĂ©matiques de l'analyse dynamique du mouvement, plutĂŽt que sur l'Ă©tude des repĂšres en mouvement ou des changements de rĂ©fĂ©rentiels. Clairaut aborda certes cette derniĂšre question en 1742, avec l'introduction de forces d'inertie d'entraĂźnement, mais de maniĂšre imparfaite. La solution complĂšte Ă la question du changement de rĂ©fĂ©rentiels fut apportĂ©e par Coriolis Ă partir de 1832. En 1833, Ferdinand Reich mit en Ă©vidence la dĂ©viation vers l'est d'un corps en chute libre, rĂ©sultant du fait qu'un rĂ©fĂ©rentiel liĂ© Ă la Terre n'est pas inertiel. Les forces d'inertie d'entraĂźnement et de Coriolis permirent Ă©galement d'expliquer l'expĂ©rience du pendule de Foucault, rĂ©alisĂ©e en 1851.
Son utilisation comme principe par Einstein dans la relativité restreinte
Il revient Ă PoincarĂ© d'avoir dĂ©sacralisĂ© le choix de Newton dans son livre La Science et l'HypothĂšse (1902) : il rejette « l'espace absolu » de Newton en montrant qu'il n'est nullement nĂ©cessaire Ă la physique, et constate mĂȘme que la notion de rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en et de mouvement rectiligne uniforme se dĂ©finissent l'un par rapport Ă l'autre, et que la notion de ligne droite n'est pas une rĂ©alitĂ© mais une interprĂ©tation toute mathĂ©matique des expĂ©riences. Ainsi, il Ă©nonce la relativitĂ© de GalilĂ©e comme un principe issu de l'expĂ©rience mais l'interprĂ©tant.
Einstein, lecteur de PoincarĂ©, cherche Ă concilier le principe de relativitĂ© de GalilĂ©e (formulĂ© : les lois sont les mĂȘmes dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens) et le fait que la vitesse de la lumiĂšre est la mĂȘme dans tous les rĂ©fĂ©rentiels galilĂ©ens (c'est un rĂ©sultat de la thĂ©orie de l'Ă©lectromagnĂ©tisme de Maxwell, interprĂ©tĂ© bien diffĂ©remment jusque-lĂ avec « l'espace absolu » de Newton et l'Ă©ther). Sa conclusion est la relativitĂ© restreinte, publiĂ©e en 1905.
L'ancien professeur de mathĂ©matiques d'Einstein, Hermann Minkowski, rĂ©interprĂ©tera cette thĂ©orie dans le cadre d'un espace plat de dimension 4 ayant une mesure des distances particuliĂšre et oĂč le principe de relativitĂ© de GalilĂ©e s'applique : l'espace-temps de Minkowski.
Sa généralisation par Einstein pour la relativité générale
Soucieux de cohĂ©rence intellectuelle, Einstein ne conçoit pas que la science privilĂ©gie des rĂ©fĂ©rentiels par rapport Ă d'autres : les lois de la physique changeraient-elles pour une mĂȘme expĂ©rience suivant qu'elle est observĂ©e depuis un rĂ©fĂ©rentiel galilĂ©en ou d'un rĂ©fĂ©rentiel non galilĂ©en ? Il cherche donc une thĂ©orie gĂ©nĂ©ralisant le principe de GalilĂ©e Ă tous les rĂ©fĂ©rentiels, et aussi une loi de la gravitation compatible, autre objectif d'envergure.
Par sa découverte du principe d'équivalence, la gravitation devient (localement) un effet équivalent au choix d'un référentiel accéléré : la généralisation du principe de relativité, sous forme d'équations différentielles, suffira donc.
Imaginant un disque en rotation autour de son centre, il comprend que, d'aprÚs la relativité restreinte, une personne placée sur le disque et tournant avec verrait le rayon du disque inchangé mais mesurerait un périmÚtre supérieur à : cela ne correspond pas à la géométrie euclidienne[11]. La solution de son problÚme devait donc passer par la géométrie différentielle (qui englobe les géométries euclidiennes et non euclidiennes) et le calcul tensoriel qui va avec, et que, par bonheur, son ami Marcel Grossmann avait étudié dans le cadre de son doctorat.
Le calcul tensoriel est l'outil permettant d'établir des égalités vraies quel que soit le référentiel utilisé. Le principe de relativité ainsi généralisé porte aussi le nom de « principe de covariance générale ».
AprÚs tùtonnements et hésitations face à cet outillage mathématique assez lourd, Einstein finit sa théorie de la relativité générale en 1915.
Notes et références
Notes
- et exprime le caractĂšre absolu du temps en physique classique.
- Cette égalité a été considérée comme une évidence due à la géométrie euclidienne, jusqu'au travaux de Lorentz, d'Henri Poincaré et d'Albert Einstein
- Le temps, les longueurs, les vitesses (mis à part la vitesse de la lumiÚre) et les accélérations sont relatifs au référentiel (supposé inertiel) de l'observateur qui mesure.
Références
- Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions], §1.
- Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions], §82.
- Albert Einstein, La ThĂ©orie de la relativitĂ© restreinte et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Gaulthier-Villards, 1921, traduit par Mlle J. RouviĂšre et prĂ©facĂ© par Ămile Borel ; chapitre XVIII.
- Jean-Claude Boudenot, ĂlectromagnĂ©tisme et gravitation relativistes, Ellipses, 1989 (ISBN 2729889361), chapitre II, §3.
- GalilĂ©e, Dialogo supra i due massimi sistemi del Mondo, 1632, rĂ©Ă©ditĂ© chez Edizione nazionale sotto gli auspicii di sua maesta il re d'Italia. Vol. VII, p. 142. Ădition française : Dialogue sur les deux grands systĂšmes du Monde, Seuil (1992), p. 141, traduction de RenĂ© FrĂ©reux avec le concours de François de Gandt
- GalilĂ©e, Dialogo supra i due massimi sistemi del Mondo, 1632, rĂ©Ă©ditĂ© chez Edizione nazionale sotto gli auspicii di sua maesta il re d'Italia. Vol. VII, p.213. Ădition française : Dialogue sur les deux grands systĂšmes du Monde, Seuil (1992), p.204, traduction de RenĂ© FrĂ©reux avec le concours de François de Gandt
- Maurice Clavelin, GalilĂ©e Copernicien, Albin Michel (2004), DeuxiĂšme lettre de GalilĂ©e Ă Marcus Welser sur les taches solaires, 14 aoĂ»t 1612, p. 265-266, ou Ćuvres complĂštes de GalilĂ©e, V, p. 134
- On peut voir dans ce raisonnement un reste de l'influence de la doctrine aristotélicienne, comme le suggÚre F. Balibar dans son livre Galilée, Newton lus par Einstein
- De motu corporum ex percussione, Ćuvres complĂštes de Christian Huygens, SociĂ©tĂ© Hollandaise des sciences (1929), tome XVI, p. 30
- Anna Chiappinelli, "La RelativitĂ di Huygens", dans "Attrazione Fisica", Sidereus Nuncius, 2009, p. 69-79.
- Albert Einstein, The meaning of relativity : four lectures delivered at Princeton University, May, 1921, Princeton : Princeton University Press, (lire en ligne), p. 66
Annexes
Bibliographie
- Françoise Balibar, Galilée, Newton lus par Einstein, PUF, 1984
- Albert Einstein, La ThĂ©orie de la relativitĂ© restreinte et gĂ©nĂ©ralisĂ©e, Gaulthier-Villards, 1921, traduit par Mlle J. RouviĂšre et prĂ©facĂ© par M. Ămile Borel.
- Banesh Hoffmann (avec la collaboration de Helen Dukas), Albert Einstein, crĂ©ateur et rebelle, 1975, Ăditions du Seuil, coll. Points Sciences, trad. de l'amĂ©ricain par Maurice Manly. (ISBN 2-02-005347-0)
- Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions]
- James H. Smith, Introduction à la relativité , 1965; pour la France : Masson éditeur, traduction depuis l'américain par Philippe Brenier en 1997, préface de Jean-Marc Lévy-Leblond. (ISBN 2-225-82985-3)
Articles connexes
Liens externes
- Poincaré et le principe de relativité par Michel Paty, 1994
- Une vidéo pratique sur la théorie de la relativité
- Vidéoconférence sur le thÚme « La Relativité générale » (intervention de Thibault Damour)
- Histoire d'une théorie : la relativité