Roucou
Bixa orellana
RĂšgne | Plantae |
---|---|
Division | Magnoliophyta |
Classe | Magnoliopsida |
Sous-classe | Dilleniidae |
Ordre | Violales |
Famille | Bixaceae |
Genre | Bixa |
Classification phylogénétique
Le roucouyer (Bixa orellana L., 1753) est une espĂšce d'arbres ou d'arbustes de la famille des Bixaceae, originaire des rĂ©gions tropicales d'AmĂ©rique du Sud. Ses fleurs sont roses et il donne des fruits rouges Ă Ă©pines, remplis de graines, rouges elles aussi. Lâenveloppe de celles-ci donne une teinture appelĂ©e roucou.
La graine du roucouyer[1], n'est pas consommĂ©e par elle-mĂȘme. Elle est rĂ©coltĂ©e puis sĂ©chĂ©e pour en extraire la cire qui entoure les graines, trĂšs riche en carotĂ©noĂŻdes. Par mĂ©tonymie, le terme roucou peut dĂ©signer aussi bien lâarbre, la graine ou la teinture, suivant le contexte.
Le roucou utilisé en alimentation, est un puissant colorant, et aussi un condiment, à la saveur légÚre de muscade poivrée[n 1].
Ătymologie
LinnĂ© a nommĂ© lâespĂšce Bixa orellana dans Species Plantarum [2], 1753
Le nom de genre Bixa viendrait de « bija » nom vernaculaire de la plante en Amérique du sud et aux Antilles.
L'épithÚte spécifique orellana a été donné en hommage au navigateur et explorateur espagnol du XVIe siÚcle Francisco de Orellana, qui nomma le fleuve Amazone.
En français, le terme roucou est un emprunt aux langues tupi-guarani urucĂș, rucĂș.
DĂ©nominations locales
Dans les CaraĂŻbes anglophones, le roucou se nomme lipstick tree[3] mais dans le Royaume Uni, achiote.
Dans les CaraĂŻbes hispanophones, il est nommĂ© achiote nom tirĂ© du nahuatl (au Mexique, au Nicaragua, en Bolivie, en Colombie, au PĂ©rou, en Ăquateur), onoto (au Venezuela).
En Guyane, il se nomme rocou, roucou. Au Brésil, il est appelé urucum, urucu, "colorau". Dans les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique), il est appelé "roucou", "roukou" ou "woukou" en créole.
Description
Le Bixa orellana est un arbuste ou un petit arbre, Ă feuillage persistant, de 2â5 m voir 10 m de hauteur. Les rameaux sont bruns et densĂ©ment couverts de poils glanduleux rouge-brun.
La feuille, portĂ©e par un pĂ©tiole de 2,5 Ă 5 cm, comporte un limbe dont la face infĂ©rieure est vert pĂąle, la face supĂ©rieure vert foncĂ©, de forme cordĂ©e-ovale ou triangulaire-ovale, de 10â25 cm de long sur 5â13 cm de large, Ă 5 nervures palmĂ©es, Ă base arrondie ou subtronquĂ©e, marge entiĂšre et apex acuminĂ©[4].
Lâinflorescence est une panicule robuste, de 5â10 cm de long, densĂ©ment Ă©cailleuse brun-rouge et Ă poils glanduleux.
La fleur de 4â5 cm de diamĂštre, est portĂ©e par un pĂ©dicelle de 4â12 mm ; les sĂ©pales obovales, sont brun-rouge, densĂ©ment Ă©cailleux ; les 5 pĂ©tales rose vif, mauves ou blancs veinĂ©s de rouge pĂąle sont Ă©talĂ©s autour de nombreuses Ă©tamines Ă anthĂšres jaunes[4]. Aux Antilles, la floraison a lieu de fĂ©vrier Ă avril puis en novembre[3].
Le fruit est une capsule dâun rouge intense, subglobuleuse ou ovoĂŻde, lĂ©gĂšrement comprimĂ©e latĂ©ralement, de 2â4,5 cm de long, gĂ©nĂ©ralement densĂ©ment Ă©pineuse brun-violet, avec des Ă©pines molles de 1â2 cm de long, contenant de 10 Ă 50 graines[5] rouge-brun, de 4â5 mm, engluĂ©es dans une sorte de pulpe rouge vif.
- Rameau fleuri
- Fleur
- Fruits: capsules Ă©pineuses, rouges
- Capsule ouvertes exposant ses graines rouges
Distribution
Le roucouyer est originaire dâAmĂ©rique du Sud, probablement dâune rĂ©gion qui sâĂ©tend entre les Guyanes et le territoire de Bahia (dans le sud du Nordeste du BrĂ©sil)[6].
LâespĂšce fut introduite aux Antilles lors des migrations arawaks et caraĂŻbes. Elle fut cultivĂ©e comme plante tinctoriale jusquâĂ la fin du XIXe siĂšcle dans les Petites Antilles puis fut abandonnĂ© lors de lâapparition des matiĂšres colorantes synthĂ©tiques[3].
LâespĂšce est cultivĂ©e dans les rĂ©gions tropicales. Elle est cultivĂ©e dans lâAsie du Sud-est, oĂč elle a Ă©tĂ© introduite depuis Acapulco au XVIIe siĂšcle. Elle est exploitĂ©e en AmĂ©rique du Sud et Centrale mais aussi en Afrique de lâEst[7].
Histoire
La premiĂšre description du roucou se trouve dans une lettre adressĂ©e par lâĂ©crivain Pero Vaz de Caminha Ă son suzerain le . Il eut lâopportunitĂ© de participer au voyage de lâamiral Pedro Ălvares Cabral vers Calicut (en Inde) qui avant dâaller vers lâAfrique, se dirigea vers le sud-ouest et fut ainsi le premier Ă atteindre lâactuel BrĂ©sil, sur sa cĂŽte du nord-est, oĂč il mouilla dans un port naturel quâil nomma Porto Seguro (« port sĂ»r »). Il Ă©crit:
- Un Indien « portait son arc et ses flĂšches et il Ă©tait peint dâune teinture rouge sur la poitrine, le dos, les hanches, les cuisses et les jambes jusquâen bas, mais les flancs, le ventre et lâestomac avaient leur couleur naturelle ; et cette teinture naturelle Ă©tait telle que lâeau ne lâattaquait ni ne lâeffaçait : au contraire elle Ă©tait plus rouge au sortir de lâeau » (Lettre de Pero Vaz de Caminha sur la dĂ©couverte du BrĂ©sil[6], 1500).
Lâorigine de cette couleur est donnĂ©e plus loin :
- « Certains tenaient des bogues vertes qui, Ă leur couleur, semblaient provenir de chĂątaigniers, sauf que celles-ci Ă©taient bien plus petites et quâelles Ă©taient pleines de petits grains rouges qui, lorsquâon les Ă©crasait entre les doigts, donnaient une teinture trĂšs rouge, celle dont ils Ă©taient enduits » (Lettre de Pero Vaz)
Les tribus que lâamiral Cabral rencontra Ă©taient des Tupiniquim. Outre les peintures corporelles rituelles, ces Indiens du BrĂ©sil, se servaient du roucou pour teindre des poteries dâargile, Ă©loigner les insectes, colorer et assaisonner certains mets, soigner les bronchites et les brĂ»lures. La poudre Ă©tait aussi consommĂ©e comme aphrodisiaque[6].
Les Portugais exportĂšrent le roucou vers lâEurope oĂč elle fut connue sous le nom de « terre oriane ». Elle servait Ă peindre les parquets et Ă teindre des tissus de soie et de coton. Mais le procĂ©dĂ© fut abandonnĂ© car la couleur passait sous lâeffet de lâexposition Ă la lumiĂšre.
Composition nutritionnelle
Principaux composants de la graine de roucou[8] | |
Protéines | 12,83 g |
Lipides | 4,64 g |
Eau | 2,7 g |
Minéraux et oligo-éléments | |
Potassium | 14,59 mg |
Calcium | 2,89 mg |
Phosphore | 4,78 mg |
Magnésium | 1,04 mg |
ManganĂšse | 0,19 mg |
Sodium | 6,93 mg |
Fer | 0,01 mg |
Cuivre | 0,19 mg |
Cendres | 11 % |
Vitamines | |
bĂȘta-carotĂšne | 3 200 mg |
vitamine E | 3,2 g |
Les valeurs nutritionnelles de 100 g de graine de roucou sont résumées dans la table ci-contre[8].
Les graines de Bixa orellana constituent une source significative de minĂ©raux, en particulier de calcium. Lâemploie de roucou comme colorant alimentaire renforce donc lâapport en minĂ©raux de lâaliment.
Elles sont considĂ©rablement plus riche en bĂȘta-carotĂšne que les carottes. Selon les tables Ciqual, la carotte crue contient 8,29 mg pour 100 g soit 380 fois moins que le roucou[9].
Le roucou possÚde une trÚs forte teneur en vitamine E, et contient beaucoup de sélénium, magnésium et calcium.
Composés phytochimiques et propriétés pharmacologiques
Il existe de nombreux constituants chimiques, notamment des caroténoïdes, des apocaroténoïdes, des stérols, des composés aliphatiques, des monoterpÚnes et des sesquiterpÚnes, des triterpénoïdes et d'autres composés divers qui ont été identifiés et isolés principalement à partir des graines, des téguments et des feuilles de Bixa orellana[5].
Deux composants importants dâextraits de roucou sont la bixine soluble dans lâhuile et la norbixine hydrosoluble. La bixine est relativement stable Ă la chaleur et Ă la lumiĂšre[7]. Elle existe sous deux conformations stĂ©rĂ©ochimiques : cis-bixine et trans-bixine. La cis-bixine passablement est insoluble dans les huiles vĂ©gĂ©tales, la trans-bixine est plus stable, soluble dans les huiles vĂ©gĂ©tales, et manifeste une couleur rouge en solution[10]. La forme cis-bixine est la forme dominante.
La bixine est le principal composĂ© carotĂ©noĂŻde prĂ©sent dans le tĂ©gument de la graine de B. orellana. En plus de la bixine et de la norbixine, il a Ă©tĂ© identifiĂ© du ÎČ-carotĂšne, de la cryptoxanthine, de la lutĂ©ine , de la zĂ©axanthine et de la mĂ©thyl bixine Ă partir des graines par chromatographie.
L'effet le plus documenté de la bixine en médecine est son activité antioxydante. Des expériences in vitro ont montré que les extraits de graines ont une grande capacité à piéger les espÚces réactives de l'oxygÚne (ROS), qui sont corrélées à la concentration de bixine dans les extraits[11].
Il pourrait avoir des propriétés[5] :
- antigénotoxiques[12] - [10] ;
- antimutagĂšnes[12] ;
- protecteur contre le stress oxydatif[12] - [13].
Une étude effectuée sur des rats ne met aucune toxicité en évidence[14].
Utilisations
Rituel
Les autochtones d'Amérique du Sud et des ßles Caraïbes s'en servent comme pigment pour leurs peintures corporelles ou comme aromate.
MĂ©decine traditionnelle
La mĂ©decine traditionnelle lui prĂȘte de nombreuses vertus curatives. Dans les CaraĂŻbes, les feuilles sont rĂ©putĂ©es « rafraĂźchissantes » et sont employĂ©es contre diverses « inflammations », notamment angine et bronchite. Lâinfusion des graines est utilisĂ©e comme fĂ©brifuge. La poudre de la graine est utilisĂ©e contre lâasthme et comme emmĂ©nagogue[3]
En Guyane, la décoction des feuilles est donnée contre les vomissements[3].
Dans le sud du Mexique, il est utilisĂ© contre la variole et dâautres Ă©ruptions cutanĂ©es et contre des troubles digestifs (diarrhĂ©es, douleurs abdominales, indigestion et dysenterie)[10].
Le roucou sert aussi de crÚme solaire naturelle et permet d'éviter les piqûres d'insectes.
Il fait partie des ingrédients du tascalate, une boisson chocolatée du Chiapas au Mexique.
Colorant naturel
Le roucou est actuellement utilisé comme colorant alimentaire (code européen E160b), ainsi que la bixine qu'il contient et dont un autre colorant, la norbixine, est dérivé chimiquement.
Certains fromages tels que la boulette d'Avesnes, la mimolette, le cheddar, l'edam, le Rouy ou le Red Leicester, lui doivent leur couleur orangĂ©e, de mĂȘme que les biscuits Ă l'orange Chamonix[15]. La croĂ»te de certains livarots et reblochons[16] - [17] est Ă©galement lavĂ©e avec du roucou. Le colorant est aussi utilisĂ© avec les produits de la boulangerie et les desserts Ă la crĂšme etc.
Traditionnellement, il sert aussi à teindre les filets de haddock. C'est aussi un des ingrédients du recado rojo, une sauce pimentée mexicaine.
Notes
- Source : article âAnnattoâ (en), par traduction.
Références
- « Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. TroisiÚme série, Q-T. Tome cinquiÚme, RHU-RYT », sur Gallica, 1874-1885 (consulté le ), p. 103
- Carl von Linné, Lars Salvius, Species plantarum :exhibentes plantas rite cognitas, ad genera relatas..., Holmiae :Impensis Laurentii Salvii, (lire en ligne)
- Jean-Louis Longuefosse avec la collaboration dâĂric Leroy, 100 plantes mĂ©dicinales de la CraraĂŻbe, Gondwana Ă©ditions, , 240 p.
- (en) Référence Flora of China : Bixa orellana Linnaeus
- Shahid-ul-Islam, Luqman J. Rather, and Faqeer Mohammad, « Phytochemistry, biological activities and potential of annatto in natural colorant production for industrial applications â A review », J Adv Res, vol. 7, no 3,â
- JosĂ© E. Mendes FerrĂŁo, Le voyage des plantes et les Grandes DĂ©couvertes (XVeâââXVIIe siĂšcles), Chandeigne, , 284 p.
- Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes mĂ©dicinales, 4e Ă©d., revue et augmentĂ©e, Paris, Tec & Doc - Ăditions mĂ©dicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
- EzĂ©chiel Akakpo, Marius Eric Badoussi,... Paulin Azokpota, « Ethnobotanical, phytochemical and nutritional characterization of Bixa Orellana Linn. seeds of Benin Ecology », International Journal of Biosciences 2222-5234 (online), vol. 17, no 1,â , p. 46-56 (lire en ligne)
- anses, « Ciqual, Carotte crue » (consulté le )
- Renata Rivera-Madrid, Margarita Aguilar-Espinosa, Yair CĂĄrdenas-Conejo and Luz E. Garza-Caligaris, « Carotenoid Derivates in Achiote (Bixa orellana) Seeds: Synthesis and Health Promoting Properties », Front. Plant Sci.,â (lire en ligne)
- Campos, C., Zerlotti, R. M., Gomes, A., Fernandes, E., Lima, J. L., and Bragagnolo, N, « In vitro scavenging capacity of annatto seed extracts against reactive oxygen and nitrogen species », Food Chem., vol. 127,â (lire en ligne)
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- Couleurs de plantes.
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- Les produits laitiers 07.11.2011,Question (pas) bĂȘte : pourquoi certains fromages sont-ils orange ? (consultĂ© le 8 juillet 2014).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) Référence JSTOR Plants : Bixa orellana (consulté le )
- (en) Référence Catalogue of Life : Bixa orellana L. (consulté le )
- (en) Référence Flora of China : Bixa orellana (consulté le )
- (en) Référence Madagascar Catalogue : Bixa orellana (consulté le )
- (en) Référence GRIN : espÚce Bixa orellana L. (consulté le )
- (fr) Référence INPN : Bixa orellana L., 1753 (TAXREF) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Bixa orellana L. (consulté le )
- (en) Référence Kew Garden World Checklist : Bixa orellana L. (1753) (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Bixa orellana (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence The Plant List : Bixa orellana L. (source : KewGarden WCSP) (consulté le )
- (en) Référence Tropicos : Bixa orellana L. (+ liste sous-taxons) (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023
- (fr) Référence Tela Botanica (Antilles) : Bixa orellana L.
- (fr) Référence Tela Botanica (La Réunion) : Bixa orellana L.
- Référence African plants - A Photo Guide : Bixa orellana (en)
- Bixa orellana L. (Source : TRAMIL) (consulté le )
- Rouge Ă lĂšvres de Tahiti
- Toil'd'Ă©pices - Roucou
Bibliographie
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