Mutineries de la mer Noire
Les mutineries de la mer Noire sont une sĂ©rie de rĂ©voltes survenues dans les troupes terrestres et les bĂątiments français de lâescadre de la mer Noire en 1919, alors que le gouvernement français soutient les forces russes « blanches » (tsaristes) contre les rĂ©volutionnaires « rouges » (bolcheviques) pendant la guerre civile russe. Lâintervention française, menĂ©e avec de trop faibles moyens navals et terrestres dans un pays hostile, est un Ă©chec qui nâest pas dĂ» aux mutineries, ces derniĂšres n'intervenant qu'aprĂšs la dĂ©cision de mettre un terme aux opĂ©rations militaires. AprĂšs le retour de lâexpĂ©dition, les mutineries reprennent et touchent presque tous les ports oĂč stationnent des navires de guerre : Ă Brest, Cherbourg, Bizerte, Lorient et Toulon avant de se terminer par une ultime mutinerie en MĂ©diterranĂ©e orientale.
Une centaine de marins sont condamnĂ©s par les tribunaux militaires, mais assez rapidement amnistiĂ©s. Ces Ă©vĂ©nements sont par la suite rĂ©cupĂ©rĂ©s par le Parti communiste français, car plusieurs de ses membres y ont participĂ© et revendiquent un rĂŽle majeur dans lâorganisation des mutineries. Ces troubles sont aujourdâhui analysĂ©s et compris dans le contexte de la vague rĂ©volutionnaire qui frappe lâEurope Ă la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă la suite de l'Ă©puisement des belligĂ©rants et aux espoirs mis par une partie de lâopinion dans la rĂ©volution russe de 1917. LâenquĂȘte qui suit contribue Ă faire prendre conscience au pouvoir politique de lâĂ©tat de dĂ©labrement de la Marine au lendemain de la PremiĂšre Guerre mondiale et de la nĂ©cessitĂ© dâengager les rĂ©formes qui vont permettre le renouveau de la flotte française dans les annĂ©es 1920-1930.
Le contexte : lâĂ©puisement gĂ©nĂ©ral Ă la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale
Les grandes mutineries ont Ă©tĂ© nombreuses dans lâhistoire de presque toutes les grandes marines (mutineries rĂ©volutionnaires en France de 1789 Ă 1793, mutinerie de la Royal Navy en 1797, mutinerie de deux vaisseaux russes Ă SĂ©bastopol en 1782âŠ)[1]. La fin de la guerre de 1914-1918 est marquĂ©e par trois mutineries de taille : lâallemande des 29 et 30 octobre 1918, qui participe Ă lâeffondrement du IIe Reich, la russe, prĂ©-annoncĂ©e dĂšs 1905 par lâaffaire du cuirassĂ© Potemkine, qui ne dĂ©bute cependant pas dans la marine, celle-ci apportant le soutien du croiseur Aurore ; la française enfin, qui prĂ©sente la particularitĂ© de se dĂ©rouler en deux Ă©tapes, plusieurs mois aprĂšs la victoire[1].
Ces mutineries prĂ©sentent des causes communes et multiples : la lassitude dâune guerre interminable, la frustration de la marine de surface vouĂ©e Ă des rĂŽles peu glorieux, le mauvais ravitaillement, les longs et interminables sĂ©jours en rade des gros bĂątiments, facteurs de dĂ©sorganisation, dâennui et de dĂ©sĆuvrement[1]. Ă cela sâadditionnent et se combinent un hiver rude et une surcharge de travail dans une discipline draconienne alors que, lâArmistice signĂ©, tout le monde a espoir de rentrer rapidement dans ses foyers[2]. Il y a, pourtant, des diffĂ©rences : si la Marine allemande se mutine en contre des ordres qui imposent, pour lâhonneur, une sortie Ă©quivalente Ă une forme de suicide collectif, ce nâest pas le cas de la Marine française qui figure, elle, dans le camp des vainqueurs[1]. Autre particularitĂ© : les mutineries Ă©clatent sur des cuirassĂ©s dont les campagnes ont Ă©tĂ© particuliĂšrement courtes : 43 jours pour le France, 44 pour le Jean-Bart, 52 pour le Vergniaud, alors que des unitĂ©s peu touchĂ©es comme le Justice et le Mirabeau ont Ă leur actif 131 et 127 jours de campagne[2].
Les projets de Clemenceau contre les Bolcheviques
Ă lâautomne 1918, les puissances centrales sâĂ©croulent. Lâhistoriographie française ne retient souvent que la date du comme marqueur de la victoire, car lâEst de la France constitue le front principal[3]. Câest oublier que la guerre est mondiale et que les AlliĂ©s sont victorieux sur les autres fronts avant de voir lâAllemagne contrainte de demander lâarmistice. Dans les Balkans, lâarmĂ©e dâOrient, sous les ordres de Franchet dâEsperey, Ă©tait passĂ©e Ă lâoffensive victorieusement le . Le , la Bulgarie, vaincue, signait lâarmistice, ce qui permettait dâenvisager une offensive double vers lâAutriche-Hongrie ou vers la Roumanie pour couper le ravitaillement en pĂ©trole Ă lâAllemagne, voire dâaller attaquer Constantinople[4]. En Orient, sous la pression de lâarmĂ©e britannique dâAllenby, le front turc Ă©tait enfoncĂ©. Le 1er octobre, Damas Ă©tait prise. Le , la Turquie signait lâarmistice Ă Moudros[4]. Le , lâescadre alliĂ©e (dont 5 cuirassĂ©s français) entrait triomphalement dans les Dardanelles, mouillait devant Constantinople[1] et occupait les forts du Bosphore[5]. Entre-temps, lâAutriche-Hongrie, en pleine implosion, avait signĂ© lâarmistice le , un peu plus dâune semaine avant lâAllemagne[4]. La dĂ©faite des Empires centraux pose de facto une nouvelle question : que faire de la Russie en pleine rĂ©volution[1] ?
Les puissances alliĂ©es considĂšrent aussitĂŽt les Bolcheviques comme les nouveaux adversaires Ă abattre[1]. La paix de Brest-Litovsk, en , entre le gouvernement de LĂ©nine et celui de Guillaume II, a sonnĂ© aux oreilles des AlliĂ©s comme une vĂ©ritable trahison qui a failli leur coĂ»ter la guerre en libĂ©rant les troupes allemandes du front de lâEst pour prendre lâoffensive Ă lâOuest (de mars Ă )[6]. Le massacre de la famille impĂ©riale, la violence de la guerre civile, font considĂ©rer les communistes comme des barbares, mĂȘme si leurs adversaires ne se sont pas toujours comportĂ©s mieux[7]. DĂšs le , donc quinze jours avant lâarmistice, et jusquâau , Clemenceau donne une sĂ©rie dâordres qui aboutissent Ă lâintervention directe de la France en Russie du sud[1]. La dĂ©cision d'intervention est prise sans consulter les AlliĂ©s, notamment britannique, avec qui une sourde rivalitĂ© sâest installĂ©e en Orient depuis la victoire contre les Turcs : le Royaume-Uni a ainsi Ă©cartĂ© lâamiral Gauchet des nĂ©gociations menant Ă lâarmistice avec la Turquie Ă Moudros. La guerre Ă peine achevĂ©e, la traditionnelle rivalitĂ© franco-britannique reprend le dessus[7].
NĂ©anmoins, la volontĂ© dâintervenir en Russie pour contenir ou anĂ©antir la rĂ©volution bolchevique nâest pas spĂ©cifiquement française : la plupart des grandes puissances partagent cette politique[8]. Les AlliĂ©s dĂ©barquent en Russie septentrionale, Ă Mourmansk puis Arkhangelsk. Les Britanniques sâactivent dans la Baltique[9] et sont aussi fortement prĂ©sents en mer Noire. Les Turcs pĂ©nĂštrent dans le Caucase, les AmĂ©ricains et les Japonais occupent Vladivostok[10]. Ces interventions sont cependant assez prudentes, car les contingents dĂ©barquĂ©s sont limitĂ©s et on se contente dâapporter un soutien aux armĂ©es blanches contre-rĂ©volutionnaires qui cernent de tous cĂŽtĂ©s les rĂ©gions tenues par les Bolcheviques. Le « Tigre » veut aller plus loin, et conçoit une gigantesque opĂ©ration de soutien indirect aux armĂ©es blanches[2]. Le plan prĂ©voit dâoccuper les grands ports du Sud, puis de pĂ©nĂ©trer Ă lâintĂ©rieur du pays avec mainmise sur le bassin charbonnier du Donetz[11]. Clemenceau veut aussi envoyer des techniciens ayant pour mission de « contribuer Ă la reconstruction Ă©conomique du pays en Ă©tendant son action dans le domaine industriel et commercial. »[12] Cette opĂ©ration dâenvergure doit mobiliser, outre la IIe escadre du vice-amiral Amet, des divisions prises sur lâarmĂ©e dâOrient[1]. Il est prĂ©vu aussi de sâappuyer sur les 500 000 soldats allemands qui stationnent en Ukraine depuis la paix de Brest-Litovsk pour maintenir lâordre en attendant lâarrivĂ©e des troupes françaises[13]. Mais rien ne va se passer comme voulu par lâentreprenant PrĂ©sident du Conseil.
Une intervention mal préparée et qui manque de moyens
Des effectifs qui fondent avec la démobilisation
LâopĂ©ration nĂ©cessite de gros moyens logistiques. Or ceux-ci sont immĂ©diatement insuffisants. La dĂ©mobilisation de la flotte de commerce a commencĂ©, ce qui prive la marine de guerre de transports de troupes[1]. Les amiraux sont obligĂ©s de se « dĂ©brouiller » en mettant en service des navires de commerce russes dans la mer Noire, soit quelque 125 000 tonnes[1]. Navires quâil faut armer avec des hommes prĂ©levĂ©s sur les bĂątiments de combat[1]. Ceux-ci se retrouvent, Ă certains moments, avec Ă peine les deux tiers de leurs effectifs rĂ©glementaires[1]. Lâhiver 1918-1919, trĂšs froid dans les Balkans, Ă©prouve aussi beaucoup les Ă©quipages car les navires français, conçus pour la MĂ©diterranĂ©e, sont particuliĂšrement mal prĂ©parĂ©s[1]. Le vice-amiral Amet se voit obliger de quĂ©mander le soutien logistique du train dâescadre britannique, tout particuliĂšrement pour le charbon[1].
Ă bien des Ă©gards, la politique dâintervention de Clemenceau relĂšve dâun coup de tĂȘte[1]. Celui-ci repose sur nombre dâa priori, les uns idĂ©ologiques (dĂ©truire le Bolchevisme), les autres dus au manque dâinformations. Car la dĂ©faillance des services de renseignement français sur la Russie est Ă peu prĂšs totale[1]. On pense Ă Paris que la population locale va faire bon accueil aux forces françaises, sans avoir pris la mesure de son ressentiment aprĂšs quatre ans de blocus. Clemenceau dĂ©teste les Turcs et mĂšne une politique pro-hellĂ©nique[1]. Il est cependant trĂšs difficile dâintervenir en mer Noire sans leur soutien. Lâamiral de Bon, prĂ©sent sur place pour surveiller les clauses de lâarmistice avec la Turquie, et fin observateur politique, prĂŽne lâentente avec les dirigeants turcs mais ne parvient pas Ă convaincre le gouvernement français[14]. Franchet dâEsperey incite Ă la prudence. Il fait remarquer que ses soldats sont fiers de leur victoire dans les Balkans, mais ne sont absolument pas enthousiastes Ă lâidĂ©e de poursuivre la guerre jusquâen Ukraine et il redoute â dĂ©jĂ â une contamination du contingent par les idĂ©es bolcheviques[15]. Quant aux troupes coloniales, nombreuses dans lâarmĂ©e dâOrient, elles ne sont pas adaptĂ©es au rigoureux climat russe[15].
La France se retrouve donc seule avec quelques troupes grecques, la GrĂšce escomptant de ce service lâapprobation de lâannexion de la Thrace et dâune partie de la MacĂ©doine[1]. Quant aux forces françaises envisagĂ©es, leur taille ne cesse de se rĂ©duire avec la dĂ©mobilisation : sur les douze divisions prĂ©vues au dĂ©part, seules trois, puis deux sont rĂ©ellement disponibles[16]. Encore faut-il pouvoir les dĂ©placer autrement quâau compte-gouttes, faute de navires de transport[1]. Lâimprovisation est telle que le commandement se disperse entre Paris, AthĂšnes, la Roumanie, lâamiral et divers centres diplomatiques[1]. Ordres et contre-ordres se succĂšdent[1], sur fond de vives rivalitĂ©s personnelles entre Terre et Mer[2]. Franchet dâEsperey, par exemple, prendra des initiatives dâĂ©vacuation sans demander conseil au vice-amiral Amet[1]. Loin de tout, lâescadre reste parfois des semaines sans ordres prĂ©cis. « LâHistorien est bien en mal de dire qui a rĂ©ellement commandĂ© Ă certains moments donnĂ©s » (Martine Acerra, Jean Meyer)[1].
Une série de débarquements précaires
Des troupes peu nombreuses et démoralisées
Câest dans ces conditions que les Français, qui ne sont quâune poignĂ©e, dĂ©barquent Ă Odessa le , puis Ă SĂ©bastopol le 26[2]. Une escadre britannique participe aussi Ă lâintervention, ainsi que quelques troupes polonaises, tchĂšques et roumaines, ce qui permet de lui donner maintenant une coloration plus « alliĂ©e »[17]. Il faut attendre janvier pour occuper Kherson, et ce nâest que le 31 que NikolaĂŻev (centre de construction navale russe), et Kertch sont atteints. PremiĂšre surprise dĂ©sagrĂ©able : la population locale, touchĂ©e dans sa susceptibilitĂ© nationale et travaillĂ©e par une active propagande communiste, se rĂ©vĂšle dâemblĂ©e hostile[2]. La population portuaire, en proie Ă la plus vive misĂšre, accuse le blocus alliĂ© dâavoir stoppĂ© lâactivitĂ© industrielle et le commerce[18]. Elle boycotte les navires français, ce qui oblige les Ă©quipages Ă se surcharger du travail de soutage et Ă se transformer en dockers en plus de leur tĂąche ordinaire[1]. DeuxiĂšme surprise : les 500 000 soldats allemands que lâon pensait trouver pour assurer lâordre dans les immensitĂ©s ukrainiennes se sont volatilisĂ©s avec la signature de lâarmistice. Tous sont rentrĂ©s spontanĂ©ment pour retrouver leurs familles[2], ne laissant derriĂšre eux que quelques milliers de traĂźnards sans valeur militaire[19]. Ils ont aussi abandonnĂ© de grandes quantitĂ©s de matĂ©riel qui profitent Ă des bandes armĂ©es faisant rĂ©gner partout l'insĂ©curitĂ©. TroisiĂšme surprise : les Français dĂ©couvrent que les troupes blanches sont conduites le plus souvent par de vĂ©ritables seigneurs de la guerre inefficaces, versatiles, et eux aussi hostiles Ă une intervention Ă©trangĂšre pourtant censĂ©e venir les aider[2]. « LâarmĂ©e de Denikine est une gĂȘne plutĂŽt quâune aide, (âŠ) elle a tous les dĂ©fauts de lâancienne armĂ©e russe et nâen a pas les qualitĂ©s » note Franchet dâEsperey[20].
La position des quelques troupes engagĂ©es sur cet immense thĂ©Ăątre dâopĂ©ration se rĂ©vĂšle dâemblĂ©e extrĂȘmement prĂ©caire. Six semaines aprĂšs le dĂ©barquement initial Ă Odessa, 3 000 hommes seulement ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©s pour lâoccupation de lâUkraine, un territoire plus grand que la France[21]⊠Il est impossible de progresser vers lâintĂ©rieur[1]. Le moral est trĂšs faible. Les troupes ne comprennent pas ce quâelles font lĂ et renĂąclent. « Nos soldats, travaillĂ©s par une propagande bolchevique intense, ne songent pas Ă se battre contre un pays avec lequel la France nâest pas officiellement en Ă©tat de guerre » cĂąble Franchet dâEsperey[22]. La propagande incitant les troupes Ă dĂ©sobĂ©ir et Ă se rallier Ă la rĂ©volution russe entretient une vive paranoĂŻa dans lâĂ©tat-major. Il est vrai quâelle provient pour partie de Français qui ont rejoint les rĂ©volutionnaires[23]. Les observateurs les plus attentifs notent cependant que ce nâest pas la propagande bolchevique qui sape le moral de la troupe, mais son Ă©puisement et son incomprĂ©hension vis-Ă -vis de cette intervention qui ne lui semble pas justifiĂ©e. Depuis lâarmistice du , la guerre, dans les esprits, est achevĂ©e, et si la Russie veut faire la rĂ©volution, câest son affaire et la France n'a pas Ă sâen mĂȘler[24]. Un officier stationnant Ă SĂ©bastopol remarque que la propagande bolchevique nâa pas beaucoup dâeffets sur les troupes, mais lâattitude hostile de la population a un impact trĂšs profond[25].
Ă Odessa, le gĂ©nĂ©ral Berthelot estime quâil faut vingt divisions pour assurer le succĂšs de lâintervention et demande des renforts en consĂ©quence[26]. En Foch prĂ©sente un plan dâaction de grande envergure, mais il est immĂ©diatement repoussĂ©[19]. Avec lâouverture des pourparlers de paix, le gouvernement français se retrouve maintenant en porte-Ă -faux : il ne peut plus engager de grosse opĂ©ration militaire car il serait bien en peine de la justifier, autant devant le Parlement que lâopinion[19]. Ă cela s'ajoutent les rĂ©ticences des AlliĂ©s : lors des premiĂšres discussions Ă Versailles, le premier ministre britannique et le prĂ©sident amĂ©ricain rĂ©affirment leur hostilitĂ© au communisme, mais nâapprouvent quâune action limitĂ©e[19]. Faute de renfort, lâintervention française est donc condamnĂ©e Ă improviser alors que sur le terrain la situation se dĂ©grade continuellement. IsolĂ©es, mal ravitaillĂ©es, rĂ©duites au seul soutien dâune marine elle-mĂȘme obligĂ©e de faire feu de tout bois, Ă la logistique incertaine, les troupes terrestres accumulent, dĂšs janvier, les refus d'obĂ©issance (Ă Kherson, Odessa, Bendery)[1]. En fĂ©vrier, un dĂ©tachement d'infanterie et de troupes de montagne refuse de franchir le Dniestr et dâattaquer Tiraspol[27].
Les reculs face à l'Armée rouge
Dans le sud de la Russie la situation est confuse, mais les combats y prennent une ampleur grandissante[28]. D'un cĂŽtĂ©, la progression de lâArmĂ©e rouge sâaffirme : Kharkov tombe le , Kiev le lendemain[28]. D'un autre, les armĂ©es de Denikine rencontrent quelques succĂšs en obligeant les Bolcheviques Ă reculer au nord du Caucase. Mais Ă la mi fĂ©vrier, les armĂ©es Blanches, mal coordonnĂ©es entre elles, sont dĂ©faites sur le Donetz et le Don et la progression de l'ArmĂ©e rouge vers le sud reprend[28]. Du 2 au , les troupes dâintervention sont aux prises avec les attaques successives du commandant de division Nikifor Grigoriev. Ce seigneur de la guerre, appelĂ© aussi lâ« Ataman Grigoriev », vient de rejoindre lâArmĂ©e rouge et intime lâordre aux AlliĂ©s dâĂ©vacuer les localitĂ©s du sud de lâUkraine[1]. Le , il attaque Kherson. La place nâest dĂ©fendue que par 700 Grecs, 150 Français, et une poignĂ©e de soldats Blancs. La bataille dure sept jours. La Marine ne peut y engager ses cuirassĂ©s et croiseurs car Kherson est un port dâestuaire (sur le Dniepr) de trop faible profondeur[29]. Tout passe par les petites unitĂ©s type aviso dont lâartillerie contient les assaillants plusieurs jours et permet Ă un petit renfort grec de dĂ©barquer[30]. Mais la population se joint aux forces de Grigoriev pour faire le coup de feu contre les AlliĂ©s, et le 8, deux compagnies françaises arrivĂ©es en renfort refusent catĂ©goriquement de se battre[31]. Au matin du , Grigoriev contrĂŽle la gare (oĂč il sâempare dâun train blindĂ©) et le port[30]. La garnison franco-grecque se retrouve encerclĂ©e dans la citadelle[30]. Dans lâaprĂšs-midi une contre-attaque navale et terrestre est organisĂ©e. Un bataillon grec rĂ©ussit Ă dĂ©barquer, Ă reprendre le port et rĂ©tablir les liaisons avec la citadelle grĂące au tir intense des navires[32]. La garnison est finalement rĂ©embarquĂ©e. Le dĂ©sastre â c'est-Ă -dire une capitulation â a Ă©tĂ© Ă©vitĂ© de justesse, mais il sâagit bien dâune dĂ©faite car Grigoriev a rĂ©ussi Ă chasser les AlliĂ©s de la ville[30].
Profitant de sa victoire, Grigoriev marche sur NikolaĂŻev. Avec ses chantiers navals, ses arsenaux et ses immenses entrepĂŽts, la ville est dâune tout autre valeur que Kherson. Elle nâest pourtant tenue que par 500 soldats grecs et deux compagnies françaises[33] alors quây stationnent encore 10 Ă 12 000 soldats allemands au milieu dâune population de plus en plus hostile. Amet veut dĂ©fendre la ville, mais Franchet dâEsperey craint une insurrection gĂ©nĂ©rale et considĂšre la place comme indĂ©fendable au vu de la maigreur du contingent alliĂ©[33]. Grigoriev, nĂ©anmoins, ne donne pas lâassaut et accepte une trĂȘve, ce qui permet Ă la flotte dâĂ©vacuer la ville entre le 12 et le [33]. Pour Grigoriev, câest une belle victoire obtenue sans combat car les Français ont quittĂ© le port sans dĂ©truire les navires en construction[1] et ont aussi Ă©vacuĂ© lâencombrant contingent allemand[33]. Les Bolcheviques saisissent tout le matĂ©riel de guerre abandonnĂ© par les Allemands ainsi que celui que les Français, dans la prĂ©cipitation de lâĂ©vacuation, nâont pu rembarquer ou dĂ©truire malgrĂ© les ordres[33]. Dans les bureaux de Foch, Ă Paris, câest la consternation[33]. Le , câest Marioupol qui est attaquĂ©e. SituĂ©e au fond de la mer dâAzov, Ă lâextrĂ©mitĂ© la plus Ă lâest de lâintervention française, cette ville industrielle est trĂšs isolĂ©e. Mais le port est efficacement dĂ©fendu par le capitaine de corvette Ămile Muselier[34] : les compagnies de dĂ©barquement du cuirassĂ© Jean Bart et de quatre avisos brisent deux attaques bolcheviques[35]. Toujours sous la protection des canons de marine, le poste est finalement Ă©vacuĂ© le .
La chute de Kherson, NikolaĂ«v, et Marioupol accroit le prestige des Bolcheviques. Odessa, situĂ©e sur la cĂŽte ukrainienne un peu plus au sud de Kherson et NikolaĂ«v se retrouve maintenant sous pression[33]. Le , arrive un tĂ©lĂ©gramme de Clemenceau qui ordonne de tenir[36]. Le gĂ©nĂ©ral DâAnselme, qui commande la place, essaie de mettre en place un pĂ©rimĂštre dĂ©fensif mais lâabsence de renfort ne laisse que peu de perspectives, dâautant que les rapports rendus par les officiers prĂ©sents Ă Kherson et NikolaĂŻev montrent que les forces de Grigoriev sont non seulement nombreuses, mais aussi bien Ă©quipĂ©es et disciplinĂ©es, contrairement Ă ce que croyait lâĂ©tat-major[33]. En ville, ou sĂ©vit la misĂšre, lâinflation et lâinsĂ©curitĂ©, la population grossit chaque jour sous un flux de rĂ©fugiĂ©s qui ne ralentit pas et fait craindre une explosion sociale[36]. Manifestation et sabotages se succĂšdent alors que lâArmĂ©e rouge sâapproche. Le , elle sâempare de Berezovka, Ă 80 km dâOdessa, refoulant les troupes coloniales algĂ©riennes, grecques et blanches qui tenaient la position. Plusieurs chars Renault sont perdus[36]. Puis câest Otchakov qui est abandonnĂ©e. Les soldats blancs, qui se dĂ©bandent, doivent ĂȘtre Ă©vacuĂ©s par les navires français[37]. Le pĂ©rimĂštre dĂ©fensif se rĂ©duit de plus en plus et des rapports signalent des soulĂšvements locaux Ă lâouest de la ville, ce qui menace les communications terrestres avec les forces du gĂ©nĂ©ral Berthelot qui stationnent en Roumanie[37]. Le , Franchet dâEsperey, qui jusque-lĂ suivait les opĂ©rations depuis Constantinople, arrive Ă Odessa. Il y dĂ©couvre une troupe sans moral, des officiers supĂ©rieurs trĂšs pessimistes et une ville presque Ă court de ravitaillement[38]. Quelques renforts sont annoncĂ©s, mais Franchet dâEsperey se rallie Ă la position de ses subordonnĂ©s et cĂąble Ă Foch que la position nâest plus tenable[39]. Les gĂ©nĂ©raux grecs, arrivĂ©s Ă la mĂȘme conclusion, consultent aussi leur gouvernement sur les modalitĂ©s dâun rembarquement[38]. Celui-ci est prĂ©parĂ© sans en informer les forces de Denikine en qui personne nâa confiance et pour Ă©viter les mouvements de foule dans la ville[38]. Le 1er avril, aprĂšs avoir obtenu le feu-vert de Clemenceau, Franchet dâEsperey donne lâordre dâĂ©vacuation[40]. LâopĂ©ration est considĂ©rable mais se dĂ©roule en bon ordre : plusieurs dizaines de milliers de personnes embarquent sur des navires civils protĂ©gĂ©s par les canons de la flotte[41]. Une partie des troupes prend la mer, mais le plus gros des soldats français et grecs quitte la ville en traversant le Dniestr et la Bessarabie pour marcher vers la Roumanie voisine. Le tout est terminĂ©[38]. Le 7 Grigoriev entre dans Odessa.
Ne reste plus que SĂ©bastopol et la CrimĂ©e. Pendant que Franchet dâEsperey prĂ©parait lâĂ©vacuation dâOdessa, il avait dressĂ© lucidement le constat dâĂ©chec de toute lâintervention et avait demandĂ© Ă Foch la « liquidation de notre action en Russie mĂ©ridionale[42]. » Mais Clemenceau pense possible de se maintenir en CrimĂ©e et dâen faire un bastion pour une action future dans le sud de la Russie[43]. La presquâĂźle de CrimĂ©e occupe une position centrale en mer Noire. GrĂące au port de SĂ©bastopol, elle peut accueillir des forces importantes et, depuis la base de Tendra, il est aisĂ© de maintenir le blocus dâOdessa[28]. La garnison alliĂ©e est sous les ordres du colonel Trousson. Les renforts dĂ©routĂ©s depuis Odessa la portent Ă 5 000 hommes, dont de nombreux Grecs[43]. CĂŽtĂ© français, on a mis Ă terre les compagnies de dĂ©barquement des vaisseaux pour Ă©toffer les dĂ©fenses, mais plus de la moitiĂ© du contingent engagĂ© est composĂ© de troupes coloniales algĂ©riennes et sĂ©nĂ©galaises[43]. Comme Ă Odessa, le moral et la discipline sont faibles. Dans les troupes de renfort, des refus dâembarquements ont Ă©tĂ© signalĂ©s Ă ConstanÈa en Roumanie[43]. Il y a aussi plus de 6 000 soldats blancs qui entretiennent des rapports conflictuels avec lâĂ©tat-major alliĂ© et en qui personne nâa confiance, y compris le gouvernement provisoire de CrimĂ©e, lui-mĂȘme paralysĂ© par des querelles internes[43]. Ă SĂ©bastopol, grĂšves et manifestations se succĂšdent. Les journaux cessent de paraĂźtre, puis la ville est privĂ©e subitement dâeau et dâĂ©lectricitĂ©, obligeant les AlliĂ©s Ă faire fonctionner eux-mĂȘmes les centrales Ă©lectriques[28]. Franchet dâEsperey et Amet, lors dâune inspection des postes de dĂ©fense, arrivent Ă la conclusion logique que la position nâest plus tenable. Clemenceau, informĂ©, acquiesce. Lâoffensive bolchevique (qui intervient alors quâOdessa est en cours dâĂ©vacuation) prĂ©cipite les Ă©vĂ©nements. Le , les dĂ©fenses de lâisthme de Perekop, qui verrouillent la presquâĂźle, sont enfoncĂ©es aprĂšs une rĂ©sistance symbolique des troupes blanches[43]. LâArmĂ©e rouge progresse vers le sud, exposant SĂ©bastopol Ă une attaque. Le , lâĂ©vacuation de la ville est dĂ©cidĂ©e mais les responsables de lâarmĂ©e de Terre et de la Marine ne sont pas dâaccord sur ses modalitĂ©s[1]. Franchet dâEsperey veut en finir rapidement, mais il faut mobiliser une logistique importante, ce qui demande du temps. De plus, le cuirassĂ© Mirabeau, qui sâĂ©tait Ă©chouĂ© en fĂ©vrier devant le port, vient Ă peine dâĂȘtre dĂ©gagĂ© et ses avaries sont trop graves pour quâil reprenne seul la mer. Il est bien-sĂ»r impossible de laisser aux Bolcheviques un pareil trophĂ©e, aussi Amet obtient un sursis le 15[1]. Quant Ă la population civile, une partie dâentre elle commence Ă se retourner : plusieurs milliers de personnes, issues essentiellement de la bourgeoisie urbaine et craignant les violences communistes, se massent sur les quais en espĂ©rant pouvoir monter sur les navires français[1]. Câest dans cette ambiance dramatique que, le , lâArmĂ©e rouge se lance Ă lâassaut de SĂ©bastopol. Lâattaque est repoussĂ©e grĂące Ă lâintervention des cuirassĂ©s et des croiseurs alliĂ©s dont les obus de gros calibre Ă©crasent les assaillants qui finissent par se replier[44]. Une trĂȘve de plusieurs jours est conclue. Chacun y trouve son compte car les Français peuvent organiser lâĂ©vacuation en bon ordre et les Bolcheviques attendre lâarme au pied que la ville leur soit tranquillement cĂ©dĂ©e[43]. Câest alors quâĂ©clatent les troubles dans lâescadre.
Soldats nord-africains dans une rue d'Odessa. Une bonne partie des effectifs dĂ©ployĂ©s par la France en mer Noire sont des troupes coloniales. Soldats français Ă Odessa devant un stock de blĂ©. MalgrĂ© la volontĂ© dâaider les « Blancs », lâintervention est mal accueillie par la population. Chars Renault Ă Odessa. Les troupes blanches de Denikine, inefficaces, ne profitent guĂšre de lâaide qui leur est offerte. Manifestation Ă Odessa. Les agents bolcheviques, nombreux dans les villes, utilisent facilement la misĂšre des populations contre les occupants. CuirassĂ© en construction Ă NikolaĂŻev. Les Français occupent la ville de janvier Ă et sâen retirent sans avoir pu dĂ©truire les navires sur cale. Bombardement naval contre lâArmĂ©e rouge. Les faibles troupes dĂ©barquĂ©es ne doivent leur salut quâau soutien logistique de la flotte et au feu de ses canons. Char Renault capturĂ© prĂšs dâOdessa. Saisis lors de lâavance de lâArmĂ©e rouge, les blindĂ©s sont exhibĂ©s Ă Kharkov. Navires alliĂ©s Ă Odessa au moment de l'Ă©vacuation de la ville. ConsidĂ©rĂ©e comme indĂ©fendable par les Français, Odessa est Ă©vacuĂ©e le . LâentrĂ©e de lâArmĂ©e rouge dans Odessa. La cavalerie de Grigoriev pĂ©nĂštre dans la ville le , au lendemain de lâĂ©vacuation française. OpĂ©ration de dĂ©montage sur le Mirabeau. Le cuirassĂ©, Ă©chouĂ© devant SĂ©bastopol, demande de gros efforts pour ĂȘtre dĂ©gagĂ© alors que la ville est menacĂ©e. Troupes françaises Ă SĂ©bastopol. Avec l'aide des canons de marine elles repoussent l'offensive bolchevique alors que l'ordre d'Ă©vacuation a Ă©tĂ© donnĂ©.
Les deux vagues de mutineries
La mutinerie commence le sur le contre-torpilleurs Protet, mouillĂ© dans le port fluvial roumain de Galatz. Un groupe dâhommes animĂ© par AndrĂ© Marty, ingĂ©nieur et chef machine du bĂątiment, veut sâemparer du bĂątiment lors de sa prochaine mission et le livrer aux Bolcheviques[45]. Si nĂ©cessaire, les conjurĂ©s ont dĂ©cidĂ© de faire usage des armes et envisagent aussi dâempoisonner les officiers. En cas dâĂ©chec, il est mĂȘme prĂ©vu de faire sauter le bĂątiment[45]. Mais le complot est Ă©ventĂ© et AndrĂ© Marty arrĂȘtĂ©[46]. Trois jours plus tard, la mutinerie Ă©clate sur les navires stationnĂ©s en CrimĂ©e. Elle touche tout particuliĂšrement la France, puis le cuirassĂ© Jean Bart[1], le foyer principal se trouvant sur la France[2], oĂč les hommes sâirritent dâune corvĂ©e de charbon prĂ©vue pour le jour de PĂąques (ignorant quâelle vient dâĂȘtre reportĂ©e)[47]. Les premiers incidents sont signalĂ©s dans la nuit du samedi lorsque le capitaine dâarmes intime lâordre dâaller se coucher Ă un groupe de matelots qui bavardent sur la plage avant. Des cris, des injures retentissent. Lâofficier-marinier est bousculĂ© alors que l'on entend lâInternationale[47]. La chanson est reprise sur le Jean Bart qui est mouillĂ© Ă proximitĂ©. On sây agite de mĂȘme et on conspue les officiers en sâinterpellant dâun bĂątiment Ă lâautre[47]. Des hommes courent vers les batteries, rĂ©veillent les marins couchĂ©s, vandalisent une partie du matĂ©riel et vont libĂ©rer les prisonniers disciplinaires[47]. Sur la France, le commandant en second tente de discuter avec une dĂ©lĂ©gation de trois matelots choisis par l'Ă©quipage alors que lâordre est donnĂ© discrĂštement aux officiers et aux premiers maĂźtres de sâarmer et que le navire est bouclĂ©[48]. Lorsquâils lâapprennent, les mutins, un moment apaisĂ©s, sâenflamment. Un petit groupe sâempare dâun canot Ă vapeur et fait le tour du port de SĂ©bastopol pour trouver du soutien[49]. Il accoste Ă la coupĂ©e du Jean Bart oĂč rĂ©sonne toujours lâInternationale, puis se dirige en vain vers la Justice, le Mirabeau, le Voltaire, lâAlgol et le Du Chayla dont le commandant menace de faire tirer[49]. Sur la France, le vice-amiral Amet tente de calmer ses hommes en promettant un retour prochain et une absence de sanctions, mais il est copieusement huĂ© et quitte finalement le bord. Le tumulte se poursuit jusque vers minuit sur les couplets de lâInternationale et aux cris de « Ă Toulon ! Ă Toulon ! »[49].
Au matin du , le pavillon rouge est hissĂ© sur les deux cuirassĂ©s (sans amener le pavillon tricolore[50]) et les matelots refusent de se lever avant 8 heures[49]. Les officiers tentent de calmer les hommes. Le capitaine de vaisseau Henri du CouĂ«dic de KerĂ©rant, Commandant du Jean-Bart, fait amener le pavillon rouge hissĂ© sur le Jean Bart ; mais sur la France les matelots ne veulent rien entendre et chantent de plus belle lâInternationale[49]. Les deux Ă©quipages veulent se joindre Ă une manifestation organisĂ©e par les communistes dans les rues de SĂ©bastopol et refusent dâĂ©couter Amet alors que, dans lâĂ©tat-major, câest plutĂŽt la confusion au vu des initiatives contradictoires de certains chefs. Le commandant de la flotte, par exemple, essaie dâinterdire toute descente Ă terre, ce qui irrite autant les Ă©quipages de la France et du Jean Bart que ceux de la Justice et du Vergniaud[49]. Pour apaiser cette effervescence, le commandement se rĂ©sout Ă autoriser la descente Ă terre. En dĂ©but dâaprĂšs-midi, les permissionnaires descendent Ă terre, ce qui permet dâamorcer une dĂ©tente. NĂ©anmoins, un groupe dĂ©terminĂ© cherche Ă sâemparer dâarmes et de munitions. Pour cela, il se rend dans le fort du nord de SĂ©bastopol, tenu par les Français, en se faisant passer pour le service des vivres. Mais leur ruse est Ă©ventĂ©e et le groupe refoulĂ© lâarme Ă la main par un officier[49]. En ville, le gros des permissionnaires est accueilli chaleureusement par des civils russes parmi lesquels se sont glissĂ©s quelques agents bolcheviques qui entendent bien profiter de lâoccasion pour aiguillonner les matelots rĂ©voltĂ©s[49]. La manifestation ne rassemble quâune cinquantaine de Français, tout comme les Russes, il est vrai bien « encadrĂ©s » par les agents bolcheviques[49]. Le petit cortĂšge, extrĂȘmement bruyant, sâĂ©lance en ville en arborant le drapeau rouge. Un officier français rencontrĂ© en chemin est violemment pris Ă partie. Les manifestants croisent ensuite un dĂ©tachement grec de la force dâintervention alliĂ©e. Dans la ville en Ă©tat de siĂšge, les Grecs nâhĂ©sitent pas Ă ouvrir le feu[49]. Une patrouille française somme les manifestants de se disperser. Des coups de crosse sont distribuĂ©s. Les banniĂšres sont dĂ©chirĂ©es. LâĂ©chauffourĂ©e sâachĂšve sous les tirs des Russes blancs. On relĂšve cinquante victimes, dont cinq blessĂ©s et un tuĂ© parmi les marins français[49].
La nouvelle de la fusillade provoque une Ă©motion considĂ©rable sur les bĂątiments. Les Ă©quipages crient vengeance. Le marin mortellement blessĂ© est un homme du Vergniaud, ce qui fait entrer le navire dans la mutinerie, suivi du Mirabeau qui est mouillĂ© Ă cĂŽtĂ©[49]. La Justice, dont lâun des hommes a Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ©, est touchĂ©e Ă son tour. Il faut tout le talent diplomatique de son commandant pour empĂȘcher une partie de lâĂ©quipage de monter une expĂ©dition punitive contre les Grecs[49]. Au soir du , cinq cuirassĂ©s et croiseurs sont, Ă des degrĂ©s divers, affectĂ©s par les mutineries. NĂ©anmoins, les mutins ne sont pas majoritaires, et les officiers, par le dialogue, ont Ă©vitĂ© une effusion de sang Ă bord[49]. Un fossĂ© commence mĂȘme Ă se creuser entre les Ă©lĂ©ments les plus radicaux et le gros des hommes qui nâaspire quâĂ rentrer[49]. Amet rĂ©ussit finalement Ă faire disparaĂźtre les drapeaux rouges de tous les navires contre promesse de retour et absence de sanctions[1]. Le , la France, la plus touchĂ©e par les dĂ©sordres, est prudemment Ă©loignĂ©e de la zone dâopĂ©ration. La confusion, dâailleurs, sâest emparĂ©e dâune partie des mutins : les meneurs les plus impliquĂ©s, craignant un traquenard Ă lâarrivĂ©e en mĂ©tropole, cherchent pendant quelques heures Ă bloquer le dĂ©part en criant au complot. « Alerte, camarades, on veut nous faire appareiller ! »[45] C'est le cas, par exemple, de l'ouvrier mĂ©canicien Virgile Vuillemin qui avait Ă©tĂ© choisi trois jours plus tĂŽt pour exposer les revendications de l'Ă©quipage[45]. Mais lâattrait du retour est le plus fort. La France arrive Ă Bizerte le [1].
La mutinerie touche ensuite le Waldeck-Rousseau devant Odessa[1] alors que le croiseur, sous les ordres du contre-amiral Caubert, y observe lâĂ©volution de la situation[51]. Le , lâĂ©quipage commence Ă murmurer lorsquâil apprend que lâofficier mĂ©canicien arrĂȘtĂ© pour son complot avortĂ© sur le Protet est incarcĂ©rĂ© sur le Waldeck-Rousseau[51]. Les choses en sont lĂ quand, le 25, le ravitailleur Suippe arrive de SĂ©bastopol. Quelques matelots de ce navire informent aussitĂŽt leurs camarades du Waldeck-Rousseau des incidents qui se sont produits depuis le 19 Ă SĂ©bastopol. Des groupes se forment alors Ă lâavant du bĂątiment et commencent Ă chanter lâInternationale[51]. Au matin du 26, une affiche est dĂ©couverte incitant lâĂ©quipage Ă la rĂ©volte. Les hommes tiennent des conciliabules par petits groupes et se taisent au passage des officiers[51]. Le dimanche 27, deux autres affiches invitant lâĂ©quipage Ă suivre lâexemple des marins de SĂ©bastopol sont dĂ©couvertes[51]. Inquiet, Caubert fait repasser discrĂštement Marty (qui cherche Ă communiquer avec lâĂ©quipage) sur le Protet, lequel part aussitĂŽt pour Constantinople[51]. Mais, aprĂšs le repas de midi, les premiers incidents Ă©clatent. Une centaine dâhommes, massĂ©s sur lâavant, Ă©lit un vĂ©ritable soviet[47]. Une dĂ©lĂ©gation, reçue par le commandant et le contre-amiral Caubert, demande Ă rentrer en France, exprime lâincomprĂ©hension gĂ©nĂ©rale vis-Ă -vis de cette guerre lointaine, les dolĂ©ances sur le manque de courrier, les permissions inexistantes, et la discipline trop sĂ©vĂšre[51]. Caubert, qui doute que cette dĂ©marche reprĂ©sente tout le monde, fait sonner le rassemblement pour tenter de raisonner lâĂ©quipage en faisant appel Ă sa fiertĂ©, Ă son sens de lâhonneur et du sacrifice[51]. Il promet, comme son supĂ©rieur, l'amiral Amet, un retour en France dans les plus brefs dĂ©lais et une absence de sanctions. Peine perdue. Des sifflets couvrent le discours. Le tumulte est gĂ©nĂ©ral. Les hommes veulent rentrer tout de suite et nâobĂ©issent plus Ă personne. Pendant quelques heures, le navire Ă©chappe totalement Ă ses officiers. Dans lâĂ©tat de surexcitation oĂč se trouve lâĂ©quipage, Caubert redoute mĂȘme que le Wadeck-Rousseau ne soit livrĂ© aux Bolcheviques Ă Odessa[51].
NĂ©anmoins, Caubert gagne du temps par le dialogue et emploie les officiers Ă rallier petit Ă petit les Ă©lĂ©ments les plus sensibles Ă la persuasion[51]. LâĂ©quipage se calme et le vaisseau, que Caubert avait fait annoncer comme levant lâancre pour Constantinople, fait relĂąche en rade de Tendra aprĂšs une nuit calme. Les hommes « semblent dĂ©grisĂ©s » (Philippe Masson)[51] et les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©lus la veille, craignant de sĂ©vĂšres sanctions, sâemploient Ă rĂ©tablir lâordre. Mais, en rade de Tendra, mouille aussi le Bruix venu de SĂ©bastopol avec soixante hommes destinĂ©s au Waldeck-Rousseau. LâarrivĂ©e de ces nouveaux-venus relance lâagitation[51]. Une nouvelle fois, une centaine dâhommes se rĂ©unit sur lâavant du navire et procĂšde Ă lâĂ©lection dâune nouvelle dĂ©lĂ©gation plus rĂ©solue que la premiĂšre. Caubert et le commandant dĂ©cident de rĂ©agir immĂ©diatement. Ils constituent, Ă lâarriĂšre du bĂątiment, une forte garde armĂ©e avec les officiers, les officiers mariniers et tous les hommes dĂ©cidĂ©s au maintien de l'ordre[51]. Ă la tĂȘte de cette troupe, ils s'avancent vers l'avant du Waldeck-Rousseau. ImpressionnĂ©s, la plupart des matelots acceptent de se rallier et passent derriĂšre la garde armĂ©e. Les derniers irrĂ©ductibles finissent les uns aprĂšs les autres par se disperser[51]. La mutinerie est terminĂ©e. Pendant quelques heures, tout a semblĂ© possible mais, Ă aucun moment, le drapeau rouge nâa Ă©tĂ© hissĂ©, ce qui montre le cĂŽtĂ© relativement inorganisĂ© de cette affaire pourtant lancĂ©e, Ă la diffĂ©rence des autres navires, par de petites cellules de jeunes matelots fortement politisĂ©s[52].
Les 28 et , lâĂ©vacuation de SĂ©bastopol sâachĂšve. Contrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© trop souvent dit, ce rembarquement n'est en rien un succĂšs obtenu par les mutins car lâopĂ©ration avait Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e avant les troubles, compte tenu de lâoffensive victorieuse de lâArmĂ©e rouge[1]. Aux dires dâAmet, les mutineries lui ont plutĂŽt compliquĂ© la tĂąche, mais les Bolcheviques, pourtant aux portes de la ville, nâont pas cherchĂ© Ă en profiter car ils nâĂ©taient pas au courant de la paralysie de lâescadre : cette ignorance indique que les mutins nâĂ©taient pas tĂ©lĂ©guidĂ©s par les Bolcheviques malgrĂ© la prĂ©sence de leurs agents en ville[51]. Les navires rentrent en France, mĂȘme si la prĂ©sence militaire française en mer Noire nâest pas terminĂ©e. La mutinerie a Ă©tĂ© assez brĂšve : quatre jours Ă SĂ©bastopol, deux jours devant Odessa, tuĂ©e dans lâĆuf Ă Galatz et somme toute contenue, malgrĂ© la fusillade dans le port. Tous les bĂątiments, dâailleurs, nâont pas Ă©tĂ© touchĂ©s : lâaviso Scarpe, solidement tenu en main par le capitaine de corvette Muselier, nâa connu aucun incident[53] et nombre d'autres n'ont vĂ©cu qu'une brĂšve agitation. La censure militaire rĂ©ussit Ă cacher le plus gros des Ă©vĂ©nements alors quâen France, la presse et lâopinion ont les yeux tournĂ©s vers la confĂ©rence de paix de Versailles qui bat son plein[54].
La situation semble revenir Ă la normale mais, pendant lâĂ©tĂ©, les troubles reprennent. Cette deuxiĂšme vague de mutineries est autrement grave que celle du printemps. Elle dure des semaines et ne sâĂ©teint quâĂ lâautomne aprĂšs avoir touchĂ© presque tous les lieux oĂč stationnent des vaisseaux français[1]. En MĂ©diterranĂ©e orientale, sur le cuirassĂ© Diderot et sur le croiseur cuirassĂ© Guichen, dans le golfe de Patras. Dans les ports-arsenaux et sur les navires, en France et en Afrique du Nord : Ă Brest, Toulon, Cherbourg, Lorient et Bizerte. Ă Brest, lâamiral GuĂ©pratte, grĂące Ă son immense prestige et en payant de sa personne, rĂ©ussit Ă Ă©touffer dans lâĆuf les revendications rĂ©volutionnaires[55]. Le centre dâagitation le plus important est Ă Toulon, sur le cuirassĂ© Provence[1]. Un mouvement secoue le port pour obtenir la levĂ©e des punitions prises contre les mutins de la mer Noire[56]. Alors que lâamiral Lacaze, trĂšs inquiet, prend des mesures pour « protĂ©ger la ville », une mutinerie Ă©clate le Ă bord de la Provence[56]. Des rumeurs disent que des anarchistes, en liaison avec les mutins, auraient lâintention de constituer un soviet militaire et ouvrier qui prendrait le contrĂŽle de Toulon[56]. Par solidaritĂ© avec les mutins de la Provence qui ont hissĂ© le drapeau rouge, les Ă©quipages de tous les navires en rade refusent dâassurer le service[56]. En ville, un cortĂšge composĂ© de soldats, de matelots et de civils conspue Clemenceau et rĂ©clame lâamnistie pour les hommes incarcĂ©rĂ©s au retour de la mer Noire[56]. Le prĂ©fet maritime demande des renforts Ă la XVe rĂ©gion militaire alors que les mutins hĂ©sitent sur la conduite Ă suivre. Mais la rĂ©pression nâa pas lieu : la dĂ©cision du MinistĂšre de la marine dâenvoyer en permission les classes 1909, 1910 et 1911 rĂ©tablit immĂ©diatement le calme[56]. La censure, toujours en vigueur sur le territoire national, ne permet pas Ă la presse d'enquĂȘter sur cette affaire[57]. Il est vrai aussi que l'annĂ©e 1919 est marquĂ©e par une forte agitation sociale et d'importants mouvements de grĂšve impossible Ă cacher pour le gouvernement et qui captent l'attention des commentateurs loin des ports de guerre sĂ©vĂšrement gardĂ©s.
Galerie : Les principaux navires touchés
Le cuirassĂ© France, le , est le plus touchĂ© par la premiĂšre vague de mutinerie. Le Jean Bart (cuirassĂ©, 1911) partage son sort. Le Jean-Bart, commandĂ© par le Capitaine de Vaisseau Henri du CouĂ«dic de KerĂ©rant qui, bien que blessĂ© fait amener le drapeau rouge hissĂ© par les mutins. Le croiseur cuirassĂ© Waldeck-Rousseau est secouĂ© par deux jours de mutinerie devant Odessa (26-). La deuxiĂšme vague de mutineries affecte aussi les ports et arsenaux français. Ă Toulon, le cuirassĂ© Provence est au centre de lâagitation.
Des mutineries révolutionnaires ?
« La mythification politique Ă laquelle a donnĂ© lieu cette mutinerie, avec Charles Tillon[58] et AndrĂ© Marty, a longtemps obscurci la rĂ©alitĂ© » (Martine Acerra, Jean Meyer)[59]. Les deux hommes, actifs militants de gauche et animateurs de la mutinerie sur deux unitĂ©s de la flotte, se sont par la suite attribuĂ© un rĂŽle clĂ© dans les Ă©vĂ©nements, au point que ceux-ci ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s par Parti communiste français (fondĂ© en 1921) et exploitĂ©s politiquement par lui pendant des dĂ©cennies[59]. Depuis les recherches de Philippe Masson, en 1982, lâanalyse de ces mutineries a Ă©tĂ© revue de fond en comble et ses travaux font maintenant autoritĂ©[60].
Au point de dĂ©part existe un mĂ©contentement latent, datant souvent de loin, avivĂ© par la prolongation, pour la Marine, dâune nouvelle guerre venant se greffer sur la guerre mondiale. En fait, les grandes unitĂ©s, considĂ©rĂ©es en 1914 comme dĂ©cisives sur lâissue de la guerre, ont Ă©tĂ© parquĂ©es, en raison de la menace sous-marine, dans des rades protĂ©gĂ©es[2]. Le climat sâest peu Ă peu tendu Ă bord des cuirassĂ©s et des croiseurs murĂ©s derriĂšre leurs estacades et filets anti-torpilles dans les rades de Bizerte, Malte, Moudros et Corfou[59]. Et ce dâautant plus que lâescadre de haute mer a servi, Ă partir de 1916, de rĂ©servoir dâapprovisionnement pour les flottilles anti-sous-marines, auxquelles a Ă©tĂ© dĂ©volu le rĂŽle majeur dans la nouvelle forme de guerre. Progressivement, Ă©quipages et officiers se sont vu retirer leurs meilleurs hommes destinĂ©s Ă la lutte anti-sous-marine et au service quotidien dâune nuĂ©e de petites unitĂ©s susceptibles de procurer un avancement rapide[2]. DâoĂč un dĂ©ficit quantitatif et surtout qualitatif[2]. En 1918, il atteint le tiers des effectifs, mĂȘme si ces Ă©quipages rĂ©duits ont Ă©tĂ© complĂ©tĂ©s progressivement par des « volontaires ». Mais ceux-ci sont trĂšs jeunes et une partie a choisi la marine car il Ă©tait de notoriĂ©tĂ© publique que les chances de survie sur les vaisseaux de guerre Ă©taient plus grandes que dans les tranchĂ©es[2]. DĂšs le dĂ©but de 1918, la discipline sâest relĂąchĂ©e. On servait, certes sincĂšrement pour la victoire, mais celle-ci une fois acquise, lâimmense majoritĂ© des Ă©quipages nâa nulle envie de participer, loin de la France, Ă une autre guerre, fĂ»t-elle, pour les navires, ponctuelle.
Les conditions du sĂ©jour en mer Noire ajoutent leur lot de dolĂ©ances. HabituĂ©s aux hivers relativement clĂ©ments de la MĂ©diterranĂ©e orientale, les Ă©quipages se trouvent plongĂ©s, en , dans le terrible hiver de la mer Noire, avec ses tempĂȘtes de neige, ses froids intenses. Les bĂątiments ne sont pas adaptĂ©s et les Ă©quipages en souffrent. Lâintendance peine Ă suivre : Ă Toulon, lâĂ©pidĂ©mie de grippe espagnole dĂ©sorganise les confections au service de lâhabillement[61]. Enfin, la malchance sâen mĂȘlant, le navire transporteur Evangeline sâĂ©choue en dĂ©cembre avec huit tonnes d'habillement et le Chaouia fait naufrage avec une importante quantitĂ© de brodequins et de vĂȘtements chauds[61]. Ă bord des navires, les Ă©quipages grelottent. Il arrive que, pour descendre Ă terre, un matelot emprunte les chaussures de son voisin. Les hommes rĂ©clament en vain du tabac, du savon, et doivent endurer la saletĂ© de leurs bĂątiments, touchĂ©s par la rouille[61]. La nourriture est le plus souvent mĂ©diocre et les nouvelles de France rares. Les distractions, dĂ©jĂ mesurĂ©es Ă Corfou, Moudros ou Constantinople, sont inexistantes Ă Odessa et SĂ©bastopol[47]. Le rĂ©gime sĂ©vĂšre des punitions rĂ©trĂ©cit encore les possibilitĂ©s de se divertir. Ă bord du France, ne peuvent descendre Ă terre que les matelots nâayant reçu aucune sanction depuis deux ans[47].
Le , le cuirassĂ© Mirabeau sâĂ©choue Ă lâentrĂ©e de SĂ©bastopol Ă la suite dâune tempĂȘte de neige. Pour le dĂ©sĂ©chouer, il faut l'allĂ©ger en lui retirant son artillerie et une partie du blindage[62], ce qui demande du temps, vu les faibles moyens du bord[59]. Les permissions ne sont plus accordĂ©es quâau compte-goutte : dans des Ă©quipages insuffisants soumis Ă des travaux indispensables, tout homme devient irremplaçable. Sur le France, oĂč il manque des dizaines dâhommes, il faut affecter 180 personnes jours et nuits aux travaux de dĂ©barquement des marchandises. Les auteurs mentionnent Ă©galement des corvĂ©es de travail Ă terre de 6 heures du soir Ă 8 heures du matin suivies dâune reprise du service jusquâĂ midi et de nouvelle corvĂ©e Ă 23 heures[61]. Au retour, les marins retrouvent le quart, lâentretien du matĂ©riel⊠« Nous avons ainsi transformĂ© malgrĂ© nous nos matelots en dĂ©bardeurs et en dockers » constate Amet[47]. Le , sur 850 hommes prĂ©sents Ă bord du France, 418 nâont pas reçu de permission de dĂ©tente (20 jours) depuis dix mois, 280 depuis un an, 106 depuis quinze mois, 7 depuis dix-huit mois[47]. La grippe espagnole contribue aussi Ă dĂ©sorganiser les Ă©quipages : lâĂ©pidĂ©mie qui frappe les hommes du Jules Michelet renforce les corvĂ©es de ceux du Justice et du Renan[47]. Ce cocktail de souffrances et de privations, accumulĂ© pendant des mois, est lâune des causes premiĂšre des rĂ©voltes[59]. Les mutins y font dâailleurs rĂ©fĂ©rence dans les discussions avec les officiers et dans leur correspondance.
Ces raisons, valables, ne sont cependant pas suffisantes pour tout expliquer. Car la mutinerie Ă©clate sur les navires dont la durĂ©e de sĂ©jour est la plus courte, et ce aprĂšs lâĂ©tablissement dâun service de courrier rĂ©gulier. Câest donc lâarrivĂ©e de matelots jeunes, dont une bonne partie nâa pas fait la guerre, et le rĂ©tablissement du courrier qui contribue Ă la rĂ©volte[59]. Pendant les discussions Ă Versailles, les AlliĂ©s se sont finalement mis dâaccord pour refuser une action militaire massive contre les Bolcheviques. La politique choisie est celle dâun soutien limitĂ© en armes et argent aux armĂ©es blanches, doublĂ©e dâune aide aux Ătats voisins pour faire barrage aux idĂ©es rĂ©volutionnaires[63]. Par manque de moyens, lâintervention française est devenue de facto limitĂ©e, mais finit par arriver sur les bancs de lâAssemblĂ©e nationale. Pendant trois jours, les 24, 26 et , les dĂ©putĂ©s socialistes interpellent vigoureusement le gouvernement sur les raisons dâĂȘtre de la prĂ©sence française en Russie du Sud[2]. Quelques semaines plus tard, le discours de la SFIO appelant au retour des vaisseaux et des troupes arrive le plus lĂ©galement du monde en mer Noire grĂące aux comptes rendus donnĂ©s par le Journal officiel[59] et diverses coupures de presse dans le courrier des marins. La diffusion de ces dĂ©bats est immĂ©diate dans les Ă©quipages. Se constituent ainsi des noyaux dâagitation potentielle autour de quelques meneurs souvent trĂšs jeunes[59]. NĂ©anmoins, pour les Ă©quipages qui se mutinent, il ne sâagit que dâune espĂšce de grĂšve destinĂ©e Ă obtenir le rapatriement en France. Lorsque les Ă©lĂ©ments les plus radicaux veulent aller plus loin et soutenir les soviets sur place, le gros des Ă©quipages sâen dĂ©solidarise[2]. Ă Galatz, le complot du chef mĂ©canicien AndrĂ© Marty, qui veut livrer le torpilleur Protet aux Bolcheviques, est rapidement Ă©ventĂ© ()[64]. La mutinerie qui gagne les autres bĂątiments Ă SĂ©bastopol rĂ©clame certes sa libĂ©ration, mais lâobjectif fondamental est le retour en France, pas le ralliement Ă la rĂ©volution dâoctobre et ce alors mĂȘme quâest diffusĂ©e sur place une active propagande communiste Ă leur intention[23]. Comme souvent, jouent dans le monde clos quâest un navire des Ă©lĂ©ments contradictoires : popularitĂ© ou impopularitĂ© des Ă©tats-majors et des officiers (une partie dâentre eux sympathisent avec les raisons invoquĂ©es de la mutinerie)[59], et en sens opposĂ©, la personnalitĂ© plus ou moins affirmĂ©e et acceptĂ©e des meneurs[59], certains dâentre eux nâhĂ©sitant pas, dâailleurs, Ă mener double jeu[59]. La promesse dâabsence de sanction en mer Noire Ă©touffe le tout, lâordre dâĂ©vacuation ayant dâailleurs Ă©tĂ© donnĂ© avant la mutinerie[65].
Le contexte de la deuxiĂšme vague est tout diffĂ©rent. Cette deuxiĂšme vague intervient sur fond dâagitation syndicale gĂ©nĂ©rale, comme aussi Ă lâun des moments les plus critiques de la rĂ©volution russe[59]. Alors quâen mars, la poussĂ©e de lâArmĂ©e rouge, soutenue par la population ouvriĂšre des ports ukrainiens, semble irrĂ©sistible, le rebondissement de la contre-rĂ©volution avec lâimportante avance de lâarmĂ©e blanche de DĂ©nikine provoque, en Ă©tĂ©, une crise aiguĂ« chez les Bolcheviques[59]. Il sâagit alors, pour le gouvernement de LĂ©nine, dâempĂȘcher Ă tout prix une intervention europĂ©enne qui pourrait apporter une aide dĂ©cisive aux « Blancs ». Cette deuxiĂšme vague, qui touche les ports et arsenaux français, est donc en partie orchestrĂ©e de lâextĂ©rieur, mĂȘme si la situation Ă©conomique et sociale difficile de la France en 1919 (comme dans toute lâEurope) reste le motif essentiel des mouvements. Comme en mer Noire, les Ă©quipages ne suivent pas les leaders qui veulent les entraĂźner dans un mouvement rĂ©volutionnaire. Charles Tillon, qui anime en rade de Patras la mutinerie contre le commandant du cuirassĂ© Guichen, est assez rapidement neutralisĂ©. Lâattitude de nombre dâofficiers qui ont parfaitement vu lâĂ©tat dâĂ©puisement des Ă©quipages a aussi fortement contribuĂ© Ă apaiser les choses par le dialogue et sans effusion de sang[2].
Les suites de la crise
Les sanctions : de la sévérité à l'amnistie
MalgrĂ© les promesses des officiers sur lâabsence de sanction, la justice militaire condamne les matelots rĂ©voltĂ©s. Condamnation inĂ©vitable car les faits sont trop graves pour qu'il nây ait pas dâenquĂȘte et de suites judiciaires, quoi qu'aient pu promettre les chefs pour calmer leurs hommes, ce qui est donc une trahison de la parole donnĂ©e. Les sanctions sont lourdes : une centaine de marins, dont certains ont Ă peine 17-18 ans, sont condamnĂ©s en conseil de guerre. Les peines vont de la mort (commuĂ©e en 20 ans de prison) aux travaux forcĂ©s (10 ans et 20 ans) en passant par la dĂ©tention (15 ans et 20 ans) ou Ă des peines de travaux publics (6 ans et 8 ans) et Ă de plus courtes pĂ©riodes de prison (de 1 Ă 5 ans)[66]. Jean Meyer fait cependant remarquer que, compte tenu du nombre de navires touchĂ©s par les mutineries et du nombre dâhommes qui y ont Ă©tĂ© mĂȘlĂ©s de prĂšs ou de loin (plusieurs centaines, voire plusieurs milliers si on prend en compte les deux vagues de troubles), ces sanctions sont plutĂŽt modĂ©rĂ©es[2]. Vingt-six touchent le France, dont six sâaccompagnent de la dĂ©gradation militaire et dâune peine de dĂ©tention variant entre 5 et 15 ans [45]. Six pour le Waldeck-Rousseau dont trois avec sursis et une peine de dĂ©tention de 10 ans. Trois hommes seulement sont inculpĂ©s Ă bord du Jean Bart[45]. Aucun sur le Bruix, lâAlgol et le Chamois[45]. Sur le Guichen, touchĂ© par la deuxiĂšme vague de mutinerie, Charles Tillon Ă©cope de 5 ans de bagne au Maroc.
AndrĂ© Marty, seul officier Ă avoir activement participĂ© aux Ă©vĂšnements (câĂ©tait un militaire de carriĂšre engagĂ© en 1908) fait partie des hommes les plus sĂ©vĂšrement condamnĂ©s mais Ă©chappe au pire[67]. Les diffĂ©rents jugements rendus entre le 4 et le lui infligent la peine de mort, aussitĂŽt commuĂ©e en 20 ans de travaux forcĂ©s, assortie de la dĂ©gradation militaire et de 20 ans dâinterdiction de sĂ©jour. Condamnation partagĂ©e par le quartier-maĂźtre mĂ©canicien Badina, principal complice de Marty[45]. Si la mutinerie sâĂ©tait produite en 1917 comme dans lâarmĂ©e de Terre, les deux hommes auraient trĂšs certainement Ă©tĂ© fusillĂ©s. Mais lâatmosphĂšre nâest plus la mĂȘme en 1919-1920. Le gouvernement, soucieux de ne pas rompre avec la gauche, minimise lâimportance des rĂ©voltes et passe lâĂ©ponge rapidement[59]. Ă la fin de l'annĂ©e 1920, seuls vingt et un condamnĂ©s continuent Ă purger leur peine[68]. Une amnistie gĂ©nĂ©rale est dĂ©cidĂ©e en [2], sauf pour AndrĂ© Marty, qui n'est libĂ©rĂ© qu'en 1923. Entre-temps, le Parti communiste français a Ă©tĂ© fondĂ© et a activement menĂ© campagne en faveur de la libĂ©ration des condamnĂ©s. AndrĂ© Marty et Charles Tillon y trouvent logiquement leur place, et le PCF construit autour dâeux une lĂ©gende de militants exemplaires ayant fortement contribuĂ© Ă faire Ă©chouer lâintervention en mer Noire[69]. AndrĂ© Marty Ă©crit une sĂ©rie de livres militants sur ces Ă©vĂšnements[70]. Quant au cinĂ©ma soviĂ©tique, soucieux de propagande, il met en scĂšne dĂšs 1930 un film glorifiant les mutineries : Le Mirabeau[71].
La prise de conscience des carences de la flotte
Quant Ă la flotte, elle avait, pendant ces Ă©vĂšnements, continuĂ© Ă faire feu de tout bois, malgrĂ© la faiblesse de ses moyens en MĂ©diterranĂ©e orientale. Presque au mĂȘme moment oĂč elle sâĂ©puisait en mer Noire, lâamiral de Bon avait assurĂ© lâoccupation de la Syrie avec le succĂšs du dĂ©barquement français Ă Beyrouth ()[59]. Cette station navale aux moyens rĂ©duits (1 cuirassĂ© face Ă 6 britanniques) « surveillait » aussi la nouvelle Turquie de Mustafa Kemal AtatĂŒrk[59]. Contre toute attente, elle restait prĂ©sente encore quelques mois en mer Noire, mĂȘme si ce nâĂ©tait que pour observer lâĂ©volution de la situation et mener â nouveautĂ© apparue peu avant ce conflit â des missions humanitaires[72]. Ce, en particulier, au moment oĂč les armĂ©es de DĂ©nikine, se dĂ©composant et refluant vers le sud, furent obligĂ©es de sâembarquer avec beaucoup de civils fuyant devant la crainte de la rĂ©pression bolchevique sur la cĂŽte sud du Caucase[59]. Ultimes et peu mĂ©diatisĂ©es missions qui soldent le rĂȘve caressĂ© Ă peine un an plus tĂŽt par Clemenceau dâĂ©craser les Bolcheviques par le sud[73]. OpĂ©ration renouvelĂ©e en 1922 cette fois pour Ă©vacuer par Smyrne les populations grecques d'Asie Mineure fuyant la victoire turque de Mustafa Kemal[74], et qui conclut l'intervention de la marine française dans la rĂ©gion. Ironie de lâHistoire : presque au mĂȘme moment, la flotte blanche de la mer Noire, fuyant la victoire bolchevique, trouvait refuge dans le port de Bizerte jusquâĂ ce que le gouvernement français reconnaisse politiquement lâURSS en 1924.
Pour la flotte, les consĂ©quences de ces mutineries vont aussi bien au-delĂ des sanctions prononcĂ©es par les diffĂ©rents conseils de guerre. Lâaffaire est jugĂ©e suffisamment grave pour quâune commission dâenquĂȘte soit nommĂ©e â la commission Barthe â afin dây voir plus clair sur les causes profondes des Ă©vĂšnements[45]. Son travail minutieux relĂšve que câest lâĂ©tat matĂ©riel de la flotte, engagĂ©e dans une opĂ©ration de trop aprĂšs un conflit extĂ©nuant qui est la cause premiĂšre des troubles : « trop de causes convergeaient depuis longtemps Ă crĂ©er sur tous les bĂątiments, sur le France plus que tout autre, un Ă©tat dâesprit explosif. Celui-ci crĂ©Ă©, la dĂ©flagration Ă©tait Ă la merci dâune Ă©tincelle. »[45]. La commission pointe aussi les erreurs de lâencadrement et sâavoue « trĂšs fĂącheusement impressionnĂ©e par lâinertie de lâensemble des officiers mariniers. »[45]Les officiers sont aussi Ă©pinglĂ©s pour leur absence de coordination, ce qui a accentuĂ© le dĂ©sordre et profitĂ© aux mutins[45]. Un avis qui est partagĂ© par les autoritĂ©s navales (du moins celles enquĂȘtant avec un recul suffisant) et qui concluent aussi que ce sont les insuffisances matĂ©rielles, bien plus que la propagande bolchevique, qui sont la cause fondamentale des mutineries[45]. « Rarement une commission dâenquĂȘte fit preuve dâautant de qualitĂ©s de jugement, dâautant dâimpartialitĂ© que la commission Barthe. Elle rendit le meilleur service Ă la marine en situant les mutineries Ă leur vrai niveau, c'est-Ă -dire en nâexagĂ©rant pas leur importance, et en insistant sur le malaise trĂšs rĂ©el qui traversait alors cette marine. Il fallait de toute urgence la rĂ©nover, rajeunir ses rĂ©glementations, moderniser la vie Ă bord autant que les mentalitĂ©s » (Jean-Luc BarrĂ©)[45].
La commission reçoit le renfort inattendu de lâarmĂ©e de terre. Cette derniĂšre, soucieuse des liaisons avec lâEmpire colonial, mĂ©fiante vis-Ă -vis des Anglo-Saxons[75], et qui envisage dĂšs 1921 un nouveau conflit avec lâAllemagne et lâItalie, sâinquiĂšte de lâĂ©tat de la flotte. Alors que l'armĂ©e allemande est rĂ©duite Ă peu de choses, PĂ©tain redoute une attaque surprise[76], une crainte qui est prise trĂšs au sĂ©rieux en 1921, car la flotte devrait de toute urgence transporter et escorter des renforts venus des colonies pour complĂ©ter la mobilisation gĂ©nĂ©rale dans une France en pleine crise dĂ©mographique[76]. Or la Marine est dans un Ă©tat lamentable. Outre la crise humaine rĂ©vĂ©lĂ©e par les mutineries, il y a les lourdes pertes en bĂątiments[77] qui s'ajoutent Ă une usure prononcĂ©e des unitĂ©s restantes utilisĂ©es Ă leur maximum pendant le conflit. Ă de rares exceptions, les cuirassĂ©s et croiseurs sont obsolĂštes ou vieillis[78]. Un message parfaitement reçu par la rue Royale alors que la situation financiĂšre du pays reste difficile et que lâopinion se dĂ©sintĂ©resse de ces questions. Le ministre de la Marine, Georges Leygues, entrĂ© au ministĂšre en 1917 dans le cabinet de guerre de Clemenceau et qui est en poste presque continuellement jusquâau dĂ©but des annĂ©es 1930, entreprend une active politique de modernisation de la flotte[79] - [80].
Notes et références
- Meyer et Acerra 1994, p. 331-335.
- Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1010-1011.
- Sur la perception du 11 novembre 1918 qui varie considĂ©rablement dâun pays Ă un autre, voir les prĂ©cisions Ă©clairantes de Becker 1996, p. 231-243.
- Becker 1996, p. 216-223.
- Taillemite 2002, p. 13.
- LâURSS est fondĂ©e officiellement en 1922, ce qui explique que ce terme nâest pas employĂ© dans lâarticle, tout comme le mot « soviĂ©tique » et quâil lui est prĂ©fĂ©rĂ©, selon les besoins, les appellations de « Russie » ou de « bolchevique » tel que les contemporains des Ă©vĂšnements les utilisaient, sauf sâil est fait rĂ©fĂ©rence Ă des Ă©vĂšnements survenus aprĂšs 1922. En fonction des traductions, les rĂ©volutionnaires sont orthographiĂ©s « bolcheviques » ou « bolchevicks », voire « bolcheviks. » C'est la premiĂšre appellation qui a Ă©tĂ© retenue ici, sauf si un document d'Ă©poque utilise une des autres orthographes.
- Meyer et Acerra 1994, p. 332.
- Pour Clemenceau, les Bolcheviques et lâArmĂ©e rouge sont « une forme nouvelle (âŠ) dâimpĂ©rialisme (âŠ) qui fait peser sur lâEurope un danger dâautant plus redoutable quâil vient au moment prĂ©cis oĂč la fin prochaine de la guerre va provoquer inĂ©vitablement dans chaque pays une crise Ă©conomique et sociale. » Lettre au gĂ©nĂ©ral Franchet dâEsperey citĂ©e par BarrĂ© 1983, p. 44. Quant Ă Winston Churchill, qui sera membre quelques semaines plus tard de la dĂ©lĂ©gation britannique lors des nĂ©gociations de paix Ă Versailles, il se montre, devant ses Ă©lecteurs, encore plus virulent : « On est en train de rĂ©duire rapidement la Russie Ă une forme animale de barbarie⊠Les Bolcheviques se maintiennent au pouvoir par des boucheries sanglantes et systĂ©matiques, par des meurtres, exĂ©cutĂ©s en grande partie par des bourreaux chinois ou dans des voitures blindĂ©es⊠La civilisation est en passe de disparaĂźtre complĂštement sur de vastes territoires, tandis que les bolcheviques cabriolent comme une bande de fĂ©roces babouins sur les ruines des villes et les cadavres de leurs victimes » (13 novembre 1918). Une des amies de Churchill rapporte ces propos tenus Ă Lloyd George, le Premier ministre britannique : « Winston a dit Ă Lloyd George que tant quâĂ reconnaĂźtre les Bolcheviks, autant lĂ©galiser la sodomie. » Propos citĂ©s par Winter et Baggett 1997, p. 343-344. Voir aussi Churchill's Crusade : The British Invasion of Russia 1918-1920, Clifford Kinvig, Londres, 2006, (ISBN 1 85285 477 4).
- Les Britanniques interviennent aussi pour soutenir la volontĂ© dâindĂ©pendance des nouveaux Ătats de la Baltique, tous anciennes possessions de la Russie dâavant 1914 (Finlande, Estonie, Lituanie, Lettonie). La Royal Navy livre trois batailles navales contre la marine bolchevique, Ă Tallin (26 dĂ©cembre 1918), Ă Krasnaya Gorka (17 juin 1919) et Ă Cronstadt (18 aoĂ»t 1919). (Le Moing 2011, p. 535-538).
- Becker 1996, p. 240-241.
- Meyer et Acerra 1994, p. 334. Le 22 novembre 1918, Clemenceau prĂ©cise au gĂ©nĂ©ral Franchet dâEsperey les raisons, les buts et les moyens de lâintervention française : « Raisons : nous sommes appelĂ©s par les gouvernements et les populations. Nous avons Ă contrĂŽler lâexĂ©cution de lâarmistice avec lâAllemagne en ce qui concerne lâĂ©vacuation des troupes allemandes. Buts : maintenir lâordre intĂ©rieur en soutenant les gouvernements locaux [câest-Ă -dire non-bolcheviks]. Leur donner le temps et les moyens dâorganiser leur propre armĂ©e. Assurer la protection des intĂ©rĂȘts alliĂ©s tout en sâabstenant dâintervenir dans la politique intĂ©rieure. Moyens : occupation des ports dâOdessa, SĂ©bastopol⊠Assurer lâordre dans le bassin du Donetz par envoi de dĂ©tachements. Envoyer Ă DĂ©nikine [le gĂ©nĂ©ral blanc qui commande lâArmĂ©e des volontaires] de lâarmement, des munitions et des officiers dâĂ©tat-major. » CitĂ© par BarrĂ© 1983, p. 44. Un courrier de Clemenceau parle aussi de « rĂ©aliser lâencerclement Ă©conomique du bolchevisme et en provoquer la chute » comme Ă©tant une prioritĂ©. CitĂ© par Munholland 1981, p. 43.
- Cité par Munholland 1981, p. 43.
- Meyer et Acerra 1994, p. 333. Les clauses de lâarmistice du 11 novembre 1918 prĂ©voient que ces troupes quitteront la rĂ©gion « dĂšs que les AlliĂ©s jugeront le moment venu », site canalblog.com, dâaprĂšs un article de lâEncyclopedia Universalis.
- Meyer et Acerra 1994, p. 333. De Bon est un officier talentueux qui sâest illustrĂ© pendant toute la guerre. Il est aussi trĂšs apprĂ©ciĂ© des AlliĂ©s en raison de ses brillantes capacitĂ©s de diplomate. Lâamiral amĂ©ricain Sims dĂ©clarait que « ses conseils valaient plusieurs escadres. » (Taillemite 2002, p. 55-56).
- Munholland 1981, p. 45.
- Outre la dĂ©mobilisation, lâĂ©pidĂ©mie de grippe espagnole neutralise une des trois divisions. Munholland 1981, p. 46.
- Munholland 1981, p. 47.
- Le blocus durait depuis 1914. Câest lâentrĂ©e en guerre de la Turquie aux cĂŽtĂ©s de lâAllemagne qui avait fermĂ© la mer Noire Ă la navigation. LâĂ©chec de la tentative franco-britannique de 1915-1916 visant Ă rouvrir les dĂ©troits des Dardanelles pour soulager la Russie avait achevĂ© dâisoler cette derniĂšre et expliquait en grande partie son effondrement en 1917. La RĂ©volution nâarrange rien car les AlliĂ©s ont dĂ©cidĂ© en 1918 de poursuivre le blocus dans le but cette fois dâĂ©touffer le gouvernement bolchevique. Le blocus des cĂŽtes ukrainiennes stoppe la redistribution du charbon du bassin du Donetz, ce qui achĂšve de tout paralyser. Meyer et Acerra 1994, p. 333.
- Munholland 1981, p. 51.
- Les officiers blancs sont dĂ©crits dans les rapports français comme irresponsables et arrogants : « Ils jouent, boivent et sâamusent comme par le passĂ©. » Amet juge que lâarmĂ©e des Volontaires « ne constitue pas en rĂ©alitĂ© une force sĂ©rieuse et que les Ă©lĂ©ments qui entourent son chef ne sont pas dâun moral Ă la hauteur de la tĂąche qui leur incombe. » Extraits citĂ©s par Munholland 1981, p. 48.
- Munholland 1981, p. 50. Un coup dâĆil sur une carte permet de voir les distances entre les diffĂ©rentes localitĂ©s et de mieux comprendre les difficultĂ©s des opĂ©rations. Par commoditĂ©, les distances sont exprimĂ©es en km et non en mille nautiques comme il est dâusage pour les opĂ©rations navales. Ă lâEst, presque 300 km sĂ©parent par mer Odessa et SĂ©bastopol. Kherson et NikolaĂŻev sont relativement proches dâOdessa, mais Kertch est Ă lâextrĂ©mitĂ© Est de la presquâĂźle de CrimĂ©e, soit Ă peu prĂšs 200 km par mer de SĂ©bastopol. Marioupol, au fond de la mer dâAzov est Ă peu prĂšs Ă 600 km de SĂ©bastopol par mer. En contournant la CrimĂ©e par mer, prĂšs de 900 km sĂ©parent Odessa de Marioupol, les deux ports les plus Ă©loignĂ©s oĂč ont dĂ©barquĂ© les Français. Comme aucune garnison ne peut porter secours Ă une autre par voie de terre en cas de difficultĂ©, le rĂŽle de la Marine, qui porte Ă bout de bras toute la logistique, est absolument essentiel.
- Munholland 1981, p. 50.
- Câest le cas par exemple de Jacques Sadoul, un officier de rĂ©serve faisant partie de la mission envoyĂ©e en Russie au moment de la premiĂšre rĂ©volution et ralliĂ© au Bolchevisme. Il Ă©crit un pamphlet, « Vive la RĂ©publique des Soviets », depuis Kiev Ă lâadresse des soldats et marins, Munholland 1981, p. 49. On peut citer aussi lâexemple de Jeanne Labourbe, une Parisienne vivant en Russie depuis longtemps et ayant adhĂ©rĂ© dĂšs la premiĂšre heure aux idĂ©es bolcheviques. Elle vient Ă Odessa pour imprimer et diffuser des tracts et affiches en français Ă lâadresse des troupes dâintervention. ArrĂȘtĂ©e avec son groupe, elle est fusillĂ©e le 2 mars 1919 par les forces blanches, ce qui fait immĂ©diatement dire Ă certains que lâarmĂ©e française sâest rendue complice de cette affaire. Cette derniĂšre nâa pourtant appris le drame quâaprĂšs coup car elle nâĂ©tait pas au courant de la prĂ©sence de Jeanne Labourbe Ă Odessa. Site palicia.blogspot.fr Jeanne Labourbe, une Lapalissoise dans la RĂ©volution russe. Voir aussi le site militant collectif-smolny.org qui donne quelques dĂ©tails sur cette affaire dâaprĂšs le rĂ©cit dâAndrĂ© Marty, p. 190 Ă 200.
- Un officier notera plus tard : « il paraitrait que nos soldats ne voulaient pas se battre contre les Bolcheviques, non parce quâils sont bolcheviques eux-mĂȘmes, mais simplement parce ce quâils trouvaient stupide de se battre. » Un officier franco-russe originaire dâOdessa, le colonel Freydenberg Ă©crit que « les soldats français qui ont sauvĂ© leur vie Ă la Marne et Verdun ne veulent pas la perdre dans les plaines russes. » CitĂ© par Munholland 1981, p. 50.
- Munholland 1981, p. 50. DĂšs novembre 1918, c'est-Ă -dire avant que ne soit vĂ©ritablement lancĂ©e lâintervention en mer Noire, des actes dâinsubordination sont notĂ©s dans les troupes françaises dĂ©barquĂ©es en Russie septentrionale, Facon 1977, p. 456. Les dĂ©sordres touchent aussi lâarmĂ©e britannique. En septembre 1918, une compagnie dĂ©barquĂ©e en Russie septentrionale refuse dâattaquer un village tenu par lâArmĂ©e rouge. Clifford Kinvig, Churchill's Crusade : The British Invasion of Russia 1918-1920, Londres, 2006.
- Il demande huit divisions roumaines, trois grecques et neuf divisions françaises politiquement « trĂšs fiables », Ă moins dâ« envisager la retraite rapide de tous nos Ă©lĂ©ments, quelles que puissent ĂȘtre les consĂ©quences morales immĂ©diates. » Munholland 1981, p. 51.
- Il sâagit du 58e rĂ©giment dâinfanterie et du 2e rĂ©giment de montagne Charpy 2011, p. 277
- Barré 1983, p. 44
- BarrĂ© 1983, p. 44. Le problĂšme se pose aussi dans le grand port dâOdessa. Seul le Jules Michelet y est Ă mĂȘme de franchir les jetĂ©es, rejoint difficilement par le Mirabeau qui a dĂ» ĂȘtre allĂ©gĂ© dâune partie de son charbon. Ibid..
- Munholland 1981, p. 52.
- Meyer et Acerra 1994, p. 334. Il sâagit dâhommes du 176e rĂ©giment dâinfanterie. Facon 1977, p. 456.
- Il sâagit du mouilleur de mines Pluton, des avisos Algol, Altair, Aldebaran, et du torpilleur Mameluck. Munholland 1981, p. 52.
- Munholland 1981, p. 53.
- Meyer et Acerra 1994, p. 334. Taillemite 2002, p. 387-388.
- Il sâagit des compagnies de dĂ©barquement des avisos Scarpe, Hussard, PhĂ©nix et Enseigne Henry
- Munholland 1981, p. 54.
- Munholland 1981, p. 55.
- Munholland 1981, p. 56-57.
- BarrĂ© 1983, p. 44. Franchet dâEsperey demandera cependant un peu plus tard le remplacement des gĂ©nĂ©raux Nerel et Borius, qui « ne possĂ©daient plus lâesprit et lâĂ©nergie indispensable » pour participer Ă lâintervention. CitĂ© par Munholland 1981, p. 62. La prise du pouvoir par les communistes en Hongrie, le 21 mars, fait aussi redouter une guerre sur les arriĂšres des forces françaises qui stationnent en Roumanie.
- « Aucun envoi de vivres nâĂ©tant arrivĂ© de France, la ville est depuis hier sans nourriture autre que celle que le gĂ©nĂ©ral DâAnselme a dĂ» distribuer sur les dĂ©pĂŽts militaires. Situation alimentaire sans remĂšde⊠Afin dâĂ©viter une catastrophe, je donne ordres pour Ă©vacuation ville dâOdessa, dâabord de la population civile alliĂ©e puis des troupes. » CitĂ© par BarrĂ© 1983, p. 44
- 50 000 personnes selon Munholland 1981, p. 56-57. 10 000 civils étrangers et 50 000 Russes protégés par les cuirassés Justice et Jean-Bart, les croiseurs Jules-Michelet et Bruix, les avisos Aldebaran, Spahi, Dehorter, Mameluck, ainsi que divers bùtiments étrangers selon le site marietjj.com.
- CitĂ© par BarrĂ© 1983, p. 44. Franchet dâEsperey est un excellent gĂ©nĂ©ral qui a fait ses preuves dans les Balkans oĂč il a donnĂ© la victoire Ă la France Ă lâautomne 1918.
- Munholland 1981, p. 59-60.
- Participent au bombardement les cuirassés France, Jean Bart, Vergniaud, Justice, le croiseur Du Chayla, le torpilleur Dehorter, des navires grecs et le porte-avion britannique HMS Empress.
- Barré 1983, p. 50.
- AndrĂ© Marty dira plus tard que lâobjectif Ă©tait « de nous emparer par surprise du Protet (âŠ) et de nous rĂ©fugier dans un port tenu par les Bolchevicks. LĂ nous gardions comme otages les officiers, renvoyions en France les officiers mariniers et les matelots qui ne voulaient pas marcher, complĂ©tions notre Ă©quipage avec les dĂ©serteurs et nous tenions prĂȘts sous pavillon rouge Ă porter secours aux camarades. Avec un cuirassĂ© organisĂ© comme nous, nous venions Ă Marseille et lĂ , face au pays, otages Ă bord, exigeons le retour en France de lâimmense flotte Amet. » CitĂ© par BarrĂ© 1983, p. 50.
- Barré 1983, p. 47.
- « Les mesures essentielles de sĂ©curitĂ© sont prises : fermeture des cloisons transversales cuirassĂ©es, enlĂšvement des armes des rĂąteliers, mise Ă lâabri des clĂ©s des soutes, surveillance renforcĂ©e de celles-ci. » Rapport citĂ© par BarrĂ© 1983, p. 47.
- Barré 1983, p. 48-49.
- Charpy 2011, p. 277.
- Masson 1995, p. 349 à 367. Pages citées sur le site Forum Pages d'Histoire aviation marine 1914-1918.
- Un drapeau rouge, volé dans un coffre au début de la mutinerie, est remis à sa place à la fin de celle-ci sans avoir servi. Masson 1995, p. 349 à 367.
- Taillemite 2002, p. 387-388.
- Charpy 2011, p. 278.
- Meyer et Acerra 1994, p. 331.
- Marc Ferro, dâaprĂšs un article de Jean MassĂ©, dans les Feuillets documentaires rĂ©gionaux, no 8, 1969, Marseille, disponible sur le site persee.fr.
- La censure sur la presse nâest levĂ©e par le gouvernement Clemenceau que le 12 octobre 1919, soit presque un an aprĂšs la signature de lâarmistice et presque quatre mois aprĂšs la conclusion du traitĂ© de paix, ce qui tĂ©moigne, en creux, de lâatmosphĂšre encore trĂšs guerriĂšre de lâannĂ©e 1919. Becker 1996, p. 127.
- Charles Tillon, La révolte vient de loin, Paris, Union générale d'édition, coll. « 10/18 » (no 671), , 446 p.
- Meyer et Acerra 1994, p. 335-338.
- Masson 1995
- Barré 1983, p. 46.
- Il est remorqué vers Toulon au moment de l'évacuation de Sébastopol. Fiche du cuirassé sur le site navires-14-18.com.
- Winter et Baggett 1997, p. 343-345.
- BarrĂ© 1983, p. 50. Site canalblog.com, dâaprĂšs un article de lâEcyclopedia Universalis
- Le dĂ©putĂ© Ămile Goude cite Ă la Chambre cette lettre dâun marin mutinĂ© du Jean-Bart le 12 juin 1919. Son contenu montre la lassitude des hommes engagĂ©s dans une guerre quâils ne comprennent pas mais aussi lâabsence de revendication de type rĂ©volutionnaire malgrĂ© la prĂ©sence du drapeau rouge : « Nous ne voulons rien. Nous nâavons rien contre vous, ni contre les officiers, mais nous vous dĂ©clarons que si vous voulez nous ramener en France, nous vous laissons votre autoritĂ© ; sinon, Ă partir de ce moment-ci, câest nous qui prenons, au nom de lâĂ©quipage, toutes les responsabilitĂ©s. [âŠ] Nous ne voulons pas faire cette guerre qui nâest pas votĂ©e par le Parlement. Nous voulons retourner en France. [âŠ] Le lendemain, le 20 au matin, le jour de PĂąques, le pavillon rouge est hissĂ© Ă bord des bĂątiments de guerre. M. de KerhĂ©zec (NDLA : dĂ©putĂ© intervenu avant lâorateur) vous disait quâils ne cherchaient pas Ă renier par lĂ leur qualitĂ© de Français, car le pavillon français Ă©tait lui aussi, hissĂ© dans les formes ordinaires, je mâempresse de le confirmer. Pendant quatre jours, les pourparlers ont continuĂ© et, au bout de ce temps, le commandant dâabord, lâamiral ensuite, ont acquiescĂ© au dĂ©sir des dĂ©lĂ©guĂ©s, Ă savoir que les bĂątiments rentreraient en France, que les hommes ne participeraient plus Ă la tuerie, Ă lâassassinat des populations russes, et quâen arrivant en France, il nây aurait aucune sanction, mais quâau contraire les hommes seraient envoyĂ©s en permission. » (Charpy 2011, p. 277). Voir aussi le tĂ©moignage de Jean Le Lann, un marin de Plougastel-Daoulas, qui se trouvait Ă bord du Jean-Bart : Yann Tanguy, « Jean Le Lann, un Plougastel tĂ©moin des mutineries de la mer Noire », sur Wiki-Brest (consultĂ© le ).
- Charpy 2011, p. 278
- AndrĂ© Marty Ă©tait Ă©lĂšve officier en 1914. Il est dĂ©crit Ă ce moment-lĂ comme un excellent Ă©lĂ©ment, mais renfermĂ©, voire aigri. Voisin 1995, p. 704. Jean-Luc BarrĂ© le prĂ©sente aussi comme un faible tacticien, violent de surcroit et dĂ©testĂ© par bon nombre de ses hommes, ce qui explique la facilitĂ© avec laquelle son complot a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©. Son niveau exact d'engagement auprĂšs des Bolcheviques en 1919 reste mal connu. ArrĂȘtĂ© dans la nuit du 16 avril vers 23 heures, il a Ă©tĂ© placĂ© aux arrĂȘts dans sa cabine sans avoir Ă©tĂ© fouillĂ© auparavant, ce qui lui a permis de faire disparaĂźtre d'Ă©ventuels documents compromettants, BarrĂ© 1983, p. 50.
- BarrĂ© 1983, p. 50. Le gouvernement britannique fait la mĂȘme dĂ©marche. Sur la compagnie de Tommies qui sâĂ©tait mutinĂ©e en septembre 1918 en Russie septentrionale, 93 hommes ont Ă©tĂ© traduits en cour martiale et 13 ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă mort, sans compter les peines de prison. Câest bien plus sĂ©vĂšre que les jugements rendus par la justice militaire française au vu du nombre presque Ă©gal de prĂ©venus. Mais en dĂ©cembre 1919, Ă la suite d'une saisie de plusieurs membres de la Chambre des communes, la sentence est cassĂ©e et les peines rĂ©duites. Clifford Kinvig, Churchill's Crusade : The British Invasion of Russia 1918-1920, Londres, 2006.
- Meyer et Acerra 1994, p. 333. AndrĂ© Marty est Ă©lu au Soviet de Moscou par les ouvriers de lâusine Dynamo alors quâil est encore incarcĂ©rĂ©.
- La rĂ©volte de la Mer Noire (1925, Paris : L'avant-garde, rĂ©Ă©ditĂ©, augmentĂ© et remaniĂ© en 1929 et 1932). Les heures glorieuses de la mer Noire, (Ăditions du Parti Communiste français, 1949, rĂ©Ă©ditĂ© en 1999.)
- Alors mĂȘme que le Mirabeau n'est pas le navire qui a Ă©tĂ© le plus touchĂ© par les mutineries. Le film apparait comme un dĂ©calque du CuirassĂ© Potemkine tournĂ© en 1925. Un remake est tournĂ© en 1966, LâEscadre appareille vers lâOuest. Lubomir Hosejko, sur le site kinoglaz.fr.
- Site du Service Historique de la DĂ©fense, janvier 2010.
- TrĂšs sĂ©vĂšres avec cette affaire il est vrai peu Ă la gloire de Clemenceau, Martine Acerra et Jean Meyer rĂ©trogradent lâintervention au rang dâ« aventure » « utopique », « dĂ©raisonnable » et « peu rĂ©flĂ©chie », (Meyer et Acerra 1994, p. 337).
- Meyer et Acerra 1994, p. 337.
- Londres et Washington estiment au lendemain de sa signature que le TraitĂ© de Versailles est trop sĂ©vĂšre avec lâAllemagne. Washington refuse mĂȘme de le ratifier et nâentre donc pas Ă la SDN, un organisme pourtant crĂ©e sur proposition du PrĂ©sident amĂ©ricain.
- Meyer et Acerra 1994, p. 329-330.
- La Marine a perdu entre 1914 et 1918, (sans compter les unités auxiliaires) : 4 cuirassés, 5 croiseurs cuirassés, 1 croiseur léger, 16 destroyers et 12 sous-marins. Meyer et Acerra 1994, p. 326-327.
- Câest particuliĂšrement le cas des nombreux cuirassĂ©s PrĂ©-Dreadnought dont est pourvue la flotte. Meyer et Acerra 1994, p. 338. Le Mirabeau, qui en fait partie, nâest dâailleurs pas remis en ligne. Ses avaries, Ă la suite de son Ă©chouage devant SĂ©bastopol, sont jugĂ©es trop couteuses pour ĂȘtre rĂ©parĂ©es, compte tenu de sa faible utilitĂ© militaire, pages14-18, extraits du rapport de l'ingĂ©nieur du gĂ©nie maritime Ricaud (mai 1919). Sur le moment, lâintervention en mer Noire coĂ»te donc un cuirassĂ© de plus Ă la flotte.
- Taillemite 2002, p. 335-336
- Meyer et Acerra 1994, p. 338-342.
Voir aussi
Sources et bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- César Fauxbras, Mer Noire : les mutineries racontées par un mutin, Flammarion, , 259 p. (OCLC 459505615)
- AndrĂ© Marty (prĂ©f. de Marcel Cachin), La rĂ©volte de la Mer Noire, Paris, Ăditions Sociales, , 670 p. (OCLC 577427473)
- Patrick Facon, « Les mutineries dans le Corps expĂ©ditionnaire français en Russie septentrionale », Revue dâhistoire moderne et contemporaine,â , p. 456
- Jacques Raphaël-Leygues et Jean-Luc Barré, Les Mutins de la Mer Noire, Paris, Plon, (1re éd. 1981), 232 p. (ISBN 2-259-00781-3)
- Philippe Masson, La Marine française et la mer Noire : 1918-1919, Paris, Ăditions de la Sorbonne, (rĂ©impr. Publications de la Sorbonne Para-universitaires) (1re Ă©d. 1982), 669 p. (ISBN 2-85944-055-0)
- Jean-Luc BarrĂ©, « Les mutins de la mer Noire », Connaissance de lâHistoire, Ă©ditions Hachette, no 54,â
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines Ă nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [dĂ©tail de lâĂ©dition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Michel VergĂ©-Franceschi (dir.), Dictionnaire dâHistoire maritime, Paris, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0).
- Ătienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [dĂ©tail de lâĂ©dition] (ISBN 978-2847340082)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
- Yves Charpy, Paul-Meunier : Un dĂ©putĂ© aubois victime de la dictature de Georges Clemenceau, Paris, Ăditions L'Harmattan, , 392 p. (ISBN 978-2-296-13704-2, lire en ligne), p. 277
- Jean-Jacques Becker, LâEurope dans la Grande Guerre, Ă©ditions Belin,
- Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de lâHistoire, Rennes, Marines Ăditions, , 620 p. (ISBN 978-2-35743-077-8)
- Jay Winter et Blaine Baggett, 14-18, la Grande Guerre, éditions Presses de la Cité, , 432 p. (ISBN 978-2-258-04809-6)
- Jean-Louis Voisin (dir.), Dictionnaire des personnages historiques, Le Livre de poche, coll. « PochothĂšque EncyclopĂ©die Aujourdâhui » (no 3011), (ISBN 2-253-13028-1)
- François Cochet et RĂ©my Porte, Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, Ăditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
- Alain Boulaire, La Marine française : De la Royale de Richelieu aux missions d'aujourd'hui, Quimper, éditions Palantines, , 383 p. (ISBN 978-2-35678-056-0)
- Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
Articles connexes
- Histoire de la marine française
- Mutineries de Kiel
- Intervention alliée pendant la guerre civile russe
- La vague révolutionnaire de 1919 en Europe
- Ăvacuation d'Odessa (1919)
- Intervention militaire alliée en Ukraine (ru)
Liens externes
- Le rĂ©cit de la mutinerie sur le Waldeck-Rousseau : extrait de lâouvrage de Philippe Masson sur pages14-18.mesdiscussions.net (1982).
- Le compte-rendu de lâagitation rĂ©volutionnaire Ă Toulon et sur le Provence, par Marc Ferro, sur le site persee.fr (1969).
- (en) John Kim Munholland, « The French army and intervention in Southern Russia, 1918-1919 », Cahiers du monde russe et soviĂ©tique, vol. 22, nos 22-1,â , p. 43-66 (lire en ligne)